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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Santos Palhota and Others (Freedom to provide services) French Text [2010] EUECJ C-515/08 (05 May 2010)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2010/C51508_O.html

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(AVIS JURIDIQUE) IMPORTANT: IMPORTANT LEGAL NOTICE - The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.



CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. P. Cruz Villalón

présentées le 5 mai 2010 (1)

Affaire C-515/08

Santos Palhota et autres

[demande de décision préjudicielle formée par le Rechtbank van eerste aanleg van het gerechtelijk arrondissement Antwerpen (tribunal de première instance de l’arrondissement judiciaire d’Anvers)]

«Libre prestation de services – Articles 56 TFUE et 57 TFUE – Détachement de travailleurs – Directive 96/71/CE – Article 5 – Obligations exigées par l’État membre de destination à l’employeur établi dans un autre État membre – Déclaration préalable – Conservation et mise à disposition de documents sociaux équivalents à ceux de l’État membre d’établissement – Restrictions à la libre prestation de services fondées sur des raisons impérieuses d’intérêt général – Principe de proportionnalité»





I –    Introduction

1.        Le Rechtbank van eerste aanleg van het gerechtelijk arrondissement Antwerpen (tribunal de première instance de l’arrondissement judiciaire d’Anvers; ci-après le «Rechtbank») demande à la Cour de se prononcer sur le point de savoir si le droit belge peut être interprété comme étant conforme à l’article 5 de la directive 96/71/CE sur le détachement de travailleurs (2), ainsi qu’aux articles 56 TFUE et 57 TFUE.

2.        La présente affaire est, en substance, une conséquence de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Arblade e.a. (3), qui a fixé les critères nécessaires pour déterminer, à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE, la conformité avec le traité d’une réglementation nationale visant à contrôler la régularité du transit intracommunautaire de travailleurs. En particulier, divers doutes surgissent quant à la licéité de l’obligation incombant à l’employeur de remettre préalablement à l’administration du travail belge une déclaration de détachement ainsi que de tenir à sa disposition des documents comparables au compte individuel ou au décompte salarial belges.

3.        Dix ans plus tard, la Cour doit apprécier un problème similaire à celui soulevé dans l’arrêt Arblade, mais dans le contexte d’un nouveau cadre juridique national et après un important développement de la jurisprudence de l’Union en matière sociale. Par conséquent, la présente affaire offre l’occasion d’établir si la constatation selon laquelle l’Union poursuit également un objectif social, comme la Cour l’a déclaré dans les affaires Viking Line et Laval un Partneri (4) et après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, a un quelconque impact sur la jurisprudence établie dans l’arrêt Arblade.

II – La réglementation applicable

A –    Le droit de l’Union

1.      La libre prestation de services

4.        L’article 56 TFUE stipule:

«Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation.
Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent étendre le bénéfice des dispositions du présent chapitre aux prestataires de services d’un État tiers et établis à l’intérieur de l’Union.»

2.      La directive 96/71

5.        En vue d’harmoniser les détachements de travailleurs ayant lieu dans le cadre d’une prestation de services transfrontalière, la directive 96/71 a introduit une série de mesures concernant les droits des travailleurs et les obligations des employeurs. En ce qui concerne les conditions de travail et d’emploi, l’article 3, paragraphe 1, de la directive précitée dispose comme suit:

«Conditions de travail et d’emploi
1. Les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises visées à l’article 1er paragraphe 1 garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d’emploi concernant les matières visées ci-après qui, dans l’État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté, sont fixées:
– par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives
et/ou
– par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d’application générale au sens du paragraphe 8, dans la mesure où elles concernent les activités visées en annexe:
a) les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos;
b) la durée minimale des congés annuels payés;
c) les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires; le présent point ne s’applique pas aux régimes complémentaires de retraite professionnels;
d) les conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des entreprises de travail intérimaire;
e) la sécurité, la santé et l’hygiène au travail;
f) les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes;
g) l’égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que d’autres dispositions en matière de non-discrimination.
Aux fins de la présente directive, la notion de taux de salaire minimal visée au second tiret point c) est définie par la législation et/ou la pratique nationale(s) de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché».

6.        L’article 5 autorise les États membres à prendre des mesures appropriées pour garantir le respect de la directive 96/71, dans les termes suivants:

«Mesures
Les États membres prennent des mesures adéquates en cas de non-respect de la présente directive.
Ils veillent en particulier à ce que les travailleurs et/ou leurs représentants disposent de procédures adéquates aux fins de l’exécution des obligations prévues par la présente directive.»

B –    Le droit national

7.        La Belgique a transposé la directive 96/71 par la loi du 5 mars 2002 (5), incluant également les indications déjà données par la Cour dans l’arrêt Arblade. Entre autres mesures, et pour ce qui concerne la présente affaire, la loi de transposition a instauré un régime simplifié pour la tenue de certains documents sociaux par les entreprises qui détachent des travailleurs en Belgique (ci-après le «régime simplifié»). Ce régime a été mis en œuvre par l’arrêté royal du 29 mars 2002 (6), qui a défini les activités dans le domaine de la construction expressément visées à l’article 6, paragraphe 2, de la loi de transposition précitée.

8.        Comme il ressort des allégations de la Commission, du gouvernement belge et des accusés dans l’affaire au principal, le régime simplifié de tenue de documents sociaux prévu par la loi et par l’arrêté royal du 29 mars 2002 n’est plus appliqué depuis le 1er avril 2007, car il a été remplacé «par un nouveau système plus commode et plus accessible», basé sur un format électronique de déclaration de détachement appelée «déclaration Limosa» (7). Aux fins de la présente question préjudicielle, la réglementation de 2002 constitue toutefois, ratione tempore, le cadre juridique national de référence.

9.        L’article 8 de la loi de transposition, dans la version en vigueur à la date des faits de l’espèce, dispensait l’employeur satisfaisant aux conditions de l’article 6 ter, paragraphe 2, de l’arrêté royal n° 5, du 23 octobre 1978, de la tenue de certains documents sociaux, bien qu’uniquement durant la période de six mois déterminée par le Roi en vertu dudit paragraphe. Ainsi, l’employeur n’était pas tenu d’établir le règlement de travail  (8), le décompte salarial  (9), les documents relatifs aux contrats de travail  (10), ainsi que l’écrit et la déclaration immédiate de l’emploi, pour autant qu’il ne soit pas soumis aux régimes belges de sécurité sociale  (11).

10.      Conformément à l’article 6 ter, paragraphe 2, de l’arrêté royal n° 5 précité, les employeurs sont dispensés d’établir et de tenir les documents sociaux prévus par ou en vertu du chapitre II dudit arrêté royal, pour autant qu’ils remplissent deux conditions: en premier lieu, que, préalablement à l’occupation de travailleurs, ils envoient aux fonctionnaires compétents une déclaration de détachement, établie conformément à l’article 6 quater. En second lieu, qu’ils tiennent à la disposition de ces mêmes fonctionnaires, durant la période d’occupation visée au paragraphe 1, une copie des documents prévus par la législation du pays où l’employeur est établi qui sont équivalents au «compte individuel» visé à l’article 4, paragraphe 1, de l’arrêté royal ou au «décompte» visé à l’article 15 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs.

11.      Si l’employeur n’est pas en possession des «documents équivalents», l’article 6 quater, paragraphe 4, de l’arrêté royal n° 5 précité prévoit qu’il est tenu d’établir et de tenir le compte individuel et le décompte salarial prévus par la réglementation belge.

12.      Le chapitre III de l’arrêté royal du 29 mars 2002, sous le titre de «Modalités de la dispense de tenue et d’établissement de documents sociaux», est composé d’un article 3, qui exige que, préalablement au début de la période d’occupation des travailleurs détachés, les employeurs envoient par lettre, par courrier électronique ou par fax à l’inspection des lois sociales une «déclaration préalable de détachement» conforme à l’article 4 dudit arrêté. La réception et la conformité de cette déclaration est attestée dans les cinq jours ouvrables à dater de sa réception par l’inspection qui, à cette fin, délivre, par les mêmes moyens décrits, un «numéro d’enregistrement» de la déclaration à l’employeur (paragraphe 2). L’occupation effective de ces travailleurs ne peut avoir lieu qu’après la date du jour où l’inspection a notifié à l’employeur le numéro d’enregistrement. À défaut, ce dernier ne peut bénéficier de cette dispense (paragraphe 3).

13.      Le chapitre IV de ce même arrêté royal, relatif à la «déclaration de détachement», contient un article 4, qui détaille les mentions que cette déclaration préalable doit contenir:

«1. en ce qui concerne l’employeur qui détache des travailleurs en Belgique: le nom, prénom et le domicile ou la raison sociale et le siège social de l’entreprise, la nature de l’activité de l’entreprise, l’adresse, le numéro de téléphone, le numéro de fax, l’adresse courrier électronique et le numéro d’identification ou d’enregistrement de l’employeur auprès de l’organisme de sécurité sociale compétent du pays d’origine.
2. en ce qui concerne le préposé ou mandataire de l’employeur auprès duquel les documents équivalents sont mis à disposition conformément à l’article 5, § 1er, du présent arrêté: le nom et le prénom, la raison sociale, l’adresse, le numéro de téléphone, le numéro de fax et l’adresse courrier électronique;
3. en ce qui concerne chacun des travailleurs détachés en Belgique: le nom et le prénom, le domicile, la date de naissance, l’état civil, le sexe, la nationalité, l’adresse, le numéro de téléphone, le numéro et la nature du document d’identité, la date de la conclusion du contrat de travail, la date du début de l’occupation en Belgique et la fonction exercée;
4. en ce qui concerne les conditions de travail applicables aux travailleurs détachés: la durée hebdomadaire de travail, les horaires de travail;
5. en ce qui concerne le détachement: le type de prestations de services effectuées dans le cadre du détachement, la date du début du détachement et la durée prévisible du détachement, le lieu où les prestations de travail sont effectuées;
6. en ce qui concerne les documents équivalents: le lieu où ces documents sont tenus et conservés conformément à l’article 5 du présent arrêté.»

14.      L’article 4, paragraphe 2, dudit arrêté royal exige que la déclaration soit conforme à un modèle annexé à l’arrêté royal.

15.      Le chapitre V du texte réglementaire régit les «modalités de mise à disposition et de conservation des documents équivalents», distinguant entre «Durant la période d’occupation des travailleurs détachés en Belgique» dans la section première (article 5) et «Après la période d’occupation des travailleurs détachés en Belgique» dans la section 2 (article 6).

16.      L’article 5, paragraphe 1, prévoit l’obligation pour les employeurs de tenir une copie des documents équivalents à la disposition des services d’inspection, soit sur le lieu du travail où le travailleur est détaché soit au domicile belge d’une personne physique qui les conserve en tant que mandataire ou préposé de l’employeur. Cette exigence inclut celle consistant à régulièrement compléter les documents en fonction des obligations qui découlent de la loi du pays d’origine applicable à ceux-ci. A défaut, ils sont tenus d’établir et de tenir le compte individuel et le décompte salarial conformément à la réglementation belge, comme le prévoit l’article 5, paragraphe 1.

17.      Au terme de la période de six mois visée à l’article 2 de l’arrêté royal, les employeurs doivent conserver pendant cinq ans, à la disposition des services d’inspection correspondants et aux endroits précités, une copie de ces documents équivalents, devant à défaut établir le compte individuel et le décompte salarial belges. L’article 5, paragraphe 3, permet toutefois de conserver les copies des documents équivalents sous quelque forme que ce soit à condition qu’elles soient lisibles et que la forme de reproduction permette une surveillance efficace.

18.      De même, l’article 6 renvoie à l’obligation des employeurs de déposer à l’inspection des lois sociales la copie des documents équivalents, obligation qui est maintenue au terme de la période d’occupation.

III – Les faits et le litige au principal

19.      Termiso Limitada, société portugaise spécialisé en isolements thermiques et acoustiques dans le secteur de la réparation navale, détachait des soudeurs et des monteurs faisant partie de son personnel au Portugal sur le chantier naval que la société Antwerp Ship Repair possède à Anvers, afin d’exécuter des sous-contrats.

20.      Chaque fois qu’un contrat était conclu, Termiso demandait aux autorités portugaises les formulaires E101 (12), Antwerpen Ship Repair effectuant quant à elle la communication correspondante du détachement des travailleurs à l’inspection du travail, conformément à l’article 69 de la loi de réorientation économique, du 14 août 1978 (13).

21.      Lors d’un contrôle effectué le 12 juillet 2004 par l’inspection du service public fédéral de la sécurité sociale dans les installations navales d’Antwerp Ship Repair, il a été constaté que 53 opérateurs métallurgiques détachés de Termiso Limitada travaillaient dans lesdites installations. Aucun détachement desdits travailleurs n’avait fait l’objet de ladite déclaration préalable, qui n’avait donc pas été remise à l’inspection belge à l’avance. Pour sa part, le contremaître de Termiso n’a pu présenter aucun document salarial.

22.      Le 14 juillet 2004, l’inspection du travail a ouvert une procédure administrative contre Termiso Limitada pour infraction à la législation belge relative à la tenue des documents sociaux, procédure qui a été classée le 17 novembre 2004.

23.      La Belgique a classé comme délit le non-respect des conditions prévues par la législation sociale belge (14). À la suite de cette classification pénale, le ministère public a reproché à Termiso Limitada (employeur et personne morale personnellement responsable), à Vítor Manuel dos Santos Palhota (actionnaire et directeur général), à Mário de Moura Gonçalves (décédé) et à Fernando Luis das Neves Palhota (actionnaire et directeur technique) d’avoir commis plusieurs délits consistant en ne pas avoir tenu le compte individuel des travailleurs détachés, ainsi que ne pas avoir payé le salaire minimal légal et la rémunération des heures supplémentaires conformément à ce que prévoit la législation belge.

IV – La question préjudicielle et la procédure devant la Cour de justice

24.      Dans le cadre de la procédure pénale ouverte devant le Rechtbank contre Termiso Limitada, Vítor Manuel dos Santos Palhota, Mário de Moura Gonçalves et Fernando Luis das Neves Palhota, la juridiction précitée a suspendu la procédure et, conformément à l’article 267 TFUE, a posé à la Cour de justice la question préjudicielle suivante:

«Les dispositions de l’article 8 de la loi du 5 mars 2002 et des articles 3, 4 et 5 de l’arrêté royal du 29 mars 2002 (arrêté d’exécution) violent-elles les articles 49 CE et 50 CE, en ce qu’elles imposent aux employeurs étrangers qui souhaitent détacher des travailleurs de transmettre préalablement une déclaration de détachement au service d’inspection des lois sociales, ainsi que de tenir à sa disposition des documents comparables au compte individuel ou au décompte belges, faute de quoi leur accès au marché belge des services serait empêché ou, à tout le moins, gêné?»

25.      La question préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 26 novembre 2008.

26.      Des observations ont été déposées, dans le délai visé à l’article 23 du statut de la Cour, par les gouvernements de Belgique, d’Allemagne, de France, de Grèce et du Danemark, ainsi que par la Commission et les prévenus dans la procédure pénale nationale.

27.      Les agents du Royaume de Belgique, de la République hellénique, de la République française et de l’autorité de surveillance de l’AELE, ainsi que celui de la Commission ont comparu lors de l’audience, qui s’est tenue le 25 février 2010.

V –    Sur la recevabilité

28.      La Belgique invoque trois moyens pour contester la recevabilité de la question préjudicielle.

29.      En premier lieu, elle affirme que la consultation faite par le juge de renvoi est fondée sur une interprétation erronée de l’article 8 de la loi belge de transposition de la directive 96/71 et de son règlement d’application, qui est celle que le «régime simplifié» en cause serait obligatoire pour les prestataires de services. Or, ladite réglementation prévoit un système alternatif qui permet à l’employeur concerné soit de choisir le régime simplifié soit, de manière alternative, d’établir et de tenir les documents belges.

30.      En deuxième lieu, elle estime que l’ordonnance de renvoi est entachée de défauts de motivation, car ses cadres factuel et juridique ne permettent pas de déduire les raisons pour lesquelles l’ordre juridique belge serait contraire à l’actuel article 56 TFUE, mettant également en doute la pertinence de la directive 96/71 pour trancher l’affaire au fond.

31.      En troisième lieu, elle nie que la Cour puisse se prononcer sur l’article 57 TFUE, dans la mesure où nul n’a contesté que les tâches effectuées en Belgique par les travailleurs de Termiso Limitada consistent en une prestation de services, l’application dudit article incombant, en outre, au juge national.

32.      Le premier moyen d’irrecevabilité est manifestement insuffisant pour fonder un refus a limine de la question préjudicielle. En premier lieu, parce qu’il n’appartient pas à la présente Cour d’analyser le droit national, le mécanisme préjudiciel se fondant sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, celle-ci étant uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (15). En second lieu, parce que, quelles que soient les raisons qui ont pu inciter le Rechtbank à centrer ses doutes sur le régime simplifié, il est le seul à qui il appartient d’apprécier la nécessité de consulter la Cour et de choisir le cadre factuel et normatif fondant cette consultation (16).

33.      En ce qui concerne le deuxième moyen d’irrecevabilité, il convient de souligner que, selon une jurisprudence constante, le rejet a limine d’une question préjudicielle ne saurait être justifié que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (17), lorsque le problème est de nature hypothétique (18) ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (19).

34.      En effet, la définition du cadre factuel et réglementaire dans lequel s’inscrit la question préjudicielle est indispensable pour que la présente Cour puisse donner au juge national une interprétation utile du droit de l’Union (20), ainsi que, préalablement, pour que les parties à la procédure préjudicielle puissent présenter des observations (21).

35.      Dans ces conditions, et malgré le caractère synthétique de l’ordonnance, il est indéniable qu’elle donne une illustration minimale mais suffisante du rapport entre l’article 56 TFUE, la directive 96/71 et la réglementation belge de l’année 2002, ainsi que des circonstances factuelles sur lesquelles se fondent les doutes de la juridiction de renvoi. Par ailleurs, le fait que la directive précitée ne soit pas invoquée dans la question n’affecte en rien la compétence de la Cour, la juridiction de renvoi étant fondée à invoquer également l’article 56 TFUE, disposition qui est elle bien pertinente pour répondre à la question.

36.      Il en va de même pour le troisième moyen d’irrecevabilité invoqué par la Belgique, compte tenu du fait que l’article 57 TFUE interdit la discrimination dans le contexte de la libre prestation de services, cette problématique étant précisément celle se trouvant au cœur de l’affaire soulevée par le Rechtbank.

37.      Par conséquent, la question ne succombe à aucun moyen d’irrecevabilité.

VI – Sur le fond

A –    Le critère d’analyse

1.      Réflexion préliminaire: le détachement de travailleurs, la directive 96/71 et les intérêts en jeu

38.      La présente affaire montre une fois de plus les tensions inhérentes entre la construction du marché intérieur et la protection des valeurs sociales. Comme il ressort d’affaires précédentes, le détachement de travailleurs met en conflit les entreprises qui exercent la libre prestation de services, les travailleurs faisant partie de leur personnel qui sont transférés aux fins de la prestation et les États membres qui accueillent l’entreprise ainsi que les employés. La directive 96/71, dont l’objectif est de parvenir à un équilibre entre la liberté de l’employeur de prester ses services et la garantie de seuils minimaux de protection sociale, tente d’apporter une réponse à cette tension.

39.      L’élément essentiel déterminant l’application de la directive repose sur la réalisation d’une activité économique dans un État membre différent de l’État d’origine de l’entreprise, qui, simultanément, détache le travailleur pour son propre compte et sous sa direction. Le législateur de l’Union est donc conscient qu’«il convient, dans l’intérêt des parties, [de clarifier] les conditions de travail et d’emploi»  (22), raison pour laquelle les règles pour la détermination du droit du travail applicable sont définies.

40.      La question relative aux règles applicables (que ce soit du pays d’établissement ou d’accueil) est résolue en soulignant la nécessité de coordonner les législations nationales afin de fixer un noyau de règles impératives de protection minimale  (23), qui devront être observées dans l’État de destination quelle que soit la durée du détachement  (24). Cette idée est concrétisée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive, qui indique que les États membres veillent à ce que, «quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises (…) garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d’emploi» concernant des aspects aussi significatifs que, entre autres, les périodes maximales de travail et minimales de repos, les taux de salaire minimal ou la santé au travail. À cette liste est joint un paragraphe 7 qui garantit, en tout état de cause, «l’application de conditions d’emploi et de travail plus favorables pour les travailleurs»  (25).

41.      À titre de clause finale, le paragraphe 10 de l’article 3 précité reconnaît aux États membres, à condition qu’ils respectent les traités, la possibilité d’imposer aux entreprises qui détachent des travailleurs sur leur territoire des conditions de travail et d’emploi concernant des matières autres que celles visées au paragraphe 1, premier alinéa, dudit article, dans la mesure où il s’agit de dispositions d’ordre public.

42.      Le régime qui vient d’être cité, qui peut être qualifié de sphère matérielle de la directive en ce qui concerne la relation de travail, coexiste avec un bloc accessoire, mais essentiel, pour se conformer au précédent: les règles nationales de contrôle et de police, destinées à vérifier le respect des droits des travailleurs détachés. C’est précisément dans ce dernier groupe que se trouvent les dispositions belges litigieuses en l’espèce. Ces règles, généralement adoptées et imposées par l’État de destination, ne figurent pas dans le bloc de fond de la directive: premièrement, parce qu’elles n’apparaissent pas dans l’article 3 et, deuxièmement, parce que l’article 5 confie aux États membres la garantie effective des objectifs de la directive.

43.      Une conséquence en découle: dans la mesure où l’article 5 précité confère aux États la possibilité d’adopter des mesures de garantie de la directive 96/71, la conformité de ces mesures avec le droit de l’Union doit être examinée à la lumière des traités  (26). Par conséquent, la présente affaire ne nécessite pas tant une interprétation de l’article 5 précité que des articles 56 TFUE et 57 TFUE, qui reconnaissent la libre prestation de services, ainsi que des conditions de fond qui s’imposent aux États pour garantir le caractère effectif de cette liberté.

44.      Ce résultat est, en outre, cohérent avec la jurisprudence de la Cour, qui a procédé récemment à une interprétation large des mesures d’ordre matériel de la directive 96/71, prenant clairement position en faveur de la libre prestation de services. Il est constant que l’arrêt Laval un Partneri, précité, a introduit une lecture de l’article 3 de la directive 96/71 qui limite aux États membres la marge de manœuvre pour imposer aux entreprises étrangères qui détachent des travailleurs sur leur territoire des mesures de protection sociale distinctes de celles citées dans ledit article. Cette lecture de l’article 3 de la directive 96/71 conditionne également l’application de l’article 56 TFUE, et notamment le type de contrôle pouvant être fait sur des mesures nationales de protection des travailleurs. Cette approche, non exempte de critiques et d’ambiguïtés  (27), a été récemment réitérée dans les affaires Rüffert (28) et Commission/Luxembourg  (29).

45.      Toutefois, lorsque les mesures en question concernent les mesures de contrôle et de police que les États membres adoptent pour garantir le respect de l’article 3 de la directive 96/71 précité, la Cour a confirmé que le critère de contrôle pertinent est le traité. C’est ce qui découle de l’arrêt Commission/Luxembourg, précité, où la Cour a statué sur des mesures de fond nationales à la lumière de l’article 3 de la directive 96/71, les mesures de contrôle et de police faisant elles l’objet d’un contrôle fondé sur les traités.

46.      Par conséquent, le critère d’analyse, ainsi que le type de contrôle pouvant être appliqué aux mesures nationales en cause, est celui prévu dans les traités, tout comme cela s’est produit dans l’affaire Arblade. Ainsi, la jurisprudence établie dans cette affaire reste entièrement applicable, malgré l’évolution récente vécue après l’arrêt Laval un Partneri.

47.      Or, cette conclusion n’empêche pas, comme la Cour l’a avancé dans l’arrêt Arblade, que le juge de renvoi «tienne compte, conformément à un principe de son droit pénal, des dispositions plus favorables de la directive 96/71 pour les besoins de l’application du droit interne, même si le droit communautaire ne comporte pas d’obligation en ce sens»  (30). Par conséquent, si la directive 96/71 introduisait des critères atténuant la responsabilité pénale des accusés, elle pourrait être prise en considération lors de l’application des articles 56 TFUE et 57 TFUE.

2.      Les restrictions à la libre prestation de services et leur justification

48.      Dans un scénario d’absence d’harmonisation des règles applicables aux services, les obstacles à l’article 56 TFUE découlent parfois de la vocation des législations nationales de s’imposer à toute personne se trouvant sur le territoire national, y compris aux prestataires de services qui, établis dans d’autres États membres, se trouvent conjoncturellement sur leur territoire. La jurisprudence a affirmé de manière réitérée que cette liberté fondamentale exige non seulement l’élimination de toute discrimination en raison de la nationalité à l’encontre du prestataire de services transfrontaliers, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services similaires  (31).

49.      Par conséquent, la Cour utilise une notion de «restriction» large en ce qui concerne la libre prestation de services, allant de l’interdiction effective d’une activité à la simple perte de son caractère attrayant. Cette évolution va de pair avec celle qu’ont connu d’autres libertés, notamment la libre circulation des marchandises.

50.      Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, TFUE, applicable à la libre prestation de services par le renvoi que l’article 62 TFUE fait à cette disposition, les restrictions à la liberté peuvent être justifiées pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Toutefois, si la restriction est une mesure indistinctement applicable qui n’engendre pas de discrimination directe, la Cour a admis que de telles mesures se justifient également «par des raisons impérieuses d’intérêt général et s’appliquant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l’État membre d’accueil, dans la mesure où cet intérêt n’est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre où il est établi»  (32). Cette justification doit être interprétée de manière restrictive  (33) et à travers un contrôle de proportionnalité  (34).

51.      Depuis le 1er décembre 2009, date à laquelle le traité de Lisbonne est entré en vigueur, il convient de prendre en considération plusieurs dispositions de droit social primaire touchant au cadre des libertés. Notamment, le détachement de travailleurs, dans la mesure où il peut moduler l’intensité de la libre prestation de services, doit être interprété à la lumière des dispositions sociales introduites par ledit traité. En effet, l’article 9 TFUE a prévu une clause transversale de protection sociale qui oblige les institutions à prendre en compte «les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine». Cette exigence est formulée après avoir déclaré, à l’article 3, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne, que la construction du marché intérieur est matérialisée par des politiques fondées sur «une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social».

52.      Ce mandat social trouve un reflet encore plus clair dans l’article 31 de la charte des droits fondamentaux, texte qui fait maintenant partie du droit primaire de l’Union, qui proclame que «[t]out travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité». Parmi ces conditions, il est prévu une garantie relative à la durée, aux périodes de repos et aux congés payés, qui illustrent, mais non de manière exhaustive, un cadre minimal de protection en faveur du travailleur.

53.      L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne exige que, si les conditions de travail constituent une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une dérogation à la libre prestation de services, elles doivent cesser d’être interprétées de manière restrictive. Dans la mesure où la protection du travailleur intervient comme facteur méritant la protection des traités eux-mêmes, on ne se trouve pas devant une simple dérogation à une liberté, ni encore moins devant une exception non écrite découlant de la jurisprudence. Le nouveau cadre de droit primaire, dans la mesure où il impose nécessairement un degré élevé de protection sociale, permet aux États membres, en vue de garantir un certain niveau de protection sociale, de limiter une liberté, et de le faire sans que le droit de l’Union ne le considère comme quelque chose d’extraordinaire, et donc méritant une analyse restrictive. Cette thèse, qui trouve son fondement dans les nouvelles dispositions des traités qui viennent d’être cités, se concrétise en pratique par l’application du principe de proportionnalité.

54.      Ainsi, pour être justifiées dans les termes qui viennent d’être exposés, les mesures en matière d’emploi litigieuses de l’État d’accueil doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. Ce critère de proportionnalité, que la Cour a appliqué de manière réitérée dans sa jurisprudence en matière de libertés fondamentales, est généralement qualifié comme, respectivement, le test du caractère approprié et de la nécessité.

55.      Par conséquent, il convient de déterminer si les mesures en cause constituent une restriction à la libre prestation de services, puis, si la réponse est positive, apprécier si elles sont justifiées en procédant au contrôle de proportionnalité. Cette analyse doit être faite de manière individualisée, en examinant séparément chaque mesure concernée, et à la lumière d’un type de contrôle qui, en application du traité, soit particulièrement sensible à la protection sociale du travailleur.

B –    Les mesures de contrôle belges

56.      Le régime simplifié instauré en Belgique en 2002 dispense le prestataire de services établi dans un autre État membre d’établir certains documents prévus par le droit du pays d’accueil, à condition a) qu’il remette au service belge d’inspection des lois sociales une déclaration préalable relative à chaque travailleur qu’il détache, conformément à un modèle détaillé, b) qu’il conserve et tienne à la disposition des autorités correspondantes les documents du pays d’établissement de l’entreprise comparables au compte individuel et au décompte salarial prévus par l’ordre juridique belge et c) que ce détachement temporaire n’excède pas six mois.

57.      Par conséquent, le régime simplifié ne s’applique jamais à des détachements supérieurs à six mois, et est également exclu pour les détachements inférieurs à six mois lorsqu’il n’est pas satisfait à la condition de la déclaration préalable, le régime général s’appliquant alors.

1.      La déclaration préalable au détachement

a)      Énoncé

58.      La Commission et les accusés dans la procédure au principal affirment que la déclaration obligatoire, ainsi que les conséquences de son omission recouvrent en réalité une véritable autorisation qui entrave la libre prestation de services. En revanche, le gouvernement belge souligne que la jurisprudence communautaire a expressément admis cette technique de contrôle, niant qu’elle constitue une condition nécessaire pour pouvoir éluder le régime ordinaire.

59.      Malgré les arguments invoqués par la Belgique, tout indique qu’il s’agit d’une restriction à la libre prestation de services, l’État membre rompant l’égalité de conditions entre le prestataire étranger et le prestataire national, puisque la déclaration préalable n’est demandée qu’au premier.

60.      Tout d’abord, il convient de rappeler que la jurisprudence a indiqué qu’une déclaration préalable est justifiée aux fins de la protection des travailleurs (35). En effet, on ne saurait rien objecter à l’obligation que le prestataire de services procède à une telle formalité pour attester que les travailleurs concernés sont en situation régulière, notamment au regard des conditions de résidence, d’autorisation de travail et de couverture sociale, dans l’État membre où cette entreprise les emploie. Une telle mesure n’excède pas ce qui est nécessaire pour prévenir les abus auxquels peut donner lieu la mise en œuvre de la liberté de prestation des services.

61.      Comme indiqué ci-après, cette justification est défendable en ce qui concerne le contenu et la forme de la déclaration. Toutefois, la subordination de son acceptation à un moment antérieur au détachement, ainsi que certains aspects ayant trait à son application pratique font naître des doutes quant à sa conformité avec l’article 56 TFUE.

b)      Le contenu de la déclaration

62.      Les données qui, selon l’article 4 de l’arrêté royal du 29 mars 2002, doivent figurer dans la déclaration préalable ne soulèvent pas trop de doutes après une analyse à la lumière des traités. Comme l’ont indiqué les États qui ont présenté des observations, la finalité visée par ces informations détaillées est celle de vérifier, conformément aux paramètres de la directive 96/71, la régularité de la situation dans laquelle se trouvent les travailleurs dans l’État d’origine et la détermination des droits dont ils devraient bénéficier là où a lieu la prestation temporaire de services. Ces données sont, en outre, indispensables pour déterminer la règle qui leur est le plus favorable. Les informations détaillées quant à l’employeur, aux travailleurs eux-mêmes (36), ainsi que le reflet des conditions de travail applicables, plus précisément la durée hebdomadaire et les horaires de travail, visent à vérifier la régularité de leur embauche dans l’État d’origine. Par conséquent, l’objectif consistant à déterminer les droits reconnus aux employés dans l’État d’accueil est proportionnel à la recherche sur «le type de prestations de services effectuées dans le cadre du détachement, la date du début du détachement et la durée prévisible du détachement, le lieu où les prestations de travail sont effectuées».

63.      De même, connaître l’endroit où les documents équivalents sont tenus et conservés, ainsi que les informations sur la personne qui s’en charge en Belgique est cohérent avec une protection efficace des travailleurs. C’est ce qu’a jugé la Cour dans l’arrêt Arblade, indiquant que cette protection, notamment en matière de sécurité, de santé et de temps de travail, «peut exiger de tenir certains documents à disposition sur le chantier ou, au moins, en un lieu accessible et clairement identifié du territoire de l’État membre d’accueil pour les autorités de cet État chargées d’effectuer les contrôles, faute, notamment, d’un système organisé de coopération ou d’échange d’informations entre États membres, tel que prévu à l’article 4 de la directive 96/71».

c)      La forme de la déclaration

64.      L’exigence que la déclaration soit rédigée selon un modèle type ne doit pas non plus être considérée comme une charge excessive pour le prestataire de services; au contraire, elle lui offre une clarté juridique et lui simplifie la tâche d’envoyer la déclaration. En outre, ce dernier peut compléter le formulaire dans sa propre langue (37).

d)      L’attestation de la conformité de la déclaration préalable avant le détachement

65.      Les règles belges qui accompagnent la réglementation litigieuse en l’espèce méritent une réflexion plus approfondie, notamment celles qui dispensent de l’établissement et de la tenue des documents sociaux belges si l’inspection atteste «[l]a réception et la conformité de cette déclaration» dans les cinq jours ouvrables à dater de sa réception, délivre un numéro d’enregistrement de ladite déclaration et le notifie à l’employeur.

66.      La Belgique qualifie le système de la déclaration préalable de «simple procédure de notification»  (38), niant qu’il s’agisse d’une condition nécessaire pour procéder au détachement. Toutefois, cette lecture est contredite par son affirmation selon laquelle «[l]’application du régime simplifié [est] subordonnée à l’envoi d’une déclaration de détachement»  (39), ainsi que par le libellé des dispositions qui régissent ladite déclaration.

67.      Selon l’arrêt Commission/Allemagne précité, un contrôle ex ante des autorités du pays de destination «excède ce qui est nécessaire pour prévenir les abus auxquels peut donner lieu la mise en œuvre de la liberté de prestation des services»  (40). La vérification préalable des conditions s’oppose à la finalité purement informative que la jurisprudence attribue à ce type de communications, qui n’est autre que permettre aux autorités nationales de «contrôler ces données a posteriori et de prendre les mesures nécessaires en cas d’irrégularité de la situation desdits travailleurs»  (41).

68.      En outre, il est important d’ajouter que, en ce qui concerne le détachement de travailleurs d’un État tiers faisant partie du personnel d’une entreprise établie dans l’Union, la jurisprudence a refusé que la règle nationale subordonne l’exercice de leurs prestations à la délivrance d’une autorisation administrative (42). Il semble donc raisonnable que la Cour maintienne une position équivalente lorsqu’il s’agit de salariés citoyens de l’Union, comme c’est le cas pour les employés de Termiso Limitada.

69.      Toutefois, la présente affaire présente une particularité par rapport à la jurisprudence relative aux ressortissants d’États tiers, car la déclaration préalable qui doit être faite par l’employeur est suivie, de manière contraignante, par l’octroi d’un numéro d’enregistrement par les autorités belges. Comme je l’ai dit précédemment, l’attestation de conformité des autorités de l’État d’accueil n’implique pas toujours un contrôle du respect par le détachement de toutes les exigences prévues dans la réglementation sociale. Bien au contraire, la déclaration de conformité peut être interprétée comme une formalité se limitant à constater que la déclaration a été bien remplie. Toutefois, l’appréciation à porter sur le régime belge est très différente si l’on observe que la prestation de services ne peut commencer avant que le numéro d’enregistrement de la déclaration précité n’ait été délivré et notifié à l’employeur, numéro sans lequel, comme il a été montré, le détachement ne pourrait avoir lieu.

70.      Par conséquent, la simple transmission d’informations aux autorités du pays de destination ainsi que l’attestation de la réception ont une capacité potentielle à se transformer en mécanismes de vérification et d’autorisation préalables au commencement de la prestation. Un tel résultat est difficilement conciliable avec les traités, et ce d’autant moins si la déclaration est analysée sous l’angle de son efficacité.

e)      L’efficacité administrative de la déclaration

71.      Il est évident que la connaissance des circonstances qui entourent une relation de travail facilite le travail d’inspection. Par l’attestation de conformité de la déclaration préalable, le contenu de la relation de travail est porté à la connaissance de l’inspecteur afin d’éviter les éventuels défauts dont elle pourrait souffrir avant le début de la prestation. Ainsi, si de telles irrégularités étaient constatées, l’employeur ne se verrait pas délivrer de numéro d’enregistrement (or, comme je l’ai déjà dit, il n’y a pas de détachement ni de travail sans enregistrement), évitant que ce soit l’inspecteur qui vérifie de tels défauts sur le lieu de travail.

72.      Toutefois, et sous l’angle de l’article 56 TFUE, une telle efficacité de gestion ne justifie pas que le détachement soit subordonné à l’acceptation de la déclaration à travers un numéro d’enregistrement.

73.      L’arrêt Arblade est catégorique lorsqu’il indique que le critère consistant à faciliter l’accomplissement de la mission de contrôle des autorités «ne suffit pas […] pour justifier une telle restriction à la libre prestation des services», ajoutant qu’«[i]l faut également que ces autorités ne soient pas en mesure d’exécuter leur mission de contrôle de manière efficace»  (43). Dans le même sens, l’arrêt Commission/Luxembourg a déclaré disproportionnée l’exigence que ce soit un mandataire résidant au Luxembourg qui conserve des documents déterminés, indiquant que le Grand-Duché «n’a avancé aucun élément concret au soutien de la thèse selon laquelle seule la conservation des documents en question par un mandataire résidant au Luxembourg permettrait auxdites autorités d’effectuer les contrôles qui leur incombent»  (44).

74.      Les données de la déclaration sont suffisamment claires pour permettre ensuite l’activité d’inspection, sans que l’on puisse voir dans quelle mesure la subordination à l’acceptation de ladite déclaration dans le délai de cinq jours est nécessaire à la mise en œuvre de ladite activité.

75.      Une telle exigence ne confère pas non plus d’avantage réel ni additionnel aux travailleurs détachés par rapport à celui que leur donne un contrôle a posteriori (45). En fait, l’existence même du litige national, qui reflète les vérifications des autorités quant aux droits salariaux des travailleurs de Termiso Limitada, constitue une preuve que la vérification préalable de la déclaration individuelle de détachement n’est pas déterminante aux fins de la mission de l’inspection belge.

76.      Par ailleurs, en ce qui concerne le délai de cinq jours dont disposent les autorités belges pour accuser réception de la déclaration et émettre le numéro d’enregistrement, il a été démontré que, bien que court, ce délai peut entraver la libre prestation de services dont jouissent des entreprises comme Termiso, l’exécution du type de services offert exigeant un détachement quasi immédiat de ses travailleurs en Belgique  (46), auquel elle ne pourrait procéder si elle devait attendre la réponse de l’inspection dans ledit délai. À titre d’exemple, un régime de silence positif, selon lequel l’octroi du numéro serait présumé à défaut de réponse de l’autorité dans les délais, pourrait être une méthode alternative. Cette solution montre donc qu’il existe des moyens moins contraignants que l’attente de la confirmation et du numéro d’enregistrement. Par conséquent, l’analyse de ladite attente ne résiste pas à un contrôle de proportionnalité  (47).

f)      Récapitulation

77.      Au vu des arguments exposés, les articles 56 TFUE et 57 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui subordonne le détachement des travailleurs et le commencement effectif de la prestation de services à l’attestation de la réception et de la conformité de la déclaration préalable dans les cinq jours ouvrables à dater de sa réception par l’inspection.

2.      Les documents de l’État d’établissement équivalents à ceux du pays d’accueil

a)      Énoncé

78.      La seconde mesure qui suscite les doutes du Rechtbank est celle qui contraint l’entreprise établie dans un autre État membre à tenir à la disposition des autorités compétentes certains documents du pays d’origine comparables à d’autres documents du pays de destination, concrètement ceux relatifs au compte individuel et au décompte salarial belges.

79.      L’interdiction du «double contrôle» combinée à la jurisprudence de la Cour permettent d’affirmer que la directive 96/71 exige l’existence d’un degré raisonnable d’équivalence entre les mécanismes de garantie imposés dans l’État d’accueil et ceux exigés dans l’État d’origine de l’employeur. Cette comparabilité des exigences est fréquemment requise en ce qui concerne les documents sociaux, point de départ habituel de l’inspection du travail.

80.      Dans ses conclusions présentées dans l’affaire Arblade, l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer a examiné la portée de cette exigence d’équivalence, soulignant que les États de destination doivent «s’assurer que ces entreprises ne remplissent pas déjà des obligations similaires au titre de la législation de leur État membre d’établissement, et cela quels que soient la dénomination des différents documents, leur contenu ou leur finalité. Si tel est le cas, ils devront reconnaître l’équivalence». Ainsi, les États de destination «ne pourront exiger des [prestataires de services qu’ils] se conforment à leur législation que dans la mesure où elle complète la législation de l’État d’établissement, à l’exclusion de toute mesure superfétatoire» (point 89).

81.      La Cour a repris cette approche dans l’arrêt rendu dans ladite affaire, affirmant que l’obligation d’établir et de tenir les documents de l’État membre d’accueil «entraîne des frais et des charges administratives et économiques supplémentaires pour les entreprises établies dans un autre État membre, de sorte que ces entreprises ne se trouvent pas sur un pied d’égalité, du point de vue de la concurrence, avec les employeurs établis dans l’État membre d’accueil» (point 58). La Cour a considéré que «le seul fait qu’il existe certaines différences de forme ou de contenu ne saurait justifier la tenue de deux séries de documents conformes, les uns à la réglementation de l’État membre d’établissement, les autres à celle de l’État membre d’accueil, si les informations fournies par les documents exigés par la réglementation de l’État membre d’établissement sont suffisantes, dans leur ensemble, pour permettre les contrôles nécessaires dans l’État membre d’accueil»  (48). Par conséquent, elle est parvenue à la conclusion que «[l]e fait d’imposer une telle obligation constitue […] une restriction à la libre prestation des services au sens de l’article 59 du traité»  (49).

82.      Sous la jurisprudence établie dans l’arrêt Arblade bat un principe de confiance mutuelle entre les États membres, car, en définitive, l’interdiction de la «double charge» entraîne l’admission du droit d’un autre État membre (celui du pays d’origine) en tant qu’instrument valable pour la défense de l’intérêt général dans le pays de destination.

83.      À partir de ce qui a été exposé, on pourrait affirmer que l’exigence des documents du pays d’origine (in abstracto, sans considérer les devoirs de tenue et de conservation) ne constitue pas une limitation à l’article 56 TFUE, étant donné que, d’une part, l’entreprise doit les élaborer dans l’État dans lequel elle est établie, tout comme les autres, et que, d’autre part, les entreprises établies dans le lieu de la prestation doivent également présenter les documents «équivalents» de la législation belge. Toutefois, les caractéristiques concrètes du régime belge, notamment le devoir de conservation des documents précités, peuvent conduire, comme je le montrerai ci-après, à un résultat différent.

b)      Les documents équivalents au compte individuel et au décompte salarial du pays d’accueil

84.      Sans entrer dans le sens du choix que, selon le gouvernement belge, son système offre au prestataire de services (entre le régime simplifié ou l’établissement direct des documents prévus en Belgique), il peut être noté que le régime simplifié vise à dispenser l’employeur de certaines formalités comme l’établissement et la tenue de certains documents (entre autres le compte individuel et le décompte salarial) qui, conformément à l’article 56 TFUE, ne peuvent être exigées en cas de détachement temporaire de travailleurs que lorsque leur protection sociale n’est pas garantie par les documents prévus dans la législation de l’État membre dans lequel l’entreprise est établie.

85.      Les allégations de la Belgique confirment cette lecture: étant donné que l’arrêt Arblade empêche d’instaurer l’obligation générale pour les employeurs étrangers d’établir le compte individuel prévu par le droit belge, celui-ci dispense l’employeur d’une telle charge sous certaines conditions.

86.      En effet, la jurisprudence a tracé un critère principal et un autre subsidiaire, donnant un mandat clair aux autorités et, le cas échéant, aux juridictions de l’État membre d’accueil, pour qu’elles «vérifient successivement, avant d’exiger l’établissement et la tenue sur le territoire de cet État des documents sociaux ou de travail conformément à leur propre réglementation, que la protection sociale des travailleurs qui est susceptible de justifier ces exigences ne serait pas suffisamment sauvegardée par la production, dans un délai raisonnable, des documents tenus dans l’État membre d’établissement ou leur copie»  (50).

87.      Au cas où l’employeur n’aurait pas ces documents équivalents, la réglementation de l’État d’accueil l’oblige à établir et à tenir le compte individuel et le décompte salarial prévus par l’ordre juridique belge. Par conséquent, on ne saurait censurer un régime qui réclame des documents sociaux équivalents à ceux du pays d’établissement, laissant à un plan subsidiaire l’exigence du régime documentaire ordinaire. Il saute aux yeux que cette approche est compatible avec la jurisprudence établie par la Cour dans l’arrêt Arblade.

88.      Cela dit, il est plus difficile de justifier que la Belgique limite la jurisprudence de la Cour aux seuls détachements inférieurs à six mois, puisque les détachements supérieurs à ce délai sont également soumis à l’article 56 TFUE. En fin de compte, les détachements qui excèderaient six mois resteraient temporaires, comme on peut le déduire des arrêts Rush Portuguesa, Vander Elst, Finalarte ou Commission/Luxembourg, où la Cour a précisé que, dans la mesure où les travailleurs sont détachés pour le compte d’une entreprise qui ne s’établit pas dans l’État d’accueil mais qui y fournit des services, «ils ne prétendent pas accéder au marché de l’emploi de l’État membre de détachement»  (51).

c)      Le contenu des documents

89.      Le compte individuel de chaque travailleur reprend les prestations réalisées par le travailleur durant un an ainsi que la rémunération perçue. Le décompte salarial, qui est envoyé au travailleur à chaque période de rémunération, indique les modalités précises de calcul de leurs rétributions et les rétentions correspondantes.

90.      Le caractère approprié de ces deux documents pour déterminer les droits économiques du travailleur est évident, en ce qu’ils permettent de vérifier le respect des limites fixées soit par la règle soit par la convention collective, ainsi que la rétribution effective de tous les journées où la prestation de services a eu lieu, y compris les jours fériés et les congés annuels, documents également nécessaires aux fins de vérifier le salaire minimal et la contreprestation pour les heures supplémentaires. En outre, ces écrits sont indispensables pour comparer les droits de l’employé dans les différentes législations et, sur la base du respect de l’équivalence des documents de l’État d’établissement avec ceux de l’État de destination, ils sont moins contraignants que d’autres alternatives, comme celle consistant à compléter directement les documents belges.

d)      La conservation des documents

91.      En ce qui concerne la conservation des documents, il convient de souligner ses trois aspects distincts: le premier est relatif à la mise à disposition et à la conservation des documents équivalents pendant la durée d’occupation des travailleurs détachés en Belgique; le deuxième étend l’obligation de conservation à cinq ans, à compter de l’expiration des six mois depuis le premier détachement; et le troisième a trait au lieu de conservation, à savoir le lieu de travail où le travailleur est détaché ou le domicile belge d’une personne physique qui les conserve en tant que mandataire.

92.      En ce qui concerne l’exigibilité dans le temps de cette obligation, le système organisé de coopération ou d’échange d’informations entre États membres prévu à l’article 4 de la directive 96/71 rend superflue la conservation de ces documents dans l’État membre d’accueil après que l’employeur a cessé d’y employer les travailleurs  (52). Par ailleurs, la jurisprudence admet «la conservation de certains documents au domicile d’une personne physique domiciliée dans l’État membre d’accueil», mais limitée à la durée du détachement  (53). Par conséquent, si l’exigence que les documents équivalents soient conservés pendant la durée du détachement est conforme au principe de proportionnalité, la prolongation de l’obligation pendant cinq ans après la prestation est plus contestable, comme l’ont confirmé les arrêts Arblade aux points 77 et 78 et Commission/Luxembourg (C-319/06) aux points 90 à 94. Le fait que les États membres disposent de mécanismes de collaboration alternatifs suppléant cette charge assumée par l’employeur, qui entraîne en outre un coût de gestion décourageant sans nécessité la prestation de services dans un État membre distinct de celui d’établissement, confirme qu’il s’agit d’une condition disproportionnée et contraire à l’article 56 TFUE.

e)      Récapitulation

93.      Il découle de l’ensemble des considérations précédentes que les articles 56 TFUE et 57 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale qui exige la présentation de certains documents du pays d’établissement (en l’espèce, le compte individuel et le décompte salarial belges) équivalents à ceux devant être établis dans l’État de destination. En revanche, un régime tel que le régime belge, qui exige la conservation de certains documents de l’État d’établissement équivalents à ceux de l’État d’accueil après la cessation du détachement effectif des travailleurs est disproportionné et ne saurait être justifié à la lumière des articles 56 TFUE et 57 TFUE. Le même reproche serait à faire à un système qui exige directement les documents de l’État d’accueil pour les détachements temporaires de travailleurs d’une durée supérieure à six mois.

VII – Conclusion

94.      Eu égard aux considérations précédentes, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle comme suit:

«1)      Les articles 56 TFUE et 57 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui subordonne le détachement des travailleurs et le commencement effectif de la prestation de services à l’attestation de la réception et de la conformité d’une déclaration préalable dans les cinq jours ouvrables à dater de sa réception par l’inspection.

2)      Les articles 56 TFUE et 57 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à un régime national qui exige la présentation de certains documents du pays d’établissement (en l’espèce, le compte individuel et le décompte salarial belges) équivalents à ceux devant être établis dans l’État de destination. En revanche, les articles 56 TFUE et 57 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à un régime national qui exige

–      la conservation de certains documents de l’État d’établissement équivalents à ceux de l’État d’accueil après la cessation du détachement effectif des travailleurs;

–      l’obtention des documents de l’État d’accueil pour les détachements temporaires de travailleurs d’une durée supérieure à six mois.


1 – Langue originale: l’espagnol.


2 – Directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO 1997, L 18, p. 1).


3 – Arrêt du 23 novembre 1999 (C-369/96 et C-376/96, Rec. p. I-8453).


4 – Arrêts du 11 décembre 2007, International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union, «Viking Line» (C-438/05, Rec. p. I-10779), et du 18 décembre 2007, Laval un Partneri (C-341/05, Rec. p. I-11767).


5 – Moniteur belge du 13 mars 2002.


6 – Moniteur belge du 17 avril 2002.


7 – Sigle dérivé de «Landenoverschrijdend Informatiesysteem ten behoeve van MigratieOnderzoek bij de Sociale Administratie» (réseau transnational d’information pour l’étude des flux migratoires à l’administration sociale). Ce système, comme l’indique la Commission dans son mémoire en observations, a fait l’objet d’une procédure d’infraction pour violation de l’article 56 TFUE (procédure n° 2007/2367).


8 – Article 4 de la loi du 8 avril 1965.


9 – Article 15 de la loi du 12 avril 1965.


10 – Articles 4 et 123 de la loi du 3 juillet 1978.


11 – Article 38 de la loi du 26 juillet 1996.


12 – Comme le reconnaissent les parties défenderesses dans l’affaire au principal, bien que ces formulaires n’étaient pas été délivrés en temps utile, ce retard n’a jamais soulevé d’objections de la part de l’inspection du travail belge.


13 – Moniteur belge du 17 août 1978.


14 – Les dispositions pénales applicables n’ont été spécifiées ni dans la décision de renvoi du Rechtbank ni dans les observations écrites ou orales des différents intervenants.


15 – Arrêts du 2 juin 1994, AC-ATEL Electronics Vertriebs (C-30/93, Rec. p. I-2305, point 16); du 20 mars 1997, Phytheron International (C-352/95, Rec. p. I-1729, point 11), et du 16 juillet 1998, Dumon et Froment (C-235/95, Rec. p. I-4531, points 25 à 27).


16 – Arrêts du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner (C-475/99, Rec. p. I-8089, point 10); du 2 juin 2005, Dörr et Ünal (C-136/03, Rec. p. I-4759, point 46), et du 22 juin 2006, Conseil Général de la Vienne (C-419/04, Rec. p. I-5645, point 24).


17 – Arrêt du 1er octobre 2009, Compañía Española de Comercialización de Aceite (C-505/07, non encore publié au Recueil, point 26).


18 – Arrêt du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital (C-390/99, Rec. p. I-607, point 19).


19 – Arrêt du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a. (C-320/90 à C-322/90, Rec. p. I-393, point 6).


20 – Ordonnances du 19 mars 1993, Blanchero (C-157/92, Rec. p. I-1085, point 4); du 7 avril 1995, Grau Gomis e.a. (C-167/94, Rec. p. I-1023, point 8), et du 23 décembre 2009, Spector Photo Group et Van Raemdonck (C-45/08, non encore publié au Recueil, point 26).


21 – Arrêt du 1er avril 1982, Holdijk e.a. (141/81 à 143/81, Rec. p. 1299, point 6).


22 – Sixième considérant de la directive 96/71.


23 – Treizième considérant de la directive 96/71.


24 – Quatorzième considérant de la directive 96/71.


25 – La spécificité du régime instauré par la directive 96/71 ressort encore davantage si on le compare aux règles générales en matière de loi applicable figurant dans les articles 3 et 6 de la convention de Rome, du 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (JO L 266, p. 1). La convention penche pour une autre solution, en prévoyant que, à défaut de choix par les parties (critère principal), le contrat de travail est régi par la loi de l’État dans lequel le travailleur accomplit habituellement son travail en exécution du contrat, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre État, ou par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur (critère subsidiaire), sans préjudice de la possibilité que, dans certaines conditions, outre la loi déclarée applicable au contrat, les règles de police d’une autre loi produisent effet, notamment celle de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur a été détaché à titre temporaire (critère de la disposition impérative).


26 – Arrêt du 12 octobre 2004, Wolff & Müller (C-60/03, Rec. p. I-9553, point 30).


27 – Kilpatrick, C., «The ECJ and Labour Law: A 2008 Retrospective», Industrial Law Journal, vol. 38, n° 2, Oxford University Press, 2009, p. 196 à 202.


28 – Arrêt du 3 avril 2008 (C-346/06, Rec. p. I-1989).


29 – Arrêt du 19 juin 2008 (C-319/06, Rec. p. I-4323).


30 – Arrêt Arblade, précité, point 29.


31 – Arrêts du 25 juillet 1991, Säger (C-76/90, Rec. p. I-4221, point 12); du 5 juin 1997, SETTG (C-398/95, Rec. p. I-3091, point 16); du 19 janvier 2006, Commission/Allemagne (C-244/04, Rec. p. I-885, point 30), et du 1er octobre 2009, Commission/Belgique (C-219/08, non encore publié au Recueil, point 13).


32 – En ce sens, arrêts Arblade, précité, point 34; du 15 mars 2001, Mazzoleni et ISA (C-165/98, Rec. p. I-2189, point 27); du 25 octobre 2001, Finalarte e.a. (C-49/98, C-50/98, C-52/98 à C-54/98 et C-68/98 à C-71/98, Rec. p. I-7831, point 333); International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union, précité, point 77, et Laval un Partneri, précité, point 103.


33 – Arrêt Commission/Luxembourg (C-319/06, précité, point 30).


34 – Arrêt Arblade, précité, point 35.


35 – Arrêts du 21 octobre 2004, Commission/Luxembourg (C-445/03, Rec. p. I-10191, point 46); Commission/Allemagne (précité, points 41 et 42), et Commission/Belgique (précité, point 16).


36 – Notamment «la date de la conclusion du contrat de travail, la date du début de l’occupation en Belgique et la fonction exercée».


37 – Comme la représentante du gouvernement belge l’a clarifié lors de l’audience.


38 – Point 32 de son mémoire en observations.


39 – Point 31 de son mémoire en observations.


40 – Affaire Commission/Allemagne (C-244/04, point 42).


41 – Affaire Commission/Allemagne (précitée, point 41).


42 – Pour les arrêts du 9 août 1994, Vander Elst (C-43/93, Rec. p. I-3803, point 15); Commission/Luxembourg (C-445/03, précité, point 24), et Commission/Allemagne (C-244/04, point 34), cette exigence constitue une restriction à la libre prestation de services au sens de l’article 49 CE.


43 – Arrêt Arblade, précité, point 76.


44 – Arrêt Commission/Luxembourg (C-319/06, précité, point 91).


45 – Le critère du bénéfice additionnel pour les travailleurs, bien que limité à la comparaison des législations des pays d’origine et d’accueil, est souligné dans l’arrêt du 25 octobre 2001, Finalarte e.a., précité.


46 – Comme indiqué dans les observations des prévenus au principal, corroborées lors de l’audience, des réparations telles que celles effectuées par Termiso exigent le détachement urgent des travailleurs.


47 – Il est significatif que l’agent de la Commission l’ait reconnu lors de l’audience.


48 – Arrêt Arblade, précité, point 64.


49 – Arrêt Arblade, précité, point 59.


50 – Arrêt Arblade, précité, point 65.


51 – Arrêts du 27 mars 1990, Rush Portuguesa (C-113/89, Rec. p. I-1417, point 15); Vander Elst (précité, point 21); Finalarte e.a. (précité, point 22), et Commission/Luxembourg (C445/03, précité, point 38).


52 – Arrêts Commission/Luxembourg (C-319/06, point 92), et Arblade (précité, point 79).


53 – C’est ce qui ressort, sensu contrario, du point 74 de l’arrêt du 18 juillet 2007, Commission/Allemagne (C-490/04, Rec. p. I-6095): «[c]ertes, s’il est vrai que, au point 76 de cet arrêt [Arblade], la Cour a jugé qu’il ne suffit pas, pour justifier une restriction à la libre prestation des services consistant à imposer à l’employeur étranger de conserver certains documents au domicile d’une personne physique domiciliée dans l’État membre d’accueil, que la présence de ces documents dans ledit État soit de nature à faciliter en général l’accomplissement de la mission de contrôle des autorités de cet État, ce point dudit arrêt concernait toutefois l’obligation faite à l’employeur de tenir à la disposition des autorités compétentes certains documents alors même qu’il n’occupait plus de travailleurs dans l’État membre d’accueil.»


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