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You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> GOKBULUT v. TURKEY - 7459/04 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Second Section)) French Text [2016] ECHR 310 (29 March 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/310.html Cite as: [2016] ECHR 310 |
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DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE GÖKBULUT c. TURQUIE
(Requête no 7459/04)
ARRÊT
STRASBOURG
29 mars 2016
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Gökbulut c. Turquie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
Julia Laffranque,
présidente,
Işıl Karakaş,
Paul Lemmens,
Valeriu Griţco,
Ksenija Turković,
Jon Fridrik Kjølbro,
Georges Ravarani, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 mars 2016,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 7459/04) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Hasan Basri Gökbulut (« le requérant »), a saisi la Cour le 3 novembre 2003 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté par Mes M. Çelik et Y. Kalkan, avocats à İzmir. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent.
3. Le requérant allègue en particulier une violation de l’article 6 § 3 c) et de l’article 6 § 3 d), combinés avec l’article 6 § 1 de la Convention.
4. Le 15 janvier 2008, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1966 et était détenu à la maison d’arrêt d’Erzurum à la date de l’introduction de la requête.
6. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
A. La procédure relative à la condamnation pénale du requérant
7. Le 19 mai 2002, le requérant fut expulsé d’Iran où il résidait et rentra en Turquie.
8. Lors de son entrée sur le territoire turc, la police des frontières releva que l’intéressé était en possession d’un faux passeport et qu’il était recherché par les juridictions turques pour appartenance à une organisation illégale, à savoir Anadolu Federe İslam Devleti (« l’État islamique fédéré d’Anatolie », ci-après « l’AFİD »). Le requérant fut alors placé en garde à vue.
9. Le même jour, le requérant fut examiné par un médecin qui ne décela aucune lésion corporelle sur sa personne, et il fut ensuite remis à la direction de la sûreté d’Ağrı.
10. Le 20 mai 2002, le requérant fut interrogé par les membres des forces de l’ordre et reconnut à cette occasion être l’un des principaux dirigeants de l’AFİD. En application de l’article 31 de la loi no 3842 du 18 novembre 1992, cet interrogatoire se déroula en l’absence d’un avocat, au motif que l’intéressé se trouvait accusé d’une infraction qui relevait de la compétence des cours de sûreté de l’État.
11. Le requérant fut de nouveau examiné par un médecin qui ne releva aucune trace de coups et blessures sur son corps.
12. Le 21 mai 2002, il fut transféré à la direction de la sûreté de Doğubeyazıt. Après un troisième examen médical qui ne révéla aucune anomalie, il fut entendu par le procureur de la République de Doğubeyazıt, devant lequel il confirma sa déposition faite au cours de son interrogatoire par les policiers. Il indiqua que le but de l’AFİD était de remplacer l’ordre actuel par un système fondé sur la charia.
13. Le même jour, le requérant fut traduit devant le juge d’instance pénale qui ordonna son placement en détention provisoire. Devant le juge, il confirma sa déposition faite devant les policiers, reconnaissant son appartenance à l’organisation illégale et déclarant en être un membre actif de haut rang. Il déclara également avoir été condamné par les juridictions pénales allemandes à une peine d’emprisonnement de trois ans pour incitation à la haine et à la violence par le biais d’une organisation illégale.
14. Par un acte d’accusation du 3 juin 2002, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’État d’Erzurum requit la condamnation du requérant pour appartenance ou aide et assistance à une organisation illégale armée, sur la base de l’article 68 § 1 du code pénal et de l’article 5 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme.
15. À l’audience du 27 août 2002 devant la cour de sûreté, assisté de son avocat, le requérant revint sur ses dépositions et contesta toutes les accusations portées à son encontre. Il dit avoir été torturé et obligé de boire à une ou deux reprises de « l’eau sucrée » lors de sa garde à vue.
16. Les juges de la cour de sûreté demandèrent au procureur de la République la copie des dépositions de R.K., S.A.B., K.K., N.K., T.G. et S.B, accusés dans le cadre d’une autre procédure pénale relative à la même organisation, qui avaient été recueillies par la police entre le 2 novembre 1998 et le 4 novembre 1998 en l’absence d’un avocat.
17. Au cours de l’audience du 19 novembre 2002, le procureur de la République présenta son réquisitoire, à l’issue duquel il demanda la condamnation du requérant.
18. Lors de l’audience du 26 décembre 2002, le conseil du requérant demanda à la cour de sûreté la convocation de K.K., N.K., S.A.B. et S.B., qui, lors de leur garde à vue, avaient désigné son client comme étant l’un des principaux responsables de l’organisation. Tenant compte des copies des dépositions de ces quatre personnes déjà obtenues et des pièces versées au dossier, la cour de sûreté refusa de convoquer les intéressés, estimant qu’il n’y avait pas lieu de les entendre à l’audience. Elle rejeta également la demande d’élargissement de l’instruction.
19. Les juges de la cour de sûreté prirent également connaissance d’un rapport de la direction générale de la sûreté du 13 août 2002 qualifiant l’AFİD d’organisation armée illégale. Le conseil du requérant critiqua ce rapport en ce qu’il aurait été en contradiction avec un autre rapport datant du 8 mai 2002 qui, selon lui, avait qualifié l’organisation d’illégale mais non d’armée. La cour de sûreté accorda alors au requérant un délai supplémentaire de vingt-quatre jours pour présenter ses observations complémentaires.
20. À l’audience du 21 janvier 2003, le conseil du requérant contesta notamment la manière dont les dépositions à charge des six personnes accusées précitées avaient été obtenues. Il soutint que les éléments figurant dans ces déclarations n’avaient aucune valeur probante, au motif que celles-ci avaient été recueillies sous la contrainte. Il soumit à cet égard les rapports des examens médicaux effectués sur ces personnes à l’issue de leur garde à vue. Il ajouta que les contenus de ces dépositions avaient été contestés le 5 novembre 1998 par les intéressés devant le procureur de la République et devant le juge d’instance pénale près la cour de sûreté de l’État d’Istanbul.
À la même audience, le requérant prit également la parole pour plaider non coupable et demander son acquittement.
21. Par un arrêt du 21 janvier 2003, la cour de sûreté de l’État d’Erzurum déclara le requérant coupable des faits qui lui étaient reprochés et le condamna à une peine d’emprisonnement de dix-huit ans et neuf mois, en application de l’article 168 § 1 du code pénal et de l’article 5 de la loi no 3713.
22. Dans sa motivation, la cour de sûreté prit notamment en compte : les aveux concordants du requérant recueillis lors de la garde à vue ainsi que devant le procureur de la République et le juge d’instance pénale ; le rapport de la direction générale de la sûreté qualifiant l’organisation en cause d’illégale et d’armée ; un arrêt de principe de la Cour de cassation du 18 décembre 2000 relatif à la qualification juridique de cette organisation (dans le cadre d’une affaire similaire concernant des membres de l’AFİD qui avaient été déclarés coupables, par la cour de sûreté de l’État d’Istanbul, d’avoir tenté de mener des opérations terroristes) ; les dépositions recueillies devant la police des six personnes accusées précitées qui avaient désigné le requérant comme étant l’un des hauts dirigeants de l’organisation (ci-après « les témoins à charge ») ; et enfin la condamnation du requérant par les juridictions pénales allemandes.
23. Le 20 février 2003, le requérant se pourvut en cassation contre l’arrêt du 21 janvier 2003 en demandant la tenue d’une audience. Il contestait les éléments de preuve sur lesquels la cour de sûreté s’était appuyée pour le condamner. Il soutenait notamment que les dépositions des six personnes susmentionnées avaient été obtenues par la police sous la contrainte et qu’elles n’avaient aucune valeur probante. Il affirmait que la cour de sûreté, en refusant d’entendre K.K., N.K., S.A.B. et S.B, l’avait privé de son droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge. Le requérant alléguait en outre que les juges de cette juridiction étaient partiaux.
24. À la suite d’une audience tenue le 3 juillet 2003, la Cour de cassation confirma en toutes ses dispositions l’arrêt attaqué. Sa décision fut prononcée le 9 juillet 2003, en l’absence du requérant et de son représentant. Le texte intégral de l’arrêt de la Cour de cassation fut versé au dossier de l’affaire se trouvant au greffe de la cour de sûreté de l’État d’Erzurum et ainsi mis à la disposition des parties.
B. La procédure relative à l’application de la loi no 4959 sur la réintégration des membres des organisations terroristes (« la loi no 4959 »)
25. Le 26 août 2003, le requérant introduisit devant la cour de sûreté de l’État d’Erzurum un recours pour demander sa remise en liberté en application de l’article 4 a) de la loi no 4959 qui dispose que les personnes qui n’avaient pas participé aux infractions commises par une organisation terroriste et qui s’étaient rendues d’elles-mêmes sans résistance armée ou qui s’étaient retirées volontairement de cette organisation n’étaient pas condamnées à une peine, à la condition de déclarer leur volonté de bénéficier de cette loi.
26. Le même jour, l’avocat du requérant forma également un recours aux mêmes fins. Il estimait que l’article 4 a) de la loi no 4959 s’appliquait au cas de son client. Il indiquait que l’article 3 a) du même texte excluait du champ d’application de l’article 4 a) précité les personnes qui avaient fait partie de l’unité de direction au plus haut niveau de l’organisation ou qui avaient de facto dirigé celle-ci dans son ensemble, et il avançait que son client ne pouvait pas être considéré comme étant visé par cette disposition puisqu’il n’aurait pas exercé de responsabilités quant à la direction générale de l’organisation.
27. À l’audience du 26 septembre 2003, le requérant déclara qu’il reconnaissait le bien-fondé des accusations portées contre lui et de la motivation exposée par la cour de sûreté dans son arrêt de condamnation. Il indiqua aussi qu’il confirmait la teneur des dépositions qu’il avait faites devant les policiers, le procureur de la République et le juge d’instance pénale. De plus, il allégua qu’il n’avait pas endossé de responsabilités liées à la direction de l’organisation dans son ensemble et qu’il n’était pas membre de l’organe de décision de l’organisation. Il demanda par conséquent à bénéficier de la loi no 4959.
28. En raison de la suppression des cours de sûreté d’État par une loi du 30 juin 2004, l’affaire fut attribuée à la cour d’assises d’Erzurum.
29. Le 26 août 2004, considérant que le requérant n’occupait pas dans l’organisation une position suffisamment élevée pour lui permettre de diriger l’ensemble de l’organisation, la cour d’assises d’Erzurum décida, en application de l’article 4 c)-1 de la loi no 4959, de réduire de deux tiers la peine encourue par l’intéressé. Elle condamna ce dernier à six ans et neuf mois d’emprisonnement.
30. Le 5 avril 2005, la Cour de cassation infirma l’arrêt de la cour d’assises au motif que la loi no 4959 ne s’appliquait pas au cas du requérant. La haute juridiction relevait que le requérant était membre de l’organe de décision et vice-président de l’organisation illégale. Elle considérait en outre qu’il n’existait pas suffisamment d’éléments de preuve quant à l’aide et l’effort qui auraient été fournis par l’intéressé aux fins de dissolution de l’organisation illégale.
31. Par un arrêt du 28 juin 2005, la cour d’assises d’Erzurum se conforma à l’arrêt de la Cour de cassation et rejeta le recours formé par le requérant. Elle condamna le requérant à douze ans et six mois d’emprisonnement en application des dispositions de la nouvelle loi pénale entrée en vigueur le 1er juin 2005.
32. Le 26 octobre 2005, la Cour de cassation confirma ce dernier arrêt.
C. La saisine du ministère de la Justice par le requérant
33. Entre-temps, par une requête du 22 janvier 2003, le requérant avait saisi le ministère de la Justice d’une plainte contre les juges de la cour de sûreté de l’État d’Erzurum qui, selon lui, avaient pris leur décision avant même d’examiner ses moyens de défense.
34. Le 26 juin 2003, le ministère de la Justice avait décidé que, en l’absence de preuves, il n’y avait pas lieu de poursuivre les juges mis en cause.
D. La plainte du requérant contre les policiers l’ayant interrogé
35. Également le 22 janvier 2003, le requérant avait déposé une plainte pour torture devant le procureur de la République d’Ağrı contre les policiers qui l’avaient interrogé lors de sa garde à vue.
36. Le 27 mars 2003, le procureur avait rendu une ordonnance de non-lieu au motif que les trois examens médicaux effectués sur la personne du requérant lors de la garde à vue n’avaient permis de constater aucune trace de coups et blessures.
37. Le 10 juin 2003, la cour d’assises d’Ağrı avait rejeté l’opposition formée par le requérant.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
38. Un exposé des dispositions pertinentes en l’espèce du droit turc concernant la présence d’un avocat lors de la garde à vue figure entre autres dans les arrêts Göç c. Turquie ([GC], no 36590/97, § 34, CEDH 2002-V), et Salduz c. Turquie ([GC], no 36391/02, §§ 27-31, CEDH 2008).
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 §§ 1 ET 3 DE LA CONVENTION
39. Le requérant se plaint d’un défaut d’équité de la procédure au motif qu’il n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de sa garde à vue et lors de ses comparutions devant le procureur de la République et devant le juge d’instance pénale. Il soutient en outre qu’il a été condamné sans avoir pu, à aucun stade de la procédure, interroger ou faire interroger les témoins à charge dont les dépositions auraient servi de fondement à sa condamnation. Il invoque l’article 6 §§ 1 et 3 c) et d) de la Convention, ainsi libellé en ses parties pertinentes en l’espèce :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
(...)
3. Tout accusé a droit notamment à :
(...)
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent.
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. »
A. Sur l’absence d’un avocat lors de la garde à vue du requérant
1. Sur la recevabilité
40. Le Gouvernement soutient que le requérant n’a pas soulevé, ne serait-ce qu’en substance, son grief tiré de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention devant les juridictions nationales et que, par conséquent, il ne s’est pas conformé à la règle de l’épuisement des voies de recours internes posée à l’article 35 de la Convention.
41. La Cour observe que le droit du requérant à bénéficier de l’assistance d’un avocat a été restreint pendant la garde à vue, en application de l’article 31 de la loi no 3842, qui ne conférait aux autorités judiciaires compétentes aucun pouvoir d’appréciation en la matière, au motif que l’intéressé se trouvait accusé d’une infraction qui relevait de la compétence des cours de sûreté de l’État. Par conséquent, l’exception du Gouvernement ne saurait être retenue.
42. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.
2. Sur le fond
43. Le requérant soutient que, au cours de sa garde à vue et lors de ses comparutions devant le procureur de la République et devant le juge d’instance pénale, il a été privé de l’assistance d’un avocat et que le droit y relatif ne lui a pas été rappelé.
44. Le Gouvernement indique que le requérant a effectué sa déposition durant sa garde à vue de son plein gré et qu’aucune coercition n’a été exercée sur lui. Il ajoute que l’intéressé a eu la possibilité de présenter ses moyens de défense devant la cour de sûreté de l’État d’Erzurum. Il estime donc que l’absence d’un avocat lors de l’instruction préliminaire n’a pas fait subir au requérant une atteinte irréparable à ses droits de la défense.
45. La Cour rappelle s’être déjà prononcée sur le grief tiré de l’absence d’un avocat durant la garde à vue d’un requérant et avoir conclu à la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention de ce fait (Salduz c. Turquie ([GC], no 36391/02, §§ 45-63, CEDH 2008). De même, elle rappelle avoir précisé que l’équité de la procédure requiert qu’un accusé puisse bénéficier de toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil (Dayanan c. Turquie, no 7377/03, § 32, 13 octobre 2009). À cet égard, l’absence d’un avocat lors de l’accomplissement des actes d’enquête constitue un manquement aux exigences de l’article 6 de la Convention (voir, notamment, İbrahim Öztürk c. Turquie, no 16500/04, §§ 48-49, 17 février 2009, et Karadağ c. Turquie, no 12976/05, § 46, 29 juin 2010).
46. Dans les circonstances de l’espèce, la Cour constate que, par application de l’article 31 de la loi no 3842, le requérant n’a pu ni s’entretenir avec un avocat ni bénéficier de l’assistance de celui-ci durant sa garde à vue. Le Gouvernement ne fournit par ailleurs aucune explication quant aux raisons d’être de ce défaut d’assistance. Il y a lieu d’ajouter que les éléments concrets sur lesquels s’est fondée la cour de sûreté de l’État se résument, outre les aveux du requérant entre-temps rétractés, quasi exclusivement aux dépositions des témoins dont le requérant avait vainement sollicité l’audition.
47. Ayant examiné la présente affaire à la lumière des principes définis dans sa jurisprudence (paragraphe 45 ci-dessus), la Cour considère que le Gouvernement n’a avancé aucun élément factuel ni argument pouvant mener en l’espèce à une conclusion différente de celle à laquelle elle est parvenue dans les affaires susmentionnées. Partant, elle conclut à la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention.
B. Sur l’impossibilité pour le requérant d’interroger ou de faire interroger des témoins à charge
1. Sur la recevabilité
48. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
2. Sur le fond
a) Arguments des parties
49. Le requérant se plaint d’avoir été condamné sur la base des déclarations des personnes accusées dans une autre affaire relative à l’organisation incriminée qui l’avaient identifié lors de leur garde à vue comme l’un des principaux dirigeants de cette organisation et, en outre, de ne pas avoir eu la possibilité d’interroger ou de faire interroger ces témoins à charge. Il estime que ces déclarations n’auraient pas dû être retenues comme preuves puisque, à ses dires, elles avaient été recueillies sous la contrainte.
50. Le Gouvernement soutient que la condamnation du requérant ne se fondait pas seulement sur les dépositions de ces personnes et qu’il existait d’autres éléments à charge. Il fait référence à cet égard aux dépositions du requérant faites lors de la garde à vue ainsi que devant le procureur et le juge d’instance pénal. Il précise que, bien qu’il se fût rétracté devant la cour de sûreté de l’État d’Erzurum pendant la procédure pénale, le requérant avait confirmé la teneur de ces dépositions lors de la procédure relative à la loi no 4959. Le Gouvernement ajoute que le requérant avait déjà été condamné en Allemagne pour des actes commis dans le cadre des activités menées par l’organisation illégale en cause et qu’il était recherché en Turquie du chef d’insulte à Mustafa Kemal Atatürk. Selon le Gouvernement, les dépositions des six personnes susmentionnées n’étaient donc pas déterminantes pour la condamnation du requérant.
b) Appréciation de la Cour
i. Principes généraux pertinents
51. La Cour rappelle que les exigences du paragraphe 3 d) de l’article 6 représentent des aspects particuliers du droit à un procès équitable garanti par le paragraphe 1 de cette disposition (Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni [GC], nos 26766/05 et 22228/06, § 118, CEDH 2011) ; elle examinera donc le grief du requérant sous l’angle de ces deux textes combinés (Windisch c. Autriche, 27 septembre 1990, § 23, série A no 186, et Lüdi c. Suisse, 15 juin 1992, § 43, série A no 238).
52. Lorsqu’elle examine un grief tiré de l’article 6 § 1, la Cour doit essentiellement déterminer si la procédure pénale a globalement revêtu un caractère équitable. Pour ce faire, elle envisage la procédure dans son ensemble, y compris la manière dont les éléments de preuve ont été recueillis, et vérifie le respect non seulement des droits de la défense mais aussi de l’intérêt du public et des victimes à ce que les auteurs de l’infraction soient dûment poursuivis ainsi que, si nécessaire, des droits des témoins (Schatschaschwili c. Allemagne [GC], no 9154/10, § 101, CEDH 2015).
53. La Cour se réfère aux principes pertinents qui se dégagent de sa jurisprudence concernant les critères d’appréciation des griefs formulés sur le terrain de l’article 6 § 3 d) de la Convention en ce qui concerne l’absence des témoins à l’audience tels qu’exposé dans l’arrêt Schatschaschwili c. Allemagne [GC], no 9154/10, §§ 100-131, CEDH 2015.
54. Les principes qu’il convient d’appliquer dans toute affaire où le tribunal admet à titre de preuves les déclarations antérieures d’un témoin à charge n’ayant pas comparu au procès ont été résumés et précisés dans l’arrêt (précité) rendu par la Grande Chambre le 15 décembre 2011 en l’affaire Al-Khawaja et Tahery.
55. La Cour a rappelé dans cet arrêt que l’article 6 § 3 d) consacre le principe selon lequel, avant qu’un accusé puisse être déclaré coupable, tous les éléments à charge doivent en principe être produits devant lui en audience publique, en vue d’un débat contradictoire (Schatschaschwili, précité, § 103, et Al-Khawaja et Tahery, précité, § 118).
56. Dans son arrêt Schatschaschwili, précité, § 107, la Cour a rappelé que selon les principes dégagés dans l’arrêt Al-Khawaja et Tahery, l’examen de la compatibilité avec l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention d’une procédure dans laquelle les déclarations d’un témoin qui n’a pas comparu et n’a pas été interrogé pendant le procès sont utilisées à titre de preuves comporte trois étapes (ibidem, § 152). La Cour doit rechercher :
i. s’il existait un motif sérieux justifiant la non-comparution du témoin et, en conséquence, l’admission à titre de preuve de sa déposition (ibidem, §§ 119-125) ;
ii. si la déposition du témoin absent a constitué le fondement unique ou déterminant de la condamnation (ibidem, §§ 119 et 126-147) ; et
iii. s’il existait des éléments compensateurs, notamment des garanties procédurales solides, suffisants pour contrebalancer les difficultés causées à la défense en conséquence de l’admission d’une telle preuve et pour assurer l’équité de la procédure dans son ensemble (ibidem, § 147).
Il y a lieu d’insister sur ce que le manque de motif sérieux justifiant l’absence d’un témoin à charge constitue un élément de poids s’agissant d’apprécier l’équité globale d’un procès ; pareil élément est susceptible de faire pencher la balance en faveur d’un constat de violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) (ibidem, § 113).
57. Toujours dans son arrêt Schatschaschwili, précité, § 118, la Cour a conclu qu’il sera en règle générale pertinent d’examiner les trois étapes du critère Al-Khawaja et Tahery dans l’ordre défini dans cet arrêt (paragraphe 55 ci-dessus). Toutefois, les trois étapes du critère sont interdépendantes et, prises ensemble, servent à établir si la procédure pénale en cause a été globalement équitable. Il peut donc être approprié, dans une affaire donnée, d’examiner ces critères dans un ordre différent, notamment lorsque l’un d’eux se révèle particulièrement probant pour déterminer si la procédure a été ou non équitable (voir à cet égard, par exemple, Nechto c. Russie, no 24893/05, §§ 119-125 et 126-127, 24 janvier 2012, Mitkus c. Lettonie, no 7259/03, §§ 101-102 et 106, 2 octobre 2012, Gani c. Espagne, no 61800/08, §§ 43-45, 19 février 2013, et Şandru c. Roumanie, no 33882/05, §§ 62-66, 15 octobre 2013 ; dans toutes ces affaires, la deuxième étape, c’est-à-dire la question de savoir si les déclarations du témoin absent constituaient l’élément à charge unique ou déterminant, a été examinée avant la première étape, c’est-à-dire la question de l’existence d’un motif sérieux justifiant la non-comparution du témoin).
ii. Application de ces principes à la présente espèce
58. La Cour doit donc vérifier si les trois étapes du critère Al-Khawaja et Tahery - dans l’ordre défini dans cet arrêt - qui sont interdépendantes et, prises ensemble, ont servi à établir si la procédure pénale dans le cas d’espèce a été globalement équitable (Schatschaschwili, précité, § 118).
α) Sur le point de savoir si l’absence au procès des quatre témoins se justifiait par un motif sérieux
59. La Cour relève tout d’abord que l’avocat du requérant a demandé à l’audience du 26 décembre 2002 la convocation de quatre des six témoins à charge, lesquels avaient désigné son client comme un haut responsable de l’organisation illégale incriminée lors de leur garde à vue. Elle observe que cette demande a été rejetée par la cour de sûreté de l’État d’Erzurum : cette juridiction a jugé qu’il n’y avait pas lieu d’entendre ces personnes étant donné que les copies de leurs dépositions avaient déjà été versées au dossier. La Cour note que la cour de sûreté de l’État d’Erzurum ne s’est pas fondée sur une quelconque impossibilité de recueillir les témoignages de ces personnes en la présence du requérant et qu’elle n’a elle-même pas auditionné les intéressés. La cour de sûreté d’Erzurum n’a pas non plus invoqué une justification factuelle, un motif procédural ou juridique de nature à empêcher l’audition de ces témoins.
60. Dès lors, la Cour estime que la juridiction de fond n’a pas invoqué un motif sérieux justifiant la non-comparution des quatre témoins et l’admission à titre de preuves de leurs dépositions.
β) Sur le point de savoir si les dépositions des témoins absents ont constitué le fondement unique ou déterminant de la condamnation du requérant
61. Pour déterminer le degré d’importance des dépositions des témoins absents et, en particulier, si ces dépositions ont constitué le fondement unique ou déterminant de la condamnation du requérant, la Cour doit avoir égard avant tout à l’appréciation à laquelle se sont livrées les juridictions nationales (Schatschaschwili, précité, § 141).
62. La Cour relève que les juridictions nationales, pour fonder le constat de culpabilité du requérant, se sont principalement appuyées sur les dépositions des témoins à charge. En effet, bien que les tribunaux nationaux aient mentionné s’être fondés sur toutes les preuves du dossier, il est indéniable que les dépositions de ces personnes ont joué un rôle déterminant, puisqu’aucun autre élément n’attestait de façon directe que le requérant avait commis l’infraction dont il était accusé. À cet égard, la Cour observe que, devant la cour de sûreté de l’État d’Erzurum, le requérant était revenu sur les dépositions qu’il avait faites auparavant, étant cependant précisé que cette cour s’est malgré tout fondée, entre autres, sur ces dépositions pour asseoir sa conviction (paragraphe 22 ci-dessus). Elle note en outre que ni le rapport de la direction générale de la sûreté du 13 août 2002, ni l’arrêt de principe de la Cour de cassation du 18 décembre 2000, ni les décisions des juridictions pénales allemandes ne constituaient un élément de preuve direct de la culpabilité du requérant dans le cadre de la procédure pénale diligentée contre lui. Il en résulte que, si les déclarations litigieuses des quatre témoins ne constituaient pas le seul élément de preuve sur lequel les tribunaux nationaux s’étaient appuyés pour prononcer la condamnation du requérant, elles étaient toutefois l’élément à charge déterminant.
63. Dans ces conditions, la Cour estime que les dépositions des témoins absents ont été « déterminantes », c’est-à-dire susceptibles d’emporter la décision sur l’affaire.
γ) Sur le point de savoir s’il existait des éléments compensateurs suffisants pour contrebalancer les difficultés causées à la défense
64. La Cour doit en outre se pencher sur une troisième étape, à savoir l’existence ou non d’éléments compensateurs suffisants pour contrebalancer les difficultés causées à la défense en conséquence de l’admission des preuves déterminantes émanant des témoins absents. Ces éléments suivants ont été identifiés dans l’affaire Schatschaschwili comme pertinents à cet égard : la façon dont le tribunal du fond a abordé les preuves non vérifiées, l’administration d’autres éléments à charge et la valeur probante de ceux-ci, et les mesures procédurales prises en vue de compenser l’impossibilité de contre-interroger directement les deux témoins au procès (Schatschaschwili, précité, § 145). En l’espèce, la Cour note que le requérant et son avocat n’ont, à aucun moment de la procédure, eu l’occasion d’interroger les témoins à charge et de mettre en doute la crédibilité de leurs dépositions faites devant les policiers.
65. La Cour relève en outre que la cour de sûreté de l’État d’Erzurum a omis de répondre à l’allégation du requérant selon laquelle les dépositions des témoins à charge avaient été recueillies lors de la garde à vue de ces derniers sous la contrainte exercée par des policiers. À cet égard, elle note que la cour de sûreté de l’État d’Erzurum n’a pas tenu compte des rapports d’examens médicaux effectués sur ces personnes présentés par le requérant à l’appui de son allégation. Elle note aussi que la cour de sûreté de l’État d’Erzurum n’a pas non plus pris en considération les dires du requérant selon lesquels les intéressés étaient revenus par la suite sur leurs dépositions, en se rétractant, devant le procureur de la République et devant le juge d’instance pénal. Il en découle que les juridictions nationales ont manqué de vérifier les garanties procédurales et la manière dont les dépositions en question avaient été recueillies.
66. La Cour souligne que, si l’article 6 § 3 d) de la Convention porte sur le contre-interrogatoire des témoins à charge pendant le procès, la façon dont est conduite l’audition de ces témoins au stade de l’instruction revêt une importance considérable pour l’équité du procès lui-même, qu’elle est susceptible de compromettre dans les cas où des témoins essentiels ne peuvent pas être entendus par le tribunal du fond et que leurs dépositions recueillies au stade de l’instruction sont donc présentées directement au procès (Schatschaschwili, précité, § 156). Elle souligne en outre qu’il ressort des informations fournies par les parties que les dépositions des témoins concernés avaient été recueillies pendant la garde à vue par la police en l’absence d’un avocat (paragraphe 16 ci-dessus).
67. C’est pourquoi, la Cour estime que la cour de sûreté de l’État d’Erzurum ne s’est pas livrée à un examen adéquat de la crédibilité des témoins absents et de la fiabilité de leurs dépositions.
68. Quant à l’argument du Gouvernement selon lequel le requérant avait confirmé la teneur de ses dépositions faites devant la police, le procureur de la République et le juge d’instance pénale lors de la procédure relative à la loi no 4959, la Cour relève qu’il ne s’agit pas là d’un élément de preuve incontestable de la culpabilité du requérant et décisif : en effet, cette confirmation est intervenue après la condamnation définitive du requérant et, par conséquent, ce dernier n’avait à ce stade guère d’autre choix que d’obtenir la réduction de sa peine en sollicitant le bénéfice de la loi en question.
69. Eu égard à ce qui précède, la Cour ne peut que constater le caractère déterminant des dépositions à charge faites par quatre des six témoins à charge susmentionnées. Elle relève l’absence de mesures procédurales prises par la juridiction de fond pour compenser l’impossibilité pour le requérant de contre-interroger directement les quatre témoins au procès.
70. De plus, vu l’importance que revêtaient les déclarations de ces témoins et, en l’absence dans le dossier d’autres éléments de preuve solides propres à corroborer ces dépositions, les juridictions nationales n’ont pas pris des mesures compensatrices pour permettre une appréciation équitable et adéquate de la fiabilité des éléments de preuve non vérifiés (Vronchenko c. Estonie, no 59632/09, § 66, 18 juillet 2013).
71. Dès lors, la Cour estime que le fait que le requérant n’ait pas pu interroger ou faire interroger les quatre témoins concernés a rendu la procédure inéquitable dans son ensemble.
72. Partant, il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
73. Le requérant se plaint d’avoir subi des traitements contraires à l’article 3 de la Convention lors de sa garde à vue.
74. La Cour observe que les allégations du requérant ne sont étayées ni par aucune preuve ni par aucun commencement de preuve. En effet, les trois rapports médicaux concernant l’intéressé, relatifs aux examens effectués les 19, 20 et 21 mai 2002, n’ont révélé aucune trace de coups, blessures ou lésions corporelles. En l’absence de la moindre preuve, ce grief est manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et il doit être rejeté, en application de l’article 35 § 4 de la Convention.
III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE LA CONVENTION
75. Invoquant également l’article 5 de la Convention, le requérant allègue avoir été arbitrairement privé de sa liberté. Il soutient n’avoir pas été informé des raisons de son arrestation et de la nature de l’accusation portée contre lui. Il se plaint en outre de la durée de sa détention provisoire et d’une absence d’une voie de recours qui lui aurait permis de contester la légalité de cette détention.
La Cour constate que la « décision interne définitive », au sens de sa jurisprudence (voir, entre autres, Efendiyev c. Azerbaïdjan, no 27304/07, § 53, 18 décembre 2014), est celle rendue sur le bien-fondé de l’accusation, fût-ce seulement en premier ressort. En l’espèce, le requérant a été condamné en premier ressort le 21 janvier 2003 alors qu’il a introduit sa requête le 3 novembre 2003. Il s’ensuit que ce grief est tardif et doit être rejeté en application de l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention.
76. De plus, sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant soutient que sa cause n’a pas été entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial. Il se plaint en outre que l’examen de ses moyens de défense par les tribunaux internes ait été insuffisant et que les décisions rendues par ces derniers n’aient pas été motivées.
Il dénonce aussi une méconnaissance du principe de la présomption d’innocence et invoque à cet égard l’article 6 § 2 de la Convention. Sur le terrain de l’article 6 § 3 de la Convention, il se plaint par ailleurs de n’avoir pu disposer du temps nécessaire à la préparation de sa défense.
77. Enfin, invoquant l’article 13 de la Convention, il se plaint de ne pas avoir disposé en droit interne d’un recours effectif pour faire valoir ses griefs.
78. La Cour a examiné ces griefs tels qu’ils ont été présentés par le requérant. Eu égard à l’ensemble des éléments dont elle dispose, et pour autant qu’elle est compétente pour connaître des allégations formulées, elle n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.
79. Il s’ensuit que ces griefs doivent être rejetés comme manifestement mal fondés, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
80. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
81. Le requérant n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable. Partant, il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
82. La Cour note que désormais l’article 311 § 1 f) du code de procédure pénale offre au requérant la possibilité de demander la réouverture de la procédure en droit interne à la suite du constat de violation prononcé par la Cour, dans le délai d’un an à compter de la décision définitive de la Cour (voir, notamment, Balta et Demir c. Turquie, no 48628/12, § 70, 23 juin 2015).
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
1. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable quant aux griefs tirés de l’impossibilité pour le requérant d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et de l’absence d’un avocat lors de la garde à vue du requérant ;
2. Déclare, à la majorité, la requête irrecevable pour le surplus ;
3. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention ;
4. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 29 mars 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Stanley Naismith Julia
Laffranque
Greffier Présidente