«Pourvoi Statut des fonctionnaires Classement en grade Grade de base ou grade supérieur de la carrière A7/A6 Perte d'une chance d'être nommé à un moment antérieur Compensation pécuniaire ou en termes de carrière Conditions de l'octroi d'office d'une compensation pécuniaire Litige à caractère pécuniaire Compétence de pleine juridiction Durée excessive de la procédure de première instance»
- La présente affaire a pour objet l'un des derniers pourvois en matière de fonction publique que la Cour de justice aura à examiner. Elle soulève des questions de principe dont l'importance est notable, et pas seulement pour la future jurisprudence en matière de droit de la fonction publique européenne. En particulier, dans le cadre du deuxième moyen du pourvoi, la Cour aura l'occasion de préciser la compétence de pleine juridiction des tribunaux de l'Union.
- Le contexte de l'affaire peut être résumé comme suit: M. Gogos, un fonctionnaire de la Commission européenne, a participé à un concours interne pour passer de l'ancienne catégorie B à celle alors dénommée A. Par suite d'un vice de procédure, il a repassé l'épreuve orale à deux reprises et ne l'a réussie qu'au troisième essai; il n'a ainsi été inscrit sur la liste d'aptitude que quelque cinq ans après les autres lauréats. Cela a retardé sa nomination dans un emploi de la catégorie A et ses chances d'être promu dans sa nouvelle carrière. En compensation de ce retard, il estime que la Commission aurait dà» le classer directement au grade A6 alors que, dans la réalité, elle ne l'a classé qu'au grade inférieur A7.
- Le recours introduit par M. Gogos contre la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination le classant au grade A7 a été rejeté par arrêt du Tribunal de première instance du 15 octobre 2008 (2) (ci'après l'«arrêt attaqué»). Dans son pourvoi, M. Gogos reproche au Tribunal d'avoir commis des erreurs de droit et de ne pas lui avoir d'office alloué une compensation pécuniaire. Il demande en outre une indemnité au motif de la durée, selon lui excessive, de la procédure de première instance.
- S'il est vrai que le droit applicable en l'espèce est encore celui qui a été en vigueur jusqu'au 30 avril 2004, c'est-à -dire avant la «grande réforme» de la fonction publique européenne par le règlement (CE) n° 723/2004 (3), les questions juridiques soumises à la Cour au sujet de la compétence de pleine juridiction et de l'indemnisation pour la perte de chances gardent toute leur pertinence dans le cadre de la situation juridique apparue le 1er mai 2004.
II Cadre juridique
- Le cadre juridique de la présente affaire est tracé par le statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après: le statut), dans la version applicable jusqu'au 30 avril 2004 (4). L'article 5, paragraphe 1, du statut réglementait la structure de carrière du service public européen de la façon suivante:
«Les emplois relevant du présent statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l'ordre hiérarchique décroissant par les lettres A, B, C, D.
La catégorie A comporte huit grades regroupés en carrières généralement étalées sur deux grades et correspondant à des fonctions de direction, de conception et d'étude, nécessitant des connaissances de niveau universitaire ou une expérience professionnelle d'un niveau équivalent.
La catégorie B comporte cinq grades regroupés en carrières généralement étalées sur deux grades et correspondant à des fonctions d'application et d'encadrement nécessitant des connaissances du niveau de l'enseignement secondaire ou une expérience professionnelle d'un niveau équivalent ...».
- L'article 45, paragraphe 2, du statut disposait par ailleurs que:
«Le passage d'un fonctionnaire d'un cadre ou d'une catégorie à un autre cadre ou à une catégorie supérieure ne peut avoir lieu qu'après concours».
- L'article 31 du statut des fonctionnaires contenait la disposition suivante:
«1. Les candidats ... sont nommés:
fonctionnaires de la catégorie A ... au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre ... .
2. Toutefois, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions visées ci-avant dans les limites suivantes:
a) pour les grades A 1, A 2, A 3 et LA 3, à raison ...
b) pour les autres grades, à raison:
d'un tiers s'il s'agit de postes rendus disponibles,
de la moitié s'il s'agit de postes nouvellement créés.
Sauf pour le grade LA 3, cette disposition s'applique par série de six emplois à pourvoir dans chaque grade».
- Enfin, il y a lieu de rappeler l'article 91, paragraphe 1, qui dans la version en vigueur jusqu'au 30 avril 2004 comme dans celle applicable depuis le 1er mai 2004 dispose ce qui suit:
«La Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer sur tout litige entre les Communautés et l'une des personnes visées au présent statut et portant sur la légalité d'un acte faisant grief à cette personne ... . Dans les litiges de caractère pécuniaire, la Cour de justice a une compétence de pleine juridiction».
III Les faits et la procédure
- Au service des Communautés européennes (désormais: l'Union européenne) depuis 1981, M. Christos Gogos a été recruté par la Commission le 1er octobre 1986 comme fonctionnaire au grade B 5.
- En 1997, M. Gogos a participé au concours interne COM/A/17/96, qui visait à permettre à des fonctionnaires de ce qui était alors la catégorie B à accéder à la catégorie dite A, plus précisément pour des emplois de la carrière A 7/A 6. L'admission au concours était notamment subordonnée à un minimum de sept ans d'ancienneté de service dans la catégorie B. L'avis de concours précisait que la nomination se ferait en principe au grade de base de la carrière A 7/A 6.
- Faute d'avoir obtenu le nombre de points nécessaires à l'épreuve orale de ce concours, M. Gogos n'a pas été inscrit sur la liste d'aptitude, ce dont le jury l'a informé par courrier du 15 décembre 1997.
- à la suite du recours introduit par M. Gogos, le Tribunal de première instance a, par arrêt du 23 mars 2000,(5) annulé cette décision, notamment au motif que le jury n'avait pas été en mesure d'assurer l'égalité de traitement de tous les candidats pendant les épreuves orales.
- En conséquence, la Commission a convoqué M. Gogos à une deuxième épreuve orale le 25 septembre 2000, à laquelle il a de nouveau échoué.
- Le requérant a également saisi le Tribunal de cette deuxième décision du jury. Lors de la procédure devant le Tribunal, les parties ont passé un accord amiable, par lequel M. Gogos se désistait de ses conclusions en annulation de la décision du jury et en indemnisation, en échange de quoi la Commission s'engageait à organiser une troisième épreuve orale pour M. Gogos et à prendre en charge ses dépens récupérables (6).
- M. Gogos ayant finalement réussi la troisième épreuve orale le 8 novembre 2002, la Commission l'a informé, par lettre du 15 novembre 2002, que son nom avait été inscrit sur la liste d'aptitude du concours COM/A/17/96.
- M. Gogos a alors été nommé fonctionnaire de catégorie A, avec effet au 1er avril 2003. Le 31 mars 2003, il a été informé de la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination de le classer au troisième échelon du grade A 7 (ci-après: la décision de classement).
- Conformément à l'article 90, paragraphe 2, du statut, M. Gogos a introduit, le 30 juin 2003, une réclamation à l'encontre de la décision de classement. à l'appui de sa réclamation, il a invoqué la violation des articles 31 et 45 du statut, de l'article 233 CE ainsi que de l'accord amiable intervenu dans le cadre du procès antérieur (7). Il a fait valoir en substance qu'il devait être placé dans une situation identique à celle qui serait la sienne s'il avait réussi le concours au mois de décembre 1997 déjà . La plupart des lauréats de ce concours ayant déjà été promus au grade A 6, M. Gogos a estimé que, pour compenser le retard par rapport à ces collègues, l'autorité investie du pouvoir de nomination devait le classer directement au grade A 6 et non A 7.
- Cette réclamation a été rejetée par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination du 24 novembre 2003 (ci-après: la décision prise sur réclamation), que M. Gogos a attaquée devant le Tribunal de première instance le 18 février 2004. Plus de quatre ans plus tard, le 15 octobre 2008, le Tribunal a rejeté ce recours dans l'arrêt attaqué, tout en condamnant cependant la Commission à supporter l'ensemble des dépens, conformément aux dispositions combinées de l'article 87, paragraphe 3, et de l'article 88 de son règlement de procédure.
- Dans son pourvoi du 22 décembre 2008 (8), M. Gogos conclut à ce qu'il plaise à la Cour:
annuler l'arrêt du Tribunal de première instance;
annuler la décision de classement du requérant au grade A7 ainsi que le rejet de sa réclamation, intervenu le 24 novembre 2003;
exercer sa compétence de pleine juridiction pour allouer au requérant 538.121,79 euros d'indemnisation au titre du préjudice économique dà» au comportement illégal de la Commission, tel qu'il est manifesté dans la décision faisant grief, préjudice dont la réforme administrative a renforcé les effets pour toute la durée de vie du requérant;
lui allouer 50.000 euros d'indemnisation pour le retard mis à adopter la décision de première instance;
condamner la défenderesse aux dépens exposés par le requérant, tant dans la procédure devant le Tribunal de première instance que dans la procédure de pourvoi.
- La Commission conclut pour sa part à ce qu'il plaise à la Cour:
rejeter intégralement le pourvoi;
rejeter la demande d'indemnisation fondée par le requérant au pourvoi sur la longueur de la procédure;
condamner le requérant au pourvoi à l'ensemble des dépens de la procédure.
- La procédure écrite devant la Cour a été suivie d'une audience de plaidoiries, qui s'est déroulée le 28 janvier 2010.
IV Appréciation
- M. Gogos fait valoir deux moyens à l'appui de son pourvoi contre l'arrêt attaqué (voir la section A). Il demande en outre une indemnisation en raison de la durée de la procédure de première instance (voir la section B).
A Sur les deux moyens du pourvoi
- Nous examinerons d'abord les deux moyens du pourvoi, par lesquels M. Gogos veut obtenir l'annulation de l'arrêt attaqué.
1. Le grief selon lequel l'arrêt attaqué aurait négligé d'examiner plusieurs des moyens du recours (premier moyen du pourvoi)
- Le premier moyen du pourvoi se réfère aux passages dans lesquels l'arrêt attaqué analyse le point de savoir si M. Gogos a été classé à juste titre dans le grade de base A 7 ou s'il aurait dà» être classé immédiatement dans le grade supérieur de sa carrière, à savoir A 6. M. Gogos reproche au Tribunal d'avoir négligé cinq de ses six moyens et d'avoir ainsi insuffisamment motivé le rejet du recours contre la décision de classement et contre la décision prise sur réclamation.
- Ce moyen est basé sur le fait que, en première instance, M. Gogos a fait valoir la violation des dispositions et principes suivants: l'article 31, paragraphe 2, du statut, l'article 233 CE et les principes d'égalité de traitement, d'équité, de bonne administration et de vocation à la carrière (9). Cependant, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal n'a analysé de façon détaillée que l'article 31, paragraphe 2, du statut (10); en revanche, il n'a consacré que trois courts paragraphes à l'article 233 CE et aux autres principes invoqués par le requérant (11).
a) Recevabilité
- On ne voit guère ce qui justifierait de mettre en doute la recevabilité de ce premier moyen.
- Il est constant que l'insuffisance de motivation peut découler du fait que le Tribunal n'a pas examiné un moyen du recours (12). L'obligation de motivation qui pèse sur le Tribunal découle des dispositions combinées de l'article 36 et de l'article 53, paragraphe 1, du statut de la Cour. Il est de jurisprudence constante que la question de savoir si la motivation d'un arrêt du Tribunal est insuffisante constitue une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d'un pourvoi (13).
- Pourtant, la Commission conteste avec véhémence la recevabilité du premier moyen. Selon elle, M. Gogos n'aurait invoqué en première instance qu'un seul moyen d'annulation, tiré exclusivement de la violation de l'article 31, paragraphe 2, du statut. Les autres dispositions et principes n'auraient été invoqués qu'à titre accessoire. En essayant d'ériger a posteriori ces arguments complémentaires de première instance en moyens d'annulation autonomes, M. Gogos entrerait en contradiction avec le comportement qu'il a eu en première instance et soulèverait en réalité des moyens nouveaux, ce qui est interdit dans le cadre d'un pourvoi.
- Cette objection n'emporte pas la conviction
- à la différence de la Commission, nous ne voyons dans le dossier aucun élément dont il résulterait que l'argumentation développée par le requérant devant le Tribunal découlerait nécessairement d'un moyen unique. En effet, le recours introduit par M. Gogos en première instance comporte des sections séparées pour l'article 233 CE, pour le principe d'égalité de traitement et pour les principes d'équité, de bonne administration et de vocation à la carrière, ce qui plaide plutôt en faveur de l'existence de moyens autonomes et distincts.
- Quoi qu'en pense la Commission, cette thèse n'est nullement contredite par le rapport d'audience établi en première instance ou par l'arrêt attaqué. Le rapport d'audience se limite à faire la synthèse des arguments du requérant, sans les rattacher expressément ni à un moyen unique ni à plusieurs moyens d'annulation différents (14). L'arrêt se borne à énoncer que le requérant fait valoir «à titre principal» la violation de l'article 31, paragraphe 2, du statut, de laquelle il déduit «en outre» et «par voie de conséquence» la violation des autres dispositions et principes qu'il invoque (15); cela aussi ne va pas nécessairement dans le sens de l'existence d'un moyen unique.
- Indépendamment de cela, ce serait faire preuve d'un formalisme excessif et limiter de façon inappropriée le rôle que la Cour est appelé à jouer dans le cadre du pourvoi si l'on voulait déduire du fait que l'expression «ακυρωτικοί �»�'γοι» (16) a été employée pour la première fois dans le pourvoi une intention d'étendre l'objet du litige par rapport à ce qu'il était en première instance.
- Certes, d'après les dispositions combinées de l'article 42, paragraphe 2, et de l'article 118 du règlement de procédure de la Cour, il est interdit d'invoquer des moyens nouveaux dans le cadre d'un pourvoi. Cependant, il est de jurisprudence constante que ces dispositions visent simplement à éviter une extension de l'objet du litige par rapport aux moyens débattus en première instance (17). Or, il ne s'est rien produit de tel en l'espèce.
- En réalité, M. Gogos reproche à l'arrêt attaqué d'avoir insuffisamment tenu compte de parties essentielles de l'argumentation qu'il a développée en première instance (18) Loin de soumettre une argumentation nouvelle à la Cour; le requérant au pourvoi veut donc simplement faire vérifier si le Tribunal a examiné les éléments qui lui ont été exposés en première instance d'une façon répondant aux exigences juridiques qui s'imposent à la motivation d'un arrêt. Or, c'est là une question qui fait partie de l'essence même des tâches incombant à la Cour lorsqu'elle est saisie d'un pourvoi.
- Le premier moyen du pourvoi est donc recevable.
b) Bien-fondé
- Le premier moyen pourrait être retenu si le Tribunal avait, dans l'arrêt attaqué, manqué à l'obligation de motivation qui lui incombe en vertu des dispositions combinées de l'article 36 et de l'article 53, paragraphe 1, du statut de la Cour.
- Il est de jurisprudence constante que la motivation d'un arrêt doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d'exercer son contrôle juridictionnel (19).
- Cependant, l'obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui-ci fà»t tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par une partie, en particulier s'il ne revêtait pas un caractère suffisamment clair et précis (20). La motivation peut au contraire même être implicite, à condition qu'elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n'a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (21). Toutefois, les motifs de l'arrêt doivent faire apparaître que le Tribunal a examiné toutes les violations de droit alléguées (22).
- L'arrêt attaqué remplit ces exigences. Après y avoir rejeté le grief de la violation de l'article 31, paragraphe 2, du statut (23), le Tribunal y expose que, par voie de conséquence, les autres irrégularités invoquées par M. Gogos en ce qui concerne l'article 233 CE ou les principes d'égalité de traitement, d'équité, de bonne administration et de vocation à la carrière, n'étaient «pas de nature à avoir une incidence sur la légalité même de la décision de classement en grade» (24).
- Partant, loin de négliger les autres dispositions et principes invoqués par M. Gogos, le Tribunal les a bien examinés, même si c'est très succinctement. Le passage précité de l'arrêt met en évidence que le Tribunal rejette les griefs en question pour les mêmes raisons qu'il a auparavant rejeté le grief fondé sur l'article 31, paragraphe 2, du statut.
- M. Gogos objecte que le Tribunal aurait dà» faire un examen séparé notamment du principe de l'égalité de traitement, sans le subordonner à la vérification des conditions de l'article 31, paragraphe 2, du statut.
- Il y a lieu de constater à cet égard que le principe de l'égalité de traitement fait l'objet de deux paragraphes particuliers dans l'arrêt attaqué (25). Le Tribunal y expose, très succinctement, il est vrai, son point de vue sur les raisons pour lesquelles le principe d'égalité de traitement ne permet justement pas en l'espèce de classer M. Gogos au grade supérieur de sa carrière. D'une part, selon le Tribunal, ce principe ne peut être utilement invoqué parce que tout poste doit être pourvu sur la base d'une décision individuelle basée sur l'évaluation des qualifications du fonctionnaire à recruter. D'autre part, l'expérience professionnelle spécifique serait déjà prise en compte en vue du passage du fonctionnaire à la catégorie supérieure.
- M. Gogos peut certes être en désaccord sur le fond avec cette évaluation du Tribunal. Il n'en reste pas moins que le Tribunal a bien examiné les griefs qu'il a soulevés. Le seul fait que le Tribunal est, sur le fond, parvenu à une autre conclusion que le requérant ne suffit pas à entacher l'arrêt attaqué d'un défaut de motivation (26).
- En résumé, le premier moyen doit par conséquent être rejeté.
2. Les circonstances dans lesquelles une indemnisation doit être allouée d'office (second moyen du pourvoi)
- Le second moyen du pourvoi est consacré à la question de savoir si le Tribunal aurait dà» allouer d'office un dédommagement financier à M. Gogos. Ce dernier fait valoir que le Tribunal a méconnu sa compétence de pleine juridiction dans les litiges à caractère pécuniaire. Cette compétence aurait permis aux juges de première instance de lui allouer d'office un dédommagement financier.
- Par ce moyen, le requérant au pourvoi conteste plus particulièrement le point 47 de l'arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal expose en substance que, si la nécessité d'organiser une nouvelle épreuve orale (27) a pu faire perdre à M. Gogos une chance d'être nommé plus tôt dans la catégorie A et, par conséquent, de bénéficier plus tôt d'une promotion dans cette nouvelle carrière, il reste qu'il n'a saisi le Tribunal d'aucune demande de compensation pécuniaire à ce titre.
a) Recevabilité
- La Commission considère ce moyen comme irrecevable. Dans le cadre des procédures suivies jusqu'ici, M. Gogos se serait toujours borné à demander l'annulation de la décision de classement et de la décision prise sur réclamation. Il n'aurait à aucun moment demandé à être indemnisé et la demande qu'il a présentée en ce sens serait irrecevable au stade du pourvoi.
- Il est vrai, de l'aveu même de M. Gogos, que ce dernier n'a à aucun moment formellement demandé à être indemnisé dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.
- Cela nonobstant, l'objection d'irrecevabilité de la Commission ne peut être retenue. La Commission méconnaît en effet le véritable objet du second moyen, qui est de savoir si le Tribunal aurait pu et dà» indemniser le requérant d'office, sans que ce dernier l'ait demandé.
- Le point de savoir si le Tribunal aurait pu, voire dà», allouer d'office une compensation pécuniaire à M. Gogos est une question de droit, qui peut faire l'objet du pourvoi. Son examen ne saurait être subordonné à ce que l'intéressé ait pris l'initiative de demander une indemnisation en première instance. Bien au contraire, il est dans la nature d'une telle question de se poser notamment lorsque le requérant n'a pas présenté de demande correspondante en première instance.
- En soulevant le problème dans son pourvoi, M. Gogos n'étend pas l'objet du litige, mais demande à la Cour de dire si le Tribunal a analysé les questions qui lui ont été soumises en première instance de façon conforme aux exigences juridiques et s'il a pris à cet égard toutes les mesures juridiquement permises et requises.
- Sur ce point, le mécanisme de protection juridictionnelle tournerait à vide si la recevabilité du pourvoi était subordonnée à l'existence d'une demande d'indemnisation présentée en première instance. Cela ne serait pas compatible avec le principe de la protection juridictionnelle effective.
- Le second moyen du pourvoi est donc recevable
b) Bien-fondé
- Pour que le second moyen puisse être retenu, il faudrait que le Tribunal ait eu compétence pour indemniser M. Gogos d'office et qu'il ait méconnu cette compétence (28).
i) La compétence de pleine juridiction reconnue par le statut pour les litiges de caractère pécuniaire
- L'article 91, paragraphe 1, deuxième phrase, du statut reconnaît à la Cour de justice de l'Union européenne une compétence de pleine juridiction dans les litiges de caractère pécuniaire entre un fonctionnaire de l'Union et son employeur.
- La notion de «litige de caractère pécuniaire» n'est pas d'interprétation stricte.
- Certes, un litige a un caractère pécuniaire avant tout lorsque le fonctionnaire entame, au titre de l'article 270 TFUE, une action tendant au versement d'une somme d'argent, par exemple d'une indemnité ou d'une somme qu'il estime lui être due en vertu du statut ou d'un autre acte qui régit sa relation de travail (29); il peut s'agir de la rémunération, de primes et prestations sociales prévues par le statut ou d'intérêts de retard (30).
- Toutefois, même un recours par lequel un fonctionnaire veut obtenir l'annulation d'une décision affectant sa position statutaire peut cacher un litige de caractère pécuniaire (31). Il y a lieu de reconnaître l'importance en l'espèce du fait que même le recours par lequel un fonctionnaire demande aux juges de se prononcer sur la légalité de son classement déclenche un litige de caractère pécuniaire (32). Cette conclusion se fonde sur la prémisse que la décision de classement prise par l'autorité investie du pouvoir de nomination n'a pas seulement des effets sur la carrière de l'intéressé et sur sa position au sein de la hiérarchie, mais a également un impact direct sur ses droits pécuniaires, en particulier sur le montant de sa rémunération au titre du statut.
- Partant, il s'agissait également en l'espèce d'un litige de caractère pécuniaire dans lequel le Tribunal avait une compétence de pleine juridiction, conformément à l'article 91, paragraphe 1, deuxième phrase, du statut.
- La compétence de pleine juridiction reconnue par l'article 91, paragraphe 1, deuxième phrase, du statut investit le juge de l'Union de la mission de donner aux litiges dont il est saisi une solution complète (33). Partant, pour les aspects strictement pécuniaires du litige, le juge de l'Union n'est pas tenu de se limiter à un contrôle de la légalité des actes des institutions, organismes et autres organes de l'Union: il peut également en examiner l'opportunité. Pour ces aspects strictement pécuniaires, le juge de l'Union peut donc substituer son appréciation à celle de l'autorité investie du pouvoir de nomination, dont il pourra même modifier les décisions, au lieu de simplement les annuler.
- D'après la jurisprudence, lorsqu'il y a compétence de pleine juridiction, la partie défenderesse peut le cas échéant être condamnée d'office c'est-à -dire même en l'absence de demande présentée en ce sens à réparer le préjudice causé par sa faute de service, lequel préjudice pourra, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, être évalué ex aequo et bono (34).
- Pour les litiges en matière de classement, cela signifie que, si les juridictions de l'Union doivent se limiter à vérifier la légalité du classement, sans pouvoir en disposer ou le modifier elles-mêmes, elles ont cependant le droit d'accorder au fonctionnaire en question une indemnisation, le cas échéant d'office, pour une éventuelle faute de service commise par l'autorité investie du pouvoir de nomination au moment de l'adoption de sa décision sur le classement.
ii) Le sens et l'objectif de l'indemnisation d'office dans le cadre de la compétence de pleine juridiction
- En l'espèce, le Tribunal n'a pas accordé la moindre attention au point de savoir si la Commission pourrait être condamnée d'office à une indemnisation. Il s'est en effet contenté de constater en termes laconiques que M. Gogos n'a pas introduit de demande de compensation pécuniaire à ce titre (35).
- Cela pourrait indiquer que le Tribunal a méconnu le caractère pécuniaire du litige au sens de l'article 91, paragraphe 1, deuxième phrase, du statut. Peut-être n'a-t-il pas réalisé que, pour le volet strictement pécuniaire du litige, il disposait d'une compétence de pleine juridiction incluant notamment le droit d'allouer une indemnité d'office (36).
- Toutefois, il n'y a pas lieu de s'interroger sur le point de savoir si le Tribunal a effectivement méconnu l'étendue de ses compétences et a ce faisant commis une erreur en droit, car les conditions pour condamner d'office la Commission à verser une indemnité n'étaient pas remplies en l'espèce.
- La compétence d'indemniser des fonctionnaires d'office vise en effet avant tout à permettre aux juridictions de l'Union de garantir l'efficacité pratique des arrêts d'annulation qu'elles prononcent dans les affaires de fonctionnaires (37). Partant, si l'annulation (totale ou partielle) d'une décision erronée en droit prise par l'autorité investie du pouvoir de nomination ne suffit pas pour faire prévaloir les droits du fonctionnaire concerné ou pour préserver ses intérêts de façon efficace, le juge de l'Union peut d'office lui accorder une indemnisation.
- En l'espèce, le Tribunal a cependant conclu que la décision de classement et celle prise sur réclamation n'étaient entachées d'aucune erreur en droit. N'ayant dès lors annulé aucune de ces deux décisions, il n'avait pas de raison d'assurer l'efficacité pratique de son arrêt en allouant une indemnité d'office. Cette démarche n'est pas critiquable sur le plan juridique.
- à titre purement accessoire, nous relevons encore que l'indemnisation de M. Gogos pour les conséquences d'actes administratifs licites était d'emblée exclue en l'espèce. Indépendamment du fait que le droit de l'Union européenne n'a pas encore tranché le point de savoir si et à quelles conditions une telle indemnisation pourrait être accordée (38), le préjudice subi par M. Gogos au regard de sa rémunération et de sa carrière dans la nouvelle catégorie A n'a pas été causé par la décision de classement et par la décision prise sur réclamation, mais par des erreurs de droit commises par la Commission dans le cadre de la procédure de concours (39).
- Le second moyen du pourvoi est donc dépourvu de fondement.
3. Observations finales
- Par souci d'exhaustivité, nous observons encore que la décision de classement ne saurait être le véhicule approprié pour compenser d'éventuels désavantages subis par un fonctionnaire à la suite d'erreurs commises dans le cadre d'une procédure de concours.
- Il est certes permis de douter du bien-fondé du postulat du Tribunal selon laquelle l'article 31, paragraphe 2, du statut serait a priori inapplicable dans le cadre d'un concours interne (40). Cette disposition vise en effet à permettre à une institution, prise en sa qualité d'employeur, de s'attacher les services d'une personne qui risque, dans le contexte du marché du travail, de faire l'objet de sollicitations nombreuses d'autres employeurs potentiels et donc de lui échapper (41). à la différence de ce que le Tribunal semble croire, une telle situation de concurrence entre institutions européennes et employeurs privés n'est nullement exclue pour les candidats internes. Une personne qui travaille déjà pour une institution de l'Union peut en effet être tentée de la quitter pour passer dans le secteur privé ou aller vers une autre organisation internationale, si les offres de l'employeur externe lui semblent plus attrayantes que son classement et ses perspectives d'évolution de carrière dans le service public européen. Cela peut être le cas en particulier pour des personnes de formation universitaire qui occupent des postes de catégorie B ou C.
- En dernière analyse cependant, il n'est pas nécessaire de répondre en l'espèce à la question de l'applicabilité de l'article 31, paragraphe 2, du statut. En effet, cette disposition n'admet le classement à un grade supérieur qu'exceptionnellement (42) par dérogation au principe du classement au grade de base figurant au paragraphe 1 lorsque les exigences du service, les qualifications spécifiques ou l'expérience professionnelle particulière de l'intéressé le justifient (43); en d'autres termes, le candidat doit être exceptionnel (44). Ce serait détourner les dispositions de l'article 31, paragraphe 2, du statut que de vouloir les utiliser, en dépit de l'absence des conditions précitées, pour compenser certains désavantages subis par un fonctionnaire dans sa carrière.
- M. Gogos ne peut pas non plus se fonder sur le principe général d'égalité de traitement pour prétendre à un classement au grade supérieur. Ce principe exige en effet que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (45). Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l'objet et du but de la mesure à adopter (46).
- La décision de classement fondée sur l'article 31 du statut a pour seul objet et pour seule finalité de classer le fonctionnaire concerné dans un grade de sa carrière, dans l'intérêt du service et suivant ses qualifications. Il n'y a rien dans les éléments dont dispose la Cour qui indique que, au regard de ces critères, la situation de M. Gogos ait été différente de celle d'autres lauréats du concours interne. Partant, le principe d'égalité de traitement n'a pas non plus été enfreint par le fait qu'il a été classé au même grade A 7 que d'autres lauréats. Les éventuelles irrégularités de la procédure de concours et les retards qu'elles ont entraînés pour la nomination d'un fonctionnaire à un poste ne sont en revanche pas des critères de comparaison pertinents au regard de la décision de classement.
- Certes, les deux répétitions de l'épreuve orale et le retard qui en est résulté dans la procédure de concours ont fait perdre à M. Gogos la chance d'être recruté à un moment antérieur dans la catégorie A et de bénéficier plus tôt d'une promotion dans sa nouvelle carrière (47). Le préjudice matériel et moral correspondant n'a cependant pas été causé par la décision de classement ou par la décision prise sur réclamation, qui sont litigieuses en l'espèce. Partant, même si ces deux décisions avaient été illégales, le Tribunal n'aurait pu tenir compte d'office de ce préjudice sans violer le principe «ne ultra petita».
- En fait, comme nous l'avons déjà relevé (48), ce préjudice résulte des erreurs en droit entachant la procédure de concours. M. Gogos aurait pu le faire valoir au cours des deux procès antérieurs (49), en épuisant tous les moyens processuels dont il disposait à cet effet.
- Pour le premier de ces procès, il convient de relever que M. Gogos a demandé, outre l'annulation de la décision du jury, l'indemnisation de son seul préjudice moral. Sa demande a été rejetée par le Tribunal au motif que l'annulation de la décision du jury constituait une réparation suffisante du préjudice subi (50). Cet arrêt est passé en force de chose jugée.
- Lors du deuxième procès, M. Gogos a passé avec la Commission un accord amiable par lequel il a renoncé à toutes les indemnisations qu'il avait demandées à l'époque (51). Comme rien n'indique que cet accord amiable soit invalide ou puisse être contesté, le requérant au pourvoi ne peut plus aujourd'hui demander réparation pour aucun des préjudices visés dans cet accord.
- L'indemnisation du retard dans la promotion ne resterait concevable à l'heure actuelle que s'il subsistait des préjudices de quelque importance à la réparation desquels M. Gogos n'aurait pas encore effectivement renoncé. Si les autres conditions de la responsabilité administrative pour faute sont remplies (52) et s'il n'y a pas encore prescription, M. Gogos garde le droit de faire valoir ces préjudices éventuels dans une procédure séparée.
4. Conclusion intermédiaire
- Comme aucun des deux moyens invoqués par M. Gogos ne peut être retenu, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.
- Ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de classement et de la décision prise sur réclamation ainsi qu'à l'allocation d'une indemnité de 538.121,79 euros perdent dès lors tout objet, puisqu'elles exigeraient l'annulation préalable de l'arrêt attaqué.
B Sur la demande séparée visant à une indemnisation à cause de la durée de la procédure de première instance
- Finalement, M. Gogos demande à la Cour de lui accorder une indemnisation en raison de la durée, selon lui excessive, de la procédure devant le Tribunal de première instance. S'appuyant sur l'arrêt Baustahlgewebe (53), il évalue à 50 000 euros le montant qui lui serait dà» à ce titre.
- Cependant, ainsi que la Cour l'a constaté dans l'arrêt FIAMM (54), une telle demande séparée d'indemnisation est irrecevable dans le cadre d'un pourvoi. En effet, ainsi qu'il ressort de l'article 113, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, les conclusions de tout pourvoi doivent tendre à l'annulation, totale ou partielle, de l'arrêt du Tribunal et, le cas échéant, à ce qu'il soit fait droit, en tout ou partie, aux conclusions présentées en première instance, à l'exclusion de toute conclusion nouvelle.
- La durée excessive de la procédure de première instance ne peut être invoquée au stade du pourvoi que si elle a eu, pour l'une des parties, une incidence sur la teneur de l'arrêt de première instance, dont elle peut dès lors justifier l'annulation (55). M. Gogos n'a cependant rien allégué de tel en l'espèce.
- Sa demande en indemnisation doit donc être rejetée.
- Par souci d'exhaustivité, nous ajouterons qu'il est bien sà»r loisible à M. Gogos de faire valoir la durée de la procédure précitée dans un recours en indemnisation, dont il devra saisir le Tribunal, au titre des dispositions combinées de l'article 268 TFUE et de l'article 340, deuxième alinéa, TFUE (56), contre l'Union européenne (57). Une indemnisation éventuelle devra cependant être prise en charge non par la Commission européenne, mais par la Cour de justice de l'Union européenne en qualité d'institution.
- Dans le cadre d'un tel recours, il faudra notamment examiner si la durée de la procédure de première instance a été excessive, au point que le droit à un procès équitable et dans un délai raisonnable a été violé (58). Cette question doit être appréciée en fonction des circonstances propres à chaque affaire, telles que la complexité du litige et le comportement des parties (59).
- En l'espèce, la procédure devant le Tribunal a duré environ quatre ans et huit mois (60). Il mérite d'être souligné que plus de trois années se sont écoulées en première instance entre la fin de la procédure écrite et l'audience de plaidoiries (61). Sous réserve d'un examen plus approfondi dans le cadre d'une éventuelle procédure en indemnisation, cette durée ne paraît justifiée ni par la complexité particulière de la matière ou des questions de fait et de droit ni par le comportement des parties. Les problèmes d'organisation interne du Tribunal, notamment ceux liés au renouvellement des juges, ne sauraient évidemment aller au détriment des justiciables. La Commission relève certes que, pendant la période en question, le Tribunal a été saisi d'un nombre de procédures bien plus élevé qu'à l'époque de l'arrêt Baustahlgewebe, mais elle omet que le nombre des juges et les effectifs du personnel ont augmenté.
V Dépens
- Conformément à l'article 122, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Cour statue sur les dépens lorsqu'elle rejette le pourvoi. La décision sur les dépens a une importance particulière en l'espèce, car la Commission, en tant qu'autre partie à la procédure, est représentée par un avocat.
- D'après les dispositions combinées de l'article 69, paragraphe 2, et de l'article 118 du règlement de procédure, c'est en principe à la partie qui succombe de supporter les dépens, s'il a été conclu en ce sens. Conformément à l'article 122, deuxième alinéa, premier tiret, du règlement de procédure, cette règle s'applique également aux pourvois formés par les fonctionnaires ou autres agents d'une institution dans le cadre du contentieux de la fonction publique. Partant, M. Gogos, qui a succombé dans l'ensemble de ses moyens, devrait être condamné à supporter ses propres dépens et ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
- Cependant, par dérogation à la règle générale découlant de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, l'article 122, deuxième alinéa, deuxième tiret, de ce règlement permet à la Cour, lorsqu'elle est saisie de pourvois introduit par des fonctionnaires ou par d'autres agents d'une institution, de répartir les dépens entre les parties, dans la mesure où l'équité l'exige.
- D'une part, il faut sans aucun doute considérer que, si les moyens de M. Gogos et ses conclusions ont été écartés, c'est parce qu'ils se fondaient sur des postulats erronés en droit.
- D'autre part, il faut cependant également prendre en compte le fait que le comportement de la Commission a grandement contribué à la naissance du litige, qui aurait pu être évité si elle n'avait pas eu besoin de s'y reprendre à deux fois pour organiser, dans le cadre de la procédure de concours interne, une épreuve orale régulière pour M. Gogos (62).
- Il était au demeurant parfaitement normal que le requérant au pourvoi veuille obtenir une compensation adéquate pour la chance qu'il avait perdue de passer à une date antérieure dans la catégorie A. Comme la jurisprudence n'est pas encore solidement établie dans ce domaine, il ne peut lui être reproché que dans une mesure limitée d'avoir cherché à obtenir cette compensation en faisant valoir la possibilité d'une indemnisation d'office dans le cadre du présent pourvoi.
- En synthèse, nous considérons donc que l'équité impose en l'espèce de recourir à la règle de l'article 122, deuxième alinéa, deuxième tiret, du règlement de procédure, qui permet de répartir les dépens de la procédure de pourvoi entre les parties, par dérogation à la règle générale énoncée à l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure. Il nous semblerait juste de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.
VI Conclusion
- Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) La demande de M. Gogos tendant à l'octroi d'une indemnité en raison de la durée de la procédure de première instance est rejetée.
3) Chaque partie supporte ses propres dépens.
1 Langue originale: l'allemand.
2 Arrêt du Tribunal du 15 octobre 2008, Gogos/Commission (T-66/04, non encore publié au Recueil).
3 Règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004 modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1).
4 Statut des fonctionnaires des Communautés européennes et régime applicable aux autres agents de ces Communautés applicable à partir du 5 mars 1968, fixé par les articles 2 et 3 du règlement (CEE, Euratom CECA) n° 259/68 du Conseil, du 29 février 1968 (JO L 56, p. 1), dans la version du règlement (Euratom, CECA, CEE) n° 1473/72 du Conseil, du 30 juin 1972 (JO L 160, p. 1).
5 Arrêt du Tribunal du 23 mars 2000, Gogos/Commission (T-95/98, RecFP p. I-A-51 et p. II-219).
6 Ordonnance du Tribunal du 21 octobre 2002, Gogos/Commission (T-97/01, non publiée au Recueil).
7 Affaire Gogos/Commission (T-97/01).
8 Envoyé en un premier temps par télécopie, l'original du pourvoi a été déposé au greffe de la Cour le 24 décembre 2008.
9 Voir la synthèse faite au point 18 de l'arrêt attaqué.
10 Points 27 à 43 de l'arrêt attaqué.
11 Points 44 à 46 de l'arrêt attaqué.
12 Arrêts de la Cour du 1er octobre 1991, Vidrányi/Commission (C-283/90 P, Rec. p. I-4339, point 29) et du 11 septembre 2003, Belgique/Commission ('Forges de Clabecq', C-197/99 P, Rec. p. I-8461, points 80 à 83); dans le même sens, voir arrêt du Tribunal de première instance du 8 juin 2009, Krcova/Cour de justice (T-498/07 P, non encore publié au Recueil, point 34); voir également les conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 10 février 1994 dans l'affaire SFEI e.a./Commission (C-39/93 P, Rec. 1994 p. I-2681, point 36).
13 Arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission ('Baustahlgewebe', C-185/95 P, Rec. p. I'8417, point 25), du 7 mai 1998, Somaco/Commission (C-401/96 P, Rec. p. I'2587, point 53), du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission (C-47/07 P, non encore publié au Recueil, point 76) et du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt - Duales System Deutschland/Commission ('Der Grüne Punkt', C-385/07 P, non encore publié au Recueil, point 71).
14 Points 25 à 31 du rapport d'audience dans la procédure de première instance.
15 Point 18 de l'arrêt attaqué.
16 En français: «moyens d'annulation».
17 Arrêts de la Cour du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (C-136/92 P, Rec. p. I'1981, points 57 à 59), du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I'5425, point 165), du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C-229/05 P, Rec. p. I'439, point 66) et du 2 avril 2009, France Télécom/Commission (C-202/07 P, non encore publié au Recueil, point 60).
18 à la lecture du recours introduit devant le Tribunal (voir les points 27 à 41 de ce recours), nous pouvons voir que la moitié environ de l'argumentation développée par M. Gogos en première instance est consacrée à l'article 233 CE et aux principes d'égalité de traitement, d'équité, de bonne administration et de vocation à la carrière.
19 Arrêts de la Cour du 14 mai 1998, Conseil/de Nil et Impens (C-259/96 P, Rec. p. I'2915, points 32 et 33) et France Télécom/Commission (précité à la note 17, point 29).
20 Arrêts de la Cour du 6 mars 2001, Connolly/Commission (C-274/99 P, Rec. p. I'1611, point 121), du 9 septembre 2008, FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission ('FIAMM', C-120/06 P et C-121/06 P, Rec. p. I'6513, point 91) et France Télécom/Commission (précité à la note 17, point 30).
21 Arrêts de la Cour du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission (C-431/07 P, non encore publié au Recueil, point 42), et du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric (C-440/07 P, non encore publié au Recueil, point 135).
22 Arrêt de la Cour du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission (C-167/06 P, Rec. p. I'141, point 22).
23 Points 27 à 43 de l'arrêt attaqué.
24 Point 44 de l'arrêt attaqué.
25 Points 45 et 46 de l'arrêt attaqué.
26 Arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission (C-362/05 P, Rec. p. I'4333, point 80).
27 à titre purement incident, nous relevons que c'est à tort que le Tribunal invoque une épreuve orale «en septembre 2002», «à la suite de l'arrêt Gogos/Commission». En effet, ainsi que M. Gogos l'observe à juste titre, cette épreuve orale s'est déroulée non en septembre 2002 à la suite d'un arrêt Gogos/Commission, mais en novembre 2002, à la suite d'un accord amiable conclu entre les parties dans le cadre de l'affaire T-97/01.
28 Arrêt de la Cour du 18 décembre 2007, Weißenfels/Parlement (C-135/06 P, Rec. p. I'12041, point 69).
29 Arrêt Weißenfels/Parlement (précité à la note 28, point 65).
30 Arrêts Weißenfels/Parlement (précité à la note 28, notamment aux points 62 et 66) et du 17 avril 1997, de Compte/Parlement (C-90/95 P, Rec. p. I'1999, point 45).
31 Arrêts de la Cour du 5 juin 1980, Oberthür/Commission (24/79, Rec. p. 1743, point 14) et du 27 octobre 1987, Houyoux et Guery/Commission (176/86 et-177/86, Rec. p. 4333, point 16 en combinaison avec le point 1); voir aussi les arrêts du Tribunal du 12 mai 1998, Wenk/Commission (T-159/96, RecFP p. I'A'193 et II'593, point 122), du 31 mars 2004, Girardot/Commission (T-10/02, RecFP p. I'A'109 et II'483, point 89) et du 8 septembre 2009, ETF/Landgren (T-404/06 P, non encore publié au Recueil, point 233).
32 Arrêt de la Cour du 8 juillet 1965, Krawczynski/Commission (83/63, Rec. p. 773, à la p. 786).
33 Arrêts Weißenfels/Parlement (précité à la note 28, point 67) et du 17 décembre 2009, M/EMEA (C-197/09 RX-II, non encore publié au Recueil, point 56).
34 Arrêts Oberthür/Commission (précité à la note 31, point 14), Houyoux et Guéry/Commission (précité à la note 31, point 16), du 21 février 2008, Commission/Girardot (C-348/06 P, Rec. p. I'833, point 58), M/EMEA (précité à la note 33, point 56) et arrêt Wenk/Commission (précité à la note 31, point 122); voir également l'arrêt de la Cour du 16 décembre 1960, Fiddelaar/Commission (44/59, Rec. p. 1077, à la p. 1093), qui a déjà suivi la même approche.
35 Point 47 de l'arrêt attaqué.
36 Voir les points 60 et 61 des présentes conclusions.
37 Arrêt du Tribunal du 31 mars 2004, Girardot/Commission (précité à la note 31, point 26).
38 Depuis l'arrêt FIAMM (précité à la note 20, en particulier aux points 174 à 179), nous savons qu'en l'état actuel du droit de l'Union, l'octroi d'une indemnisation pour les conséquences des actes normatifs licites des organes de l'Union est normalement exclue. La question de l'indemnisation des conséquences des actes administratifs licites n'a en revanche pas encore été tranchée.
39 Voir les points 70 à 79 des présentes conclusions.
40 Points 30 à 35 de l'arrêt attaqué.
41 Arrêt de la Cour du 1er juillet 1999, Alexopoulou/Commission (C-155/98 P, Rec. p. I'4069, points 34 à 36).
42 Arrêts de la Cour du 6 juin 1985, De Santis/Cour des comptes (146/84, Rec. p. 1723, point 9) et Alexopoulou/Commission (précité à la note 41, points 32, 33 et 36) ainsi que arrêts du Tribunal du 17 décembre 2003, Chawdhry/Commission (T-133/02, RecFP p. I'A'329 et II'1617, point 36) et du 11 décembre 2009, Giannopoulos/Conseil (T-436/07 P, non encore publié au Recueil, points 34 et 52).
43 Arrêt De Santis/Cour des comptes (précité à la note 42, point 9).
44 Arrêt Alexopoulou/Commission (précité à la note 41, points 31, 34 et 36).
45 Arrêts de la Cour du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C-344/04, Rec. p. I'403, point 95), du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld (C-303/05, Rec. p. I'3633, point 56), du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. ('Arcelor', C-127/07, Rec. p. I'9895, point 23) et du 7 juillet 2009, S.P.C.M. e.a. (C-558/07, non encore publié au Recueil, point 74).
46 Arrêt Arcelor (précité à la note 45, point 26).
47 C'est très exactement ce à quoi le Tribunal fait allusion au point 47 de l'arrêt attaqué. Pour ce qui est du problème général du caractère indemnisable de la perte d'une chance, voir l'arrêt Commission/Girardot (précité à la note 34, points 54 et 55); voir également l'arrêt du Tribunal du 26 juin 1996, De Nil et Impens/Conseil (T-91/95, RecFP 1996 p. I'A'327 et II'959, point 38), qui n'a pas été remis en question sur ce point par l'arrêt de la Cour Conseil/De Nil et Impens (précité à la note 19).
48 Voir le point 68 des présentes conclusions.
49 T-95/98 et T-97/01 (voir les points 11 à 14 des présentes conclusions).
50 Arrêt Gogos/Commission (T-95/98, précité à la note 5, points 60 à 62).
51 Ordonnance Gogos/Commission (T-97/01, précitée à la note 6, point 2).
52 Voir, pour tous les autres, l'arrêt Commission/Girardot (précité à la note 34, point 52).
53 Arrêt Baustahlgewebe (précité à la note 13, point 141).
54 Arrêt FIAMM (précité à la note 20, voir en particulier les points 205 et 211).
55 Arrêts Baustahlgewebe (précité à la note 13, point 49), FIAMM (précité à la note 20, point 203) et Der Grüne Punkt (précité à la note 13, points 190 à 193).
56 Ex article 235 CE, pris en combinaison avec l'article 288, deuxième alinéa, CE.
57 Arrêt Der Grüne Punkt (précité à la note 13, point 195).
58 Arrêts Baustahlgewebe (précité à la note 13, point 21) et Der Grüne Punkt (précité à la note 13, points 177 à 179).
59 Arrêt Der Grüne Punkt (précité à la note 13, point 181).
60 La requête de première instance a été déposée le 18 février 2004 et l'arrêt attaqué a été prononcé le 15 février 2008.
61 La procédure écrite de première instance s'est achevée par le dépôt de la duplique le 17 novembre 2004; la procédure orale a eu lieu le 15 février 2008.
62 Voir les considérations développées à ce propos par le Tribunal de première instance au point 51 de l'arrêt attaqué.