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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Economic and Social Committee v E (Staff Regulations) French text [1999] EUECJ C-150/98P (16 December 1999)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/1999/C15098P.html
Cite as: [1999] EUECJ C-150/98P

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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

16 décembre 1999 (1)

«Pourvoi - Fonctionnaires - Liberté d'expression à l'égard des supérieurs hiérarchiques - Devoir de loyauté et dignité de la fonction - Sanction disciplinaire - Abaissement d'échelon»

Dans l'affaire C-150/98 P,

Comité économique et social des Communautés européennes, représenté par M. M. Bermejo Garde, conseiller juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique de la Commission, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre) du 17 février 1998, E/Comité économique et social (T-183/96, RecFP p. I-A-67 et II-159), et tendant à l'annulation de cet arrêt,

l'autre partie à la procédure étant:

E, ancienne fonctionnaire du Comité économique et social des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique),

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de MM. R. Schintgen (rapporteur), président de chambre, G. Hirsch et H. Ragnemalm, juges,

avocat général: M. J. Mischo,


greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 10 juin 1999,

rend le présent

Arrêt

  1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 17 avril 1998, le Comité économique et social des Communautés européennes a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 17 février 1998, E/Comité économique et social (T-183/96, RecFP p. I-A-67 et II-159, ci-après l'«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a annulé la décision du secrétaire général du Comité économique et social, du 18 janvier 1996, infligeant à E la sanction disciplinaire d'abaissement d'échelon (ci-après la «décision litigieuse») et mis les dépens à charge du Comité économique et social.

  2. S'agissant des faits qui sont à l'origine du litige, il est renvoyé aux points 1 à 12 de l'arrêt attaqué.

    L'arrêt attaqué

  3. Il ressort de l'arrêt attaqué que E invoquait quatre moyens à l'appui de son recours, le premier tiré d'un vice de forme, le deuxième d'erreurs manifestes de droit et d'un détournement de pouvoir, le troisième d'erreurs manifestes de fait et le quatrième d'une méconnaissance du principe de proportionnalité.

  4. Le Tribunal a rejeté les trois premiers moyens, mais a accueilli le quatrième moyen.

  5. Le Tribunal a notamment jugé que:

    «39 Il y a lieu de rappeler ... que l'article 12, premier alinéa, du statut vise à garantir que les fonctionnaires communautaires présentent, dans leur

    comportement, une image de dignité conforme à la conduite particulièrement correcte et respectable que l'on est en droit d'attendre des membres d'une fonction publique internationale (arrêt du Tribunal du 7 mars 1996, Williams/Cour des comptes, T-146/94, RecFP p. II-329, point 65). En l'espèce, la note litigieuse du 10 janvier 1995 est caractérisée par un ton agressif et manque, par conséquent, de la bienséance requise, comme la requérante l'a d'ailleurs reconnu dans sa requête. Notamment, des expressions comme 'travail ... que lui-même ne connaît pas', 'cela ne vous regarde pas', 'ce supérieur hiérarchique n'est certainement pas vous', 'limitez-vous à vos compétences', 'abstenez-vous de me diffamer et de me soumettre à des abus et à des outrages', 'pendant ma période d'affectation à la Direction, j'ai été victime d'un outrage de la part [du notateur]: derrière mon dos, il a adressé le 28 mars 1994 une note infamante à M. [Y], note qui exigeait mon expulsion et qui a entraîné la suppression de mon emploi de l'organigramme' et 'le rapport de notation élaboré par [le notateur] constitue une attaque personnelle abusive et diffamatoire, pleines de fausses allégations' ne relèvent pas de la conduite correcte que l'article 12, premier alinéa, du statut impose aux fonctionnaires. Dans ces circonstances, le Tribunal estime que c'est à bon droit que l'administration a considéré la note en question comme étant constitutive d'une atteinte à la dignité de la fonction.

    40 Pour les mêmes raisons, l'administration a pu considérer que la note de la requérante constituait une violation de l'article 21 du statut. En effet, le devoir d'assister et de conseiller ses supérieurs prévu à cet article ne s'impose pas seulement dans la réalisation des tâches spécifiques qui sont confiées au fonctionnaire, mais s'étend à toutes les relations existant entre le fonctionnaire et l'institution. Dès lors, en vertu de ce devoir, le fonctionnaire doit s'abstenir, de manière générale, de conduites attentatoires à la dignité et au respect dû à l'institution et à ses autorités (arrêt du Tribunal du 26 novembre 1991, Williams/Cour des comptes, précité, point 72). Ainsi qu'il vient d'être constaté au point précédent, plusieurs des affirmations faites par la requérante dans la note du 10 janvier 1995 étaient attentatoires à la dignité et au respect dû au notateur.

    41 Il convient de souligner, enfin que, s'il est vrai que la liberté d'expression est un droit fondamental dont jouissent également les fonctionnaires communautaires (arrêt de la Cour du 13 décembre 1989, Oyowe et Traore/Commission, C-100/88, Rec. p. 4285, point 16), il n'est pas moins vrai que les articles 12 et 21 du statut, tels qu'interprétés ci-dessus, ne constituent pas une entrave à la liberté d'expression des fonctionnaires, mais imposent plutôt des limites raisonnables à l'exercice de ce droit fondamental, dans l'intérêt du service. Par conséquent, lorsque la requérante a fait usage de son droit, prévu à l'article 43, deuxième alinéa, du statut, de présenter toutes les observations qu'elle jugeait utiles au

    rapport de notation qui venait de lui être notifié, il lui incombait d'exercer ce droit d'une manière qui soit compatible avec les articles 12 et 21 du statut.

    ...

    59 En l'espèce, comme le Tribunal l'a constaté ... le fait imputable à la requérante est d'avoir exercé son droit de communiquer ses observations au rapport de notation en employant un ton et des expressions qui ne se concilient pas avec les obligations de dignité de la fonction et de respect envers les autorités de l'institution. Il ne s'agit pas, toutefois, d'une violation grave de ces obligations. En effet, dans la note litigieuse, la requérante n'a pas employé un langage grossièrement injurieux, et elle a motivé les reproches qu'elle adressait au notateur, en faisant état de sa propre conception de la relation de travail qu'elle a entretenue avec lui et de son profond mécontentement à ce sujet. L'infraction aux articles 12 et 21 du statut revient donc uniquement à ce que la requérante s'est servie d'un style excessif et agressif et a dès lors, comme elle l'a reconnu elle-même dans sa requête, fait preuve d'un manque de bienséance.

    60 Le Tribunal estime que, dans ces circonstances, il était manifestement disproportionné d'infliger à la requérante la sanction d'abaissement de plusieurs échelons. Il s'agit, en effet, d'une sanction grave qui est rarement infligée aux fonctionnaires, et qui doit, afin d'être proportionnée, répondre à des faits bien plus sérieux que celui de l'espèce.»

    Le pourvoi

  6. Dans son pourvoi, le Comité économique et social conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

    - annuler l'arrêt attaqué,

    - statuer définitivement sur le litige en faisant droit aux revendications du Comité économique et social en première instance, visant à rejeter totalement la requête formulée par E,

    - dire que chaque partie supportera ses propres dépens et

    - désigner, dans son arrêt, E sous son nom complet.

  7. À l'appui de son pourvoi, le Comité économique et social invoque trois moyens qu'il résume de la manière suivante:

    - qualification erronée de la nature juridique des faits et interprétation indue des articles 12 et 21 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»);

    - défaut de motivation de l'arrêt attaqué et interprétation indue des articles 86 et 87 du statut;

    - application erronée du principe de proportionnalité et interprétation indue des articles 12 et 21 du statut.

  8. E n'a pas déposé de mémoire en réponse.

  9. Par son premier moyen, le Comité économique et social fait grief, en substance, au Tribunal d'avoir, au point 59 de l'arrêt attaqué, qualifié les expressions et le ton utilisés par E dans sa note du 10 janvier 1995 comme étant constitutifs d'un simple manque de bienséance, alors qu'ils constitueraient en réalité l'expression d'un manque de respect découlant d'un excès disproportionné de l'usage de la liberté d'expression. Or, selon le Comité économique et social, l'usage de cette liberté serait subordonné, dans la fonction publique communautaire, au respect des limites supplémentaires découlant du principe de bonne foi entre les parties et du devoir de respect de l'autorité des supérieurs hiérarchiques, tel qu'expressément mentionné à l'article 21 du statut. Dès lors, eu égard au ton et aux expressions utilisés dans la note du 10 janvier 1995 ainsi qu'à l'ensemble des faits concrets et des circonstances propres à l'espèce, le Tribunal se serait livré à une qualification juridique erronée des faits au regard des articles 12 et 21 du statut.

  10. À cet égard, il est de jurisprudence constante que, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié des faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l'article 168 A du traité CE (devenu article 225 CE), un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences en droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136/92 P, Rec. p. I-1981, point 49).

  11. Il convient de relever, d'abord, que, en jugeant, aux points 39, 40 et 59 de l'arrêt attaqué, que le comportement de E, bien que n'étant qu'un simple manque de bienséance, constituait une infraction aux articles 12 et 21 du statut, le Tribunal a qualifié juridiquement les faits qui lui étaient soumis. Il s'ensuit que le premier moyen est recevable en ce qu'il demande à la Cour d'effectuer un contrôle sur cette qualification juridique.

  12. Il y a lieu de rappeler, ensuite, que, selon la jurisprudence constante de la Cour, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect et que la liberté d'expression, consacrée par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

    fondamentales, figure au nombre de ces principes généraux (voir arrêt du 28 octobre 1992, Ter Voort, C-219/91, Rec. p. I-5485, points 34 et 35).

  13. Il convient, enfin, de souligner que, dans le domaine de la fonction publique communautaire, la Cour a jugé que l'obligation d'allégeance aux Communautés, telle qu'elle est imposée aux fonctionnaires par le statut, ne peut être entendue dans un sens contraire à la liberté d'expression (arrêt Oyowe et Traore/Commission, précité, point 16).

  14. Or, le respect de ce droit est particulièrement important lorsqu'un fonctionnaire fait usage du droit qui lui est accordé par l'article 43, second alinéa, du statut et présente les observations qu'il juge utiles sur le rapport de notation qui lui est notifié.

  15. Dès lors, s'il est vrai qu'il apparaît légitime de soumettre les fonctionnaires à une obligation de réserve, obligation qui est du reste expressément prévue par les articles 12 et 21 du statut, il n'en reste pas moins que cette obligation de réserve ne saurait être interprétée avec rigueur lorsqu'un fonctionnaire exerce le droit qui lui est reconnu par l'article 43, second alinéa, du statut. Cette obligation ne saurait donc être considérée comme violée qu'au cas où le fonctionnaire emploie des expressions gravement injurieuses ou gravement attentatoires au respect dû au notateur.

  16. En conséquence, en qualifiant, aux points 39 et 40 de l'arrêt attaqué, d'infraction aux articles 12 et 21 du statut le comportement reproché à E, consistant dans l'emploi d'un ton agressif et excessif pour faire part de ses observations sur un rapport de notation, alors qu'il a jugé, au point 59 du même arrêt, que le langage employé par E n'était pas gravement injurieux, le Tribunal a commis une erreur de droit lors de la qualification juridique des faits qui lui étaient soumis.

  17. Toutefois, si les motifs d'un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit communautaire, mais que son dispositif apparaît fondé pour d'autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté (voir arrêt du 15 décembre 1994, Finsider/Commission, C-320/92 P, Rec. p. I-5697, point 37).

  18. Tel est le cas en l'occurrence, puisque la qualification juridique correcte des faits aurait amené le Tribunal à constater qu'il n'y a pas eu d'infraction aux articles 12 et 21 du statut et l'aurait obligé à annuler la décision litigieuse.

  19. Dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens

    avancés par le Comité économique et social à l'appui de son pourvoi, il y a lieu de rejeter le pourvoi.

    Sur les dépens

  20. 20. En application de l'article 69, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, le requérant est condamné aux dépens.

    Par ces motifs,

    LA COUR (deuxième chambre)

    déclare et arrête:

    1) Le pourvoi est rejeté.

    2) Le Comité économique et social des Communautés européennes est condamné aux dépens.

    Schintgen
    Hirsch
    Ragnemalm

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 1999.

    Le greffier Le président de la deuxième chambre

    R. Grass R. Schintgen


    1: Langue de procédure: l'espagnol.


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