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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> R.M. AND OTHERS v. FRANCE - 33201/11 (Judgment (Merits and Just Satisfaction) : Court (Fifth Section)) French Text [2016] ECHR 673 (12 July 2016)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2016/673.html
Cite as: [2016] ECHR 673

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CINQUIÈME SECTION

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE R.M. ET AUTRES c. FRANCE

 

(Requête no 33201/11)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ARRÊT

 

 

 

 

 

STRASBOURG

 

12 juillet 2016

 

 

 

 

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire R.M. et autres c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

          Angelika Nußberger, présidente,
          Ganna Yudkivska,
          Khanlar Hajiyev,
          André Potocki,
          Yonko Grozev,
          Síofra O’Leary,
          Mārtiņš Mits, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 21 juin 2016,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 33201/11) dirigée contre la République française et dont un couple de ressortissants russes, R.M. et M.M. (« les requérants »), ont saisi la Cour le 28 mai 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). Par un courrier du 19 novembre 2011, les requérants ont informé la Cour qu’ils entendaient agir également au nom de leur enfant mineur, ce dont celle-ci a pris acte. Le président de la section a accédé à la demande de non-divulgation de leur identité formulée par les requérants (article 47 § 4 du règlement).

2.  Les requérants, qui ont été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, ont été représentés par Me J. Canadas, avocat à Toulouse. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

3.  Les requérants allèguent que la mise à exécution de la décision des autorités françaises de les éloigner vers leur pays d’origine les exposerait au risque d’être soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention, voire à une mort certaine en violation de l’article 2. Ils soutiennent ensuite que leur rétention administrative au centre de Toulouse-Cornebarrieu dans l’attente de leur expulsion a violé les articles 3, 5 et 8.

4.  Le 30 mai 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.

5.  Eu égard aux conclusions de la Cour dans l’affaire I c. Suède (no 61204/09, §§ 40-46, 5 septembre 2013), la présente requête n’a pas été communiquée à la Fédération de Russie.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6.  Les premier et deuxième requérants, ressortissants russes d’origine tchétchène, sont nés respectivement en 1981 et 1989. Le troisième requérant est né en France en 2010.

A.  Quant aux faits survenus en Fédération de Russie tels qu’exposés par les requérants

7.  Le premier requérant explique avoir commencé à travailler comme chauffeur de taxi en 2003 dans la ville de K., proche de son village. Le 9 mai 2004, jour de la fête nationale, il accepta de conduire quatre soldats à Grozny. Bien qu’ayant réussi à passer sans encombre à l’aller les postes de contrôles russe et tchétchène à la frontière, il fut arrêté au retour au poste de contrôle russe près du village de G. Après avoir vérifié ses papiers et effectué une fouille à corps, les soldats inspectèrent la voiture du requérant et y découvrirent une arme que celui-ci nie avoir jamais possédée. Convaincus que le requérant aidait les combattants tchétchènes en « faisant passer des armes à l’ennemi », ils le frappèrent violemment en lui ordonnant de révéler ses liens avec la rébellion puis, face au silence du requérant, ils le conduisirent dans une cave. Ce dernier y resta seul durant une période de quatre à cinq heures, sans boire ni manger, puis quatre personnes cagoulées, portant des chaussures militaires, firent irruption dans sa cellule. Ils l’interrogèrent à nouveau tout en le frappant, dans un premier temps, avec leurs pieds, leurs poings ainsi que la crosse de leur kalachnikov. Dans un second temps, ils le firent asseoir sur une chaise en lui attachant les mains et les pieds puis ils commencèrent à lui arracher un ongle avant de lui couper plusieurs phalanges des doigts jusqu’à ce qu’il perde connaissance.

8.  Le premier requérant reprit conscience dans le domicile d’un couple de personnes âgées du village de G. Ces personnes lui expliquèrent l’avoir trouvé en sang près d’une rivière. Le requérant resta environ trois jours chez eux après quoi ses proches, prévenus par le fils du couple qui l’avait recueilli, vinrent le chercher.

9.  Le 13 mai 2004, les parents du premier requérant le conduisirent à l’hôpital de K. où il séjourna durant trois semaines dans le service de traumatologie. Le certificat médical délivré par cet établissement hospitalier le 30 mai 2004 indique que le requérant souffrait d’une « déchirure traumatique définitive des II, III et V doigts au niveau de la phalange principale, main droite ; [d’un] traumatisme de la main droite ; [d’un] dysfonctionnement de la fonction de préhension de la main droite ». À sa sortie de l’hôpital, le requérant s’installa chez ses parents qui résidaient également dans le village de N. Durant trois mois, du personnel soignant vint lui rendre visite pour renouveler ses pansements et ses médicaments.

10.  Le premier requérant resta chez ses parents jusqu’en septembre 2006. Durant cette période, les autorités russes effectuèrent des contrôles réguliers dans le village. Si, dans les premiers temps, le premier requérant se cachait lors de ces contrôles et sortait, en général, très peu de chez ses parents, entre 2005 et 2006, il commença à se déplacer un peu plus librement. Il rencontra la requérante en mai 2006 et l’épousa quelques mois plus tard.

11.  Au début du mois de septembre 2006, alors qu’il était allé rendre visite à l’une de ses tantes résidant à N., le premier requérant apprit par sa femme que des militaires s’étaient présentés au domicile familial à sa recherche. Craignant pour sa vie, il entra alors dans la clandestinité, changeant de lieu tous les jours. Les autorités retournèrent à plusieurs reprises au domicile de ses parents et se présentèrent également chez sa tante.

12.  À la fin du mois de septembre 2006, I.U., un ancien camarade de classe du requérant qui travaillait pour le FSB (service fédéral de sécurité russe), remit à la mère de ce dernier une convocation pour interrogatoire à la Direction des affaires intérieures de K. le 1er octobre 2006. Il revint, au début du mois d’octobre, pour leur donner une convocation similaire pour le 12 octobre 2006. Ayant obtenu les coordonnées du premier requérant par sa mère, il le contacta pour lui dire qu’il s’agissait d’une « affaire sérieuse » et pour lui conseiller de ne pas se rendre à ces convocations mais également de prendre la fuite.

13.  Le premier requérant vécut caché de janvier 2007 à mai 2008, les recherches des autorités à son égard se poursuivant. En mai 2008, I.U. revint chez les parents du requérant. Il leur expliqua que si le requérant était retrouvé, il risquait d’être tué, et leur dit de le convaincre de fuir. C’est dans ces circonstances que les requérants décidèrent de quitter la Fédération de Russie.

B.  Quant aux faits survenus en France

14.  Peu après leur arrivée en France en juin 2008, les requérants déposèrent chacun une demande d’asile. Ces demandes furent rejetées par deux décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 12 janvier 2009, les propos des requérants étant jugés peu crédibles et leurs réponses trop vagues.

15.  Les requérants interjetèrent appel de ces décisions. Outre les convocations pour les 1er et 12 octobre 2006, ils produisirent le certificat médical délivré en Russie le 30 mai 2004 et un autre certificat médical établi en France le 30 décembre 2010. Ce second certificat indique que le requérant présente les lésions suivantes : une « amputation totale de l’auriculaire D, amputation P1 de l’annulaire D, amputation de P1 du majeur D, amputation de P1 de l’index D » qui sont, selon le médecin, « compatibles avec les violences subies décrites ».

16.  Le 29 septembre 2010, naquit le troisième requérant, M., l’enfant des premier et deuxième requérants.

17.  Le 1er février 2011, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) débouta les requérants, en motivant sa décision concernant le premier requérant en les termes suivants :

« Considérant, toutefois, que l’exposé qu’il fait de l’ambiance qui régnait à Grozny le 9 mai 2004 après-midi, sereine et avec un relâchement des contrôles d’identité, jour où le président Khadirov a été tué dans un attentat au stade de Grozny, est incompatible avec la situation à cette date ; qu’en outre, l’intéressé n’a pas tenu un discours constant s’agissant de la manifestation des recherches à son encontre ; qu’au surplus, les deux convocations du juge d’instruction de K. pour les 1er octobre et 12 octobre 2006 sont dépourvues de garanties d’authenticité suffisantes ; que les certificats médicaux produits ne peuvent être regardés comme établissant un lien entre les constatations relevées lors des examens du requérant et les sévices dont celui-ci déclare avoir été victime ; qu’il suit de là que ni les pièces du dossier, ni les déclarations faites en séance publique devant la cour ne permettent de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées. »

18.  Le 18 février 2011, les requérants firent l’objet de deux décisions préfectorales de refus de séjour assorties d’une obligation de quitter le territoire.

19.  Le 5 avril 2011, ils déposèrent une demande de réexamen de leur demande d’asile. Ils firent valoir être toujours recherchés par les autorités et versèrent à l’appui de leur demande un procès-verbal de perquisition daté du 27 janvier 2011 et émis par le juge d’instruction du service chargé des enquêtes de la division des affaires intérieures de K. ainsi que de nouvelles convocations émises par la Direction des affaires intérieures de K. à l’encontre du premier requérant, qualifié de « suspect ». Le 29 avril 2011, l’OFPRA rejeta leurs demandes aux motifs que les documents produits se rapportaient à des faits précédemment soutenus et, partant, n’étaient pas recevables.

20.  Interpellés le 23 mai 2011, les requérants furent placés, le jour même, dans la zone « famille » du centre de rétention de Toulouse-Cornebarrieu avec leur enfant âgé de sept mois. Par une ordonnance du 24 mai 2011, confirmée en appel le 27 mai suivant, le juge des libertés et de la détention ordonna la prolongation de leur maintien en rétention pour une durée de quinze jours supplémentaires.

21.  Le 28 mai 2011, les requérants saisirent la Cour d’une demande de mesure provisoire sur le fondement de l’article 39 de son règlement. Le 30 mai suivant, le président de la section à laquelle l’affaire fut attribuée décida d’indiquer au Gouvernement français, en application de la disposition précitée, qu’il était souhaitable de ne pas renvoyer les requérants vers la Fédération de Russie pour la durée de la procédure devant la Cour.

22.  La date à laquelle les requérants furent remis en liberté n’est pas connue mais la rétention a duré au moins sept jours.

23.  Le 16 mars 2015, les requérants formèrent une nouvelle demande de réexamen de leur demande d’asile. Ils firent valoir que le domicile des parents du requérant avait fait l’objet de plusieurs perquisitions et que lors d’une perquisition le 17 décembre 2013, des hommes masqués et armés avaient brutalisé son père lors d’un interrogatoire. Ce dernier serait décédé le lendemain d’une crise cardiaque.

24.  Le 30 mars 2015, l’OFPRA rejeta la demande.

25.  Par une décision du 9 mai 2016, la CNDA confirma cette décision aux motifs suivants :

« Considérant toutefois que les déclarations évasives et peu circonstanciées faites par [le requérant] lors de son audience devant la Cour n’ont pas permis d’établir les faits nouveaux allégués et les recherches dont il ferait toujours l’objet en Fédération de Russie depuis son départ du pays en 2008 ; qu’il n’a pas clairement indiqué à quelle fréquence ses parents auraient été interrogés à son sujet après son départ ni les raisons pour lesquelles, alors qu’il allègue plusieurs perquisitions subies par ses parents depuis lors, il n’a produit qu’un seul procès-verbal de perquisition daté du 5 juillet 2012 ; qu’ainsi relevé ci-dessus, ce document se rapporte à des faits datant de près de trois ans et est produit uniquement en copie, sans être accompagné d’une argumentation pertinente, alors même que figurent sur le site internet de l’Université fédérale de l’État du Sud-Ouest de la Russie, des modèles d’actes officiels de procédure pénale, aisément téléchargeables, dont un procès-verbal de perquisition similaire à celui produit par le requérant ; que l’intéressé a évoqué en des termes succincts les circonstances dans lesquelles des individus armés et masqués auraient fait irruption au domicile de ses parents le 17 décembre 2013 et les auraient interrogés à son sujet ; que les trois témoignages émanant des proches du requérant versés au dossier pour étayer ses dires se bornent à répéter, en termes généraux, convenus et stéréotypés, les allégations du requérant et n’apportent aucun élément nouveau pertinent quant à la situation personnelle et actuelle du requérant ; que si [le requérant] verse à l’appui de sa demande des certificats de décès de son père en date du 21 janvier 2014, ces documents permettent uniquement d’établir que ce dernier est décédé d’une crise cardiaque le 18 décembre 2013 et non que ce décès serait survenu dans les circonstances alléguées par le requérant, à savoir le lendemain d’une perquisition menée dans des conditions violentes au domicile familial ; qu’au surplus, alors que le requérant déclare avoir eu connaissance du décès de son père dès le 18 décembre 2013 et avoir obtenu les certificats de décès versés au dossier en janvier 2014, il n’a pas été en mesure d’expliquer les raisons pour lesquelles il n’a introduit sa demande de réexamen devant l’Office que le 16 mars 2015 (...) »

 

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE PERTINENTS CONCERNANT LA RÉTENTION DES ÉTRANGERS, EN PARTICULIER CEUX ACCOMPAGNÉS DE MINEURS

A.  Le droit français

26.  La rétention des étrangers en vue de leur expulsion est encadrée principalement, en droit interne, par les dispositions du code de l’entrée, du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Les dispositions pertinentes du CESEDA, la jurisprudence y afférente et les avis de plusieurs autorités administratives indépendantes sont résumés dans l’exposé du droit interne fait dans l’arrêt A.B. et autres c. France (no 11593/12, §§ 19-30 et 41-59).

27.  S’agissant plus précisément des conditions d’accueil au centre de rétention de Toulouse-Cornebarrieu, il est renvoyé aux paragraphes 31 à 40 de l’arrêt A.B. et autres c. France précité.

B.  Droit international pertinent et éléments de droit comparé

28.  Le droit international pertinent et les éléments de droit comparé relatifs à la rétention des mineurs étrangers sont présentés dans les paragraphes 60 à 91 de l’arrêt A.B. et autres précité.

III.  DOCUMENTS INTERNATIONAUX CONCERNANT LA SITUATION DANS LA RÉGION DU NORD CAUCASE

29.  Les principaux documents internationaux concernant la situation dans la région du Nord Caucase sont présentés dans les affaires Aslakhanova et autres c. Russie (nos 2944/06, 8300/07, 50184/07, 332/08 et 42509/10, §§ 43-59, 18 décembre 2012) et I c. Suède (précité, §§ 27‑39).

30.  Les données plus récentes disponibles confirment que la situation dans la région du Nord Caucase demeure très instable en raison des conflits persistants entre les forces gouvernementales et les rebelles. Dans un rapport intitulé Human Rights and Democracy: The 2012 Foreign & Commonwealth Office Report – Russia publié le 15 avril 2013, le Foreign and Commonwealth Office britannique relève :

“Throughout the year, there were also reports of grave human rights violations committed by state security forces, including allegations of extrajudicial killings, torture and disappearances.”


 

31.  De même, le Département d’État américain, dans son Country Reports on Human Rights Practices – Russia, publié le 19 avril 2013, note :

“Rule of law was particularly deficient in the North Caucasus, where conflict among government forces, insurgents, Islamist militants, and criminal forces led to numerous human rights abuses, including killings, torture, physical abuse, and politically motivated abductions.

(...) Politically motivated disappearances in connection with the conflict in the Northern Caucasus continued (see section 1.g.).

(...)

Government forces engaged in the conflict in the North Caucasus reportedly tortured and otherwise mistreated civilians and participants in the conflict (see section 1.g.).

(...) Some of the methods reportedly used included beatings with fists, batons, or other objects. In the Caucasus, torture was reportedly committed by local law enforcement agencies as well as in some cases by federal security services. Reports from human rights groups claimed that electric shocks and suffocation were used most often, as those techniques are less prone to leave evidence.”

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION DU FAIT DE LA MESURE D’ÉLOIGNEMENT

32.  Les requérants considèrent que la mise à exécution de leur renvoi vers la Fédération de Russie les exposerait à un risque de traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Les dispositions pertinentes sont ainsi libellées :

Article 3

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A.  Sur la recevabilité

1.  Thèses des parties

33.  Le Gouvernement soulève une exception d’irrecevabilité tirée du défaut d’épuisement des voies de recours internes, faute pour les requérants d’avoir contesté devant les juridictions administratives les arrêtés portant obligation de quitter le territoire et d’avoir formé un pourvoi en cassation contre la décision de la CNDA du 1er février 2011.

34.  Contestant l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement, les requérants affirment avoir épuisé l’ensemble des voies de recours internes utiles prévues par la législation française.

2.  Appréciation de la Cour

35.  La Cour renvoie à l’exposé des principes pertinents fait dans l’affaire N.K. c. France (no 7974/11, §§ 26-29, 19 décembre 2013).

36.  Elle note, avec le Gouvernement, que dans la présente affaire, les requérants n’ont pas introduit de recours à l’encontre des arrêtés du 18 février 2011 portant obligation de quitter le territoire, alors même que ce recours revêtait un caractère suspensif de l’exécution de la mesure d’éloignement (voir, en ce sens, Mi.L. c. France (déc.), no 23473/11, 11 septembre 2012).

37.  La Cour observe toutefois que les requérants ont auparavant fait usage de tous les recours disponibles en matière d’asile. Ils ont ainsi formé un recours auprès de la CNDA contre les décisions de l’OFPRA du 12 janvier 2009 rejetant leur demande. Ils n’ont certes pas formé de pourvoi mais, eu égard à l’absence de caractère suspensif d’un recours devant le Conseil d’État, la Cour considère qu’il ne s’agissait pas d’un recours à épuiser en l’espèce. Elle relève, en outre, qu’après la prise des arrêtés portant obligation de quitter le territoire, les requérants ont déposé, en 2011, une demande de réexamen de leur demande d’asile.

38.  La Cour estime que l’on ne saurait reprocher aux requérants d’avoir poursuivi un seul type de voies de recours, à savoir celles qui étaient ouvertes devant les instances de l’asile, et de ne pas avoir introduit de recours devant le tribunal administratif. La Cour considère en effet qu’il ne lui appartient pas d’affirmer qu’une voie de droit serait, à l’égard du requérant, plus opportune qu’une autre dès lors que la voie de recours poursuivie par celui-ci était effective, c’est-à-dire, en matière d’éloignement d’étrangers, qu’elle permettait à l’État de prévenir l’expulsion d’une personne dont il était établi qu’elle risquait des traitements contraires à l’article 2 ou à l’article 3 de la Convention en cas de retour dans son pays d’origine.

39.  À la lumière de ce qui précède, la Cour estime que les requérants ont satisfait à l’exigence de l’épuisement des voies de recours internes prévue par l’article 35 § 1 de la Convention. Il y a lieu en conséquence de rejeter l’exception du Gouvernement.

40.  La Cour constate, par ailleurs, que le grief tiré de la violation de l’article 3 de la Convention n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

1.  Thèses des parties

41.  Les requérants invitent la Cour à se référer au récit circonstancié des événements à l’origine de leur départ et aux pièces qu’ils ont produites. Ils rappellent, en outre, que le 9 mai 2004, le requérant a pu se rendre à Grozny sans être arrêté aux postes de contrôle car il était accompagné de militaires.

42.  Le Gouvernement fait valoir, en premier lieu, que la situation de la région du Nord Caucase n’est pas telle qu’elle permette de conclure, à elle seule, à l’existence d’un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants. Il incombe donc aux requérants de démontrer qu’ils encourent un risque personnel. Or, selon les déclarations des requérants eux-mêmes, ceux-ci n’entretiennent aucun lien avec la rébellion armée active, ni n’ont de proches entretenant de tels liens.

43.  Le Gouvernement rappelle ensuite que les risques allégués par les requérants en cas de retour ont été examinés par l’OFPRA puis par la CNDA sans que ne soit en mise en évidence la réalité de tels risques.

44.  Le Gouvernement convient ne disposer d’aucun élément permettant de réfuter de façon catégorique l’authenticité des documents produits. Il note toutefois qu’une analyse sommaire suffit à révéler que leur traduction en français est imparfaite, ainsi qu’en atteste la référence erronée au « code pénal », là où les références textuelles sont issues du code de procédure pénale de la Fédération de Russie.

45.  Le Gouvernement soutient enfin que la preuve documentaire possédant essentiellement une valeur confirmative, elle peut venir en appui de déclarations cohérentes, circonstanciées et crédibles mais non s’y substituer. Or, en l’espèce, la CNDA a relevé que les déclarations du requérant selon lesquelles il se serait rendu à Grozny depuis le Daghestan le 9 mai 2004 vers quinze heures sans avoir eu de souci pour franchir les contrôles russes et tchétchènes étaient incompatibles avec les informations disponibles desquelles il ressort que la Tchétchénie était placée dans un état de chaos et sous un régime de sécurité maximal après l’assassinat d’Ahmad Kadyrov, survenu à Grozny ce même jour à 10 h 15.

2.  Appréciation de la Cour

a)  Principes généraux

46.  La Cour se réfère aux principes applicables en la matière (Saadi c. Italie [GC], no 37201/06, §§ 124-125, CEDH 2008, et M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], no 30696/09, CEDH 2011).

47.  En particulier, la Cour considère qu’il appartient en principe au requérant de produire des éléments susceptibles de démontrer qu’il serait exposé à un risque de traitements contraires à l’article 3 si la mesure incriminée était mise à exécution (Saadi, précité, § 129). Sur ce point, la Cour reconnaît que, eu égard à la situation particulière dans laquelle se trouvent souvent les demandeurs d’asile, il est fréquemment nécessaire de leur accorder le bénéfice du doute lorsque l’on apprécie la crédibilité de leurs déclarations et des documents qui les appuient (F.G. c. Suède [GC], no 43611/11, § 113, 23 mars 2016). Toutefois, lorsque des informations sont soumises qui donnent de bonnes raisons de douter de la véracité des déclarations du demandeur d’asile, il incombe à celui-ci de fournir une explication satisfaisante pour les incohérences de son récit (voir, notamment, N. c. Suède, no 23505/09, 20 juillet 2010, Hakizimana c. Suède (déc.), no 37913/05, 27 mars 2008, et Collins et Akaziebie c. Suède (déc.), no 23944/05, 8 mars 2007). La Cour rappelle également que lorsqu’il y a eu une procédure interne, il n’entre, en principe, pas dans ses attributions de substituer sa propre vision des faits à celle des cours et tribunaux internes, auxquels il appartient en principe de peser les données recueillies par eux (F.G. c. Suède, précité, § 118).

48.  En outre, l’existence d’un risque de mauvais traitements doit être examinée à la lumière de la situation générale dans le pays de renvoi et des circonstances propres au cas de l’intéressé. Lorsque les sources dont la Cour dispose décrivent une situation générale, les allégations spécifiques du requérant doivent être corroborées par d’autres éléments de preuve (Saadi, précité, §§ 130-131).

49.  Enfin, s’il convient de se référer en priorité aux circonstances dont l’État en cause avait connaissance au moment de l’expulsion, la date à prendre en compte pour l’examen du risque encouru est celle de la date de l’examen de l’affaire par la Cour (Chahal c. Royaume-Uni, 15 novembre 1996, § 86, Recueil des arrêts et décisions 1996-V).

b)  Application de ces principes au cas d’espèce

50.  Concernant la situation générale dans la région du Nord Caucase, la Cour a déjà estimé que, bien que soient rapportées de graves violations des droits de l’homme en Tchétchénie, la situation n’était pas telle que tout renvoi en Fédération de Russie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention (voir I c. Suède, précité, § 58). Au vu des rapports internationaux précités (voir paragraphes 29 à 31), la Cour ne voit pas de raison de se départir d’une telle conclusion et considère que la protection offerte par les articles 2 et 3 ne peut entrer en jeu que si les requérants sont en mesure d’établir qu’il existe des motifs sérieux de croire qu’ils présenteraient un intérêt tel pour les autorités qu’ils seraient susceptibles d’être détenus et interrogés par celles-ci à leur retour. Ainsi, elle doit déterminer si le renvoi des requérants en Fédération de Russie entraînerait, dans le cas particulier de l’espèce, un risque réel de mauvais traitements au sens de l’article 3 de la Convention.

51.  À cet égard, la Cour note qu’il ressort des rapports internationaux que sont particulièrement à risque certaines catégories de la population du Nord Caucase et plus spécialement de Tchétchénie, d’Ingouchie ou du Daghestan, telles que les membres de la lutte armée de résistance tchétchène, les personnes considérées par les autorités comme tels, leurs proches, les personnes les ayant assistés d’une manière ou d’une autre ainsi que les civils contraints par les autorités à collaborer avec elles. La Cour estime en conséquence que l’appréciation du risque pour les requérants doit se faire sur une base individuelle mais en ayant à l’esprit le fait que les personnes présentant un profil correspondant à l’une des catégories susmentionnées sont plus susceptibles que les autres d’attirer l’attention défavorable des autorités.

52.  En l’espèce, les requérants allèguent que le premier requérant fut torturé par les autorités en raison de ses liens supposés avec les combattants tchétchènes et qu’il est toujours recherché.

53.  La Cour constate que les requérants présentent un récit relativement circonstancié et étayé par de nombreuses pièces documentaires, dont des certificats médicaux et des convocations.

54.  Elle rappelle cependant qu’en règle générale, les juridictions internes sont les mieux placées pour apprécier la crédibilité du requérant puisqu’elles ont eu la possibilité de le voir, de l’entendre et d’apprécier son comportement (R.C. c. Suède, no 41827/07, § 52, 9 mars 2010, M.E. c. Suède, no 71398/12, § 78, 26 juin 2014, et F.G. c. Suède, précité, § 118). Or, en l’espèce, elles ont considéré qu’elles ne pouvaient tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées en raison des imprécisions et des incohérences du récit des requérants. En particulier, la CNDA, lorsqu’elle a examiné pour la première fois la demande d’asile du requérant, a estimé qu’une partie de son récit était incompatible avec la situation géopolitique. En effet, le requérant avait décrit le 9 mai 2004 à Grozny comme un jour où les contrôles d’identité étaient relâchés alors même qu’un attentat au stade avait coûté la vie au président Kadyrov le matin même. En outre, la CNDA, dans une décision très motivée, a statué sur l’actualité du risque encouru par les requérants dans le cadre de leur demande de réexamen de leur demande d’asile. Elle a relevé que le récit du requérant était, malgré des demandes en ce sens, particulièrement peu circonstancié sur plusieurs points et que les pièces produites étaient d’une force probante douteuse. Notamment, le requérant n’expliquait pas les circonstances ayant amené les autorités russes à diligenter des recherches à son encontre et n’indiquait pas clairement à quelle fréquence ses parents auraient été interrogés à son sujet après son départ, ni les raisons pour lesquelles il ne produisait qu’un seul procès-verbal de perquisition daté du 5 juillet 2012 alors qu’il alléguait qu’il y avait eu plusieurs perquisitions. La CNDA a constaté, par ailleurs, que ce dernier document se rapportait à des faits datant de près de trois ans, qu’il n’était produit qu’en copie et qu’il était en tout point similaire à des modèles de procès-verbal de perquisition figurant sur internet et aisément téléchargeables.

55.  Il n’appartient pas à la Cour, au vu de ces décisions particulièrement motivées, de substituer sa propre vision des faits à celle des juridictions internes (F.G. c. Suède, précité, § 118). Aussi, si elle n’ignore pas les sévices corporels allégués par le requérant et attestés par des certificats médicaux, elle ne peut, au vu des éléments ci-dessus, considérer que le lien entre ceux-ci et les menaces invoquées est établi. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime qu’il n’existe pas de motifs sérieux et actuels de croire que les requérants seraient exposés à des risques réels de traitements contraires à l’article 3 en cas de renvoi vers la Fédération de Russie. En conséquence, il n’y aurait pas violation de cette disposition en cas de mise à exécution de la mesure de renvoi.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION DU FAIT DE LA MESURE D’ÉLOIGNEMENT

56.  Les requérants considèrent que la mise à exécution de leur renvoi vers la Fédération de Russie les exposerait à une mort certaine, en violation de l’article 2 de la Convention qui se lit ainsi :

Article 2

« 1.  Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

(...) »

57.  Ce grief, lié au grief précédent tiré de l’article 3 de la Convention, est recevable.

58.  Eu égard au constat relatif à l’article 3 (voir le paragraphe 55 ci-dessus), la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner s’il y a eu, en l’espèce, violation de l’article 2.

III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION DU FAIT DU PLACEMENT EN RÉTENTION

59.  Les requérants allèguent que le placement en rétention administrative de leur enfant, alors âgé de sept mois, dans le centre de Toulouse-Cornebarrieu constitue un traitement contraire aux dispositions de l’article 3.

A.  Sur la recevabilité

60.   La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

1.  Thèses des parties

61.  Les requérants rappellent, d’emblée, l’arrêt Popov c. France, nos 39472/07 et 39474/07, 19 janvier 2012, dans lequel la Cour a jugé que la rétention d’un mineur accompagné de ses parents dans un centre inadapté aux enfants était contraire à l’article 3.

62.  Ils font ensuite valoir que les conditions d’accueil des mineurs au centre de rétention de Toulouse-Cornebarrieu sont particulièrement précaires. Ils se réfèrent aux conclusions du Commissaire aux droits de l’homme et du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) qui ont souligné que la promiscuité, le stress, l’insécurité et l’environnement hostile des centres de rétention avaient des conséquences néfastes sur les mineurs et, en particulier, sur les nourrissons. Ils produisent également les rapports de plusieurs ONG dénonçant les importantes nuisances sonores auxquelles est exposé le centre de Toulouse-Cornebarrieu en raison de la proximité de l’aéroport.

63.  Ils versent aux débats un certificat médical délivré le 18 janvier 2013 par un pédopsychiatre attestant que leur enfant présente des symptômes sévères de type troubles anxieux de la petite enfance nécessitant un suivi régulier psychiatrique « directement en lien avec la survenue d’un événement grave au cours de l’année 2011 au mois de mai alors que M. était âgé de 8 mois. À cette période, cet enfant a séjourné avec ses deux parents en centre de rétention. »

64.  Le Gouvernement rappelle que l’accompagnement, par leurs enfants mineurs, de parents reconduits n’est jamais une obligation, les parents pouvant décider de confier leurs enfants à des tiers, et qu’en l’espèce, ce sont les requérants qui ont demandé, comme le droit les y autorisait, à ce que leur enfant demeure auprès d’eux dans le centre de rétention.

65.  Le Gouvernement souligne ensuite que les requérants ont été accueillis dans un centre de rétention adapté à l’accueil d’étrangers avec enfants, une section spéciale du centre de Toulouse-Cornebarrieu étant en effet consacrée à l’accueil des familles.

66.  Le Gouvernement insiste ensuite sur le fait que les requérants ne soutiennent pas que les conditions matérielles de rétention auraient été impropres à l’accueil de leur enfant en bas âge dans des conditions satisfaisantes. Il cite, à cet égard, les conclusions du CPT, qui avait inspecté les unités spécifiquement dédiées à l’accueil des familles des centres de rétention administrative de Toulouse et Marseille et constaté que ces unités, similaires à celle du centre de Toulouse-Cornebarrieu, permettaient des « conditions matérielles de séjour (...) correctes (présence de jeux adaptés pour les enfants, de tables à langer, de chauffe-biberons, etc.) ». Le Gouvernement se réfère également à la description de la zone d’accueil des familles faite par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté après sa visite en 2009 et l’attestation de conformité du centre aux conditions d’accueil des familles. Le Gouvernement affirme que la zone d’accueil des familles est dotée d’aires extérieures séparées et adaptées, dont l’entretien est assuré par une entreprise prestataire de service. Des jouets sont mis à la disposition des enfants, parmi lesquels des barils de jeux modulaires (type Lego), du matériel de dessin ou encore des peluches. L’alimentation (lait, repas adaptés) et les produits d’hygiène appropriés sont fournis par la société attributaire du marché d’hôtellerie du centre, à concurrence des besoins constatés et avec maintien d’un stock permanent sur le site.

67.  Enfin, s’agissant du certificat médical produit par les requérants, le Gouvernement observe que celui-ci ne saurait se substituer à l’énoncé de griefs précis propres à établir que le centre de rétention de Toulouse-Cornebarrieu aurait été inadapté à la présence de l’enfant des requérants.

2.  Appréciation de la Cour

a)  Principes applicables

68.  La Cour rappelle que l’article 3 de la Convention ne ménage aucune exception. Cette prohibition absolue, par la Convention, de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants montre que l’article 3 consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l’Europe (Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, § 88, série A no 161).

69.  Pour tomber sous le coup de l’article 3, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, et notamment de la nature et du contexte du traitement, ainsi que de ses modalités d’exécution, de sa durée, de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime (voir, entre autres, Raninen c. Finlande, 16 décembre 1997, § 55, Recueil 1997‑VIII).

70.  La Cour rappelle qu’elle a conclu à plusieurs reprises à la violation de l’article 3 de la Convention en raison du placement en rétention d’étrangers mineurs accompagnés (voir Muskhadzhiyeva et autres c. Belgique, no 41442/07, 19 janvier 2010 ; Kanagaratnam c. Belgique, no 15297/09, 13 décembre 2011 ; Popov, précité) ou non (voir Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, no 13178/03, CEDH 2006‑XI ; Rahimi c. Grèce, no 8687/08, 5 avril 2011). Dans les affaires concernant le placement en rétention d’enfants étrangers mineurs accompagnés, elle a notamment conclu à la violation de l’article 3 de la Convention en raison de la conjonction de trois facteurs : le bas âge des enfants, la durée de leur rétention et le caractère inadapté des locaux concernés à la présence d’enfants.

b)  Application au cas d’espèce

71.  La Cour observe qu’en l’espèce, et à l’instar de l’affaire Muskhadzhiyeva et autres, l’enfant des requérants était accompagné de ses parents durant la période de rétention. Elle estime cependant que cet élément n’est pas de nature à exempter les autorités de leur obligation de protéger l’enfant et d’adopter des mesures adéquates au titre des obligations positives découlant de l’article 3 de la Convention (ibid., § 58) et qu’il convient de garder à l’esprit que la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal (voir Popov, précité, § 91 ; comparer avec Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga, précité, § 55). Les directives européennes encadrant la rétention des étrangers considèrent à ce titre que les mineurs, qu’ils soient ou non accompagnés, comptent parmi les populations vulnérables nécessitant l’attention particulière des autorités. En effet, les enfants ont des besoins spécifiques dus notamment à leur âge et leur dépendance.

72.  La Cour note que, lors de la rétention en cause, l’enfant des requérants était âgé de sept mois. Il fut retenu avec ses parents au centre de Toulouse-Cornebarrieu pendant au moins sept jours, la date à laquelle les requérants furent remis en liberté n’étant pas connue.

73.  Concernant les conditions matérielles de rétention, la Cour constate que le centre de Toulouse-Cornebarrieu compte parmi ceux « habilités » à recevoir des familles en vertu du décret du 30 mai 2005 (voir paragraphe 26 de l’arrêt A.B. et autres précité). Il ressort des rapports de visite de ce centre (voir paragraphes 31 à 40 de l’arrêt A.B. et autres précité) que les autorités ont pris soin de séparer les familles des autres retenus, de leur fournir des chambres spécialement équipées et de mettre à leur disposition du matériel de puériculture adapté. La Cour relève d’ailleurs que les ONG ont reconnu que, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire Popov précitée, les conditions matérielles ne posaient pas de problème dans ce centre.

74.  La Cour constate cependant que le centre de rétention de Toulouse-Cornebarrieu, construit en bordure immédiate des pistes de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, est exposé à des nuisances sonores particulièrement importantes qui ont d’ailleurs conduit au classement du terrain en « zone inconstructible » (voir paragraphes 33, 37 et 40 de l’affaire A.B. et autres précitée). La Cour observe que les enfants, pour lesquels des périodes de détente en plein air sont nécessaires, sont ainsi particulièrement soumis à ces bruits d’une intensité excessive. La Cour considère, en outre et sans avoir besoin de se référer au certificat médical produit par les requérants, que les conditions d’organisation du centre ont pu avoir un effet anxiogène sur l’enfant des requérants.

75.  La Cour considère que de telles conditions, bien que nécessairement sources importantes de stress et d’angoisse pour un enfant en bas âge, ne sont pas suffisantes, dans le cas d’un enfermement de brève durée et dans les circonstances de l’espèce, pour atteindre le seuil de gravité requis pour tomber sous le coup de l’article 3. Elle est convaincue, en revanche, qu’au-delà d’une brève période, la répétition et l’accumulation de ces agressions psychiques et émotionnelles ont nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant en bas âge, dépassant le seuil de gravité précité. Dès lors, l’écoulement du temps revêt à cet égard une importance primordiale au regard de l’application de ce texte. La Cour estime que cette brève période a été dépassée dans la présente espèce, s’agissant de la rétention d’un enfant de sept mois qui s’est prolongée pendant au moins sept jours dans les conditions exposées ci-dessus.

76.  Ainsi, compte tenu de l’âge de l’enfant des requérants, de la durée et des conditions de son enfermement dans le centre de rétention de Toulouse-Cornebarrieu, la Cour estime que les autorités ont soumis cet enfant à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention. Partant il y a eu violation de cet article à l’égard de l’enfant des requérants.

IV.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 §§ 1 ET 4 DE LA CONVENTION

77.  Lors de la communication, la Cour a décidé de poser d’office au Gouvernement défendeur deux questions concernant le respect de l’article 5 §§ 1 et 4 en raison du placement en rétention administrative de l’enfant des requérants. Ces dispositions se lisent comme suit :

« 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (...)

f)  s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.

(...)

4.  Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

A.  Sur la recevabilité

78.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

1.  Thèses des parties

79.  Les requérants soutiennent que l’article 5 § 1 a été violé, faute pour les autorités d’avoir recherché si une solution alternative à la rétention administrative était envisageable. Ils font ensuite valoir que s’ils ont pu faire examiner la régularité de leur interpellation par les autorités, leur enfant tombait, à cet égard, dans un vide juridique ne lui permettant pas d’exercer un tel recours, en méconnaissance de l’article 5 § 4.

80.  Le Gouvernement rappelle que les parents faisant l’objet d’une mesure de rétention peuvent toujours opter pour l’alternative du placement de leurs enfants chez des tiers et qu’en l’espèce, ce sont les requérants qui ont demandé à ce que leur enfant reste auprès d’eux. Il réitère qu’en tout état de cause, le centre de rétention de Toulouse-Cornebarrieu était spécifiquement adapté à la présence de familles avec enfants.

81.  Sur le point de savoir si les requérants avaient à leur disposition, conformément à l’article 5 § 4 de la Convention, un recours grâce auquel ils pouvaient contester la légalité de leur détention, le Gouvernement soutient qu’ils avaient deux voies de recours pour contester leur placement en rétention administrative : d’une part, un recours en annulation de l’arrêté de placement en rétention devant le juge administratif, recours que les requérants n’ont pas effectué ; d’autre part, un recours devant le juge des libertés et de la détention. À propos du cas particulier de l’enfant des requérants qui ne faisait pas personnellement l’objet d’une mesure de rétention contestable, le Gouvernement précise que ces derniers pouvaient exercer les recours précités en son nom.

2.  Appréciation de la Cour

a)  Sur l’article 5 § 1 de la Convention

82.  Pour être conforme à l’article 5 § 1, toute privation de liberté doit avoir respecté « les voies légales » et été « régulière » (voir, parmi d’autres, Winterwerp c. Pays-Bas, 24 octobre 1979, § 37, série A no 33 ; Witold Litwa c. Pologne, no 26629/95, § 78, CEDH 2000‑III).

83.  La Cour rappelle, par ailleurs, que pour qu’une détention se concilie avec l’article 5 § 1 f) de la Convention, il suffit qu’une procédure d’expulsion soit en cours et que celle-ci soit effectuée aux fins de son application. En principe, il n’y a donc pas lieu de rechercher si la décision initiale d’expulsion se justifiait ou non au regard de la législation interne ou de la Convention ou si la rétention pouvait être considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour empêcher un risque de fuite ou d’infraction. La Cour a cependant égard à la situation particulière des personnes privées de liberté. Ainsi, par exception, quand un enfant est présent, elle estime que la privation de liberté doit être nécessaire pour atteindre le but poursuivi, à savoir pour assurer l’expulsion de la famille. Dans l’affaire Popov, elle a conclu à la violation de l’article 5 § 1 après avoir notamment constaté que les autorités n’avaient pas recherché si le placement en rétention administrative était une mesure de dernier ressort à laquelle aucune alternative ne pouvait se substituer (ibid., § 119).

84.  La Cour relève que le droit français réglemente certains aspects de la présence des mineurs accompagnant leurs parents placés en rétention (voir les paragraphes 25 à 28 de l’affaire A.B. et autres précitée). Il n’existe, en revanche, aucun texte déterminant les conditions dans lesquelles cette présence en rétention est possible. En particulier, l’étranger mineur de dix‑huit ans ne pouvant faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire (voir le paragraphe 19 de l’affaire A.B. et autres précitée), aucune disposition interne ne prévoit qu’il puisse être soumis à un arrêté de placement en rétention en vue de son éloignement. Cela explique qu’un tel arrêté n’a été pris en l’espèce qu’à l’encontre des parents requérants et non à l’encontre de l’enfant les accompagnant.

85.  Toutefois, la Cour observe que la situation des enfants est intrinsèquement liée à celle de leurs parents, dont il convient, dans toute la mesure du possible, de ne pas les séparer. Ce lien, conforme à l’intérêt des enfants, a pour conséquence que, lorsque leurs parents sont placés en rétention, ils sont eux-mêmes de facto privés de liberté. Cette privation de liberté résulte de la décision légitime des parents, ayant autorité sur eux, de ne pas les confier à une autre personne. La Cour peut accepter qu’une telle situation n’est pas, dans son principe, contraire au droit interne. Elle souligne néanmoins que le cadre dans lequel se trouvent alors les enfants est source d’angoisse et de tensions pouvant leur être gravement préjudiciable.

86.  Dans de telles conditions, la Cour juge que la présence en rétention d’un enfant accompagnant ses parents n’est conforme à l’article 5 § 1 f) qu’à la condition que les autorités internes établissent qu’elles ont recouru à cette mesure ultime seulement après avoir vérifié concrètement qu’aucune autre moins attentatoire à la liberté ne pouvait être mise en œuvre.

87.  En l’espèce, la Cour note que les requérants et leur enfant ont été placés en rétention dans l’attente de leur expulsion et, partant, qu’il s’agissait d’une privation de liberté relevant de l’article 5 § 1 f). Elle relève ensuite qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que le Gouvernement ait recherché des mesures alternatives au placement en rétention de la famille.

88.  Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut à la violation de l’article 5 § 1 de la Convention à l’égard de l’enfant des requérants.

b)  Sur l’article 5 § 4 de la Convention

89.  La Cour rappelle que le concept de « lawfulness » (« régularité », « légalité ») doit avoir le même sens au paragraphe 4 de l’article 5 qu’au paragraphe 1, de sorte qu’une personne détenue a le droit de faire contrôler sa détention sous l’angle non seulement du droit interne, mais aussi de la Convention, des principes généraux qu’elle consacre et du but des restrictions qu’autorise le paragraphe 1. L’article 5 § 4 ne garantit pas le droit à un contrôle juridictionnel d’une ampleur telle qu’il habiliterait le tribunal à substituer sur l’ensemble des aspects de la cause, y compris des considérations de pure opportunité, sa propre appréciation à celle de l’autorité dont émane la décision. Il n’en veut pas moins un contrôle assez ample pour s’étendre à chacune des conditions indispensables à la régularité de la détention d’un individu au regard du paragraphe 1 (Chahal c. Royaume-Uni, 15 novembre 1996, § 127, Recueil 1996‑V ; S.D. c. Grèce, no 53541/07, § 72, 11 juin 2009 ; Rahimi, précité, § 113).

90.  Ainsi que rappelé précédemment, la loi française ne prévoit pas que les mineurs puissent faire l’objet d’une mesure de placement en rétention. La Cour en avait déduit, dans l’arrêt Popov (voir § 124), que les enfants accompagnant leurs parents tombaient dans un vide juridique qui ne leur permettait pas d’exercer le recours en annulation, ouvert à leurs parents, devant le juge administratif et qui ne permettait pas non plus au juge des libertés et de la détention de se prononcer sur la légalité de leur présence en rétention.

91.  La Cour observe qu’en l’espèce, le juge des libertés et de la détention s’est prononcé uniquement sur le sort des parents requérants, sans rechercher si une mesure moins coercitive que la rétention de la famille aurait pu être prise. S’agissant du recours contre l’arrêté de placement en rétention évoqué par le Gouvernement, la Cour relève que ce dernier ne produit aucune jurisprudence permettant de se convaincre que le juge administratif aurait pris en compte la présence de l’enfant lors de son examen de la légalité de cette décision. Dans de telles circonstances, la Cour ne peut considérer que l’enfant des requérants a pu bénéficier d’un recours au sens de l’article 5 § 4.

92.  Eu égard à ce qui précède, la Cour considère que l’enfant des requérants ne s’est pas vu garantir la protection requise par la Convention. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention du chef de l’enfant des requérants.

V.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

93.  Les requérants se plaignent de ce que leur détention au centre de rétention administrative a constitué une ingérence disproportionnée dans leur droit au respect de la vie familiale au regard du très jeune âge de l’enfant. Ils invoquent l’article 8 de la Convention qui se lit ainsi :

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

94.  La Cour relève qu’en vertu de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie que « (...) dans le délai de six mois, à partir de la décision interne définitive ». La Cour rappelle également que, pour tout grief non contenu dans la requête proprement dite, le cours dudit délai n’est interrompu que le jour où il est exprimé pour la première fois devant elle (voir Fressoz et Roire c. France, no 29183/95, décision de la Commission du 26 mai 1997, Décisions et rapports 89, p. 111). Un grief nouveau présenté pour la première fois devant la Cour dans les observations du requérant sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête a été considéré comme introduit en dehors du délai de six mois, en méconnaissance de l’article 35 § 1 de la Convention (Messochoritis c. Grèce (déc.), no 41867/98, 15 juin 2000).

95.  La Cour rappelle qu’en l’espèce, la situation dont se plaignent les requérants s’est achevée à la fin du mois de mai 2011. Elle relève que, dans leur requête initiale, les requérants ont exposé les conditions dans lesquelles leur enfant avait été placé en rétention en invoquant l’article 3 de la Convention, mais qu’ils n’ont jamais soulevé ni expressément, ni en substance, le présent grief. Ce n’est que dans un mémoire complémentaire daté du 8 février 2013 qu’ils ont allégué la violation de l’article 8.

96.  Il s’ensuit que ce grief, qui n’a pas été invoqué dans le délai de six mois prévu par l’article 35 § 1 de la Convention, est irrecevable en application de l’article 35 § 4 de la Convention.

VI.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

97.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

98.  Les requérants réclament 50 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’ils auraient subi.

99.  Le Gouvernement juge la demande excessive.

100.  Au vu des constats de violation des articles 3 et 5 §§ 1 et 4 de la Convention auxquels elle est parvenue concernant l’enfant des requérants, la Cour, statuant en équité, considère qu’il y a lieu d’octroyer à ce dernier la somme globale de 4 500 EUR.

B.  Frais et dépens

101.  Les requérants demandent également 3 000 EUR pour les frais et dépens.

102.  Le Gouvernement conteste cette somme.

103.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, en l’absence de notes d’honoraires au dossier, la Cour décide de ne rien allouer à ce titre.

C.  Intérêts moratoires

104.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

VII.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 39 DU RÈGLEMENT DE LA COUR

105.  La Cour rappelle que, conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, le présent arrêt deviendra définitif : a) lorsque les parties déclareront qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre ; ou b) trois mois après la date de l’arrêt, si le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre n’a pas été demandé ; ou c) lorsque le collège de la Grande Chambre rejettera la demande de renvoi formulée en application de l’article 43.

106.  Elle considère que les mesures qu’elle a indiquées au Gouvernement en application de l’article 39 de son règlement (paragraphe 21 ci-dessus) doivent demeurer en vigueur jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard (voir dispositif).

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 2, 3 et 5 de la Convention et irrecevable quant au grief tiré de l’article 8 de la Convention ;

 

2.  Dit que, dans l’éventualité de la mise à exécution de la décision de renvoyer les requérants vers la Fédération de Russie, il n’y aurait pas violation de l’article 3 de la Convention ;

 

3.  Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 2 de la Convention ;

 

4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à l’égard de l’enfant des requérants, concernant la rétention administrative ;

 

5.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention à l’égard de l’enfant des requérants, concernant la rétention administrative ;

 

6.  Dit

a)  que l’État défendeur doit verser à l’enfant des requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 4 500 EUR (quatre mille cinq cents euros) plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt pour dommage moral ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

 

7.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus ;

 

8.  Décide de continuer à indiquer au Gouvernement, en application de l’article 39 de son règlement, qu’il est souhaitable, dans l’intérêt du bon déroulement de la procédure, de ne pas expulser les requérants jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 12 juillet 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Claudia Westerdiek                                                           Angelika Nußberger
       Greffière                                                                             Présidente


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