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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> RADULESCU v. ROMANIA - 9812/13 (Judgment : Right to a fair trial : Fourth Section Committee) French Text [2020] ECHR 353 (26 May 2020)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2020/353.html
Cite as: [2020] ECHR 353, ECLI:CE:ECHR:2020:0526JUD000981213, CE:ECHR:2020:0526JUD000981213

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QUATRIÈME SECTION

 

AFFAIRE RĂDULESCU c. ROUMANIE

(Requête no 9812/13)

 

 

 

 

 

 

ARRÊT

STRASBOURG

26 mai 2020

 

 

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

 


En l’affaire Rădulescu c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en un comité composé de :

          Faris Vehabović, président,

          Iulia Antoanella Motoc,

          Carlo Ranzoni, juges,

et de Ilse Freiwirth, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête susmentionnée (no 9812/13) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Ștefan Rădulescu (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 4 février 2013,

la décision du président de section, agissant en qualité de juge unique, de déclarer irrecevable une partie de la requête,

les observations des parties,

la décision par laquelle la Cour a rejeté l’opposition du Gouvernement à l’examen de la requête par un comité,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 24 mars 2020,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1.  La requête concerne, sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, la condamnation en appel du requérant qui a été prononcée sur la base de preuves qui avaient été jugées insuffisantes par le tribunal de première instance et sans qu’il y ait eu de nouvelle audition de témoins. Elle porte également sur la durée de la procédure pénale en cause.

EN FAIT

2.  Le requérant est né en 1956 et réside à Bucarest. Il a été représenté par Me O. I. Budușan, avocat à Bucarest.

3.  Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

4.  Le 16 septembre 2004, le parquet près la Haute Cour de cassation et de justice mit le requérant en accusation du chef de malversations dans la gestion de la société commerciale M., dont il présidait le conseil d’administration. Une enquête avait été ouverte à la suite d’une plainte déposée par N.D., ancien directeur général de la société, et de l’autodénonciation de M.E., son ancien directeur exécutif. Dans le cadre de cette enquête, le requérant avait été maintenu en détention provisoire pendant environ quatre mois. Ultérieurement, le parquet modifia le chef d’accusation et poursuivit l’enquête pour abus de biens sociaux.

5.  Le parquet ordonna une expertise comptable à l’issue de laquelle l’expert conclut que le requérant avait mis en place un système de fausses factures au sein de la société M. et en avait tiré un avantage personnel. L’expert indiqua que la société commerciale W., dont l’épouse du requérant était l’unique actionnaire, était l’un des prestataires de la société M. Il ajouta que la société W. avait illégalement facturé à la société M. des prestations de services et des travaux, en tirant ainsi un profit illicite. La société W. aurait ensuite utilisé cet argent pour acquérir des actions de la société M. et en devenir l’actionnaire majoritaire.

6.  Le parquet interrogea quatorze témoins, dont N.D. et M.E., qui maintinrent leurs déclarations. Deux cadres de la société M., B.R. et B.M., déclarèrent qu’une partie des travaux facturés par la société W. avaient en réalité été effectués par d’autres sociétés. Deux hommes d’affaires, J.F. et S.A., indiquèrent que le requérant les avait mis au courant du système présumé de fausses factures.

7.  Dans son réquisitoire du 11 novembre 2011, le parquet renvoya le requérant en jugement pour abus de biens sociaux. La société M., estimant qu’elle n’avait subi aucun préjudice, ne se constitua pas partie civile.

8.  Le tribunal de première instance de Bucarest ordonna une nouvelle expertise comptable. Le nouvel expert désigné conclut que toutes les factures étaient authentiques et qu’elles correspondaient à des prestations de services et à des travaux qui avaient réellement été effectués par la société W. pour le compte de la société M. Par ailleurs, il indiqua que la société M. avait fait l’objet de plusieurs contrôles fiscaux qui avaient validé ces factures.

9.  Le tribunal interrogea également vingt-cinq témoins, dont N.D., M.E., B.R. et B.M. (paragraphes 4 et 6 ci-dessus). Les deux premiers déclarèrent que les prestations de la société W. avaient été surévaluées, et les deux derniers confirmèrent la réalité des travaux effectués par la société W. pour le compte de la société M. Quant aux autres témoins, des salariés de la société M. et de sociétés partenaires de celle-ci, ils confirmèrent la réalité de ces travaux.

10.  Par un jugement du 24 avril 2012, le tribunal de première instance de Bucarest prononça la relaxe du requérant. Compte tenu des conclusions de la seconde expertise comptable, confirmées par les déclarations de la majorité des témoins, et de l’absence de préjudice de la société M., qui ne s’était pas constituée partie civile, il estima que le délit n’était pas constitué.

11.  Le parquet forma un pourvoi devant la cour d’appel de Bucarest.

12.  Par un arrêt du 16 octobre 2012, la cour d’appel accueillit le pourvoi, cassa le jugement rendu en première instance et, statuant sur le fond, condamna le requérant à une peine de cinq ans de prison pour abus de biens sociaux.

13.  Pour statuer ainsi, elle écarta les conclusions de la seconde expertise (paragraphe 8 ci-dessus). Elle nota que le second expert s’était appuyé sur des documents qui n’avaient pas été présentés au premier expert (paragraphe 5 ci-dessus). Elle estima par conséquent qu’il existait des doutes quant à la fiabilité de la seconde expertise.

14.  La cour d’appel considéra que les conclusions de la première expertise étaient corroborées par les déclarations que N.D., M.E., B.R., B.M., J.F. et S.A. avaient faites au cours de l’enquête du parquet (paragraphe 6 ci-dessus). Elle jugea que ces déclarations étaient « pertinentes » pour l’établissement des faits, et en particulier du mode opératoire du requérant. Au vu du premier rapport d’expertise et des déclarations susmentionnées, la cour d’appel conclut que les factures litigieuses étaient fausses.

15.  Quant aux déclarations des témoins qui avaient été entendus par le tribunal de première instance et qui avaient confirmé la réalité des travaux (paragraphe 9 ci-dessus), la cour d’appel les écarta au motif qu’elles étaient « subjectives ou très peu sérieuses et sans pertinence », dès lors que ces témoins étaient pour la plupart des salariés ou d’anciens salariés de la société M. ou d’autres sociétés contrôlées par le requérant.

LE CADRE JURIDIQUE INTERNE PERTINENT

16.  Les dispositions du code de procédure pénale (CPP), tel qu’en vigueur avant le 1er février 2014, qui sont pertinentes en l’espèce et qui définissaient l’étendue de la compétence et des pouvoirs des juridictions saisies d’un recours sont décrites dans l’arrêt Găitănaru c. Roumanie (n26082/05, §§ 17-18, 26 juin 2012).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION À RAISON D’UNE ABSENCE D’administration directe des preuves

17.  Le requérant se plaint d’une violation de son droit à un procès équitable dans le cadre de la procédure pénale menée contre lui : il reproche à la cour d’appel de l’avoir condamné sans avoir elle-même administré directement les preuves sur le fondement desquelles le tribunal de première instance avait prononcé sa relaxe.

Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes en l’espèce sont ainsi libellées :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) »

A.    Sur la recevabilité

18.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B.     Sur le fond

1.     Arguments des parties

19.  Le requérant soutient que, pour annuler le jugement du tribunal de première instance et le condamner pénalement du chef d’abus de biens sociaux, la cour d’appel a réexaminé le fond de l’accusation en fait et en droit.

20.  Le requérant considère que la cour d’appel a pour cela procédé à un examen des moyens de preuve qui avaient été administrés par le tribunal de première instance, y compris les témoignages, lesquels constituaient aux yeux de la cour d’appel des éléments déterminants dans l’affaire.

21.  Le Gouvernement soutient que la cour d’appel a fondé son arrêt principalement sur les preuves écrites versées au dossier et, en particulier, sur la première expertise comptable. En tout état de cause, il estime que c’est au premier chef aux autorités nationales, et plus particulièrement aux cours et tribunaux, qu’il incombe d’administrer et d’interpréter les moyens de preuve.

22.  Enfin, le Gouvernement indique que le requérant a pu plaider sa cause devant la cour d’appel et n’a pas exigé de nouvelle audition des témoins.

2.    Appréciation de la Cour

23.  La Cour rappelle que, lorsqu’une instance de recours est amenée à connaître d’une affaire en fait et en droit et à étudier dans son ensemble la question de la culpabilité ou de l’innocence, elle ne peut, pour des motifs d’équité de la procédure, décider de ces questions sans appréciation directe des témoignages présentés en personne soit par l’accusé qui soutient qu’il n’a pas commis l’acte tenu pour une infraction pénale (voir, parmi d’autres, Constantinescu c. Roumanie, no 28871/95, § 55, CEDH 2000-VIII), soit par les témoins ayant déposé pendant la procédure (Găitănaru c. Roumanie, n26082/05, § 35, 26 juin 2012, et Hogea c. Roumanie, no 31912/04, § 54, 29 octobre 2013).

24.  Elle note qu’elle a déjà constaté que, dans le système judiciaire roumain, la compétence des juridictions saisies par la voie du « recours » n’était pas limitée aux seules questions de droit. En effet, elle a observé que la procédure applicable dans le cadre de l’exercice de cette voie de droit était une procédure complète qui suivait les mêmes règles qu’une procédure au fond et que la juridiction de recours pouvait soit confirmer l’acquittement prononcé par la juridiction inférieure, soit déclarer l’intéressé coupable au terme d’une appréciation complète de la question de sa culpabilité ou de son innocence, en administrant le cas échéant de nouveaux moyens de preuve (Dănilă c. Roumanie, no 53897/00, § 38, 8 mars 2007, Găitănaru, précité, § 30, et Văduva c. Roumanie, no 27781/06, § 43, 25 février 2014).

25.  Elle rappelle que, dans des affaires similaires, elle a déjà reproché aux autorités roumaines un défaut d’administration des preuves devant la juridiction de recours (Flueraş c. Roumanie, no 17520/04, §§ 56-62, 9 avril 2013, et Moinescu c. Roumanie, no 16903/12, §§ 36-41, 15 septembre 2015).

26.  En l’espèce, la Cour constate que la cour d’appel n’a pas limité son analyse à une question de droit, plus précisément celle de la qualification juridique des faits. Au contraire, la cour d’appel s’est bel et bien livrée à une nouvelle interprétation des preuves et a établi que le requérant avait commis les faits reprochés, ce qui a eu pour conséquence la condamnation pénale de celui-ci.

27.  La Cour note également que le tribunal de première instance de Bucarest a jugé que les pièces du dossier, parmi lesquelles figuraient les deux expertises comptables et les déclarations de plusieurs témoins (paragraphes 8 et 9 ci-dessus), justifiaient la relaxe du requérant (paragraphe 10 ci-dessus). Elle relève ensuite que la cour d’appel a condamné le requérant (paragraphe 12 ci-dessus) sans entendre les témoins qui avaient déposé devant le tribunal de première instance et au cours de l’enquête du parquet. Elle observe que la cour d’appel ne disposait d’aucune donnée nouvelle pour substituer à la relaxe une condamnation pénale du requérant.

28.  La Cour note que la cour d’appel a fondé la condamnation de l’intéressé sur les conclusions de la première expertise comptable et sur les comptes rendus des dépositions faites au cours de l’enquête par les témoins N.D., M.E., B.R., B.M., J.F. et S.A. (paragraphes 13 et 14 ci-dessus). Elle constate que ces dépositions ont joué un rôle important dans la condamnation du requérant dès lors que la cour d’appel a jugé qu’elles étaient « pertinentes » pour l’établissement des faits et qu’elles corroboraient les conclusions de la première expertise (paragraphe 14 ci‑dessus).

29.  Il appartenait sans doute à la cour d’appel d’apprécier les diverses données recueillies. Il n’en demeure pas moins que le requérant a été reconnu coupable sur la base de témoignages qui, d’après les premiers juges, étaient insuffisants pour qu’il fût condamné. Dès lors, la Cour estime qu’une nouvelle audition de ces témoins s’imposait.

30.  Pareille audition était d’autant plus nécessaire que, de l’avis de la Cour, un doute subsistait quant à la fiabilité des dépositions qui avaient fondé la condamnation. Ainsi, J.F. et S.A. (paragraphe 6 ci-dessus) n’ont jamais été entendus par les juridictions qui ont connu du fond de l’affaire. Quant aux témoignages de B.R. et B.M. concernant la réalité des travaux effectués par la société W. pour le compte de la société M., la Cour note que les déclarations livrées par ces témoins au parquet (paragraphe 6 ci-dessus) étaient en contradiction avec celles qu’ils avaient faites devant le tribunal de première instance (paragraphe 9 ci-dessus).

31.  Pour autant que le Gouvernement affirme que le requérant n’a pas demandé à la cour d’appel de procéder à une nouvelle audition des témoins, la Cour estime que la juridiction de recours était tenue de prendre d’office des mesures positives à cette fin, même si le requérant n’avait pas sollicité expressément de telles mesures (Mischie c. Roumanie, no 50224/07, § 39, 16 septembre 2014).

32.  Au vu de ces éléments, la Cour considère que la condamnation du requérant par la cour d’appel, prononcée en l’absence d’une nouvelle audition des témoins, alors que le tribunal de première instance avait prononcé sa relaxe, est contraire aux exigences d’un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

33.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION À RAISON DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE

34.  Le requérant soutient que la durée de la procédure pénale menée contre lui est incompatible avec l’exigence du « délai raisonnable ». Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention.

35.  Le Gouvernement invite la Cour à prendre en compte, dans son examen global, la complexité de l’affaire, le comportement des autorités et le nombre de degrés de juridiction.

36.  La Cour rappelle que la durée « raisonnable » d’une procédure doit s’apprécier suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères suivants : la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999‑II, et Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

37.  En l’espèce, elle observe que la procédure a commencé le 16 septembre 2004 avec la mise en accusation du requérant (paragraphe 4 ci-dessus) et qu’elle a pris fin le 16 octobre 2012 avec la condamnation de ce dernier par la cour d’appel de Bucarest (paragraphe 12 ci-dessus). La procédure a donc duré huit ans et un mois, dont plus de sept ans devant le parquet (paragraphe 7 ci-dessus), pour deux degrés de juridiction.

38.  La Cour rappelle ensuite que dans l’arrêt de principe Vlad et autres c. Roumanie (nos 40756/06, 41508/07 et 50806/07, 26 novembre 2013) elle a abouti à un constat de violation au sujet de questions similaires à celles qui font l’objet de la présente affaire.

39.  Après examen de l’ensemble des éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne décèle aucun fait ou argument propre à la convaincre de parvenir à une conclusion différente quant à la recevabilité et au bien-fondé du grief en question. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse était excessive et qu’elle n’a pas répondu à l’exigence du « délai raisonnable ».

40.  Il s’ensuit que ce grief est recevable et qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

41.  Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.    Dommage

42.  Le requérant demande 213 425 euros (EUR) au titre du dommage matériel qu’il estime avoir subi à cause d’une perte de revenus dont il aurait pâti pendant sa détention provisoire et l’exécution de sa peine. En outre, il sollicite 678 680 EUR au titre du préjudice moral.

43.  Le Gouvernement considère que le montant réclamé par le requérant pour dommage matériel n’a aucun lien avec l’objet de la présente affaire. Pour ce qui est du dommage moral, il soutient qu’un constat de violation constituerait une satisfaction équitable suffisante en l’espèce et qu’en tout état de cause le montant réclamé est excessif au regard de la jurisprudence de la Cour en la matière.

44.  La Cour considère que le requérant n’a pas démontré l’existence d’un lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué. Elle relève qu’en l’espèce le seul fondement à retenir pour l’octroi d’une satisfaction équitable réside dans le fait que le requérant n’a pas bénéficié d’un procès équitable et d’une procédure menée dans un délai raisonnable par les juridictions nationales. Elle rejette donc la demande formulée à ce titre.

45.  Elle considère en revanche que le requérant a subi un préjudice moral certain que le constat de violation de l’article 6 § 1 de la Convention ne suffit pas à réparer. Statuant en équité, elle juge qu’il y a lieu de lui octroyer 5 000 EUR.

46.  En outre, elle rappelle que, lorsqu’un particulier, à l’instar du requérant en l’espèce, a été condamné à l’issue d’une procédure entachée de manquements aux exigences de l’article 6 de la Convention, un nouveau procès ou une réouverture de la procédure à la demande de l’intéressé représente en principe un moyen approprié de remédier à la violation constatée (Valdhuter c. Roumanie, no 70792/10, § 70, 27 juin 2017). À cet égard, la Cour note que l’article 465 du nouveau code de procédure pénale, entré en vigueur le 1er février 2014, permet la révision d’un procès sur le plan interne lorsqu’elle-même a constaté la violation des droits et libertés fondamentaux d’un requérant (Moinescu, précité, § 48).

B.     Frais et dépens

47.  Au titre des frais et dépens qu’il a engagés devant les juridictions internes, le requérant réclame la somme de 7 889 EUR, qui correspond aux honoraires qui auraient été réglés à un expert-comptable dans le cadre de la procédure devant le tribunal de première instance.

48.  Le Gouvernement considère que les frais relatifs aux honoraires d’expert doivent être écartés, car, selon lui, ils n’ont aucun lien avec une violation alléguée de la Convention.

49.  En l’espèce, la violation retenue concerne le défaut d’administration directe des preuves par la cour d’appel de Bucarest et la durée excessive de la procédure. Par conséquent, la Cour rejette la demande présentée au titre des frais et dépens exposés dans le cadre de la procédure devant le tribunal de première instance.

C.    Intérêts moratoires

50.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.      Déclare la requête recevable ;

2.      Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention à raison du défaut d’administration directe des preuves par la cour d’appel de Bucarest ;

3.      Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention à raison de la durée de la procédure pénale engagée contre le requérant ;

4.      Dit

a)     que l’État défendeur doit verser pour dommage moral au requérant, dans un délai de trois mois, 5 000 EUR (cinq mille euros) à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;

b)     qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5.      Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 26 mai 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

    Ilse Freiwirth                                                                     Faris Vehabović
Greffière adjointe                                                                       Président

 


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