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European Court of Human Rights


You are here: BAILII >> Databases >> European Court of Human Rights >> BOURAS v. FRANCE - 31754/18 (Judgment : No Article 2 - Right to life : Fifth Section) French Text [2022] ECHR 380 (19 May 2022)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/ECHR/2022/380.html
Cite as: [2022] ECHR 380, CE:ECHR:2022:0519JUD003175418, ECLI:CE:ECHR:2022:0519JUD003175418

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CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE BOURAS c. FRANCE

(Requête no 31754/18)

 

 

 

ARRÊT

Art 2 (matériel) • Recours à la force • Usage de l’arme à feu justifiée et absolument nécessaire par un gendarme ayant abouti au décès d’un détenu qui agressait sa collègue dans le véhicule au cours de son transfèrement • Absence de manquement aux règlements

 

STRASBOURG

19 mai 2022

 

 

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

 


En l’affaire Bouras c. France,


La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

          Síofra O’Leary, présidente,
          Ganna Yudkivska,
          Lado Chanturia,
          Ivana Jelić,
          Arnfinn Bårdsen,
          Mattias Guyomar,
          Kateřina Šimáčková, juges,
et de Victor Soloveytchik, greffier de section,


Vu :


la requête (no 31754/18) dirigée contre la République française et dont deux ressortissants français et algérien, Mme Fatiha Bouras, née Rabah et M. Bouamama Bouras (« les requérants ») ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 5 juillet 2018,


la décision de porter à la connaissance du gouvernement français (« le Gouvernement ») le grief concernant l’article 2 de la Convention sous son volet matériel et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus,


les observations des parties,


Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 avril 2022,


Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION


1.  La requête concerne, au regard du volet matériel de l’article 2 de la Convention, le recours à la force par un gendarme au cours du transfèrement d’une personne détenue, alors que celle-ci agressait sa collègue dans le véhicule qui la transportait de la maison d’arrêt de Strasbourg au tribunal de grande instance de Colmar. Les requérants soutiennent que le recours à la force par M.G., ayant entraîné la mort de leur fils, n’était ni absolument nécessaire ni rigoureusement proportionné à l’un des objectifs mentionnés par l’article 2 § 2 de la Convention.

EN FAIT


2.  Les requérants sont nés en 1960 et résident respectivement à Colmar et Châtellerault. Ils ont été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire et sont représentés par Me J.E. Martin, avocat à Strasbourg.


3.  Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.


4.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.


5.  Le 26 août 2014, lors de son transfèrement de la maison d’arrêt de Strasbourg-Elsau, où il était détenu, au tribunal de grande instance de Colmar, le fils des requérants, H.B, âgé de vingt-trois ans, décéda des suites d’un coup de feu tiré par l’un des deux membres de son escorte, M.G, gendarme adjoint volontaire, avec son arme de service.

I.        Le contexte du transfèrement de H.B.


6.  Le 5 juin 2014, H.B. fut mis en examen par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Colmar du chef de vols avec arme commis avec préméditation, puis placé en détention provisoire. Incarcéré à la maison d’arrêt de Colmar, plusieurs incidents lui furent reprochés, notamment une tentative d’évasion le 3 août 2014. Le lendemain, il fut transféré à la maison d’arrêt de Strasbourg-Elsau à la demande de la direction de la maison d’arrêt de Colmar.


7.  Le 26 août 2014, vers 12 heures 30, H.B. fut extrait de la maison d’arrêt de Strasbourg-Elsau pour être conduit devant le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Colmar, en vue d’un interrogatoire.


8.  M.G. et M.R., respectivement gendarme adjoint volontaire et cheffe d’escorte, le prirent en charge. Ils le menottèrent, les mains positionnées à l’avant, et l’installèrent à l’arrière droit du véhicule de service, une Renault Clio. M.R. prit place à l’arrière gauche du véhicule et M.G. conduisit le véhicule. H.B. était calme et aucun élément concernant un risque particulier d’évasion ne fut communiqué aux gendarmes. Chacun d’eux était muni de son arme de service approvisionnée, la première cartouche étant engagée dans le canon comme prévu par les règles en la matière. Ils ne disposaient pas de pistolet à impulsion électrique, mais étaient dotés d’un bâton télescopique et d’une bombe lacrymogène.

II.     Le trajet sur l’autoroute et le coup de feu mortel


9.  Selon les déclarations de M.R. et de M.G. faites dans le cadre de l’enquête de flagrance puis de l’instruction, le déroulement des faits fut le suivant.


10.  Au cours du trajet sur l’autoroute A35, H.B. déplaça sa ceinture de sécurité et ouvrit manuellement la vitre arrière droite. À la demande immédiate de M.R., il la referma. Toutefois, cette attitude inquiéta les deux gendarmes qui remarquèrent dans le même temps un véhicule à destination duquel H.B. aurait fait un geste de la main. Ce véhicule suivit pendant un temps celui des gendarmes, qui songèrent alors à un risque d’évasion. Finalement, le véhicule s’éloigna et ils le perdirent de vue.


11.  Les deux gendarmes indiquèrent que plus tard sur le trajet, H.B. agressa de manière soudaine M.R et tenta de s’emparer de son arme. Ils décrivirent le déroulement des évènements de la manière suivante : H.B. avait détaché sa ceinture de sécurité et mis sa main sur le ceinturon de M.R., lui criant à plusieurs reprises « donne-moi ton arme » tout en tentant de prendre son arme de service ; M.R. ayant résisté pour protéger son arme, il lui avait asséné un coup violent à la tête avec ses mains menottées et continué de lui porter d’autres coups ; M.R. avait hurlé pour dire à son collègue d’arrêter la voiture, et que H.B. voulait prendre son arme et la tuer ; puis, au cours de la bagarre, elle avait senti son arme se soulever de l’étui, H.B. étant parvenu à défaire la boucle de sécurité, à prendre l’arme par la crosse et à la sortir de son étui ; par reflexe, M.R. l’avait attrapée par le canon, ainsi dirigé vers son ventre, tandis que H.B. continuait de la frapper ; M.R. était finalement parvenue à reprendre son arme et à lui la faire lâcher, mais celle-ci glissa entre la portière et son siège ; entre temps, M.G. avait arrêté la voiture sur la bande d’arrêt d’urgence et M.R. avait cru ouvrir la portière en s’aidant de son épaule (mais elle concéda qu’il était possible que ce fut M.G. qui l’avait ouverte, comme celui-ci l’affirmait) ; son arme étant alors tombée sur le bitume, elle avait tenté de la reprendre et H.B. s’était jeté sur elle ; M.R. s’était retrouvée dans la position suivante : les pieds bloqués sous le siège passager avant et le buste à l’extérieur de la voiture, le flanc gauche couché au sol ; M.G. avait dégainé son arme, pointée vers H.B., lui ordonnant « lâche-la, lâche ton arme ou je tire » et H.B. aurait répondu : « je m’en fous j’ai plus rien à perdre » ; M.G. avait alors remis son arme à l’étui et était allé ouvrir la portière arrière droite du véhicule, tentant ensuite vainement d’extraire par la force H.B. de la voiture en le tirant par les jambes, puis en portant plusieurs coups avec son bâton de défense au niveau des jambes de H.B. ; ce dernier ne réagissant pas et continuant de frapper M.R., M.G. avait ouvert la portière avant droite pour appeler des renforts par radio mais, alerté par les cris de détresse de sa collègue, il était rapidement retourné à l’arrière gauche du véhicule.


12.  Toujours selon les déclarations des deux gendarmes, à ce moment précis H.B. était couché sur M.R., leurs corps quasiment à l’extérieur du véhicule, M.R. tenant son arme et H.B. lui tordant les doigts pour ouvrir sa main de force ; M.R. essayait de faire glisser son arme sous la voiture, afin de l’éloigner le plus possible de H.B, mais elle n’avait réussi qu’à la déplacer que de quelques centimètres en raison de l’allonge supérieure dont bénéficiait H.B. (M.R. mesurant 1 m 65 et pesant 56 kg, tandis que H.B. mesurait 1 m 90 pour 78 kg) ; M.G. avait baissé la tête le temps de remettre son bâton de défense à la ceinture et de sortir son arme de son étui : en la relevant, la scène avait changé et il ne distinguait plus ni l’arme de sa collègue ni les mains de H.B. ; alors que sa collègue lui avait crié « il va me tuer, il va me tuer », il lança une nouvelle sommation à H.B, qui aurait répondu « je n’ai plus rien à perdre ». M.G. termina son récit en expliquant avoir visé la seule zone visible comprise entre le thorax et la base du cou. H.B. décéda de ce coup de feu unique, qui l’atteignit au niveau de la joue gauche.


13.  Il ressort des documents de la procédure qu’à 13 heures 19, M.G. alerta par radio le centre d’opérations et de renseignement de la gendarmerie. Dans le même temps, M.R. appela par téléphone le centre d’information et de commandement de la police.


14.  Les secours, une fois sur place, prirent H.B. en charge. Le chef de l’unité de secours fit retirer les menottes par M.G. À 13 heures 35, H.B. fut victime d’un arrêt cardiaque respiratoire. Son décès fut constaté peu après 14 heures.


15.  Le peloton motorisé de la gendarmerie, avisé à 13 heures 24, arriva sur place à 13 heures 45. Il trouva les deux gendarmes en état de choc. M.R. était allongée sur un brancard, dans le véhicule de pompiers. Les membres du peloton les maintinrent séparés, conformément aux ordres du commandement de gendarmerie.

III.   Les investigations menées dans le cadre de l’enquête de flagrance et de l’instruction


16.  Le jour même, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg diligenta une enquête, confiée à l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).


17.  M.G. fut placé en garde à vue et auditionné à quatre reprises. M.R. fut entendue comme témoin à deux reprises. Les enquêteurs auditionnèrent également un témoin qui était le passager d’un véhicule circulant sur l’autoroute A5 au moment du drame. Il indiqua que le véhicule de la gendarmerie roulait avec le gyrophare allumé, à une allure d’environ 110‑120 km/h, qu’il s’était rabattu sur la bande d’arrêt d’urgence et que, alors qu’il passait à côté, il avait vu un homme couché sur le côté droit, la femme gendarme qui se trouvait sur l’homme en position à genou ou couchée au niveau du ventre de l’homme.


18.  L’examen médico-légal réalisé sur M.R. juste après les faits révéla des contusions, des ecchymoses et des dermabrasions sur le tronc, les membres supérieurs et inférieurs, une tuméfaction de la pommette droite de 3 cm de diamètre, plusieurs traces linéaires compatibles avec des lésions de griffures. Une incapacité totale de travail d’un jour fut constatée, ainsi qu’un retentissement psychologique sous forme de troubles émotionnels et d’images de flash nécessitant un suivi psychologique. L’un des boutons de son polo, ensanglanté, fut retrouvé au sol.


19.  Les investigations se poursuivirent dans le cadre d’une instruction ouverte par le procureur de la République le 28 août 2014, du chef de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, commises par un dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions.


20.  À l’issue de l’interrogatoire de première comparution, le vice-président chargé de l’instruction plaça M.G. sous le statut de témoin assisté. Sur commission rogatoire, il mandata l’IGGN et la section de recherches de la gendarmerie pour effectuer certains actes d’enquête.


21.  Plusieurs témoins furent entendus, à savoir, notamment, des membres des services de secours qui étaient intervenus sur place, ainsi qu’un chauffeur de poids lourd. Des vérifications furent effectuées auprès de la maison d’arrêt de Strasbourg-Elsau. H.B. figurait sur la liste des personnes détenues, transmise au service en charge des transferts, avec la mention « risque d’évasion et escorte 3 », ce qui signifie qu’une assistance des forces de l’ordre doit être demandée en cas d’extraction par l’administration pénitentiaire.


22.  L’autopsie et l’expertise anatomo-pathologique permirent de constater des traces de coups sur les tibias de H.B et de confirmer qu’il était décédé d’un tir unique par arme à feu.


23.  L’examen balistique conclut à un tir fut effectué à une distance supérieure à soixante-quinze centimètres, le projectile ayant progressé selon une trajectoire quasi-horizontale suivant le plan sagittal de la victime. Il établit en outre qu’un tir pouvait être réalisé par une personne porteuse d’entraves de sécurité.


24.  Des traces papillaires et génétiques furent prélevées sur différents endroits de l’arme à feu de M.R. et de son étui. L’expertise génétique permit de déceler plusieurs traces de l’ADN de H.B., en mélange notamment avec l’ADN de M.R., sur l’étui du pistolet et la bride de sécurité, ainsi que sur l’arme, notamment au niveau du talon de chargeur de l’arme, de la crosse, de la queue de détente, du pontet, du bouton poussoir de chargeur, de l’arrêtoir de culasse, du levier de désarmement, du marteau, de la glissière et de la fenêtre d’éjection. Aucune trace de l’ADN de M.G. ne fut retrouvée sur cette arme.


25.  Des investigations en téléphonie furent également réalisées. Il apparut que M.R. avait effacé certaines données de son téléphone portable. Toutefois, la totalité de sa messagerie fut mise à jour et, selon le vice-président chargé de l’instruction, elle ne révéla rien de compromettant ou de suspect.


26.  L’analyse de la vidéo-surveillance par les enquêteurs permit quant à elle de constater qu’une voiture de couleur noire avait effectivement suivi, pendant près de dix minutes, le même trajet que le véhicule des gendarmes à partir de la maison d’arrêt de Strasbourg, restant parfois à une distance de vingt mètres de celui des gendarmes. Malgré les recherches, ni le propriétaire ni le conducteur de cette voiture ne furent identifiés. L’absence de vidéo‑surveillance sur le reste du parcours empêcha de déterminer davantage le trajet du véhicule.


27.  À l’occasion de la reconstitution des faits, le 2 juin 2015, le professeur R., expert médico-légal, intervint notamment pour expliquer que la description des violences subies par M.R. qui faisait état d’une « pluie de coups », était compatible avec les constatations initiales et le rapport du médecin légiste qui l’avait examinée.


28.  Par ailleurs, le juge d’instruction joignit au dossier de l’information judiciaire l’enquête administrative réalisée par l’IGGN sur les conditions du transfèrement. Cette dernière conclut à l’absence de manquement aux règlements applicables et suggéra quatre recommandations pour l’avenir : un meilleur contact avec l’administration pénitentiaire, une amélioration de la dotation des matériels spécifiques, l’emploi d’autres types de véhicule, ainsi qu’un usage plus fréquent de la visioconférence dans les cas autorisés par la loi.


29.  L’instruction permit d’établir que M.G. était gendarme adjoint volontaire depuis le 28 février 2011 et qu’il avait accédé au grade de brigadier-chef le 1er octobre 2012 ; qu’il avait suivi une formation au pistolet à impulsion électrique le 9 octobre 2012 et au pistolet SIG-PRO le 1er janvier 2014 ; qu’il était en outre inscrit à un club de tir sportif depuis le mois d’avril 2013.

IV.  Le non-lieu à poursuivre


30.  Dans son réquisitoire définitif du 24 novembre 2015, le procureur de la République requit un non-lieu à poursuivre, au motif que M.G. était en état de légitime défense au bénéfice de M.R., précisant :

« (...) quant à l’usage de son arme à feu, il y a lieu de l’apprécier au regard des conditions de la légitime défense définie à l’article 122-5 du code pénal, M.G. qui n’était ni officier ni sous-officier de gendarmerie ne pouvant bénéficier de la cause d’irresponsabilité pénale prévue à l’article 122-4 alinéa 1 du code pénal résultant de l’application de l’article L 2388-3 du code de la défense en cas d’usage d’une arme rendu absolument nécessaire tel que l’a défini la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’homme ».


31.  Le 19 janvier 2016, le vice-président chargé de l’instruction rendit une ordonnance de non-lieu. Il constata tout d’abord que l’extraction judiciaire se présentait « sans particularité au sujet du détenu », notant que H.B. n’avait manifesté aucune opposition à la conduite devant le juge d’instruction, suivant l’escorte de son plein gré, menotté à l’avant pour son confort puisqu’il s’agissait d’un transfert de moins d’une heure et installé à l’arrière d’un véhicule de service, les équipements des gendarmes étant par ailleurs conformes. Il précisa également que des renseignements pénitentiaires indiquaient l’existence d’un rapport sur la tentative de monter sur le toit surplombant la cour de promenade à l’aide d’une courte échelle effectuée par deux détenus et que, afin d’éviter tout risque d’évasion, il avait été transféré à la maison d’arrêt de l’Elsau qui était équipée de mirador. La fiche de renseignement rédigée à son arrivée dans cet établissement indiquait notamment que H.B. semblait « être un filou, très observateur, calme et correct à l’entretien ». Aucune remarque ni observation n’ayant été communiquée aux autorités judiciaires par la maison d’arrêt ultérieurement, une escorte ordinaire avait donc été chargée du transfèrement vers le tribunal de Colmar. S’agissant des faits litigieux, le juge d’instruction ordonna un non-lieu au motif que M.G. se trouvait en état de légitime défense lorsqu’il avait tiré sur H.B. Il considéra que face à l’attaque subie par M.R. et au danger de mort imminent qu’elle encourait compte tenu des tentatives répétées de H.B. de s’emparer de son pistolet approvisionné et chargé, la riposte de M.G. était proportionnée et absolument nécessaire. Il releva, notamment, que l’examen médical réalisé sur M.R. et la découverte du bouton ensanglanté de son vêtement au sol confirmaient la violence des coups qu’elle avait subis ; que le nombre et l’emplacement des traces de l’ADN de H.B. sur l’étui et l’arme de M.R. caractérisaient une préhension volontaire de cette arme de sa part ; que les constatations médico-légales révélant des traces de coups sur les tibias de H.B. confirmaient la version de M.G. selon laquelle il avait tenté par d’autres moyens, en plus de sommations, de faire lâcher prise H.B, par l’usage de sa force physique, puis du bâton de défense. Il considéra en outre qu’il était établi ce qui suit :

« (...) pour M.G., la situation qu’il percevait était celle d’un danger de mort imminent pour M.R., compte tenu de la scène qu’il distinguait dans son champ de vision, c’est-à-dire une arme dont il savait qu’elle était sortie mais qu’il avait perdue de vue, alors que dans le même temps il ne voyait plus les mains du détenu, le conduisant à prendre la difficile décision de déclencher le tir, le tout sous les cris désespérés de sa collègue qui lui hurlait de faire quelque chose pour elle (...) »


32.  Le requérant interjeta appel de l’ordonnance de non-lieu. La requérante n’exerça pas son droit de recours.


33.  Par un arrêt du 8 septembre 2016, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Colmar confirma l’ordonnance de non-lieu, au motif notamment que l’unique coup de feu tiré par M.G. apparaissait avoir été commandé par la nécessité de protéger l’intégrité physique de sa collègue M.R. après l’échec des autres moyens mis en œuvre pour la sauver. Après avoir rappelé les différents éléments du dossier, elle se prononça dans les termes suivants :

« Il ressort des développements ci-dessus, que [H.B.] a commis une agression physique sur le gendarme féminin [M.R.], pour s’emparer de son arme lors de son transfèrement.

[H.B.], après avoir extrait l’arme de son étui, l’a tenue en main par la crosse et a porté ses doigts à l’intérieur du pontet et la queue de détente, établissant par là-même, d’une part la véracité du témoignage de la gendarme, et d’autre part le risque imminent d’un usage de cette arme à feu en direction des deux gendarmes de l’escorte.

Cette situation est corroborée par les propos rapportés du gendarme [M.R.] à l’attention du gendarme adjoint volontaire [M.G.], en ces termes : « il veut me voler mon arme, il va me tuer ».

L’arme du gendarme [M.R.] était approvisionnée, une cartouche étant engagée dans la chambre, conformément à la circulaire du 2 février 2009, relative à l’emploi en service de l’armement de dotation pour les militaires de gendarmerie.

L’expertise balistique a permis de démontrer qu’une seule pression suffisante sur la queue de détente était nécessaire pour réaliser un tir en double action. Les essais réalisés avec les poignets entravés ont permis de mettre en évidence que les manœuvres nécessaires à générer un tir étaient réalisables sans difficulté particulière.

L’état de panique avéré dans lequel se trouvait la jeune femme était en conséquence justifié.

C’est en constatant que sa collègue était en état de détresse et après avoir essayé en vain de maîtriser le détenu et devant l’imminence d’un danger que [M.G.] a fait feu, ne trouvant plus d’autre solution pour préserver la vie de sa collègue et la sienne.

L’intervention du gendarme adjoint [M.G.], qui n’a utilisé son arme qu’en dernier recours, après avoir fait des sommations, tenté d’extraire le détenu du véhicule à mains nues, en le tirant par la jambe, puis en lui assénant des coups de bâton de défense sur les jambes, pour l’obliger à lâcher prise, l’usage d’une bombe lacrymogène risquant d’asperger sa collègue et lui-même en retour, était nécessaire pour mettre fin à l’agression en cours et préserver l’intégrité physique et la vie de sa collègue pour laquelle il a perçu un danger de mort imminent avant de tirer.

L’unique coup de feu tiré par le gendarme adjoint volontaire [M.G.] apparaît dès lors avoir été commandé par la nécessité de protéger l’intégrité physique de la gendarme [M.R.], après l’échec des autres moyens mis en œuvre pour la sauver.

Dès lors, il n’y a pas de disproportion entre la gravité de l’atteinte commise et les moyens de défense employés pour l’interrompre ou y mettre fin.

C’est par une bonne appréciation des faits et une juste application du droit que le magistrat instructeur a dit n’y avoir lieu à suivre, considérant que [M.G.] avait agi en état de légitime défense ».


34.  La Cour de cassation rejeta le pourvoi en cassation formé par le requérant par un arrêt en date du 9 janvier 2018, dont les motifs sont les suivants :

« Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, de l’ordonnance qu’il confirme et des pièces de la procédure que le 26 aout 2014, [M.R.], gendarme, et [M.G.], gendarme adjoint volontaire de la brigade de Niederbronn-les-Bains Reichshoffen (67), ont assuré le transfèrement judiciaire par la route de [H.B.] depuis la maison d’arrêt de Strasbourg-Elsau jusqu’à Colmar, en vue de son audition par le juge d’instruction, le mis en examen étant détenu provisoirement par suite de sa participation à des faits de vol à main armée ; que [H.B.] était menotté, les bras devant lui, et installé à l’arrière du véhicule, tandis que le gendarme [M.R.] prenait place à l’arrière gauche et que le gendarme adjoint [M.G.] assurait la conduite du véhicule ;

Attendu qu’au cours du trajet, [H.B.] a détaché sa ceinture de sécurité et s’est jeté sur la gendarme, l’a frappée et a tenté de s’emparer de son arme ; que le gendarme [M.G.] a arrêté le véhicule sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute, est sorti du véhicule et a sommé [H.B.] d’arrêter ses violences en pointant son arme vers lui ; que la lutte se poursuivant, le gendarme [M.G.] a rengainé son arme et, après avoir ouvert la porte arrière droite et tenté d’extraire le détenu pour dégager sa collègue, a utilisé son bâton de défense sur l’assaillant, sans succès ; qu’il a alors demandé des secours au centre opérationnel de la gendarmerie ;

Attendu que [H.B.] continuant de tenter de s’emparer de l’arme de [M.R.], sur laquelle il était agrippé, alors que celle-ci était coincée sous l’un des sièges de la voiture, par l’un de ses pieds, a demi allongée sur la chaussée, et tentait de protéger son arme en dépit des coups, la gendarme s’est mise à crier “Il va me tuer” ; que le gendarme [M.G.], après une nouvelle sommation, a tiré un coup de feu sur [H.B.], qui est décédé peu après ;

Attendu qu’une information ayant été ouverte pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, le juge d’instruction de Colmar a rendu le 19 janvier 2016 une ordonnance de non-lieu après avoir retenu la légitime défense ; que [le requérant], père de [H.B.], partie civile, a interjeté appel de cette décision ;

Attendu que, pour retenir la légitime défense et écarter l’argumentation de la partie civile, l’arrêt relève que [H.B.] a tenté de s’emparer avec violence de l’arme du gendarme féminin [M.R.], parvenant à extraire l’arme de son étui, la tenir en main par la crosse et à porter ses doigts à l’intérieur du pontet et sur la queue de détente, ainsi qu’il ressort des constatations médico-légales et techniques ; que les juges ajoutent que l’arme était approvisionnée, une cartouche engagée, conformément à la doctrine d’emploi des armes de dotation pour les militaires de la gendarmerie, et que les sommations du gendarme [M.G.] sont restées sans effet, tandis qu’en raison de l’affrontement, il ne lui était plus possible de voir les mains du détenu ni l’arme de sa collègue, laquelle se trouvait dans un état de panique que la situation justifiait ; qu’ils en déduisent que le risque imminent de l’usage de cette arme à feu en direction des deux gendarmes est établi, en sorte que l’unique coup de feu tiré par le gendarme [M.G.] a été commandé par la nécessité de protéger l’intégrité physique de la gendarme [M.R.], après l’échec des autres moyens mis en œuvre pour la sauver ; que la chambre de l’instruction conclut que le gendarme [M.G.] a agi en état de légitime défense ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, exempts d’insuffisance comme de contradiction et répondant aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, dont il résulte que [M.G.], gendarme adjoint volontaire, placé sous le statut de témoin assisté, a été contraint d’accomplir un acte nécessaire à la protection de sa collègue, [M.R.], en danger de mort, et qu’il n’existait aucune disproportion entre la gravité de l’atteinte commise par l’agresseur et les moyens de défense employés pour l’interrompre, l’empêcher ou y mettre fin, la chambre de l’instruction a caractérisé l’existence du fait justificatif de légitime défense au sens de l’article 122-5 du code pénal ; (...) »

LE CADRE JURIDIQUE INTERNE PERTINENT

I.        Le code pénal


35.  L’article 122-5, alinéa 1, du code pénal, qui régit la légitime défense, était ainsi libellé au moment des faits :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte. »

II.     Le code de procédure pénale


36.  Les dispositions pertinentes du code de procédure pénale (CPP) prévoyaient ce qui suit :

Article 2

« L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.

(...) »

Article 85

« Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent (...) »

Article 186

« (...)

La partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non-informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils. Toutefois, son appel ne peut, en aucun cas, porter sur une ordonnance ou sur la disposition d’une ordonnance relative à la détention de la personne mise en examen ou au contrôle judiciaire.

Les parties peuvent aussi interjeter appel de l’ordonnance par laquelle le juge a, d’office ou sur déclinatoire, statué sur sa compétence.

L’appel des parties ainsi que la requête prévue par le cinquième alinéa de l’article 99 doivent être formés dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix jours qui suivent la notification ou la signification de la décision.

(...) »

Article 502

« La déclaration d’appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.

Elle doit être signée par le greffier et par l’appelant lui-même, ou par un avocat, ou par un fondé de pouvoir spécial ; dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à l’acte dressé par le greffier. Si l’appelant ne peut signer, il en sera fait mention par le greffier.

Elle est inscrite sur un registre public à ce destiné et toute personne a le droit de s’en faire délivrer une copie. »

III.   Le statut de gendarme aDjoint volontaire


37.  Le gendarme adjoint volontaire est un militaire qui seconde les gendarmes militaires de carrière. Il est titulaire d’un contrat d’une durée maximale de six ans. Ce statut, créé en 1998, a remplacé celui des gendarmes auxiliaires issus du service national. Agent de police judiciaire adjoint, il suit une formation initiale de treize semaines dans l’une des écoles de gendarmerie, puis une formation complémentaire de douze semaines en unité de gendarmerie.


38.  Au moment des faits, la réglementation sur l’usage des armes applicable aux officiers et sous-officiers de gendarmerie, rappelée dans l’arrêt Guerdner et autres c. France (no 68780/10, §§ 41-44, 17 avril 2014), n’était pas applicable aux gendarmes adjoints volontaires. En conséquence, la légitime défense prévue par l’article 122-5 du code pénal, applicable à tout citoyen, était le seul cas d’usage des armes autorisé pour eux.


39.  Depuis l’entrée en vigueur de la loi no 2017-258 du 28 février 2017, les gendarmes adjoints volontaires sont soumis aux mêmes règles d’usage de leurs armes que les gendarmes militaires de carrière (Toubache c. France, no 19510/15, § 25, 7 juin 2018).

EN DROIT

SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION


40.  Les requérants soutiennent que le recours à la force par M.G., ayant entraîné la mort de leur fils, n’était ni absolument nécessaire ni rigoureusement proportionné à l’un des objectifs mentionnés par l’article 2 § 2 de la Convention. Ils invoquent l’article 2 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« 1.  Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

2.  La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire :

a)  pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;

b)  pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ;

c)  pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »

A.         Sur la recevabilité

1.     Arguments des parties


41.  Le Gouvernement soutient tout d’abord que la requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes, dès lors qu’elle n’a pas interjeté appel de l’ordonnance de non-lieu qu’elle conteste, alors que ce recours est expressément prévu par l’article 186 du code de procédure pénale (CPP). Il souligne qu’en cas de rejet de sa demande par la chambre de l’instruction, qui exerce de plein droit le pouvoir de révision de l’instruction, elle aurait disposé de la possibilité de former un pourvoi en cassation. Le Gouvernement constate, d’une part, que le père de la victime a quant à lui exercé ces recours pour contester l’ordonnance de non-lieu et faire valoir ses arguments et, d’autre part, que la requérante n’établit pas que des circonstances particulières l’auraient dispensée de les exercer. Il conteste par ailleurs l’existence d’une « indissociabilité » de la partie civile invoquée par les requérants pour pallier l’absence de diligence dans l’exercice des recours prévus en droit interne.


42.  Les requérants invoquent une « indissociabilité » des constitutions de partie civile et des intérêts convergents entre elles, en raison de leurs liens de parenté avec H.B. Ils ajoutent notamment que la requérante, en sa qualité de victime indirecte, a présenté sa requête devant la Cour de bonne foi, aux côtés du père de H.B. et que c’est elle qui aurait réglé les honoraires de l’avocat de dernier à hauteur de cassation. Ils en déduisent que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement devrait être rejetée.

2.     Appréciation de la Cour


43.  La Cour rappelle que le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention revêt, et c’est primordial, un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme. La Cour a la charge de surveiller le respect par les États contractants de leurs obligations découlant de la Convention. Elle ne doit pas se substituer aux États contractants, auxquels il incombe de veiller [en premier lieu] à ce que les droits et libertés fondamentaux consacrés par la Convention soient respectés et protégés au niveau interne (voir, parmi beaucoup d’autres, Vučković et autres c. Serbie [GC], nos 17153/11 et 29 autres, §§ 69-77, 25 mars 2014). Dans le contexte de l’épuisement des voies de recours internes et à l’égard du caractère subsidiaire du mécanisme de contrôle institué par la Convention, la Cour a toujours reconnu que les autorités nationales jouissent d’une légitimité démocratique directe en ce qui concerne la protection des droits de l’homme et que grâce à leurs contacts directs et constants avec les forces vives de leur pays, les autorités de l’État se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour évaluer les besoins et le contexte locaux (voir, par exemple, Dubská et Krejzová c. République tchèque [GC], nos 28859/11 et 28473/12, § 175, CEDH 2016, et Maurice c. France [GC], no 11810/03, § 117, CEDH 2005‑IX, avec d’autres références).


44.  Si, dans certaines hypothèses en lien avec des griefs soulevés au titre de l’article 2 de la Convention, la Cour a pu juger qu’un requérant n’ayant pas formellement exercé de recours devant les juridictions internes, contrairement à d’autres plaignants, n’était pas irrecevable à agir devant elle (voir, par exemple, Yüksel Erdoğan et autres c. Turquie, no 57049/00, §§ 74‑75, 15 février 2007, Bilbija et Blažević c. Croatie, no 62870/13, §§ 93‑94, 12 janvier 2016, et Özpolat et autres c. Turquie, no 23551/10, §§ 50-51, 27 octobre 2015), elle entend rappeler que la règle de l’épuisement des recours internes se fonde sur l’hypothèse, reflétée dans l’article 13 de la Convention, avec lequel elle présente d’étroites affinités, que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée (Vučković et autres, précité, § 69, et Anagnostakis et autres c. Grèce, no 46075/16, § 47, 23 septembre 2021).  Elle est donc une partie indispensable du fonctionnement de ce mécanisme de protection (ibidem), dont la mise en œuvre effective repose notamment sur le principe de subsidiarité inhérent à la Convention et consacré dans la jurisprudence de la Cour. À la suite de l’entrée en vigueur du Protocole No 15 le 1er août 2021, le préambule de la Convention s’y réfère d’ailleurs expressément. Les personnes désireuses de se prévaloir de la compétence de contrôle de la Cour relativement à des griefs dirigés contre un État ont donc l’obligation d’utiliser auparavant les recours effectifs qu’offre le système juridique de celui-ci.


45.  En l’espèce, la Cour constate que la requérante n’a pas saisi les juridictions internes d’un recours pour faire valoir la défense de ses intérêts civils personnels et contester l’ordonnance de non-lieu du 19 janvier 2016, alors que le droit interne lui en offrait la possibilité devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Colmar puis, le cas échéant, devant la Cour de cassation. Elle note au demeurant que si le requérant a pour sa part exercé ces recours à titre individuel, cela ne dispensait pas la requérante d’en faire de même, le paiement des honoraires facturés à son époux ne pouvant suppléer à son obligation procédurale d’épuiser les voies de recours internes avant de saisir la Cour. De plus, contrairement aux allégations des requérants, le droit interne ne prévoit pas davantage d’« indissociabilité » des parties civiles dans une telle hypothèse, et ce y compris pour un couple dont il convient de souligner que chacun des membres jouit non seulement de la capacité juridique, mais également du droit d’invoquer un préjudice personnel distinct. Aux termes de l’article 2 du CPP, l’action civile en réparation appartient en effet à ceux qui ont « personnellement » souffert d’un dommage causé par une infraction et, aux termes de l’article 85 dudit code, « toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent » (paragraphe 36 ci-dessus). Cela entraîne, indépendamment des convergences d’intérêts susceptibles d’exister entre les différentes parties civiles, des droits spécifiques et des obligations que les intéressés doivent respecter à titre individuel, en particulier au regard des dispositions de l’article 186 du CPP (paragraphe 36 ci-dessus).


46.  Il s’ensuit que la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes concernant la requérante, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.


47.  Par ailleurs, constatant que le grief du requérant n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.

B.    Sur le fond

1.     Arguments des parties

a)      Le requérant


48.  Le requérant soutient que le tir effectué par M.G. n’était ni absolument nécessaire ni strictement proportionné aux buts visés. Tout en rappelant que son fils était menotté et alors même qu’il ne conteste pas qu’il était mis en examen pour des faits de vol avec arme commis avec préméditation, il soutient que son fils était calme et qu’il n’avait pas créé de difficulté depuis son transfèrement à la maison d’arrêt de Strasbourg-Elsau. Selon lui, les investigations menées dans le cadre de l’enquête de flagrance et de l’instruction feraient naître de sérieux doutes et apparaître des contradictions quant à la nécessité d’utiliser une arme à feu. Il allègue en particulier que le risque d’évasion évoqué par les gendarmes reposait sur de simples impressions, qu’il n’est pas démontré que son fils aurait eu l’arme entre ses mains, soit au moment du tir soit immédiatement avant, et que les traces de l’ADN de son fils sur l’arme et son étui auraient pu s’y déposer par simple frottement. Il ajoute que le fait, pour le gendarme M.G., d’avoir acquis l’intime conviction de l’existence d’un risque de péril imminent pour sa collègue et lui-même ne suffisait pas, dans les circonstances de l’espèce, à constituer un danger imminent rendant absolument nécessaire le recours à la force.


49.  Le requérant considère qu’outre l’absence d’un danger de mort objectivement identifiable, les gendarmes auraient dû être à la fois mieux formés, notamment pour utiliser la bombe lacrymogène dont disposait M.G., et dotés d’autres équipements, en particulier d’un pistolet à impulsion électrique.


50.  S’agissant de la préparation et du contrôle de l’extraction judiciaire, le requérant précise que son fils figurait sur une liste portant une mention signifiant qu’en cas d’extraction par l’administration pénitentiaire une assistance des forces de l’ordre serait demandée, ce qui n’a pas été porté à la connaissance des gendarmes chargés de le conduire au tribunal. Il ajoute que l’enquête témoignerait de lacunes dans la prise en charge de son fils en vue de ce transfert.

b)      Le Gouvernement


51.  Le Gouvernement estime que les conditions du recours légitime à la force, de la nécessité absolue de son usage, strictement proportionné, de la préparation et du contrôle de l’extraction judiciaire ont été remplies en l’espèce. Selon lui, les investigations réalisées lors de l’enquête de flagrance, puis de l’information judiciaire, ont permis de déterminer les circonstances dans lesquelles le tir mortel est intervenu, attestant du fait que l’intervention du gendarme M.G. visait à la fois à défendre sa collègue dont la vie, tout comme la sienne, était en danger, ainsi qu’à empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue, conformément à l’article 2 a) et b) de la Convention. Il souligne en particulier : que les gendarmes ont pu croire à un projet d’évasion ; que la gendarme M.R. faisait l’objet d’une agression de la part du détenu transféré, H.B. ; que la présence d’une arme chargée aux mains de ce dernier, qui pouvait déclencher un tir à tout moment - puisqu’il a été établi qu’il avait réussi, malgré ses menottes, à enlever la sécurité de l’étui, extraire l’arme, saisir la crosse, tenir l’arme en position de tir en touchant la queue de détente, et ce alors qu’une cartouche étant engagée dans la chambre conformément aux instructions en vigueur - constituait un élément important, outre le fait qu’il était alors pénalement poursuivi pour des faits de vol à main armée ; enfin, que M.G. avait sur le moment la perception et la conviction honnête d’une situation de mort imminente pour sa collègue. Le Gouvernement ajoute, concernant la proportionnalité de l’usage de la force, que le gendarme M.G. n’a tiré qu’en dernier recours, après avoir tenté d’autres manœuvres dissuasives, dans une action graduée. Enfin, s’agissant de la préparation et du contrôle de l’extraction de H.B., il précise qu’une enquête administrative a conclu à l’absence de manquement aux règlements, ce qui fut ensuite confirmé au cours de l’instruction.

2.     Appréciation de la Cour

a)      Principes généraux


52.  La Cour renvoie aux arrêts McCann et autres c. Royaume-Uni (27 septembre 1995, §§ 146-150 et 200, série A no 324), Giuliani et Gaggio c. Italie ([GC], no 23458/02, §§ 174‑182 et §§ 208‑210, CEDH 2011 (extraits)) et Makaratzis c. Grèce ([GC], no 50385/99, §§ 56‑60, CEDH 2004‑XI), ainsi que, plus récemment, aux arrêts Aydan c. Turquie (no 16281/10, §§ 63‑71, 12 mars 2013), Armani Da Silva c. Royaume‑Uni ([GC], no 5878/08, §§ 244‑248, CEDH 2016), et Chebab c. France (no 542/13, §§ 70 et suivants, 23 mai 2019), qui exposent l’ensemble des principes généraux dégagés par sa jurisprudence sur le volet matériel de l’article 2 de la Convention et le recours à la force meurtrière.


53.  Elle rappelle en particulier qu’eu égard à la nature subsidiaire de sa mission, elle doit se montrer prudente quant à assumer le rôle d’un tribunal de première instance compétent pour apprécier les faits, sauf si cela est rendu inévitable par les circonstances d’une affaire particulière (Camekan c. Turquie, no 54241/08, § 45, 28 janvier 2014, McKerr c. Royaume Uni (déc.), no 28883/95, 4 avril 2000, et Chebab, précité, § 72).


54.  En principe, quand des procédures internes ont été menées, il n’appartient pas à la Cour de substituer sa propre version des faits à celle des autorités internes qui doivent établir les faits sur la base des preuves recueillies par elles. Si les constatations de celles-ci ne lient pas la Cour, laquelle demeure libre de se livrer à sa propre évaluation à la lumière de l’ensemble des matériaux dont elle dispose, elle ne s’écartera normalement des constatations de fait des juges nationaux que si elle est en possession de données convaincantes à cet effet (Giuliani et Gaggio, précité, § 180, et Chebab, précité, § 73).


55.  De plus, la Cour rappelle qu’il ne faut pas perdre de vue que la responsabilité pénale se distingue de la responsabilité de l’État au titre de la Convention. La compétence de la Cour se borne à déterminer la seconde. La responsabilité au regard de la Convention découle des dispositions de celle‑ci, qui doivent être interprétées à la lumière de l’objet et du but de la Convention et eu égard à toute règle ou tout principe de droit international pertinents. Il ne faut pas confondre responsabilité d’un État à raison des actes de ses organes, agents ou employés, et questions de droit interne concernant la responsabilité pénale individuelle, dont l’appréciation relève des juridictions internes. Il n’entre pas dans les attributions de la Cour de rendre des verdicts de culpabilité ou d’innocence au sens du droit pénal (Giuliani et Gaggio, précité, § 182, Toubache c. France, no 119510/15, § 39, 7 juin 2018, et Chebab, précité, § 74).


56.  Enfin, sous le volet matériel de l’article 2 de la Convention, la Cour doit examiner la question de savoir si la force utilisée pour atteindre l’objectif susmentionné était « absolument nécessaire » et, en particulier, si elle avait un caractère strictement proportionné, compte tenu de la situation à laquelle était confronté l’agent des forces de l’ordre. À cet égard, pour déterminer si l’emploi de la force potentiellement meurtrière était justifié, la Cour examine si l’agent de l’État croyait honnêtement et sincèrement qu’il était nécessaire d’y recourir. À cette fin, la Cour doit vérifier le caractère subjectivement raisonnable de la conviction en tenant pleinement compte des circonstances dans lesquelles les faits se sont déroulés (Armani Da Silva, précité, §§ 244-248, et Chebab, précité, § 76).

b)      Application au cas d’espèce


57.  Dans la présente affaire, la Cour relève d’emblée qu’il ressort des éléments de l’enquête, tels que repris par les juridictions internes dans leurs décisions motivées, qu’au cours de son transfèrement de la maison d’arrêt de Strasbourg-Elsau au tribunal de grande instance de Colmar pour y être interrogé par un juge d’instruction, H.B. a agressé le membre de l’escorte de la gendarmerie, M.R., qui se tenait à ses côtés à l’arrière du véhicule, essayant à plusieurs reprises de saisir son arme de service qui était approvisionnée en munitions et chargée. En conséquence, les juridiction internes ont examiné la question de savoir si l’action du gendarme M.G. avait pour but d’assurer la défense d’une personne, sa collègue M.R., contre la violence illégale de H.B. au sens de l’article 2 § 2 a) de la Convention.


58.  Elle note ensuite que les déclarations des deux gendarmes (paragraphes 11-12 et 17 ci-dessus) sont corroborées par des examens techniques en matière balistique, génétique et médico-légale (voir, parmi d’autres, Giuliani et Gaggio, précité, § 181).


59.  S’agissant tout d’abord de la réalité de l’agression commise par H.B. sur M.R., la Cour relève qu’outre la découverte sur le sol d’un bouton ensanglanté provenant du haut du vêtement de M.R., l’examen médico-légal réalisé juste après les faits a permis de constater des contusions, des ecchymoses, des dermabrasions, ainsi que d’autres traces de coups et de griffures sur le corps de cette dernière (paragraphe 18 ci-dessus). La crédibilité des déclarations de M.R., décrivant notamment les violences subies par une « pluie de coups », a également été confirmée par l’expert médico-légal qui, lors de reconstitution des faits organisée le 2 juin 2015, a déclaré ses propos compatibles avec les constatations initiales et le rapport du médecin légiste qui l’avait examinée (paragraphe 27 ci-dessus).


60.  La Cour constate ensuite qu’une expertise génétique a permis de détecter plusieurs traces de l’ADN de H.B. non seulement sur l’étui du pistolet de M.R., mais également sur de nombreuses parties de l’arme elle-même (paragraphe 24 ci-dessus), ce qui atteste du fait que H.B. ait effectivement tenté de s’en saisir. Un tel constat a légitimement pu conduire le juge d’instruction à en déduire que cela caractérisait la préhension volontaire de l’arme de M.R. par H.B. (paragraphe 31 ci-dessus).


61.  De plus, la Cour observe que les investigations ont permis d’établir qu’avant d’effectuer le tir qui s’est avéré mortel, M.G. a vainement tenté, à plusieurs reprises, de mettre fin à l’agression de sa collègue par des moyens non létaux, qu’il s’agisse des sommations, du recours à la force physique ou de l’usage d’un bâton de défense (paragraphes 11, 22 et 31). Certes, comme le note le requérant, M.G. n’a pas utilisé la bombe lacrymogène à sa disposition et il n’était pas équipé d’un pistolet à impulsion électrique. Cependant, la Cour ne saurait spéculer dans l’abstrait sur l’opportunité d’employer d’autres moyens, sa tâche ne consistant pas à substituer sa propre appréciation de la situation à celle d’un agent ayant dû réagir dans le feu de l’action, et à imposer ainsi que l’on use de moyens neutralisants avant de se servir d’armes à feu (voir, notamment, Bubbins c. Royaume-Uni, no 50196/99, § 139, CEDH 2005-II, et Perk et autres c. Turquie, no 50739/99, § 72, 28 mars 2006). Bien qu’il soit souhaitable que de tels moyens soient répandus si l’on veut limiter progressivement le recours aux méthodes susceptibles d’entraîner la mort, établir une telle obligation de principe sans tenir compte des circonstances d’une affaire donnée imposerait à l’État et à ses agents chargés de l’application des lois une charge irréaliste qui risquerait de s’exercer aux dépens de leur vie et de celle d’autrui, eu égard notamment au caractère imprévisible de la nature humaine (ibidem). En tout état de cause, la Cour relève que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Colmar a expressément constaté que l’usage de la bombe lacrymogène par M.G. dans les circonstances de l’espèce lui aurait fait courir le risque d’asperger sa collègue et lui-même en retour (paragraphe 33 ci‑dessus), ce qui n’aurait vraisemblablement pu qu’aggraver la situation dans laquelle ils se trouvaient.


62.  La Cour entend également souligner le fait que le gendarme M.G. a dû intervenir à la suite d’une agression aussi vive qu’impromptue, l’obligeant à réagir sans préparation, d’autant plus qu’en sa qualité de gendarme adjoint volontaire, il n’avait pas l’expérience d’un gendarme militaire de carrière (paragraphes 37-39 ci-dessus ; cf., mutatis mutandis, Chebab, précité, § 81).


63.  Ainsi, et eu égard à la difficulté de la mission des forces de l’ordre dans les sociétés contemporaines, à l’imprévisibilité du comportement humain et à l’inévitabilité de choix opérationnels en termes de priorités et de ressources, il y a lieu d’interpréter l’étendue de l’obligation positive pesant sur les autorités internes de manière à ne pas imposer à celles-ci un fardeau insupportable (Makaratzis, précité, § 69, et Chebab, précité, § 82).


64.  Dans les circonstances de l’espèce, la Cour estime donc, avec les juridictions nationales dont les décisions sont particulièrement motivées, que M.G. a agi avec la conviction honnête que la vie de M.R. était menacée (voir, mutatis mutandis, Guiliani et Gaggio, précité, § 189, et Chebab, précité, §§ 76 et 83) et qu’il croyait sincèrement qu’il était nécessaire de recourir à la force (voir, mutatis mutandisArmani Da Silva, précité, § 248, concernant le volet procédural), ce qui l’autorisait à faire usage de moyens appropriés pour assurer la défense de sa collègue. Le caractère sincère et honnête de cette conviction n’a pas été remis en cause lors de l’enquête, ce qui ressort des décisions du juge d’instruction (paragraphe 31 ci-dessus) et de la chambre de l’instruction (paragraphe 33 ci‑dessus). Elle considère au demeurant que la décision de M.G. d’utiliser son arme n’a donné lieu qu’à un tir unique, effectué après des sommations et alors que ses autres tentatives pour faire cesser l’agression avait échoué. La Cour note au demeurant, outre la violence illégale avérée dont M.R. était victime et du risque qui aurait incontestablement été encouru par elle et M.G. en cas de saisine de son arme par H.B., que le danger encouru par les gendarmes a été confirmé par l’expertise balistique, dont les conclusions ont été reprises par la chambre de l’instruction, qui démontre qu’une seule pression suffisante sur la queue de détente était nécessaire pour réaliser un tir et que les manœuvres nécessaires pour y parvenir étaient réalisables sans difficulté particulière pour une personne qui, à l’instar de H.B., aurait eu les poignets entravés (paragraphes 23 et 33 ci-dessus). De plus, aucun élément factuel ne permet de conclure, au regard du danger immédiat auquel les gendarmes se trouvaient confrontés, qu’il serait réaliste de considérer que M.G. aurait pu viser d’autres parties du corps de H.B. pour mettre fin à l’agression et protéger la vie de sa collègue.


65.  Compte tenu de ce qui précède, en particulier du comportement de H.B. (voir, Armani Da Silva, précité, § 251, Lamartine et autres (déc.), no 25382/12, § 36, 8 juillet 2014, et Mendy, précitée, § 34), de sa volonté d’agresser la gendarme M.R. et de se saisir de son arme de service qui était chargée, et ce malgré les interventions de M.G. qui a vainement tenté de l’en dissuader et de le maîtriser alors que la situation était particulièrement dangereuse pour sa collègue et lui-même, la décision de M.G. de faire usage de son arme à feu pouvait, dans les circonstances de l’espèce, passer pour justifiée et absolument nécessaire « pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale », au sens de l’article 2 § 2 a) de la Convention (Giuliani et Gaggio, précité, § 194, et Mendy c. France, (déc.), no 71428/12 § 33, 4 septembre 2018).


66.  Par ailleurs, s’agissant du risque d’évasion évoqué à la suite des déclarations initiales des gendarmes et que le requérant entend contester, la Cour note que ni le juge d’instruction ni la chambre de l’instruction ne se sont fondés sur cet élément pour se prononcer sur la légalité du tir mortel et juger que l’emploi de son arme à feu par M.G. était en l’espèce justifié (paragraphes 31 et 33 ci-dessus).


67.  Enfin, concernant la préparation et le contrôle de l’opération, la Cour, tout en renvoyant à sa jurisprudence sur la question (voir, notamment, McCann et autres, précité, §§ 147-150, Huohvanainen c. Finlande, no 57389/00, §§ 93‑94, 13 mars 2007, et Aydan, précité, §§ 65-66), constate que l’enquête administrative de l’IGGN a conclu à l’absence de manquement aux règlements (paragraphe 28 ci-dessus). Elle estime que, dans les circonstances de l’espèce, rien ne permet de déduire des recommandations faites pour l’avenir en vue d’améliorer le déroulement des opérations de transfert (paragraphe 28 ci-dessus) une quelconque reconnaissance de responsabilité ou de faute en l’espèce. Les décisions motivées des juridictions d’instruction (paragraphes 31 et 33 ci-dessus) ne permettent d’ailleurs pas davantage d’aboutir à une conclusion différente. En particulier, les constats du juge d’instruction, dans son ordonnance de non-lieu du 19 janvier 2016, concernant tant l’extraction judiciaire que les renseignements fournis par l’administration pénitentiaire, ne sont pas de nature à démontrer qu’il existait un risque d’agression d’un tel niveau de gravité, justifiant des conditions particulièrement renforcées de sécurité pendant le transfèrement de H.B. (paragraphe 31 ci-dessus). De même, la Cour relève que le transfèrement de la maison d’arrêt de Colmar à la maison d’arrêt de l’Elsau s’était déroulé sans incident (paragraphes 6 et 31 ci-dessus). Au demeurant, à supposer même que certains manquements soient susceptibles d’être étayés concernant les conditions du transfèrement au cours duquel le proche des requérants a perdu la vie, la Cour ne saurait en conclure, dans les circonstances de l’espèce, que l’opération n’a pas été préparée et contrôlée de manière à réduire autant que possible tout risque pour la vie de H.B., comme pour celle des gendarmes (voir, par exemple, Muhacır Çiçek et autres c. Turquie, no 41465/09, § 64, 2 février 2016). Enfin, et en tout état de cause, la Cour note que le requérant ne s’est pas plaint de la préparation et du contrôle de l’opération dans le cadre de son pourvoi en cassation.


68.  Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 2 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.      Déclare la requête recevable concernant le requérant et irrecevable pour le surplus ;

2.      Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 2 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 mai 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

                       

        Victor Soloveytchik                                               Síofra O’Leary
                 Greffier                                                             Présidente

 


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