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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Spain v Commission (Agriculture) French Text [2010] EUECJ T-227/07 (28 October 2010) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2010/T22707.html Cite as: [2010] EUECJ T-227/7, [2010] EUECJ T-227/07 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)
28 octobre 2010 (*)
« FEOGA – Section ‘Garantie’ – Dépenses exclues du financement communautaire – Aides à la production destinées aux transformateurs de tomates – Contrôles inopinés pendant les périodes adéquates – Proportionnalité »
Dans l’affaire T-227/07,
Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Muñoz Pérez, abogado del Estado,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée initialement par M. T. van Rijn, puis par M. F. Jimeno Fernández, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2007/243/CE de la Commission, du 18 avril 2007, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie » (JO L 106, p. 55),
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé de MM. V. Vadapalas (rapporteur), faisant fonction de président, L. Truchot et J. Schwarcz, juges,
greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 avril 2010,
rend le présent
Arrêt
Cadre réglementaire
Réglementation relative au financement de la politique agricole commune
1 Le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié, en dernier lieu, par le règlement (CE) n° 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1), a établi les règles générales applicables au financement de la politique agricole commune. Le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), a remplacé le règlement n° 729/70 pour les dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000.
2 En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de l’article 2 et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 ainsi que de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles, les interventions destinées à la régularisation de ces marchés entreprises selon les règles communautaires.
3 Selon l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70 et l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999, la Commission des Communautés européennes, lorsqu’elle constate que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, décide de les écarter du financement communautaire. Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre. À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure de conciliation, conformément à la décision 94/442/CE de la Commission, du 1er juillet 1994, relative à la création d’une procédure de conciliation dans le cadre de l’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 182, p. 45). Les résultats de cette procédure font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement. La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée, en tenant compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.
4 En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 et de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1258/1999, les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA, pour prévenir et pour poursuivre les irrégularités et récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.
5 Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 et de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1258/1999, les États membres mettent à la disposition de la Commission toutes les informations nécessaires au bon fonctionnement du FEOGA et prennent toutes mesures susceptibles de faciliter les contrôles que celle-ci estimerait utile d’entreprendre dans le cadre de la gestion du financement communautaire, y compris des vérifications sur place. Conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, la Commission peut vérifier la conformité des pratiques administratives avec les règles communautaires, l’existence des pièces justificatives nécessaires et leur concordance avec les opérations financées par le FEOGA et les conditions dans lesquelles sont réalisées et vérifiées les opérations financées par le FEOGA.
6 Les modalités de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA demeurent fixées par le règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), tel que modifié notamment par le règlement (CE) n° 2245/1999 de la Commission, du 22 octobre 1999 (JO L 273, p. 5).
7 L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 dispose :
« Si, à l’issue d’une enquête, la Commission considère que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, elle communique les résultats de ses vérifications à l’État membre concerné et indique les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles précitées.
La communication fait référence au présent règlement. L’État membre répond dans un délai de deux mois et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation de ce délai.
Après l’expiration du délai accordé pour la réponse, la Commission convoque une discussion bilatérale et les deux parties essayent d’arriver à un accord sur les mesures à prendre, ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté européenne. Après cette discussion et après toute date fixée par la Commission, en consultation avec l’État membre, après la discussion bilatérale pour la communication d’informations supplémentaires ou, si l’État membre n’accepte pas la convocation dans un délai fixé par la Commission, après l’échéance de ce délai, cette dernière communique formellement ses conclusions à l’État membre en faisant référence à la décision 94/442. Sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa du présent paragraphe, cette communication évaluera les dépenses qu’elle envisage d’exclure au titre de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement [...] n° 729/70.
L’État membre informe la Commission dans les meilleurs délais des mesures correctives prises pour assurer le respect des règles communautaires et de la date effective de leur mise en œuvre. La Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions en application de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement [...] n° 729/70 pour exclure jusqu’à la date effective de mise en œuvre des mesures correctives les dépenses affectées par le non-respect des règles communautaires. »
8 Les orientations pour l’application des corrections forfaitaires ont été définies, conformément à l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70, modifié par le règlement n° 1287/95, dans le document n° VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après les « orientations »). Lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas d’évaluer les pertes subies par la Communauté, à partir d’une extrapolation de ces pertes, par des moyens statistiques ou par référence à d’autres données vérifiables, une correction forfaitaire peut être envisagée. Le taux de correction appliqué s’élève, en général, à 2 %, à 5 %, à 10 % ou à 25 % des dépenses déclarées, en fonction de l’ampleur du risque de perte.
9 L’annexe 2 des orientations, intitulée « Conséquences financières, pour l’apurement des comptes de la section ‘Garantie’ du FEOGA, des carences des contrôles effectués par les États membres », distingue deux catégories de contrôles, les contrôles clés et les contrôles secondaires :
« Les contrôles clés sont les vérifications physiques et administratives requises pour contrôler les éléments quant au fond, en particulier la réalité de l’objet de la demande, la quantité et les conditions qualitatives, y compris le respect des délais, les exigences de récoltes, les délais de rétention, etc. Ils sont effectués sur le terrain et par recoupement avec des informations indépendantes, telles que les registres cadastraux.
Les contrôles secondaires sont les opérations administratives nécessaires pour traiter correctement les demandes, telles que la vérification du respect des délais de soumission, l’identification de demandes similaires pour un même objet, l’analyse du risque, l’application de sanctions et la supervision adéquate des procédures. »
10 L’annexe 2 des orientations prévoit ce qui suit en ce qui concerne les taux de correction :
« Lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 10 %, car il est raisonnablement permis de penser qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA.
Lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 5 %, car il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de perte pour le FEOGA était significatif.
Lorsqu’un État membre effectue correctement les contrôles clés mais omet complètement d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 2 %, compte tenu du risque plus faible de perte pour le FEOGA et de la gravité moindre de l’infraction.
[…]
Le taux de correction doit être appliqué à la part des fonds pour laquelle la dépense a constitué un risque. Lorsque la carence résulte de la non-adoption, par un État membre, d’un système de contrôle approprié, la correction doit être appliquée à toutes les dépenses auxquelles ce système de contrôle était appliqué. Lorsqu’il y a des raisons de supposer que la carence est limitée à la non-application du système de contrôle adopté par l’État membre dans un département ou une région, la correction doit être appliquée aux dépenses gérées par ledit département ou ladite région. »
11 Il ressort enfin de l’annexe 2 des orientations que, lorsqu’un même système recèle plusieurs carences, les taux forfaitaires de correction ne sont pas cumulatifs, la carence la plus grave étant considérée comme indicative des risques présentés par le système de contrôle dans son ensemble.
Réglementation relative aux aides à la production destinées aux transformateurs de tomates
12 Le règlement (CE) n° 2201/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 297, p. 29), a instauré un régime d’aide à la production pour les produits figurant en son annexe I, qui sont obtenus à partir de fruits et de légumes récoltés dans la Communauté.
13 Le règlement (CE) n° 449/2001 de la Commission, du 2 mars 2001, portant modalités d’application du règlement n° 2201/96 en ce qui concerne le régime d’aide dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 64, p. 16), détermine le régime applicable à la campagne 2002/2003 visée dans la présente affaire.
14 Le règlement (CE) n° 1535/2003 de la Commission, du 29 août 2003, portant modalités d’application du règlement n° 2201/96 en ce qui concerne le régime d’aide dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 218, p. 14), détermine le régime applicable à la campagne 2003/2004, également visée dans la présente affaire. L’article 41 du règlement n° 1535/2003 a abrogé le règlement n° 449/2001 applicable à la campagne 2002/2003. Toutefois, toutes les dispositions du règlement n° 449/2001, pertinentes aux fins de la présente affaire, figurent à l’identique dans le nouveau règlement n° 1535/2003.
15 Conformément à l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 1535/2003:
« 1. Sans préjudice des dispositions du titre VI du règlement (CE) n° 2200/96, les États membres prennent les mesures nécessaires pour :
a) s’assurer du respect des dispositions du présent règlement ;
b) prévenir et poursuivre les irrégularités et appliquer les sanctions prévues par le présent règlement ;
c) récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences ;
d) vérifier les registres prévus aux articles 29 et 30 et leur concordance avec la comptabilité imposée par la législation nationale aux organisations de producteurs et aux transformateurs ;
e) effectuer les contrôles visés aux articles 31 et 32 de façon inopinée pendant les périodes adéquates ;
[…] »
16 Aux termes de l’article 29 du règlement n° 1535/2003, intitulé « Registres et informations des organisations de producteurs » :
« 1. L’organisation de producteurs tient un registre pour chacun des produits livrés à la transformation dans le cadre du règlement […] n° 2201/96, où figurent au minimum les renseignements suivants :
a) pour les quantités livrées dans le cadre de contrats :
i) les lots livrés chaque jour ainsi que le numéro d’identification du contrat auquel ils se rapportent ;
ii) la quantité de chaque lot livré ainsi que, pour les tomates, les pêches et les poires, la quantité admise à la transformation, déduction faite le cas échéant de la réfaction, et le numéro d’identification du certificat de livraison correspondant ;
b) pour les quantités livrées hors contrat :
i) les lots livrés chaque jour ainsi que l’identification du transformateur en cause ;
ii) la quantité de chaque lot livré et admis à la transformation ;
c) les quantités vendues sur le marché du frais, celles retirées du marché et les stocks des produits concernés.
2. L’organisation de producteurs tient à la disposition des autorités nationales de contrôle toute information nécessaire au contrôle du respect des dispositions du présent règlement.
Dans le cas des tomates, des pêches et des poires, ces informations doivent permettre d’établir, pour chaque producteur, le lien entre les superficies, les quantités livrées, les certificats de livraison et les versements d’aides et de prix.
3. Les États membres peuvent déterminer la forme des registres et informations visés aux paragraphes 1 et 2.
Les État membres peuvent décider que les registres visés aux paragraphes 1 et 2 soient certifiés de la même façon que les registres ou les documents comptables requis par les législations nationales.
4. Les registres ou documents comptables requis par les législations nationales peuvent être utilisés pour l’application du présent article, pour autant qu’ils contiennent les informations visées au paragraphe 1.
L’organisation de producteurs est soumise à toute mesure d’inspection ou de contrôle jugée nécessaire par l’État membre et tient tous les registres supplémentaires prescrits par l’État membre pour les contrôles jugés nécessaires. »
17 Aux termes de l’article 30 du règlement n° 1535/2003, intitulé « Registres et informations des transformateurs » :
« 1. Le transformateur tient des registres où figurent au minimum les renseignements suivants :
a) pour les quantités achetées dans le cadre de contrats :
i) les lots achetés et admis à la transformation chaque jour dans l’entreprise ainsi que le numéro d’identification du contrat auquel ils se rapportent ;
ii) la quantité de chaque lot admis à la transformation et, pour les tomates, les pêches et les poires, le numéro d’identification du certificat de livraison correspondant ;
b) pour les quantités achetées hors contrat :
i) les lots reçus chaque jour ainsi que les nom et adresse du vendeur ;
ii) la quantité de chaque lot admis à la transformation ;
c) les quantités de chaque produit fini visé à l’article 2, obtenues chaque jour avec les quantités correspondantes de matières premières, en distinguant les quantités obtenues à partir de lots admis dans le cadre de contrats ;
d) les quantités et le prix de chaque produit fini acheté par le transformateur chaque jour, avec l’indication des nom et adresse du vendeur. Ces indications peuvent figurer dans les registres par référence aux pièces justificatives pour autant que ces dernières contiennent les informations précitées ;
e) les quantités et le prix de chaque produit fini quittant l’établissement du transformateur chaque jour, avec l’indication des nom et adresse du destinataire. Ces indications peuvent figurer dans les registres par référence aux pièces justificatives pour autant que ces dernières contiennent les informations précitées.
[…]
3. Le transformateur tient à jour quotidiennement l’état de ses stocks de produits visés au paragraphe 1, [sous] c), d) et e), ainsi qu’au paragraphe 2, [sous] a), b) et c), pour chaque usine.
4. Le transformateur conserve pendant cinq ans à compter de la fin de la campagne de transformation en cause la preuve du paiement de toute matière première achetée dans le cadre d’un contrat ainsi que la preuve du paiement pour toute vente ou achat de produit fini.
5. Le transformateur est soumis à toute mesure d’inspection ou de contrôle jugée nécessaire par l’État membre et tient tous les registres supplémentaires prescrits par celui-ci pour les contrôles jugés nécessaires.
6. Les États membres peuvent déterminer la forme des registres visés aux paragraphes 1 et 2.
Les État membres peuvent décider que les registres visés aux paragraphes 1 et 2 soient certifiés de la même façon que les registres ou les documents comptables requis par les législations nationales.
7. Les registres ou documents comptables imposés par les législations nationales peuvent être utilisés pour l’application du présent article, pour autant qu’ils contiennent les informations visées aux paragraphes 1, 2 et 3. »
18 Conformément à l’article 31 du règlement n° 1535/2003, intitulé « Contrôles concernant les tomates, les pêches et les poires » :
« 1. Pour chaque organisation de producteurs, qui livre à la transformation des tomates, des pêches ou des poires, pour chaque produit et pour chaque campagne, les contrôles suivants sont effectués :
a) des contrôles physiques portant sur :
– au moins 5 % des superficies visées à l’article 10 et à l’article 12, paragraphe 1 ;
– au moins 7 % des quantités livrées à la transformation afin de vérifier la concordance avec les certificats de livraison visés à l’article 20 et le respect des exigences minimales de qualité ;
[…]
c) des contrôles administratifs et comptables afin de vérifier la concordance entre les quantités totales livrées à l’organisation de producteurs par les producteurs visés à l’article 12, paragraphes 1 et 3, les quantités totales livrées à la transformation, les certificats de livraison totaux visés à l’article 20, les quantités totales reprises dans la demande d’aide, d’une part, et les versements de prix prévus à l’article 22, paragraphe 1, et d’aides prévus à l’article 27, paragraphe 1, d’autre part ;
[…]
2. Pour les transformateurs de tomates, de pêches et de poires, pour chaque usine, pour chaque produit et pour chaque campagne, les contrôles suivants sont effectués :
a) des contrôles sur au moins 5 % des produits finis, afin de vérifier le respect des exigences minimales de qualité applicables ;
b) des contrôles physiques et comptables sur au moins 5 % des produits finis, afin de vérifier le rendement entre la matière première transformée et le produit fini obtenu, dans le cadre du contrat et hors contrats ;
c) des contrôles administratifs et comptables afin de vérifier, sur la base des factures émises et reçues et sur la base des données de la comptabilité, la cohérence entre la quantité de produits finis à partir de matières premières reçues, les quantités de produits finis achetés et, d’autre part, les quantités de produits finis vendus ;
d) des contrôles physiques et comptables sur la réalité des stocks, portant, au moins une fois par an, sur la totalité des stocks de produits finis afin de vérifier leur concordance avec les produits finis élaborés, les produits finis achetés et les produits finis vendus ;
e) des contrôles administratifs et comptables sur au moins 10 % des virements des prix prévus à l’article 22, paragraphe 1.
[…] »
Antécédents du litige
19 Entre le 26 et le 30 avril 2004, les services de la Commission ont réalisé une mission d’inspection en Estrémadure portant sur les contrôles dans le secteur des tomates.
20 S’agissant des contrôles aux points de livraison des matières premières, les services de la Commission ont constaté que les inspecteurs nationaux ne travaillaient que de 8 heures à 19 heures si bien qu’aucun contrôle n’était pratiqué en dehors de cet horaire, alors qu’au cours de la campagne de transformation les fabriques fonctionnaient 24 heures par jour. En outre, il a été constaté que, d’une part, les tickets de pesée, bien qu’émis à la livraison des tomates, n’étaient le plus souvent pas conservés, ce qui réduisait l’efficacité du contrôle et que, d’autre part, les bons de livraison étaient signés en bloc plusieurs heures après les opérations, par un représentant de l’organisation de producteurs qui n’avait pas assisté à ces opérations. S’agissant des contrôles comptables, les services de la Commission ont constaté que les inspecteurs nationaux ne comparaient pas les registres et la comptabilité officielle.
21 Les conclusions de la mission d’inspection ont été remises aux autorités espagnoles par lettre du 29 juillet 2004, lesdites autorités y ayant répondu par lettre du 27 octobre 2004.
22 Après la tenue d’une réunion bilatérale le 26 novembre 2004 et au vu des observations présentées par les autorités espagnoles, les services de la Commission ont confirmé à celles-ci leur position par lettre du 2 septembre 2005.
23 Par lettre du 13 octobre 2005, les autorités espagnoles ont demandé l’ouverture de la procédure de conciliation. L’organe de conciliation a émis son rapport le 27 mars 2006.
24 Par lettre du 15 septembre 2006, les services de la Commission ont communiqué aux autorités espagnoles leur position finale à l’issue de la conciliation, confirmant la correction financière initialement proposée.
25 Sur la base du rapport de synthèse du 25 janvier 2007, la Commission a adopté la décision 2007/243/CE, du 18 avril 2007, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie » (JO L 106, p. 55, ci-après la « décision attaquée »), en particulier, s’agissant du Royaume d’Espagne, la somme de 4 090 316,46 euros, correspondant à 5 % des dépenses déclarées par les autorités espagnoles en ce qui concerne la production de produits transformés à base de tomates pour les exercices 2003 et 2004, en raison de leur non-conformité aux règles communautaires, au motif que « [l]es tomates livrées en dehors des heures de travail habituelles des autorités compétentes n’ont pas pu être contrôlées de façon adéquate [et qu’il existe une] correspondance insuffisante des registres avec la compatibilité officielle ».
Procédure et conclusions des parties
26 Par requête déposée le 28 juin 2007 au greffe du Tribunal, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.
27 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.
28 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 15 avril 2010.
29 Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée pour la partie faisant l’objet du présent recours ;
– condamner la Commission aux dépens.
30 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.
31 M. le juge Tchipev ayant été empêché de siéger après la clôture de la procédure orale, M. le juge Schwarcz a été désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, pour compléter la chambre.
32 Par ordonnance du 8 juillet 2010, le Tribunal (sixième chambre), dans sa nouvelle composition, a rouvert la procédure orale et les parties ont été informées qu’elles seraient entendues lors d’une nouvelle audience le 22 septembre 2010.
33 Par lettres, respectivement, des 16 et 22 juillet 2010, le Royaume d’Espagne et la Commission ont informé le Tribunal qu’ils renonçaient à être entendus une nouvelle fois.
34 En conséquence, le président de la sixième chambre a décidé de clore la procédure orale.
En droit
35 Le Royaume d’Espagne invoque, en substance, un moyen principal, tiré de l’inexistence des irrégularités invoquées par la Commission pour justifier la correction financière, et un moyen subsidiaire, tiré du caractère disproportionné de cette correction.
Considérations liminaires
36 Il convient de rappeler que le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt de la Cour du 24 février 2005, Grèce/Commission, C-300/02, Rec. p. I-1341, point 32, et la jurisprudence citée).
37 Il y a lieu également de rappeler qu’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles. Toutefois, la Commission est tenue non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par celles-ci, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres (arrêt Grèce/Commission, point 36 supra, points 33 et 34).
38 L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (arrêt Grèce/Commission, point 36 supra, point 35).
39 Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA, et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt Grèce/Commission, point 36 supra, point 36, et la jurisprudence citée).
40 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, en l’espèce, l’argumentation invoquée par le Royaume d’Espagne à l’encontre des motifs sur lesquels la Commission a fondé la décision attaquée.
Sur le moyen principal, tiré de l’inexistence des irrégularités
41 Le Royaume d’Espagne soutient en substance que l’absence de contrôles nocturnes, la non-conservation des tickets de pesée, la signature en bloc des bons de livraison et l’absence de concordance entre les registres et la comptabilité officielle ne sauraient justifier la correction financière imposée par la décision attaquée.
Sur l’absence de contrôles nocturnes
– Arguments des parties
42 Le Royaume d’Espagne ne conteste pas que les inspecteurs n’aient jamais été présents entre 19 heures et 8 heures. Toutefois, il considère qu’il ne saurait en être conclu pour autant, comme le fait la Commission, que les autorités espagnoles ont permis que des livraisons potentiellement litigieuses soient effectuées pendant la nuit. En effet, une telle conclusion résulterait d’une interprétation excessivement rigoureuse de la réglementation communautaire.
43 Le Royaume d’Espagne reconnaît que l’article 28, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1535/2003 exige des États membres qu’ils effectuent des contrôles de façon « inopinée pendant les périodes adéquates ». Cependant, dès lors que cette disposition ne se réfère pas seulement aux contrôles des quantités livrées à la transformation, mais à l’ensemble des contrôles visés aux articles 31 et 32 du règlement n° 1535/2003, c’est l’ensemble de ces contrôles, et non chacun d’entre eux, qui doit être effectué de façon inopinée pendant les périodes adéquates et qui doit être apprécié aux fins de vérifier la légalité de l’aide accordée. Ce ne serait qu’ainsi qu’il pourrait être compris que la réglementation communautaire impose des pourcentages si bas pour chacun des contrôles considérés individuellement, à savoir, en ce qui concerne les contrôles physiques des livraisons, un minimum de 7 % des quantités livrées. En effet, si la légalité des aides était garantie sur la seule base des contrôles physiques des livraisons, ce n’est pas un contrôle minimum de 7 % des quantités livrées qui serait exigé, mais le contrôle de 100 % de ces quantités.
44 Le Royaume d’Espagne estime par conséquent avoir respecté les exigences de l’article 28, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1535/2003, car, s’il est vrai que, lors des exercices auxquels se réfère la décision attaquée, les inspecteurs n’ont pas effectué de contrôles physiques des livraisons nocturnes, l’ensemble des vérifications et des mesures d’inspection mises en œuvre ont garanti le respect, pour l’ensemble des quantités de tomates transformées ayant fait l’objet d’aides, des conditions imposées par la réglementation communautaire. Le Royaume d’Espagne expose également que tous les contrôles effectués l’ont été sans aviser préalablement les producteurs et les transformateurs, de sorte qu’aucun d’entre eux ne pouvait prévoir quand les inspecteurs allaient se présenter. Il ne pourrait donc lui être reproché de ne pas avoir satisfait à la condition de contrôle inopiné.
45 Par ailleurs, selon le Royaume d’Espagne, il convient de tenir compte du fait que, en pleine période de production, les quantités de tomate livrées aux entreprises de transformation sont très importantes. La durée du processus de livraison serait généralement supérieure à 5 ou 6 heures, de sorte que les producteurs qui viennent livrer leurs produits à l’entreprise de transformation ne pourraient pas calculer avec précision le temps nécessaire pour vérifier la livraison et ignoreraient dès lors si la livraison pourrait être achevée avant l’arrivée des inspecteurs. En outre, la durée de l’attente nécessaire pour effectuer la livraison laisserait le temps aux inspecteurs de l’administration d’observer et de vérifier la sortie des véhicules qui sont entrés pendant la nuit, pendant qu’ils contrôlent le suivi intégral des lots certifiés. Le Royaume d’Espagne souligne également que les producteurs ne peuvent changer à leur gré les dates de livraison pour s’assurer que la livraison se produise de nuit, car les contrats conclus entre les organisations de producteurs et les entreprises de transformation fixent obligatoirement les quantités à livrer et les dates auxquelles ces livraisons doivent être effectuées. Lors de l’audience, le Royaume d’Espagne a en outre précisé, quant à l’impossibilité pour les producteurs de déterminer si les livraisons peuvent avoir lieu la nuit, que, dans la plupart des cas, ce sont les transformateurs qui mettent à la disposition des producteurs les moyens de transport, si bien que les producteurs ne peuvent choisir le moment auquel ils procèdent aux livraisons des tomates.
46 Le Royaume d’Espagne fait également valoir qu’il existe d’autres types de contrôles que ceux relatifs aux livraisons afin de garantir la régularité des aides octroyées. Il cite, à cet égard, premièrement, le contrôle de qualité du produit issu de la transformation, prévu à l’article 31, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1535/2003, qui englobe obligatoirement le résultat de la transformation des tomates livrées de nuit, deuxièmement, le contrôle des stocks et les contrôles documentaires, prévus à l’article 31 du règlement n° 1535/2003, qui portent inévitablement sur l’ensemble des tomates transformées, indépendamment de l’horaire – de nuit ou de jour – auquel elles ont été livrées, ainsi que, troisièmement, les contrôles effectués par l’Asociación Mesa del Tomate (ci-après l’« association »).
47 D’après les informations fournies par le Royaume d’Espagne, cette dernière est une association privée sans but lucratif ayant notamment pour objectif de contrôler et d’assurer le suivi des livraisons de tomates et leur qualité. Elle est composée de représentants des organisations de producteurs et de transformateurs. Ses organes de représentation et de direction sont une assemblée générale, à laquelle participent tous les représentants du secteur, les organisations de producteurs et les industries autorisées, ainsi qu’un conseil d’administration, au sein duquel le secteur industriel dispose de six voix, chacune des voix ayant le même poids. Le Royaume d’Espagne indique en outre que, pour mener à bien ses tâches de contrôle et de suivi des livraisons de tomates, l’association engage, pour chaque industrie, du personnel. L’équipe de contrôle dans chaque industrie est composée de deux contrôleurs, désignés respectivement par le producteur et par l’industriel, qui agissent selon un protocole de contrôle préétabli, qui inclut la vérification d’éléments de pesée et d’analyse. Le Royaume d’Espagne ajoute également que ces contrôles sont soumis à un audit externe qui vérifie les bascules et les éléments de pesée ainsi que la méthodologie de contrôle analytique et instrumental utilisée conformément audit protocole.
48 S’agissant des contrôles réalisés par cette association, le Royaume d’Espagne ne conteste pas qu’ils ne peuvent pas remplacer les contrôles réalisés par les instances des États membres que la réglementation charge de certaines tâches. Il indique cependant que, dans toutes les entreprises de transformation, un contrôle de l’ensemble des livraisons est effectué par les contrôleurs de cette association, qui exercent leurs fonctions pendant la totalité des horaires de livraison. Par conséquent, il serait impossible de procéder à des livraisons fictives ou de qualité inférieure. Ce point de vue serait d’ailleurs partagé par l’organe de conciliation, lequel aurait notamment considéré, dans son rapport final du 27 mars 2006, que « les travaux des comités de contrôle nommés conjointement, dont les activités couvrent l’ensemble de la période de production, peuvent constituer un important niveau supplémentaire de contrôle et contribuer à éliminer la probabilité d’abus ».
49 Le Royaume d’Espagne allègue en outre que, puisque, au cours des campagnes concernées par la correction financière, les seuils communautaires de quantités susceptibles de bénéficier de l’aide ont largement été dépassés par les livraisons des producteurs, il n’y avait aucun intérêt à introduire des lots fictifs de tomates. Il ajoute également que, dès lors que, dans le secteur de transformation des tomates, l’aide communautaire est exclusivement destinée aux producteurs, les transformateurs n’auraient aucun intérêt à collaborer à la réalisation d’une fraude. Lors de l’audience, le Royaume d’Espagne a en outre souligné que des livraisons fictives étaient impossibles dès lors que cela supposerait la complicité des différents acteurs engagés dans le processus de transformation des tomates, à savoir, notamment, les producteurs, les transformateurs, les transporteurs et les contrôleurs de l’association.
50 Enfin, le Royaume d’Espagne considère que le fait que les autorités espagnoles n’aient pas effectué de contrôles physiques des livraisons de nuit ne peut être considéré comme une irrégularité dans les systèmes nationaux de contrôle présentant un risque pour les fonds communautaires. La meilleure preuve de l’absence de risque découlerait du fait que les contrôles supplémentaires mis en place la nuit par les autorités espagnoles lors de la campagne 2004/2005, à la suite des indications des services de la Commission, n’ont pas révélé d’incidents ni d’irrégularités plus importantes que celles constatées lors des campagnes faisant l’objet de la correction financière. Le Royaume d’Espagne soutient d’ailleurs que la Commission n’a apporté aucun indice démontrant que les livraisons de nuit seraient de qualité inférieure à celles effectuées entre 8 heures et 19 heures.
51 À titre liminaire, la Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante, si elle est obligée de justifier sa décision de refuser d’imputer au FEOGA, section « Garantie », des dépenses effectuées par un État membre en présentant des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable quant à l’existence ou au caractère approprié des contrôles effectués dans cet État membre, elle n’est toutefois pas tenue de démontrer de manière détaillée l’insuffisance des contrôles ou l’inexactitude des données transmises par l’État membre. En effet, c’est ce dernier qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires et présenter les preuves de la réalité des contrôles et de l’inexactitude des affirmations de la Commission (arrêt de la Cour du 18 septembre 2003, Grèce/Commission, C-331/00, Rec. p. I-9085, point 66).
52 Il découlerait également d’une jurisprudence constante que l’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission par de simples allégations qui ne sont pas étayées par des éléments tendant à établir l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. S’il ne parvient pas à démontrer qu’elles sont inexactes, les constatations de la Commission constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir arrêt de la Cour du 1er octobre 1998, Italie/Commission, C-242/96, Rec. p. I-5863, point 59, et la jurisprudence citée).
53 En l’espèce, il ressortirait des lettres adressées aux autorités espagnoles lors de la procédure précontentieuse et du rapport de synthèse du 25 janvier 2007 que la Commission a communiqué à suffisance les éléments qui la faisaient sérieusement douter du caractère efficace et opérationnel des contrôles réalisés par les autorités espagnoles et qui justifiaient l’application de la correction financière litigieuse.
54 À cet égard, la Commission souligne que le Royaume d’Espagne a toujours reconnu l’absence de contrôles nocturnes, qui affecterait nécessairement l’efficacité des contrôles dès lors que, premièrement, la période comprise entre 19 heures et 8 heures est demeurée exempte de tout contrôle et que, deuxièmement, les producteurs étaient conscients du fait que les quantités livrées pendant cette période ne seraient pas inspectées par les autorités nationales.
55 La Commission fait valoir que, selon une jurisprudence constante, tout contrôle par sondage doit porter, en principe de façon aléatoire, sur un certain nombre d’unités de la population contrôlée, considéré comme statistiquement représentatif de celle-ci. Dans le cas d’un contrôle par sondage destiné à vérifier la correspondance entre les certificats de livraison et les matières premières réellement livrées, ainsi que le respect des exigences minimales de qualité, il est impératif que les éléments de la population contrôlée ne puissent pas déterminer à l’avance s’ils feront ou non partie de l’échantillon sélectionné. À défaut, non seulement il existerait un risque de violation de la norme communautaire, mais il s’ensuivrait également, d’un point de vue statistique, que les résultats du sondage seraient faussés, puisque ce dernier ne respecterait pas la condition de non-détermination a priori des quantités contrôlées et, dès lors, le caractère inopiné exigé par la réglementation communautaire (arrêt du Tribunal du 28 mars 2007, Espagne/Commission, T-220/04, non publié au Recueil, point 82).
56 De l’avis de la Commission, les différents arguments invoqués par le Royaume d’Espagne ne sauraient justifier l’absence de contrôles entre 19 heures et 8 heures.
57 En premier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel le respect des exigences imposées par la réglementation communautaire était garanti par l’ensemble des vérifications et des actions d’inspection parmi lesquelles figurent les contrôles de qualité sur le produit résultant de la transformation, les contrôles documentaires ou ceux qui sont réalisés par l’association, la Commission rappelle que les contrôles physiques sur les matières premières livrées à la transformation sont expressément prévus dans la législation communautaire. Or, selon une jurisprudence constante, lorsqu’un règlement institue des mesures spécifiques de contrôle, les États membres sont tenus de les appliquer sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le bien-fondé de leur thèse selon laquelle un système de contrôle différent serait plus efficace (arrêt Espagne/Commission, point 55 supra, point 89). Elle ajoute, en outre, que les contrôles des produits finis ou des stocks ne sauraient remplacer les contrôles devant être effectués à l’entrée des matières premières. En tout état de cause, la Commission rejette l’idée selon laquelle c’est l’ensemble des contrôles visés aux articles 31 et 32 du règlement n° 1535/2003, et non chacun d’entre eux pris individuellement, qui doit être effectué de façon inopinée pendant les périodes adéquates et qui doit être apprécié aux fins de vérifier la légalité de l’aide accordée. En effet, cela reviendrait à considérer que l’absence d’un certain type de contrôles serait sans importance si les autres contrôles ont été réalisés correctement. Quant au fait que le pourcentage exigé pour les contrôles physiques n’est que de 7 % des quantités livrées, ce qui serait selon la Commission supérieur à la moyenne requise dans d’autres secteurs agricoles, cela n’affecterait pas le caractère essentiel de ces contrôles.
58 En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue impossibilité pour le producteur de déterminer si la livraison aura lieu la nuit, la Commission relève que, s’il est certain qu’en pleine période de production les quantités de tomates livrées aux entreprises de transformation sont élevées, le temps d’attente diminue sensiblement pendant l’horaire de nuit, correspondant à 55 % du temps journalier, au cours duquel 25 % des matières premières est livré, selon les données fournies par les autorités espagnoles. Il serait donc possible qu’un camion qui sort d’une exploitation agricole un peu avant 19 heures puisse effectuer une livraison de matière première à l’entreprise de transformation avant 8 heures sans aucun contrôle officiel. Concernant l’argument du Royaume d’Espagne relatif à la détermination exacte du moment de la livraison des matières premières prévu dans les contrats conclus par les producteurs et les transformateurs, la Commission souligne que ces contrats prévoient certes les dates auxquelles les livraisons peuvent être effectuées, mais nullement l’heure exacte desdites livraisons.
59 En troisième lieu, s’agissant de l’argument du Royaume d’Espagne relatif au manque d’intérêt à augmenter frauduleusement les chiffres relatifs à la matière première livrée à la transformation, la Commission expose que, indépendamment de l’importance de l’impact budgétaire, les États membres doivent veiller à ce que les aides soient versées aux bénéficiaires qui remplissent les exigences légales.
60 Enfin, en réponse à l’argument selon lequel aucun indice ne démontrerait que les livraisons de nuit seraient de qualité inférieure à celles effectuées le jour entre 8 heures et 19 heures, la Commission expose que c’est l’existence d’un contexte comportant un risque de perte pour le FEOGA qui entraîne l’exclusion de certaines dépenses du financement communautaire. En l’espèce, aucun contrôle physique n’étant effectué entre 19 heures et 8 heures, ce risque serait évident.
– Appréciation du Tribunal
61 Aux termes de l’article 28 du règlement n° 1535/2003, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour effectuer les contrôles visés aux articles 31 et 32 de ce règlement de façon inopinée pendant les périodes adéquates. En vertu dudit article 31, pour chaque organisation de producteurs, qui livre à la transformation des tomates, pour chaque produit et pour chaque campagne, les autorités compétentes doivent effectuer un ensemble de contrôles, parmi lesquels figurent les contrôles physiques portant sur au moins 7 % des quantités livrées à la transformation afin de vérifier la concordance avec les certificats de livraison visés à l’article 20 du règlement n° 1535/2003 et le respect des exigences minimales de qualité.
62 Il découle donc du libellé même de ces dispositions que chaque contrôle visé à l’article 31 du règlement n° 1535/2003 doit être effectué par les autorités nationales de façon inopinée pendant les périodes adéquates et que, par conséquent, les contrôles physiques des quantités livrées doivent, premièrement, être inopinés, deuxièmement, être effectués pendant les périodes adéquates et, troisièmement, porter sur au moins 7 % des quantités livrées à la transformation.
63 S’agissant de la notion de contrôle inopiné pendant les périodes adéquates, il convient de relever d’emblée que le règlement n° 1535/2003 ne la définit pas. Il ressort du dossier ainsi que des plaidoiries que, selon le Royaume d’Espagne, un contrôle est inopiné si les producteurs ne sont pas avisés à l’avance qu’il va avoir lieu. Quant aux termes « pendant les périodes adéquates », il estime qu’ils font nécessairement référence à toute la campagne de production. En revanche, la Commission considère que le contrôle ne peut être inopiné que si les producteurs ne sont pas avisés du contrôle et s’ils ne savent pas qu’aucun contrôle ne peut avoir lieu pendant une certaine période. Quant aux termes « pendant les périodes adéquates », la Commission estime qu’ils sont applicables aux contrôles physiques des quantités livrées et qu’il est satisfait à cette condition si ces contrôles sont réalisés au cours des périodes pendant lesquelles des livraisons sont effectuées, à savoir, en l’espèce, 24 heures sur 24 pendant la période de pleine production.
64 Le Tribunal considère que, à l’image d’un contrôle par sondage, lorsque la réglementation communautaire impose un contrôle physique inopiné pendant les périodes adéquates des quantités livrées, destiné à vérifier la concordance avec les certificats de livraison et le respect des exigences minimales de qualité dont la violation est assortie de sanctions, il est certes impératif que les producteurs ne soient pas avisés qu’un contrôle aura lieu, ainsi que le soutient le Royaume d’Espagne, mais il est tout aussi impératif qu’ils ne puissent pas savoir à l’avance qu’ils ne feront pas l’objet d’un tel contrôle pendant une période prédéterminée. En effet, si les producteurs étaient avisés du contrôle ou s’ils savaient à l’avance qu’aucun contrôle ne pouvait avoir lieu pendant une période prédéterminée, lesdits producteurs seraient en mesure d’adapter leur comportement de façon à satisfaire à la norme communautaire alors qu’ils ne l’auraient pas nécessairement fait de façon spontanée. De surcroît, ils seraient en mesure de violer la norme avec un risque de détection minimal pendant cette période (voir, s’agissant de contrôles par sondage, arrêt Espagne/Commission, point 55 supra, point 82).
65 Or, en l’espèce, il n’est pas contesté qu’aucun contrôle physique des livraisons n’était effectué par les inspecteurs nationaux entre 19 heures et 8 heures alors que, au cours de la campagne de transformation, les fabriques fonctionnaient 24 heures par jour. À cet égard, il convient de souligner que, bien que le règlement n° 1535/2003 ne donne pas de définition des termes « périodes adéquates », pour ce qui est des contrôles physiques des quantités livrées, les périodes adéquates pour réaliser ces contrôles sont celles pendant lesquelles des livraisons peuvent avoir lieu, à savoir 24 heures par jour pendant les périodes de pleine production.
66 Il y a donc lieu de considérer que les contrôles physiques des livraisons effectués par les autorités espagnoles, au titre des articles 28 et 31 du règlement n° 1535/2003, ont été organisés de telle manière qu’ils permettaient aux producteurs de savoir, dès le début de la campagne en cause, que les tomates dont la livraison débutait après 19 heures et s’achevait avant 8 heures ne seraient jamais soumises aux contrôles physiques des inspecteurs nationaux. Par conséquent, lesdits contrôles ne peuvent être considérés comme étant effectués de façon inopinée pendant les périodes adéquates, ainsi que l’exige la réglementation communautaire.
67 Le Royaume d’Espagne soutient toutefois en substance que, premièrement, les contrôles physiques des quantités livrées ne peuvent à eux seuls servir de base pour apprécier la légalité des aides accordées (voir point 43 ci-dessus), deuxièmement, malgré le fait que les inspecteurs n’ont pas effectué ces contrôles entre 19 heures et 8 heures, l’ensemble des vérifications et des mesures d’inspection mises en œuvre ainsi que les autres contrôles prévus par le règlement n° 1535/2003 ont garanti le respect, pour l’ensemble des quantités de tomates transformées ayant bénéficié des aides, des conditions imposées par la réglementation communautaire (voir points 44 et 46 ci-dessus), troisièmement, compte tenu de la durée du processus de livraison, de la durée d’attente et du fait que les dates de livraison étaient fixées contractuellement, il était de toute façon impossible pour les producteurs de prévoir si les livraisons auraient lieu pendant cette période (voir point 45 ci-dessus), quatrièmement, les producteurs n’avaient aucun intérêt à introduire des lots fictifs de tomates, dès lors que les quantités de tomates livrées à la transformation dépassaient nettement le seuil national fixé par la réglementation communautaire, ou à introduire des lots de qualité inférieure aux exigences minimales (voir point 49 ci-dessus) et, cinquièmement, le fait que les autorités espagnoles n’aient pas effectué de contrôles physiques des livraisons de 19 heures à 8 heures ne peut être considéré comme une irrégularité dans les systèmes nationaux de contrôle entraînant l’existence d’un risque pour les fonds communautaires (voir point 50 ci-dessus).
68 S’agissant du premier argument, il y a lieu de relever que le fait que l’article 28 du règlement n° 1535/2003 se réfère à l’ensemble des contrôles visés aux articles 31 et 32, et non pas uniquement aux contrôles physiques des quantités livrées, ne saurait être interprété en ce sens que c’est l’ensemble de ces contrôles, et non chacun d’entre eux, qui doit être effectué de façon inopinée et qui doit être apprécié aux fins de vérifier la légalité de l’aide accordée. En effet, indépendamment du fait que cette interprétation ne trouve aucun fondement dans la lettre de cette disposition (voir points 61 et 62 ci-dessus), elle reviendrait en substance à nier le caractère essentiel des contrôles physiques par les inspecteurs nationaux des quantités livrées en admettant que l’absence de ces contrôles pendant une certaine période est admissible si les autres contrôles prévus par le règlement n° 1535/2003 sont effectués.
69 Quant à l’argument invoqué par le Royaume d’Espagne selon lequel, si la légalité des aides devait être garantie sur la seule base des contrôles physiques des quantités livrées, ce n’est pas un contrôle minimal de 7 % des quantités livrées qui serait exigé, mais un contrôle de 100 % de ces quantités, il doit être rejeté. D’une part, ainsi que le relève à juste titre la Commission, la plupart des contrôles physiques exigés en matière de politique agricole commune sont réalisés par échantillonnage, ce qui ne leur confère pas pour autant un caractère accessoire. D’autre part, le fait que ces contrôles physiques des quantités livrées à la transformation soient destinés à vérifier la concordance entre les certificats de livraison et le respect des exigences minimales de qualité dont la violation est assortie de sanctions corrobore la thèse selon laquelle ces contrôles sont essentiels aux fins de garantir la légalité des aides accordées.
70 S’agissant du deuxième argument, en vertu duquel les vérifications et les mesures d’inspection mises en œuvre ainsi que les autres contrôles prévus par le règlement n° 1535/2003 ont garanti le respect des conditions imposées par la réglementation communautaire, il doit être rejeté dès lors que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’un règlement institue des mesures spécifiques de contrôle, les États membres sont tenus de les appliquer sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le bien-fondé de leur thèse selon laquelle un système de contrôle différent serait plus efficace (voir arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Grèce/Commission, T-243/05, Rec. p. II-3475, point 59, et la jurisprudence citée).
71 En tout état de cause, il est sans pertinence que des contrôles de qualité du produit issu de la transformation, des contrôles des stocks et des contrôles documentaires aient été effectués, dès lors que la réglementation communautaire prescrit non seulement ces contrôles, mais également les contrôles physiques inopinés des quantités livrées, dont il est constant qu’ils n’ont pas été réalisés par les inspecteurs nationaux entre 19 heures et 8 heures (voir, en ce sens, arrêt Espagne/Commission, point 55 supra, point 88).
72 Quant aux contrôles effectués par l’association, il y a lieu de rappeler que le Royaume d’Espagne a lui-même indiqué que ces contrôles ne peuvent pas remplacer ceux opérés par les instances de contrôles des États membres que la réglementation charge de certaines tâches (voir point 48 ci-dessus).
73 En tout état de cause, le Tribunal considère que, bien qu’ils soient réalisés pendant les périodes adéquates, à savoir 24 heures par jour, et qu’ils portent directement sur les livraisons, contrairement aux autres contrôles mentionnés par le Royaume d’Espagne, ces contrôles ne peuvent offrir le même degré de garantie que les contrôles effectués par les inspecteurs nationaux, dès lors notamment que les équipes de contrôle sont composées de représentants des organisations de producteurs et de transformateurs qui sont impliqués dans le processus de transformation des tomates. En outre, il y a lieu de relever que, bien que les contrôleurs agissent selon un protocole de contrôle préétabli (voir point 47 ci-dessus), il ne ressort pas des éléments présentés par le Royaume d’Espagne que ces contrôleurs sont tenus d’effectuer le même type de contrôle que les inspecteurs nationaux, lesquels doivent vérifier la concordance avec les certificats de livraison visés à l’article 20 du règlement n° 1535/2003 et le respect des exigences minimales de qualité.
74 Ces contrôles peuvent donc, tout au plus, constituer un niveau supplémentaire de contrôle et contribuer à éliminer la probabilité d’abus, sans pour autant pallier l’absence totale de contrôles physiques par les inspecteurs nationaux des quantités livrées entre 19 heures et 8 heures.
75 S’agissant du troisième argument, selon lequel, compte tenu de la durée du processus de livraison, de la durée d’attente et du fait que les dates de livraison étaient fixées contractuellement, il était impossible en pratique pour les producteurs de prévoir si les livraisons auraient lieu pendant cette période, force est de constater que ces circonstances ne sauraient dispenser les États membres de mettre en place les contrôles physiques des quantités livrées expressément prévus par le règlement n° 1535/2003.
76 En tout état de cause, cet argument n’est pas de nature à exclure le risque que des livraisons irrégulières puissent se produire entre 19 heures et 8 heures sans être détectées. Dans la requête, le Royaume d’Espagne indique d’ailleurs que les producteurs ne pouvaient pas facilement se risquer à livrer des lots de qualité inférieure à celle exigée en se basant sur l’absence de contrôles de nuit, dès lors qu’ils ne pouvaient savoir avec certitude s’ils seraient en mesure de terminer la livraison avant le début de l’horaire des inspecteurs. Il découle donc implicitement de cette indication que les producteurs pouvaient, dans une certaine mesure au moins, adapter leur comportement de façon à satisfaire à la norme communautaire alors qu’ils ne l’auraient pas nécessairement fait de façon spontanée et, surtout, violer la norme avec un risque de détection minimal pendant cette période.
77 Au demeurant, quand bien même il serait exact que les producteurs ne pouvaient pas déterminer les heures de livraisons pour tenter d’introduire frauduleusement des lots fictifs ou de moindre qualité, ainsi que le soutient le Royaume d’Espagne, il n’en demeure pas moins que des contrôles physiques des quantités livrées par les inspecteurs nationaux étaient nécessaires aux fins de détecter d’éventuelles irrégularités qui auraient pu survenir par erreur.
78 Quant à la circonstance selon laquelle ce sont les transformateurs qui mettent à la disposition des producteurs les moyens de transports, à supposer qu’il soit établi qu’elle empêche les producteurs de déterminer le moment exact de la livraison, comme le soutient le Royaume d’Espagne (voir point 45 ci-dessus), il y a lieu de relever que cette circonstance ne vaut que pour 80 % des producteurs. En effet, le Royaume d’Espagne a indiqué lors de l’audience que 20 % des producteurs effectuaient les livraisons eux-mêmes ou demandaient à un transporteur d’effectuer la livraison de leurs tomates. Il apparaît donc que, pour au moins 20 % des producteurs, il était possible de déterminer l’heure de livraison des tomates. Il est donc probable que des livraisons de tomates aient pu commencer immédiatement après 19 heures et se terminer avant 8 heures sans avoir été contrôlées par les inspecteurs nationaux.
79 Enfin, en ce qui concerne l’argument selon lequel les producteurs ne pouvaient changer à leur gré les dates de livraison fixées par contrat afin d’éviter les contrôles des inspecteurs nationaux, il y a lieu de relever que la Commission souligne à juste titre que ces contrats prévoient certes les dates auxquelles les livraisons doivent être effectuées, mais en aucun cas les heures. Cet argument ne saurait par conséquent prospérer.
80 S’agissant du quatrième argument, selon lequel ni les producteurs ni les transformateurs n’avaient intérêt à introduire des lots fictifs ou de qualité inférieure aux exigences minimales, il suffit de relever que cette circonstance ne modifie nullement l’obligation qu’ont les États membres d’effectuer des contrôles physiques des quantités livrées imposées par les articles 28 et 31 du règlement n° 1535/2003.
81 En tout état de cause, à supposer ce manque d’intérêt établi, il ne semble pas exclu que des irrégularités quant aux quantités mentionnées dans les certificats de livraisons puissent se produire par erreur ni que certains producteurs soient tentés d’introduire des lots fictifs pour bénéficier de l’aide accordée, même au détriment d’autres producteurs. Le Royaume d’Espagne ainsi que la Commission ont d’ailleurs souligné lors de l’audience que, dans l’hypothèse où un producteur introduirait un lot fictif, bien que les seuils communautaires soient dépassés, cela aurait nécessairement pour conséquence que l’aide serait répartie au prorata entre tous les producteurs. Il est dès lors constant qu’un producteur pouvait avoir un intérêt à introduire un lot fictif malgré le dépassement des seuils.
82 Or, il convient de rappeler que le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir point 36 ci-dessus) et que les États membres doivent veiller à ce que les aides soient versées aux bénéficiaires qui remplissent les exigences requises par la réglementation communautaire, ce qui ne saurait être garanti en l’espèce à défaut de contrôles physiques par les inspecteurs nationaux des quantités livrées entre 19 heures et 8 heures.
83 Quant à l’argument relatif au prétendu manque d’intérêt des transformateurs à collaborer à la fraude dès lors que l’aide communautaire ne leur est pas destinée (voir point 49 ci-dessus), il ne saurait prospérer dès lors qu’il n’est pas possible d’exclure que, dans certains cas, le producteur et le transformateur soient la même personne ou que le producteur ait un intérêt commercial dans une entreprise de transformation.
84 S’agissant du cinquième argument, selon lequel l’absence de contrôles physiques des quantités livrées de 19 heures à 8 heures ne présenterait pas de risque pour le FEOGA dès lors notamment qu’il n’a pas été démontré que les livraisons de nuit seraient de qualité inférieure à celles effectuées le jour entre 8 heures et 19 heures, il y a lieu de le rejeter. En effet, d’une part, il n’est pas exclu qu’aucune irrégularité concernant les quantités et la qualité des tomates livrées n’ait pu être établie en raison précisément de l’absence de contrôles physiques inopinés entre 19 heures et 8 heures de la part des inspecteurs nationaux. D’autre part, il convient de rappeler que c’est l’existence d’un contexte comportant un risque de perte pour le FEOGA qui détermine l’exclusion de certaines dépenses du financement communautaire.
85 Or, ainsi qu’il ressort des développements qui précèdent, il apparaît que la Commission a établi qu’un tel contexte existait en l’espèce eu égard à l’absence de contrôles physiques par les inspecteurs nationaux des quantités livrées entre 19 heures et 8 heures. Même s’il ne peut être prétendu que tous les producteurs ayant livré des tomates pendant cette période ont commis des irrégularités, il n’en demeure pas moins que les livraisons n’étaient pas contrôlées par les inspecteurs nationaux avec la fréquence et la rigueur exigées par le règlement n° 1535/2003 si bien que, conformément à l’annexe 2 des orientations, il peut être raisonnablement conclu que ces contrôles n’offraient pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de perte pour le FEOGA était significatif.
86 Il en découle que, en conformité avec les principes rappelés au point 37 ci-dessus, la Commission a apporté des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouvait à l’égard des contrôles physiques des quantités livrées. Le Royaume d’Espagne n’a, quant à lui, pas été en mesure de démontrer que les constatations de la Commission étaient inexactes.
Sur la non-conservation des tickets de pesée
– Arguments des parties
87 Le Royaume d’Espagne indique que la pratique suivie dans plusieurs entreprises de transformation consiste à ne pas conserver les tickets de pesée dès lors que la quantité de tomates livrées est justifiée au moyen du certificat de livraison signé et du bon correspondant sur lequel figure le poids du produit. Il souligne en outre que ces tickets ne sont pas conservés uniquement dans les cas où les certificats de livraison sont émis par des systèmes de réception entièrement informatisés. Dans ces industries, joindre un reçu séparé n’aurait donc, selon le Royaume d’Espagne, aucun sens. Il ajoute au demeurant que la conservation desdits tickets n’est pas exigée par la réglementation communautaire.
88 La Commission rétorque que le fait de ne pas conserver les tickets de pesée est de nature à réduire l’efficacité des contrôles. Toutefois, elle souligne n’avoir fait état de la non-conservation desdits tickets que comme élément supplémentaire qui, en aucun cas, n’a été pris en considération lors de l’adoption de la correction financière contestée.
– Appréciation du Tribunal
89 Dans la mesure où il est constant entre les parties, ainsi que cela ressort notamment de la réponse du Royaume d’Espagne à la question posée par le Tribunal au cours de l’audience, que les carences relatives à la non-conservation des tickets de pesée n’ont pas été prises en compte pour arrêter la correction financière en l’espèce, il n’apparaît pas nécessaire de déterminer si lesdites carences ont été dûment établies. Il s’ensuit que l’argument avancé par le Royaume d’Espagne est inopérant.
Sur la signature en bloc des bons de livraison
– Arguments des parties
90 Le Royaume d’Espagne indique que la signature des certificats de livraison est faite par des représentants autorisés tant de l’industrie que des organisations de producteurs. En ce qui concerne la vérification par les organisations de producteurs, le Royaume d’Espagne allègue qu’il a été décidé que les bons de livraison seraient signés par un ou deux représentants agréés par lesdites organisations. Ces personnes, lorsqu’elles signent les certificats, disposent de leurs propres informations additionnelles ou de celles fournies par les producteurs ou les transporteurs qui ont effectué la livraison pour valider les certificats de livraison. Partant, ce système de signature offre toutes les garanties de fiabilité nécessaires.
91 La Commission considère que le fait que les certificats de livraison soient signés par un représentant de l’organisation des producteurs qui n’avait pas assisté à l’opération de livraison peut saper l’efficacité des contrôles. Elle souligne toutefois que cette carence n’a été soulevée qu’en tant qu’élément supplémentaire qui en aucun cas n’a été pris en considération lors de l’adoption de la correction financière contestée.
– Appréciation du Tribunal
92 Dans la mesure où il est constant entre les parties, ainsi que cela ressort notamment de la réponse du Royaume d’Espagne à la question posée par le Tribunal au cours de l’audience, que les carences relatives à la signature des certificats de livraison n’ont pas été prises en compte pour arrêter la correction financière en l’espèce, il n’apparaît pas nécessaire de déterminer si lesdites carences ont été dûment établies. Il s’ensuit que l’argument avancé par le Royaume d’Espagne est inopérant.
Sur l’absence de concordance entre les registres et la comptabilité officielle
– Arguments des parties
93 Le Royaume d’Espagne indique que les vérifications administratives effectuées par les fonctionnaires de l’organisme payeur d’Estrémadure permettent de conclure à la concordance entre, d’une part, les mentions figurant dans les registres comptables spécifiques, prévus par la réglementation nationale, et, d’autre part, la comptabilité officielle, au motif que les paiements de matière première aux agriculteurs et les recettes encaissées sur le produit fini font l’objet de recoupements permanents sur la base des déclarations pour la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Selon lui, bien qu’il n’existe pas de trace écrite de la mise en concordance des registres administratifs, les contrôles étant faits sur la base des registres de l’industrie, la vérification et le recoupement des données ont bien lieu et sont rapportés dans les comptes rendus du contrôle documentaire réalisé au siège de l’industrie de transformation. Le Royaume d’Espagne fait observer, à cet égard, que le mécanisme administratif et de gestion des fabriques impose obligatoirement ces contrôles croisés de documentation lors de l’émission des factures du produit fini et de la matière première, les vérifications et les recoupements s’effectuant notamment sur la base des documents de gestion, des bons de livraison, des listes quotidiennes de traitement de fabriques, du contrôle des rendements et des déclarations de TVA. Il convient donc d’en conclure, selon le Royaume d’Espagne, que les chiffres globaux des registres spécifiques et de la comptabilité officielle correspondent nécessairement.
94 De l’avis du Royaume d’Espagne, la pratique des autorités espagnoles ne fait donc courir aucun risque aux fonds communautaires. Il admet tout au plus la possibilité d’améliorer le système appliqué, ce qui ne saurait justifier une correction financière. Il ressortirait en effet des orientations que « le fait qu’une procédure de contrôle soit perfectible ne suffit pas en soi pour justifier une correction financière », puisqu’« [i]l doit exister une carence significative dans l’application des règles communautaires explicites et celle-ci doit exposer le FEOGA à un risque de perte réel ».
95 La Commission affirme que le Royaume d’Espagne a reconnu aux points 75 et 76 de la requête que les registres et la comptabilité officielle n’ont pas été mis en concordance en ce qui concerne notamment les rapports totaux. Or, une telle concordance constituerait une des bases du contrôle de l’intégrité des fichiers et de la concordance réciproque, ainsi que l’exigerait l’article 28, paragraphe 1, sous d), en liaison avec l’article 31, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1535/2003.
96 Contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, la Commission conteste que ce contrôle expressément prévu par la réglementation communautaire puisse être remplacé par d’autres vérifications administratives. En effet, il n’appartiendrait pas à l’État membre de remplacer une mesure de contrôle spécifiquement prévue par la réglementation communautaire par un système de contrôle différent prétendument plus efficace.
97 Lors de l’audience, le Royaume d’Espagne a toutefois contesté avoir reconnu aux points 75 et suivants de la requête ne pas avoir procédé à un recoupement des registres et de la compatibilité officielle en ce qui concerne les rapports totaux. Il affirme avoir simplement affirmé qu’il n’y avait pas de concordance, de recoupements spécifiques et systématiques dans les dossiers.
– Appréciation du Tribunal
98 Ainsi que cela ressort des arguments exposés lors de la procédure écrite et de la procédure orale, il apparaît que la concordance des registres visés aux articles 29 et 30 du règlement n° 1535/2003 et de la comptabilité officielle est déduite des différents recoupements effectués par ces autorités (voir points 93 et 97 ci-dessus).
99 À cet égard, il suffit de rappeler que, bien que les articles 28 et 31 du règlement n° 1535/2003 ne prévoient pas la méthodologie à appliquer aux fins de vérifier la concordance entre les registres et la comptabilité officielle, l’article 28 du règlement n° 1535/2003 prévoit expressément l’obligation pour les États membres de vérifier lesdits registres et leur concordance avec la comptabilité imposée par la législation nationale aux organisations de producteurs et aux transformateurs. Or, une telle obligation de contrôle suppose, à tout le moins, que ces documents soient comparés les uns aux autres. En outre, force est de constater qu’il ne ressort nullement du libellé de l’article 28 du règlement n° 1535/2003 que la concordance entre les registres et la comptabilité officielle puisse être déduite d’autres éléments, comme cela est le cas en l’espèce.
100 Dès lors, il y a lieu de considérer que les vérifications et les recoupements effectués par les autorités espagnoles ne sont pas de nature à satisfaire à l’obligation de contrôle expressément prévue à l’article 28 du règlement n° 1535/2003.
101 Il importe de rappeler à cet égard que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’un règlement institue des mesures spécifiques de contrôle, les États membres sont tenus de les appliquer sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le bien-fondé de leur thèse selon laquelle un système de contrôle différent serait plus efficace (arrêt du 12 septembre 2007, Grèce/Commission, point 70 supra, point 59).
102 La Commission était donc en droit de considérer que les registres visés aux articles 29 et 30 du règlement n° 1535/2003 et la comptabilité officielle n’ont pas été mis en concordance conformément aux exigences du règlement n° 1535/2003.
103 L’argument du Royaume d’Espagne selon lequel les vérifications effectuées permettent de conclure à la concordance entre les registres et la comptabilité officielle ne saurait par conséquent prospérer.
104 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le moyen principal doit dès lors être rejeté.
Sur le moyen tiré du caractère disproportionné de la correction financière
Arguments des parties
105 Le Royaume d’Espagne estime que la décision attaquée doit être annulée pour violation du principe de proportionnalité, au motif qu’elle impose une correction financière de 5 % des dépenses correspondant à la totalité des quantités de tomates livrées à la transformation, alors qu’il était possible de procéder à un calcul plus précis du préjudice qu’auraient pu causer au FEOGA les irrégularités détectées par la Commission.
106 Il conviendrait de tenir compte de la circonstance que la principale irrégularité sur laquelle la Commission se fonde pour imposer la correction financière consiste en l’absence de contrôles des livraisons effectuées entre 19 heures et 8 heures, ce qui représenterait environ 25 % de la totalité des livraisons. De l’avis du Royaume d’Espagne, partagé par l’organe de conciliation, la correction financière ne doit donc porter que sur 25 % du montant total des aides.
107 En ce qui concerne le montant de la correction financière, la Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante, elle peut refuser la prise en charge par le FEOGA de l’intégralité des dépenses exposées si elle constate qu’il n’existe pas de mécanismes de contrôle suffisants (arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C-263/98, Rec. p. I-6063, et arrêt Espagne/Commission, point 55 supra). Elle ajoute que si, dans le cadre de l’apurement des comptes, elle s’efforce, au lieu de refuser le financement de la totalité des dépenses, d’établir des règles visant à marquer une distinction selon le degré de risque que présentent, pour le FEOGA, différents niveaux de carence de contrôle, l’État membre doit démontrer que ces critères sont arbitraires et inéquitables (arrêt de la Cour du 4 juillet 1996, Grèce/Commission, C-50/94, Rec. p. I-3331).
108 Or, en l’espèce, la Commission considère avoir démontré que les carences détectées avaient altéré le bon fonctionnement des contrôles clés s’agissant de la garantie de la correspondance entre les certificats de livraison et les matières premières réellement livrées, ainsi que du respect des exigences minimales de qualité. Par ailleurs, elle soutient que le pourcentage des livraisons nocturnes non contrôlées donne lieu à un risque important de pertes élevées pour le FEOGA, qui justifie, selon les orientations, une correction forfaitaire de 5 %.
109 Quant à l’allégation du Royaume d’Espagne selon laquelle la correction financière devrait se limiter à 25 % du total des aides, qui s’appuie sur l’appréciation de l’organe de conciliation qui invitait les parties à examiner la possibilité de limiter la base de la proposition de correction financière en fonction de la proportion de livraisons de tomates qui ont eu lieu hors des heures de travail des services compétents, la Commission estime que cette demande n’est pas conforme aux critères établis par les orientations. En vertu de ces dernières, lorsque la carence résulte de l’absence de système de contrôle approprié, la correction, en raison précisément de son caractère forfaitaire, doit être appliquée à l’ensemble de la mesure concernée et pas seulement aux dépenses exposées à un risque d’irrégularité résultant des carences observées.
Appréciation du Tribunal
110 Ainsi que cela ressort des points qui précèdent, la Commission a établi que les défaillances détectées avaient altéré le fonctionnement correct des contrôles nécessaires pour garantir la régularité de l’aide accordée sans que le Royaume d’Espagne ait été en mesure de démontrer que les constatations de la Commission étaient inexactes. La Commission a en effet apporté des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouvait à l’égard, d’une part, des contrôles physiques des quantités livrées et, d’autre part, de la mise en concordance des registres avec la comptabilité officielle (voir points 85 et 102 ci-dessus).
111 Quant à l’allégation du Royaume d’Espagne selon laquelle la correction financière devrait se limiter à 25 % du total des aides, le Tribunal considère que c’est à juste titre que la Commission souligne qu’elle n’est pas conforme aux critères établis par les orientations. En effet, selon ces critères, lorsque la carence résulte de la non-adoption, par un État membre, d’un système de contrôle approprié, la correction doit, en raison même de son caractère forfaitaire, être appliquée à toutes les dépenses relevant de la mesure concernée, et non pas aux seules dépenses exposées à un risque d’irrégularité du fait des manquements observés.
112 C’est donc à bon droit que la Commission n’a pas procédé au calcul du préjudice qu’auraient pu causer au FEOGA les irrégularités détectées et qu’elle a imposé une correction forfaitaire de 5 % des dépenses correspondant à la totalité des quantités de tomates livrées.
113 Le moyen subsidiaire doit dès lors être rejeté comme non fondé.
Sur les dépens
114 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume d’Espagne ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.
Vadapalas |
Truchot |
Schwarcz |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 octobre 2010.
Signatures
** Langue de procédure : l’espagnol.