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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> ROMAN v. THE REPUBLIC OF MOLDOVA - 13274/07 (Judgment : Article 8 - Right to respect for private and family life : Second Section Committee) French Text [2019] ECHR 871 (03 December 2019)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2019/871.html
Cite as: ECLI:CE:ECHR:2019:1203JUD001327407, [2019] ECHR 871, CE:ECHR:2019:1203JUD001327407

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DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE ROMAN c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

(Requête no 13274/07)

 

 

 

 

 

 

ARRÊT

 

 

 

 

STRASBOURG

3 décembre 2019

 

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Roman c. République de Moldova,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :

          Egidijus Kūris, président,
          Valeriu Griţco,
          Darian Pavli, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 novembre 2019,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 13274/07) dirigée contre la République de Moldova et dont une ressortissante de cet État, Mme Valentina Roman (« la requérante »), a saisi la Cour le 15 mars 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  La requérante a été représentée par Me O. Bondarenco, avocat à Chișinău. Le gouvernement moldave (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3.  La requérante allègue, en particulier, une violation de l’article 8 de la Convention, reprochant aux autorités moldaves d’avoir fait preuve de passivité et de ne pas avoir mis fin aux bruits occasionnés par l’activité d’un restaurant.

4.  Le 12 mars 2013, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5.  La requérante est née en 1946 et habite dans un quartier résidentiel de Chișinău. Elle est occupante et propriétaire de l’appartement no 4 sis au numéro 54, rue B.

A.    Endommagement allégué de l’appartement de la requérante

6.  En 2003, les propriétaires de l’immeuble sis au numéro 56, rue B., attenant à l’immeuble dans lequel vit la requérante, procédèrent à des travaux de rénovation de leur bâtiment. L’immeuble en cours de rénovation était loué au restaurant E. Un étage entier fut ajouté au restaurant et une terrasse d’été fut construite à côté. La requérante déposa plusieurs plaintes auprès des différentes autorités, soutenant que le logement dont elle était propriétaire avait été endommagé par les travaux et que, en particulier, un mur risquait de s’écrouler.

7.  Par une lettre du 11 septembre 2003, la mairie de l’arrondissement de Centru (Chișinău) informa la requérante que les affirmations de cette dernière concernant la présence de fissures sur les murs de son appartement avaient été confirmées partiellement. Afin d’établir les causes exactes de l’apparition de ces fissures, elle invitait la requérante à prendre contact avec l’établissement public compétent en la matière, à savoir le Centre républicain des recherches et des règlementations dans le bâtiment (CERCON).

8.  À la demande des propriétaires de l’immeuble loué au restaurant E., des experts du CERCON effectuèrent plusieurs expertises des bâtiments concernés. Dans son rapport d’expertise no 739/04, dressé en mars 2004, un expert du CERCON identifia deux causes probables de l’apparition des fissures dans l’appartement de la requérante. La première était l’absence de jonction entre la toiture du restaurant E. et celle de l’appartement de la requérante. La seconde concernait la rénovation non autorisée de l’appartement no 6 situé dans l’immeuble de la requérante. L’expert recommanda en outre ce qui suit :

« (...)

3.  À effectuer d’urgence la jonction entre la toiture de l’appartement no 4, sis 54, rue B. [l’appartement de la requérante] avec les locaux en cours de rénovation et avec le restaurant E. La jonction doit être réalisée par les propriétaires des locaux en cours de rénovation.

(...) »

9.  Un rapport d’expertise complémentaire dressé en juin 2004 par un expert du CERCON relevait ce qui suit :

« (...) le mur de l’appartement attenant au restaurant E. est fissuré. Il y a également des fissures sur le plafond de l’appartement.

Dans le mur de l’appartement jouxtant le restaurant E., un trou fait par un foret a été découvert, par conséquent les travaux de drainage, réalisés par le propriétaire du restaurant E., ont été exécutés en violation des normes techniques.

(...)

La jonction entre les deux toitures est mal faite et elle a donné lieu à une infiltration d’eau dans l’espace existant entre l’appartement examiné et les locaux du restaurant, ce qui a provoqué l’imprégnation de la fondation par l’eau, notamment dans un coin de l’appartement attenant au restaurant E.

La pénétration d’eau a pu être à l’origine du tassement de la structure de l’appartement no 4 et de la fissuration de ses murs (...)

Une autre cause importante de la fissuration des murs de l’appartement no 4 a été les travaux d’extraction du sol imprégné d’eau de l’espace existant entre le mur du restaurant E. et le mur déformé de l’appartement examiné (...)

Conclusions et recommandations

1.  L’état technique de la terrasse d’été, sise 56, rue B., satisfait dans son ensemble aux normes A, « Durabilité et stabilité », et les solutions de planification de l’espace permettent l’exploitation [de la terrasse] dans des conditions sanitaires normales.

2.  Les travaux de construction de la terrasse d’été n’ont pas affaibli la construction de l’appartement no 4, sis 54, rue B. (...).

3.  La cause principale de la fissuration du mur extérieur de l’appartement no 4 est due à l’imprégnation de la fondation par l’eau et le tassement de la structure de l’appartement, ainsi qu’aux travaux de drainage et d’extraction du sol dans l’espace situé entre le mur du restaurant E. et le mur déformé [de l’appartement examiné]. Par conséquent, il incombe aux propriétaires du restaurant E., qui ont effectué ces travaux, de réparer le mur endommagé de l’appartement no 4.

4.  [Il est également nécessaire] de reconstruire d’urgence la jonction entre la toiture de l’appartement no 4, sis 54, rue B. et le restaurant E. La jonction doit être effectuée par les propriétaires du restaurant E. (...)

(...) »

B.     Nuisances sonores alléguées

10.  Le 19 février 2004, la requérante déposa une plainte pour des nuisances sonores à l’intérieur de son domicile qui auraient été provoquées par le système de ventilation du restaurant E. Le 19 mars 2004, le Centre de médecine préventive de Chișinău (CMPC) l’informa qu’un contrôle effectué dans son appartement le 12 mars 2004 entre 21 h 15 et 23 heures avait permis de constater que le niveau du bruit occasionné par les climatiseurs du restaurant E., montés incorrectement, dépassait de 14 dBA (décibels pondérés A) la limite autorisée. Un procès-verbal de contravention fut établi à l’encontre du directeur du restaurant E.

11.  Le 13 avril 2004, la requérante porta plainte pour le tapage nocturne qui aurait été généré par l’activité du restaurant E. Le 7 mai 2004, la police estima la plainte de la requérante fondée. Elle infligea au dirigeant du restaurant E. deux amendes pour tapage nocturne.

12.  Le 26 juillet 2005, la police répondit à une autre plainte que la requérante avait formée contre les nuisances sonores occasionnées par le restaurant E. Dans sa lettre, la police constatait que le restaurant en question était, en vertu d’une décision du 25 décembre 2002, autorisé à fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre et que celui-ci avait été plusieurs fois sanctionné pour tapage nocturne, raison pour laquelle elle avait proposé à la mairie de Chișinău de n’autoriser l’ouverture de l’établissement que jusqu’à 23 heures. La police adressa également au dirigeant du restaurant E. un avertissement verbal.

13.  Le 14 septembre 2005, le Centre national de médecine préventive (« le CNMP ») répondit à la plainte de la requérante relative aux nuisances sonores qui auraient été provoquées à l’intérieur de son domicile par les climatiseurs du restaurant E. Le CNMP informait la requérante que le contrôle opéré le 5 septembre 2005 dans son appartement, y compris la nuit, avait permis de constater que le bruit en question dépassait les normes admises.

14.  Par une lettre du 15 septembre 2005, la direction générale du commerce, de la restauration et des services (DGCAP) de la municipalité de Chișinău informa la requérante que, par une décision du maire de Chișinău du 25 août 2005, l’heure de fermeture du restaurant E. avait été fixée à 23 heures. Les dirigeants du restaurant E. se virent également sommés de ne pas violer la réglementation concernant les horaires de travail et l’ordre public.

15.  Le même jour, la requérante déposa une nouvelle plainte pour les nuisances sonores qui auraient été provoquées par l’activité du restaurant et le non-respect des horaires de fermeture. La DGCAP lui adressa une réponse identique à la précédente.

16.  Le 19 septembre 2005, le directeur du restaurant E. demanda au CNMP de vérifier si le niveau sonore résultant de l’activité du restaurant à l’intérieur du domicile de la requérante était conforme aux normes. Le 29 septembre 2005, le CNMP répondit que, après la prise de mesures d’isolation phonique des climatiseurs du restaurant, le contrôle opéré le 27 septembre 2005 avait relevé un niveau sonore acceptable dans l’appartement de la requérante.

17.  Le 29 septembre 2005, la requérante déposa une nouvelle plainte pour les bruits qu’aurait émis le système de ventilation du restaurant E. Le 31 octobre 2005, le CNMP lui répondit que tous les contrôles nécessaires avaient été faits et que toutes les mesures qui s’imposaient avaient été prises.

C.    Action civile contre le restaurant E.

18.  Entre-temps, le 14 mars 2004, la requérante avait intenté une action en justice à l’encontre des propriétaires de l’immeuble sis au 56, rue B. et du restaurant E. Dans son action, elle demandait le recouvrement du préjudice matériel causé à son appartement pendant la rénovation du bâtiment voisin et celui du préjudice moral qui aurait été engendré par un niveau très élevé de bruit.

19.  Le 10 décembre 2004, le tribunal de Centru demanda au CERCON de lui fournir le rapport d’expertise de juin 2004 afin que celui-ci fût examiné dans le cadre de la procédure civile engagée par la requérante. Il ressort également des éléments du dossier que les autres rapports d’expertise du CERCON furent produits et débattus devant ce tribunal.

20.  Le 19 décembre 2005, le tribunal de Centru donna gain de cause à la requérante. Il fit référence aux conclusions des expertises réalisées par le CERCON et considéra que le bien de la requérante avait été endommagé lors de la rénovation de l’immeuble loué au restaurant E. Il alloua à la requérante l’intégralité des sommes demandées pour dommages matériels. Quant aux préjudices moraux, le tribunal estima prouvé, notamment par des certificats d’hospitalisation dans une clinique de cardiologie, que la requérante avait souffert du bruit émanant du restaurant, et il alloua à l’intéressée 5 000 lei moldaves à ce titre. Il jugea que les dommages matériel et moral devaient être réparés par le restaurant E. En revanche, il écarta, sans donner plus de détails, comme mal fondée la demande de la requérante visant à la fermeture du restaurant en raison du non-respect des horaires établis dans sa licence d’activité.

21.  Le 25 avril 2006, la cour d’appel de Chișinău accueillit l’appel de la partie adverse et rejeta l’action de la requérante comme mal fondée. Elle estima, en se fondant sur le rapport d’expertise de mars 2004, que l’appartement de la requérante avait été endommagé à la suite des travaux non autorisés réalisés dans l’appartement no 6 situé dans l’immeuble de l’intéressée. Elle relevait notamment que, lors de ces travaux, la fondation de l’appartement de la requérante n’avait pas été renforcée, ce qui avait provoqué la fissuration des murs. Elle précisait également que rien ne permettait de relier le restaurant E. à l’appartement no 6 susmentionné. Quant aux nuisances sonores, la cour d’appel considéra qu’il n’avait pas été démontré l’existence d’un lien de causalité entre les problèmes de santé de la requérante et le bruit émanant du restaurant.

22.  À une date non spécifiée, la requérante forma un pourvoi. Elle arguait, entre autres, que ses prétentions étaient étayées par les rapports d’expertise du CERCON.

23.  Par une décision du 11 octobre 2006, la Cour suprême de justice (CSJ) rejeta le pourvoi comme mal fondée et confirma l’arrêt de la cour d’appel. Les extraits pertinents en l’espèce de la décision de la CSJ peuvent se lire ainsi :

« (...)

Conformément aux conclusions de l’expertise no 739/04, l’état technique de l’immeuble rénové sis 56, rue B. correspond aux normes A, « Durabilité et stabilité », en même temps les solutions volumétriques [de la construction] permettent une activité dans des conditions sociales et sanitaires normales. Les travaux de rénovation de l’immeuble no 56 n’ont pas pu provoquer l’affaiblissement de l’appartement no 4, sis 54, rue B., conformément au critère A, « Durabilité et stabilité ».

En même temps, l’expert a identifié deux causes qui auraient pu provoquer l’apparition des fissures sur les murs de l’appartement de la requérante.

La première tient à l’absence de jonction entre la toiture de l’appartement no 4, sis 54, rue B. avec les locaux du restaurant E. La deuxième est liée à la rénovation de l’appartement no 6 sis 54, rue B., qui a un mur commun avec l’appartement no 4 de la requérante.

(...) [La rénovation de l’appartement no 6 concernait] des travaux de terrassement, l’élévation du sous-sol en béton (...), sans cependant renforcer la fondation de l’appartement no 4. Un tel volume de travaux et leurs particularités pouvaient parfaitement être à l’origine des processus de déformation de l’appartement no 4.

(...)

Les preuves administrées dans le cadre de la présente affaire ne permettent donc pas d’établir avec certitude la responsabilité du restaurant E. et [des propriétaires de l’immeuble sis 56, rue B.] dans la survenue du dommage allégué (...). Il ne peut y avoir de responsabilité délictuelle.

(...) »

II. LE DROIT INTERNE ET LES STANDARDS INTERNATIONAUX PERTINENTS

24.  L’article 152 du code des contraventions administratives du 29 mars 1985 punit par une amende contraventionnelle le non-respect des horaires d’ouverture et de fermeture par les sociétés de commerce et de restauration.

25.  L’article 172 du code précité se lit comme suit :

« Le tapage nocturne (entre 23 heures et 7 heures) (...) est puni d’un avertissement ou d’une amende (...). »

26.  Selon les normes en vigueur au moment des faits, le niveau maximum autorisé des nuisances sonores dans les pièces habitables étaient de 55 dbA entre 7 heures et 23 heures et de 45 dBA entre 23 heures et 7 heures. Le 9 juillet 2007, l’agence du Bâtiment et du Développement du territoire de la République de Moldova adopta de nouvelles normes en la matière fixant les seuils maximums autorisés du bruit dans les pièces habitables, en fonction du type de bâtiment, à 50 ou 55 dBA durant la journée et à 40 ou 45 dBA durant la nuit.

27.  Les Directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) relatives au bruit dans l’environnement situent, pour un bruit continu, à 50‑55 dBA le seuil de nuisance, c’est-à-dire le niveau en-dessous duquel, pendant la journée, la majorité de la population adulte se trouve à l’abri de nuisances modérées ou graves. Quand le bruit est continu, le niveau de pression acoustique équivalent ne devrait pas excéder 30 dBA à l’intérieur, si des effets négatifs sur le sommeil doivent être évités.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

28.  Invoquant les articles 6 et 13 de la Convention et 1 du Protocole no 1, la requérante se plaint d’une motivation insuffisante des décisions rendues par la cour d’appel de Chișinău le 25 avril 2006 et par la Cour suprême de justice le 11 octobre 2006. Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, la Cour estime qu’en l’espèce le grief de la requérante appelle un examen sur le seul terrain de l’article 6 de la Convention. Cette disposition, dans ses passages pertinents, est libellée comme suit :

Article 6 § 1

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

29.  La requérante soutient que les décisions de la cour d’appel du 25 avril 2006 et de la Cour suprême de justice (CSJ) du 11 octobre 2006 sont dénuées de motivation et arbitraires. Elle considère que les expertises judiciaires ont clairement indiqué le responsable des dégâts causés à son appartement et que les juges de ces juridictions ont inversé les conclusions des experts dans le but, selon elle, de la débouter de son action.

30.  Le Gouvernement conteste cette thèse et reprend les arguments avancés par la CSJ dans sa décision du 11 octobre 2006. En outre, il considère que, lues dans leur ensemble, les décisions des tribunaux nationaux sont suffisamment motivées.

31.  La Cour rappelle que si la Convention garantit en son article 6 le droit à un procès équitable, celle-ci ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves ou leur appréciation, matière qui relève dès lors au premier chef du droit interne et des juridictions nationales (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999‑I). Dans l’exercice de son pouvoir de contrôle, elle n’a point pour tâche de se substituer aux juridictions internes compétentes, mais de vérifier sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention les décisions qu’elles ont rendues en vertu de leur pouvoir d’appréciation (voir, parmi beaucoup d’autres, Cârlan c. Roumanie, no 34828/02, § 32, 20 avril 2010).

32.  Elle rappelle également que le droit à un procès équitable ne peut passer pour effectif que si les demandes et les observations des parties sont vraiment « entendues », c’est-à-dire dûment examinées par le tribunal saisi. Autrement dit, l’article 6 § 1 implique à la charge du « tribunal » l’obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence (Van de Hurk c. Pays-Bas, 19 avril 1994, § 59, série A no 288, Dulaurans c. France, no 34553/97, § 33, 21 mars 2000, et Virgil Ionescu c. Roumanie, no 53037/99, § 44, 28 juin 2005).

L’article 6 § 1 oblige en outre les tribunaux à motiver leurs décisions, mais il ne peut se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument. L’étendue de ce devoir peut varier selon la nature de la décision. Il faut, en outre, tenir compte notamment de la diversité de moyens qu’un plaideur peut soulever en justice et des différences dans les États contractants en matière de dispositions légales, coutumes, conceptions doctrinales, présentation et rédaction des jugements et arrêts. C’est pourquoi la question de savoir si un tribunal a manqué à son obligation de motiver découlant de l’article 6 § 1 de la Convention ne peut s’analyser qu’à la lumière des circonstances de l’espèce (Hiro Balani c. Espagne, 9 décembre 1994, § 27, série A no 303‑B).

33.  Se tournant vers les circonstances de l’espèce, la Cour observe que l’épicentre du litige civil entre, d’une part, la requérante et, d’autre part, les propriétaires et le locataire de l’immeuble sis 56, rue B. consistait à savoir si les travaux de rénovation réalisés dans cet immeuble avaient provoqué la détérioration de l’appartement de la requérante. En se fondant sur les conclusions des rapports d’expertise du CERCON (paragraphes 8 et 9 ci‑dessus), cette dernière arguait que la partie adverse devait voir sa responsabilité engagée.

34.  La Cour relève que la cour d’appel de Chișinău, après avoir examiné les rapports d’expertise en question, a débouté la requérante de son action (paragraphe 21 ci-dessus). La juridiction en cause a notamment fait fond sur les conclusions d’un de ces rapports et estimé que l’appartement de la requérante avait été endommagé à la suite des travaux non autorisés effectués dans l’appartement no 6 sis 54, rue B., soit dans le même immeuble que l’appartement de l’intéressée. L’instance d’appel a donc considéré que la responsabilité des propriétaires de l’immeuble sis 56, rue B., ainsi que celle du restaurant E. occupant cet immeuble ne pouvait pas être engagée. Quant à la Cour suprême de justice, après avoir examiné les moyens soulevés par la requérante dans son recours et vérifié la légalité des conclusions opérées par la cour d’appel, elle a décidé de confirmer la décision attaquée (paragraphe 23 ci-dessus).

35.  Pour résumer, la Cour note que la requérante a bénéficié d’une procédure contradictoire et qu’elle a pu présenter les arguments qu’elle jugeait pertinents pour la défense de sa cause. Les juridictions internes ont bien pris en compte les preuves apportées par l’intéressée et ont procédé à leur examen effectif. Elles ont finalement conclu que la requérante n’a pas réussi à étayer son action.

36.  À l’aune de ce qui précède, la Cour estime que la cour d’appel de Chișinău, ainsi que la Cour suprême de justice ont donné une réponse amplement motivée aux questions clés soulevées par l’affaire de la requérante. Cette dernière n’est donc pas fondée à soutenir que les décisions adoptées par les juridictions susmentionnées péchaient par manque de motivation. Compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, la Cour considère en outre que les conclusions auxquelles sont parvenues les instances nationales dans le cas d’espèce n’apparaissent pas non plus comme arbitraires ou manifestement déraisonnables.

37.  Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

38.  La requérante reproche à l’État de n’avoir pas pris les mesures adéquates pour mettre fin aux nuisances sonores qu’elle disait être provoquées par l’activité du restaurant attenant à sa maison. Elle invoque l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale [et] de son domicile (...).

2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

A.    Sur la recevabilité

39.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B.     Sur le fond

1.    Thèses des parties

40.  La requérante allègue que l’activité du restaurant E. est source d’inconfort quotidien pour elle et pour sa famille. Elle soutient que sa famille menait une vie paisible jusqu’à la rénovation du bâtiment voisin, mais que, en raison de l’agression sonore à laquelle ils seraient désormais exposés, il leur est impossible de vivre dans leur maison.

41.  Elle ajoute que le bruit généré par l’activité du restaurant a eu un grave impact sur son état de santé et qu’elle a été hospitalisée en raison de problèmes cardiaques.

42.  Elle se plaint enfin que ses multiples plaintes pour atteinte à sa vie privée et familiale en raison de l’activité du restaurant E. ne se sont matérialisées que dans quelques procès-verbaux établis par la police et par le Centre national de médecine préventive.

43.  Le Gouvernement considère que les bruits auxquels la requérante se réfère proviennent d’activités privées et que, partant, les possibilités d’intervention de l’État sont plus limitées dans cette situation.

44.  Toutefois, il indique que, pour remédier au problème de pollution acoustique dans la maison habitée par la requérante, les autorités moldaves ont pris un certain nombre de mesures telles que la réduction des heures d’ouverture du restaurant E., l’application d’une peine contraventionnelle à la direction de l’établissement et l’obligation pour celle-ci de procéder à l’isolation phonique du système de ventilation.

45.  Par conséquent, aux yeux du Gouvernement, les autorités moldaves ne sont pas restées passives aux demandes de la requérante et elles ont entrepris toutes les mesures possibles et nécessaires pour protéger sa vie privée et familiale. Dès lors, le Gouvernement invite la Cour à rejeter ce grief de la requérante.

2.    Appréciation de la Cour

46.  La Cour renvoie aux principes pertinents en l’espèce tels que résumés dans les affaires Moreno Gómez c. Espagne (no 4143/02, §§ 53-56, CEDH 2004‑X) et Udovičić c. Croatie (no 27310/09, §§ 136-138, 24 avril 2014).

a)      Les nuisances étaient-elles suffisantes pour mettre à la charge des autorités l’obligation positive au titre de l’article 8 de la Convention ?

47.  La présente affaire porte non pas sur une ingérence des autorités publiques dans l’exercice par une personne du droit au respect de son domicile et de sa vie privée, mais sur l’inactivité des autorités face à des atteintes causées par des tiers au droit invoqué par la requérante.

48.  La Cour note qu’au vu des éléments présentés devant elle, il ne prête à aucune controverse que la requérante était directement affectée par les nuisances sonores engendrées par l’activité de son voisin. Cependant, il lui faut déterminer si, du fait de leur intensité, ces nuisances ont atteint le seuil minimum de gravité pour tomber sous le coup de l’article 8 de la Convention (Leon et Agnieszka Kania c. Pologne, no 12605/03, § 101, 21 juillet 2009). La Cour rappelle que l’appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de l’intensité et de la durée des nuisances, de leurs effets physiques et mentaux, du contexte général, ainsi que du fait de savoir si le préjudice occasionné était comparable à celui lié aux risques environnementaux inhérents à une vie dans toute ville moderne (Fadeïeva c. Russie, no 55723/00, §§ 68-69, CEDH 2005‑IV, Fägerskiöld c. Suède (déc.), no 37664/04, 26 février 2008, et Mileva et autres c. Bulgarie, nos 43449/02 et 21475/04, §§ 92-93, 25 novembre 2010).

49.  En l’espèce, la Cour note que les nuisances sonores dénoncées par la requérante auraient été générées par les climatiseurs du restaurant E. attenant à l’appartement de celle-ci et par l’activité en général de cet établissement.

50.  Pour ce qui est du bruit produit par les climatiseurs du restaurant en question, elle observe que le mesurage du 12 mars 2004 a établi que, à l’intérieur de l’appartement de la requérante, les nuisances sonores dépassaient de 14 dBA la norme admise (paragraphe 10 ci-dessus). L’autorité ayant effectué ce contrôle constata également que les climatiseurs en cause étaient montés incorrectement (ibidem). La Cour note que le mesurage a été effectué entre 21 h 15 et 23 heures et que, à l’époque des faits, la limite légale autorisée pour cette tranche horaire à l’intérieur des pièces habitables était de 55 dBA (paragraphe 26 ci-dessus). Les nuisances sonores à l’intérieur de l’appartement de la requérante atteignaient donc 69 dBA lors du mesurage évoqué ci-dessus, ce qui dépassait largement les standards nationaux et internationaux en la matière (paragraphes 26 et 27 ci‑dessus).

51.  La Cour relève qu’un autre contrôle effectué le 5 septembre 2005 a également établi que, à l’intérieur du domicile de la requérante, le bruit généré par les climatiseurs du restaurant E. dépassait, y compris la nuit, les normes autorisées (paragraphe 13 ci-dessus). Lors de ce deuxième contrôle, l’autorité compétente n’a pas fait connaître le niveau exact atteint par le bruit. Cependant, la Cour note que rien dans le dossier ne prouve que, entre les deux contrôles, les climatiseurs avaient subi des modifications. Dès lors, l’on peut raisonnablement supposer que les niveaux du bruit relevés lors de ces deux contrôles étaient similaires.

52.  La Cour observe également que, à la suite des travaux d’isolation phonique des climatiseurs, le niveau sonore relevé par les autorités le 27 septembre 2005 atteignait des valeurs acceptables (paragraphe 16 ci‑dessus). Le bruit excessif généré par les climatiseurs du restaurant E. était donc présent dans l’appartement de la requérante durant une période d’au moins un an et demi, à savoir à partir de mars 2004, date du premier contrôle, jusqu’à la fin septembre 2005.

53.  La Cour note que le bruit généré par les climatiseurs, à supposer même qu’il n’était pas constant, devait être perceptible à des intervalles plus ou moins réguliers tout au long de la journée et de la nuit. Compte tenu de l’intensité du bruit en question, ainsi que de sa durée, elle estime que la gêne occasionnée à la requérante dépassait les préjudices inhérents à la vie dans une ville moderne.

54.  Quant au bruit généré par l’activité du restaurant E., la Cour note que ce dernier a fonctionné vingt-quatre heures sur vingt-quatre à partir du 25 décembre 2002 jusqu’au 25 août 2005, soit durant deux ans et huit mois, et que pendant cette période la direction de ce restaurant s’est vu infliger plusieurs amendes pour tapage nocturne. Compte tenu de cela et bien qu’il n’y ait pas eu de mesures exactes, la Cour estime que le bruit généré par l’activité du restaurant ainsi que par ses clients, qui devaient être nombreux compte tenu de la taille de l’établissement (deux niveaux et une terrasse d’été) devait être non négligent. De surcroît, elle ne perd pas de vue que l’activité du restaurant se déroulait dans un quartier résidentiel (comparer avec Mileva, précité, § 97).

55.  À l’aune de ce qui précède, la Cour estime que les circonstances de la présente affaire se rapprochent de celles des affaires Moreno Gomez (précité, § 60), Oluič c. Croatie (no 61260/08, § 62, 20 mai 2010), Mileva (précité, § 97) et Udovičić (précité, § 149). Elle juge donc que les nuisances subies par la requérante ont atteint un minimum de gravité mettant à la charge des autorités nationales l’obligation d’adopter des mesures pour protéger le droit de celle-ci au respect de son domicile et de sa vie privée et familiale.

b)      Les mesures prises par les autorités étatiques étaient-elles raisonnables et adéquates ?

56.  La Cour observe que la requérante a déposé sa première plainte concernant les nuisances sonores provoquées par le système de ventilation du restaurant E. le 19 février 2004 et que le problème n’a été réglé qu’en septembre 2005. Il est donc certain que la requérante a dû habiter, pendant plus de dix-huit mois, dans un appartement dans lequel le niveau des bruits dépassait le niveau maximal admis. Les autorités moldaves n’ont pas apporté d’explication quant à cette longue période d’inactivité. La Cour ne voit aucune difficulté particulière qui aurait empêché les autorités habilitées à prendre des mesures efficaces pour mettre fin aux nuisances sonores auxquelles la requérante était exposée.

57.  Une autre plainte, dénonçant cette fois les tapages nocturnes, a été déposée le 13 avril 2004. Les autorités ont réagi de manière adéquate le 25 août 2005, date à laquelle le maire de Chișinău a réduit les horaires d’ouverture du restaurant E. en imposant sa fermeture à 23 heures. Certes, les autorités avaient entre-temps infligé plusieurs amendes et avertissements verbaux au dirigeant du restaurant E. pour tapage nocturne et non-respect des horaires de fermeture de l’établissement. Toutefois, la Cour observe que les autorités moldaves n’ont jamais envisagé la fermeture du restaurant pour troubles répétés à l’ordre public et qu’elles n’ont décidé de réduire le temps d’ouverture du restaurant que seize mois après la première plainte de la requérante.

58.  Il est également à noter que la requérante s’était plainte du non‑respect par le restaurant des horaires d’ouverture fixés le 25 août 2005. L’intéressée a réitéré ce grief devant les tribunaux nationaux et a demandé la fermeture du restaurant E., sans obtenir de réponse de leur part.

59.  À la lumière de ce qui précède, la Cour estime que l’État défendeur a failli à son obligation positive de garantir le droit de la requérante au respect de son domicile et de sa vie privée et familiale.

60.  Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

61.  La requérante allègue également que l’absence de réponse de la part des tribunaux nationaux à son grief tiré de l’article 8 de la Convention ne lui a pas permis de bénéficier d’une voie de recours interne effective contre l’atteinte portée à sa vie privée et familiale. Elle invoque à ce titre l’article 13 de la Convention.

62.  Eu égard au constat de violation auquel elle est parvenue sous l’angle de l’article 8 de la Convention, la Cour estime qu’il ne s’impose pas de statuer séparément sur le grief tiré de l’article 13 de la Convention (voir, pour une approche similaire, Kamil Uzun c. Turquie, no 37410/97, § 64, 10 mai 2007, et Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie [GC], no 47848/08, § 156, 17 juillet 2014).

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

63.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

64.  La requérante réclame 2 067 euros (EUR) pour préjudice matériel, ce qui représente la valeur des dégâts qu’aurait subis l’appartement de celle‑ci à la suite des travaux de rénovation du restaurant voisin. Elle demande en outre 50 000 EUR pour préjudice moral.

Enfin, elle réclame 1 685 EUR pour les frais et dépens qu’elle aurait engagés devant les juridictions internes. Cette somme correspond aux frais et dépens qui lui ont été alloués par le tribunal de première instance de Centru, soit 12 145 lei moldaves (642 EUR au moment de la formulation de la présente prétention devant la Cour), ajustés au taux d’inflation. Elle produit une lettre du Bureau national de statistique de la République de Moldova faisant état du taux d’inflation pour la période pertinente en l’espèce.

65.  Le Gouvernement considère qu’il n’existe pas de lien de causalité entre les violations alléguées et le dommage matériel demandé. Il juge également que la somme réclamée pour préjudice moral est excessive et infondée. Enfin, il estime qu’aucun montant ne devrait être alloué pour frais et dépens.

66.  La Cour rappelle avoir estimé, sous l’angle de l’article 6 de la Convention, que le rejet par les tribunaux nationaux de l’action de la requérante contre le restaurant n’était pas arbitraire ou manifestement déraisonnable (paragraphe 36 ci-dessus). Elle observe également qu’il n’existe pas de lien de causalité entre le préjudice matériel réclamé et la violation de l’article 8 de la Convention constatée ci-dessus. Elle rejette donc la demande de la requérante à ce titre.

67.  En revanche, la Cour estime qu’il se justifie en l’espèce d’allouer une réparation pour dommage moral. Statuant en équité, elle alloue à la requérante 4 500 EUR à ce titre.

68.  Quant aux frais et dépens et compte tenu des documents dont elle dispose, la Cour estime raisonnable d’accorder à la requérante l’intégralité de la somme réclamée, à savoir 1 685 EUR, pour la procédure devant les juridictions internes.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.      Déclare la requête irrecevable quant au grief tiré de l’article 6 de la Convention et recevable pour ce qui est du grief tiré de l’article 8 de la Convention ;

2.      Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;

3.      Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner la recevabilité et le bien-fondé du grief tiré de l’article 13 de la Convention ;

4.      Dit

a)     que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :

i.            4 500 EUR (quatre mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

ii.          1 685 EUR (mille six cent quatre-vingt-cinq euros), plus tout montant pouvant être dû par la requérante à titre d’impôt, pour frais et dépens,

b)     qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5.      Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 décembre 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

   Hasan Bakırcı                                                                      Egidijus Kūris
  Greffier adjoint                                                                        Président


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