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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Nieto Nu�o (Approximation of laws) French Text [2007] EUECJ C-328/06_O (13 September 2007)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2007/C32806_O.html
Cite as: [2007] EUECJ C-328/6_O, [2007] EUECJ C-328/06_O

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AVIS JURIDIQUE IMPORTANT: IMPORTANT LEGAL NOTICE - The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 13 septembre 2007 (1)

Affaire C-328/06

Alfredo Nieto Nuño

contre

Leonci Monlleó Franquet

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado Mercantil 3 de Barcelona]

«Marques Notion de 'marque notoirement connue' Étendue géographique de la notoriété»





  1. Par la présente procédure préjudicielle, le juge de renvoi défère à la Cour une question portant sur l'interprétation de l'article 4 de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (2).
  2. Cette question est soulevée dans le cadre d'un procès intenté par le titulaire d'une marque enregistrée espagnole contre l'utilisateur d'une marque antérieure non enregistrée, identique à la première et utilisée pour les mêmes services, afin de faire constater la violation par le défendeur des droits découlant de la marque enregistrée ainsi que d'obtenir la cessation des actes constitutifs de ladite violation et du préjudice allégué.
  3. I Le cadre juridique de référence

    A La réglementation internationale

  4. Signée à Paris le 20 mars 1883 par onze États, la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (3) (ci-après la «Convention de Paris») a été la première des grandes conventions multilatérales intervenues en la matière et elle est actuellement celle qui recueille le plus grand nombre d'adhésions (171 États contractants (4), dont la totalité des États membres de la Communauté). En vertu de son article 1er, paragraphe 1, les pays auxquels s'applique la Convention sont constitués à l'état d'Union dotée de ses propres organes (5) et ayant pour objectif la protection de la propriété industrielle dans tous ses aspects (6).
  5. L'article 6 bis, introduit dans le texte de la convention par la conférence de révision de La Haye de 1925 (7), dispose, à son paragraphe 1, ce qui suit: «Les pays de l'Union s'engagent, soit d'office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l'intéressé, à refuser ou à invalider l'enregistrement et à interdire l'usage d'une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l'imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d'une marque que l'autorité compétente du pays de l'enregistrement ou de l'usage estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d'une personne admise à bénéficier de la présente Convention et utilisée pour des produits identiques ou similaires. Il en sera de même lorsque la partie essentielle de la marque constitue la reproduction d'une telle marque notoirement connue ou une imitation susceptible de créer une confusion avec celle-ci».
  6. L'article 16, paragraphes 1 et 2 de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l'Organisation mondiale du commerce (8) dispose ce qui suit:
  7. «1. Le titulaire d'une marque de fabrique ou de commerce enregistrée aura le droit exclusif d'empêcher tous les tiers agissant sans son consentement de faire usage au cours d'opérations commerciales de signes identiques ou similaires pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque de fabrique ou de commerce est enregistrée dans les cas où un tel usage entraînerait un risque de confusion (...).
    2. L'article 6 bis de la Convention de Paris (1967) s'appliquera, mutatis mutandis, aux services. Pour déterminer si une marque de fabrique ou de commerce est notoirement connue, les Membres tiendront compte de la notoriété de cette marque dans la partie du public concernée, y compris la notoriété dans le Membre concerné obtenue par suite de la promotion de cette marque».
  8. Dans le but de «clarifier, unifier et compléter» les dispositions internationales relatives à la protection des marques notoirement connues figurant dans les articles 6 bis de la Convention de Paris et 16 ADPIC précités, le Comité permanent du droit des marques, des dessins et modèles industriels et des indications géographiques de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) (9) a, au cours de la session qui s'est tenue à Genève du 8 au 12 juin 1999, formulé une résolution (10) pour l'adoption d'une recommandation commune concernant les dispositions relatives à la protection des marques notoires. Cette recommandation fut adoptée au cours de la session commune de l'assemblée de l'Union de Paris et de l'assemblée de l'OMPI du 20-29 septembre 1999.
  9. L'article 2 de la recommandation en question expose les orientations à suivre pour déterminer si une marque est notoire dans un État membre de l'Union de Paris ou de l'OMPI:
  10. «1) [Facteurs à prendre en considération]
    a) Pour déterminer si une marque est notoire, l'autorité compétente prend en considération toute circonstance permettant de déduire la notoriété.
    b) En particulier, l'autorité compétente prend en considération les renseignements qui lui sont communiqués au sujet des facteurs permettant de déduire que la marque est, ou n'est pas, notoire, notamment, mais pas uniquement, les renseignements concernant
    i) le degré de connaissance ou de reconnaissance de la marque dans le secteur concerné du public;
    ii) la durée, l'étendue et l'aire géographique de toute utilisation de la marque;
    iii) la durée, l'étendue et l'aire géographique de toute promotion de la marque, y compris la publicité et la présentation, lors de foires ou d'expositions, des produits ou des services auxquels la marque s'applique;
    iv) la durée et l'aire géographique de tout enregistrement, ou demande d'enregistrement, de la marque dans la mesure où elles reflètent l'utilisation ou la reconnaissance de la marque;
    v) la sanction efficace des droits sur la marque, en particulier la mesure dans laquelle la marque a été reconnue comme notoire par les autorités compétentes;
    vi) la valeur associée à la marque.
    c) Les facteurs énumérés ci-dessus, qui sont des indications visant à aider l'autorité compétente à déterminer si la marque est notoire, ne sont pas des conditions prédéfinies permettant de parvenir à une conclusion. La conclusion dépendra des circonstances de l'espèce. Dans certains cas, tous ces facteurs pourront être pertinents. Dans d'autres cas, certains de ces facteurs pourront être pertinents. Dans d'autres cas encore, aucun des facteurs énumérés ne sera pertinent et la décision pourra être fondée sur d'autres facteurs qui ne sont pas énumérés dans le sous alinéa b) ci-dessus. Ces autres facteurs pourront être pertinents en soi ou en association avec un ou plusieurs des facteurs énumérés dans le sous alinéa b) ci-dessus.
    2) [Secteur concerné du public]
    a) Les secteurs concernés du public sont notamment, mais pas uniquement:
    i) les consommateurs effectifs ou potentiels des produits ou des services auxquels la marque s'applique;
    ii) les personnes appartenant aux circuits de distribution des produits ou des services auxquels la marque s'applique;
    iii) les milieux économiques ayant des activités liées au type de produits ou de services auquel la marque s'applique.
    b) Lorsqu'il est conclu qu'une marque est notoirement connue d'au moins un secteur concerné du public dans un État membre, la marque est considérée comme notoire par cet État membre.
    c) Lorsqu'il est conclu qu'une marque est connue d'au moins un secteur concerné du public dans un État membre, la marque peut être considérée comme notoire par cet État membre.
    d) Tout État membre peut décider qu'une marque est notoire, même si elle n'est pas notoirement connue ou, si l'État membre applique le sous alinéa c), connue d'un secteur concerné du public de cet État membre.
    3) [Facteurs qui ne sont pas à prendre en considération]
    a) Un État membre ne peut, pour la détermination du caractère notoire d'une marque, exiger:
    i) que la marque ait été utilisée, qu'elle ait été enregistrée ou qu'elle ait fait l'objet d'une demande d'enregistrement dans cet État membre ou pour celui-ci;
    ii) que la marque soit notoire dans un autre ressort territorial que le sien, qu'elle ait été enregistrée ou qu'elle ait fait l'objet d'une demande d'enregistrement dans ou pour un autre ressort territorial que le sien; ou
    iii) que la marque soit notoirement connue de l'ensemble du public dans cet État membre.
    b) Nonobstant le sous-alinéa a) ii), tout État membre peut, aux fins de l'alinéa 2)d), exiger que la marque soit notoirement connue dans un ou plusieurs ressorts territoriaux autres que le sien.»

    B La réglementation communautaire

  11. Conformément à l'objectif indiqué dans ses considérants, la directive 89/104 vise à rapprocher les législations des États membres en matière de marques en se limitant au rapprochement des dispositions nationales ayant l'incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur, entravant la libre circulation des produits et la libre prestation des services ou faussant les conditions de concurrence (voir premier et troisième considérants).
  12. Dans cette optique, la directive précitée subordonne tout d'abord l'acquisition et le maintien du droit sur la marque enregistrée aux mêmes conditions dans tous les États membres, en définissant les signes susceptibles de constituer une marque (article 2), en déterminant d'une façon qui tend à être exhaustive les motifs de refus de l'enregistrement ou les motifs de nullité inhérents à la marque ou à des conflits avec des droits antérieurs (articles 3 et 4), et de déchéance (article 12).
  13. Aux fins de la présente procédure c'est notamment l'article 4 de la directive, intitulé «Motifs supplémentaires de refus ou de nullité concernant les conflits avec des droits antérieurs» qui entre en ligne de compte, dont le premier paragraphe énonce:
  14. «Une marque est refusée à l'enregistrement ou est susceptible d'être déclarée nulle si elle est enregistrée:
    a) lorsqu'elle est identique à une marque antérieure et que les produits ou services pour lesquels la marque a été demandée ou a été enregistrée sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée;
    b) lorsqu'en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association avec la marque antérieure» (11).
  15. Le paragraphe 2, sous d), dudit article dispose ce qui suit:
  16. «Aux fins du paragraphe 1, on entend par 'marques antérieures':
    (...)
    d) les marques qui, à la date de dépôt de la demande de marque, ou, le cas échéant, à la date de la priorité invoquée à l'appui de la demande de marque, sont «notoirement connues» dans l'État membre au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris» (12).
  17. Le paragraphe 4, sous b), suivant, prévoit que:
  18. «Un État membre peut en outre prévoir qu'une marque est refusée à l'enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle lorsque et dans la mesure où:
    (...)
    b) des droits à une marque non enregistrée ou un autre signe utilisé dans la vie des affaires ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque postérieure ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l'appui de la demande de marque postérieure, et que cette marque non enregistrée ou cet autre signe donne à son titulaire le droit d'interdire l'utilisation d'une marque postérieure» (13).
  19. La directive 89/104 prévoit en outre des dispositions destinées à garantir aux marques enregistrées la même protection juridique dans toutes les législations nationales, sous réserve de la faculté pour les États membres d'accorder une protection plus large aux marques ayant acquis une renommée (voir le neuvième considérant).
  20. L'article 6, intitulé «Limitation des effets de la marque», dispose, au paragraphe 2:
  21. «Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, d'un droit antérieur de portée locale si ce droit est reconnu par la loi de l'État membre concerné et dans la limite du territoire où il est reconnu».
  22. Il convient enfin de rappeler que le douzième considérant de la directive énonce l'exigence que la réglementation qu'elle prévoit soit en harmonie complète avec les dispositions de la convention de Paris à laquelle tous les États membres sont parties contractantes.
  23. C La réglementation nationale

  24. L'article 6, paragraphes 1 et 2, de la loi n° 17 du 7 décembre 2001 (loi sur les marques) prévoit ce qui suit:
  25. «1. Ne pourront pas être enregistrés en tant que marques les signes:
    a) qui sont identiques à une marque antérieure qui désigne des produits ou services identiques.
    b) pour lesquelles, en raison de leur identité ou de leur similitude avec la marque antérieure et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services désignés, il existe un risque de confusion du public qui comprend le risque d'association avec la marque antérieure.
    2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par marques antérieures:
    a) les marques enregistrées dont la date de dépôt ou de priorité est antérieure à celle de la demande de marque qui fait l'objet de l'examen et qui appartiennent aux catégories suivantes:
    i) les marques espagnoles;
    ii) les marques qui ont fait l'objet d'un enregistrement international ayant effet en Espagne;
    iii) les marques communautaires.
    b) les marques communautaires enregistrées qui, conformément au règlement sur la marque communautaire, revendiquent valablement l'ancienneté par rapport à une marque visée aux points a,) sous i), et a), sous ii), même si cette dernière marque a fait l'objet d'une renonciation ou s'est éteinte;
    c) les demandes de marques visées aux points a) et b), sous réserve de leur enregistrement;
    d) les marques non enregistrées qui, à la date de dépôt ou de priorité de la demande de marque qui fait l'objet de l'examen, sont 'notoirement connues' en Espagne au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris» (14).
    II Litige au principal et question préjudicielle
  26. Les faits du litige au principal, tels qu'ils ressortent de la décision de renvoi et du dossier, peuvent être résumés comme suit.
  27. Le demandeur dans l'instance au principal, M. Nieto Nuño, est titulaire de la marque verbale espagnole FINCAS TARRAGONA, enregistrée pour des services correspondant à la description: «affaires immobilières: gestion de propriétés et de copropriétés, location d'immeubles, vente d'immeubles, assistance juridique, promotion immobilière» et relevant de la classe 36 au titre de l'arrangement de Nice (15).
  28. M. Leonci Monlleó Franquet est propriétaire d'une agence immobilière établie à Tarragone qui, depuis 1978, date de sa création, offre des services dans divers secteurs de l'activité d'agent immobilier, de la vente d'immeubles et de la gestion immobilière, en utilisant le signe distinctif FINCAS TARRAGONA, en castillan, ou FINQUES TARRAGONA, en catalan (16).
  29. Assigné devant la juridiction de renvoi dans le cadre d'une action visant à obtenir la cessation de l'usage du signe FINCAS TARRAGONA (ou FINQUES TARRAGONA) au motif que cet usage violerait les droits attachés à la marque du requérant, M. Monlleó Franquet a formé une demande reconventionnelle, par laquelle il a demandé l'annulation de l'enregistrement du requérant, la cessation par ce dernier de tout usage du signe couvert par ledit enregistrement ainsi que des dommages-intérêts.
  30. Le défendeur a fondé son action en nullité de la marque du requérant sur deux moyens. Par le premier ont été invoqués l'antériorité et le caractère de marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis précité de la convention de Paris du signe distinctif utilisé par le défendeur, afin d'obtenir la protection prévue à l'article 6, paragraphe 2, de la loi sur les marques, qui transpose en droit espagnol l'article 4 de la directive 89/104. Par le second moyen était sollicitée l'application de l'article 51, paragraphe 1, sous b), de la loi sur les marques, en vertu de laquelle l'enregistrement d'une marque peut être déclaré nul et radié du registre lorsque le demandeur a agi de mauvaise foi à la date du dépôt de la demande d'enregistrement.
  31. Il ressort de la décision de renvoi qu'il est constaté dans l'instance au principal que le signe distinctif revendiqué par le défendeur a été utilisé dans un cadre territorial circonscrit à la ville de Tarragone et à ses alentours. Ladite décision semble en outre impliquer que le signe en question a, dans les limites de la zone géographique où il a été utilisé, acquis une renommée grâce à l'usage qui en a été fait.
  32. Afin de résoudre le litige, la juridiction de renvoi a estimé nécessaire de soumettre à la Cour la question préjudicielle suivante, afférente au premier moyen de nullité invoqué par le défendeur et portant sur l'interprétation de l'article 4 de la directive 89/104:
  33. «La notion de marque 'notoirement connue' dans un État membre qui figure dans l'article 4 de la première directive 89/104/CEE se réfère-t-elle uniquement et exclusivement au degré de connaissance et d'implantation dans un État membre de l'Union européenne ou dans une partie significative du territoire de celui-ci ou la notoriété d'une marque peut-elle être liée à un cadre territorial qui ne correspond pas au territoire d'un État, mais à celui d'une communauté autonome, d'une région, d'une province ou d'une ville, en fonction du produit ou du service visé par la marque et des destinataires effectifs de la marque; en définitive en fonction du marché concerné?»
    III La procédure devant la Cour
  34. En vertu de l'article 23 du statut de la Cour, le défendeur dans le litige au principal, les gouvernements français et italien et la Commission ont déposé des observations écrites devant la Cour.
  35. IV Analyse juridique

    A Brèves considérations sur la décision de renvoi et sur les observations présentées en application de l'article 23 du statut de la Cour

  36. Le juge de renvoi part de la prémisse que le signe distinctif sur lequel se fonde l'action en nullité formée par le défendeur à titre reconventionnel se rattacherait à la catégorie de marques décrite à l'article 4, paragraphe 2, sous d), de la directive 89/104. Il nourrit des doutes quant à l'interprétation de la notion de «marque 'notoirement connue' dans l'État membre au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris» visée dans la disposition précitée, en particulier pour ce qui a trait aux conditions concernant l'étendue territoriale de la notoriété liée à la marque. Ledit juge observe que dans la jurisprudence espagnole prévaut une orientation selon laquelle, aux fins de l'application de la disposition de la loi sur les marques qui a transposé l'article 4, paragraphe 2, sous d), de la directive 89/104, la notoriété d'une marque doit être nécessairement démontrée par rapport à tout le territoire de l'État ou à une partie substantielle de celui-ci, alors que les lignes directrices adoptées par l'OMPI préconiseraient une approche plus souple et articulée qui rattache la notoriété non tant au territoire qu'au marché des produits ou des services concernés par la marque.
  37. Le défendeur dans le litige au principal observe qu'exiger que la notoriété d'une marque s'étende à tout le territoire d'un État membre ou à une partie substantielle de celui-ci entraînerait une discrimination pour les entreprises qui exercent leur activité dans un cadre géographique plus restreint. Il fait en outre valoir que, aux fins de la solution du litige au principal, la Cour est appelée à se prononcer sur la question préjudicielle soumise par la juridiction de renvoi compte tenu de la circonstance que, en l'espèce, la marque enregistrée serait utilisée dans le même cadre territorial de diffusion de la marque antérieure et que le conflit entre les deux marques en question se produirait dans un contexte purement local, limité au territoire d'une province espagnole.
  38. Avec des argumentations largement similaires, les gouvernements français et italien et la Commission suggèrent au contraire à la Cour de répondre à la question déférée par le juge de renvoi en ce sens que la notion de «marque notoirement connue» qui figure à l'article 4, paragraphe 2, sous d), de la directive 89/104 se réfère au degré de connaissance de la marque sur le territoire d'un État membre (pour le gouvernement français) ou dans une partie significative de celui-ci (pour le gouvernement italien et la Commission).
  39. B Appréciation

  40. L'article 4, paragraphe 2, sous d), de la directive 89/104 renvoie, comme on l'a vu ci-dessus, à l'article 6 bis de la convention de Paris. Or, ledit renvoi n'implique pas uniquement la transposition dans la réglementation communautaire d'une notion de notoriété de la marque élaborée au niveau international dont l'article 6 bis de la convention de Paris ne donne du reste aucune définition mais également la référence à une catégorie bien définie de situations juridiques auxquelles la disposition conventionnelle ' et par conséquent la directive ' entend assurer la protection. En d'autres termes, le renvoi figurant dans la disposition précitée de la directive doit à notre avis s'entendre comme se référant au champ d'application matériel de la règle internationale, avec lequel coïncide celui de la règle communautaire qui y renvoie.
  41. Il faut donc se pencher tout d'abord sur cet article de la convention.
  42. L'article 6 bis de la convention de Paris constitue une exception au principe de territorialité sur lequel se fonde le modèle de protection de la convention en vertu duquel le droit de marque, obtenu dans un ordre juridique déterminé à la suite de l'accomplissement des formalités requises, n'est protégé que dans les limites de cet ordre (17). La finalité de la disposition en question est de permettre au titulaire d'une marque enregistrée ou utilisée dans un pays de l'Union de s'opposer à son enregistrement, ou de le faire annuler s'il a déjà eu lieu, et à son usage dans un autre pays de l'Union dans lequel ladite marque aurait acquis une renommée, bien qu'elle n'y aurait pas encore été enregistrée. Elle se base sur l'idée qu'un droit de marque peut naître, et doit par conséquent être protégé, par l'effet de la seule renommée acquise dans le cadre d'un ordre juridique national déterminé. L'intention est en définitive de décourager les pratiques déloyales induites par la renommée de la marque, en évitant que des tiers puissent s'approprier celle-ci par le biais de son enregistrement ou de son usage dans un État dans lequel elle n'est pas encore protégée, entravant par là l'accès du titulaire au marché en question ou l'amenant à payer pour obtenir le transfert du droit sur la marque.
  43. L'actuelle rédaction de l'article 6 bis, lu à la lumière de l'article 1er, paragraphe 2, de la convention, se réfère exclusivement aux marques de commerce et non également aux marques de service. En outre, bien que l'usage de la marque dans l'État dans lequel la protection est demandée ne soit pas expressément prévu en tant que condition d'application, la disposition en cause n'oblige pas les pays de l'Union à protéger les marques notoirement connues qui n'auraient pas été utilisées dans ledit État (18). Enfin, ladite disposition ne constitue pas une dérogation au principe de spécialité (ou de l'effet relatif) ni une règle visant à protéger la marque contre une éventuelle dilution: le champ de protection qu'elle assure est limité aux cas de conflit entre marques à l'égard de produits identiques ou similaires et son application est subordonnée à l'existence d'un risque de confusion (19).
  44. L'article 6 bis de la convention de Paris définit donc le contenu minimal de la protection internationale accordée aux marques notoirement connues.
  45. Comme on l'a vu, il a vocation à s'appliquer aux marques enregistrées ou utilisées dans un pays de l'Union ou en toute hypothèse appartenant à des personnes pouvant bénéficier des dispositions de la convention dont la notoriété dépasse les frontières de l'État d'origine en raison de l'usage qui en a été fait dans d'autres pays de l'Union, par exemple par le biais de la commercialisation de produits portant la marque, ou grâce à des campagnes de promotion.
  46. On peut toutefois se demander si l'article 6 bis et, plus généralement, les dispositions de la convention qui, outre le principe du traitement national (20), édictent les standards minimaux de protection des produits de propriété industrielle qu'elle réglemente, trouveraient application également à l'égard de situations purement internes, dans lesquelles la protection serait octroyée par un pays de l'Union à son propre ressortissant (21), comme semble être le cas dans le litige pendant devant la juridiction de renvoi.
  47. Il est donné à cette question dans la doctrine une réponse différente en fonction de la nature et des finalités qui sont reconnues à la convention de Paris. Selon certains, cette dernière entend réaliser une harmonisation minimale des législations des États membres de l'Union dans sa sphère d'application matérielle et prescrit donc des règles de droit uniforme applicables indépendamment de la nationalité des personnes qui en invoquent la protection. Selon d'autres, au contraire, il s'agit d'une convention internationale qui s'occupe exclusivement du traitement des étrangers, garantissant à ces derniers une protection minimale au-delà du principe du traitement national.
  48. Selon la première orientation, les pays de l'Union seraient tenus, en vertu des obligations internationales contractées, de modifier leur propre législation interne pour que les dispositions de la convention définissant les niveaux minimaux de protection trouvent à s'appliquer aussi à leurs ressortissants.
  49. Selon la seconde orientation, en revanche, les pays de l'Union seraient tenus d'accorder ce que l'on appelle le «traitement unioniste» uniquement aux ressortissants d'autres pays de l'Union ou de pays tiers lorsque se présentent les situations prévues à l'article 3 de la convention. Dans cette optique, cette dernière servirait seulement à lancer le processus d'harmonisation législative au sein de l'Union, en incitant les pays qui en font partie, mais sans les y obliger, à étendre à leurs ressortissants les droits dont jouissent les étrangers ex jure conventionis, dans le but d'éviter des discriminations au préjudice des premiers.
  50. Nous n'estimons pas opportun que le juge communautaire se prononce, ne serait-ce qu'implicitement, sur la question évoquée ci-dessus, s'agissant en substance de déterminer l'étendue des obligations incombant aux États membres en vertu d'une convention de droit international dont la Communauté n'est pas partie contractante et ce bien que le champ d'application d'une disposition de droit communautaire dérivé dépende en définitive de l'option pour l'une ou l'autre thèse, en vertu du renvoi à la règle internationale qu'elle contient. Il incombe, en effet, à chaque État membre, en l'absence d'une indication claire dans la convention, de déterminer si et à quel titre conformément à une obligation découlant de la convention ou en vertu d'un choix législatif destiné à éviter des discriminations à rebours (22) il accorde le «traitement unioniste», et partant, la protection spéciale visée à l'article 6 bis de la convention, à ses propres ressortissants.
  51. Au demeurant nous n'estimons pas que l'on puisse affirmer, indépendamment du champ d'application que l'on veut reconnaître à l'article 6 bis de la convention de Paris, que l'obligation de protéger les marques notoirement connues au sens de ladite disposition même dans des situations purement internes s'impose aux États membres en vertu du droit communautaire, étant donné que le régime des marques non enregistrées, catégories auxquelles appartiennent les marques en question, ne fait pas encore à ce jour l'objet d'une harmonisation.
  52. Par ailleurs, il nous semble qu'une réponse portant sur la question exposée au point 34 ci-dessus ne soit même pas absolument nécessaire aux fins de la solution à donner à la question posée par le juge de renvoi, compte tenu des objectifs et du système de la directive 89/104.
  53. à ce sujet, il faut rappeler à titre préliminaire que l'article 6 bis de la convention de Paris, tout au moins dans le large champ d'application qui lui est reconnu par l'article 16 de l'accord ADPIC, s'applique soit lorsque la marque est devenue notoirement connue par suite de son usage sur le territoire de l'État dans lequel la protection est demandée (23), soit lorsque la notoriété a été acquise en l'absence d'usage au sens strict mais grâce à des campagnes promotionnelles lancées sur le territoire de l'État de protection ou en dehors de celui-ci (ce que l'on appelle «spill-over advertisement») ou plus simplement, en tant que conséquence de la notoriété de la marque acquise à l'étranger (24).
  54. Dans le premier cas, la marque dont il s'agit est une marque utilisée sur le territoire de l'État mais non enregistrée dans celui-ci.
  55. De telles marques (appelées marques de fait) font l'objet d'une disposition spécifique de la directive 89/104, l'article 4, paragraphe 4, sous b), en vertu duquel chaque État membre peut disposer que l'existence de droits à une marque non enregistrée constitue un motif d'interdiction de l'enregistrement d'une marque postérieure, ou de nullité de celle-ci, si l'ordre juridique de l'État en question reconnaît des droits d'exclusivité à son titulaire.
  56. Dans le système de la directive, une marque non enregistrée dans un État membre mais qui y est utilisée peut donc constituer un obstacle à l'enregistrement ou avoir un pouvoir d'annulation à l'encontre de ce dernier en même temps en tant que marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris, conformément, si les conditions d'application en sont réunies (25), à l'article 4, paragraphe 2, sous d), et en tant que marque non enregistrée au sens de l'article 4, paragraphe 4, sous b), si la législation de l'État membre en question reconnaît des droits d'exclusivité à cette catégorie de marques.
  57. Or, aux termes de l'article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 89/104, et conformément à ce qui est exposé dans son quatrième considérant, sur la base duquel elle «n'enlève pas aux États membres le droit de continuer à protéger les marques acquises par l'usage», chaque État membre est libre non seulement d'accorder une protection aux marques non enregistrées, en admettant de ce fait l'usage d'un signe en tant que fait constitutif d'un droit d'exclusivité, mais en outre de définir les limites, la portée et les conditions d'une telle protection.
  58. La protection peut par exemple être subordonnée à la condition que la marque aurait atteint un certain niveau de notoriété ou que son usage aurait revêtu une dimension géographique déterminée, ou alors faire complètement abstraction de toute condition liée à un niveau minimal de connaissance du signe par le public ou à l'étendue territoriale de son utilisation.
  59. Il s'ensuit que, en principe, même une marque antérieure non enregistrée, qui, du fait de l'usage, aurait acquis une notoriété dans un État membre à un niveau purement local peut constituer un empêchement valable à l'enregistrement d'une marque postérieure, ou un motif de nullité de celle-ci, si la législation dudit État membre le prévoit (26).
  60. Dans ces conditions, il nous semble possible de conclure que si les juges d'un État membre interprètent la disposition nationale de transposition de l'article 4, paragraphe 2, sous d), de la directive 89/104 dans le sens qu'une marque antérieure utilisée sur le territoire dudit État peut constituer un obstacle valable à l'enregistrement d'une marque postérieure ou en être un motif de nullité même lorsque ladite marque antérieure ne serait pas notoirement connue sur tout le territoire de l'État ou dans une de ses parties substantielles mais dans un cadre territorial plus restreint, ladite interprétation ne serait pas incompatible avec le système et les objectifs de la directive, étant donné la marge de manœvre dont les États membres disposent pour fixer les contenus de la protection des marques de fait dans leurs ordres juridiques respectifs (27).
  61. Il ne nous semble pas que le renvoi contenu à l'article 4, paragraphe 2, sous d), de la directive à l'article 6 bis de la convention de Paris puisse infirmer la conclusion indiquée ci-dessus étant donné que ladite disposition à supposer qu'il faudrait l'interpréter comme concernant exclusivement les marques notoirement connues au niveau national ou interrégional se borne, comme on l'a vu ci-dessus, à prévoir un niveau minimal de protection (28).
  62. Nous n'estimons pas que cette conclusion puisse être remise en cause en se bornant à relever qu'elle ferait obstacle à une interprétation et à une application uniformes des motifs de refus d'enregistrement d'une marque ou de nullité de celle-ci, puisque c'est la directive elle-même qui autorise un tel résultat lorsqu'elle permet aux États membres de définir la sphère de protection à reconnaître aux marques non enregistrées en cas de conflit avec des marques déposées ou enregistrées. Il nous semble au contraire qu'exclure a priori, par le biais de l'adoption d'une interprétation uniforme au niveau communautaire, une interprétation dans le cadre national qui permette d'appliquer le motif de refus et le motif de nullité figurant dans la disposition en question également à des marques de fait (29) notoirement connues dans une partie non substantielle du territoire national finirait par ne pas prendre dà»ment en compte les limites de l'harmonisation législative introduite par la directive 89/104.
  63. Il résulte de ce qui est indiqué ci-dessus que, à notre avis, à la lumière du système et des finalités poursuivies par la directive 89/104, son article 4, paragraphe 2, sous d), ne fait pas obstacle à ce que, lors de l'interprétation et de l'application de la disposition nationale de transposition de cet article, on considère comme notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris dans l'État membre en question une marque utilisée dans ledit État dont la notoriété ne s'étend pas à tout le territoire ou à une partie substantielle de celui-ci, mais reste circonscrite à un cadre géographique plus restreint.
  64. V Conclusions
  65. à la lumière de l'ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre à la question préjudicielle qui lui a été soumise par le Juzgado Mercantil 3 de Barcelona dans les termes suivants:
  66. «L'article 4, paragraphe 2, sous d), de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques doit s'interpréter en ce sens qu'il ne fait pas obstacle à ce que le motif de refus d'enregistrement d'une marque et le motif de nullité de celle-ci qui y sont prévus trouvent à s'appliquer même lorsque la marque antérieure litigieuse, utilisée mais non enregistrée dans un État membre, est notoirement connue non sur tout le territoire dudit État ou dans une partie substantielle de celui-ci, mais dans un cadre territorial plus restreint.»

    1 Langue originale: l'italien.


    2 JO 1989 L 40, p. 1.


    3 La Convention de Paris, telle que modifiée de 1883 à aujourd'hui, est en réalité constituée d'une série de conventions incorporées dans les textes élaborés par les conférences de révision prévues par l'article 14, dénommées «Actes» à partir de la conférence de Washington de 1911. Le texte actuellement en vigueur résulte de la révision opérée à l'occasion de la conférence de Stockholm de 1967.


    4 Voir http://www.wipo.int.


    5 Ces organes sont: l'Assemblée de l'Union (article 13), son Comité exécutif (article 14), le Bureau international de la propriété intellectuelle (article 15, ci-après le «Bureau international»), les conférences de révision (article 18, paragraphe 2) et la Cour internationale de Justice (article 28).


    6 En application de l'article 1er, paragraphe 2, de la Convention, cette protection a pour objet les brevets d'invention, les modèles d'utilité, les dessins ou modèles industriels, les marques de fabrique ou de commerce, les marques de service, le nom commercial et les indications de provenance ou appellations d'origine, ainsi que la répression de la concurrence déloyale. Une convention similaire en matière de droit d'auteur a été signée à Berne en 1886 (Convention de Berne pour la protection des œvres littéraires et artistiques).


    7 Cet article a été modifié par la suite par les conférences de révision de Londres de 1934, de Lisbonne de 1958 et de Stockholm de 1967.


    8 Annexe 1C de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce.


    9 Comme on le sait, l'OMPI est une agence spécialisée des Nations Unies créée par le biais d'une convention internationale signée à Stockholm en 1967 et qui a pour mission la protection de la propriété intellectuelle au moyen de la coopération entre les États et en collaboration avec d'autres organisations internationales. Elle tire son origine des structures créées par les conventions de Paris et de Berne, dont les bureaux internationaux (un pour la propriété industrielle et l'autre pour les droits d'auteur) ont fusionné en 1893 en donnant lieu d'abord aux BIRPI (Bureaux internationaux réunis pour la protection de la propriété intellectuelle) et, par la suite, après le transfert du siège de Berne à Genève en 1960, à l'OMPI.


    10 Cette résolution s'inscrit dans le cadre des procédures mises au point par l'OMPI pour accélérer l'élaboration de règles et de principes internationaux communs et harmonisés afin de tenir compte de la rapide évolution de la propriété industrielle. Ces procédures viennent en complément de la méthode traditionnelle de détermination des règles internationales par le biais de traités. Tout en n'étant pas juridiquement obligatoires, les résolutions adoptées par le Comité permanent du droit des marques constituent un important instrument de persuasion.


    11 Une disposition analogue figure à l'article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire.


    12 Voir, dans le même sens, l'article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement 40/94.


    13 Voir article 8, paragraphe 4, du règlement 40/94.


    14 Traduction non officielle.


    15 Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques revu à Stockholm le 14 juillet 1967. La classe 36 comprend: «Assurances; affaires financières; affaires monétaires; affaires immobilières».


    16 M. Leonci Monlleó a essayé de procéder à l'enregistrement du signe utilisé conformément à la législation espagnole antérieure en matière de marques de 1988, mais il s'est heurté à un refus.


    17 L'insertion de l'article en question dans le corps de la convention a été décidée au cours de la convention de révision de La Haye de 1925 justement dans le but d'éviter les inconvénients d'une application stricte de ce principe. Déjà au cours de la convention de révision de Washington de 1905 il avait été discuté de la nécessité de reconnaître au ressortissant d'un pays de l'Union le droit de continuer à utiliser son signe distinctif dans un autre pays de l'Union nonobstant l'appropriation qui aurait été faite de ce signe par un tiers dans ledit pays. Par la suite, la question a fait l'objet d'une recommandation du comité économique de la Société des Nations, inscrite au programme de la conférence de révision de La Haye de 1925. Dans sa version initiale, l'article 6 bis prévoyait l'obligation pour les pays de l'Union d'exclure l'enregistrement d'un signe, ou de l'invalider si elle avait déjà eu lieu, au cas où ce signe aurait été notoirement connu dans le pays d'enregistrement en tant que signe d'un tiers admis au bénéfice de la convention. à la suite de la conférence de révision de Lisbonne de 1958 fut insérée en outre la possibilité d'interdire l'usage du signe du tiers.


    18 Une proposition de modification du texte de l'article 6 bis en vue de l'étendre également aux cas dans lesquels la marque n'a pas été utilisée dans l'État dans lequel la protection est invoquée a été discutée et rejetée au cours de la conférence de révision de Lisbonne de 1958.


    19 L'article 16, paragraphe 2, de l'accord ADPIC élargit notablement la sphère de protection des marques notoirement connues, au-delà du champ d'application de l'article 6 bis de la convention de Paris. En vertu de cette disposition, ladite protection s'étend aux marques de service, elle est reconnue également dans les cas de renommée de la marque obtenue en dehors de son usage. En outre en vertu du paragraphe 3 du même article, la protection n'est pas limitée par le principe de spécialité.


    20 L'article 2, paragraphe 1, de la convention de Paris établit que les ressortissants de chacun des pays de l'Union jouiront dans tous les autres pays de l'Union des avantages que les lois respectives accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux. C'est sur ce principe, qui implique le dépassement du principe de réciprocité, que se fonde tout le système de la convention.


    21 Comme on l'a vu ci-dessus, conformément aux articles 2 et 3 de la convention, le champ d'application ratione personarum de la convention est défini en fonction du critère de la nationalité (ou du domicile ou de l'établissement dans le cas de ressortissants de pays qui ne font pas partie de l'Union).


    22 Divers États membres, en ratifiant la convention de Paris, ou par la suite, en ont expressément étendu l'application à leurs propres ressortissants, montrant par là qu'ils considèrent que son champ d'application est limité au traitement des étrangers. Pour ce qui concerne plus précisément l'ordre juridique espagnol, en vertu des dispositions combinées de l'article 3, paragraphes 1 et 3 de la loi sur les marques, les personnes physiques ou morales qui ont la nationalité espagnole ou qui résident habituellement ou ont un établissement industriel ou commercial réel et effectif sur le territoire espagnol ou qui bénéficient des avantages de la convention de Paris pourront se prévaloir des dispositions de ladite convention, dans la mesure où elle est d'application directe, à chaque fois que ces dernières leur seraient plus favorables que celles de la loi sur les marques. Il convient toutefois de signaler, dans le préambule à la loi sur les marques, l'indication expresse de l'intention du législateur, en prévoyant la protection des noms commerciaux non enregistrés, de «[résoudre] le problème de l'assimilation de traitement des étrangers qui peuvent invoquer l'article 8 de la convention de Paris (...) ou le principe de réciprocité à ceux auxquels la loi accorde la même protection» («se resuelve así el problema de la equiparación de trato de los extranjeros que puedan invocar el artículo 8 del Convenio de París (...) o el principio de reciprocidad, a los que la Ley dispensa la misma protección»).


    23 Il incombe à l'État intéressé d'établir ce qu'il faut entendre par usage sur son territoire: il pourrait par exemple qualifier en tant que tel également un usage de la marque lié à des produits destinés à l'exportation et, de ce fait, en l'absence de commercialisation sur le marché national, lorsque la marque serait en toute hypothèse apposée dans l'État en question. Même la seule activité promotionnelle lancée sur le territoire d'un État peut être considérée comme un «usage».


    24 La mobilité et les technologies modernes de communication contribuent évidemment à la diffusion transnationale de la marque, tout au moins dans les relations entre pays technologiquement avancés.


    25 Relatives à la nationalité du titulaire, au cas où l'on partagerait la thèse limitant le champ d'application des dispositions de la convention au traitement des étrangers et à la renommée dans l'État de protection.


    26 On ne saurait à notre avis parvenir à une autre conclusion en invoquant l'article 6, paragraphe 2, de la directive qui reconnaît à l'usage antérieur de portée locale seulement le droit du titulaire de la marque de continuer à l'utiliser, puisque ladite disposition se borne à légaliser la limitation au droit d'exclusivité conféré à la marque enregistrée dans les cas où la législation d'un État membre permet la coexistence de cette dernière avec un droit antérieur de portée locale mais n'opère pas en tant que limite à la faculté reconnue aux États membres par l'article 4, paragraphe 4, sous b), de protéger une marque antérieure non enregistrée, même si elle a une portée purement locale, dans les hypothèses de conflit avec une marque postérieure déposée ou enregistrée. Par ailleurs, si la directive avait voulu exclure la faculté pour un État membre d'accorder un pouvoir d'annulation même à une marque non enregistrée de portée locale on ne comprendrait pas la précision figurant à l'article 8, paragraphe 4, du règlement 40/94 selon laquelle, pour pouvoir fonder une opposition à la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque communautaire, une marque antérieure non enregistrée, protégée dans un État membre, doit avoir une portée qui ne soit pas seulement locale.


    27 Il incombe ensuite auxdits juges d'apprécier si cette interprétation se concilie avec les choix opérés par le législateur national dans la définition du système interne de protection des marques, en particulier pour ce qui concerne les modalités d'acquisition du droit à la marque. Pour ce qui concerne l'Espagne, le système de la nouvelle loi sur les marques semble basé sur une application stricte du principe de l'enregistrement. Il convient toutefois de noter que, dans le système normatif de la précédente loi espagnole sur les marques (Ley 32/1988 du 10 novembre 1988), les marques notoirement connues étaient régies par l'article 3, inséré dans le titre «Dispositions générales», qui définissait les modalités d'acquisition du droit de marque. En particulier, le paragraphe 1 dudit article établissait que ce droit «s'acquiert par le biais de l'enregistrement» («El derecho sobre la marca se adquiere por el registro válidamente efectuado de conformidad con las disposiciones de la presente Ley»), alors que le paragraphe 2 suivant reconnaissait aux marques antérieures notoirement connues en Espagne par le secteur concerné du public un pouvoir d'annulation à l'égard de l'enregistrement postérieur d'une marque de nature à créer un risque de confusion («Sin embargo, el usuario de una marca anterior notoriamente conocida en España por los sectores interesados podrá reclamar ante los Tribunales la anulación de una marca registrada para productos idénticos o similares que pueda crear confusión con la marca notoria, siempre que ejercite la acción antes de que transcurran cinco años desde la fecha de publicación de la concesión de la marca registrada, a no ser que ésta hubiera sido solicitada de mala fe, en cuyo caso la acción de anulación será imprescriptible»). Il faut toutefois relever que cette dernière disposition, formulée en des termes généraux, ne faisait aucune mention spécifique de l'article 6 bis de la convention de Paris.


    28 Selon les lignes directrices adoptées par l'OMPI, du reste, aux fins de la protection à accorder aux marques notoirement connues, la même dimension territoriale de la notoriété finit par perdre son importance lorsque l'on affirme que les États peuvent accorder la protection prévue par l'article 6 bis de la convention même lorsque la marque en question ne serait pas notoirement connue ou connue sur le territoire national mais seulement à l'étranger (voir ci-dessus point 7).


    29 Cela ne vaut donc pas, comme cela ressort déjà de l'ensemble des considérations exposées, pour l'hypothèse dans laquelle ledit motif de refus ou de nullité serait invoqué au bénéfice d'une marque antérieure notoirement connue dans l'État membre en question en l'absence d'usage de ladite marque sur le territoire de l'État.


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