BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £5, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Arkema v Commission (Competition) French Text [2011] EUECJ C-520/09 (17 February 2011)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/C52009_O.html

[New search] [Help]


AVIS JURIDIQUE IMPORTANT: The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.



CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 17 février 2011 (1)

Affaire C-�520/09 P

Arkema SA

contre

Commission européenne

«Pourvoi – Ententes – Marché européen de l’acide monochloracétique – Règles relatives à l’imputabilité des pratiques anticoncurrentielles d’une filiale à sa société mère – Principe d’égalité de traitement et droit à un procès équitable – Amendes»






1.        Le présent pourvoi, introduit par Arkema SA (ci-après «Arkema» ou la «requérante»), tend à l’annulation de l’arrêt Arkema/Commission (2) (ci-après l’«arrêt attaqué») par lequel le Tribunal de première instance des Communautés européennes a rejeté le recours en annulation de la requérante à l’encontre de la décision de la Commission du 19 janvier 2005 (3) (ci-après la «Décision»), constatant qu’un certain nombre d’entreprises, parmi lesquelles celle composée par la requérante, anciennement Elf Atochem SA (ci-après «Elf Atochem»), puis Atofina SA (ci-après «Atofina») et sa société mère, Elf Aquitaine SA (ci-après «Elf Aquitaine»), avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), en participant à une entente concernant le marché de l’acide monochloracétique (AMCA).

I –    Antécédents du litige, arrêt attaqué, procédure devant la Cour et conclusions des parties

2.        Il résulte des points 3 et suivants de l’arrêt attaqué que la Commission a commencé son enquête relative au marché de l’AMCA vers la fin de l’année 1999, après avoir été informée de l’existence d’une entente concernant ce marché par l’une des entreprises participantes. Les 14 et 15 mars 2000, la Commission a procédé à des vérifications sur place dans les locaux, entre autres, d’Elf Atochem. Les 7 et 8 avril 2004, la Commission a adressé une communication des griefs à douze sociétés, parmi lesquelles Elf Aquitaine et sa filiale Atofina (points 3, 4 et 7 de l’arrêt attaqué).

3.        La Commission a imputé à Elf Aquitaine et à sa filiale Arkema la responsabilité de l’infraction pour la période s’étendant du 1er janvier 1984 au 7 mai 1999. Elle a considéré que le fait qu’Elf Aquitaine détenait 98 % des actions dans Atofina était suffisant en lui-même pour lui imputer la responsabilité des actions de sa filiale (point 9 de l’arrêt attaqué).

4.        Le montant des amendes a été fixé par la Commission, en application de ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité [CA] (4) (ci-�après les « lignes directrices ») et de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (5) (point 13 de l’arrêt attaqué). Le montant de l’amende infligée à Elf Aquitaine et à Arkema à titre de responsabilité conjointe et solidaire s’élève à 45 millions d’euros [article 2, sous c), de la Décision et point 30 de l’arrêt attaqué]. En outre, ayant constaté qu’Elf Atochem avait été destinataire de la décision 94/599/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (6), à une époque où Elf Aquitaine ne contrôlait pas encore Atofina, la Commission a infligé une amende séparée à cette dernière seule pour prendre en compte son comportement récidiviste. Le montant de cette amende s’élève à 13,50 millions d’euros [article 2, sous d), de la Décision et point 30 de l’arrêt attaqué].

5.        Le 25 avril 2005, Arkema a introduit un recours en annulation contre la Décision. Elle concluait à ce qu’il plaise au Tribunal, à titre principal, annuler l’article 1er, sous d), l’article 2, sous c), et l’article 4, paragraphe 9, de la Décision en ce qu’ils visent Elf Aquitaine et, par conséquent, réformer l’article 2, sous c) et d), de la Décision et, à titre subsidiaire, réformer l’article 2, sous c) et d), de la Décision en vue de réduire le montant de l’amende. La requérante invoquait huit moyens à l’appui de son recours. Au soutien de sa demande d’annulation, elle invoquait un premier moyen, tiré de la méconnaissance des règles gouvernant l’imputabilité à une société mère des pratiques de sa filiale et du traitement discriminatoire du groupe Elf Aquitaine, un deuxième moyen, tiré de la violation du principe d’autonomie juridique et commerciale de la filiale résultant de la présomption d’exercice d’une influence déterminante par la société mère, un troisième moyen, tiré de la violation du principe de responsabilité personnelle, un quatrième moyen, tiré de la discrimination entre entreprises en fonction de leur organisation juridique et de leur taille et un cinquième moyen, tiré de la violation des formes substantielles. Au soutien de sa demande de réformation de la Décision, elle invoquait un sixième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité dans la détermination du montant de départ de l’amende. Par un septième moyen, la requérante invoquait une violation du principe de proportionnalité dans la détermination du coefficient multiplicateur à des fins de dissuasion. Par un huitième moyen, elle invoquait une violation du principe de proportionnalité dans la détermination du montant de l’amende au regard de la durée de l’infraction. Enfin, la requérante soulevait également, à titre subsidiaire, un neuvième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité dans la détermination du coefficient multiplicateur à des fins de dissuasion en ce que la Commission aurait pris deux fois en compte le chiffre d’affaires d’Arkema (points 41 à 43 de l’arrêt attaqué).

6.        Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’ensemble des moyens présentés tant à titre principal qu’à titre subsidiaire et a condamné la requérante aux dépens.

7.        Par acte déposé au greffe de la Cour le 15 décembre 2009, la requérante a introduit le présent pourvoi. Elle demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner la Commission aux dépens. La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de la requérante aux dépens. Les représentants des parties ont été entendus à l’audience du 25 novembre 2010.

II – Sur le pourvoi

8.        La requérante soulève quatre moyens au soutien de son pourvoi. Le premier moyen est tiré de la méconnaissance par le Tribunal des règles gouvernant l’imputabilité à une société mère des pratiques de sa filiale. Le deuxième moyen est pris d’une violation du principe de non-discrimination qui résulte du caractère irréfragable de la présomption d’influence déterminante de la société mère sur ses filiales. Le troisième moyen est tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et du droit à un procès équitable. Le quatrième moyen porte sur la violation du principe de proportionnalité dans la double prise en compte du chiffre d’affaires d’Arkema dans la détermination de l’assiette de la sanction.

A –    Sur le premier moyen, tiré de la méconnaissance par le Tribunal des règles gouvernant l’imputabilité à une société mère des pratiques de sa filiale

9.        Par son premier moyen, la requérante soutient, en substance, que, en examinant les éléments de preuve qu’elle avait apportés pour démontrer son autonomie sur le marché et renverser la présomption retenue par la Commission à l’encontre d’Elf Aquitaine, le Tribunal lui aurait imposé une véritable probatio diabolica, en violation tant des règles gouvernant l’imputabilité à une société mère des pratiques de sa filiale que de son droit à un procès équitable, tel que consacré par l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

10.      Je rappelle, ainsi que l’a fait le Tribunal aux points 67 à 69 de l’arrêt attaqué, qu’il ressort de la jurisprudence que, dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles communautaires de la concurrence, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale (7) et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (8). Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (9).

11.      Les griefs soulevés par la requérante portent plus particulièrement sur le point 76 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal expose ce qui suit :

«S’agissant du bien-fondé des éléments de preuve apportés par la requérante afin de démontrer son autonomie, il y a lieu de relever que le fait qu’Elf Aquitaine ne soit qu’une holding non opérationnelle, intervenant très peu dans la gestion de ses filiales, ne saurait suffire pour exclure qu’elle exerce une influence déterminante sur le comportement de la requérante en coordonnant notamment les investissements financiers au sein du groupe Elf Aquitaine. En effet, dans le contexte d’un groupe de sociétés, une société holding qui coordonne notamment les investissements financiers au sein du groupe a vocation à regrouper des participations dans diverses sociétés et a pour fonction d’en assurer l’unité de direction, notamment par le biais de ce contrôle budgétaire.»

12.      Selon la requérante, en affirmant que la holding a «pour fonction» d’assurer l’unité de direction des filiales, le Tribunal a rendu juridiquement irréfragable la présomption d’influence déterminante de la société mère sur le comportement de sa filiale, car toute tentative de démontrer l’autonomie de comportement sur le marché de la filiale irait à l’encontre de la fonction même que le Tribunal a reconnue aux sociétés holdings et serait, par conséquent, vouée à l’échec.

13.      À titre liminaire, il convient de relever, comme le fait la Commission dans son mémoire en réponse au pourvoi, qu’Arkema ne conteste ni le principe de la présomption retenue par la Commission à l’encontre d’Elf Aquitaine ni le fait que cette présomption s’applique dans les circonstances du cas d’espèce (détention de la société mère de 98 % du capital de la filiale). En revanche, les griefs de la requérante sont uniquement dirigés contre le raisonnement par lequel le Tribunal a exclu que la nature de holding non opérationnelle d’Elf Aquitaine puisse suffire pour renverser ladite présomption.

14.      Au point 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a affirmé, tout d’abord, que le fait qu’une holding n’intervient pas directement sur le marché n’exclut pas en soi qu’une influence déterminante de celle-ci sur la politique commerciale de ses filiales ne puisse être exercée par le biais d’une coordination des investissements financiers au sein du groupe. Par une telle affirmation, le Tribunal vise à contrecarrer l’équation, avancée par la requérante, entre nature purement financière de la société mère et absence d’interférence sur le comportement sur le marché des sociétés opérationnelles du groupe. Or, les griefs de la requérante ne visent pas non plus à contester au fond la conclusion qui découle de cette affirmation, à savoir que la présomption d’exercice effectif d’influence déterminante sur la politique commerciale des filiales peut être appliquée également à une holding non opérationnelle.

15.      Le Tribunal justifie ensuite une telle conclusion en affirmant «qu’une société holding qui coordonne notamment les investissements financiers au sein du groupe a vocation à regrouper des participations dans diverses sociétés et a pour fonction d’en assurer l’unité de direction, notamment par le biais de ce contrôle budgétaire». Selon Arkema, c’est en particulier de l’affirmation contenue au deuxième membre de cette phrase que découle le caractère de facto irréfragable de la présomption appliquée à Elf Aquitaine, puisque, ainsi que la requérante l’explique dans son mémoire en réplique, «le critère d’unité de direction est précisément le critère permettant – selon la Commission – d’imputer les pratiques d’une filiale à sa société mère».

16.      Je relève d’emblée que, s’il fallait suivre le raisonnement d’Arkema, l’assertion du Tribunal aurait en réalité une portée beaucoup plus large que celle que la requérante elle-même lui prête et reviendrait, en substance, à affirmer que toute holding, opérationnelle ou non et indépendamment de toute considération concernant le niveau de ses participations dans le capital de ses filiales, doit être tenue pour responsable des agissements de ces dernières eu égard uniquement à sa fonction d’assurer l’unité de direction de celles-ci. Il est clair que l’affirmation du Tribunal ne revêt pas une telle portée.

17.      En revanche, au vu du contexte dans lequel elle se situe, elle doit, à mon sens, se considérer comme limitée aux holdings non opérationnelles et aux situations dans lesquelles sont réunies les conditions d’application de la présomption retenue à l’encontre d’Elf Aquitaine.

18.      Par ailleurs, je rappelle qu’il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par sa société mère (10), eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (11). Or, contrairement à ce que semble sous-entendre la requérante, la fonction que le Tribunal reconnaît à une holding non opérationnelle d’assurer l’unité de direction des sociétés d’un groupe n’implique pas nécessairement une interférence dans la politique commerciale de ses filiales, notamment dans les termes requis par la jurisprudence rappelée ci-dessus. Une telle interférence doit être démontrée et, selon les principes applicables en la matière et non contestés par la requérante, elle peut être présumée lorsque la société mère détient la totalité du capital de ses filiales. Selon ces mêmes principes, cette société ou ses filiales auront toujours la possibilité d’apporter la preuve du contraire.

19.      De même, reconnaître, comme le fait le Tribunal, que la fonction d’une holding non opérationnelle est d’assurer l’unité de direction de ses filiales ne prive pas celles-ci ou leur société mère de la possibilité d’essayer de renverser ladite présomption en apportant la preuve qu’une telle fonction -� à supposer qu’elle se traduise par une interférence dans la politique commerciale des sociétés opérationnelles du groupe -� n’a pas été exercée en concret. En effet, ainsi qu’il ressort clairement de la jurisprudence rappelée ci-�dessus, cette présomption a pour objet l’exercice effectif d’une influence déterminante de la société mère détenant la totalité du capital de sa filiale sur le comportement de celle-ci.

20.      Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’affirmation contenue au point 76 de l’arrêt attaqué ne saurait être entendue comme sanctionnant le caractère inéluctable de l’exercice effectif d’une influence déterminante de la part de toute holding, opérationnelle ou non, du simple fait qu’elle aurait, au sein d’un groupe de sociétés, la fonction d’assurer l’unité de direction de celles-ci.

21.      Dans le passage controversé, le Tribunal se limite en effet à affirmer qu’il n’est pas exclu que, malgré le fait qu’elle n’intervient pas directement sur le marché, une holding non opérationnelle puisse exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de ses filiales, compte tenu notamment de la fonction de coordination et de direction financière qui lui est propre, et que, dès lors, le caractère effectif d’un tel exercice peut être présumé en présence d’une participation totalitaire ou quasi totalitaire de cette dernière dans le capital de ses filiales. C’est pourquoi, dans la logique du raisonnement du Tribunal, il ne suffit pas d’invoquer la nature non opérationnelle de la société mère pour renverser une telle présomption, qui reste une présomption simple, ainsi que le Tribunal lui-�même le souligne, en citant, d’ailleurs, la jurisprudence constante des juridictions de l’Union, dans d’autres passages de l’arrêt attaqué et, notamment, aux points 67 et 82.

22.      Il résulte des considérations qui précèdent que le grief tiré d’une méconnaissance des règles gouvernant l’imputabilité à une société mère des pratiques de sa filiale du fait que le Tribunal aurait consacré le caractère irréfragable de la présomption fondée sur la détention par la société mère de la totalité du capital de sa filiale n’est pas fondé, puisqu’il procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

23.      Est également non fondé le grief tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, puisque, malgré l’absence de développement de la part de la requérante, il ne peut qu’être lu comme partant de la même prémisse erronée selon laquelle, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait rendu juridiquement impossible de renverser ladite présomption.

24.      Je suggère, par conséquent, de rejeter le premier moyen de pourvoi dans son intégralité comme non fondé.

B –    Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de non-discrimination

25.      Par son deuxième moyen de pourvoi, la requérante fait valoir que l’affirmation par le Tribunal du caractère irréfragable de la présomption fondée sur la détention par la société mère de la totalité du capital de sa filiale aboutit également à une violation du principe de non-discrimination entre les participants à une entente, selon qu’ils appartiennent ou non à un groupe. Puisqu’il procède de la même lecture de l’arrêt attaqué – à mon sens erronée – sur laquelle s’appuie le premier moyen de pourvoi, j’estime que le deuxième moyen doit également être rejeté comme non fondé.

C –    Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et du droit à un procès équitable

26.      Dans le cadre de son troisième moyen de pourvoi, la requérante fait valoir, en substance, que, en réponse à son cinquième moyen de recours, le Tribunal n’a examiné que les arguments qui lui avaient été soumis par Elf Aquitaine et non par elle-même, violant ainsi son droit à un procès équitable et le principe d’égalité de traitement. Le moyen est dirigé contre les points 122 à 129 de l’arrêt attaqué.

27.      Tout comme la Commission, j’ai quelques difficultés à saisir pleinement l’objet de ce moyen.

28.      En effet, les points 122 à 129 de l’arrêt attaqué répondent aux griefs que la requérante avait soulevés en première instance dans le cadre de son moyen tiré d’un défaut de motivation de la Décision. Cependant, en critiquant lesdits points dans le contexte du présent moyen de pourvoi, la requérante ne semble pas faire grief au Tribunal d’avoir manqué de sanctionner un tel défaut de motivation ou d’avoir mal interprété la portée de l’obligation de motivation qui incombait à la Commission, mais plutôt d’avoir omis de procéder à un examen au fond des arguments soulevés par Atofina afin de démontrer son autonomie de comportement sur le marché.

29.      Dans ces circonstances, je me demande si l’exposé dudit moyen satisfait aux conditions de clarté requises pour sa recevabilité (12).

30.      Quant au fond, et à supposer que le présent moyen doive être interprété comme faisant valoir une omission de la part du Tribunal de sanctionner un prétendu défaut de prise en compte de la part de la Commission des éléments de preuve présentés par Atofina ou un défaut de motivation du rejet de la pertinence ou de la suffisance de ceux-ci affectant la Décision, je relève que, au point 127 de l’arrêt attaqué, le Tribunal affirme que, «dans la mesure où la réponse de la Commission donnée aux points essentiels des arguments d’Elf Aquitaine […] ne saurait différer selon qu’est en cause la société mère ou sa filiale, celle-ci n’avait pas à répondre séparément aux arguments avancés par la requérante». Ledit point renvoie au point 75 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal, après avoir constaté, au point précédent, que «les arguments de la requérante visant à démontrer son autonomie ont également été avancés par sa société mère […] pour prouver l’absence d’exercice par celle-ci d’une influence déterminante sur la politique commerciale de sa filiale», a conclu que, «en réfutant les arguments présentés par la société mère, la Commission a répondu globalement aux deux sociétés […]».

31.      Le Tribunal est donc clairement parti de la prémisse que les arguments avancés par Atofina et par Elf Aquitaine pendant la procédure administrative se confondaient et que l’examen des uns impliquait celui des autres. Or, force est de constater que la requérante n’essaye même pas de contester le bien-fondé d’une telle prémisse. En particulier, elle ne précise pas quels sont les éléments, autres que ceux apportés par Elf Aquitaine, spécifiquement avancés par Atofina, que la Commission aurait omis d’examiner ou dont elle n’aurait pas suffisamment motivé le rejet, sans que le Tribunal sanctionne une telle omission ou un tel défaut de motivation.

32.      Dans ces circonstances et dans la mesure où il est à interpréter dans le sens précisé au point 30 ci-�dessus, le présent moyen doit, dès lors, être rejeté comme non fondé.

33.      La même conclusion s’impose, à mon sens, également dans l’hypothèse où ledit moyen viserait à faire grief au Tribunal de ne pas avoir examiné lui-même le bien-fondé des éléments de preuve apportés par Atofina au cours de la procédure administrative afin de démontrer son autonomie sur le marché. En effet, il ressort des points 76 à 80 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a bien procédé à un tel examen, en prenant en compte, notamment, l’argument tiré de la nature de holding non opérationnelle d’Elf Aquitaine (point 76), l’affirmation qu’Atofina n’a jamais mis en œuvre, au profit d’Elf Aquitaine, une politique d’information spécifique sur le marché de l’AMCA (point 78), l’argument selon lequel l’activité de l’AMCA était mineure au sein du groupe Elf Aquitaine (point 79) et le fait que les deux sociétés opéraient sur des marchés distincts et n’avaient pas de liens de fournisseurs à clients (point 80).

34.      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le troisième moyen de pourvoi, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et du droit à un procès équitable, ne saurait en tout cas prospérer.

D –    Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

35.      Selon la requérante, le Tribunal aurait violé le principe de proportionnalité en validant la méthode de calcul utilisée par la Commission pour déterminer la composante de la sanction pécuniaire relative à la récidive d’Arkema. Cette méthode impliquerait une double prise en compte du chiffre d’affaires d’Arkema dans le calcul des assiettes respectives auxquelles s’appliquent les coefficients multiplicateurs retenus pour Elf Aquitaine et Arkema au titre du facteur de dissuasion. Le Tribunal n’aurait pas contesté l’existence de ce double comptage, mais l’aurait justifié par l’exigence de la Commission de ne pas s’écarter de la méthode de calcul des lignes directrices, en conférant, par conséquent, à ces dernières «une force contraignante absolue» qu’elles n’auraient pas.

36.      Au point 198 de l’arrêt attaqué, le Tribunal expose qu’il résulte de la Décision que, au moment de l’infraction, Elf Atochem avait déjà fait l’objet d’une décision antérieure de la Commission dans une affaire portant sur une entente, à une époque où Atofina n’était pas encore contrôlée par Elf Aquitaine (voir point 4 ci-dessus). Pour cette raison, la Commission a retenu à l’encontre d’Elf Atochem une circonstance aggravante au titre de la récidive, sous forme d’une augmentation de 50 % du montant de base de l’amende lui devant être infligée (13). Afin d’«isoler» une telle composante de la sanction, la Commission a adopté la méthode de calcul suivante, exposée à la note 222 de la Décision et reprise au point 199 de l’arrêt attaqué:

«L’augmentation pour récidive s’applique seulement à Atofina (Atochem) et non à la société mère, Elf Aquitaine, car cette dernière ne contrôlait pas Atofina à l’époque de l’infraction. Le facteur multiplicateur appliqué à Elf, 2,5, n’est pas inclus dans le calcul. Au lieu de cela, un facteur multiplicateur de 1,5, qui aurait été appliqué si Atofina avait été le seul destinataire de la décision (étant donné son chiffre d’affaire mondial de 17, 8 milliards d’euros) sera utilisé au fin [du] calcul de la récidive. Une amende séparée sera en conséquence adressée à Atofina seule pour ce montant».

37.      Au point 203 de l’arrêt attaqué, le Tribunal expose comme suit le calcul retenu par la Commission pour déterminer le montant de base hypothétique auquel a été appliqué la majoration de 50 % au titre de la récidive d’Atofina :

«12 millions (montant de départ) × 1,5 (coefficient multiplicateur au titre de la dissuasion déterminé au regard du chiffre d’affaires d’Arkema) = 8 millions (18 millions × 150 %) (augmentation au titre de la durée de l’infraction) = 45 millions d’euros».

38.      Après application à ce montant de l’augmentation au titre de la récidive et de la réduction de 40 % au titre de l’application de la communication sur la clémence, le montant de l’amende qui a été finalement appliquée à Arkema, au titre de l’article 2, sous d), de Décision, s’élève à 13,5 millions d’euros.

39.      Il convient de relever, tout d’abord que, contrairement à ce que semble considérer la requérante, le chiffre d’affaires d’Arkema n’a pas été pris en compte dans le calcul des «assiettes» auxquelles la Commission a appliqué les coefficients multiplicateurs retenus au titre de la dissuasion respectivement pour Elf Aquitaine/Arkema (14) et pour Arkema seule, mais dans la détermination des coefficients multiplicateurs eux-mêmes. En effet, ainsi qu’il ressort des points 279 et suivants de la Décision, le montant de départ de l’amende appliquée à Elf Aquitaine/Arkema et de la majoration au titre de la récidive d’Atofina (12 millions d’euros) a été calculé en tentant compte de la gravité de l’infraction et du poids respectif des entreprises ayant participé à celle-ci, estimé sur la base de leurs parts de marché. À ce montant de départ ont été appliqués des facteurs multiplicateurs en vue d’assurer un effet suffisamment dissuasif de l’amende. Pour Arkema/Elf Aquitaine, ce facteur a été fixé à 2,5 en tenant compte, notamment, de son chiffre d’affaires mondial de 84,5 milliards d’euros (points 299 et 300 de la Décision), alors que, pour la seule majoration au titre de la récidive appliquée à Arkema, un facteur multiplicateur moins élevé, de 1,5, a été retenu, eu égard à son chiffre d’affaires mondial de 17,8 milliards d’euros (note 222 de la Décision).

40.      Il convient ensuite de relever, ainsi que le fait le Tribunal au point 201 de l’arrêt attaqué, que, «aux termes des points 2 et 3 des lignes directrices, la Commission, après avoir déterminé le montant de base de l’amende en considération de la gravité et de la durée de l’infraction, procède, le cas échéant, à une augmentation et à une diminution dudit montant au titre des circonstances aggravantes et atténuantes». Les ajustements apportés à ce titre au montant de base correspondent normalement à un pourcentage de ce même montant (une majoration de 50 % du montant de base au titre de la récidive et une réduction de 40 % du montant de base au titre de la clémence dans le cas de la requérante). Par conséquent, l’entité de ces majorations ou réductions est susceptible de varier, en termes réels, en fonction de tous le facteurs qui ont été pris en considération dans la détermination du montant de base et, partant, non seulement de la capacité financière de l’entreprise (son chiffre d’affaires), mais également du rôle qu’elle joue dans le marché en cause (ses parts de marché) et, plus en général, de la gravité et de la durée de l’infraction.

41.      Par conséquent, suivre la thèse de la requérante conduirait à affirmer que toute majoration au titre d’une circonstance aggravante se traduit en un double comptage des différents éléments composant le montant de base, ce qui ne saurait être accepté.

42.      Par ailleurs, la méthode suivie en l’espèce par la Commission, qui a procédé à un nouveau calcul du montant de base pour Arkema seule, a entendu éviter qu’entre en ligne de compte, pour le calcul d’une majoration d’amende dont Atofina était la seule responsable, une composante (le facteur multiplicateur appliqué à l’entité Arkema/Elf Aquitaine) ne reflétant pas la situation réelle de cette entreprise. Une telle méthode, qui a eu pour conséquence de neutraliser à l’égard d’Arkema la majoration du montant de base due à la capacité financière plus importante d’Arkema/Elf Aquitaine, ne me semble pas en soi reprochable.

43.      S’agissant du choix des facteurs multiplicateurs appliqués au titre de la dissuasion respectivement à Arkema/Elf Aquitaine et à Arkema seule, j’observe que la requérante ne conteste pas la manière dont ceux-ci ont été déterminés, ni leur niveau, se bornant, en substance, à affirmer que leur application a conduit à un double comptage de son chiffre d’affaires (15).

44.      Au vu des considérations qui précèdent, j’estime que tant le grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité que celui tiré d’une erreur de droit du fait que le Tribunal aurait interprété les lignes directrices de la Commission comme ayant une force contraignante absolue manquent en fait.

45.      Par conséquent, le quatrième moyen de pourvoi doit, à mon sens, être rejeté dans son intégralité comme non fondé.

III – Conclusion

46.      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens, conformément à l’article 69, paragraphe  2, du règlement de procédure.


1 – Langue originale: le français.


2 – Arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009 (T-�168/05, Rec.  p. II-�180).


3 – C(2004) 4876 final – AMCA.


4 – JO 1998, C 9, p. 3.


5 – JO 1996, C 207, p. 4.


6 – JO L 239, p. 14.


7 – Voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission (48/69, Rec. p. 619, points 136 et 137), et du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C-�97/08 P, Rec. p. I-�8237, point 60).


8 – Voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission (107/82, Rec. p. 3151, point 50); du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (C-�286/98 P, Rec. p. I-�9925, point 29), et Akzo Nobel e.a./Commission, précité (point 60).


9 – Voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité (point 60).


10 – Voir, en ce sens, arrêts Imperial Chemical Industries/Commission, précité (points 132 et 133); du 14 juillet 1972, Geigy/Commission (52/69, Rec. p. 787, point 44); du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission (6/72, Rec. p. 215, point 15); Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, précité (point 26), et Akzo Nobel e.a./Commission, précité (point 58).


11 – Voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, précité (point 58).


12 – Voir arrêts du 9 janvier 2003, Italie/Commission (C-�178/00, Rec. p. I-�303, point 6), et du 15 septembre 2005, Irlande/Commission (C-�199/03, Rec. p. I-�8027, point 50).


13 – Voir point 314 de la Décision.


14 – Pour rappel, le montant pour lequel Arkema et Elf Aquitaine sont solidairement tenus a été calculé comme suit: – Montant de départ: 12 millions (point 296 de la Décision); – Application du facteur multiplicateur de 2,5 (point 300 de la Décision) au montant de départ: 30 millions (montant intermédiaire non repris dans la Décision); – Augmentation pour la durée (plus 150 %) qui donne le montant de base: 75 millions (point 303 de la Décision); – Pas de circonstance aggravante (note 222 de la Décision); – Application de la clémence par une réduction de 40 % (points 340 et 341 de la Décision) du montant de base: 45 millions (point 348, troisième tiret, de la Décision).


15 – À cet égard je rappelle, à toutes fins utiles, que, selon la jurisprudence, s’il est loisible, en vue de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte du chiffre d’affaires global de l’entreprise, qui constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique, il ne faut attribuer à ce chiffre une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation, la fixation d’une amende appropriée ne pouvant être le résultat d’un simple calcul basé sur le chiffre d’affaires global [voir arrêt du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission (C-�397/03 P, Rec. p. I-�4429, point 100)]. Par ailleurs, la Commission ne saurait, par le recours exclusif et mécanique à des formules arithmétiques, se priver de son pouvoir d’appréciation dans la détermination du montant de l’amende [voir arrêt du 16 novembre 2000, Mo och Domsjö/Commission (C-�283/98 P, Rec. p. I-�9855, point 47)].


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/C52009_O.html