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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Altstoff Recycling Austria v Commission (Competition) French Text [2011] EUECJ T-419/03 (22 March 2011)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2011/T41903.html
Cite as: [2011] EUECJ T-419/3, [2011] EUECJ T-419/03

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AVIS JURIDIQUE IMPORTANT: The source of this judgment is the web site of the Court of Justice of the European Communities. The information in this database has been provided free of charge and is subject to a Court of Justice of the European Communities disclaimer and a copyright notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.



ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

22 mars 2011(*)

« Concurrence – Ententes – Système de collecte et de recyclage des emballages usagés en Autriche – Accords de collecte et de tri contenant des clauses d’exclusivité – Décision d’exemption individuelle – Charges imposées – Principe de proportionnalité »

Dans l’affaire T-�419/03,

Altstoff Recycling Austria AG, anciennement Altstoff Recycling Austria AG et ARGEV Verpackungsverwertungs-Gesellschaft mbH, établie à Vienne (Autriche), représentée par Me H. Wollmann, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. W. Mölls, puis par M. Mölls et Mme H. Gading, et enfin par MM. Mölls et R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

EVA Erfassen und Verwerten von Altstoffen GmbH, établie à Vienne, représentée par Mes A. Reidlinger et I. Hartung, avocats,

et par

Bundeskammer für Arbeiter und Angestellte, établie à Vienne, représentée par Me K. Wessely, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation des articles 2 et 3 de la décision 2004/208/CE de la Commission, du 16 octobre 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaires COMP D3/35470 – ARA et COMP D3/35473 – ARGEV, ARO) (JO 2004, L 75, p. 59),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 juin 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Altstoff Recycling Austria AG (ci-après « ARA ») est une société anonyme à capitaux privés qui a été constituée en 1993 et dont le propriétaire et actionnaire unique est Altstoff Recycling Austria Verein (ci-�après le « groupement ARA »). Le groupement ARA regroupe des entreprises relevant du secteur de l’emballage, du conditionnement et de l’embouteillage, ainsi que du commerce.

2        ARA gère en Autriche, à l’échelle nationale, un système de collecte et de valorisation d’emballages. À l’époque des faits, dans le cadre de ce système, elle concluait avec des entreprises de recyclage sectoriel économiquement indépendantes (ci-�après les « ERS ») des contrats de gestion de déchets qui leur transféraient l’organisation de la collecte, du tri, du transport et de la valorisation des emballages. Chaque ERS était compétente pour des catégories données de matériaux d’emballage. Les ERS concluaient à leur tour des contrats de prestation de services avec des partenaires régionaux, c’est-à-dire des entreprises ou des collectivités territoriales qui assuraient concrètement la collecte, le tri, le transport et la valorisation des emballages (ci-après les « accords de partenariat »). Ensemble, ARA et les ERS constituent le « système ARA ».

3        Le système ARA comprenait, au moment des faits, huit ERS, à savoir ARGEV Verpackungsverwertungs-Gesellschaft mbH (ci-après « ARGEV »), qui était responsable de la collecte, du tri et du recyclage d’emballages métalliques (métaux ferreux, aluminium) et d’emballages légers (bois, céramique, plastiques, composites, textiles) ; Österreichischer Kunststoff Kreislauf AG (ci-�après « ÖKK »), qui était responsable de la valorisation des emballages plastiques et textiles ; Aluminium-Recycling GmbH (ci-�après « Alurec »), qui était responsable de la valorisation des emballages en aluminium collectés par ARGEV ; Arbeitsgemeinschaft Verbundmaterialien GmbH, qui était responsable de la valorisation d’emballages en matières composites, à l’exception des cartons composites pour boissons ; Verein für Holzpackmittel (ci-�après « VHP »), qui était responsable de la valorisation d’emballages en bois et, en partie, aussi, de leur collecte ; Ferropack Recycling GmbH (ci-�après « Ferropack »), qui était responsable de la valorisation des emballages en métaux ferreux collectés par ARGEV ; Altpapier-Recycling-Organisationsgesellschaft mbH (ci-�après « ARO »), qui était responsable de la collecte et de la valorisation d’emballages en papier, en carton et en carton ondulé, et, enfin, Austria Glas Recycling GmbH (ci-�après « AGR »), qui était responsable de la collecte et de la valorisation d’emballages en verre. Le 14 septembre 2009, ARA a absorbé ARGEV ainsi que les autres ERS du système ARA, à l’exception d’AGR.

4        ARGEV gérait, au moment des faits, trois systèmes de collecte, un pour les emballages légers des ménages, un pour les emballages métalliques des ménages et un pour les emballages légers et métalliques de l’industrie. Les associés d’ARGEV, au moment des faits, étaient ARA, avec une participation de 11 %, et le groupement ARGEV, lequel comptait une centaine d’adhérents, comprenant des fabricants et des importateurs, des sociétés du secteur du commerce, des sociétés du secteur de l’emballage et des entreprises de collecte et de valorisation des déchets.

5        ARA propose ses services à toutes les entreprises autrichiennes et étrangères qui sont directement concernées par le Verordnung über die Vermeidung und Verwertung von Verpackungsabfällen und bestimmten Warenresten und die Einrichtung von Sammel- und Verwertungssystemen (décret du ministre de l’Environnement, de la Jeunesse et de la Famille autrichien relatif à la prévention et à la valorisation des déchets d’emballages et de certains résidus de produits et à la mise en place de systèmes de collecte et de valorisation) (BGBl., 648/1996), entré en vigueur le 1er décembre 1996 (ci-après le « décret »). Le décret est fondé sur la Abfallwirtschaftsgesetz (loi autrichienne sur la gestion des déchets) (BGBl., 434/1996), telle que modifiée (BGBl., 102/2002) (ci-après la « loi »), et porte transposition de la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d’emballages (JO L 365, p. 10). ARA exerce, aussi, en qualité de mandataire, les droits des licenciés à l’égard des ERS.

6        Le 24 mars 1994, la Bundeskammer für Arbeiter und Angestellte (Chambre fédérale des ouvriers et employés, ci-�après la « BAA ») a formé une plainte contre le système ARA auprès de l’Autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-�échange (ci-�après l’« Autorité AELE »). Cette plainte a ensuite été transférée à la Commission européenne.

7        Le 30 juin 1994, ARA et ARGEV ont notifié certains accords à l’Autorité AELE en vue d’obtenir une attestation négative ou, le cas échéant, une décision d’exemption par catégorie. Par lettre du 21 mars 1995, la compétence pour l’examen des accords notifiés a été transférée à la Commission.

8        Le 8 mai 1996, FRS Folien-Rücknahme-Service GmbH & Co. KG et Raiffeisen Umweltgesellschaft mbH ont saisi la Commission d’une plainte à propos du projet de constitution d’une entreprise commune en vue de la mise en place d’un système de collecte et de valorisation d’emballages. Néanmoins, les plaignantes n’ont pas maintenu cette plainte.

9        Par lettre du 28 août 2001, ARA a notifié de nouveaux accords à la Commission et, en outre, a sollicité avec ARGEV la jonction de leurs procédures de notification afin d’obtenir une attestation négative ou, le cas échéant, une décision d’exemption, conformément à l’article 81, paragraphe 3, CE. Simultanément, ARO a demandé à être jointe à la procédure en tant que partie notifiante. Cette procédure concernait tous les accords sur lesquels repose le système ARA, c’est-à-dire :

–        les accords de décharge et de licence conclus entre ARA et les entreprises soumises au décret (sans tarif) ;

–        le contrat de gestion conclu entre ARA et ARGEV à titre de modèle des contrats de gestion conclus entre ARA et les autres ERS (Arbeitsgemeinschaft Verbundmaterialien GmbH, ARO, AGR, Alurec, VHP, Ferropack et ÖKK) ;

–        les contrats de gestion ou de coopération conclus entre ARGEV et ÖKK et entre ARGEV et Alurec à titre de modèles des contrats conclus entre ARGEV et ÖKK, Alurec, Ferropack et VHP ;

–        les contrats conclus par ARGEV et ARO avec leurs partenaires régionaux respectifs.

10      Par lettres du 19 février 1996 et du 22 mars 2002, la BAA a présenté à la Commission des observations relatives au système ARA, en faisant référence à la plainte qu’elle avait déposée à cet égard le 24 mars 1994 auprès de l’Autorité AELE. Par ailleurs, par lettre du 27 avril 2000, EVA Erfassen und Verwerten von Altstoffen GmbH (ci-�après « EVA ») a introduit une plainte contre les sociétés du système ARA, laquelle reprenait et complétait la plainte initiale formée le 8 mai 1996 par FRS Folien-Rücknahme-Service et Raiffeisen Umweltgesellschaft.

11      Le 24 juillet 2002, la Commission a adopté la décision d’engager la procédure dans la présente affaire.

12      Par communication de la Commission du 19 octobre 2002 (JO C 252, p. 2), celle-ci a donné aux tiers intéressés l’occasion de faire connaître leur point de vue, conformément à l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), tel que modifié.

13      À la suite des remarques formulées par la Commission dans ladite communication, ARA et ARGEV ont communiqué quatre engagements, parmi lesquels il convient de relever les suivants :

–        engagement n° 1 : à partir du 29 novembre 2000, ARGEV et ARO renoncent à l’application des clauses de traitement préférentiel convenues avec les entreprises de collecte ;

–        engagement n° 3 : ARGEV n’empêche pas les partenaires régionaux de travailler avec des concurrents du système ARA ni de conclure et d’exécuter avec ceux-ci des contrats relatifs à l’utilisation partagée de conteneurs ou d’autres installations destinées à la collecte et/ou au tri des emballages usagés provenant des ménages ; néanmoins, cet engagement ne limite pas le droit d’ARGEV d’imposer ses possibilités contractuelles d’organisation pour le système de collecte et de valorisation utilisé conjointement et de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour être en mesure de remplir les obligations qui lui incombent en vertu de la loi et de la décision d’agrément ;

–        engagement n° 4 : ARGEV et ARO résilieront leurs contrats avec les partenaires régionaux à l’expiration d’une durée contractuelle de trois ans, si les parties n’ont pas décidé d’un commun accord la reconduction du contrat pour une durée maximale de deux ans ; au plus tard après l’expiration d’une durée contractuelle de cinq ans, ARGEV et ARO attribueront de nouveaux contrats de services au moyen d’une procédure de mise en concurrence, transparente et objective (appels d’offres en tout genre, demande d’offres, etc.).

14      Le 16 octobre 2003, la Commission a adopté la décision 2004/208/CE, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaires COMP D3/35470 – ARA et COMP D3/35473 – ARGEV, ARO) (JO 2004, L 75, p. 59, ci-�après la « décision attaquée »).

15      Dans le cadre de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, les différents marchés en cause ont été identifiés dans la décision attaquée. Tout d’abord, le marché sur lequel opèrent les systèmes collectifs et les systèmes individuels de reprise et de valorisation est désigné comme le « marché des systèmes ». Les systèmes collectifs visent des entreprises soumises aux obligations imposées par le décret afin de les décharger desdites obligations, en mettant en place un service de reprise et de valorisation commun. Les systèmes individuels organisent des services particuliers de reprise et de valorisation pour chacune des entreprises qui ne veulent pas adhérer aux systèmes collectifs en place. Au vu des obligations imposées par le décret, le marché en question est limité aux déchets d’emballages.

16      Il est précisé dans la décision attaquée que, lorsque les services ne sont pas fonctionnellement interchangeables, il convient d’effectuer une distinction, au sein du marché des systèmes, entre le marché des systèmes d’élimination des emballages ménagers et celui des emballages de grandes entreprises et de l’industrie.

17      Ensuite, dans la mesure où les ERS ne se chargent pas elles-mêmes d’éliminer les emballages usagés, la décision attaquée fait état de l’existence d’un second niveau de marchés, les marchés de la collecte et du tri d’emballages usagés, sur lesquels les ERS agissent en tant que demandeurs de services de collecte et de tri, et les entreprises ainsi que les collectivités locales, en tant que fournisseurs desdits services. Lorsque les services en question ne sont pas fonctionnellement interchangeables, une distinction est faite en fonction du lieu de production des déchets entre, d’une part, le marché de la collecte et du tri des emballages usagés des ménages et, d’autre part, celui des emballages usagés de l’industrie. De même, dans le secteur des emballages ménagers, en prenant en compte les particularités de certains matériaux, il est possible de distinguer trois marchés, à savoir celui de la collecte de vieux papiers, celui de la collecte du verre usagé et celui de la collecte et du tri des emballages légers.

18      Enfin, il est effectué une distinction, dans la décision attaquée, entre les marchés de la collecte et du tri et les marchés des services de valorisation des matériaux collectés et des matières premières secondaires, dès lors que l’organisation de la valorisation des matériaux collectés et l’offre de matières premières secondaires sont des niveaux différents d’un même marché de produits. Il est également considéré, dans la décision attaquée, qu’il existe autant de marchés de services de valorisation et de matières premières secondaires que de catégories de matériaux. En outre, il est précisé que, pour une même catégorie de matériaux, aucune distinction ne peut être établie entre les emballages ménagers et les emballages industriels.

19      Du point de vue géographique, concernant le marché des systèmes et ceux de la collecte et du tri, le territoire de l’Autriche est le territoire pris en considération selon la décision attaquée. En revanche, concernant les marchés des services de valorisation et des matières premières secondaires, l’Espace économique européen (EEE) est le territoire pris en considération.

20      Une fois définis les marchés en cause, la Commission a examiné les accords de partenariat et a considéré qu’ils entraînaient une restriction sensible de la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, d’une part, sur les marchés de la collecte et du tri d’emballages ménagers, à l’exception du contrat entre ARO et les collectivités territoriales, et, d’autre part, sur les marchés de la collecte et du tri des emballages industriels. Cette restriction découlait de l’existence d’une clause d’exclusivité territoriale en faveur de chaque partenaire régional d’ARGEV ou d’ARO. En effet, compte tenu de la position dominante d’ARGEV et d’ARO sur le marché de la demande, pendant la validité des contrats, tout autre prestataire de services de collecte et de tri de déchets d’emballages ménagers et industriels se verrait refuser l’accès à des marchés importants ou se verrait privé de débouchés non négligeables.

21      En ce qui concerne les emballages ménagers, selon la décision attaquée, la restriction identifiée était sensible au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. Étant donné que, au moment des faits, ARGEV était le principal demandeur de services de collecte et de tri, le réseau des contrats de services, qui comprenaient une clause d’exclusivité, provoquait dans l’ensemble du marché géographique l’effet cumulatif de fermer le marché aux entreprises de collecte et de tri exclues. Du côté de l’offre, des raisons relevant de l’aménagement du territoire et de la logistique nécessaire à la gestion des déchets s’opposaient à la mise en place d’une deuxième infrastructure de collecte. Ainsi, selon la décision attaquée, il était réaliste de considérer que tout système collectif susceptible d’entrer en concurrence avec le système ARA devrait travailler avec les partenaires régionaux du système ARA, ce qui rendait improbable toute possibilité d’implantation sur le marché pour les entreprises de collecte et de tri exclues. En conséquence, des débouchés vitaux seraient fermés pour une période pouvant aller jusqu’à cinq ans, durée maximale des contrats.

22      En ce qui concerne les emballages industriels, il est constaté dans la décision attaquée que, au moment des faits, ARGEV et ARO n’étaient pas les demandeurs principaux des services de collecte et de tri. Dans ce domaine, il existait d’autres systèmes présents sur le marché de la demande de services de gestion des déchets, et les entreprises d’élimination des déchets pouvaient également offrir leurs services aux gros producteurs de déchets. Néanmoins, selon la décision attaquée, les systèmes concurrents et les gros producteurs de déchets n’étaient pas comparables, sur le plan de l’importance économique, au système ARA et, dans ce contexte, la restriction identifiée privait les entreprises exclues, pendant la validité des accords, de débouchés non négligeables, et avait donc des effets sensibles sur la concurrence.

23      Selon la décision attaquée, la clause d’exclusivité figurant dans les contrats de services était néanmoins nécessaire au fonctionnement et à la mise en place des infrastructures de collecte et de tri, qui exigeaient des investissements considérables de la part des partenaires régionaux et permettaient la mise en œuvre directe de dispositions environnementales. De même, le fait de confier l’ensemble de la collecte à une seule entreprise par zone de collecte pendant une période maximale de cinq ans permettait aux parties, d’une part, de planifier et d’organiser à long terme les prestations à fournir et, d’autre part, de réaliser des économies d’échelle et de gamme, ce qui entraînait des gains d’efficience. Dès lors, l’exclusivité en faveur des partenaires régionaux contribuait à améliorer la production et à promouvoir le progrès technique ou économique et était favorable aux utilisateurs, qui recevaient une part équitable du profit qui en résultait, au sens de l’article 81, paragraphe 3, CE. De même, une clause d’exclusivité d’au moins trois ans s’avérait indispensable pour des raisons économiques, afin de garantir une prestation durable et fiable des services de collecte et de tri et d’assurer les investissements qui devaient être réalisés par les partenaires régionaux pour mettre en œuvre les accords de collecte et de tri.

24      Selon la décision attaquée, la restriction identifiée n’était pas susceptible d’éliminer la concurrence sur les marchés concernés. Néanmoins, s’agissant des services de collecte et de tri des déchets ménagers, la Commission a apporté les précisions exposées ci-après.

25      Concernant, premièrement, la collecte des déchets ménagers, il est reconnu dans la décision attaquée que l’attribution, au plus tard après cinq ans, de nouveaux contrats de services au moyen d’une procédure d’appel d’offres garantira une situation de libre concurrence pour l’obtention des zones de collecte. Toutefois, il est constaté que, dans la pratique, il ne serait pas possible de mettre en place une deuxième infrastructure de collecte ménagère en raison de problèmes de place, de problèmes juridiques liés à la protection de l’environnement et du paysage et en raison des habitudes des consommateurs en matière de collecte des déchets. Compte tenu de cette spécificité de l’offre sur le marché en cause, la Commission a estimé que les conteneurs pour emballages usagés implantés à proximité des ménages constituaient un élément pour lequel toute concurrence était impossible.

26      Au vu de ce qui précède, la Commission a considéré qu’un accès totalement libre aux infrastructures de collecte déjà en place constituait une condition indispensable à l’intensification de la concurrence non seulement, sur le plan de la demande, dans le secteur des services de collecte ménagère, mais aussi sur le marché vertical en amont de l’organisation de la reprise et de la valorisation des emballages usagés déposés par les particuliers. Dès lors, selon la décision attaquée, il ne pourrait exister une concurrence, sur le plan de la demande, dans le domaine des services de collecte que si ARGEV n’empêchait pas les partenaires régionaux de conclure des contrats concernant une utilisation partagée des conteneurs avec des concurrents du système ARA.

27      Néanmoins, il est constaté dans la décision attaquée que, dans l’engagement nº 3, ARGEV souhaitait assortir cette utilisation partagée de restrictions importantes. La Commission a donc estimé nécessaire d’imposer certaines charges, afin de garantir que les conditions permettant d’accorder une exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE seront remplies. En premier lieu, ARGEV ne pouvait empêcher les entreprises de collecte de conclure et d’exécuter, avec des concurrents d’ARA et d’ARGEV, des contrats concernant l’utilisation partagée des conteneurs ou d’autres installations de collecte et de tri d’emballages de vente usagés. En second lieu, afin d’éviter qu’ARGEV s’attribue la totalité des emballages collectés et empêche les concurrents de respecter les taux prescrits, celle-ci ne pouvait réclamer des justificatifs aux partenaires régionaux que pour les quantités d’emballages correspondant à la part détenue par le système ARA dans l’ensemble des emballages collectés sous licence par les différents systèmes de collecte. Cette seconde charge concernait l’ensemble des entreprises ayant conclu un accord de partenariat pour la collecte avec ARGEV et s’appliquait dans la mesure où un système concurrent demandait à bénéficier d’une utilisation partagée dans la zone de collecte concernée, et à partir de la date à laquelle l’agrément avait été délivré au système en cause.

28      Concernant, deuxièmement, les services de tri de déchets ménagers, il est constaté dans la décision attaquée que la séparation des emballages en fonction des matériaux utilisés nécessitait des processus techniques complexes, ainsi que des investissements qui ne pouvaient être exploités que dans une mesure limitée pour d’autres opérations de tri. Les importants investissements nécessaires pour mettre en place de nouvelles installations constitueraient pour les concurrents du système ARA une entrave non négligeable à leur entrée sur le marché.

29      Bien qu’ARGEV ait déclaré que les entreprises de gestion des déchets pouvaient librement mettre les installations de tri à la disposition de systèmes concurrents, la Commission a considéré que, dans le cadre de l’engagement nº 3, celle-ci souhaitait néanmoins imposer des restrictions considérables à l’utilisation partagée. Compte tenu de l’importance du libre accès aux installations de tri aux fins de l’existence d’une concurrence, la Commission a donc estimé nécessaire de subordonner l’exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE à une charge en vertu de laquelle ARGEV ne devait pas empêcher les entreprises de gestion des déchets de conclure et d’exécuter des contrats concernant une utilisation partagée des installations de tri.

30      La décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

« Article 2

Les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, […] CE et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE sont déclarées inapplicables, conformément à l’article 81, paragraphe 3, […] CE et à l’article 53, paragraphe 3, de l’accord EEE, aux différents contrats de collecte et de tri conclus par ARGEV et ARO avec leurs partenaires régionaux respectifs, qui contiennent une clause d’exclusivité et expireront au plus tard au 31 décembre 2006.

L’exemption sera valable du 30 juin 1994 au 31 décembre 2006.

Article 3

L’exemption mentionnée à l’article 2 est assortie des charges suivantes :

a)      ARGEV n’empêchera pas les entreprises de collecte de conclure, avec des concurrents du système ARA, des contrats sur l’utilisation partagée des conteneurs ou d’autres installations de collecte et de tri des emballages de vente usagés déposés par les ménages, ni d’exécuter ces contrats ;

b)      ARGEV ne peut demander aux entreprises de collecte de lui fournir une attestation que pour les quantités d’emballages correspondant à la part détenue par le système ARA dans l’ensemble des emballages ménagers concédés à des systèmes pour certaines catégories de matériaux. Dans ce cas, ARGEV pourra réduire la rémunération mentionnée au paragraphe 3.1.1 de l’accord de collecte dans les proportions mentionnées dans la première phrase du présent point. Pour les rémunérations mentionnées aux paragraphes 3.1.2 et 3.1.3 de l’accord de collecte, ce sont les quantités pour lesquelles une preuve aura été fournie à ARGEV qui seront déterminantes. Cette charge s’applique à toutes les entreprises de collecte avec lesquelles ARGEV a signé un accord de partenariat. »

 Procédure et conclusions des parties

31      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 décembre 2003, ARA et ARGEV ont introduit le présent recours.

32      Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le même jour, ARA et ARGEV ont introduit une demande de sursis à l’exécution de l’article 3, sous b), de la décision attaquée (affaire T-�419/03 R). Par lettre du 11 mars 2004, elles ont retiré cette demande. Par ordonnance du président du Tribunal du 26 mars 2004, l’affaire T-�419/03 R a été radiée du registre du Tribunal et les dépens afférents ont été réservés.

33      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, les 19 février et 23 avril 2004, EVA et la BAA ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la Commission. Par ordonnance du 20 janvier 2005, le président de la première chambre du Tribunal a admis l’intervention d’EVA et de la BAA. Les intervenantes ont déposé leurs mémoires le 17 mai 2005.

34      Le 16 septembre 2007, l’affaire a été réattribuée à la deuxième chambre du Tribunal à la suite d’un renouvellement partiel de celui-ci et un nouveau juge rapporteur a été désigné.

35      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé le 8 juillet 2009 d’ouvrir la procédure orale. Le 12 août 2009, le rapport d’audience a été signifié aux parties, la date de l’audience étant fixée au 29 septembre 2009.

36      Le 14 septembre 2009, ARA (ci-après la « requérante ») a informé le Tribunal qu’elle avait absorbé ARGEV ainsi que les autres ERS du système ARA, à l’exception d’AGR.

37      Le 21 septembre 2009, le Tribunal a été saisi d’une demande de suspension de la procédure présentée par la requérante conformément à l’article 77 du règlement de procédure du Tribunal. Par ordonnance du 22 septembre 2009, le Tribunal a suspendu la procédure pour une période de six mois.

38      La procédure a repris le 23 mars 2010 et l’audience a eu lieu le 15 juin 2010.

39      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les articles 2 et 3 de la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 3 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

40      La Commission, EVA et la BAA concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

41      Lors de l’audience, la Commission a déclaré renoncer à la demande d’irrecevabilité du recours en ce qu’il a été formé par ARA, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

42      La requérante invoque six moyens à l’appui de son recours. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 81 CE et de l’article 2 du règlement nº 17. Le deuxième moyen est tiré de la conformité des contrats de services aux conditions du règlement (CE) nº 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, [CE] à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (JO L 336, p. 21). Le troisième moyen est tiré du fait que les articles 2 et 3 de la décision attaquée ne respectent pas les exigences de la théorie des « facilités essentielles ». Le quatrième moyen est pris du fait que les charges prévues dans la décision attaquée ne sont pas réalisables. Le cinquième moyen est tiré du caractère disproportionné des charges prévues dans la décision attaquée et le sixième moyen est tiré des contradictions existant entre le dispositif et les motifs de la décision attaquée.

43      À titre liminaire, la Commission considère que les arguments concernant l’absence de lien entre la restriction de la concurrence et la charge imposée, le droit de la requérante d’aménager son système et le manque de précision de la décision attaquée constituent des moyens nouveaux soulevés au stade de la réplique qui sont, par conséquent, irrecevables. De même, elle considère que l’argument soulevé par la requérante concernant la distribution des coûts constitue un moyen nouveau soulevé lors de l’audience et est, donc, irrecevable.

44      À cet égard, le Tribunal rappelle que, selon l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, la production de nouveaux moyens en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure. À cet égard, un moyen qui constitue une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (arrêts du Tribunal du 10 avril 2003, Travelex Global and Financial Services et Interpayment Services/Commission, T-�195/00, Rec. p. II-�1677, points 33 et 34, et du 24 mai 2007, Duales System Deutschland/Commission, T-�151/01, Rec. p. II-�1607, point 71).

45      En l’espèce, il y a lieu de constater que les moyens considérés comme nouveaux constituent une ampliation des arguments développés par la requérante en réponse à l’argumentation présentée par la Commission dans son mémoire en défense au titre du quatrième moyen, concernant le caractère réalisable des charges, du cinquième moyen, concernant la proportionnalité des charges, et du sixième moyen, concernant l’existence de contradictions entre le dispositif et les motifs de la décision attaquée.

46      Dès lors, l’allégation par la Commission de l’irrecevabilité de moyens nouveaux doit être rejetée.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 81 CE et de l’article 2 du règlement n° 17

 Arguments des parties

47      La requérante estime que les accords de partenariat ne comprennent aucune disposition permettant de conclure qu’il existe explicitement ou implicitement une obligation d’exclusivité à sa charge. Elle considère que, bien qu’elle se soit limitée et ait décidé de coopérer avec un seul partenaire régional par zone de collecte, rien ne l’empêche de confier à d’autres entreprises la collecte et/ou le tri des emballages dans chaque zone contractuelle. Ainsi, les prétendus effets restrictifs de la concurrence résulteraient de l’existence d’un contrat commutatif par lequel un consommateur privé ou professionnel couvre ses besoins et ne relèveraient donc pas du champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE.

48      La requérante considère aussi que sa décision de se limiter n’aurait pas pour effet de ne laisser subsister qu’un seul partenaire par zone de collecte qui pourrait exercer ses activités dans le cadre d’un système collectif alternatif. À l’appui de cette considération, elle soutient que, en pratique, le choix de partenaires potentiels sera accru par le fait que, lors de l’élimination des emballages industriels, le producteur de déchets peut librement choisir l’entreprise de collecte qui transportera les emballages vers les centres de prise en charge du système ARA. Cela signifierait que, dans les différentes régions de collecte, hormis le partenaire régional de la requérante pour la collecte ménagère, plusieurs autres entreprises de collecte seraient actives. La requérante ajoute que, lors de l’élimination des déchets ménagers, AGR et ARO organisaient, dans chaque zone de collecte, des systèmes de collecte qui faisaient souvent appel à d’autres partenaires régionaux. Ainsi, il n’existerait pas de « monopoles locaux des entreprises de collecte », et la Commission aurait dû accorder une attestation négative à ces contrats en application de l’article 2 du règlement n° 17.

49      La Commission et les intervenantes contestent l’ensemble des arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

50      Selon la requérante, les accords de partenariat ne comprennent aucune disposition permettant de conclure qu’il existe explicitement ou implicitement une obligation d’exclusivité à sa charge. Il convient d’examiner cet argument à titre liminaire.

51      Il résulte de l’examen des accords de partenariat qu’ils ne contiennent aucune clause d’exclusivité territoriale formelle en faveur des partenaires de collecte et/ou de tri. En effet, aucune disposition n’engageait la requérante à ne se lier qu’avec un seul partenaire de collecte et/ou de tri par région. Il incombe donc au Tribunal d’examiner si la Commission a prouvé à suffisance, dans les circonstances particulières du marché pertinent, que ces contrats conclus pour une période donnée, avec un seul partenaire de collecte et/ou de tri, opèrent en réalité comme une exclusivité constitutive d’une restriction de concurrence. Il conviendra, ensuite, de vérifier, le cas échéant, si la restriction de la concurrence identifiée est suffisamment importante pour constituer une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE. À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le contrôle juridictionnel des actes de la Commission impliquant des appréciations économiques complexes doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi qu’à celle de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du Tribunal du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission, T-�65/98, Rec. p. II-�4653, point 80, et la jurisprudence citée).

52      Selon l’examen de ces accords par la Commission, la requérante n’envisage de se lier qu’avec un seul partenaire de collecte et/ou de tri par région de collecte pendant une période de trois à cinq ans (voir considérants 95, 111 et 220 de la décision attaquée), ce qui s’explique, selon la requérante, dans la mesure où ses besoins relatifs aux services en cause sont suffisamment couverts par un seul partenaire.

53      En effet, des accords de partenariat ressort la volonté de la requérante d’attribuer la prestation de services de collecte et de tri d’emballages ménagers à un seul partenaire par région de collecte pendant une période allant de trois à cinq ans. Aucun élément dans lesdits accords ne permet de conclure que la requérante pourrait s’écarter, pendant cette période, de la limitation qu’elle s’est imposée et demander à d’autres entreprises de collecte et de tri de lui fournir simultanément lesdits services dans la région de collecte en cause, par exemple, pour faire face à une augmentation des quantités d’emballages sous licence.

54      Par ailleurs, d’autres éléments relatifs aux accords de partenariat permettent d’établir que la participation d’un partenaire supplémentaire dans le territoire concerné est exclue. Ainsi, la modification de la rétribution des partenaires régionaux est prévue lorsque le système de collecte ou le barème quantitatif sont modifiés, mais le cas de l’entrée d’un nouveau partenaire de collecte n’est pas envisagé. De même, les offres standard à présenter par les entreprises voulant se voir attribuer le contrat doivent toujours porter sur l’ensemble de la région de collecte concernée.

55      Il résulte de ce qui précède que, pendant la durée des accords de partenariat, les entreprises exclues ne peuvent pas faire d’offres à la requérante (voir considérants 221 à 223, 228 et 236 de la décision attaquée). Par conséquent, même sans contenir une clause formelle en ce sens, les accords de partenariat ont les mêmes effets que l’inclusion d’une clause d’exclusivité territoriale en faveur de chaque partenaire de collecte et/ou de tri. Dès lors, l’argument soulevé par la requérante concernant l’inexistence d’une obligation d’exclusivité est sans fondement.

56      En ce qui concerne l’analyse des effets restrictifs de la concurrence des accords de partenariat, il convient de préciser que, conformément à la jurisprudence, dans le cadre de l’examen du bien-fondé de l’appréciation de la Commission concernant l’existence d’une restriction sensible de la concurrence, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, le Tribunal ne saurait se limiter aux effets de l’exclusivité considérés isolément et en se référant uniquement aux restrictions imposées par les accords de partenariat dans les différentes régions de collecte (voir, en ce sens, arrêt Van den Bergh Foods/Commission, précité, point 82). En effet, s’agissant de la question de savoir si les accords de partenariat de la requérante tombent sous le coup de l’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE, il convient, conformément à la jurisprudence, d’examiner si l’ensemble des accords similaires conclus sur le marché pertinent et des autres éléments du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrivent les accords en cause font apparaître qu’ils ont pour effet cumulatif de fermer l’accès de ce marché à de nouveaux concurrents. S’il résulte de cet examen que tel n’est pas le cas, les accords individuels constituant le faisceau d’accords ne sauraient porter atteinte au jeu de la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. En revanche, si l’examen révèle que l’accès au marché est difficile, il conviendra ensuite d’analyser dans quelle mesure les accords litigieux contribuent à l’effet cumulatif produit, étant entendu que ne sont interdits que les contrats qui contribuent de manière significative à un éventuel cloisonnement du marché (arrêt de la Cour du 28 février 1991, Delimitis, C-�234/89, Rec. p. I-�935, points 23 et 24, et arrêt Van den Bergh Foods/Commission, précité, point 83).

57      La Commission a constaté au considérant 176 de la décision attaquée que, dans le domaine des emballages ménagers, le système ARA est le seul système de collecte et de valorisation qui couvre l’ensemble du territoire national autrichien et tous les types de matériaux, à l’exception des cartons composites pour boissons. Comme il résulte du considérant 182 de la décision attaquée, sans que la requérante l’ait contesté, il est le plus important demandeur de services d’élimination de déchets.

58      Dans la mesure où les accords de partenariat sont conclus par le plus important demandeur de services d’élimination de déchets, c’est-à-dire la requérante, la conséquence pratique de la mise en place de ce réseau d’accords est la fermeture de l’accès au marché aux entreprises de collecte et de tri exclues et la restriction de la concurrence, du côté de l’offre, sur le marché de la collecte et du tri d’emballages ménagers pendant la durée de l’accord, c’est-à-dire entre trois et cinq ans.

59      Étant donné que le réseau d’accords de partenariat mis en place par la requérante couvre tout le territoire autrichien, cette restriction de la concurrence ne saurait se limiter à une région de collecte. Celle-ci aura des effets sur tout ce territoire et, partant, sur l’ensemble du marché de la collecte et de tri géographiquement pertinent (voir considérant 226 de la décision attaquée). Ainsi, les entreprises exclues auront des difficultés tant pour contourner le réseau d’accords et entrer dans le marché autrichien de la collecte et du tri d’emballages ménagers que pour subsister dans ledit marché.

60      Cette situation est aggravée par l’existence d’obstacles supplémentaires à l’accès au marché de la collecte et du tri d’emballages ménagers. En effet, des motifs relevant de l’aménagement du territoire et de la logistique nécessaire à la gestion des déchets s’opposent à l’installation d’autres infrastructures de collecte de déchets ménagers (voir considérant 227 de la décision attaquée), ce qui est confirmé par les observations faites à cet égard par les autorités autrichiennes (voir considérant 285 de la décision attaquée). Ainsi, afin de s’assurer la prestation des services de collecte et de tri dès le début de leur activité, les éventuels concurrents du système ARA ne pourront conclure des accords avec d’autres entreprises de collecte pour l’installation d’infrastructures de collecte supplémentaires à côté des conteneurs déjà en place et seront donc contraints de s’associer avec les partenaires de collecte de la requérante. Par exemple, le système concurrent Öko-Box doit utiliser en partie les infrastructures de collecte de la requérante afin de développer son activité de collecte et de valorisation de cartons composites pour boissons (voir considérants 177 et 227 de la décision attaquée), ce qui n’est pas contesté par celle-ci.

61      En ce qui concerne les infrastructures de tri, la requérante ne conteste pas la constatation de la Commission selon laquelle l’accès au marché est entravé par le fait que la mise en place de nouvelles installations de tri nécessite des investissements importants, ce qui constitue une entrave non négligeable à l’entrée sur le marché de la collecte et du tri d’emballages ménagers (voir considérant 318 de la décision attaquée).

62      Toutes ces circonstances ont conduit la Commission à conclure, aux considérants 227 de la décision attaquée, qu’« il est improbable que, pendant la durée de validité des accords de partenariat régional, les entreprises de collecte exclues se voient offrir, sur le marché en cause, dans les différents territoires contractuels, de nouveaux débouchés d’une importance sensible, c’est-à-dire considérable ». Selon le considérant 236 de la décision attaquée, cette conclusion vaut également pour les entreprises de tri.

63      Il résulte de ce qui précède que la limitation que s’impose la requérante n’a pas pour seul effet de limiter sa propre liberté d’action. En effet, elle restreint, du côté de l’offre, l’accès au marché de la collecte et du tri des emballages ménagers aux entreprises de collecte et de tri exclues, dès lors qu’elle limite les possibilités pour lesdites entreprises d’agir sur ce marché. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, ces effets vont au-delà de ceux d’un contrat commutatif par lequel un consommateur privé ou professionnel couvre ses besoins. C’est donc sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a estimé que le réseau d’accords de partenariat fermait le marché pertinent auxdites entreprises, établissant ainsi une restriction sensible de la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. Dès lors, le réseau d’accords de partenariat notifiés à la Commission ne peut obtenir une attestation négative en vertu de l’article 2 du règlement nº 17.

64      Une fois constatée l’existence d’une restriction sensible de la concurrence, la Commission a admis, aux considérants 275, 276 et 316 de la décision attaquée, que les accords de partenariat étaient justifiés du point de vue de l’organisation des activités de collecte et de tri par des raisons de gestion et d’efficience, par le besoin d’assurer une prestation fiable des services de collecte, ainsi que par la nécessité de garantir la sécurité de l’organisation et des investissements devant être réalisés pour mettre en œuvre l’accord de collecte et de tri. Selon la Commission, cette obligation d’exclusivité est donc une restriction indispensable à la réalisation de l’objectif d’organisation rationnelle des activités de collecte et de tri sur le marché autrichien, au sens des dispositions de l’article 81, paragraphe 3, CE (voir considérants 268 à 287 et 316 de la décision attaquée).

65      Cependant, la Commission a considéré que cette restriction de la concurrence sur le marché de la collecte et du tri des emballages ménagers pourrait aboutir à une restriction de la concurrence sur celui situé en amont, c’est-à-dire le marché des systèmes d’élimination des emballages ménagers, si la requérante réussissait à imposer à ses partenaires une exclusivité de facto dans la prestation des services de collecte et de tri (voir considérants 230, 234 et 286 de la décision attaquée). En effet, cette exclusivité lui permettrait de bloquer l’accès aux infrastructures de collecte et de tri en place à ses concurrents potentiels. Dans une telle situation, ceux-ci n’auraient pas de possibilité réelle et concrète de contourner le réseau de contrats mis en place par la requérante, car, sur le marché de la collecte et du tri d’emballages ménagers, il n’existerait pas d’autre entreprise de collecte et de tri qui pourrait leur offrir ces services, à des conditions compétitives, dès le début de leur activité. Ainsi, l’engagement de la requérante de ne se lier qu’avec un seul partenaire de collecte et/ou de tri par région de collecte pourrait donner lieu à une restriction de la concurrence sur le marché des systèmes d’élimination des emballages ménagers, qui se traduirait immédiatement par une limitation de la demande des services de collecte et de tri sur le marché de la collecte et du tri d’emballages ménagers (voir considérant 287 de la décision attaquée).

66      Dès lors, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le problème ne réside pas dans le fait que les accords de partenariat donnent lieu à des « monopoles locaux des entreprises de collecte » contraires à l’article 81, paragraphe 1, CE, mais dans le fait que la restriction de la concurrence sur le marché de la collecte et du tri des emballages ménagers permettrait, dans les circonstances mentionnées au point 65 ci-dessus, d’éliminer la concurrence sur le marché des systèmes d’élimination des emballages ménagers, limitant ainsi la demande des services de collecte et de tri sur le marché de la collecte et du tri d’emballages ménagers.

67      En l’espèce, la Commission a reconnu, aux considérants 231, 234 et 236 de la décision attaquée, que la requérante n’interdit pas l’utilisation partagée des infrastructures de collecte et de tri. Néanmoins, la Commission a estimé que certaines facultés que la requérante s’était octroyées, en vertu de l’engagement nº 3, pourraient être utilisées pour rendre plus difficile l’accès au marché de ses concurrents potentiels. Afin de neutraliser ce risque, la Commission a décidé d’imposer à la requérante les deux charges prévues à l’article 3 de la décision attaquée, mentionnées au point 27 ci-dessus, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 17 (voir considérants 287, 288 et 318 de la décision attaquée).

68      En effet, selon la Commission, la possibilité que la requérante puisse profiter de l’existence d’un seul partenaire par région de collecte et des facultés qu’elle s’est octroyées dans l’engagement nº 3 pour éliminer la concurrence sur le marché des systèmes d’élimination d’emballages ménagers justifiait l’imposition des charges mentionnées à l’article 3 de la décision attaquée. Ces charges, visant en substance à empêcher la requérante d’interdire l’utilisation partagée des infrastructures de collecte et de tri, ainsi que de s’approprier, dans les cas d’utilisation partagée, la partie des emballages collectés ne relevant pas d’elle, permettront d’éviter que la requérante empêche l’accès des systèmes concurrents aux infrastructures de collecte et de tri déjà en place et qu’elle puisse ainsi restreindre la concurrence sur le marché des systèmes d’élimination d’emballages ménagers et, donc, limiter la demande des services de collecte et de tri sur le marché de la collecte et du tri des emballages ménagers.

69      La requérante conteste cette conclusion en affirmant que le choix de partenaires potentiels est étendu, étant donné que, concernant l’élimination des emballages industriels, les producteurs de déchets choisissent librement leurs partenaires régionaux et que, concernant l’élimination des déchets ménagers, AGR et ARO organisaient, dans chacune des régions de collecte, des systèmes de collecte faisant souvent appel à d’autres partenaires régionaux.

70      En premier lieu, en ce qui concerne le marché de la collecte des emballages industriels, d’une part, il convient de souligner que, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier et contrairement aux affirmations de la requérante, il existe un accord de partenariat unique pour la collecte des emballages industriels et ménagers par lequel un seul partenaire de la requérante assure les services de collecte des deux types d’emballages. Selon ledit accord, ces deux types d’emballages pourraient même être ramassés simultanément. Le fait qu’un seul partenaire doit assurer la collecte des deux types d’emballage exclut ainsi toute possibilité pour les entreprises qui ne sont spécialisées que dans la collecte d’un desdits emballages de devenir partenaire de collecte. Néanmoins, selon la requérante, cette circonstance ne les empêcherait pas d’entrer sur le marché, car elles pourraient proposer des services de transport ou de ramassage des emballages industriels aux producteurs desdits déchets dans les termes indiqués au point 75 ci-dessous.

71      D’autre part, il convient de préciser que les marchés de la collecte et du tri d’emballages ménagers et industriels présentent des différences suffisamment importantes pour que les prestations des entreprises de collecte et de tri spécialisées sur l’un des ces deux marchés ne soient pas interchangeables et que lesdites entreprises ne puissent pas fournir leurs services sur l’autre marché. Comme la Commission l’a constaté, sans que la requérante ait présenté de preuve contraire, les services de collecte et de tri doivent être aménagés de manière différente, compte tenu des différents besoins spécifiques à la collecte et au tri (voir considérant 161 de la décision attaquée).

72      En effet, concernant le tri, les grandes entreprises produisent de plus grandes quantités d’emballages, qui sont déposés sur les lieux de production une fois triés par type de matériau. Pour cette raison, il n’est pas nécessaire de mettre en place une infrastructure de tri pour les emballages industriels, comme celle prévue pour les emballages ménagers, et, d’ailleurs, l’accord de partenariat permet au partenaire de collecte de pénaliser les fournisseurs d’emballages qui présentent des emballages mélangés.

73      De même, concernant la collecte, ainsi qu’il résulte de l’accord de partenariat, la collecte des emballages industriels présente certaines particularités par rapport à celle des emballages ménagers. Ainsi, dans le cas des emballages industriels, le partenaire de collecte agit en tant que gérant du centre régional de prise en charge. Son activité principale est de recevoir les matériaux livrés par les grands producteurs de déchets industriels, qui agissent comme fournisseurs de déchets, et d’enregistrer tous les bons de pesage des matériaux livrés conformément à la législation autrichienne, afin de vérifier si les quantités minimales sont atteintes (voir aussi considérant 166 de la décision attaquée). Les producteurs des déchets ont donc l’obligation d’acheminer les matériaux triés jusqu’au centre de prise en charge. De façon accessoire, dans le cas de régions fortement industrialisées, le partenaire de collecte propose également un service de ramassage permettant de collecter les emballages sous licence sur les lieux de production, lequel peut, comme la requérante l’a indiqué, être refusé par les producteurs de déchets. En revanche, dans le cas des emballages ménagers, il résulte de l’accord de partenariat que la prestation de collecte comprend le vidage systématique des conteneurs de collecte et le ramassage des sacs de collecte, fournis par le partenaire de collecte, conformément à un plan précis de jours de ramassage élaboré par celui-ci, ainsi que le transport des déchets collectés auprès des ménages jusqu’à l’installation de tri, le partenaire de collecte étant responsable vis-à-vis d’ARA de la qualité des emballages collectés.

74      Il existe par conséquent de fortes différences entre les services de collecte et de tri d’emballages ménagers et industriels. Dès lors, comme il a été constaté dans la décision attaquée, il n’existe pas de substituabilité fonctionnelle entre les services de collecte et de tri des emballages ménagers et ceux des emballages industriels (voir considérant 162 de la décision attaquée).

75      Certes, la requérante considère que les entreprises de collecte exclues pourraient proposer leurs services sur le marché de la collecte et du tri des emballages industriels aux producteurs de déchets qui doivent transporter leurs déchets jusqu’au centre de prise en charge ou même leur proposer des services de ramassage en concurrence avec ceux proposés par le partenaire de collecte dans les régions fortement industrialisées. Néanmoins, étant donné l’absence de substituabilité fonctionnelle entre la collecte des emballages ménagers et industriels, il y a lieu de considérer que les entreprises spécialisées dans le secteur ménager ne seront pas, en principe, en mesure de fournir des services de collecte d’emballages industriels. Dès lors, le fait que les producteurs de déchets industriels peuvent choisir librement leur partenaire ne saurait jouer aucun rôle en l’espèce.

76      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’élimination des vieux papiers ménagers, la Commission a constaté, au considérant 157 de la décision attaquée, sans que la requérante l’ait contesté, qu’« ARO n’achète que des quantités déterminées aux systèmes de collecte municipaux de vieux papiers », lesquels préexistaient à la mise en place du système ARA. Selon le considérant 158 de la décision attaquée, la situation est identique en ce qui concerne l’élimination du verre usagé.

77      Il résulte de ce qui précède qu’il n’est pas envisageable que les entreprises de collecte et de tri d’emballages ménagers exclues, d’une part, puissent aisément accéder au marché de la collecte et du tri des emballages industriels et, d’autre part, puissent fournir leurs services, que ce soit sur le marché de la collecte des vieux papiers ou sur celui de la collecte du verre usagé, car ces marchés fonctionnent grâce à l’existence des systèmes de collecte municipaux et sont donc fermés à l’entrée d’éventuels concurrents. Par conséquent, contrairement aux arguments soulevés par la requérante, l’existence de ces marchés n’est pas pertinente afin d’élargir la demande des services de collecte et de tri d’emballages ménagers et d’assurer la subsistance des entreprises concurrentes des partenaires régionaux de la requérante.

78      Ces conclusions ne sauraient être infirmées par l’argument de la requérante invoqué lors de l’audience, selon lequel une restriction de la concurrence pourrait être mise en doute si un accord apparaissait nécessaire à la pénétration d’une entreprise dans une zone où elle n’intervenait pas [arrêt du Tribunal du 2 mai 2006, O2 (Germany)/Commission, T-�328/03, Rec. p. II-�1231, point 68].

79      À cet égard, il convient de souligner que, en l’espèce, contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt O2 (Germany)/Commission, précité, il n’a pas été établi que le réseau d’accords de partenariat mis en place par la requérante permettait l’entrée sur le marché d’une entreprise concurrente. Au contraire, comme il a été relevé au point 65 ci-dessus, l’effet cumulatif dudit réseau était susceptible de fermer aux concurrents du système ARA l’accès au marché des systèmes d’élimination des emballages ménagers. Il y a donc lieu d’écarter cet argument.

80      Ainsi, la Commission a pu conclure sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, d’une part, qu’il existait une restriction de la concurrence sur le marché de la collecte et du tri des emballages légers ménagers et que cette restriction pouvait bénéficier d’une exemption individuelle au vu de ses effets positifs sur l’organisation de la collecte et du tri des emballages ménagers et, d’autre part, que cette restriction pourrait avoir des effets sur le marché des systèmes d’élimination des emballages ménagers et, donc, sur la demande des services de collecte et de tri sur le marché des emballages ménagers. Par ailleurs, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que, afin d’éviter que la requérante puisse éliminer la concurrence sur le marché des systèmes d’élimination des emballages ménagers, il convenait d’assortir l’exemption des deux charges citées au point 27 ci-dessus. Dès lors, il y a lieu de rejeter ce moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la conformité des accords de partenariat aux conditions du règlement n° 2790/1999

 Arguments des parties

81      La requérante estime que, même si les accords de partenariat comportent une obligation d’exclusivité à sa charge, celle-ci sera exemptée de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE en vertu de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 2790/1999, lequel n’admet en outre pas l’imposition de charges aux bénéficiaires de l’exemption. En effet, selon la définition du marché pertinent établie par la Commission aux considérants 155 et suivants de la décision attaquée, aucun partenaire régional de la requérante en Autriche n’aurait une part supérieure à 30 % sur le marché de la collecte et/ou du tri des emballages légers. De plus, la requérante souligne que le règlement nº 2790/1999 accorde une exemption aux systèmes de distribution qui réservent des territoires exclusifs à certains distributeurs et considère donc qu’il ne peut en aller autrement dans le cadre d’un réseau d’accords de partenariat, dans lequel le pouvoir adjudicateur réserve à ses partenaires des territoires exclusifs.

82      La requérante conteste également la définition de la Commission du marché géographique pertinent en argumentant que les régions de collecte ne correspondent à aucune zone d’activité économique, car elles ont été définies par elle lors de ses appels d’offres. De même, elle considère que le critère décisif pour déterminer la part de marché d’un fournisseur est la situation existant avant la conclusion des accords de partenariat, et non celle postérieure à leur conclusion.

83      Enfin, la requérante soutient que la raison pour laquelle elle n’a pas fait référence au règlement nº 2790/1999 avant le dépôt de la requête est que la Commission n’avait pas publié de communication des griefs.

84      La Commission et les intervenantes contestent l’ensemble des arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

85      Il convient d’examiner, à titre liminaire, les allégations de la requérante selon lesquelles elle n’a pas eu la possibilité d’invoquer plus tôt les arguments tirés du règlement nº 2790/1999.

86      À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de rappeler que, par lettre du 28 août 2001, ARA et ARGEV ont sollicité une attestation négative pour les accords notifiés ou, le cas échéant, une décision d’exemption, conformément à l’article 81, paragraphe 3, CE. Cette demande a été présentée conformément aux exigences de l’article 2 du règlement (CE) nº 3385/94 de la Commission, du 21 décembre 1994, concernant la forme, la teneur et les autres modalités des demandes et notifications présentées en application du règlement nº 17 (JO L 377, p. 28), ainsi que du formulaire A/B qui y est annexé, sans que la Commission ait formulé aucune observation à cet égard.

87      En deuxième lieu, selon le paragraphe 139 de la communication du 19 octobre 2002 (voir point 12 ci-dessus), la Commission a envisagé de ne pas formuler de griefs à l’encontre des accords notifiés sur la base de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE ou d’accorder aux parties une exemption individuelle en application de l’article 81, paragraphe 3, CE et de l’article 53, paragraphe 3, de l’accord EEE, éventuellement assortie de contraintes.

88      En troisième lieu, la Commission a adressé à la requérante une lettre le 1er avril 2003 dans laquelle elle indiquait envisager la possibilité d’adopter une décision positive au titre de l’article 81 CE et, conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 17, d’assortir cette décision de certaines charges concernant l’utilisation partagée des installations de collecte. Dans la partie intitulée « Motivation », la Commission a exposé de façon détaillée les raisons pour lesquelles il était possible d’accorder une exemption individuelle en faveur de l’accord de partenariat, ainsi que celles pour lesquelles elle considérait que certains accords du système ARA pourraient avoir un effet d’élimination de la concurrence qui justifierait l’imposition desdites charges. Enfin, cette lettre informait la requérante de la possibilité de présenter des observations dans un délai d’un mois à compter de la réception de ladite lettre. Dans une deuxième lettre, du 6 juin 2003, la Commission a informé la requérante de la modification des charges prévues afin de répondre à ses interrogations ainsi qu’à celles des autorités autrichiennes.

89      Dans ces circonstances, il ne saurait être contesté que la requérante a pu prendre connaissance au cours de la procédure administrative des possibles effets d’élimination de la concurrence des accords notifiés ainsi que des charges que la Commission envisageait de lui imposer dans le cadre d’une exemption individuelle. Pourtant, comme il ressort des lettres du 16 mai et du 25 juin 2003, envoyées par la requérante à la Commission en réponse à celles du 1er avril et du 6 juin 2003, elle n’a pas demandé expressément l’application du règlement nº 2790/1999 ni émis aucune objection concernant l’absence d’application en l’espèce de l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement ou la définition du marché pertinent à cet égard. Cette circonstance explique, comme la Commission l’a relevé, que les arguments tirés du règlement nº 2790/1999 ne trouvent pas de réponse dans la décision attaquée. Dès lors, l’absence de toute référence à ces arguments dans la décision attaquée ne saurait remettre en cause sa légalité.

90      En tout état de cause, même à supposer que la requérante, en demandant de bénéficier d’une exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, ait implicitement demandé l’application du règlement nº 2790/1999, le moyen tiré en substance de la non-application dudit règlement ne saurait entacher d’illégalité la décision attaquée.

91      En effet, les accords de partenariat sont des contrats de prestation de services qui lient la requérante de manière exclusive pour chaque région de collecte à un partenaire de collecte et/ou de tri, chacun d’eux opérant à un niveau différent de la chaîne d’élimination des emballages ménagers. Par ces contrats, les parties établissent les conditions dans lesquelles devront être effectués la collecte et le tri des emballages ménagers relevant de la requérante dans chaque région de collecte. Il s’agit donc d’accords de sous-traitance entre entreprises non concurrentes qui relèvent du champ d’application de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 2790/1999.

92      Comme il ressort du considérant 173 de la décision attaquée, sans que la requérante l’ait contesté, le marché géographique pertinent aux fins d’apprécier l’existence d’une restriction sensible de la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE est, dans les cas du marché des systèmes et des marchés de la collecte et du tri, l’ensemble du territoire autrichien, car les conditions objectives de la demande et de l’offre sur ce marché sont sensiblement différentes de celles prévalant dans d’autres régions du marché intérieur. En effet, la législation autrichienne en matière d’élimination d’emballages citée au point 5 ci-dessus détermine les conditions dans lesquelles doit se développer ladite activité sur l’ensemble du territoire autrichien, et ces conditions constituent donc des conditions particulières par rapport à celles d’autres territoires au sein du marché intérieur. Par ailleurs, c’est sur l’ensemble de ce territoire que la requérante met en place son réseau d’accords de partenariat, lequel, du fait de l’effet cumulatif des contrats concernant chaque région de collecte, est susceptible d’affecter la concurrence tant sur le marché des systèmes d’élimination d’emballages ménagers que sur le marché de la collecte et du tri desdits emballages.

93      En revanche, le territoire pertinent afin d’apprécier si, en l’espèce, le seuil de 30 % prévu à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2790/1999 est dépassé est la région de collecte, en tant que territoire sur lequel les partenaires de collecte et/ou de tri s’engagent avec la requérante et en tant que lieu où ils fournissent leurs services. En effet, la requérante lance ses appels d’offres pour chacune de ces régions et les partenaires proposent leurs services en organisant des infrastructures de collecte et de tri dans chacune de ces régions. En outre, le point 7 de l’appel d’offres standard révèle l’existence de spécificités par région de collecte, qui seraient décrites dans un document nommé « Select Regional, Teil L ». De même, le rapport d’activité de la requérante concernant l’année 2002 indique de façon plus précise que les arrondissements et les communes sont regroupés au sein des régions de collecte pour chacune desquelles la requérante a développé un concept de ramassage approprié et tout à fait spécifique.

94      Il résulte de ce qui précède que chaque région de collecte présente des conditions homogènes de prestation de services et peut se distinguer des régions voisines en raison de ses particularités et des conditions de prestation de services, conformément aux critères fixés au paragraphe 90 de la communication 2000/C 291/01 de la Commission – Lignes directrices sur les restrictions verticales (JO 2000, C 291, p. 1), pour déterminer le marché géographique pertinent aux fins du calcul du seuil prévu par le règlement nº 2790/1999.

95      Le fait que la Commission a considéré que le marché géographique pertinent afin d’examiner les effets anticoncurrentiels des accords notifiés est l’ensemble du territoire autrichien n’infirme pas cette conclusion. En effet, cette circonstance n’empêche pas de trouver, au sein de celui-ci, des marchés géographiques plus limités du point de vue des fournisseurs des services de collecte et de tri, dans lesquels les conditions de prestation de services sont homogènes et différentes de celles des régions voisines. Dès lors, comme il a été indiqué au point 93 ci-dessus, ce sont les régions de collecte qui constituent les marchés pertinents afin de déterminer si la requérante peut bénéficier de l’exemption par catégorie prévue dans le règlement nº 2790/1999.

96      Concernant l’affirmation de la requérante selon laquelle l’élément décisif pour déterminer la part de marché d’un fournisseur est la situation existant avant la conclusion des accords de partenariat, et non celle postérieure à leur conclusion, il convient de rappeler que, conformément à l’article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 2790/1999, aux fins de l’application de l’article 3, « la part du marché est calculée sur la base de données relatives à l’année civile précédente ». Il convient également de souligner, comme la Commission l’a relevé, que, dans le cas des marchés nouveaux, il doit être tenu compte du moment auquel le marché a été créé. C’est seulement à partir de ce moment qu’il peut être établi dans quelle mesure le fournisseur jouit d’un pouvoir de marché, en calculant la part de marché qui lui correspond, conformément à l’article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 2790/1999.

97      En l’espèce, cela signifie que, afin de calculer la part de marché de chacun des partenaires de collecte et/ou de tri, il convient de tenir compte de la situation postérieure à la conclusion des accords de collecte et de tri d’emballages ménagers, et non, contrairement à ce que soutient la requérante, de la situation antérieure.

98      En tant que fournisseurs des services de collecte et de tri avec lesquels la requérante se lie exclusivement, les partenaires de collecte et de tri dépassent sensiblement le seuil de 30 % de part de marché établi par l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 2790/1999. D’une part, selon le considérant 225 de la décision attaquée, qui n’a pas été contesté par la requérante, dans le domaine des emballages ménagers légers, seule Öko-Box a mis en place un système concurrent pour un type d’emballages ménagers, à savoir les cartons composites pour boissons. D’autre part, comme la requérante l’a reconnu dans ses écritures, Öko-Box a développé un système qui n’utilise des infrastructures de collecte que pour une partie des emballages, en faisant appel dans ce cas aux partenaires de collecte de la requérante. Dès lors, la part de marché des partenaires régionaux de collecte et/ou de tri peut facilement atteindre 100 % et l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 2790/1999 ne permet donc pas d’octroyer aux accords notifiés une exemption par catégorie libre de toute charge.

99      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter ce moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance par les articles 2 et 3 de la décision attaquée de la théorie des « facilités essentielles »

 Arguments des parties

100    La requérante considère que la Commission a accordé une importance décisive à un accès libre et sans entraves des autres systèmes collectifs à ses infrastructures de collecte en vue d’intensifier la concurrence et soutient que l’article 2 et, surtout, l’article 3 de la décision attaquée constituent une tentative d’imposer une obligation au système ARA sans respecter les exigences de la théorie des « facilités essentielles ».

101    À l’appui de ce moyen, d’une part, la requérante affirme que, en principe, ses accords de partenariat ne s’opposent pas à une utilisation partagée des conteneurs et qu’il ne résulte donc desdits contrats aucune exclusivité en sa faveur eu égard aux conteneurs. Dans ces circonstances, il n’existerait pas de restrictions matérielles de la concurrence et les charges imposées par la Commission ne pourraient pas se fonder sur l’article 81, paragraphe 3, CE et l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 17.

102    D’autre part, la requérante soutient que, en réalité, la décision attaquée lui impose une obligation de « céder » des capacités à des concurrents, ce qui relèverait du champ d’application de l’article 82 CE. Une telle charge ne pourrait être légitime, au regard de la jurisprudence de la Cour, que si les installations de collecte organisées pour la requérante étaient des installations essentielles (arrêt de la Cour du 26 novembre 1998, Bronner, C-�7/97, Rec. p. I-�7791). Or, cela ne serait pas le cas en l’espèce, car, d’un point de vue technique, il serait possible de dédoubler les structures existantes du système de collecte de la requérante en permettant à des systèmes de ramassage concurrents de mettre en place un système de ramassage aux endroits où elle gère un système de dépôt et inversement.

103    La Commission conteste l’ensemble des arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

104    Conformément à une jurisprudence bien établie, a été jugé abusif le fait, pour une entreprise détenant une position dominante sur un marché donné, de refuser de fournir à une entreprise avec laquelle elle se trouve en concurrence sur un marché voisin soit les matières premières, soit les services indispensables à l’exercice de celle-ci, dans la mesure où le comportement en cause était de nature à éliminer toute concurrence de la part de cette entreprise (arrêts de la Cour Bronner, précité, point 38, et du 29 avril 2004, IMS Health, C-�418/01, Rec. p. I-�5039, points 40 à 45). Dans ces cas, ayant constaté l’existence d’une infraction, notamment celle d’un abus de position dominante, la Commission peut, en vertu de l’article 3 du règlement nº 17, assurer l’effet utile de sa décision en imposant certaines obligations (arrêt de la Cour du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission, C-�241/91 P et C-�242/91 P, Rec. p. I-�743, points 90 et 91).

105    Conformément aux accords de partenariat, les partenaires de collecte et de tri sont chargés de mettre en place les infrastructures nécessaires à la mise en œuvre de leurs obligations contractuelles (voir considérant 98 de la décision attaquée). Lesdites infrastructures appartiennent aux partenaires de collecte et de tri, et non à la requérante, qui se limite à négocier leur emplacement avec les collectivités territoriales. Ainsi, la requérante affirme qu’elle ne possède aucun droit de propriété ou de contrôle sur ces installations qui lui permettrait de refuser d’une façon abusive la prestation des services de collecte à ses concurrents afin de les exclure du marché de l’élimination des emballages.

106    Cependant, en vertu des accords de partenariat et des facultés d’organisation qu’elle s’est octroyées dans l’engagement nº 3, la requérante est en mesure de contrôler, conjointement avec ses partenaires, l’accès aux infrastructures mises en place dans chaque région de collecte. De cette manière, la requérante est en mesure de bloquer l’accès de ses concurrents aux infrastructures de collecte et de tri appartenant à ses partenaires.

107    En effet, comme la Commission l’a souligné au considérant 234 de la décision attaquée, le problème qui se pose en l’espèce est que, en vertu des facultés d’organisation que la requérante s’est octroyées dans l’engagement nº 3, celle-ci peut empêcher l’utilisation partagée des infrastructures de collecte et de tri. En profitant de ces facultés d’organisation, la requérante peut, notamment, empêcher les partenaires de collecte qui le souhaitent d’ouvrir leurs infrastructures aux concurrents du système ARA et rendre ainsi plus difficile leur entrée sur le marché des systèmes d’élimination d’emballages ménagers. Ce comportement risque de donner lieu à une restriction de la concurrence sur ce marché et de limiter ainsi la demande des services de collecte et de tri sur le marché de la collecte et du tri d’emballages ménagers.

108    Comme il a été indiqué au point 67 ci-dessus, afin d’éliminer ledit risque la Commission a estimé nécessaire d’assortir l’exemption individuelle des charges prévues à l’article 3 de la décision attaquée, conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 17.

109    Dès lors, en l’espèce, il ne s’agit pas d’un refus unilatéral de la part de la requérante de fournir aux entreprises concurrentes un service nécessaire pour le développement d’un marché voisin, qui serait contraire à l’article 82 CE et qui légitimerait donc l’application de la théorie des « facilités essentielles ». Il s’agit d’un cas où la position que la requérante se réserve en vertu des accords de partenariat avec les entreprises de collecte et de tri peut donner lieu à une restriction de la concurrence sur le marché des systèmes d’élimination d’emballages ménagers, limitant ainsi la demande des services de collecte et de tri sur le marché de la collecte et du tri d’emballages ménagers. En conséquence, c’est à juste titre que la Commission n’a pas appliqué dans le cas d’espèce la théorie des « facilités essentielles » et la jurisprudence de la Cour s’y rapportant.

110    Il résulte de ce qui précède, d’une part, que la Commission n’a pas essayé d’appliquer, en l’espèce, la théorie des « facilités essentielles » et, d’autre part, que la théorie des « facilités essentielles » ainsi que la jurisprudence de la Cour s’y rapportant ne sont pas d’application dans le cas d’espèce afin d’examiner la légalité des charges qui accompagnent l’exemption individuelle accordée par la Commission à la requérante. Dès lors, il y a lieu de rejeter ce moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré du caractère irréalisable des charges prévues par la décision attaquée

 Arguments des parties

111    La requérante affirme que les charges imposées par la décision attaquée méconnaissent la jurisprudence de la Cour relative au principe de proportionnalité, car elles ne sont pas appropriées pour atteindre le but recherché et ne représentent pas la charge la plus petite possible.

112    La requérante estime en outre que la Commission n’a pas tenu suffisamment compte des particularités du système ARA, car, à la différence du système d’élimination des déchets existant en Allemagne, la collecte, le tri et la valorisation sont en grande partie effectués par différentes entreprises et ces partenaires ne peuvent fournir des preuves a posteriori établissant le volume d’emballages collecté, trié et valorisé mais sont tenus de remettre les emballages physiquement collectés de manière continue aux centres de prise en charge de la requérante. En conséquence, la charge imposée à l’article 3, sous b), de la décision attaquée aurait pour seul objectif d’empêcher la requérante de demander une quote-part des produits collectés plus importante que celle qui lui correspond. Cette charge impliquerait donc que la requérante soit informée de la part de marché du système ARA au moment de la remise des emballages collectés, ce qui ne serait pas possible pour deux raisons. La première est que les systèmes collectifs extérieurs, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas d’intérêt à une utilisation partagée des infrastructures de collecte, ne sont pas tenus d’informer la requérante de leurs volumes sous licence, ce qui rend impossible le calcul de la quote-part de la requérante au regard de l’ensemble des volumes d’emballages ménagers. La seconde raison est que les informations relatives aux parts de marché ne sont disponibles qu’a posteriori, après les déclarations périodiques des volumes sous licence effectuées par les fabricants et les importateurs. Ainsi, la requérante considère qu’afin de pouvoir répartir les produits collectés entre les différents exploitants du système, il faudrait utiliser des méthodes de répartition qui seraient connues au préalable, dès le moment de la fourniture d’un volume d’emballage déterminé.

113    Enfin, la requérante ajoute qu’il n’existe aucun lien entre la restriction de la concurrence et la charge imposée à l’article 3, sous b), de la décision attaquée et souligne qu’elle a adressé le 28 août 2003 à la Commission une proposition en vue de déterminer une autre méthode de répartition, qui prévoit que les différents systèmes de collecte réservent chaque année de manière préalable une capacité de reprise déterminée auprès de l’entreprise de collecte en fonction des volumes sous licence attendus. Néanmoins, la Commission n’aurait pas pris en considération ce modèle.

114    La Commission et les intervenantes contestent l’ensemble des arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

115    Il convient, tout d’abord, d’observer que la requérante invoque le principe de proportionnalité tant à l’appui de son quatrième moyen, relatif au caractère réalisable des charges prévues dans la décision attaquée, qu’en tant que moyen autonome (cinquième moyen). Il convient, dès lors, d’examiner dans le cadre du cinquième moyen la proportionnalité des charges, et notamment celle de la charge prévue à l’article 3, sous b), de la décision attaquée, et d’examiner dans le cadre du présent moyen le caractère réalisable de la charge en question.

116    Afin de répondre aux arguments soulevés par la requérante, en premier lieu, et ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, il convient de relever que les volumes sous licence des systèmes extérieurs ne jouent, en l’espèce, aucun rôle pour calculer la quote-part de la requérante dans l’ensemble des volumes d’emballages ménagers. En effet, il convient de souligner que le problème de la répartition des emballages collectés ne se pose que dans le cas d’une utilisation partagée des infrastructures de collecte. Dans ce cas, la requérante ne pouvant prétendre s’approprier la totalité des emballages collectés, il conviendra de calculer la partie des emballages correspondant à chacun des systèmes collectifs qui partagent lesdites infrastructures afin de répartir entre eux les emballages collectés. Par conséquent, l’argument soulevé par la requérante concernant la disponibilité des données relatives aux volumes sous licence des systèmes extérieurs est dépourvu de tout fondement.

117    En second lieu, malgré ses affirmations, la requérante n’a pas réussi à établir les raisons pour lesquelles il ne sera pas possible de calculer sa quote-part dans l’ensemble des volumes d’emballages ménagers au moment de la remise des emballages collectés aux centres de prise en charge, la répartition des emballages collectés exigeant une méthode de répartition fixée au préalable et valable pour une durée d’un an. Au contraire, il ressort de l’accord de décharge et de licence qui lie la requérante aux producteurs de déchets que, afin de calculer le montant de la redevance annuelle due à la requérante, les producteurs des déchets doivent déclarer les quantités exactes d’emballages mises sur le marché mensuellement ou trimestriellement, au plus tard, le dixième jour du deuxième mois suivant la fin de la période qui fait l’objet du décompte, selon qu’il s’agisse d’un grand ou d’un petit producteur. Cela signifie que les volumes d’emballages couverts par les contrats de licence et de décharge peuvent être calculés par la requérante sur la base de ces contrats et des données qu’elle reçoit de façon périodique.

118    Certes, les données définitives concernant l’année civile écoulée ne seront disponibles que dans les dix premiers jours du deuxième mois après la fin du dernier mois ou du dernier trimestre de ladite année. Cependant, cela ne signifie pas, comme la requérante le prétend, que la répartition des emballages ne pourra se faire que quinze mois après le début de l’exercice commercial, empêchant la « répartition en continu » des emballages collectés. La répartition des emballages collectés pourra se faire au fur et à mesure de la collecte sur la base des volumes réels d’emballages sous licence mis sur le marché dans les mois précédents. Le résultat de cette répartition sera corrigé à la fin de l’année par compensation sur la base des volumes réels définitifs communiqués par les producteurs de déchets. Comme la Commission l’a indiqué, la répartition pourrait également se fonder systématiquement sur des quantités escomptées qui ne pourront être adaptées qu’à certains moments précis. Ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, cette dernière possibilité a été proposée par la requérante et acceptée par la Commission lors de la procédure de référé qui a eu lieu devant le Tribunal.

119    En troisième lieu, il convient de relever, ainsi qu’il ressort de l’audience, que la décision attaquée a été provisoirement exécutée de manière satisfaisante pour les parties.

120    Il résulte de ce qui précède que la répartition en continu des emballages collectés ne constitue pas un obstacle au caractère réalisable de la charge prévue à l’article 3, sous b), de la décision attaquée et, contrairement à ce que prétend la requérante, n’impose donc pas l’utilisation d’une méthode de répartition fixée au préalable et valide pour une durée d’un an.

121    Les autres arguments présentés par la requérante ne sauraient infirmer cette conclusion.

122    S’agissant, en premier lieu, de l’argument selon lequel il n’existe aucun lien entre la restriction de la concurrence et la charge imposée, il y a lieu de le considérer comme dépourvu de tout fondement. Il ressort des considérants 290 et 293 de la décision attaquée qu’il existe un lien clair entre, d’une part, la charge imposée et, d’autre part, le risque de fermeture du marché vertical en amont aux concurrents de la requérante ainsi que de réduction de la demande de services de collecte et de tri sur le marché de la collecte et du tri d’emballages ménagers. Ledit risque résulterait de l’accord d’une exemption individuelle aux accords par lesquels la requérante ne se lie qu’avec un seul partenaire par région de collecte et s’octroie des facultés qui pourraient empêcher l’utilisation partagée des infrastructures de collecte et de tri. L’objectif de cette charge est donc d’éviter que la requérante puisse obtenir des attestations ou des justificatifs relatifs aux quantités d’emballages correspondant aux systèmes concurrents qui partagent avec elle les infrastructures de collecte et s’approprie des quantités qui correspondent à ces systèmes, notamment à l’égard de l’autorité autrichienne de surveillance. Un tel comportement de la part de la requérante empêcherait les systèmes concurrents de respecter leur taux de reprise et rendrait plus difficile leur subsistance sur le marché. Leur disparition du marché mènerait à une réduction de la demande des services de collecte et de tri sur le marché de la collecte et du tri d’emballages ménagers. Ainsi, contrairement aux arguments soulevés par la requérante et au vu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 17, c’est à juste titre que la Commission a imposé la charge en cause afin d’éviter que l’exemption individuelle accordée à la requérante puisse donner lieu à une restriction de la concurrence sur le marché des systèmes d’élimination d’emballages ménagers et, donc, à une réduction de la demande des services de collecte et de tri d’emballages ménagers.

123    S’agissant, en second lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait copié une grande partie du texte de la charge mentionnée à l’article 3, sous b), de la décision relative au système allemand d’élimination des déchets, sans tenir compte des spécificités du système ARA, il y a également lieu de la considérer comme dépourvue de tout fondement. En effet, l’examen des deux décisions en cause met en évidence que leurs paragraphes ne coïncident pas entre eux. En outre, contrairement à ce que prétend la requérante, l’examen de la décision attaquée montre que les attestations ou les justificatifs auxquels fait référence la charge imposée à l’article 3, sous b), de ladite décision ne servent pas à remplacer la remise physique des emballages collectés, mais à certifier quelle partie des emballages collectés relève de la requérante. Selon l’article 11, paragraphe 8, du décret, et la charge nº 2 de l’agrément en vue de la mise en place et de l’exploitation d’un système de collecte et de valorisation, ces attestations servent à démontrer devant l’autorité autrichienne de surveillance que la requérante remplit ses taux de collecte. Selon le considérant 291 de la décision attaquée, elles peuvent aussi être utilisées pour réduire la rémunération des partenaires dans les cas d’utilisation partagée des infrastructures de collecte.

124    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les méthodes de répartition proposées par la Commission sont fondées sur des données qui sont facilement accessibles à la requérante au moment de la répartition des emballages collectés, telles que les quantités escomptées ou les volumes sous licence concernant les mois antérieurs, et que ces méthodes tiennent donc compte des particularités du système ARA de la même façon que la méthode proposée par la requérante. La seule différence réside dans le fait que, dans les méthodes proposées par la Commission, les quantités escomptées ou les volumes sous licence concernant les mois antérieurs peuvent être corrigés a posteriori, par exemple sur la base des quantités réelles et définitives d’emballages sous licence mises sur le marché et notifiées par les producteurs de déchets. Comme il a été relevé au point 118 ci-dessus, cette correction a posteriori n’est pas incompatible avec une répartition en continu des emballages collectés entre les systèmes collectifs qui partagent les infrastructures de collecte. Dès lors, contrairement aux allégations de la requérante, la charge n’est pas irréalisable.

125    Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

 Arguments des parties

126    La requérante affirme que la charge prévue à l’article 3, sous b), de la décision attaquée est disproportionnée au motif qu’elle lui impose des charges qui pourraient l’empêcher de respecter les taux prescrits et menaceraient donc son existence. En effet, ladite charge réduirait l’accès de la requérante aux capacités de collecte dont elle dispose. C’est pour cette raison que la requérante s’est octroyé le droit d’aménager son système, interdisant contractuellement aux entreprises de collecte d’agir de leur propre autorité. La disproportion serait particulièrement évidente dans deux cas, celui de l’acquisition de volumes sous licence supplémentaires par un autre système collectif et celui de la mise en place par les autres systèmes collectifs d’installations de collecte qui leur sont, en tout ou en partie, propres.

127    Dans le premier cas, la requérante estime que l’arrivée sur le marché d’un autre système collectif réduirait la part du système ARA dans l’ensemble des volumes d’emballages ménagers et, donc, sa part de marché. En effet, les concurrents ne se borneraient pas à détourner les clients du système ARA, mais ils introduiraient en outre sur le marché des volumes d’emballages sous licence supplémentaires qui, actuellement, ne sont repris ni par les fabricants ni par les distributeurs, et qu’elle dénomme « volumes d’emballages des entreprises parasites ». Dans cette situation, la part des produits collectés par les partenaires régionaux pouvant être revendiquée par la requérante serait limitée, ce qui ne lui permettrait pas de respecter les taux prescrits, de sorte que le Bundesministerium für Umwelt, Jugend und Familie (ministère de l’Environnement, de la Jeunesse et de la Famille autrichien) pourrait lui retirer son agrément. Ainsi, la charge imposée par la Commission réduirait l’accès de la requérante aux capacités de collecte.

128    Elle considère en outre que la solution proposée par la Commission, consistant à adapter les volumes des conteneurs afin de pouvoir faire face à des volumes de collecte plus importants, n’est pas satisfaisante. Ainsi, la requérante ne pourrait savoir qu’a posteriori que les capacités de collecte ne sont pas suffisantes et les mesures correctives ne pourraient pas être effectivement adoptées avant deux ans. C’est la raison pour laquelle elle estime que, afin de pouvoir partager les conteneurs, les systèmes collectifs concurrents devraient fixer chaque année, au préalable, les volumes de conteneurs nécessaires ainsi que les volumes de collecte correspondants.

129    La requérante précise que la disposition des capacités de collecte et l’accès aux quantités collectées constituent une même problématique et que, si la charge en cause l’obligeait à céder des volumes de collecte à des concurrents, l’ensemble des prévisions de ses capacités deviendrait lettre morte.

130    En ce qui concerne le second cas, la requérante relève que les systèmes concurrents sont surtout des fournisseurs spécialisés dans certains types précis d’emballages, qui sont en mesure de mettre en place d’autres installations de collecte faisant appel à titre complémentaire aux installations exploitées par elle. Cela est notamment le cas des systèmes Öko-Box et Bonus. Selon la requérante, ce comportement des systèmes concurrents est tout à fait prévisible, car l’utilisation partagée des infrastructures de collecte ne crée pas une réelle concurrence des prix, laquelle ne peut naître que lors de la mise en place d’infrastructures de collecte propres. Elle estime dès lors que, même en cas d’utilisation partagée seulement partielle des infrastructures de collecte, elle serait obligée, de par la charge imposée, de renoncer à la prise en charge de volumes collectés dans une proportion supérieure à celle qui correspond aux besoins du système concurrent, ce qui serait manifestement déraisonnable.

131    Par ailleurs, la requérante se plaint du fait que la Commission n’ait offert aucune solution au problème de l’utilisation partagée partielle des infrastructures de collecte et qu’elle n’ait même pas examiné la proposition de compromis présentée.

132    Enfin, la requérante affirme que la charge figurant à l’article 3, sous b), de la décision attaquée la forcerait à réorganiser la collecte d’emballages, ce qui entraînerait une augmentation des coûts de la collecte et, par conséquent, une perte de l’efficacité du système ARA. Dès lors, elle estime que ces coûts devront être répercutés sur ceux qui bénéficieront de l’utilisation partagée des infrastructures de collecte, à savoir les systèmes concurrents et les partenaires de collecte. De même, elle considère que les coûts de fonctionnement du système (ou coûts systémiques) devraient également être répercutés sur les systèmes concurrents.

133    La Commission et les intervenantes contestent l’ensemble des arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

134    Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, exige, selon une jurisprudence constante, que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (arrêts de la Cour du 11 juillet 2002, Käserei Champignon Hofmeister, C-�210/00, Rec. p. I-�6453, point 59 ; du 9 septembre 2004, Espagne et Finlande/Parlement et Conseil, C-�184/02 et C-�223/02, Rec. p. I-�7789, point 57, et du 7 juillet 2009, S P C M e.a., C-�558/07, Rec. p. I-�5783, point 41).

135    En l’espèce, le but recherché par la Commission au moyen de l’imposition de la charge figurant à l’article 3, sous b), de la décision attaquée est d’éviter l’élimination de la concurrence sur le marché des systèmes d’élimination d’emballages ménagers qui pourrait se produire s’il était accordé une exemption individuelle aux accords de collecte et de tri communiqués par la requérante et qui réduirait la demande des services de collecte et de tri sur le marché de la collecte et du tri d’emballages ménagers. En effet, il ressort des considérants 290 et 292 de la décision attaquée que, dans les cas d’utilisation partagée des infrastructures de collecte, la requérante pourrait essayer de s’approprier la totalité des emballages collectés et empêcher ainsi les systèmes concurrents de respecter leur taux de reprise. Comme il a été relevé au point 122 ci-dessus, interdire à la requérante de demander des attestations ou des justificatifs relatifs aux quantités d’emballages correspondant à la part détenue par ses concurrents dans l’ensemble des emballages ménagers permettrait d’éviter qu’elle s’approprie la totalité des emballages collectés, notamment à l’égard de l’autorité autrichienne de surveillance, à laquelle elle devra démontrer par la présentation de justificatifs qu’elle a atteint son taux de reprise. De même, comme il ressort du point 123 ci-dessus, cette interdiction est compatible avec les spécificités du système ARA.

136    Afin d’éviter que la requérante essaie de s’approprier la totalité des emballages collectés, une répartition desdits emballages doit être établie. À cet égard, la Commission a proposé des méthodes de répartition fondées sur des parts exactes correspondant aux quantités sous licence de chaque système, ce qui neutralise le risque de monopolisation des emballages collectés de la part de la requérante. En effet, ces méthodes de répartition empêchent la requérante d’essayer de diluer la position des systèmes concurrents en augmentant artificiellement les quantités communiquées aux partenaires de collecte. Ces méthodes apparaissent donc comme satisfaisantes au regard de l’objectif poursuivi, à savoir éviter toute élimination de la concurrence sur le marché des systèmes d’élimination d’emballages ménagers et, ainsi, éviter la réduction de la demande des services de collecte et de tri sur le marché de la collecte et du tri d’emballages ménagers.

137    Dès lors, la charge figurant à l’article 3, sous b), de la décision attaquée n’est pas inappropriée à la lumière du but recherché par la Commission (voir, en ce sens, arrêt Käserei Champignon Hofmeister, précité, points 60 à 64).

138    Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments soulevés par la requérante concernant l’acquisition de volumes sous licence supplémentaires par un autre système collectif et l’utilisation partielle des installations de collecte mises en place par elle.

139    En premier lieu, s’agissant de l’argument relatif à l’acquisition de volumes sous licence supplémentaires par un autre système collectif, d’une part, il convient de souligner que l’article 11, paragraphe 7, du décret, dans la version pertinente dans cette affaire, établit que les pourcentages doivent être définis de manière qu’au moins 50 % de la quantité de chaque matériau d’emballage pour lequel la participation à un système est prévue soit collectée. D’autre part, en vertu de la charge nº 1 de l’agrément en vue de la mise en place et de l’exploitation d’un système de collecte et de valorisation, les taux minimaux de collecte et de valorisation pour la requérante seront calculés « par rapport aux quantités d’emballages qui, au cours d’une année civile, font l’objet d’un contrat, conformément à l’article 11, paragraphe 7, du [décret] ». Dès lors, l’entrée des « emballages parasites », c’est-à-dire des emballages qui, jusqu’à présent, n’étaient pris en charge par aucun système d’élimination, n’aura aucune influence sur les taux de collecte de la requérante, lesquels continueront à être calculés de la façon indiquée ci-dessus. Par ailleurs, il est certes vrai que le fait que les emballages parasites puissent devenir des emballages sous licence des systèmes concurrents de la requérante a comme résultat que ces emballages ne seront pas à sa disposition pour atteindre son taux de collecte. Toutefois, au vu de l’économie de la législation nationale applicable, dans une situation d’utilisation partagée des infrastructures de collecte, afin de collecter la quantité d’emballages nécessaire pour atteindre leur taux de collecte, les systèmes ne doivent pas compter sur les emballages parasites, mais augmenter leurs capacités de collecte, par exemple en augmentant la fréquence de l’enlèvement des conteneurs.

140    L’affirmation selon laquelle la requérante ne pourra savoir qu’a posteriori que les capacités de collecte prévues ne sont pas suffisantes ne saurait infirmer cette conclusion. En effet, comme il est indiqué au point 118 ci-dessus, la requérante peut estimer au préalable le volume d’emballages sous licence et peut, à partir de ce chiffre, établir quels sont ses besoins de collecte et décider s’il convient d’augmenter les capacités de collecte. De même, elle pourra corriger les capacités de collecte prévues en fonction des volumes d’emballages effectivement mis sur le marché et communiqués en continu par les licenciés.

141    Enfin, contrairement aux affirmations de la requérante, l’utilisation partagée des infrastructures de collecte ne constitue pas une cession réelle des capacités de collecte en faveur des nouveaux concurrents, qui lui serait préjudiciable. En réalité, l’utilisation partagée ne réduit pas ses capacités de collecte, car les capacités de collecte sont fonction du volume d’emballages sous licence que chaque système de collecte communique aux partenaires de collecte et tiennent donc compte de l’augmentation du volume d’emballages sous licence dans chaque territoire de collecte. Dès lors, comme il a été déjà indiqué au point 139 ci-dessus, la requérante devra, afin d’assurer le respect des taux de collecte, adapter la collecte aux nouveaux besoins, par exemple en demandant aux partenaires d’augmenter la capacité des conteneurs ou en augmentant la fréquence des enlèvements.

142    Par conséquent, l’argument relatif à l’acquisition de volumes sous licence supplémentaires par un système collectif concurrent doit être rejeté.

143    En second lieu, l’argument concernant l’utilisation partielle des infrastructures de collecte mises en place par la requérante par des systèmes qui ont leurs propres infrastructures de collecte ne saurait remettre en cause la proportionnalité de la charge en question. Ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, la charge imposée à la requérante à l’article 3, sous b), de la décision attaquée ne donne pas le droit aux systèmes concurrents qui demandent une utilisation partielle des infrastructures de collecte de s’approprier une quantité d’emballages équivalant au volume total d’emballages sous licence mis sur le marché dont ils sont titulaires. Au contraire, les systèmes concurrents devront notifier au préalable la partie du volume d’emballages sous licence dont ils sont titulaires pour laquelle ils veulent recourir à une utilisation partagée et c’est seulement cette partie qui sera prise en compte pour répartir les emballages collectés. D’ailleurs, il convient de souligner que cette possibilité a été proposée par la requérante et acceptée par la Commission lors de la procédure de référé qui a eu lieu devant le Tribunal.

144    Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle l’utilisation partagée des infrastructures de collecte, totale ou partielle, ne crée pas une réelle concurrence des prix, il convient de rappeler que la décision attaquée permet à la requérante de réduire la rémunération prévue dans les accords de partenariat. Ainsi, ses concurrents supporteront tant les coûts concernant la mise à disposition des conteneurs et des sacs de collecte que ceux concernant la collecte auprès des ménages et des utilisateurs ayant un volume d’emballages similaire et le transport des emballages sous licence qui relèvent d’eux. Certes, cette circonstance les place, du point de vue de certains coûts, dans la même situation que la requérante. Néanmoins, au vu des différences possibles en ce qui concerne l’organisation et la gestion du système, la valorisation et la commercialisation rentables des matières, ainsi que la politique commerciale des différentes entreprises, une concurrence en matière de prix ne peut pas être exclue.

145    En ce qui concerne le caractère nécessaire de la charge en question, il ressort des considérants 290 et 293 de la décision attaquée que, sans cette charge, la requérante serait en mesure d’essayer de contrôler la répartition des emballages collectés, s’appropriant une partie des emballages qui en réalité ne relève pas d’elle. Même si la requérante a proposé une autre méthode de répartition fondée sur une capacité de reprise déterminée, fixée chaque année et au préalable, en fonction des volumes sous licence attendus, elle n’a pas réussi à établir l’existence d’autres mesures qui rendraient cette charge inutile. En effet, étant donné la position forte de la requérante sur le marché, la méthode de répartition proposée par celle-ci ne l’empêcherait pas de modifier les quantités demandées chaque année, en augmentant artificiellement les quantités sous licence attendues afin de diluer la position des systèmes concurrents et de réduire ainsi la partie des conteneurs disponible pour les concurrents. Comme la Commission l’a indiqué dans ses écritures, sans que la requérante ait réussi à contester cet argument, les systèmes concurrents essaieront de répondre à leur tour en augmentant les quantités demandées, ce qui donnera lieu à une course aux parts entre les systèmes concurrents, surtout dans les régions économiquement plus attrayantes, dans lesquelles la requérante sera très bien placée au vu de sa forte position dans le marché. En revanche, la répartition envisagée à l’article 3, sous b), de la décision attaquée est fondée sur des méthodes appropriées, objectives et vérifiables, qui protègent les intérêts des nouveaux concurrents, tout en respectant la position de la requérante sur le marché.

146    Par conséquent, il n’existe pas d’autre mesure permettant d’éviter l’élimination de la concurrence sur le marché vertical en amont de manière aussi efficace. Dès lors, la charge figurant à l’article 3, sous b), de la décision attaquée est nécessaire pour atteindre le but recherché [voir, en ce sens, arrêts de la Cour Käserei Champignon Hofmeister, précité, point 66, et du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C-�491/01, Rec. p. I-�11453, point 139].

147    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la charge en question ne viole pas le principe de proportionnalité, dès lors qu’elle constitue une mesure susceptible de réaliser l’objectif poursuivi par la décision attaquée, à savoir éviter la restriction de la concurrence sur le marché des systèmes d’élimination d’emballages ménagers et la réduction consécutive de la demande de services de collecte et de tri d’emballages ménagers, et qu’elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

148    L’argument tiré de la perte d’efficacité du système ARA, découlant du fait que, dans les cas d’utilisation partagée des infrastructures de collecte, la requérante n’est pas autorisée à répercuter certains coûts sur les systèmes concurrents et sur les partenaires de collecte, ne saurait infirmer cette conclusion. D’une part, en ce qui concerne les coûts systémiques, selon les considérants 139 et 304 de la décision attaquée, ils résultent de la mise en place du système ARA et répondent aux particularités dudit système. Dans le cas d’une utilisation partagée, la requérante n’a pas établi que les concurrents qui bénéficient d’une utilisation partagée des infrastructures de collecte profitent aussi de l’intégralité du système ARA afin de développer leur activité d’élimination des déchets. En revanche, il peut être envisagé que, sur la base d’une utilisation partagée des seules infrastructures de collecte, les concurrents mettent en place leur propre technologie d’élimination des déchets. Dès lors, le fait que la requérante doive supporter ces coûts n’entraîne aucune perte d’efficacité pour le système ARA et il n’est donc pas justifié de les répercuter sur des tiers. D’autre part, concernant les coûts résultant de l’utilisation partagée des infrastructures de collecte, il y a lieu de souligner que la requérante n’a pas réussi à établir dans quelle mesure l’utilisation partagée des infrastructures de collecte modifierait les coûts par kilo d’emballages collectés. Partant, ne peut être établie la proportion dans laquelle elle pourrait réduire l’efficacité du système ARA si la requérante n’était pas autorisée à les répercuter sur des tiers.

149    En conséquence, il y a lieu de rejeter ce moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré des contradictions existant entre le dispositif et les motifs de la décision attaquée

 Arguments des parties

150    La requérante affirme qu’il existerait une contradiction entre les considérants 301 et 313 de la décision attaquée et son dispositif, en particulier, l’article 3, sous b). Cet article n’envisagerait pas la possibilité de ne pas appliquer la charge dans le cas où les systèmes concurrents ne sollicitent pas l’utilisation partagée des infrastructures de collecte et ne donnerait aucune indication quant au moment auquel la charge devrait être appliquée. Selon elle, le dispositif de la décision attaquée devrait être corrigé de façon que son libellé mette en évidence le lien existant entre l’imposition de la charge, l’utilisation partagée des installations de collecte et le moment à partir duquel la charge serait d’application. La requérante conclut en affirmant que la décision attaquée n’est ni suffisamment précise ni pertinente.

151    La Commission conteste l’ensemble des arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

152    Il y a lieu de constater que, s’il est vrai que l’article 3, sous b), de la décision attaquée prévoit que la requérante « ne peut demander aux entreprises de collecte de lui fournir une attestation que pour les quantités d’emballages correspondant à la part détenue par le système ARA dans l’ensemble des emballages ménagers concédés à des systèmes pour certaines catégories de matériaux », il n’en demeure pas moins que, selon la jurisprudence, le dispositif d’une décision doit être lu à la lumière des motifs qui lui servent de support, à savoir en l’espèce, les considérants 301 et 313 de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T-�374/94, T-�375/94, T-�384/94 et T-�388/94, Rec. p. II-�3141, point 211). Or, il ressort du considérant 301 de la décision attaquée que, « [l]orsqu’un système concurrent ne demande pas d’utilisation partagée, mais installe sa propre infrastructure de collecte, les charges ne sont pas applicables » et du considérant 313 qu’« [i]l n’y aura diminution de la rétribution que si un système concurrent demande l’utilisation partagée dans une région de collecte donnée et uniquement à compter de la date d’agrément du système ».

153    De même, s’il est vrai que l’article 3, sous b), de la décision attaquée indique que « [c]ette charge s’applique à toutes les entreprises de collecte avec lesquelles ARGEV a signé un accord de partenariat », il n’en demeure pas moins que, selon la jurisprudence citée au point 152 ci-dessus, cette partie dudit article doit également être lue à la lumière du considérant 292 de la décision attaquée. Ce considérant précise, d’une part, que la charge concerne toutes les entreprises ayant conclu un accord de partenariat avec la requérante indépendamment du fait qu’elles autorisent une utilisation partagée des infrastructures, afin de les inciter à conclure des accords avec des systèmes concurrents, et d’autre part, que la charge prévue à l’article 3, sous b), de la décision attaquée vaut uniquement dans les cas où un système concurrent demande à bénéficier d’une utilisation partagée des infrastructures de collecte conformément à la charge prévue à l’article 3, sous a), de ladite décision.

154    Par conséquent, contrairement aux affirmations de la requérante, le dispositif de la décision attaquée, lu à la lumière de ses motifs, indique clairement et précisément que, d’une part, la charge en question n’est imposée qu’au cas où un système concurrent demande l’utilisation partagée des infrastructures de collecte et, d’autre part, la date pertinente pour appliquer la charge est celle de l’agrément du système. Dès lors, il y a lieu de rejeter ce moyen et le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

155    Selon l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions et la Commission, EVA et la BAA ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de condamner la requérante à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, EVA et la BAA, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Altstoff Recycling Austria AG supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, EVA Erfassen und Verwerten von Altstoffen GmbH et la Bundeskammer für Arbeiter und Angestellte, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Pelikánová

Jürimäe

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mars 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.


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