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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> STELIAN ROSCA v. ROMANIA - 5543/06 - Chamber Judgment (French Text) [2013] ECHR 495 (04 June 2013)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2013/495.html
Cite as: [2013] ECHR 495

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    TROISIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE STELIAN ROŞCA c. ROUMANIE

     

    (Requête no 5543/06)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

     

    STRASBOURG

     

    4 juin 2013

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


    En l’affaire Stelian Roşca c. Roumanie,

    La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

              Josep Casadevall, président,
              Alvina Gyulumyan,
              Ján Šikuta,
              Luis López Guerra,
              Kristina Pardalos,
              Johannes Silvis,
              Valeriu Griţco, juges,
    et de Santiago Quesada, greffier de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 14 mai 2013,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE


  1. .  A l’origine de l’affaire se trouve une Requête (no 5543/06) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Stelian Roşca (« le requérant »), a saisi la Cour le 28 décembre 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

  2. .  Le requérant a été représenté par Me M. Diaconescu, avocate à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été successivement représenté par Mme I. Cambrea, puis par Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

  3. .  Le requérant allègue, sur le terrain des articles 5 §§ 1 et 5 de la Convention, d’avoir été à plusieurs reprises privé de sa liberté, à la suite d’une demande de son ancien employeur visant à sa mise sous interdiction, et de ne pas avoir pu obtenir réparation pour ces détentions qu’il estime irrégulières. Citant les articles 6 § 1, 8 et 13 de la Convention, il allègue en outre de n’avoir bénéficié ni d’un procès équitable devant les tribunaux internes chargés d’examiner la demande visant à sa mise sous interdiction ni d’un recours effectif pour obtenir la reconnaissance et la réparation de l’atteinte portée par les autorités et par son ancien employeur à sa réputation.

  4. .  Le 21 mai 2012, la Requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

  5. .  A la suite du déport de M. Corneliu Bîrsan, juge élu au titre de la Roumanie (article 28 du règlement de la Cour), le président de la chambre a désigné Mme Kristina Pardalos pour siéger en qualité de juge ad hoc (articles 26 § 4 de la Convention et 29 § 1 du règlement de la Cour).
  6. EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE


  7. .  Le requérant est né en 1940 et réside à Constanța.

  8. .  En 1990, M. Roşca fut licencié par la Régie autonome des transports en commun de la ville de Constanţa (ci-après la « RATC ») à cause de ses absences. En 2000 à la suite d’une contestation du requérant, le tribunal départemental de Constanţa annula la décision de licenciement, qu’il estimait injustifiée, et ordonna la réintégration de M. Roşca sur son ancien poste. A la suite du refus de la RATC de se conformer à cette décision, le requérant l’assigna en justice afin de le condamner de lui payer des dommages-intérêts. Le requérant entama en parallèle plusieurs procédures à l’encontre de son ancien employeur ou de ses cadres dirigeants, invoquant la méconnaissance par eux de différentes dispositions du code civil ou pénal.
  9. A.  La procédure de mise sous interdiction du requérant

    1.  La demande de la RATC


  10. .  Le 18 octobre 2001, la RATC demanda au parquet d’ordonner l’internement du requérant dans un hôpital psychiatrique et, si possible, de le mettre sous interdiction. Elle faisait valoir qu’elle était exaspérée par les nombreuses procédures judiciaires entamées par lui contre elle ou contre ses cadres dirigeants, qui étaient de nature à perturber son fonctionnement. Elle notait en outre que le requérant était inscrit dans les registres de la policlinique no 2 de Constanţa comme souffrant d’une maladie chronique - une psychose paranoïde - pour laquelle il avait suivi un traitement.
  11. 2.  La procédure devant le parquet


  12. .  Le 21 novembre 2001, le parquet demanda au laboratoire de médecine légale de Constanţa d’examiner le requérant et de dresser un rapport complet sur son état de santé mentale. En vue de cet examen, le parquet délivra deux mandats d’amener fondés sur l’article 183 du code de procédure pénale, par lesquels il demandait aux organes de police d’assurer la présence du requérant au laboratoire en question le 29 novembre 2001 et le 6 décembre 2001, dans le cadre d’une procédure visant à sa mise sous interdiction.

  13. .   Les épisodes du 29 novembre et du 6 décembre 2001 font l’objet de versions divergentes des parties.
  14. Version du requérant. Pendant qu’il se trouvait dans les locaux du tribunal départemental de Constanţa, deux agents de police en uniforme et armés s’approchèrent de lui et lui demandèrent, devant de nombreux passants, de les suivre et de monter dans un véhicule appartenant à la RATC. Le requérant refusa et leur en demanda la raison. Les policiers lui indiquèrent qu’un mandat d’amener avait été délivré par le parquet à son encontre et le menacèrent d’utiliser les menottes s’il refusait de monter dans le véhicule. Vu le nombre important de passants qui assistaient à l’incident, le requérant accepta de suivre les policiers pour éviter d’être menotté. Arrivé au parquet, il demanda à voir le procureur qui avait délivré le mandat. Celui-ci donna l’ordre que le requérant soit conduit au laboratoire de médecine légale de Constanţa pour subir une expertise psychiatrique. Les policiers conduisirent le requérant au laboratoire en question. L’examen psychiatrique dura un peu plus de quatre heures et fut mené par deux médecins psychiatres. Pendant le déroulement de cet examen, un policier était présent dans la pièce. Le requérant demanda aux médecins de ne pas l’interner comme ils le souhaitaient et leur fit part de ses affections cardiologiques qui nécessitaient un traitement qu’il ne pouvait pas interrompre. A la fin de l’examen, les policiers raccompagnèrent le requérant dans le centre-ville de Constanţa et le relâchèrent. A cause du stress causé par cet incident, le requérant, qui souffrait de diabète et d’hypertension artérielle, eut un malaise et perdit connaissance dans la rue. Les passants lui donnèrent les premiers secours et l’aidèrent à se relever.


  15. .  Le 6 décembre 2001, le requérant fut à nouveau arrêté en pleine rue par des policiers en uniforme et armés, qui le conduisirent au même laboratoire de médecine légale. Il y subit un nouveau contrôle psychiatrique qui dura cinq à six heures. Les médecins qui l’avaient alors examiné l’informèrent que la RATC insistait qu’il soit interné pour une durée de six semaines. A la fin de l’examen, les policiers le raccompagnèrent au centre de la ville et le relâchèrent. Selon ses dires, le requérant, qui souffrait d’affections cardiologiques, vit son état de santé empirer à la suite de cet incident.

  16. .  Version du Gouvernement. Le 29 novembre et le 6 décembre 2001, le requérant fut conduit au laboratoire de médecine légale de Constanța par les agents de police chargés d’exécuter les mandats d’amener délivrés par le parquet. Le transport du requérant fut effectué par un véhicule appartenant à la RATC. Pendant le transport, les policiers n’exercèrent aucune forme de violence sur le requérant et l’informèrent du but de leur déplacement au laboratoire en question. Arrivé sur les lieux, le requérant y fut soumis à deux expertises, la durée de chacune n’ayant pas excédé une heure et trente minutes, selon les informations contenues dans une lettre envoyée par le laboratoire en question le 26 juin 2012 au ministère des Affaires étrangères.

  17. .  Le rapport d’expertise psychiatrique rédigé à la suite des contrôles réalisés les 29 novembre et 6 décembre 2001 par le laboratoire de médecine légale de Constanţa concluait que le requérant souffrait de troubles délirants persistants avec un délire de revendication. Il faisait état de ce que le requérant était dépourvu de discernement et qu’il ne pouvait pas défendre ses propres intérêts. Il estimait nécessaire qu’il soit mis sous interdiction.

  18. .  Se fondant sur ce rapport d’expertise, le parquet demanda le 5 février 2002 au tribunal de Constanţa la mise sous interdiction du requérant au motif qu’il souffrait d’un trouble délirant de personnalité et que son discernement était aboli.
  19. 3.  La procédure devant les juridictions nationales


  20. .  En 2002, le requérant fut cité à comparaître devant le tribunal départemental de Constanţa, compétent pour examiner le bien-fondé de la demande du parquet. Craignant un manque d’impartialité du tribunal, le requérant demanda que sa cause soit renvoyée à une autre juridiction. La Haute Cour de justice et de cassation fit droit à sa demande et renvoya l’affaire pour examen au tribunal départemental de Dâmboviţa.

  21. .  Dans sa demande reconventionnelle, le requérant demanda la condamnation de la RATC à des dommages-intérêts d’un montant de 37 000 euros pour réparer le préjudice grave causé par la demande abusive qu’elle avait adressée au parquet en vue de son internement dans un hôpital psychiatrique, ainsi que par l’exécution abusive des deux mandats d’amener délivrés par le parquet, en méconnaissance des dispositions légales et dans des circonstances de nature à léser son honneur et sa dignité. Il faisait valoir qu’il avait été pris de force par des policiers en présence de dizaines de personnes qui se trouvaient, comme lui, dans les locaux d’un tribunal, et transporté contre son gré et à deux reprises à l’institut de médecine légale de Constanţa où il avait été gardé chaque fois environ cinq heures, ce qui l’avait empêché de suivre le traitement médical pour ses affections cardiaques, qui s’étaient aggravées. Il demandait en outre l’annulation des mandats d’amener émis en méconnaissance des dispositions de la loi et du rapport d’expertise psychiatrique rédigé par le laboratoire de médecine légale de Constanţa. Pour étayer sa demande, le requérant fournit une copie des mandats de comparution ainsi que d’articles de presse susceptibles de prouver que son image avait été ternie à la suite des déclarations du directeur de la RATC et de la manière dont il avait été pris de force par des policiers pour être amené au laboratoire médical de Constanţa. Il fournit également des déclarations d’anciens collègues de travail, qui attestaient qu’il avait eu une bonne conduite sur son ancien lieu de travail, ainsi qu’une décision d’une association des participants à la révolution de 1989 qui le suspendait de sa fonction de vice-président après qu’il eut été arrêté par des policiers le 29 novembre 2001.

  22. .  Le tribunal demanda au maire de Constanţa de désigner un curateur pour le requérant, comme l’exigeait l’article 30 du décret no 32 du 30 décembre 1954 (paragraphe 39 ci-dessous). Le 2 octobre 2003, le maire désigna Mme L.B., la compagne du requérant, en tant que curatrice.

  23. .  Plusieurs audiences publiques eurent lieu devant le tribunal qui, à la demande du requérant, entendit les témoins T., F., P. et V. Le tribunal ordonna qu’une nouvelle expertise psychiatrique soit réalisée par l’Institut national de médecine légale « Mina Minovici », en vue d’établir, sur le fondement des documents médicaux existants et d’un nouvel examen du requérant, s’il présentait ou non des affections de nature à diminuer sa capacité d’apprécier les faits, ses actes et les conséquences qui en découlaient. Le tribunal informa le requérant, qui ne s’était pas présenté à l’audience publique du 15 avril 2004, qu’il devait se rendre à l’Institut national de médecine légale afin que cette autorité effectue une nouvelle expertise de son état de santé.

  24. .  Le 27 avril 2004, le requérant se rendit à l’Institut national « Mina Minovici », où il fut examiné par une commission d’expertise médicolégale. Elle estima alors que l’internement du requérant dans un hôpital psychiatrique était nécessaire, pour pouvoir établir son diagnostic.

  25. .  Le 27 avril 2004, le requérant fut admis à l’hôpital psychiatrique « Al. Obregia ». Il y resta jusqu’au 11 mai 2004 pour les besoins de l’expertise que l’Institut devait mener. Selon les informations transmises le 8 juin 2012 par l’Institut national à l’agent du Gouvernement roumain, l’internement du requérant fut volontaire.

  26. .  Le 27 octobre 2004, l’Institut national « Mina Minovici » rendit son rapport d’expertise. Il en ressortait que le requérant avait la capacité psychique nécessaire pour apprécier le contenu et les conséquences socio-juridiques de son propre comportement et pour décider en toute autonomie de ses propres intérêts. Le rapport indiquait que le requérant n’avait pas par rapport à son ancien employeur, la RATC, un esprit plus procédurier (littéralement : « judiciaire ») et revendicatif que la normale, notamment si l’on tenait compte des conflits qui les avaient opposés, et soulignait que le requérant avait la capacité de se défendre, de motiver et d’argumenter de façon correcte et logique. La conclusion du rapport était qu’il n’était pas nécessaire de mettre le requérant sous interdiction.

  27. .  Lors de l’audience du 2 décembre 2004, le tribunal prit note du contenu du rapport dressé par l’Institut national. Le requérant porta à 50 000 euros le montant des dommages-intérêts réclamés à titre de réparation du préjudice moral que les demandes abusives de la RATC lui avaient causé.

  28. .  Par un jugement du 22 décembre 2004, le tribunal départemental de Dâmboviţa rejeta la demande de mise sous interdiction du requérant, qu’il estima non fondée. Le tribunal accueillit en partie la demande reconventionnelle du requérant et condamna la RATC à lui verser 400 millions de lei (soit l’équivalent d’environ 10 000 euros à la date des faits) pour compenser le préjudice moral qu’elle lui avait causé par sa demande abusive, qui avait entraîné une atteinte injustifiée à son droit au respect de son honneur et de sa réputation, garanti par l’article 8 de la Convention. Le tribunal retint que, par la manière dont les autorités avaient exécuté les mandats de comparution, en s’emparant du requérant dans des endroits publics, où il y avait des personnes qui le connaissaient, comme en attestaient les déclarations des témoins T., V. et P., et en le gardant un laps de temps relativement long pour qu’il soit soumis à une expertise médicale psychiatrique, l’image sociale du requérant avait été indûment tachée.
  29. Le tribunal souligna que l’existence de plusieurs litiges entre le requérant et la RATC, consécutifs à son licenciement abusif, ne pouvait pas constituer un motif de mise sous interdiction tant qu’aucun tribunal n’avait constaté que le requérant aurait commis un abus de droit.

    Le tribunal rejeta comme non fondée la demande du requérant tendant à l’annulation des mandats d’amener et du rapport d’expertise psychiatrique rédigé par le laboratoire de médecine légale de Constanţa. Le fait que les mandats en question contenaient des erreurs matérielles n’était pas une cause d’annulation. Quant au rapport d’expertise, il constituait simplement un élément de preuve dont l’interprétation et l’appréciation relevaient de la compétence du tribunal.


  30. .  Tant la RATC que le requérant interjetèrent appel de ce jugement. La RATC nota qu’elle ne pouvait pas être tenue responsable de la manière dont les mandats d’amener avaient été mis à exécution par les autorités et qu’elle s’était simplement limitée à saisir les organes judiciaires compte tenu du grand nombre de litiges déclenchés contre elle par le requérant. Le requérant demanda une augmentation du montant des dommages-intérêts alloués compte tenu de l’atteinte grave et irrémédiable à son image publique et à sa réputation. Il faisait valoir qu’à la suite de la demande de la RATC visant à sa mise sous interdiction, il avait été suspendu de la fonction de vice-président qu’il occupait dans l’association des participants à la révolution. Il fournit la décision de l’association en question, qui indiquait que cette suspension était valable « jusqu’à ce que la procédure judiciaire relative à l’arrestation du requérant le 29 novembre 2001 par deux agents de police en uniforme soit terminée ».

  31. .  Par un arrêt du 11 juillet 2005, la cour d’appel de Ploieşti, dans une formation de jugement incluant les juges A.I. et M.D., rejeta les appels des deux parties. Elle estima que le montant des dommages-intérêts au paiement duquel le tribunal avait condamné la RATC était proportionné à l’importance des valeurs morales lésées par ses agissements et aux conséquences subies par le requérant sur un plan social et professionnel. Elle nota qu’à la même époque que celle qui avait suivi l’introduction de la demande de mise sous interdiction du requérant par la RATC, une série d’articles étaient parus dans la presse locale au sujet de l’état de santé mentale du requérant, ce qui avait affecté son image publique et lui avait causé un état de stress qui avait aggravé les affections cardiaques dont il souffrait.

  32. .  Le requérant et la RATC se pourvurent en recours. Le requérant faisait valoir que les exigences de la loi pour l’émission des mandats d’amener n’avaient pas été respectées en l’espèce et demanda l’annulation desdits mandats. Il souligna qu’à la suite de la demande de la RATC visant à sa mise sous interdiction, il avait été étiqueté comme « fou » et son épouse avait demandé le divorce. De son côté, la RATC demandait l’annulation de sa condamnation au paiement de dommages-intérêts.

  33. .  Devant la cour d’appel de Ploieşti, compétente pour juger le pourvoi en recours des parties à la suite de la modification des règles de compétence des tribunaux par la loi no 219 du 6 juillet 2005, deux audiences publiques eurent lieu les 13 et 27 octobre 2005. La formation de jugement de la cour d’appel était composée, à chacune des audiences, des juges E.G., G.V. et M.D.

  34. .   Par un arrêt définitif et irrévocable rendu le 27 octobre 2005, la cour d’appel de Ploieşti accueillit le pourvoi en recours de la RATC et infirma les jugements rendus par les juridictions inférieures en ce qui concernait sa condamnation à payer des dommages et intérêts, qu’elle supprima. Dans ses motifs, elle retint tout d’abord que, pour engager la responsabilité civile délictuelle de la RATC, les tribunaux inférieurs et le requérant auraient dû faire la preuve de sa mauvaise foi dans ses démarches visant à la mise sous interdiction du requérant. Or, aucune preuve n’avait été rapportée en ce sens. La demande de la RATC avait été motivée par une apparence d’anormalité créée par le requérant lui-même, qui avait déclenché un grand nombre de procès contre la RATC et contre différents cadres de celles-ci. Le requérant avait introduit des plaintes pénales contre le directeur de la RATC, qu’il avait ensuite retirées, et d’autres contre huit autres employés, qui avaient donné lieu à une décision de non-lieu. La RATC avait fourni, pour étayer sa demande, des documents médicaux qui attestaient que le requérant avait été interné à plusieurs reprises en 1979 pour psychose paranoïde. Dans ces circonstances, en introduisant une demande de mise sous interdiction du requérant, la RATC n’avait pas agi de mauvaise foi.
  35. D’autre part, la cour d’appel indiqua que la RATC ne pouvait pas être tenue responsable de la manière dont les autorités d’enquête avaient exécuté les mandats d’amener à l’encontre du requérant car elle s’était limitée à saisir le parquet d’une demande de mise sous interdiction. Elle nota que la RATC ne pouvait pas non plus être tenue responsable des autres conséquences auxquelles le requérant faisait référence, notamment le fait que son épouse avait demandé le divorce, qu’il avait été suspendu de sa fonction de vice-président de l’association des participants à la révolution de 1989 ou qu’il était désormais étiqueté comme fou, éléments qu’elle estima sans lien direct avec l’objet de l’action qu’elle avait à trancher.

    La cour d’appel estima par ailleurs que la demande du requérant tendant à l’annulation de ses mandats d’amener était infondée. Elle souligna à cet égard que, dans toute procédure de mise sous interdiction, l’expertise médicolégale psychiatrique était obligatoire et que, si la personne concernée ne se présentait pas de son gré devant la commission d’examen, il était loisible au parquet de délivrer des mandats d’amener. Elle conclut que le parquet avait utilisé, en l’occurrence, un moyen procédural prévu par la loi à l’égard du requérant, dans la mesure où ce dernier n’avait pas donné suite à une invitation du parquet à se présenter de son propre gré au laboratoire médicolégal de Constanţa.

    B.  Démarches visant à faire constater le caractère irrégulier des mandats d’amener et à l’obtention de dommages-intérêts

    1.  Les demandes d’informations du requérant


  36. .  Le 26 janvier 2004, le requérant demanda au procureur en chef du parquet près le tribunal départemental de Constanţa de préciser la date à laquelle il avait prétendument été invité par le parquet à se présenter à l’institut de médecine légale en vue d’une expertise psychiatrique, invitation à laquelle son refus de donner suite aurait justifié qu’un mandat d’amener soit délivré à son encontre dans le cadre de la procédure de mise sous interdiction ouverte à la demande de la RATC (paragraphe 8 ci-dessus).

  37. .  Par une lettre du 5 février 2004, le bureau de police de Constanţa répondit au requérant qu’avant le 29 novembre 2001, date à laquelle les policiers avaient exécuté le mandat d’amener et l’avaient conduit au service de médecine légale de Constanţa, il n’avait fait l’objet d’aucune invitation au bureau de police ou au laboratoire en question.

  38. .  Le 31 octobre 2006, le requérant demanda au président du tribunal départemental de Constanţa copie des invitations par lesquelles le parquet, la police ou le laboratoire de médecine légale de Constanţa l’avaient convoqué en vue d’un examen de son état de santé psychique, et auxquelles il aurait refusé de donné suite, comme l’avait indiqué le représentant du parquet durant la procédure visant à sa mise sous interdiction, circonstance retenue par l’arrêt définitif et irrévocable rendu le 27 octobre 2005 par la cour d’appel de Ploieşti (paragraphes 28 ci-dessus).

  39. .  Le 10 novembre 2006, le vice-président du tribunal lui répondit qu’à la suite des vérifications effectuées, aucune convocation du requérant au service de médecine légale de Constanţa n’avait été trouvée qui fût antérieure à la date à laquelle le parquet avait délivré les mandats d’amener litigieux, exécutés par les policiers les 29 novembre et 6 décembre 2001.
  40. 2.  La procédure judiciaire entamée par le requérant


  41. .  En 2003, le requérant demanda au tribunal départemental de Constanţa d’annuler les mandats d’amener litigieux. Il faisait valoir qu’il n’avait jamais été invité au laboratoire de médecine légale de Constanţa pour se soumettre, de son propre gré, à un examen psychiatrique, exigence pourtant prévue par la loi comme un préalable à la délivrance de mandats d’amener. Dès lors, c’était en méconnaissance des exigences du droit interne par le parquet, devant lequel son ancien employeur avait déposé une demande de mise sous interdiction, qu’il avait été séquestré pendant près de cinq heures par des policiers et forcé de se soumettre à un contrôle psychiatrique. Il demandait la réparation du préjudice moral subi, en faisant valoir qu’à cause de ces abus, sa maladie cardiaque s’était aggravée et qu’il avait été suspendu de sa fonction de vice-président d’une association. Il demandait que la RATC et le parquet soient condamnés à lui verser des dommages-intérêts pour réparer le préjudice moral subi en raison de leurs abus.

  42. .  Par un jugement du 1er septembre 2004, le tribunal rejeta l’action du requérant. Il énonça que les mandats d’amener en question avaient été délivrés par le parquet dans le cadre de la demande de mise sous interdiction du requérant par la RATC, compte tenu du refus du requérant de se présenter de son propre gré aux investigations médicales à la demande des organes d’enquête. Il nota par ailleurs qu’il résultait des déclarations des témoins entendus par le tribunal que le requérant ne s’était pas opposé à l’exécution des mandats par les forces de l’ordre, lesquelles n’avaient ni utilisé la violence physique ni eu recours aux menottes ou à d’autres instruments qui faisaient partie de leur armement.

  43. .  Le requérant interjeta appel, en faisant valoir que l’affirmation du tribunal selon laquelle il aurait refusé de se présenter de son propre gré au laboratoire médical en vue d’une expertise était mensongère. Il demanda la suspension de l’examen de l’affaire au motif qu’une autre procédure visant à sa mise sous interdiction était pendante au rôle du tribunal départemental de Dâmboviţa. La cour d’appel de Constanţa fit droit à sa demande. A une date non précisée, l’affaire fut remise au rôle sur demande du requérant.

  44. .  Par un arrêt du 19 octobre 2006, le tribunal départemental de Constanţa, devenu compétent pour juger l’appel du requérant à la suite de la modification des règles de compétence des tribunaux par la loi no 219 du 6 juillet 2005, rejeta l’appel du requérant. Le tribunal retint qu’il ne ressortait pas des éléments de preuve versés au dossier que les policiers qui avaient exécuté les deux mandats d’amener aient causé au requérant un préjudice engageant leur responsabilité civile délictuelle. En particulier, le requérant n’avait pas prouvé que les policiers en question avaient exercé sur lui des violences physiques ou verbales.

  45. .  Le requérant se pourvut en recours, en faisant valoir qu’il était du devoir des tribunaux internes de vérifier si, à la date où les deux mandats avaient été délivrés, les exigences de la loi avaient été respectées ou non et, notamment, si les mandats d’amener avaient été précédés d’une convocation au laboratoire de médecine légale en vue d’un contrôle de sa santé mentale. Selon lui, la conclusion de la juridiction d’appel selon laquelle il n’avait subi aucun préjudice était abusive tant qu’aucune preuve n’avait été faite qu’il avait refusé de se présenter de son propre gré au laboratoire médicolégal. Son préjudice découlait de la manière dont les mandats en question avaient été exécutés, par des agents des forces de l’ordre en uniforme et armés et dans des endroits publics, nonobstant le fait qu’il était sain et qu’il avait du discernement. En outre les tribunaux avaient ignoré ses éléments de preuve qui attestait qu’il avait subi un préjudice, notamment la décision par laquelle qui il avait été suspendu de sa fonction de vice-président d’une association.

  46. .  Par un arrêt définitif du 14 mars 2007, la cour d’appel de Constanţa rejeta le pourvoi en recours du requérant. Elle jugea que, bien qu’aucune preuve n’ait été faite que les mandats d’amener avaient été précédés d’une convocation au laboratoire médicolégal, son droit à la liberté et à la sûreté garanti par l’article 5 de la Convention n’avait pas été atteint. Selon elle, bien que le résultat des mandats en cause ait été le maintien du requérant, pendant plusieurs heures, au laboratoire de médecine légale de Constanţa, il n’y avait pas là une privation de liberté, au sens de l’article 5 de la Convention. La cour d’appel conclut qu’aucun fait illicite n’avait été commis par la RATC ou par les autorités qui avaient émis ou exécuté les mandats d’amener, et que, par suite, aucune obligation de réparation en faveur du requérant n’avait pu naître.
  47. II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    A.  Le décret-loi no 32 du 30 décembre 1954 sur la mise en application du code de la famille et la pratique en matière d’expertises médicolégales psychiatriques


  48. .  Les dispositions pertinentes du décret no 32 du 30 décembre 1954 (ci-après le décret-loi no 32/1954) étaient à l’époque des faits libellées comme suit :
  49. Article 30

    « Le président du tribunal saisi d’une demande de mise sous interdiction prend des mesures pour que la demande soit communiquée au parquet. Ce dernier effectue les investigations qui lui semblent nécessaires et recueille l’avis d’une commission de médecins spécialistes ou, dans l’hypothèse où la personne concernée se trouve internée dans un établissement hospitalier, l’avis du médecin de l’établissement en question.

    Le président du tribunal saisit  en même temps l’autorité chargée des tutelles pour qu’un curateur soit désigné pour la personne visée par la demande de mise sous interdiction, dans les conditions prévues par l’article 146 du code de la famille. »

    Article 31

    « S’appuyant sur les conclusions du parquet, le tribunal peut ordonner l’internement provisoire de la personne qui fait l’objet de la demande de mise sous interdiction, pour un délai de six semaines au maximum, dans le cas où une mise en observation prolongée de son état de santé s’avère nécessaire selon l’avis d’un médecin spécialiste et si cette observation ne peut pas être réalisée par un autre moyen. »

    Article 32

    « Après avoir reçu le résultat des investigations et l’avis de la commission de spécialistes, le président du tribunal fixe la date du jugement, et convoque les parties. La demande de mise sous interdiction et tous les documents afférents sont notifiés à la personne concernée. »

    Article 33

    « Le tribunal entend les conclusions du parquet. Il entend la personne qui fait l’objet d’une demande de mise sous interdiction, pour se faire une opinion sur son état mental. Si la personne concernée n’est pas capable de se présenter devant le tribunal, elle sera entendue, en présence du procureur, sur le lieu où elle se trouve. »

    Article 34

    « Une fois qu’il a acquis un caractère définitif, le jugement par lequel le tribunal décide la mise sous interdiction d’une personne est publié dans un journal. Le tribunal en informe l’autorité chargée des tutelles pour qu’elle désigne un tuteur dans l’hypothèse où le tribunal a accueilli la demande de mise sous interdiction, ou pour qu’elle mette fin à la curatelle instituée si le tribunal a rejeté la demande. »


  50. .  En vertu de l’article 146 du code de la famille en vigueur à l’époque des faits, le curateur désigné par l’autorité chargée des tutelles était chargé de prendre soin de la personne visée par la demande de mise sous interdiction, ainsi que de son patrimoine, concernant lequel il pouvait accomplir des actes d’administration et de conservation.

  51. .  Les dispositions précitées du décret no 32/1954 ont été abrogées le 1er février 2013, date de l’entrée en vigueur de la loi no 134/2010 sur le nouveau code de procédure civile. Selon les dispositions de la nouvelle loi, le tribunal saisi d’une demande de mise sous interdiction peut ordonner l’internement provisoire de la personne qui fait l’objet de la demande pour un délai de six semaines au maximum, dans le cas où une observation prolongée de son état de santé apparaît nécessaire selon l’avis d’un médecin spécialiste et ne peut être réalisée par un autre moyen. Le tribunal peut désigner un curateur s’il estime qu’en raison de sa maladie, la personne visée par la demande de mise sous interdiction, quoique capable, n’est pas en mesure de défendre ses intérêts de manière adéquate.

  52. .  S’agissant de la pratique interne en matière d’expertises de l’état de santé psychique des personnes visées par une demande de mise sous interdiction, il ressort d’une lettre de l’Institut national de médecine légale « Mina Minovici » adressée au ministère des Affaires étrangères que la commission d’expertise de cet institut peut, aux fins d’établissement d’un diagnostic, demander l’internement de la personne concernée dans un hôpital psychiatrique pour une durée normalement comprise entre 3 et 7 jours. Une période d’internement plus longue n’est possible que dans les cas les plus difficiles, lorsqu’elle s’avère nécessaire pour éclairer le diagnostic. Si la commission d’expertise estime qu’une mesure d’internement est nécessaire pour établir le diagnostic, elle en informe la personne concernée. Si celle-ci refuse de s’y soumettre, l’expertise ne peut pas être effectuée.
  53. B.  La loi no 487 du 11 juillet 2002 sur la santé mentale et la protection des personnes ayant des troubles psychiques (« la loi no 487/2002 »)


  54. .  Les articles 12 et 13 de cette loi prévoient que l’évaluation de l’état de santé mentale d’une personne, dans le but d’établir un diagnostic ou de déterminer si l’intéressé a du discernement, a lieu par le biais d’un examen direct, par un médecin psychiatre, à la demande de la personne en cause lors d’un internement volontaire ou à la demande d’une autorité dans le cas d’un internement forcé.

  55. .  S’agissant de l’internement volontaire, tout patient concerné a le droit de quitter l’hôpital psychiatrique sur simple demande et à tout moment (article 43 de la loi).

  56. .  L’internement forcé ne peut avoir lieu que si toutes les tentatives d’internement volontaire ont échoué (article 44). Il est autorisé lorsqu’un médecin psychiatre estime que la personne concernée souffre de troubles psychiques et peut présenter un danger pour elle-même ou pour autrui, ou lorsqu’elle risque de voir son état de santé se dégrader gravement à défaut de traitement (articles 45 et 46). Il peut être demandé par la famille ou le médecin traitant de la personne concerné, ainsi que par la police, le parquet et les pompiers. Leur demande doit être écrite et indiquer les raisons pour lesquelles ils estiment que l’internement serait nécessaire (article 47). Le transport de la personne concernée à l’hôpital psychiatrique a lieu en règle générale par ambulance. Si le comportement de la personne concernée est dangereux pour elle-même ou pour autrui, le transport s’effectue avec l’aide de la police, des gendarmes ou des pompiers, en respectant l’intégrité physique et la dignité de la personne en cause (article 48).

  57. .  Si le médecin considère qu’il n’y a pas de raisons d’interner la personne concernée, il ne la retient pas en observation et en précise la raison dans la fiche médicale. Si le médecin estime en revanche qu’il y a des raisons de l’interner, il informe la personne concernée et transmet sa décision au parquet ainsi qu’à une commission de contrôle, qui dispose d’un délai de 72 heures pour la valider. La personne concernée et son représentant légal peuvent contester la décision en cause auprès du tribunal compétent (articles 49 à 54).

  58. .  La procédure précitée relative à l’internement psychiatrique non volontaire peut s’appliquer aussi dans le cas où une personne qui avait initialement donné son consentement à l’internement le retire par la suite (article 55).

  59. . Un inventaire plus exhaustif de la législation en vigueur à la date de l’introduction de la présente Requête et la pratique interne pertinente relative à la protection des personnes atteintes de troubles psychiques figure dans les arrêts C.B. c. Roumanie (no 21207/03, § 37, 20 avril 2010), Parascineti c. Roumanie (no 32060/05, §§ 25 et 29, 13 mars 2012) et Cristian Teodorescu c. Roumanie (no 22883/05, §§ 30-40, 19 juin 2012) et B. c. Roumanie (no 2) (no 1285/03, non définitif, 19 février 2013).
  60. C.  Le code de procédure pénale


  61. .  Les dispositions pertinentes du code de procédure pénale en matière de mandats d’amener étaient, à la date des faits, libellées comme suit :
  62. Article 183

    « Toute personne dont la présence est nécessaire et qui, ayant été antérieurement citée à comparaître, est restée en défaut de se présenter de son propre gré, peut être amenée devant l’organe de poursuites pénales ou devant le tribunal sur la base d’un mandat d’amener.

    Le prévenu ou l’inculpé peut faire l’objet d’un mandat d’amener même avant d’avoir été cité à comparaître, si l’organe de poursuites pénales ou le tribunal constate, de façon motivée, qu’une telle mesure s’impose pour le bon déroulement de la procédure. »

    Article 184

    « Le mandat d’amener est exécuté par le biais des autorités de police. »

    D.  Le code civil


  63. .  Les dispositions pertinentes du code civil en vigueur à l’époque des faits sur la responsabilité civile délictuelle étaient libellées comme suit :
  64. Article 998

    « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

    Article 999

    « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION


  65. .  Le requérant allègue avoir fait l’objet d’une détention illégale et non justifiée, tout d’abord le 29 novembre 2001 et le 6 décembre 2001 où, sur demande du parquet, il a été soumis à une expertise médiale psychiatrique dans un laboratoire de médecine légale de Constanţa ; et ensuite, du 27 avril au 11 mai 2004, quand il a été interné dans un hôpital psychiatrique. Il invoque l’article 5 § 1 e) de la Convention, ainsi libellé :
  66. « 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

    e)  s’il s’agit de la détention régulière (...) d’un aliéné (...) »

    A.  Sur la recevabilité


  67. .  Le Gouvernement conteste l’applicabilité de l’article 5 § 1 de la Convention pour les brefs laps de temps passés par le requérant au laboratoire de médecine légale de Constanţa le 29 novembre 2001 et le 6 décembre 2001. Il fait valoir que le laps de temps en question s’élevait, à chaque fois, à environ une heure et trente minutes, ce qui est le temps minimum nécessaire pour effectuer un examen, ainsi qu’il ressort des informations communiquées le 26 juin 2012 par le laboratoire de médecine légale de Constanța à l’agent du Gouvernement roumain. Il estime que les laps de temps en question n’étaient pas suffisamment longs pour que l’article 5 § 1 de la Convention devienne applicable. Quant à la période comprise entre le 27 avril et le 11 mai 2004, le Gouvernement relève que c’est avec l’accord du requérant que ce dernier a été interné, dans son intérêt, à l’hôpital psychiatrique « Al. Obregia » de Bucarest. Il considère, dès lors, que l’internement du requérant dans la période en cause n’entre pas non plus dans le champ d’application de l’article 5 § 1.

  68. .  Le requérant rétorque que ses deux premières privations de liberté ont duré plusieurs heures : ayant commencé dès son arrestation par les policiers, elles n’ont pas cessé avec la fin des investigations menées par le laboratoire, mais seulement lorsqu’il fut relâché par la police dans le centre de la ville où il habitait. Il fait valoir qu’il a été contraint de suivre les policiers, qui étaient en uniforme et armés et qui l’avaient menacé d’utiliser les menottes s’il refusait de monter dans leur véhicule. Il indique qu’il avait finalement accepté de les suivre pour éviter d’être menotté devant le nombre important de passants qui assistaient à l’incident.

  69. .  La Cour rappelle que, pour déterminer si un individu se trouve « privé de sa liberté » au sens de l’article 5, il faut partir de sa situation concrète et prendre en compte un ensemble de critères comme le genre, la durée, les effets et les modalités d’exécution de la mesure considérée (Guzzardi c. Italie, 6 novembre 1980, § 92, série A no 39, et Mogoş c. Roumanie (déc.), no 20420/02, 6 mai 2004). Sans doute faut-il fréquemment, à cette fin, s’attacher à cerner la réalité par delà les apparences et le vocabulaire employé (voir, par exemple, à propos de l’article 5 § 1, Van Droogenbroeck c. Belgique, 24 juin 1982, § 38, série A no 50). La Cour examinera si, en l’espèce, ces critères se trouvent réunis pour les différents laps de temps où le requérant allègue avoir subi une « privation de liberté ».
  70. 1.  Sur la période comprise entre le 27 avril et le 11 mai 2004


  71. .  Force est de constater qu’entre le 27 avril et le 11 mai 2004, le requérant a été interné à l’hôpital psychiatrique « Al. Obregia » de Bucarest. La Cour rappelle que, dans le domaine du placement des personnes atteintes de troubles mentaux, la notion de « privation de liberté » comporte à la fois un aspect objectif, à savoir l’internement d’une personne dans un espace restreint pendant un laps de temps non négligeable, et un aspect subjectif, qui implique que la personne en cause n’ait pas valablement consenti à son internement (Stanev c. Bulgarie [GC], no 36760/06, § 117).

  72. .  Si l’aspect objectif de la notion de « privation de liberté » au sens de l’article 5 § 1 de la Convention est assurément présent en l’espèce compte tenu du laps de temps que le requérant a passé dans l’établissement psychiatrique en cause, rien n’indique cependant, à la lumière des éléments en la possession de la Cour, que l’internement litigieux aurait eu lieu sans que le requérant y consente. La Cour relève à cet égard que l’admission du requérant dans l’établissement psychiatrique en cause n’a pas eu lieu à la suite d’une injonction des tribunaux nationaux saisis de la demande de mise sous interdiction du requérant, mais se serait faite à l’invitation de la commission d’expertise de l’institut national « Mina Minovici ». L’intéressé n’indique pas qu’il aurait été contraint de se présenter à l’hôpital en question ou qu’il y aurait été amené par les autorités contre son gré.

  73. .  En tout état de cause, la Cour relève que le requérant n’a ni contesté cette mesure d’internement devant les juridictions nationales compétentes pour examiner la demande de mise sous interdiction ni entamé une procédure séparée, fondée sur les dispositions de la loi no 487/2002 sur la santé mentale ou celles du code pénal, pour dénoncer cet internement et demander la punition des éventuels responsables ainsi que la réparation du préjudice éventuellement subi (voir, a contrario, Cristian Teodorescu précité, §§ 46 et 47). Ses nombreuses démarches en justice se sont limitées à la recherche d’un constat d’illégalité des mandats d’amener qui avaient précédé ses présentations forcées au laboratoire médicolégal de Constanța du 29 novembre 2001 et du 6 décembre 2001. Tous ces éléments plaident en faveur du caractère volontaire de son internement du 27 avril au 11 mai 2004. Il s’ensuit que le requérant n’a pas subi durant cette période une « privation de liberté », au sens de l’article 5 § 1. Cette partie de son grief est dès lors manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.
  74. 2.  Sur les épisodes du 29 novembre 2001 et du 6 décembre 2001


  75. .  Tout d’abord, la Cour estime nécessaire d’établir les périodes à prendre en considération aux fins de l’application de l’article 5 § 1. A ce sujet, les parties divergent quant au temps passé par le requérant sous le contrôle des autorités pour le besoin de l’expertise médicolégale au laboratoire de Constanța. Selon le requérant, il s’agirait de périodes d’environ cinq heures chacune qui auraient commencé avec son interpellation dans des endroits publics par des policiers en uniforme et armés, et qui se seraient terminées quand il fut relâché par les policiers dans le centre de la ville où il habitait, après les examens au laboratoire. Selon le Gouvernement, le laps de temps qui devrait être pris en considération n’aurait pas dépassé une heure et trente minutes, durée correspondant au temps minimum nécessaire au laboratoire pour effectuer un examen, selon la lettre fournie par le laboratoire en question en réponse à sa demande d’information.

  76. .  La Cour rappelle que, dans le contexte des griefs tirés de l’article 5 § 1 de la Convention, avant d’attribuer au Gouvernement la responsabilité de livrer un compte rendu horaire précis de ce qui s’est passé dans les locaux concernés et de s’expliquer quant au temps que le requérant y a passé, elle exige que le requérant produise des indices prima facie concordants de nature à démontrer qu’il se trouvait bien sous le contrôle exclusif des autorités au moment des faits. Si tel est le cas, c’est alors au Gouvernement qu’il revient de fournir des pièces satisfaisantes et convaincantes à l’appui de sa version des faits, faute de quoi la Cour peut en tirer des conclusions quant au bien-fondé des allégations du requérant (voir, Creangă c. Roumanie [GC], no 29226/03, §§ 88-90, 23 février 2012 et, mutatis mutandis, Tanış et autres c. Turquie, no 65899/01, § 160, CEDH 2005-VIII, et Youssoupova et Zaourbekov c. Russie, no 22057/02, § 52, 9 octobre 2008 ; Öcalan c. Turquie [GC], no 46221/99, § 90, CEDH 2005-IV).

  77. .  En l’occurrence, il n’est pas contesté que le requérant ait été interpellé à deux reprises par des policiers en uniforme et armés, chargés d’exécuter des mandats d’amener délivrés par le parquet, qui l’ont transporté au laboratoire de médecine légale, ont attendu que l’expertise se termine et qui l’ont ensuite raccompagné au centre de la ville où il habitait. Dans ces conditions, la Cour estime que la période à prendre en compte aux fins de l’application de l’article 5 § 1 comprend non seulement le temps nécessaire au laboratoire d’expertise de réaliser ses examens, comme le Gouvernement le soutient, mais s’étend du moment où le requérant a été arrêté par les policiers jusqu’au moment où il a été relâché par eux au centre de la ville où il habitait.

  78. .  Quant à la durée proprement dite pendant laquelle le requérant s’est trouvé sous le contrôle des policiers, force est de constater que le requérant produit à l’appui de sa version des faits tout un ensemble d’éléments, à savoir : d’une part, de nombreux mémoires et écrits divers déposés devant les tribunaux nationaux et dont il ressort, de façon concordante, qu’il était resté à chaque fois environ cinq heures sous le contrôle des policiers (paragraphes 16, 24, 33, 37 ci-dessus) ; d’autre part, des copies des décisions et arrêts rendus par les mêmes tribunaux qui, non seulement n’ont pas contesté sa version des faits, mais ont confirmé qu’il a passé à chaque fois « plusieurs heures » entre les mains des policiers (paragraphe 38 ci-dessus). Dans ces circonstances, et faute pour le Gouvernement de livrer un compte rendu horaire précis de ce qui s’est passé et de s’expliquer quant au temps que le requérant a passé sous le contrôle des autorités, en fournissant des pièces satisfaisantes et convaincantes à l’appui de sa version des faits, la Cour ne peut qu’ajouter foi au bien-fondé des allégations du requérant, selon lequel le temps passé par lui sous le contrôle des policiers était, à chaque fois, d’environ cinq heures.

  79. .  Reste à savoir si, compte tenu du genre, de la durée, des effets et des modalités d’exécution des mesures prises à l’encontre du requérant (voir paragraphe 55 ci-dessus), l’intéressé s’est trouvé « privé de liberté », au sens de l’article 5. La Cour rappelle à cet égard que, dans d’autres affaires d’internement psychiatrique ou de mise en observation des requérants aux fins d’un examen psychiatrique, les organes de la Convention n’ont pas exclu l’applicabilité de l’article 5 § 1 au seul motif qu’il s’agissait de périodes de temps d’une durée brève (B. c. France, (déc.), no 10179/82, 13 mai 1987 ; R.L. et M.-J.D. c. France (no 44568/98, §§ 123-129, 19 mai 2004). De façon plus générale, il est de jurisprudence constante que l’article 5 § 1 s’applique également à une privation de liberté de courte durée (Foka c. Turquie, no 28940/95, § 75, 24 juin 2008). Se tournant vers les circonstances de l’espèce, eu égard notamment à la manière dont le requérant a été appréhendé, le 29 novembre 2001 et le 6 décembre 2001, par des policiers en uniforme et armés, dans des endroits publics, au vu de nombreux passants, et transporté au laboratoire d’expertises médicolégales en vue d’un contrôle de son état de santé psychique sans aucune invitation préalable, la Cour estime que la situation examinée s’analyse en une « privation de liberté » au sens de l’article 5 § 1 de la Convention, qui trouve dès lors à s’appliquer. La Cour constate par ailleurs que cette partie du grief du requérant ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
  80. B.  Sur le fond


  81. .  Le requérant considère que c’est en méconnaissance du droit interne qu’il a, selon ses dires, été « séquestré » par la police, sur ordre du parquet, pendant près de cinq heures et forcé de se soumettre à un contrôle psychiatrique. Il fait valoir à cet égard qu’avant d’être amené de force le 29 novembre 2001 et le 6 décembre 2001 au service de médecine légale de Constanţa, il n’avait jamais été invité, par le parquet ou par le laboratoire en question, à se soumettre, de son propre gré, à un examen psychiatrique.

  82. .  Le Gouvernement expose que les mandats d’amener du parquet en vertu desquels le requérant a été conduit par des policiers, le 29 novembre 2001 et le 6 décembre 2001, au service médicolégal de Constanța avaient une base légale en droit interne, à savoir l’article 30 du décret no 32/1954. Il considère que l’examen du requérant au service en question était indispensable dans le cadre de la procédure visant à sa mise sous interdiction, et permettait de sauvegarder à la fois le bon déroulement de la justice et l’intérêt du requérant lui-même, qui évitait ainsi d’avoir à être interné dans un hôpital psychiatrique.

  83. .  La Cour rappelle que l’article 5 § 1 requiert tout d’abord la « régularité » de la détention litigieuse, y compris l’observation des voies légales. En la matière, la Convention renvoie pour l’essentiel à la législation nationale et consacre l’obligation d’en respecter les normes de fond comme de procédure, mais elle exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de l’article 5 : protéger l’individu contre l’arbitraire (Herczegfalvy c. Autriche, 24 septembre 1992, § 63, série A no 244).

  84. .  A cet égard, la Cour rappelle que la première phrase de l’article 5 § 1 doit être comprise comme imposant à l’Etat l’obligation positive de protéger la liberté des personnes relevant de sa juridiction et que les expressions « prévue par la loi » et « selon les voies légales » visent donc la qualité de la loi qui constitue la base légale des mesures privatives de liberté les concernant (Varbanov précité, § 51). Il est donc essentiel, pour la Cour, que le droit interne soit prévisible dans son application et qu’il définisse clairement l’étendue des pouvoirs des autorités habilitées à ordonner une mesure privative de liberté ou à l’exécuter (mutatis mutandis, Zervudacki c. France, no 73947/01, § 43, 27 juillet 2006).

  85. .  D’après le Gouvernement, c’est en vertu de l’article 30 du décret no 32 du 30 décembre 1954 en vigueur à l’époque des faits que le parquet a délivré des mandats d’amener à l’égard du requérant et a demandé à la police de les mettre en exécution. La Cour relève que la disposition précitée autorisait en effet le parquet à effectuer « toutes les investigations nécessaires » et à « recueillir l’avis d’une commission de médecins spécialistes », sans toutefois délimiter davantage l’étendue de ses pouvoirs. Telle que cette disposition était rédigée et telle que les tribunaux nationaux l’ont interprétée, en l’isolant des autres dispositions nationales pertinentes du code de procédure pénale, les pouvoirs du parquet saisi d’une demande de mise sous interdiction d’un particulier semblaient illimités et faisaient courir à la personne visée un risque réel d’être arrêtée par les forces de l’ordre et d’être privée de sa liberté.

  86. .  A cet égard, la Cour relève qu’à la date où il a été arrêté par des policiers et conduit au laboratoire médicolégal de Constanța, le requérant n’était pas sous le coup d’une accusation pénale qui aurait justifié, au regard de la loi nationale, qu’un mandat d’amener fût délivré à son encontre et mis à exécution par la police sans avoir à être précédé d’une convocation infructueuse (voir, a contrario, C.B. c. Roumanie précité, § 49). Néanmoins, force est de constater que, bien qu’elle ait constaté qu’aucune preuve n’avait été rapportée par le parquet ou par la police que les mandats d’amener eussent été précédés d’une invitation du requérant à se présenter à un contrôle psychiatrique, la cour d’appel de Constanța n’a attaché aucune importance au principe posé par l’article 183 du code de procédure pénale, selon lequel ne peut faire l’objet d’un mandat d’amener que la personne qui, ayant été antérieurement citée à comparaître, est restée en défaut de se présenter de son propre gré (paragraphes 38 et 49 ci-dessus).

  87. .  La Cour rappelle en outre que la privation de liberté est une mesure si grave qu’elle ne se justifie que lorsque d’autres mesures, moins sévères, ont été considérées et jugées insuffisantes pour sauvegarder l’intérêt personnel ou public exigeant la détention (voir, Witold Litwa c. Pologne, no 26629/95, § 78, CEDH 2000-III). Les circonstances de l’espèce ne font pas apparaître que d’autres mesures, moins sévères, aient été envisagées par les autorités pour permettre au parquet de recueillir l’avis d’une commission de médecins spécialistes ou que ces mesures auraient été insuffisantes pour atteindre le but visé. Le simple fait que le requérant avait introduit des plaintes contre son ancien employeur, une entreprise d’Etat, et contre son directeur et d’autres cadres, à l’issue d’un licenciement qualifié d’illégal par les tribunaux internes ne saurait justifier, de l’avis de la Cour, des mesures aussi contraignantes à son encontre.

  88. .  Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que la privation de liberté du requérant ne saurait passer pour « régulière » au regard de l’article 5 § 1 de la Convention. Il y a donc eu violation de cette disposition.
  89. II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 5 DE LA CONVENTION


  90. .  Le requérant se plaint ensuite ne pas avoir eu à la possibilité d’obtenir une réparation pour ses détentions irrégulières. Il dénonce une violation de l’article 5 § 5 de la Convention, qui dispose ainsi :
  91. « 5.  Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »


  92. .  La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et doit donc aussi être déclaré recevable.

  93. .  Le requérant souligne qu’il a été débouté de ses demandes visant à obtenir une réparation pour avoir été illégalement privé de sa liberté le 29 novembre 2001 et le 6 décembre 2001.

  94. .  Le Gouvernement fait valoir que le requérant a eu la possibilité, dont il a fait usage, de demander une réparation du préjudice allégué sur le fondement des articles 998 et 999 de l’ancien code civil, qui permettent la mise en œuvre de la responsabilité des autorités qui, par leur fait ou par leur négligence ou leur imprudence, causent un dommage à autrui. Il souligne ensuite que les tribunaux nationaux ont rejeté la demande du requérant au terme d’une procédure contradictoire et dénuée d’arbitraire, au motif qu’aucun comportement illicite n’avait été commis par les autorités ayant émis ou exécuté les mandats d’amener.

  95. .  La Cour rappelle que l’article 5 § 5 se trouve respecté dès lors que l’on peut demander réparation du chef d’une privation de liberté opérée dans des conditions contraires aux paragraphes 1, 2, 3 ou 4 (Stanev, précité, § 182 ; Wassink c. Pays-Bas, 27 septembre 1990, § 38, série A no 185-A, et Houtman et Meeus c. Belgique, no 22945/07, § 43, 17 mars 2009). Le droit à réparation énoncé au paragraphe 5 suppose donc qu’une violation de l’un de ces autres paragraphes ait été établie par une autorité nationale ou par les institutions de la Convention. A cet égard, la jouissance effective du droit à réparation garanti par cette dernière disposition doit se trouver assurée à un degré suffisant de certitude (Ciulla c. Italie, 22 février 1989, § 44, série A no 148, Sakık et autres c. Turquie, 26 novembre 1997, § 60, Recueil 1997-VII, et N.C. c. Italie [GC], no 24952/94, § 49, CEDH 2002-X).

  96. .  Se tournant vers la présente espèce, la Cour relève que, eu égard à son constat de violation du paragraphe 1 de l’article 5, le paragraphe 5 de cette disposition trouve à s’appliquer. Elle doit donc rechercher si l’intéressé a disposé au niveau interne d’un droit à réparation susceptible d’être effectivement mis en œuvre.

  97. .  Il ressort du dossier que les autorités judiciaires roumaines n’ont à aucun moment considéré comme illégales ou contraires à l’article 5 § 1 de la Convention les présentations forcées du requérant, le 29 novembre 2001 et le 6 décembre 2001, au laboratoire de médecine légale de Constanța. La cour d’appel de Constanţa, qui a examiné en dernier ressort la demande d’annulation des mandats d’amener, a au contraire estimé que ces présentations forcées étaient conformes au droit interne (paragraphe 38 ci-dessus), et c’est aussi la thèse que le Gouvernement défend devant la Cour. Dès lors, la Cour conclut qu’aucune compensation ne pouvait être réclamée par le requérant en vertu des dispositions du code civil indiquées par le Gouvernement, qui ne permettent d’engager la responsabilité civile des autorités que si une faute - fût-elle seulement de négligence ou d’imprudence - peut leur être imputée (paragraphe 50 ci-dessus). Elle relève par ailleurs que le Gouvernement n’a invoqué aucune autre voie judiciaire qui permettrait au requérant de demander réparation en droit roumain.

  98. .  Par conséquent, il y a eu violation de l’article 5 § 5.
  99. III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION


  100. .  Le requérant se plaint que, dans la procédure visant à sa mise sous interdiction, sa cause n’a pas été entendue par des tribunaux indépendants et impartiaux, en violation de l’article 6 § 1 de la Convention, qui dispose ainsi dans ses parties pertinentes :
  101. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »


  102. .   Le requérant dénonce en particulier le fait que deux voies de recours (l’appel et le pourvoi en recours) ont été examinées par la même juridiction, en l’occurrence la cour d’appel de Ploieşti, à travers ses arrêts des 11 juillet et 27 octobre 2005. Il relève en outre que la juge M.D., membre de la formation de jugement qui a statué en recours (le 27 octobre 2005), avait déjà fait partie de la formation de jugement ayant statué en appel (le 11 juillet 2005) dans la même cause.

  103. .  Le Gouvernement fait valoir que le requérant était en droit, s’il souhaitait contester la composition de la formation de jugement qui a examiné le pourvoi en recours du parquet, de formuler une demande de récusation de la juge M.D. Il ne tenait donc qu’à lui de faire usage de cette possibilité.

  104. .  La Cour rappelle qu’aux fins de l’article 6 § 1, l’impartialité d’un tribunal doit s’apprécier selon une démarche subjective, qui consiste à essayer de déterminer la conviction personnelle de tel juge en telle occasion, et aussi selon une démarche objective amenant à s’assurer qu’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (Tierce et autres c. Saint-Marin, nos 24954/94, 24971/94 et 24972/94, § 75, CEDH 2000-IX).

  105. .  La Cour relève que la situation contestée par le requérant est le résultat de l’application au cas d’espèce d’une modification des règles de compétence des tribunaux, introduite par la loi no 219 du 6 juillet 2005, dont il est résulté que la cour d’appel de Ploieşti, initialement compétente en la cause comme juridiction d’appel, a vu ensuite sa compétence évoluer vers celle de juridiction de recours. Selon la Cour, on ne peut voir un motif de suspicion légitime dans la circonstance que deux voies de recours ont été jugées, à la suite d’une modification des règles de compétence, par la même juridiction mais dans une composition différente, en tout ou en partie (voir, mutatis mutandis, Ringeisen c. Autriche, 16 juillet 1971, § 12, série A no 13 et Diennet c. France, 26 septembre 1995, § 38, série A no 325-A). Or force est de constater que, dans la présente affaire, deux des trois membres de la formation de jugement qui a statué en recours n’avaient pris aucune part à la précédente décision.
  106. 84.  A supposer que le requérant ait douté de l’impartialité subjective de la juge M.D., qui, après avoir connu de l’affaire comme membre de la formation ayant statué en appel, a ensuite participé à la formation de jugement du pourvoi en recours, il lui aurait été loisible de présenter une demande de récusation, ce qu’il a omis de faire.

    85.  Au regard des éléments qui se trouvent en sa possession, la Cour considère que les appréhensions de l’intéressé ne peuvent passer pour objectivement justifiées.

    86.  Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.

    IV.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION


  107. .  Le requérant se plaint enfin de n’avoir pas bénéficié d’un recours effectif pour obtenir la reconnaissance et la réparation de l’atteinte grave et irrémédiable portée par les autorités et par son ancien employeur à sa réputation.

  108. .  Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, la Cour estime approprié d’examiner le grief soulevé par le requérant sous l’angle de l’article 13 combiné avec l’article 8 de la Convention, lequel exige également que le processus décisionnel portant sur la vie privée ou familiale soit équitable et respecte, comme il se doit, les intérêts protégés par cette disposition (Saleck Bardi c. Espagne, no 66167/09, § 31, 24 mai 2011). Les articles en cause disposent ainsi dans leurs parties pertinentes :
  109. Article 8

    « 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée (...). »

    Article 13

    « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

    A.  Arguments des parties


  110. .  Le requérant considère qu’il n’a pas disposé en droit interne d’un recours effectif pour obtenir la reconnaissance de l’atteinte à sa réputation et la réparation de son préjudice moral subi après avoir été arrêté à deux reprises, dans des endroits publics, par des policiers en uniforme et armés et en raison d’avoir fait l’objet d’une procédure judiciaire qui s’est déroulée publiquement pendant plus de quatre ans. Il souligne que cette situation lui avait valu le qualificatif de « fou » dans son entourage et avait entraîné la demande de divorce de son épouse ainsi qu’une décision de l’association des participants à la révolution de 1989 de le suspendre de la fonction de vice-président qu’il occupait.

  111. .  Il souligne que ses demandes d’octroi de dommages-intérêts fondées sur les articles 998 et 999 de l’ancien code civil ont été rejetées pour manque de preuves du bien-fondé de son action, en dépit des arguments et des éléments de preuve qu’il avait pourtant avancés devant les tribunaux nationaux pour démontrer qu’il avait subi une atteinte grave et irrémédiable à sa réputation à l’issue d’une simple demande de son ancien employeur auprès du parquet.

  112. .  Pour le Gouvernement, les autorités nationales ne sauraient se voir reprocher de ne pas avoir mis à la disposition du requérant un système efficace pour faire valoir ses droits. Il relève à cet égard que l’intéressé a pleinement eu accès à la justice pour défendre ses droits et intérêts légitimes sur le fondement des articles 998 et 999 de l’ancien code civil.

  113. .  Rappelant que c’est au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux, qu’il incombe d’interpréter et d’appliquer le droit interne, le Gouvernement souligne que les tribunaux nationaux ont simplement jugé que la demande d’octroi d’une réparation du préjudice moral allégué par l’intéressé était mal fondée. Les tribunaux ont en effet estimé que, en l’absence d’un comportement illicite, aussi bien de la part des autorités qui ont délivré ou exécuté les mandats d’amener, que de la part de la RATC, qui avait introduit la demande de mise sous interdiction du requérant, les conditions permettant d’engager la responsabilité civile des défendeurs n’étaient pas réunies. Il souligne que les tribunaux nationaux ont examiné tous les arguments pertinents des parties et ont rendu leur verdict à l’issue d’une procédure contradictoire, au cours de laquelle le requérant a eu la faculté, dont il a usé, de proposer des moyens de preuve et de commenter par écrit et oralement le rapport d’expertise et les témoignages versés au dossier.
  114. B.  Appréciation de la Cour

    1.  Sur la recevabilité


  115. .  La Cour rappelle que l’article 13 de la Convention n’entre en ligne de compte que lorsqu’un requérant a un « grief défendable » sous l’angle d’une autre disposition de la Convention ou de ses Protocoles (voir, parmi d’autres, Gebremedhin c. France, no 25389/05, § 53, CEDH 2007-II).

  116. .  La Cour doit donc rechercher si le grief que le requérant tire de l’article 8 était « défendable ». Elle rappelle qu’un grief peut être considéré comme étant défendable dès lors qu’il n’est pas manifestement mal fondé et qu’il nécessite un examen au fond (Çelik et İmret c. Turquie, no 44093/98, § 57, 26 octobre 2004).

  117. .  En l’espèce, le requérant allègue une méconnaissance de son droit au respect de sa vie privée en raison de l’impossibilité pour lui d’obtenir reconnaissance et réparation de l’atteinte portée à sa réputation. La Cour rappelle que le droit d’une personne à la protection de sa réputation est couvert par l’article 8 en tant qu’élément du droit au respect de la vie privée (Pfeifer c. Autriche, no 12556/03, § 35, 15 novembre 2007 ; Chauvy et autres c. France, no 64915/01, § 70, CEDH 2004-VI ; Abeberry c. France (déc.), no 58729/00, 21 septembre 2004, et Leempoel & S.A. ED. Ciné Revue c. Belgique, no 64772/01, § 67, 9 novembre 2006). Au vu de l’ensemble des faits et des arguments avancés par le requérant devant les tribunaux nationaux et réitérés devant elle, la Cour estime que l’intéressé a formulé un grief défendable sur le terrain de l’article 8 de la Convention. Ses allégations de méconnaissance de son droit au respect de sa vie privée garanti par cette disposition appelaient manifestement un examen circonstancié et l’intéressé devait pouvoir les défendre devant les instances nationales conformément aux exigences de l’article 13, lequel trouve donc à s’appliquer.

  118. .  A la lumière de ces éléments, la Cour constate que le présent grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention et relève qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
  119. 2.  Sur le fond


  120. .  La Cour réaffirme que l’article 13 de la Convention garantit l’existence en droit interne d’un recours permettant de se prévaloir des droits et libertés de la Convention, tels qu’ils peuvent s’y trouver consacrés. Cette disposition a donc pour conséquence d’exiger un recours interne habilitant l’instance nationale compétente à connaître du contenu de tout « grief défendable » fondé sur la Convention et à offrir, le cas échéant, le redressement approprié, même si les États contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation quant à la manière de se conformer aux obligations que leur fait cette disposition.

  121. .  La Cour relève que, à tous les stades de la procédure devant les juridictions nationales, le requérant a étayé ses allégations quant aux différentes conséquences, pour sa réputation et sa vie familiale, de la demande de mise sous interdiction faite par son ancien employeur et de la manière dont les autorités y avaient donné suite : il a fait notamment valoir qu’il avait été étiqueté comme « fou » par un grand nombre de personnes présentes au moment où les policiers en uniforme et armés lui avaient demandé de les suivre, et qui ont par la suite eu connaissance de l’objet de la procédure judiciaire de mise sous interdiction ouverte à son encontre, procédure menée publiquement pendant plus de quatre ans. De plus, l’intéressé a fourni devant les tribunaux nationaux de nombreux écrits par lesquels il visait à prouver que son image avait été ternie, parmi lesquels, notamment, des articles de presse décrivant la manière dont il avait été pris de force par des policiers pour être amené au laboratoire médicolégal de Constanța, ainsi qu’une décision par laquelle il avait été suspendu de sa fonction de vice-président d’une association en raison de la procédure de mise sous interdiction alors en cours.

  122. .  Bien que ces éléments de preuve aient pourtant été au cœur de la demande de l’intéressé visant à faire reconnaître et réparer l’atteinte subie à sa réputation, les tribunaux nationaux statuant en dernier ressort les ont écartés, les jugeant non probants (paragraphes 28 et 38 ci-dessus). Une approche aussi formaliste risque de priver d’effectivité les recours internes normalement accessibles et suffisants pour faire reconnaître et réparer l’atteinte subie par quiconque à sa réputation, tels qu’une action fondée sur les articles 998 et 999 de l’ancien code civil (voir, mutatis mutandis, Danev c. Bulgarie, no 9411/05, § 34, 2 septembre 2010, et Iovtchev c. Bulgarie, no 41211/98, § 146, 2 février 2006).

  123. .  S’agissant du comportement reproché par le requérant aux autorités nationales, la Cour relève que ce n’est que sur l’insistance du requérant et au troisième degré de juridiction que la cour d’appel de Constanța a entrepris des vérifications pour savoir si les mandats d’amener délivrés par le parquet avaient été précédés ou non d’une convocation infructueuse, comme l’exigeait l’article 183 du code de procédure pénale (paragraphes 31-33, 35, 37 et 38 ci-dessus). Il s’agissait pourtant là d’une question déterminante pour la licéité du comportement des autorités - et, par voie de conséquence, pour l’engagement éventuel de leur responsabilité civile sur le fondement des articles 998 et 999 de l’ancien code civil. De surcroît, même lorsque, à la suite du contrôle entrepris à la demande du requérant, la cour d’appel a admis qu’aucune convocation au laboratoire médicolégal n’avait été préalablement adressée au requérant, elle n’a tiré aucune conséquence de ce fait, qui était pourtant contraire aux exigences du code de procédure pénale relatives aux mandats d’amener (paragraphe 49 ci-dessus). La Cour ne voit pas, dans la démarche des tribunaux nationaux et, en particulier, dans le contrôle effectué par la cour d’appel de Constanța, l’expression de l’examen attentif et rigoureux attendu des autorités nationales sur le terrain de l’article 13 de la Convention.

  124. .  A la lumière de tous ces éléments, la Cour estime que les autorités nationales n’ont pas examiné avec l’effectivité voulue par l’article 13 le bien-fondé du grief que le requérant faisait valoir de manière défendable sur le terrain de l’article 8.

  125. .  Partant, il y a eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 8 de la Convention.
  126. V.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    103.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage


  127. .  Le requérant réclame 160 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel qu’il aurait subi en raison de la caducité du compromis de vente d’un terrain qu’il projetait d’acheter en comptant pour cela sur les dédommagements qu’il devait obtenir de la part de son ancien employeur.
  128. Il réclame d’autre part 865 355 EUR en réparation du dommage moral qu’il estime avoir subi du fait de l’atteinte grave et irrémédiable à sa réputation, rappelant s’être vu étiqueté comme « fou » dans son entourage après avoir été illégalement arrêté à deux reprises dans des endroits publics par des policiers en uniforme et armés, et avoir de manière publique fait l’objet d’une procédure judiciaire de mise sous interdiction pendant plus de quatre ans. Il précise en outre qu’il a dû passer près de deux semaines dans un hôpital psychiatrique pour clarifier le diagnostic de son état psychique. Il ajoute que la procédure de mise sous interdiction a entraîné la demande de divorce de son épouse ainsi qu’une décision de l’association des participants à la révolution de 1989 de le suspendre de la fonction de vice-président qu’il occupait.


  129. .  Le Gouvernement fait observer que le requérant n’a pas démontré la réalité des pertes alléguées et n’a fourni aucun justificatif à l’appui de sa demande formulée pour couvrir son préjudice matériel. Quant au montant demandé par le requérant au titre de son préjudice moral, il l’estime exorbitant.

  130. .  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre les violations constatées et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 15 600 EUR au titre du préjudice moral.
  131. B.  Frais et dépens


  132. .  Le requérant demande également 1 200 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et dans la procédure devant la Cour. Il réclame en outre le remboursement « de tous les frais qu’il sera amené à faire pour payer les honoraires, le transport et l’hébergement » de l’avocate qui le représente dans la procédure devant la Cour, qu’il quantifie à 10 000 euros.

  133. .  Le Gouvernement invite la Cour à n’allouer à la partie requérante qu’une somme correspondant aux dépens prouvés, nécessaires et raisonnables quant à leur taux, en droit interne comme devant la Cour.

  134. .  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 1 500 EUR tous frais confondus et l’accorde au requérant.
  135. C.  Intérêts moratoires


  136. .  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
  137. PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la Requête recevable quant aux griefs tirés des articles 5 § 1 (quant aux privations de liberté subies par le requérant le 29 novembre 2001 et le 6 décembre 2001), 5 § 5 et 13 combiné avec l’article 8 de la Convention, et irrecevable pour le surplus ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;

     

    3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 5 de la Convention ;

     

    4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 8 de la Convention ;

     

    5.  Dit

    a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’Etat défendeur, au taux applicable à la date du règlement) :

    i)  15 600 EUR (quinze mille six cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

    ii)  1 500 EUR (mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

     

    6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 4 juin 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Santiago Quesada                                                                Josep Casadevall
            Greffier                                                                               Président

     


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