Komninou v Commission (Appeal - Non-contractual liability of the Community) [2007] EUECJ C-167/06P (25 October 2007)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2007/C16706_P.html
Cite as: [2007] EUECJ C-167/06P, ECLI:EU:C:2007:633, [2007] EUECJ C-167/6P, EU:C:2007:633

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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

25 octobre 2007 (*)

«Pourvoi - Responsabilité extracontractuelle de la Communauté - Plainte au titre de l’article 226 CE - Traitement réservé aux plaignants par la Commission - Principes de bonne administration, de confiance légitime et de sécurité juridique - Étendue - Article 21 CE - Droit de pétition - Portée des constatations faites par le Médiateur»

Dans l’affaire C-167/06 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 23 mars 2006,

Ermioni Komninou, demeurant à Parga (Grèce),

Grigorios Ntokos, demeurant à Parga,

Donatos Pappas, demeurant à Parga,

Vassileios Pappas, demeurant à Parga,

Aristeidis Pappas, demeurant à Parga,

Eleftheria Pappa, demeurant à Parga,

Lamprini Pappa, demeurant à Parga,

Eirini Pappa, demeurant à Parga,

Alexandra Ntokou, demeurant à Parga,

Fotios Dimitriou, demeurant à Parga,

Zoï Dimitriou, demeurant à Parga,

Petros Bolossis, demeurant à Parga,

Despoina Bolossi, demeurant à Parga,

Konstantinos Bolossis, demeurant à Parga,

Thomas Bolossis, demeurant à Parga,

représentés par Mes G. Dellis et G. Adonakopoulos, dikigoroi,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. M. Konstantinidis, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, MM. G. Arestis, E. Juhász, J. Malenovský et T. von Danwitz (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mars 2007,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur pourvoi, Mme Ermioni Komninou, MM. Grigorios Ntokos, Donatos Pappas, Vassileios Pappas et Aristeidis Pappas, Mmes Eleftheria Pappa, Lamprini Pappa, Eirini Pappa et Alexandra Ntokou, M. Fotios Dimitriou, Mme Zoï Dimitriou, M. Petros Bolossis, Mme Despoina Bolossi ainsi que MM. Konstantinos Bolossis et Thomas Bolossis (ci-après les «requérants») demandent l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 13 janvier 2006, Komninou e.a./Commission (T-42/04, non publiée au Recueil, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté leur recours tendant à la réparation du préjudice moral qu’ils auraient subi à la suite du traitement réservé par la Commission des Communautés européennes à leur plainte motivée par le non-respect du droit communautaire par les autorités grecques lors de la construction d’une station d’épuration biologique à Parga, Préveza (Grèce).

Le cadre juridique

2 L’article 21, deuxième et troisième alinéas, CE prévoit:

«Tout citoyen de l’Union peut s’adresser au médiateur institué conformément aux dispositions de l’article 195.

Tout citoyen de l’Union peut écrire à toute institution ou organe visé au présent article ou à l’article 7 dans l’une des langues visées à l’article 314 et recevoir une réponse rédigée dans la même langue.»

3 L’article 195, paragraphe 1, CE stipule:

«1. Le Parlement européen nomme un médiateur, habilité à recevoir les plaintes émanant de tout citoyen de l’Union ou de toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre et relatives à des cas de mauvaise administration dans l’action des institutions ou organes communautaires, à l’exclusion de la Cour de justice et du Tribunal de première instance dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles.

Conformément à sa mission, le médiateur procède aux enquêtes qu’il estime justifiées, soit de sa propre initiative, soit sur la base des plaintes qui lui ont été présentées directement ou par l’intermédiaire d’un membre du Parlement européen, sauf si les faits allégués font ou ont fait l’objet d’une procédure juridictionnelle. Dans les cas où le médiateur a constaté un cas de mauvaise administration, il saisit l’institution concernée, qui dispose d’un délai de trois mois pour lui faire tenir son avis. Le médiateur transmet ensuite un rapport au Parlement européen et à l’institution concernée. La personne dont émane la plainte est informée du résultat de ces enquêtes.

[...]»

4 Le 9 mars 1994, le Parlement européen a adopté la décision 94/262/CECA, CE, Euratom, concernant le statut et les conditions générales d’exercice des fonctions du médiateur (JO L 113, p. 15). En application de l’article 14 de cette décision, le Médiateur a adopté, le 16 octobre 1997, des dispositions d’exécution qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 1998 (ci-après les «dispositions d’exécution»). La procédure d’examen d’une plainte adressée au Médiateur est, ainsi, régie par l’article 195, paragraphe 1, CE, la décision 94/262 et lesdites dispositions d’exécution.

5 Aux termes de l’article 3, paragraphe 5, de la décision 94/262, lorsque le Médiateur a constaté un cas de mauvaise administration dans l’action d’une institution ou d’un organe communautaire, il recherche, «[d]ans la mesure du possible, [...] avec l’institution ou l’organe concerné une solution de nature à éliminer [ce cas] et à donner satisfaction à la plainte».

6 À cet égard, l’article 6 des dispositions d’exécution, intitulé «Solutions à l’amiable», prévoit, à son paragraphe 3, que si le Médiateur «estime qu’une solution à l’amiable n’est pas possible, ou que la recherche d’une solution à l’amiable n’a pas abouti, il classe l’affaire par une décision motivée, qui peut comporter un commentaire critique, ou établit un rapport contenant des projets de recommandations».

Les faits à l’origine du litige

7 Les faits à l’origine du litige sont exposés aux points 1 à 22 de l’ordonnance attaquée comme suit:

«1 Par lettre du 21 juin 1995, les requérants, résidents et propriétaires de biens immobiliers dans la région de Parga, Préveza (Grèce), ont présenté une plainte à la Commission, enregistrée sous le n° 1995/4923. Dans cette plainte, les requérants affirmaient que le site dénommé ‘Varka’, choisi pour la construction de la station d’épuration biologique des eaux urbaines résiduaires de Parga, était inadéquat et que la construction et la mise en service de la station d’épuration auraient des incidences négatives sur l’environnement, en violation des directives 76/160/CEE du Conseil, du 8 décembre 1975, concernant la qualité des eaux de baignade (JO L 31, p. 1), 80/68/CEE du Conseil, du 17 décembre 1979, concernant la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances dangereuses (JO 1980, L 20, p. 43), 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40), et, tout particulièrement, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40).

2 Par lettre du 1er décembre 1995, la Commission a indiqué aux requérants qu’elle examinerait la plainte et les informerait de la suite qu’elle réserverait à celle-ci.

3 N’ayant pas reçu de réponse à la plainte, les requérants ont présenté, en octobre 1996, une pétition à la commission des pétitions du Parlement européen, enregistrée sous le n° 570/96.

4 Dans une communication du 26 mars 1997, la Commission a informé la commission des pétitions que, eu égard aux informations dont elle disposait à ce stade, elle estimait que le projet faisant l’objet de la plainte n’était pas conforme à la directive 85/337, le démarrage des travaux ayant été autorisé avant l’achèvement de l’étude d’impact sur l’environnement, et que, par conséquent, elle avait décidé d’inclure cette affaire dans le cadre d’une procédure horizontale en manquement contre la République hellénique et de suspendre le financement du projet par le Fonds de cohésion.

5 Parallèlement, les autorités helléniques ont, dans le cadre de leur correspondance avec la Commission, notamment dans une lettre du 11 mars 1998, communiqué certaines informations concernant le projet en cause et, en particulier, l’arrêt n° 744/1997 du Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État grec) rejetant le recours en annulation introduit par les requérants contre la décision n° 85202/5142/10.10.1995 du directeur général de la direction ‘Environnement’ du ministère de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Travaux publics grec portant approbation préalable du site Varka pour la construction de la station d’épuration; l’arrêté ministériel conjoint n° 121227/18.3.1997, autorisant la construction de la station d’épuration sur le site Varka comme étant conforme aux normes en matière d’environnement; l’arrêté du préfet de Préveza n° 667/28.2.1986, approuvant l’étude relative à la construction du réseau d’assainissement et de la station d’épuration de Parga, et un projet d’étude d’impact du projet en question sur l’environnement, au sens de la directive 85/337, en vue de son cofinancement par le Fonds de cohésion.

6 Dans une communication complémentaire à la commission des pétitions, parvenue à celle-ci le 19 mars 1998, la Commission a confirmé ses positions, visées au point 4 ci-dessus, sur le projet en question.

7 Ensuite, après avoir examiné l’ensemble des nouvelles informations mises à sa disposition par les autorités helléniques (voir point 5 ci-dessus), la Commission a estimé, au cours d’une réunion ayant eu lieu au ministère des Affaires étrangères grec le 20 mai 1998, que, l’ensemble du projet de construction de la station d’épuration de Parga ayant été approuvé avant l’entrée en vigueur, le 3 juillet 1988, de la directive 85/337, l’évaluation de ses incidences sur l’environnement, prévue par ladite directive, n’était pas obligatoire. Ainsi, l’affaire litigieuse devait être dissociée de la procédure horizontale en manquement relative à la bonne application de la directive 85/337 en Grèce et le cofinancement du projet par le Fonds de cohésion pouvait être débloqué.

8 Dans une note de dossier, datée du 27 mai 1998, M. K., chef de l’unité ‘Affaires juridiques, activités législatives et application du droit communautaire’ de la direction A ‘Affaires générales et internationales’ de la direction générale ‘Environnement, sécurité nucléaire et protection civile’ de la Commission, a considéré que la procédure en manquement contre la République hellénique, objet de la plainte des requérants, ne devrait plus être poursuivie et que, partant, une lettre devait être adressée aux requérants les informant de l’intention des services de la Commission de proposer la clôture de l’affaire.

9 Par décision C (1998) 2297 du 28 juillet 1998, la Commission a relancé la procédure de cofinancement du projet.

10 Les requérants ayant été informés de cette nouvelle orientation de la Commission par le biais du procès-verbal de la réunion du 20 mai 1998 susvisée, ils ont communiqué à la Commission de nouveaux éléments à l’appui de leur plainte, les 23 octobre et 7 décembre 1998.

11 Par lettre du 9 décembre 1998, M. K. a informé les requérants que les services de la Commission examineraient ces nouveaux éléments et qu’ils décideraient, à l’issue dudit examen, de la suite qu’il conviendrait de donner à l’affaire.

12 Par lettre du 28 janvier 1999, la Commission a informé les requérants que, en vue de clarifier certains points du dossier, elle envisageait l’organisation, en mars 1999, d’une visite du site et d’un débat public à Parga sur le projet.

13 Au cours du débat public ayant eu lieu le 19 mars 1999 à Parga, les requérants ainsi que d’autres habitants de la région et les représentants des autorités locales et nationales ont exprimé leur point de vue sur le projet. En outre, les représentants de la Commission se sont rendus sur le site en cause. Par courrier du 23 mars 1999, la Commission a envoyé le procès-verbal du débat public aux autorités helléniques et aux requérants.

14 Par lettre du 20 avril 1999, la Commission a informé les requérants des résultats de l’instruction de leur plainte et de son intention de classer l’affaire et les a invités à formuler leurs observations éventuelles à ce sujet. Les requérants n’ayant pas transmis de nouveaux éléments d’information, la Commission a décidé de classer l’affaire [PV (1999) 1440 du 1er juillet 1999].

15 Par arrêt n° 3221/1999, prononcé le 18 octobre 1999, le Symvoulio tis Epikrateias a rejeté le recours en annulation introduit par les requérants contre l’arrêté ministériel conjoint n° 121227/18.3.1997 (voir point 5 ci-dessus) autorisant la construction de la station d’épuration litigieuse.

16 Le 22 octobre 1999, les requérants ont présenté une plainte au Médiateur européen relative à la manière avec laquelle la Commission avait traité leur plainte.

17 Dans sa décision du 18 juillet 2002, le Médiateur a estimé qu’il y avait eu mauvaise administration et traitement partial de la plainte de la part de la Commission. Il indiquait, tout d’abord, que, durant la période allant de mars à décembre 1998, la Commission n’avait pas informé suffisamment et en temps utile les requérants de la modification de sa position sur le projet et elle avait omis de leur communiquer copie de sa décision du 28 juillet 1998, relative à la relance de la procédure de cofinancement du projet par le Fonds de cohésion, laissant ainsi croire aux requérants qu’elle continuait à instruire l’affaire. Ensuite, la Commission aurait considéré à tort que le projet litigieux ne tombait pas dans le champ d’application de la directive 85/337. Enfin, la Commission n’aurait pas respecté les règles d’impartialité, en ayant notamment confié l’instruction de la plainte à un fonctionnaire ayant développé, quelque temps avant ou juste après le rejet de la plainte, une activité politique en Grèce.

18 Par lettre du 16 décembre 2002, adressée au Médiateur, la Commission a formellement contesté le bien-fondé de l’ensemble des conclusions de l’enquête du Médiateur susvisées.

19 Par lettre du 2 juillet 2003, les requérants ont présenté une nouvelle plainte à la Commission, enregistrée le 10 juillet suivant sous la référence ENV(2003)A/805785, faisant état de prétendus manquements des autorités helléniques aux dispositions des directives 91/271 et 85/337, aux principes fondamentaux du droit communautaire de l’environnement et aux obligations liées au financement du projet litigieux.

20 Dans sa réponse du 29 juillet 2003, la Commission a confirmé les raisons l’ayant conduite au classement de la plainte initiale et a indiqué aux plaignants que l’application du droit communautaire relevait des États membres sous le contrôle des juridictions nationales et que la Commission veillait à l’application correcte de ce droit.

21 Pour ce qui est des griefs de la plainte concernant le financement du projet, la direction générale ‘Environnement’ de la Commission a, par courrier du 30 juillet 2003, informé les requérants que la plainte avait été transmise à la direction générale ‘Développement régional’, compétente en la matière.

22 Par lettre du 4 août 2003, la direction générale ‘Développement régional’ de la Commission a informé les requérants que les travaux de construction de la station d’épuration litigieuse étaient en cours et que les conclusions des requérants quant au non-respect des règles applicables et aux incidences prétendument négatives du projet étaient prématurées. La même lettre indiquait que le versement de l’intégralité du concours financier communautaire ne serait effectué qu’après contrôle de la bonne exécution des travaux et vérification du fonctionnement régulier de la station d’épuration. Enfin, à cette lettre a été annexée copie de la décision E(2003)2794 du 27 juillet 2003, modifiant la décision E(1998)2297 du 28 juillet 1998 (citée au point 9 ci-dessus), relative au concours financier du Fonds de cohésion pour le projet en cause.»

Le recours devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

8 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 février 2004, les requérants ont demandé:

- que la Commission soit condamnée à payer à chacun d’eux, à titre de réparation du préjudice moral prétendument subi, la somme de 200 000 euros, majorée d’intérêts au taux légal de 8 % à compter du prononcé de l’arrêt du Tribunal, jusqu’au paiement complet, et

- qu’elle soit condamnée aux dépens.

9 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 22 avril 2004, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, par laquelle elle a conclu à ce que le recours soit rejeté comme irrecevable et à ce que les requérants soient condamnés aux dépens.

10 Dans leurs observations sur cette exception d’irrecevabilité, les requérants ont conclu à ce que le Tribunal:

- rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission;

- juge l’affaire au fond et fasse droit à leur recours.

11 À l’appui de leur recours indemnitaire, les requérants invoquaient quatre moyens tirés, premièrement, d’une violation du principe de bonne administration, deuxièmement, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, troisièmement, d’une violation du principe de sécurité juridique et, quatrièmement, d’une violation du droit de pétition.

12 Par l’ordonnance attaquée, prise en application de l’article 111 de son règlement de procédure, le Tribunal a, sans ouvrir la procédure orale, rejeté le recours comme manifestement dénué de tout fondement en droit. Le Tribunal a jugé, au point 29 de cette ordonnance, que le recours en indemnité n’était fondé ni sur le refus de la Commission d’engager une procédure en manquement, au titre de l’article 226 CE, à l’encontre de la République hellénique, ni sur sa décision de classement de la plainte des requérants, ni, enfin, sur une violation de droits procéduraux particuliers.

13 En ce qui concerne le moyen tiré d’une violation du principe de bonne administration, le Tribunal a estimé, au point 33 de l’ordonnance attaquée, que les éléments du dossier ne révélaient pas une méconnaissance manifeste et grave des limites du pouvoir discrétionnaire dont dispose la Commission dans le cadre du système établi par l’article 226 CE. À cet égard, il a relevé, au point 34 de cette ordonnance, qu’il ressortait des données factuelles du dossier que la Commission avait informé les requérants soit directement, soit par l’intermédiaire de la commission des pétitions du Parlement et que, eu égard aux développements factuels ultérieurs, l’argument des requérants tiré de ce que la Commission n’avait pas procédé à un traitement diligent de leur plainte devait être écarté. Le Tribunal a considéré, au point 35 de ladite ordonnance, que l’allégation selon laquelle la Commission aurait omis d’informer les requérants «en temps utile» de l’instruction de la plainte initiale et du changement de sa position sur le projet en cause ne saurait constituer une méconnaissance manifeste et grave des limites du pouvoir discrétionnaire de la Commission.

14 Au point 37 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté l’argument tiré du non-respect du principe de traitement diligent et impartial de toute plainte au motif que les éléments du dossier ne permettaient pas d’établir le bien-fondé de l’allégation des requérants selon laquelle l’un des fonctionnaires de la Commission aurait participé à la procédure ayant abouti au classement de la plainte, alors qu’il exerçait parallèlement une activité politique en Grèce. En se référant à la décision du Médiateur et à la réponse de la Commission à ce dernier, le Tribunal a jugé, à cet égard, qu’il ressortait du dossier que le fonctionnaire concerné était en congé pendant l’exercice de son activité politique et que la décision finale de classement de la plainte des requérants avait été prise postérieurement au départ en congé de convenance personnelle du fonctionnaire et après réexamen du dossier par d’autres fonctionnaires. Il a estimé, au point 38 de l’ordonnance attaquée, que le fait que le fonctionnaire en cause aurait participé, durant son congé, à une manifestation organisée dans la région de Parga par un parti politique grec faisant alors partie de l’opposition et aurait prononcé un discours sur le droit communautaire de l’environnement n’était manifestement pas susceptible de remettre en cause cette conclusion.

15 Aux points 40 à 44 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté les moyens tirés d’une violation, d’une part, du principe de protection de la confiance légitime et, d’autre part, du principe de sécurité juridique. S’agissant du premier de ces moyens, il a estimé que la prise de position initiale et provisoire de la Commission sur l’applicabilité de la directive 85/337 au projet en cause et la non-conformité de ce dernier à cette directive ne saurait être assimilée à des assurances précises fournies aux requérants, selon lesquelles cette institution engagerait une procédure en manquement à l’encontre de la République hellénique. S’agissant du second de ces moyens, le Tribunal a relevé que l’argumentation afférente à celui-ci ne se distinguait pas de celle développée à l’appui du moyen tiré d’une violation du principe de bonne administration.

Les conclusions des parties au pourvoi

16 Par leur pourvoi, les requérants concluent à ce que la Cour:

- accueille le pourvoi;

- annule l’ordonnance attaquée;

- condamne la Commission à verser à chacun d’eux la somme de 200 000 euros avec intérêts au taux légal de 8 % à compter du prononcé de l’arrêt de la Cour et jusqu’au complet paiement, et

- condamne la Commission à l’ensemble des dépens des deux instances et, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse d’un rejet du pourvoi, condamne chaque partie à ses propres dépens.

17 La Commission conclut à ce que la Cour:

- rejette le pourvoi comme irrecevable en tant qu’il invite la Cour à apprécier à nouveau des faits sur lesquels le Tribunal a déjà statué ainsi que les allégations nouvelles soulevées pour la première fois devant cette dernière;

- rejette le surplus du pourvoi comme manifestement dénué de fondement, et

- condamne les requérants aux dépens de l’instance.

Sur le pourvoi

18 À l’appui de leur pourvoi, les requérants invoquent quatre moyens. Le premier moyen est tiré de ce que le Tribunal aurait totalement omis d’examiner leur moyen tiré d’une violation du droit de pétition. Le deuxième moyen est tiré de ce que le Tribunal aurait dénaturé le contenu de la décision du Médiateur du 18 juillet 2002, ce dernier constituant un élément de preuve, et de ce qu’il aurait procédé à une qualification erronée de cet élément. Le troisième moyen est, en substance, tiré de ce que le Tribunal aurait interprété et appliqué de manière erronée «les principes de bonne administration et d’impartialité», ainsi que les principes de confiance légitime et de sécurité juridique. Le dernier moyen est tiré de ce que le Tribunal n’aurait pas examiné ou aurait examiné de manière erronée le comportement global adopté par la Commission pendant huit ans. Les requérants font, en outre, valoir que même si les conditions de la responsabilité non contractuelle de la Commission n’étaient pas réunies, il serait justifié que cette institution supporte les dépens des deux instances.

Sur le premier moyen, tiré de l’omission à statuer sur le moyen tiré d’une violation du droit de pétition

Argumentation des parties

19 Les requérants reprochent au Tribunal de ne pas avoir statué sur leur moyen tiré d’une violation du droit de pétition, soulevé notamment aux points 33, 37 et suivants de leur requête. À supposer que ledit moyen ait été rejeté de manière tacite, le Tribunal aurait violé l’obligation de motiver ses décisions et aurait procédé à une interprétation et à une application erronées du droit de pétition.

20 La Commission soutient que le Tribunal a, aux points 33 à 35 de l’ordonnance attaquée, examiné le bien-fondé du moyen tiré de la violation du principe de bonne administration et rejeté celui-ci, tant de manière autonome qu’en liaison avec le moyen tiré de la violation du droit de pétition. Le Tribunal aurait fait explicitement référence au fait que la Commission avait informé les requérants soit directement, soit par l’intermédiaire de la commission des pétitions du Parlement. En outre, le Tribunal aurait constaté, au point 18 de l’ordonnance attaquée, que la Commission a, par lettre du 16 décembre 2002, contesté le fondement de l’ensemble des conclusions de l’enquête du Médiateur.

Appréciation de la Cour

21 En substance, le premier moyen soulevé par les requérants vise à faire sanctionner un défaut de motivation de l’ordonnance attaquée.

22 Il ressort d’une jurisprudence constante que la Cour n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, point 372). Toutefois, s’il est vrai que l’obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui-ci soit tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par une partie, en particulier si ce dernier ne revêt pas un caractère suffisamment clair et précis et ne repose pas sur des éléments de preuve circonstanciés (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C-274/99 P, Rec. p. I-1611, point 121), le Tribunal doit, à tout le moins, examiner toutes les violations de droits alléguées.

23 En l’occurrence, il convient de constater que les moyens invoqués étaient présentés d’une manière suffisamment claire et précise pour permettre au Tribunal de prendre position. Ainsi, les requérants ont, au point 33 de leur requête introductive d’instance devant le Tribunal, tout d’abord énuméré les violations de principes et de droits alléguées, dont une violation du droit de pétition. Puis, ils ont exposé, dans des paragraphes distincts et, en particulier, en ce qui concerne le droit de pétition, aux points 37 à 39 de cette requête, en quoi, selon eux, consistait, d’une part, chacun de ces principes et de ces droits ainsi que, d’autre part, la violation de ces derniers.

24 En outre, la violation alléguée du droit de pétition ne peut matériellement être considérée comme un argument juridique présenté à l’appui des autres moyens soulevés, mais doit être considérée comme un moyen de droit distinct de ceux-ci, étant donné que chacun des principes et des droits invoqués ont des contenus essentiellement différents les uns des autres et reposent sur des fondements juridiques distincts. S’agissant de la violation alléguée du droit de pétition, les requérants ont ainsi fait explicitement référence, au point 37 de leur requête déposée devant le Tribunal, à l’article 21 CE en tant que fondement juridique de ce droit.

25 Il convient également de souligner que, dans le résumé du recours joint à ladite requête, les requérants ont formellement identifié, parmi les manquements reprochés à la Commission, «l’atteinte portée au droit de pétition dont bénéficient les citoyens européens», en sus des atteintes portées «aux principes fondamentaux de bonne administration, de sécurité juridique et de confiance légitime».

26 Le Tribunal n’a, ainsi qu’il résulte de l’ordonnance attaquée, ni mentionné la violation du droit de pétition parmi les moyens soulevés ni répondu à celui-ci. En particulier, le raisonnement du Tribunal porte, aux points 33 à 35 de l’ordonnance attaquée, dans le cadre de l’examen de la violation alléguée du principe de bonne administration, sur la question de savoir si la Commission a méconnu de manière manifeste et grave les limites du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose, et si elle a procédé à un traitement diligent de la plainte des requérants. Ce raisonnement porte, aux points 36 à 44 de l’ordonnance attaquée, sur une éventuelle violation des règles d’impartialité ainsi que des principes de confiance légitime et de sécurité juridique. Ledit raisonnement ne saurait être considéré comme constituant une réponse explicite ou implicite au moyen tiré d’une violation du droit de pétition.

27 Dès lors, le premier moyen invoqué par les requérants est fondé.

28 Il s’ensuit que l’ordonnance attaquée doit être annulée en tant que le Tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré d’une violation de l’article 21, paragraphes 2 et 3, CE.

Sur le recours devant le Tribunal

29 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut statuer définitivement sur le litige lorsqu’il est en état d’être jugé.

30 En l’espèce, l’affaire étant en état d’être jugée, il y a lieu pour la Cour de statuer définitivement sur le litige.

Sur la recevabilité

31 En première instance, la Commission avait soulevé une exception d’irrecevabilité.

32 Pour autant que le moyen tiré d’une violation du droit de pétition est couvert par ladite exception, il n’y a pas lieu de statuer sur celle-ci, dès lors que ledit moyen doit être rejeté comme n’étant pas fondé (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2004, France/Commission, C-233/02, Rec. p. I-2759, point 26).

Sur le fond

33 Dans leur recours formé devant le Tribunal, les requérants ont, en se référant à l’article 21, paragraphe 3, CE et à l’article 13 de la Convention européenne de la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, en premier lieu, fait valoir, que la Commission aurait, par son attitude, enlevé tout intérêt pratique à l’exercice devant elle de ce droit. En second lieu, ils reprochaient à la Commission d’avoir privé de toute valeur le recours au Médiateur en méconnaissant les conclusions de ce dernier.

34 Ce moyen ne saurait être accueilli.

35 En premier lieu, la Commission n’a pas, par son attitude, violé le droit des requérants découlant de l’article 21, paragraphe 3, CE d’écrire aux institutions et de recevoir une réponse rédigée dans la même langue. En effet, la Commission a reçu la plainte des requérants, l’a enregistrée et a correspondu avec ces derniers, en langue grecque, dans le cadre de l’instruction de cette plainte. Le droit des citoyens de l’Union, découlant de l’article 21, paragraphe 3, CE, ne saurait exiger de la Commission qu’elle traite une plainte en matière d’infractions au droit communautaire ou qu’elle instruise celle-ci d’une certaine manière.

36 En second lieu, la Commission n’a pas non plus, en méconnaissant les conclusions du Médiateur, violé le droit des requérants, prévu à l’article 21, paragraphe 2, CE, de s’adresser à ce dernier. À cet égard, il convient de rappeler que le Médiateur n’a pas le pouvoir de prendre des décisions contraignantes à l’égard des institutions. En vertu de l’article 195, paragraphe 1, CE, s’il constate un cas de mauvaise administration, il saisit l’institution concernée, qui dispose d’un délai de trois mois pour lui faire tenir son avis. En outre, le Médiateur recherche, en vertu de l’article 3, paragraphe 5, de la décision 94/262, dans la mesure du possible, avec l’institution ou l’organe concerné une solution de nature à éliminer les cas de mauvaise administration et à donner satisfaction à la plainte. Finalement, ainsi qu’il ressort de l’article 6, paragraphe 3, des dispositions d’exécution, il classe l’affaire par une décision motivée dans les situations où la recherche d’une telle solution n’est pas possible. Il en résulte que l’institution concernée n’est pas tenue, après le classement d’une affaire par le Médiateur par une décision motivée, de prendre position ou d’adopter une décision dans un sens déterminé.

37 Dès lors, il convient de rejeter le moyen tiré d’une violation des paragraphes 2 et 3 de l’article 21 CE, invoqué en première instance par les requérants, et d’examiner les autres moyens du pourvoi.

Sur le deuxième moyen, tiré de la dénaturation d’un élément de preuve

Argumentation des parties

38 Les requérants soutiennent que le Tribunal a dénaturé le contenu de la décision du Médiateur du 18 juillet 2002, celui-ci constituant un élément de preuve, et qu’il a procédé à une qualification erronée de cet élément. Ils reprochent au Tribunal, à cet égard, d’une part, de ne pas avoir adopté les constatations de fait opérées par le Médiateur et, d’autre part, d’avoir ignoré le constat d’un cas de «mauvaise administration» dans l’action de la Commission effectué par ce dernier.

39 Selon la Commission, le Tribunal n’a pas, dans l’ordonnance attaquée, ignoré la décision du Médiateur. D’une part, le Tribunal aurait énoncé de manière générale les conditions de l’engagement de la responsabilité au titre de l’article 288, deuxième alinéa, CE et il aurait, après avoir apprécié tous les faits, conclu au rejet du recours comme manifestement dénué de fondement juridique. D’autre part, s’agissant de l’obligation qu’elle aurait de se conformer à une décision du Médiateur, la Commission relève que ce dernier formule non pas des décisions, mais des rapports. Elle rappelle que, en l’espèce, elle a réfuté le constat, par le Médiateur, d’un cas de mauvaise administration.

Appréciation de la Cour

40 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, sauf exception, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. Dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis (voir arrêt du 8 mai 2003, T. Port/Commission, C-122/01 P, Rec. p. I-4261, point 27). Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise comme telle au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêt du 28 mai 1998, New Holland Ford/Commission, C-8/95 P, Rec. p. I-3175, point 26).

41 En outre, il est également de jurisprudence constante qu’un requérant doit, lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation (voir, notamment, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 50).

42 S’agissant, en premier lieu, du reproche tiré d’une dénaturation des faits, les requérants n’ont pas satisfait à ces exigences. Ils n’ont pas indiqué de façon précise les éléments factuels qui auraient été dénaturés par le Tribunal et ils n’ont pas non plus démontré les erreurs qui auraient conduit ce dernier à cette dénaturation, mais ils se bornent à affirmer que le Tribunal n’a pas adopté les constatations de fait opérées par le Médiateur. Dès lors, ce premier argument doit être rejeté comme irrecevable.

43 En ce qui concerne, en second lieu, l’argument selon lequel le Tribunal a ignoré la constatation par le Médiateur d’un cas de «mauvaise administration» dans l’action de la Commission, les requérants font, en effet, valoir que le Tribunal aurait dû adopter ce constat.

44 Ce raisonnement ne saurait être retenu. Les conclusions du Médiateur en tant que telles ne lient pas le juge communautaire. Elles ne peuvent constituer qu’un simple indice de la violation, par l’institution concernée, du principe de bonne administration. En effet, la procédure devant le Médiateur, lequel n’a pas le pouvoir de prendre des décisions contraignantes, est une voie alternative extrajudiciaire pour les citoyens de l’Union à celle du recours devant le juge communautaire, qui répond à des critères spécifiques et n’a pas nécessairement le même objectif que celui d’un recours en justice. Par conséquent, la qualification d’«acte de mauvaise administration» par le Médiateur ne signifie pas, par elle-même, que le comportement de l’institution concernée constitue une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit, au sens de la jurisprudence.

45 Ainsi, le Tribunal n’était pas tenu d’adopter la conclusion à laquelle était parvenu le Médiateur, mais il devait procéder à sa propre appréciation juridique des faits constatés et des éléments de preuve qui lui avaient été soumis, tels que la décision du Médiateur, et en tirer ses propres conclusions. Ce second argument doit, dès lors, être rejeté comme non fondé.

46 Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé.

Sur le troisième moyen, tiré de l’interprétation et de l’application erronées de divers principes

Argumentation des parties

47 Le troisième moyen comporte trois branches tirées, en substance, d’une interprétation et d’une application erronées «des principes de bonne administration et d’impartialité» ainsi que des principes de confiance légitime et de sécurité juridique.

48 En réponse à ce moyen, la Commission fait valoir que les requérants essaient d’obtenir, en méconnaissance des articles 225, paragraphe 1, deuxième alinéa, CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, une nouvelle appréciation de faits déjà constatés par le Tribunal. Selon elle, ce moyen est irrecevable.

Appréciation de la Cour

- Sur la première branche du troisième moyen

49 Par la première branche du troisième moyen, les requérants remettent en cause, en premier lieu, la qualification juridique des faits qu’a opérée le Tribunal en considérant que les faits constatés quant au changement de la position de la Commission et quant à la décision de reprendre le financement du projet par le Fonds de cohésion ne constituent pas une violation du principe de bonne administration. La qualification juridique des faits opérée par le Tribunal constituant une question de droit soumise au contrôle de la Cour, la contestation de cette qualification juridique est donc recevable.

50 Par cette branche du troisième moyen, les requérants reprochent, en substance, à la Commission de ne pas les avoir informés de son changement de position sur la compatibilité du projet en cause avec le droit communautaire et la reprise du cofinancement de celui-ci au mois de juillet 1998.

51 Le Tribunal n’a pas, à cet égard, commis d’erreur de droit. Il est vrai qu’il incombe à la Commission de respecter les garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives, telles que, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, le droit de l’intéressé de faire connaître son point de vue ainsi que celui de voir motiver la décision de façon suffisante (voir arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C-269/90, Rec. p. I-5469, point 14). En revanche, il ne lui incombe pas, dans le cadre d’une plainte concernant le non-respect du droit communautaire par un État membre, d’informer les plaignants de tout développement purement interne du dossier ouvert à la suite de leur plainte. Ainsi, s’agissant d’un changement d’avis interne sur le bien-fondé d’une plainte, la Commission n’était pas tenue d’en informer les plaignants.

52 La Commission n’était pas non plus obligée d’informer les requérants de la reprise du cofinancement du projet en cause, celui-ci ne constituant pas l’objet de leur plainte. En outre, la procédure de suspension ou de réduction du concours financier communautaire à des actions nationales est indépendante de celle visant à faire constater et à faire cesser le comportement d’un État membre violant le droit communautaire. En effet, ni l’engagement d’une procédure en manquement au titre de l’article 226 CE ni même d’ailleurs la constatation d’un tel manquement par la Cour ne sauraient impliquer automatiquement la suspension ou la réduction du concours financier communautaire (voir, en ce sens, ordonnance du 11 juillet 1996, An Taisce et WWF UK/Commission, C-325/94 P, Rec. p. I-3727, point 23).

53 En second lieu, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir dénaturé un élément de preuve en constatant, au point 10 de l’ordonnance attaquée, qu’ils auraient été informés de la nouvelle orientation de la Commission par le biais du procès-verbal de la réunion du 20 mai 1998.

54 Les requérants n’ont établi ni par leur argumentation ni par les pièces du dossier que le Tribunal aurait dénaturé les éléments qui lui étaient soumis. Ils ont, au point 4 de leur requête introductive d’instance devant le Tribunal, eux-mêmes souligné qu’ils ont été informés de cet événement au moyen du procès-verbal de la réunion du 20 mai 1998. Dès lors, cet argument doit être rejeté comme non fondé.

55 La première branche du troisième moyen doit donc être rejetée comme non fondée.

- Sur la deuxième branche du troisième moyen

56 Par la deuxième branche du troisième moyen, les requérants reprochent au Tribunal, en premier lieu, d’avoir commis une erreur de droit en concluant à l’absence de violation des règles d’impartialité. Il importerait peu de savoir si le fonctionnaire mis en cause par les requérants était formellement en congé aux dates auxquelles la Commission avait communiqué avec eux, si ce fonctionnaire a observé une attitude partiale et si celui-ci a définitivement influencé de manière illégale les décisions de la Commission. La Commission devrait être présumée impartiale et tout ce qui pouvait renverser cette présomption constituerait ipso facto un acte de mauvaise administration.

57 À cet égard, il convient de relever que l’exigence d’impartialité, qui s’impose aux institutions dans l’accomplissement de leurs missions, vise à garantir l’égalité de traitement qui est à la base de la Communauté. Cette exigence vise, en particulier, à éviter des situations de conflits d’intérêts éventuels dans le chef de fonctionnaires. Compte tenu de l’importance fondamentale de la garantie d’indépendance et d’intégrité des fonctionnaires en ce qui concerne tant le fonctionnement interne que l’image extérieure des institutions communautaires, l’exigence d’impartialité couvre toutes circonstances que le fonctionnaire amené à se prononcer sur une affaire doit raisonnablement comprendre comme étant de nature à apparaître, aux yeux de tiers, comme susceptible d’affecter son indépendance en la matière. Toutefois, des indications précises, permettant de conclure que l’indépendance du fonctionnaire en cause pourrait être compromise, doivent être données.

58 C’est à la lumière de ce qui précède qu’il convient d’examiner si le Tribunal a appliqué de manière erronée les règles d’impartialité. Au point 37 de l’ordonnance attaquée, celui-ci a estimé que, en l’espèce, aucune méconnaissance de ces règles ne pouvait être retenue dès lors que le fonctionnaire concerné, M. K., était, au cours de la période en question, en congé, et que la plainte litigieuse avait été formellement classée par un autre fonctionnaire de la Commission. En outre, le Tribunal a insisté sur le fait «que la décision finale de classement de la plainte des requérants a[vait] été prise postérieurement au départ en [congé] de M. K. et après réexamen du dossier par d’autres fonctionnaires de la direction générale ‘Environnement’ et à la suite de la visite et du débat public effectués sur place en mars 1999». Ainsi, la condition requise pour qu’il puisse être considéré qu’une violation des règles d’impartialité avait été commise n’était pas remplie, puisque, finalement, ce n’est pas M. K. qui s’est prononcé sur le classement de la plainte des requérants.

59 En outre, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir dénaturé un élément de preuve par sa façon d’apprécier la lettre de la Commission du 28 janvier 1999, adressée aux requérants, sur laquelle il est mentionné que M. K. en est le rédacteur.

60 À cet égard, les requérants n’ont, toutefois, fourni à la Cour aucune indication précise permettant à celle-ci de constater l’existence d’une dénaturation des éléments de preuve soumis au Tribunal.

61 La deuxième branche du troisième moyen doit donc être rejetée comme partiellement non fondée et partiellement irrecevable.

- Sur la troisième branche du troisième moyen

62 Par la troisième branche de ce moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal a interprété et appliqué de manière erronée les principes de confiance légitime et de sécurité juridique. Il n’aurait pas pris en considération les circonstances particulières de l’espèce établissant l’existence d’une atteinte à leur confiance légitime qui découlerait, notamment, du fait que la Commission s’était initialement prononcée en faveur de leur plainte, du fait que la position finale adoptée par la Commission sur le bien-fondé de celle-ci a été contraire à celle prise dans des affaires similaires, et de la décision du Médiateur. Ils auraient nourri des espérances fondées et, ainsi, une confiance légitime dans le fait que la Commission allait prendre les mesures nécessaires pour remédier à un cas de mauvaise administration constaté par le Médiateur. Cette branche du troisième moyen porte sur une question de droit et est donc recevable.

63 S’agissant de l’argument tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, il convient de rappeler que le droit de réclamer cette protection s’étend à tout particulier se trouvant dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire a fait naître dans son chef des espérances fondées (voir, en ce sens, arrêts du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products (Lopik)/CEE, 265/85, Rec. p. 1155, point 44, et du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C-37/02 et C-38/02, Rec. p. I-6911, point 70). Constituent des assurances susceptibles de faire naître de telles espérances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêts du 25 mai 2000, Kögler/Cour de justice, C-82/98 P, Rec. p. I-3855, point 33, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C-182/03 et C-217/03, Rec. p. I-5479, point 147).

64 S’agissant de la position adoptée par la Commission au cours de l’instruction de la plainte des requérants, il convient de souligner que cette institution n’est pas tenue, dans le cadre d’une plainte déposée au titre de l’article 226 CE, d’engager une procédure d’infraction, mais dispose d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire excluant le droit pour les particuliers d’exiger qu’elle prenne position dans un sens déterminé. En conséquence, les personnes ayant déposé une telle plainte n’ont pas la possibilité de saisir le juge communautaire d’un recours contre une éventuelle décision de classement de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 1989, Star Fruit/Commission, 247/87, Rec. p. 291, point 11). Il en résulte qu’une prise de position de la Commission intervenue au cours de l’instruction d’une plainte ne saurait seule, en principe, sauf circonstances particulières susciter une confiance légitime dans le chef de plaignants.

65 À cet égard, le Tribunal a relevé à juste titre, au point 40 de l’ordonnance attaquée, que pour l’application de l’article 226 CE, la Commission peut être conduite à procéder à des investigations relativement longues et complexes afin de s’assurer de l’absence de toute infraction et ce, dans le cadre d’un dialogue avec l’État membre concerné. En outre, la communication de la Commission du 26 mars 1997, informant la commission des pétitions du Parlement «que, eu égard aux informations dont elle disposait à ce stade, elle estimait que le projet faisant l’objet de la plainte n’était pas conforme» au droit communautaire, ne constitue visiblement qu’une conclusion intermédiaire. Ainsi, la prise de position initiale de la Commission sur l’applicabilité de la directive 85/337 au projet en cause et l’apparente non-conformité à celle-ci de ce dernier était le résultat d’investigations et d’analyses d’informations encore en cours. Elle ne pouvait donc constituer une assurance précise et définitive.

66 En ce qui concerne l’argument tiré d’une violation du principe de sécurité juridique, il convient de relever que l’énoncé de celui-ci ne se distingue pas de celui de l’argument tiré d’une violation du principe de confiance légitime. En outre, le principe de protection de la confiance légitime, comme le principe de sécurité juridique, concerne des situations acquises et non des situations provisoires (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 1996, Duff e.a., C-63/93, Rec. p. I-569, point 20).

67 S’agissant de l’allégation des requérants selon laquelle la position finale adoptée par la Commission sur le bien-fondé de leur plainte est contraire à celle prise dans des affaires similaires ainsi qu’à la décision adoptée par le Médiateur, il peut être déduit de la requête déposée par les requérants devant le Tribunal que ceux-ci n’ont pas invoqué ce moyen devant ce dernier. La compétence de la Cour étant limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui (voir, notamment, ordonnances du 25 janvier 2001, Lech-Stahlwerke/Commission, C-111/99 P, Rec. p. I-727, point 25, et du 13 novembre 2001, Dürbeck/Commission, C-430/00 P, Rec. p. I-8547, point 33), ces arguments doivent être rejetés comme irrecevables.

68 De même, l’allégation selon laquelle la Commission n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour remédier à un cas de mauvaise administration ne pourra qu’être écartée, eu égard à la nature des décisions prises par le Médiateur, telle que rappelée aux points 36 et 44 du présent arrêt.

69 La troisième branche du troisième moyen doit donc être rejetée comme partiellement non fondée et partiellement irrecevable.

70 Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen dans son ensemble.

Sur le quatrième moyen, relatif à l’omission d’examiner l’attitude de la Commission dans son ensemble

Argumentation des parties

71 En dernier lieu, les requérants reprochent au Tribunal de ne pas avoir examiné le comportement global adopté par la Commission pendant huit ans. Le Tribunal aurait apprécié chacun des événements de manière isolée, alors que l’enchaînement des faits de l’espèce dans leur ensemble constituerait un cas flagrant de mauvaise administration.

72 En réponse à ce moyen, la Commission fait observer que l’allégation tirée de l’appréciation du comportement global de la Commission est soulevée pour la première fois au stade du pourvoi et que la compétence de la Cour est limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui. À supposer que ce quatrième moyen soit recevable, il devrait être considéré comme dénué de fondement.

Appréciation de la Cour

73 À supposer même que ce moyen soit recevable, il ne serait pas fondé. Le Tribunal a, dans le cadre de son examen des conditions de l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Commission, pris en considération tous les événements mentionnés par les requérants pour conclure que les conditions d’un tel engagement n’étaient pas remplies. À titre surabondant, en considérant, en l’espèce, que les événements en cause pris isolément ne constituaient pas des manquements, le Tribunal ne pouvait admettre que l’ensemble de ces événements, apprécié de manière globale, était de nature à justifier l’engagement de la responsabilité de la Commission.

74 Par suite, le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur les dépens

Argumentation des parties

75 Dans leur pourvoi, les requérants invitent la Cour, même si les conditions de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Commission ne sont pas réunies, à condamner la Commission, en vertu de l’article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, à la totalité des dépens, y compris ceux afférents à la première instance.

76 À cet égard, les requérants font valoir qu’ils ont exposé d’importants frais d’assistance juridique devant cinq institutions communautaires, lesquels sont, en grande partie, dus au comportement de la Commission. Ils ajoutent que les procédures engagées devant le Tribunal et la Cour faisaient suite à la décision du Médiateur qui les avait reconnus victimes d’un acte de mauvaise administration.

77 La Commission soutient que la demande des requérants relative aux dépens est manifestement irrecevable. Ils n’exposeraient aucun motif exceptionnel au sens de l’article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure justifiant qu’elle soit condamnée à l’ensemble des dépens.

Appréciation de la Cour

78 Aux termes de l’article 122, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce dernier, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 69, paragraphe 3, premier alinéa, du même règlement, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

79 Au vu de la nature des décisions prises par le Médiateur, telle que rappelée aux points 35 et 43 du présent arrêt, le fait que le Médiateur ait constaté dans sa décision du 18 juillet 2002 un cas de mauvaise administration imputable à la Commission ne saurait à lui seul être considéré comme ayant conduit les requérants à introduire ce recours et, ainsi, comme étant constitutif d’un motif exceptionnel au sens de l’article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure.

80 Les requérants ayant succombé en l’essentiel de leurs moyens dans le cadre du pourvoi, il y a lieu de les condamner aux dépens afférents à la présente instance.

81 Le recours en indemnité formé par les requérants ayant été rejeté, il convient de confirmer le point 2 du dispositif de l’ordonnance attaquée.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

1) L’ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 13 janvier 2006, Komninou e.a./Commission (T-42/04), est annulée en tant que le Tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la violation de l’article 21, paragraphes 2 et 3, CE.

2) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3) Le recours introduit devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes, en tant qu’il est fondé sur le moyen tiré d’une violation de l’article 21, paragraphes 2 et 3, CE, est rejeté.

4) Mme Ermioni Komninou, MM. Grigorios Ntokos, Donatos Pappas, Vassileios Pappas et Aristeidis Pappas, Mmes Eleftheria Pappa, Lamprini Pappa, Eirini Pappa et Alexandra Ntokou, M. Fotios Dimitriou, Mme Zoï Dimitriou, M. Petros Bolossis, Mme Despoina Bolossi ainsi que MM. Konstantinos Bolossis et Thomas Bolossis sont condamnés aux dépens de la présente instance. Les dépens liés à la procédure de première instance ayant donné lieu à l’ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 13 janvier 2006, Komninou e.a./Commission (T-42/04), sont maintenus selon les modalités déterminées au point 2 du dispositif de cette ordonnance.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.


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