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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ETXEBARRIA CABALLERO v. SPAIN - 74016/12 - Chamber Judgment (French Text) [2014] ECHR 1035 (07 October 2014)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2014/1035.html
Cite as: [2014] ECHR 1035

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    TROISIÈME SECTION

     

     

     

     

     

     

     

     

    AFFAIRE ETXEBARRIA CABALLERO c. ESPAGNE

     

    (Requête no 74016/12)

     

     

     

     

     

     

     

     

    ARRÊT

     

     

     

    STRASBOURG

     

    7 octobre 2014

     

     

     

     

    Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

     


    En l’affaire Etxebarria Caballero c. Espagne,

    La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

              Josep Casadevall, président,
              Alvina Gyulumyan,
              Ján Šikuta,
              Dragoljub Popović,
              Luis López Guerra,
              Johannes Silvis,
              Valeriu Griţco, juges,
    et de Marialena Tsirli, greffière adjointe de section,

    Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 16 septembre 2014,

    Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

    PROCÉDURE

    1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 74016/12) dirigée contre le Royaume d’Espagne et dont une ressortissante de cet État, Mme Beatriz Etxebarria Caballero (« la requérante »), a saisi la Cour le 9 novembre 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

    2.  La requérante a été représentée par Mes L. Bilbao Gredilla, avocate à Alava et O. Sánchez Setién, avocat à Bilbao, O. Peter, avocat-stagiaire à Genève et M. D. Rouget, juriste. Le gouvernement espagnol (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, F. de A. Sanz Gandasegui, avocat de l’État.

    3.  Invoquant l’article 3 de la Convention, la requérante se plaint de l’absence d’enquête effective de la part des juridictions internes au sujet des mauvais traitements subis selon ses dires au cours de sa garde à vue au secret. Elle se plaint également des mauvais traitements qu’elle allègue avoir subis pendant sa garde à vue au secret.

    4.  Le 12 juin 2013, la requête a été communiquée au Gouvernement. Tant la requérante que le Gouvernement ont déposé des observations.

    5.  En outre, des observations ont été soumises par M. James À. Goldston, au nom de la Open Society Justice Iniciative, que le président avait autorisée à intervenir dans la procédure écrite en qualité d’amicus curiae (articles 36 § 2 de la Convention et 44 § 2 du règlement).

    EN FAIT

    I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

    6.  La requérante est née en 1978. Elle est détenue au centre pénitentiaire de Soto del Real.

    7.  Pendant la nuit du 1er mars 2011 vers 4 heures du matin, la requérante fut arrêtée à son domicile par des agents de la garde civile dans le cadre d’une enquête judiciaire portant sur des délits présumés d’appartenance à l’organisation terroriste ETA, de port d’armes et d’explosifs, de faux en écriture à des fins terroristes, et de participation à divers délits relevant du terrorisme. Elle allègue avoir été sortie du lit par les cheveux, alors qu’elle dormait avec son compagnon, et menottée avec une corde, sans pouvoir se rhabiller. Trois autres personnes dont le compagnon de la requérante furent aussi arrêtées et placées en garde à vue au secret le même jour. À 14 h 30, la requérante fut examinée par deux médecins légistes de Bilbao, qui constatèrent des hématomes compatibles avec les manœuvres effectuées pour la menotter. Pendant le trajet en voiture à Madrid, la requérante indique avoir été soumise à des menaces, à des cris et à deux séances d’asphyxie au moyen d’un sac en plastique lui recouvrant la tête.

    8.  Pendant sa garde à vue dans les locaux de la Direction générale de la garde civile à Madrid, la requérante fut examinée par un médecin légiste à six reprises, la première visite ayant eu lieu le 1er mars 2011, à 21 h 30. Dans son rapport consécutif à cette visite, le médecin légiste ne décela aucune trace de mauvais traitements physiques et indiqua que la requérante affirmait avoir subi des menaces. Il attesta la présence de lésions sur les bras, qu’il attribua à son arrestation violente.

    9.  Après le départ du médecin légiste, la requérante aurait, selon ses dires : reçu de l’eau glacée sur le corps après avoir été dénudée ; fait l’objet de menaces ; subi trois séances d’asphyxie au moyen d’un sac en plastique placé autour de sa tête ; été placée à quatre pattes sur un tabouret et abusée sexuellement.

    10.  Le 2 mars 2011, à 10 heures, eut lieu la deuxième visite du médecin légiste. La requérante dénonça les mauvais traitements physiques qu’elle aurait subis. Le médecin examina ses yeux, sa bouche, sa tête et ses bras, mais n’examina ni ses parties intimes, la requérante ne les dévoilant pas, ni ses jambes.

    Selon la requérante, après 12 heures, l’un des agents de la garde civile - apparemment appelé par les autres « le commissaire » - l’emmena dans un local, la dénuda, lui tira les cheveux, la frappa sur la tête et lui cria dans les oreilles qu’il était militaire et entraîné pour tuer. Elle affirme avoir fait l’objet d’attouchements de la part des agents, et en particulier du « commissaire ».

    11.  Le 2 mars 2011, à 19 h 20, la requérante fut reconduite auprès du médecin légiste, mais elle ne lui fit pas part des derniers mauvais traitements qu’elle aurait subis. Elle fut ensuite soumise à un troisième interrogatoire les yeux bandés pendant la nuit du 2 au 3 mars 2011. Selon ses dires, elle fut à nouveau dénudée.

    12.  Le 3 mars 2011, à 9 h 50, la requérante rencontra de nouveau le médecin légiste, mais refusa d’être examinée et de dénoncer les actes subis.

    13.  Le même jour, entre 16 h 05 et 18 h 25, la requérante fit sa première déposition, en présence d’un avocat commis d’office - ce délai s’expliquant par le régime de la garde à vue au secret. Elle se déclara membre de l’ETA et avoua de nombreuses infractions liées à son appartenance à l’organisation terroriste.

    14.  Le soir du 3 mars 2011, à 19 h 05, la requérante rencontra le médecin légiste. Elle l’informa de menaces reçues en rapport avec sa famille. Elle ne souhaitait pas être examinée.

    15.  Le lendemain, 9 h 50, la requérante fut reconduite auprès du médecin légiste. Elle ne signala aucun mauvais traitement et ne souhaita pas être examinée.

    16.  Pendant la journée du 4 mars 2011, la requérante fut interrogée à six reprises. À 19 h 50, le médecin légiste la rencontra à nouveau. Elle dénonça avoir été giflée, mais ne souhaita pas être examinée.

    17.  Le 5 mars 2011, entre 5 h 45 et 6 h 25, la requérante fut à nouveau entendue par les agents de la garde civile en présence d’un avocat commis d’office. Elle affirme que ses dépositions étaient préparées avec les agents, qui lui répétaient ce qu’elle devait déclarer.

    18.  Le 5 mars 2011, la requérante fut traduite, toujours en situation de garde à vue au secret, devant le juge central d’instruction no 3 près l’Audiencia Nacional, qui lui rappela son placement en garde à vue au secret et l’informa de ses droits. La requérante déclara, en présence d’un avocat commis d’office, avoir fait l’objet de mauvais traitements au cours de sa garde à vue. Elle renia ses dépositions faites devant la police.

    19.  Le 15 mars 2011, assistée par deux avocates de son choix, la requérante porta plainte devant la juge d’instruction no 1 de Bilbao, alléguant avoir subi des actes de torture pendant sa garde à vue au secret. Elle sollicita la production de copies de ses dépositions, des rapports médicaux établis à Bilbao et Madrid et des enregistrements des caméras de sécurité des locaux où elle était gardée, ainsi que l’identification des agents intervenus pendant sa garde à vue. Elle demanda en outre l’audition par la juge des agents ainsi identifiés, des médecins légistes l’ayant examinée et des avocats commis d’office présents lors de ses dépositions. Elle demanda à être soumise à un examen physique et psychologique approfondi par un médecin et par un gynécologue, et à être entendue.

    20.  Par une ordonnance du 26 mai 2011, la juge d’instruction no 1 de Bilbao rendit une ordonnance de non-lieu provisoire. Elle considéra, au vu des rapports des médecins légistes intervenus lors de la garde à vue de la requérante et des copies des dépositions de cette dernière, qu’il n’y avait pas d’indices des mauvais traitements dénoncés par la requérante. Le recours présenté par la requérante devant la même juge fut rejeté par une décision de cette dernière en date du 28 septembre 2011.

    21.  Le 3 juin 2011, la requérante fit appel. Par une décision du 28 septembre 2011, l’Audiencia Provincial de Biscaye confirma l’ordonnance de non-lieu.

    22.  Le 2 décembre 2011, la requérante forma un recours d’amparo devant le Tribunal constitutionnel. Il sera déclaré irrecevable par une décision de la haute juridiction du 10 mai 2012, notifiée le 16 mai 2012.

    23.  Entre-temps, l’Audiencia Nacional statua sur le fond par des arrêts rendus les 13 février et 19 avril 2012 ainsi que par un arrêt rendu le 23 juillet 2013 : elle condamna la requérante à diverses peines de prison pour appartenance à une organisation terroriste, intégration dans un commando d’une organisation dénommée Otazua et participation à un délit d’assassinat.

    24.  Dans ce dernier arrêt du 23 juillet 2013 rendu sur le fond, l’Audiencia Nacional prit en considération l’allégation de la requérante de mauvais traitements tendant à l’extorsion d’aveux. Toutefois, au vu des rapports des médecins légistes au sujet des visites aux détenus entre le 1er et le 5 mars 2001, elle conclut à l’absence de tout indice d’un quelconque mauvais traitement infligé à la requérante. Par ailleurs, lors de la phase orale de la procédure ayant conduit à cet arrêt, en mai 2013, tant le médecin légiste que les avocats commis d’office qui étaient présents lors de la déposition signée devant la garde civile ainsi que les gardes civils intervenus lors de cette prise de déposition avaient affirmé que les dépositions des détenus, dont la requérante, « s’étaient déroulées en toute normalité, leurs propos ayant été tenus avec spontanéité » et nié, par ailleurs, toute pression physique ou psychique sur la requérante. Interrogés, à cet égard, les avocats commis d’office ayant assisté la requérante avaient répondu n’avoir décelé aucune marque physique de mauvais traitement et affirmé que la requérante ne leur avait rien signalé de tel. Quant aux médecins légistes ayant examiné la requérante, ils avaient déclaré lui avoir fait un examen physico-psychique complet, avoir conclu que les lésions qu’elle présentait pouvaient s’expliquer par son immobilisation lors de l’arrestation, et n’avoir pas constaté d’autres lésions. Selon leurs dires, la requérante leur avait rapporté que ses difficultés respiratoires étaient antérieures à son arrestation. Ils avaient aussi indiqué que l’anxiété était habituelle chez les détenus. Le médecin légiste présent le jour pertinent avait affirmé que la requérante n’avait pas « refusé » qu’on examinât ses parties intimes, mais qu’elle ne les avait pas laissées directement à découvert. Il avait précisé que la requérante l’avait informé qu’on l’avait menacée, et qu’elle lui avait rapporté qu’on lui avait donné une taloche.

    La requérante avait fait valoir devant l’Audiencia Nacional son droit à ne pas faire de déclarations, et n’avait pas répondu aux questions posées. Le défenseur de la requérante avait apporté une copie du rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants (CPT) qui se référerait à son cas ; la procureure avait, de son côté, demandé la mise à l’écart de ce rapport en faisant valoir, entre autres, qu’il indiquait que les mauvais traitements avaient été « consignés dans le rapport du médecin légiste » alors qu’en l’espèce la requérante avait selon elle refusé d’être examinée.

    25.  Un rapport d’expertise psychologique établi à la demande de la requérante le 9 décembre 2013, postérieurement à la saisine de la Cour, fait état de troubles rémanents de stress post-traumatique et de dépression en raison de l’incapacité de la requérante à s’exprimer sur ce qu’elle a vécu, avec de hauts niveaux d’anxiété et d’hyper vigilance, ainsi que d’un possible trouble de l’alimentation.

    II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

    26.  Les dispositions pertinentes en l’espèce de la Constitution espagnole sont libellées comme suit :

    Article 15

    « Toute personne a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale. Nul ne peut être soumis, dans quelques circonstances que ce soit, à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants (...) »

    Article 24

    « 1.  Toute personne a droit à la protection effective des juges et des tribunaux dans l’exercice de ses droits et intérêts légitimes, sans que la défense puisse être limitée en aucun cas.

    2.  De même, chacun est en droit d’être traduit devant le juge ordinaire déterminé par la loi, d’être défendu et assisté par un avocat, d’être informé de l’accusation portée contre lui, de bénéficier d’un procès public sans délais indus et avec toutes les garanties, d’utiliser les moyens de preuve pertinents pour sa défense, de ne pas s’incriminer lui-même, de ne pas faire d’aveux et d’être présumé innocent.

    (...) »

    27.  Les parties pertinentes en l’espèce de l’arrêté du ministre de la Justice du 16 septembre 1997 approuvant le Protocole relatif aux méthodes à suivre par les médecins légistes lors de l’examen des détenus se lisent comme suit :

    Article 2

    « Le Protocole médicolégal à suivre lors de l’examen des détenus sera complété, dans ses quatre sections, conformément aux instructions suivantes :

    1.  Données d’identification : elles servent à déterminer clairement l’identité de la personne détenue faisant l’objet de l’examen médicolégal, l’endroit, la date et l’heure auxquels est effectué l’examen, ainsi que le juge et la procédure diligentée contre la personne privée de liberté, et le nom du médecin légiste.

    2.  Histoire clinique : [cette section] est destinée à recueillir les informations relatives aux antécédents médicaux familiaux et personnels, aux habitudes nuisibles pour la santé et aux traitements médicaux spéciaux suivis par la personne détenue au moment de la garde à vue.

    3.  Résultats de l’examen : dans cette rubrique devront figurer le résultat de l’examen médicolégal et, le cas échéant, le traitement prescrit ou la demande d’expertises médicales supplémentaires considérées comme nécessaires par le médecin légiste, y compris l’ordre d’admission dans un service hospitalier.

    4.  Feuille d’évolution : elle devra être utilisée à chaque examen médicolégal du détenu. Ainsi, lors du premier examen du détenu sera utilisé le protocole général et lors de chaque nouvel examen seront remplies les feuilles d’évolution (une feuille par examen). »

    III.  LES RAPPORTS DU COMITÉ EUROPÉEN POUR LA PRÉVENTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS OU DÉGRADANTS (CPT) ET DU COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME DU CONSEIL DE L’EUROPE

    28.  Le rapport du 13 mars 2003 adressé au gouvernement espagnol par le CPT après la visite effectuée par celui-ci en juillet 2001 se lit comme suit :

    « 9.  Le CPT considère que les personnes détenues au secret doivent également avoir le droit d’être examinées par un médecin de leur choix, qui pourra effectuer son examen en présence du médecin officiel nommé par l’État. Cependant, dans leur réponse du 11 juillet 2001, les autorités espagnoles ont clairement déclaré qu’elles ne voyaient pas la nécessité de mettre en œuvre cette recommandation.

    À la demande des autorités espagnoles, le CPT a également proposé des modifications dans la rédaction des formulaires utilisés par les médecins légistes. Cependant, lors de la visite de 2001, ces recommandations n’avaient pas été incorporées et la délégation constata que, dans la plupart des cas, les médecins légistes n’utilisaient même pas la version en vigueur du formulaire [relatif au protocole à suivre]. (...) Le CPT encourage les autorités à adopter des mesures concrètes pour que ces formulaires soient utilisés. »

    29.  Le rapport du 10 juillet 2007 adressé au gouvernement espagnol par le CPT après la visite effectuée par celui-ci en décembre 2005 mentionne ce qui suit :

    « 45.  La Cour européenne des droits de l’homme utilise deux critères pour déterminer si une enquête a été effective :

    -  l’enquête doit permettre de déterminer si le recours à la force était justifié ou non dans les circonstances (...),

    -  des mesures raisonnables doivent avoir été prises pour assurer l’obtention des preuves relatives à l’incident en question, y compris (...) le cas échéant, une autopsie propre à fournir un compte rendu complet et précis des blessures ainsi qu’une analyse objective des constatations cliniques, notamment de la cause du décès.

    L’arrêt Martínez Sala et autres c. Espagne du 2 novembre 2004 (§§ 156 à 160) constitue un exemple d’application de ces critères. »

    30.  Le rapport du 25 mars 2011 concernant la visite en Espagne effectuée par le CPT du 19 septembre au 1er octobre 2007 indique, concernant les personnes placées en garde à vue soumise à l’interdiction de communiquer, dont la durée maximale est de cinq jours (pouvant être prorogée jusqu’à un maximum de treize jours dans certains cas), que, pendant ce laps de temps, le détenu ne peut pas informer une personne de son choix de sa détention ni lui en communiquer le lieu, ne peut pas se faire assister par un avocat librement choisi ni s’entretenir en privé avec l’avocat désigné d’office. Le paragraphe 48 du rapport expose ce qui suit :

     « 48.  Concernant des personnes suspectées de délits prévus par l’article 384 bis du code pénal, le contrôle juridictionnel de la détention relève exclusivement de l’Audiencia Nacional. Les personnes ainsi détenues doivent être « mises à la disposition » du juge compétent de l’Audiencia Nacional dans les 72 heures à compter de leur mise en détention. Par ailleurs, selon l’article 520 bis § 3 du code de procédure pénale, le juge compétent peut « à tout moment demander des informations sur la situation du détenu et vérifier celle-ci ».

    Toutefois, les informations recueillies lors de la visite [du CPT] de 2007 confirment qu’en pratique, les personnes dont la détention est prolongée au-delà de 72 heures ne sont pas vues par le juge avant l’adoption de la décision de prolongation. L’autorisation de prolonger la détention (toujours au secret) jusqu’à 5 jours est donnée par un juge suivant une procédure écrite. En outre, lors des discussions avec l’Audiencia Nacional, la délégation a été informée que cette juridiction ne se prévaut pas en pratique de la possibilité que lui offre l’article 520 bis § 3 de procéder à une surveillance directe ou par personne interposée. À cet égard, le rôle du médecin légiste, qui rend visite au détenu une fois par jour, voire plus, est considéré comme suffisant. Pour sa part, le CPT estime que les visites d’un médecin légiste ne remplacent pas une surveillance juridictionnelle appropriée.

    Par ailleurs, l’examen par la délégation des documents relatifs aux personnes détenues en mars-avril 2007 montre que, au moins pour les cas passés en revue, le juge compétent de l’Audiencia Nacional n’a entrepris aucune action en réponse aux allégations de mauvais traitements. Il faut rappeler qu’en pareil cas la loi espagnole oblige le juge soit à ouvrir une enquête préliminaire sur les allégations formulées soit à déférer l’affaire à un autre tribunal compétent. »

    Le CPT formule les recommandations suivantes à l’intention des autorités espagnoles :

    « -  (...) veiller à ce que la personne détenue au secret ait le droit d’informer une personne de son choix de sa détention et de lui en communiquer le lieu dès que possible et au plus tard 48 heures après sa privation initiale de liberté ;

    -  prendre les mesures nécessaires pour que les personnes détenues au secret puissent s’entretenir avec un avocat en privé dès leur placement en détention ;

    -  les médecins doivent établir des rapports médicaux et les remettre au juge ;

    -  veiller à ce que les personnes détenues au secret aient le droit d’être examinées par un médecin de leur choix ;

    -  établir des règles claires sur la procédure à suivre par les représentants de la loi pour mener les interrogatoires ;

    -  ces règles doivent expressément interdire de bander les yeux des personnes en garde à vue ou de leur mettre une cagoule ;

    -  interdire d’obliger les détenus à faire des exercices physiques ou à rester debout de manière prolongée ;

    -  prendre des mesures pour améliorer sensiblement la tenue des registres par les représentants de la loi dans le cadre des détentions au secret (...) ;

    -  les personnes détenues au secret doivent être correctement informées de leur situation juridique et de leurs droits ;

    -  la législation (et les règlements) en vigueur doivent être modifiés sans délai afin d’interdire l’application aux mineurs du régime de détention au secret ;

    -  les personnes assujetties à l’article 520 bis du code de procédure pénale doivent être systématiquement traduites physiquement devant le juge compétent avant qu’il statue sur la question de la prolongation de la détention au-delà de 72 heures ; s’il y a lieu, modifier la législation pertinente ;

    -  le Conseil de la magistrature doit inciter les juges à adopter une approche plus proactive concernant les pouvoirs de surveillance dont ils disposent en vertu du paragraphe 3 de l’article 520 bis du code de procédure pénale ;

    -  prendre des mesures appropriées (...) concernant l’enregistrement vidéo de détentions au secret. »

    31.  Le rapport du 30 avril 2013 adressé au gouvernement espagnol par le CPT à la suite des visites effectuées par celui-ci entre mai et juin 2011 mentionne ce qui suit :

     « 14. Dix des onze personnes interrogées qui avaient été détenues au secret dans des opérations conduites par la Guardia civil pendant les premiers mois de l’année 2011 ont formulé auprès de la délégation des allégations crédibles et cohérentes de mauvais traitements. Ces derniers auraient commencé au cours du transfert par véhicule du lieu d’arrestation au centre de détention à Madrid : ils auraient surtout consisté en des coups de pieds et de matraque à la tête et au corps. De plus, au cours de l’entretien, ces personnes ont affirmé qu’un sac de plastique leur était mis sur la tête, faisant naître en eux une sensation d’asphyxie (une pratique appelée « la bolsa ») et que, en même temps, elles étaient contraintes d’accomplir des exercices physiques prolongés. Une personne a dit avoir été menacée d’abus sexuels, après que son pantalon et ses sous-vêtements avaient été ôtés, tandis qu’une autre a déclaré avoir été victime d’abus de ce type. Plusieurs personnes ont également signalé qu’elles avaient entendu les hurlements d’un compagnon depuis une salle d’interrogatoire adjacente. Au vu des éléments recueillis, il apparaît que les mauvais traitements allégués visaient à faire signer par la personne détenue une déclaration (par exemple des aveux) avant la fin de la détention au secret et de faire valider cette déclaration au cours d’une audience en justice.

    (...)

    Une troisième personne a dit qu’elle avait été giflée et frappée à coups de poings pendant son transfert à Madrid par la Guardia Civil et que, au cours de son premier interrogatoire à Calle Guzman el Bueno, elle avait été mise à nu, drapée dans une couverture et frappée au sol à plusieurs reprises. Elle a allégué en outre que, au cours d’une séance d’interrogatoire, alors qu’elle était soumise à « la bolsa », de la vaseline lui avait été appliquée au vagin et à l’anus et qu’un bâton lui avait été inséré dans le rectum, tout en étant menacée d’abus sexuels plus graves si elle refusait de parler. Elle a ajouté par ailleurs que, au cours de chaque séance d’interrogatoire, elle était toujours dénudée et qu’elle et son compagnon étaient constamment sous la menace d’autres abus physiques. Elle a relaté en particulier que, après avoir été aspergée d’eau, des électrodes avaient été fixées à son corps et qu’on avait menacé de l’électrocuter. Les mauvais traitements auraient cessé une fois qu’elle avait décidé de produire une déclaration le dernier jour de sa détention au secret. Les allégations de mauvais traitements, y compris concernant les abus sexuels et les menaces d’électrocution, ont été consignées dans les rapports du médecin légiste à la date des troisième et quatrième examens médicaux. »

    32.  Le rapport du 9 octobre 2013, établi par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à la suite de sa visite en Espagne du 3 au 7 juin 2013 (CommDH (2013)18) précise ce qui suit :

    « (...) Les mauvais traitements perpétrés par les services répressifs et l’impunité de ces derniers sont un problème très grave et persistant en Espagne touchant les droits de l’homme, s’agissant en particulier des détentions au secret par la Guardia Civil. Dans un certain nombre d’affaires dont ont été saisis la Cour européenne des droits de l’homme et le Comité de l’ONU contre la torture (« le CAT »), il a été constaté que l’Espagne avait violé les standards des droits de l’homme prohibant la torture.

     (...)

    1. Violations des droits de l’homme dans le contexte des détentions au secret

    100. Des éléments relatant un recours excessif à la force par les services répressifs espagnols au cours des manifestations contre l’austérité tenues en 2011 et 2012 ont mis en lumière un certain nombre de graves problèmes en matière de droits de l’homme tenant aux actions desdits services. De surcroît, la grâce accordée par l’État, notamment dans des affaires de graves violations des droits de l’homme, par exemple celle dont ont bénéficié en novembre 2012 quatre policiers reconnus coupables de faits de torture, est un sujet de préoccupation majeur pour le Commissaire.

    101. Le Commissaire regrette que des violations des droits de l’homme - en particulier des mauvais traitements - continuent d’être commises par la Guardia Civil au cours de détentions au secret, malgré les recommandations formulées depuis longtemps par plusieurs organisations internationales de protection des droits de l’homme. Le groupe le plus important de requêtes se rapportant aux actions des services répressifs introduites devant la Cour et le CAT a pour objet des mauvais traitements subis par des personnes détenues au secret par la Guardia Civil.

    102. Depuis 1991, le Comité pour la prévention de la torture (« le CPT ») appelle l’attention sur le problème des mauvais traitements commis par la Guardia Civil contre des personnes soupçonnées de certaines catégories d’infractions, par exemple d’« appartenance à des groupes armés de terroristes ou d’individus rebelles, ou [de] liens avec eux ». Les autorités espagnoles ont été invitées à abolir les détentions au secret au motif que, par leur nature même, celles-ci risquent de donner lieu à des abus et à des violations des droits de l’homme. Dans son rapport sur l’Espagne publié en mai 2013, le CPT a regretté que, en pratique, les garanties contre les violations des droits de l’homme à l’occasion de détentions au secret n’aient pas été renforcées depuis sa visite précédente et ses recommandations formulées en 2007. Il a déploré en particulier la possibilité pour les détenus de s’entretenir en privé avec leur avocat, bien qu’ils jouissent depuis 2007 du droit à un avocat commis d’office. Des garanties supplémentaires comme la possibilité de voir un médecin de son choix, le droit pour le détenu de prévenir sa famille de son incarcération ou l’enregistrement vidéo et audio 24 heures sur 24 de la détention au secret ne sont pas systématiquement mises en œuvre. Le CPT a également critiqué l’absence de contrôle judiciaire adéquat des détentions au secret et la quasi-impossibilité pour les détenus d’identifier les auteurs d’abus allégués puisqu’ils avaient régulièrement les yeux bandés au cours des interrogatoires. Le médiateur national, dans son rapport de 2012, a également jugé illégal et injustifiable le fait que des policiers ont interrogé des auteurs allégués d’infractions et se sont dans certains cas entretenus avec leurs avocats en se mettant une cagoule sur la tête de manière à ne pas pouvoir être identifiés. Par ailleurs, le CPT a souligné que, s’il n’y a plus de détention au secret de mineurs depuis 2007, il reste encore à modifier la législation applicable de manière à interdire complètement cette pratique.

    103. Le Commissaire s’inquiète de ce que bon nombre d’allégations de graves mauvais traitements en détention, pourtant souvent confirmées par des médecins légistes, n’aient pas abouti à l’ouverture d’une enquête effective. Souvent, les enquêtes conduites sur des plaintes de mauvais traitements ne sont pas suffisamment effectives.

    104. Dans quatre affaires, la Cour a conclu que l’Espagne avait violé l’article 3 de la CEDH pour défaut d’enquête effective sur des allégations de mauvais traitements commises à l’occasion de détentions au secret. Un premier arrêt rendu en 2004 (Martinez Sala et autres c. Espagne) concernait l’arrestation à Barcelone et Madrid de quinze personnes soupçonnées d’appartenir à un groupe armé et les mauvais traitements qu’elles disaient avoir subis par la suite alors qu’elles se trouvaient entre les mains de membres de la Guardia Civil. La Cour a conclu que investigations sur ces allégations n’étaient pas effectives.

    (...)

    105. Dans trois arrêts plus récents rendus contre l’Espagne, la Cour a une nouvelle fois conclu à des violations de l’article 3 de la CEDH commises au cours de détentions au secret. Ces arrêts mettaient en lumière un certain nombre de lacunes dans le système en vigueur, par exemple l’absence d’examen médicolégal indépendant et diligent des personnes détenues au secret, qui rendait ineffectives les enquêtes conduites sur les allégations de mauvais traitements commises par les services répressifs. À l’heure actuelle, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe surveille l’exécution de ces arrêts par l’Espagne.

    106. Le CAT a pour sa part conclu dans deux affaires que l’Espagne avait violé la Convention contre la torture a raison d’enquêtes inadéquates sur des allégations de torture au cours de détentions au secret, de la main de membres de la Guardia civil à Madrid (dans l’affaire Encarnacion Blanco Abad) et par la police nationale basque au Pays basque (dans l’affaire Oskartz Gallastegi Sodupe). (...). Enfin, en mai 2013, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a conclu, dans l’affaire María Cruz Achabal Puertas, que l’Espagne avait violé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques faute d’enquête effective sur les faits de torture et autres formes de mauvais traitements que la requérante disait avoir subis alors qu’elle était détenue au secret par la Guardia Civil à Madrid.

     (...)”

    EN DROIT

    I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

    33.  La requérante estime qu’il n’y a pas eu d’enquête effective de la part des juridictions internes sur sa plainte au sujet des mauvais traitements qu’elle aurait subis au cours de sa garde à vue au secret. Elle se plaint aussi des mauvais traitements en question, et invoque l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :

    « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

    34.  Le Gouvernement récuse les allégations de la requérante.

    A.  Sur la recevabilité

    35.  La Cour constate que les griefs de la requérante ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’ils ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.

    B.  Sur le fond

    1.  Sur l’insuffisance alléguée des investigations menées par les autorités nationales

    a)  Les thèses des parties

    36.   Le Gouvernement se réfère à l’arrêt de la Cour Egmez c. Chypre, y voyant l’idée qu’au sujet de griefs de violation de l’article 3 un recours peut être reconnu comme effectif sans devoir forcément conduire à la sanction des fonctionnaires impliqués (Egmez c. Chypre, no 30873/96, § 70, CEDH 2000-XII). En ce qui concerne l’étendue d’une enquête approfondie et effective, le Gouvernement se réfère à l’arrêt Archip c. Roumanie (n49608/08, §§ 61-62, 27 septembre 2011).

    37.  Il indique qu’en l’espèce la requérante n’avait suggéré que deux éléments de preuve, à savoir sa propre déposition devant le juge et l’apport de certains documents, et qu’elle n’a pas non plus fourni d’éléments de preuve additionnels sur sa situation physique pour s’opposer au non-lieu rendu et demander la réouverture de la procédure d’instruction. Le Gouvernement est par conséquent d’avis qu’en raison de l’inexistence d’indices corroborant la plainte de la requérante et des rapports des médecins légistes examinés, le non-lieu rendu par la juge d’instruction no 1 de Bilbao confirmé ultérieurement par l’Audiencia Provincial de Biscaye doit être considéré comme étant suffisamment respectueux du devoir d’enquête qui découle de l’article 3 de la Convention.

    38.  Pour souligner l’effectivité de l’enquête, le Gouvernement note qu’à la différence de ce qui avait été le cas dans l’affaire Otamendi, précitée, lors de la procédure orale sur le fond devant l’Audiencia Nacional ayant abouti à l’arrêt du 23 juillet 2013 (paragraphe 23 ci-dessus) ont été recueillies les dépositions du médecin légiste, des avocats présents lors de la déposition signée par la requérante devant la garde civile et des gardes civils également présents.

    39.  La requérante soutient que la transcription du rapport du CPT reproduite ci-dessus (paragraphe 31 ci-dessus) correspond intégralement aux faits qu’elle avait dénoncés, et que ses allégations de mauvais traitements ont été dès lors considérées par le CPT comme « crédibles » et « cohérentes », ce qui selon elle confirme qu’il y avait des motifs suffisants justifiant la mise en place d’une enquête effective.

    40.  En réponse aux affirmations du Gouvernement concernant l’absence de demandes de preuves, la requérante rappelle que dès le 15 mars 2011 (paragraphe 19 ci-dessus), elle avait sollicité la production de copies des rapports médicaux la concernant établis à Bilbao et à Madrid, et demandé à être soumise à un examen physique et psychologique approfondi par un médecin et par un gynécologue. Comme elle était en détention, seules les autorités judiciaires auraient été en mesure d’ordonner le recueil de ces preuves, qui selon elle s’imposait. L’audition des médecins, des agents de la garde civile et de l’avocat commis d’office dans le cadre de la procédure sur le fond à laquelle se réfère le Gouvernement n’a eu lieu qu’en mai 2013, deux ans après les faits et après que la requérante ait saisi la Cour. Par ailleurs, ces auditions se sont déroulées dans le cadre d’une autre procédure, où elle était l’accusée et où les agents ayant prétendument participé aux mauvais traitements étaient des témoins à charge. La requérante fournit un rapport établi en décembre 2013 faisant état de son état psychologique, et explique par le fait qu’elle était encore traumatisée son choix de ne pas répondre aux questions et de ne pas interroger de témoins dans le cadre des procédures judiciaires ouvertes à la suite des déclarations qui lui avaient été extorquées.

    41.  La requérante renvoie aux critiques internationales de la procédure judiciaire espagnole en matière d’enquête sur les actes de torture ou de mauvais traitements, en particulier dans le cadre des détentions au secret, et se réfère aux rapports du CPT déjà cités, au rapport établi par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en 2013 à la suite d’une visite en Espagne (voir paragraphe 32 ci-dessus) et à la jurisprudence de la Cour. Elle y voit la preuve du caractère systémique des violations du droit à une enquête effective pour les personnes se plaignant d’avoir subi des mauvais traitements dans le cadre d’une détention au secret.

    b)  Les observations du tiers intervenant

    42.  Le tiers intervenant critique le régime légal de la garde à vue au secret en Espagne, concernant notamment l’absence de notification de la détention et du lieu de celle-ci à une personne choisie par l’intéressé, l’impossibilité pour le détenu au secret de désigner un avocat de son choix comme de s’entretenir confidentiellement, avant ou après les interrogatoires, avec l’avocat commis d’office, et l’impossibilité de se faire examiner par un médecin de son choix durant la privation de liberté. Il souligne la situation de vulnérabilité des personnes détenues au secret, notamment face à l’éventualité de mauvais traitements, et les obligations positives des États à cet égard afin de garantir leur intégrité physique ; il se réfère à ce sujet aux constats et arguments déjà exposés par la Cour (Otamendi Egiguren c. Espagne, no 47303/08, § 41, 16 octobre 2012) et par le CPT pour ce qui est du cas espagnol (paragraphes 28 et suivants ci-dessus). Parmi ces garanties, le tiers intervenant cite l’accès dès les premiers moments de la détention à un avocat librement choisi, avec lequel le détenu puisse communiquer librement et confidentiellement, afin de bénéficier d’une assistance juridique effective et de qualité, et de prévenir les mauvais traitements lors des interrogatoires. Le tiers intervenant considère également comme une garantie indispensable l’accès à une surveillance et à une assistance médicales indépendantes et de qualité.

    c)  L’appréciation de la Cour

    43.  La Cour rappelle que, lorsqu’un individu affirme de manière défendable avoir subi, aux mains de la police ou d’autres services comparables de l’État, des sévices contraires à l’article 3, cette disposition, combinée avec le devoir général imposé à l’État par l’article 1 de la Convention de « reconnaître à toute personne relevant de [sa] juridiction, les droits et libertés définis (...) [dans la] Convention », requiert, par implication, qu’il y ait une enquête officielle effective. Cette enquête, à l’instar de celle résultant de l’article 2, doit pouvoir mener à l’identification et, le cas échéant, à la punition des responsables (voir, en ce qui concerne l’article 2 de la Convention, les arrêts McCann et autres c. Royaume-Uni, 27 septembre 1995, § 161, série À no 324, Dikme c. Turquie, no 20869/92, § 101, CEDH 2000-VIII, Beristain Ukar, précité, § 28 et Otamendi, precité, § 38). S’il n’en allait pas ainsi, nonobstant son importance fondamentale, l’interdiction légale générale de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants serait inefficace en pratique et il serait possible dans certains cas à des agents de l’État de fouler aux pieds, en jouissant d’une quasi-impunité, les droits de ceux soumis à leur contrôle (Assenov et autres c. Bulgarie, 28 octobre 1998, § 102, Recueil 1998-VIII).

    44.  En l’espèce, la Cour note que la requérante a été placée en garde à vue au secret pendant cinq jours durant lesquels elle n’a pas pu informer de sa détention une personne de son choix ni lui en communiquer le lieu, et n’a pas pu se faire assister par un avocat librement choisi. L’intéressée s’est plainte de manière précise et circonstanciée d’avoir fait l’objet de mauvais traitements au cours de sa garde à vue au secret : le 5 mars 2011 lorsqu’elle a été traduite devant le juge central d’instruction de l’Audiencia Nacional et une seconde fois le 15 mars 2011 lorsqu’elle a porté plainte devant la juge d’instruction no 1 de Bilbao. La Cour estime dès lors que la requérante avait un grief défendable sous l’angle de l’article 3 de la Convention. Elle rappelle que, dans ce cas, la notion de recours effectif implique, de la part de l’État, des investigations approfondies et effectives propres à conduire à l’identification et, le cas échéant, à la punition des responsables (Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 79, CEDH 1999-V).

    45.  S’agissant des investigations menées par les autorités nationales au sujet des allégations de mauvais traitements, la Cour observe que, d’après les informations fournies, la juge d’instruction no 1 de Bilbao s’est bornée à examiner les rapports des médecins légistes et les copies des dépositions de la requérante alors que cette dernière avait aussi sollicité la production des enregistrements des caméras de sécurité des locaux où elle était placée en garde à vue et l’identification et l’audition par la juge des agents de la garde civile intervenus pendant ladite garde à vue, ainsi que l’audition des médecins légistes l’ayant examinée et des avocats commis d’office présents lors de ses dépositions. Elle avait aussi demandé à être entendue personnellement et à être soumise à un examen physique et psychologique approfondi par un médecin et par un gynécologue. Or ses demandes n’ont pas été prises en considération par la juge d’instruction no 1.

    46.  La Cour ne parvient pas à déceler les motifs pour lesquels les demandes de la requérante n’ont pas été accueillies par la juge d’instruction no 1 de Bilbao, alors qu’aucune question d’ordre pratique ne l’en empêchait. Elle observe en effet que lors de la procédure sur le fond devant l’Audiencia Nacional ayant abouti à l’arrêt de condamnation du 23 juillet 2013, le tribunal a pris en considération les allégations de mauvais traitements de la requérante et procédé alors, bien après le non-lieu sur sa plainte et dans le cadre d’une procédure où elle était l’accusée et non la partie accusatrice, aux auditions qu’elle avait réclamées lors de la procédure y afférente, à savoir celle des médecins légistes, avocats d’office et gardes civils intervenus durant sa garde à vue.

    47.  À la lumière des éléments qui précèdent, la Cour estime que l’enquête menée dans la présente affaire n’a pas été suffisamment approfondie et effective pour remplir les exigences précitées de l’article 3 de la Convention. Une investigation effective s’impose pourtant d’autant plus fortement lorsque, comme en l’espèce, la requérante se trouvait, pendant la période de temps où les mauvais traitements allégués se seraient produits, dans une situation d’isolement et d’absence totale de communication avec l’extérieur, pareil contexte exigeant un effort plus important, de la part des autorités internes, pour établir les faits dénoncés. De l’avis de la Cour, l’administration des moyens de preuve supplémentaires suggérés par la requérante, tout particulièrement une audition des agents chargés de sa surveillance lors de sa garde à vue secrète, aurait pu contribuer à l’éclaircissement des faits, dans un sens ou dans l’autre, comme l’exige la jurisprudence de la Cour (paragraphe 43 ci-dessus).

    48.  La Cour insiste par ailleurs sur l’importance d’adopter les mesures recommandées par le CPT pour améliorer la qualité de l’examen médicolégal des personnes soumises à la détention au secret (paragraphe 28 et suivants ci-dessus et Otamendi, précité, § 41). Elle estime que la situation de vulnérabilité particulière des personnes détenues au secret commande que soient imposées par le code de procédure pénale des mesures de surveillance juridictionnelle appropriées et que celles-ci soient rigoureusement appliquées, afin que les abus soient évités et que l’intégrité physique des détenus soit protégée (paragraphe 30 ci-dessus). La Cour souscrit aux recommandations du CPT, reprises par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe dans son rapport du 9 octobre 2013 (paragraphe 32 ci-dessus), ainsi qu’aux observations du tiers intervenant (paragraphe 42 ci-dessus) concernant aussi bien les garanties à assurer en pareil cas que le principe même, en Espagne, de la possibilité de garder une personne au secret.

    49.  En conclusion, eu égard à l’absence d’enquête approfondie et effective au sujet des allégations défendables de la requérante (Martinez Sala et autres c. Espagne, no 58438/00, § 156-160, 2 novembre 2004), selon lesquelles elle avait subi des mauvais traitements au cours de sa garde à vue, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention dans son volet procédural.

    2.  Sur les allégations relatives aux mauvais traitements lors de l’arrestation et en détention

    a)  Les thèses des parties

    50.  Le Gouvernement note que ni les rapports médicaux ni les juridictions internes n’ont relevé de traces pouvant corroborer les allégations de la requérante. Il se réfère à la jurisprudence de la Cour selon laquelle les allégations portant sur la torture ou les mauvais traitements doivent être dûment étayées (Danelia c. Georgie, du 17 octobre 2006, § 41). Il note que l’arrêt sur le fond rendu par l’Audiencia Nacional (paragraphe 23 ci-dessus) dissipe tout doute quant à l’existence de mauvais traitements et souligne que la requérante n’a rien mentionné à cet égard lors de la procédure orale, en gardant le silence.

    51.  Pour sa part, la requérante dénonce une utilisation disproportionnée de la force par les agents de police dans le cadre de son arrestation et se réfère en particulier au fait d’avoir été saisie par les cheveux alors qu’elle dormait et d’avoir été attachée avec une corde sans qu’on lui permette de se rhabiller. Concernant l’absence de preuves évoquée par le Gouvernement sur les mauvais traitements prétendument subis pendant son arrestation, la requérante se réfère au rapport des médecins légistes de Bilbao daté du 1er mars 2011 (paragraphe 7 ci-dessus) ainsi qu’à d’autres rapports établis pendant sa détention. Elle observe que les rapports des médecins légistes l’ayant examinée pendant sa garde à vue au secret ne respectaient pas les recommandations du Protocole d’Istanbul et cela « malgré les nombreuses sollicitations internationales, notamment de la Cour, invitant le Royaume d’Espagne à adopter les mesures recommandées par le CPT pour améliorer la qualité de l’examen médicolégal des personnes soumises à la détention au secret ».

    52.  En outre, la requérante considère que l’absence de traces des lésions alléguées ne suffit pas pour dire qu’elles n’ont pas existé, car les méthodes de la garde civile consistent précisément à ce que les coups donnés ne provoquent pas de traces. Elle cite notamment les attouchements, les menaces, les insultes, les secousses, les séances d’asphyxie en plaçant un sac en plastique autour de la tête. Exiger d’établir l’existence de ces faits par un rapport médical reviendrait, selon la requérante, à garantir l’impunité des auteurs desdits traitements. Elle souligne par ailleurs que les autorités ont longtemps refusé d’auditionner ces derniers, qu’elles n’ont jamais produit d’enregistrements vidéos et que, malgré ses demandes, elles n’ont jamais procédé à une expertise psychologique portant sur sa crédibilité et sur l’existence de troubles de stress post-traumatique, qui confirmerait l’existence des mauvais traitements allégués. La requérante se réfère à cet égard au rapport psychologique établi à sa demande après la saisine de la Cour (paragraphes 25 et 39 ci-dessus).

    53.  Selon la requérante, compte tenu de ses allégations précises et réitérées sur les mauvais traitements subis, du caractère crédible de ses déclarations selon le CPT, du rapport psychologique établi à sa demande et concluant à l’existence d’un syndrome de stress post-traumatique et d’une dépression sévère compatible avec les faits dénoncés, de l’absence de tout autre élément expliquant ces troubles psychologiques, du contexte de détention au secret et du caractère systématique des mauvais traitements aux détenus dans le cadre des opérations antiterroristes au Pays Basque, les mauvais traitements auxquels elle a été soumise par les agents de la garde civile responsables de son arrestation et de sa détention sont suffisamment établis.

    b)  L’appréciation de la Cour

    54.  L’article 3, la Cour l’a dit à maintes reprises, consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Même dans les circonstances les plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. L’article 3 ne prévoit pas de restrictions, ce en quoi il contraste avec la majorité des clauses normatives de la Convention et des Protocoles, et d’après l’article 15 il ne souffre nulle dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation (arrêts Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 95, CEDH 1999-V, et Assenov et autres c. Bulgarie, précité, § 93). La prohibition de la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants est absolue, quels que soient les agissements reprochés à la victime (Chahal c. Royaume-Uni, arrêt du 15 novembre 1996, § 79, Recueil des arrêts et décisions 1996-V).

    55.  Toutefois, pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention, le mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. Par ailleurs, les allégations de mauvais traitements doivent être étayées devant la Cour par des éléments de preuve appropriés. Pour l’établissement des faits allégués, la Cour se sert du critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable » ; une telle preuve peut néanmoins résulter d’un faisceau d’indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants (voir, par exemple, Labita c. Italie [GC], no 26772/95, §§ 121 et 152, CEDH 2000-IV). De plus, lorsque comme en l’espèce, les événements en cause, dans leur totalité ou pour une large part, sont connus exclusivement des autorités, comme dans le cas des personnes soumises à leur contrôle en garde à vue et à plus forte raison lorsqu’elles sont placées en détention au secret, toute blessure ou décès survenu pendant cette période de détention donne lieu à de fortes présomptions de fait. Il convient en vérité de considérer que la charge de la preuve pèse sur les autorités, qui doivent fournir une explication satisfaisante et convaincante (Salman c. Turquie, n21986/93, § 100, CEDH 2000-VII).

    56.  La Cour note que, dans sa requête, la requérante a exposé de manière détaillée et circonstanciée les sévices dont elle dit avoir été victime durant son arrestation et détention. En particulier, les mauvais traitements dénoncés auraient revêtu les formes suivantes : séances d’asphyxie au moyen d’un sac en plastique autour de la tête, coups sur la tête, cris dans les oreilles, frappes et secousses, humiliations et vexations sexuelles, tirage des cheveux, menaces.

    57.  La Cour est consciente des difficultés qu’un détenu peut rencontrer pour produire des preuves des mauvais traitements subis pendant qu’il était en détention au secret et notamment lorsqu’il s’agit d’allégations d’actes de mauvais traitements ne laissant pas de traces, comme ceux dénoncés par la requérante dans sa requête. Cependant, en raison de l’absence d’éléments probatoires suffisants résultant notamment de l’insuffisance de l’enquête menée, la Cour ne s’estime pas en mesure d’affirmer avec le degré de certitude voulu par sa propre jurisprudence que la requérante a été soumise, lors de son arrestation et de sa détention, aux mauvais traitements allégués.

    58.  En conclusion, la Cour considère que les éléments dont elle dispose ne lui permettent pas d’établir, au-delà de tout doute raisonnable, que la requérante a été soumise à des traitements ayant atteint un minimum de gravité, en méconnaissance de l’article 3 de la Convention. À cet égard, elle tient à souligner que cette impossibilité découle en grande partie de l’absence d’une enquête approfondie et effective par les autorités nationales à la suite de la plainte présentée par la requérante pour mauvais traitements (Lopata c. Russie, no 72250/01, § 125, 13 juillet 2010, San Argimiro Isasa c. Espagne, no 2507/07, § 65, 28 septembre 2010 et Beristain Ukar c. Espagne, no 40351/05, § 43, 8 mars 2011), défaillance pour laquelle la Cour a conclu à la violation de l’article 3 de la Convention dans son volet procédural (paragraphe 49 ci-dessus).

    59.  En conséquence, la Cour ne peut conclure à une violation matérielle de l’article 3 de la Convention s’agissant des mauvais traitements allégués par la requérante lors de son arrestation et durant sa garde à vue.

    II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    60.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

    « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

    A.  Dommage

    61.  La requérante réclame 30 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’elle aurait subi. Elle réclame en outre qu’il lui soit permis de bénéficier d’un soutien psychologique constant et que sa détention soit adaptée à ses besoins thérapeutiques, en mettant notamment fin au régime d’isolement dans l’exécution de sa peine.

    62.  Le Gouvernement estime que la requérante n’a pas prouvé le préjudice moral allégué.

    63.  La Cour considère que, compte tenu de la violation constatée en l’espèce, une indemnité pour tort moral doit être accordée à la requérante. Statuant en équité comme le veut l’article 41 de la Convention, elle décide de lui allouer 25 000 EUR à ce titre.

    B.  Frais et dépens

    64.  Notes d’honoraires à l’appui, la requérante réclame dans ses observations 171,76 EUR pour les frais d’avoué engagés devant le Tribunal constitutionnel et 8 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour (bien que le montant de la note d’honoraires indique 10 000 EUR).

    65.  Le Gouvernement estime les sommes réclamées notoirement excessives.

    66.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable d’allouer la somme de 4 000 EUR à la requérante, au titre des frais et dépens pour la procédure nationale et pour la procédure devant la Cour et l’accorde à la requérante.

    C.  Intérêts moratoires

    67.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

    D.  Demande de déclaration d’insaisissabilité

    68.  La requérante invite la Cour à préciser dans son arrêt que les montants alloués au titre de l’article 41 ne pourront donner lieu à aucune saisie pour des motifs de compensation avec des dettes envers le Royaume d’Espagne.

    69.  Quant à la demande de la requérante tendant à ce que les sommes accordées ne soient pas saisies par le Gouvernement, ce dernier estime qu’une telle prétention ne relève pas des compétences de la Cour. Au demeurant, le Gouvernement note que l’arrêt sur le fond rendu à l’égard de la requérante l’a condamnée entre autres à verser 300 000 EUR à la veuve de la victime des actes pour lesquels elle a été condamnée, ainsi que 150 000 EUR à chacun de ses enfants orphelins, montants que la requérante n’a pas honorés, pour cause d’insolvabilité. En tout état de cause, le Gouvernement renvoie à la décision CM/Del/OJ/DH (2013) 1186/19 du 2 décembre 2013 adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe dans le cadre de l’exécution de l’arrêt Del Río Prada c. Espagne [GC] (no 42750/09, CEDH 2013), selon laquelle :

    « la pratique du Comité des Ministres ne semble pas faire obstacle à ce que les sommes allouées au titre de la satisfaction équitable pour préjudice moral soient retenues par les autorités en compensation des dettes internes des requérants envers des personnes privées (...)

    Pour ce qui est du paiement des frais et dépens, le Comité des Ministres a porté une attention particulière à ce que les représentants des requérants dans la procédure devant la Cour soient payés, cela étant perçu comme un moyen de préserver l’effectivité du droit de recours individuel (...) ».

    70.  La Cour rappelle qu’elle n’a pas compétence pour accéder à une telle demande (voir, notamment, arrêts Philis c. Grèce (no 1), 27 août 1991, § 79, série A no 209, Allenet de Ribemont c. France, 10 février 1995, §§ 18-19, série A no 308, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 133, CEDH 1999-V). En conséquence, elle ne peut que s’en remettre à la sagesse des autorités espagnoles sur ce point ainsi qu’à la décision du Comité des Ministres dans le cadre de l’exécution du présent arrêt.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

    1.  Déclare la requête recevable ;

     

    2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention dans son volet procédural ;

     

    3.  Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention dans son volet matériel ;

     

    4.  Dit

    a)  que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

    i)  25 000 EUR (vingt-cinq mille euros) pour dommage moral ;

    ii)  4 000 EUR (quatre mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la requérante, pour frais et dépens ;

    b)  qu’à compter de l’expiration de ce délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

     

    5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

    Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 octobre 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

      Marialena Tsirli                                                                   Josep Casadevall
    Greffière adjointe                                                                       Président


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