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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Nikolaou v Cour des Comptes (Advocate Generals opinion) (French text) [2014] EUECJ C-220/13 (20 March 2014) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2014/C22013_O.html Cite as: [2014] EUECJ C-220/13, EU:C:2014:2057, ECLI:EU:C:2014:2057 |
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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. YVES Bot
présentées le 20 mars 2014 (1)
Affaire C-220/13 P
Kalliopi Nikolaou
contre
Cour des comptes de l’Union européenne
«Pourvoi – Décision 99/50 de la Cour des comptes – Enquête préliminaire – Enquête interne conduite par l’OLAF – Présomption d’innocence – Coopération loyale – Compétence du Tribunal»
1. Par son pourvoi, Mme Nikolaou demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 février 2013, Nikolaou/Cour des comptes (2), par lequel celui-ci a rejeté le recours en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par la requérante à la suite d’irrégularités et de violations du droit de l’Union que la Cour des comptes de l’Union européenne aurait commises à l’encontre de celle-ci.
I – Le cadre juridique
2. La décision 99/50 de la Cour des comptes, du 16 décembre 1999, relative aux conditions et aux modalités des enquêtes internes en matière de lutte contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale préjudiciable aux intérêts financiers des Communautés, dispose, à son article 2:
«Tout fonctionnaire ou agent de la Cour [des comptes] qui acquiert la connaissance d’éléments de fait laissant présumer l’existence, au sein de l’institution, d’éventuels cas de fraude ou de corruption, ou de toute activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés en informe sans délai le secrétaire général de la Cour [des comptes (3)].
Le secrétaire général transmet sans délai à l’Office [européen de lutte antifraude (OLAF)] ainsi qu’au président de la Cour [des comptes] qui transmet l’information au membre responsable du secteur auquel appartient le fonctionnaire ou l’agent tout élément de fait laissant présumer l’existence d’irrégularités visées au premier alinéa ci-dessus et procède à une enquête préliminaire, sans préjudice des enquêtes internes effectuées par l’[OLAF].
[...]
Les membres, fonctionnaires et agents ne doivent en aucun cas subir un traitement inéquitable ou discriminatoire du fait d’une communication visée aux alinéas qui précèdent.»
3. L’article 4, premier alinéa, de la décision 99/50 prévoit:
«Dans le cas où apparaît la possibilité d’une implication personnelle d’un membre, d’un fonctionnaire ou d’un agent de la Cour [des comptes], l’intéressé doit en être informé rapidement lorsque cela ne risque pas de nuire à l’enquête. En tout état de cause, des conclusions visant nominativement un membre, un fonctionnaire ou un agent ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que l’intéressé ait été mis à même de s’exprimer sur tous les faits qui le concernent.»
II – Les antécédents du litige
4. La requérante a été membre de la Cour des comptes de 1996 à 2001. Selon un reportage paru le 19 février 2002 dans le quotidien Europa Journal, l’eurodéputé M. Staes aurait eu à sa disposition des informations concernant des agissements illégaux de la requérante durant son mandat en tant que membre de la Cour des comptes.
5. Par lettre du 18 mars 2002, le secrétaire général a transmis au directeur général de l’OLAF un dossier contenant des éléments s’y rapportant, dont lui-même et le président de la Cour des comptes auraient eu connaissance. En outre, le secrétaire général invitait l’OLAF à lui indiquer s’il y avait lieu d’informer la requérante de l’existence d’une enquête la concernant conformément à l’article 4 de la décision 99/50.
6. Par lettre du 8 avril 2002, le président de la Cour des comptes a informé la requérante de l’existence d’une enquête interne menée par l’OLAF à la suite de l’article paru dans l’Europa Journal. Par lettre du 26 avril 2002, le directeur général de l’OLAF a informé la requérante que, à la suite des renseignements que ce service avait reçus de M. Staes et sur le fondement d’un dossier d’enquête préliminaire établi par le secrétaire général, une enquête interne avait été ouverte, à laquelle la requérante serait invitée à coopérer.
7. Selon le rapport final de l’OLAF du 28 octobre 2002, les informations concernant la requérante auraient été fournies à M. Staes par deux employés de la Cour des comptes, dont l’un aurait été membre du cabinet de la requérante. Les accusations examinées portaient, premièrement, sur des sommes d’argent que la requérante aurait perçues de la part de son personnel à titre de prêts; deuxièmement, sur de prétendues fausses déclarations de demandes de report de jours de congé pour son chef de cabinet ayant donné lieu au remboursement d’environ 28 790 euros à celui-ci au titre de jours de congé non pris pour les années 1999, 2000 et 2001; troisièmement, sur l’utilisation de la voiture de service à des fins non prévues par la réglementation s’y rapportant; quatrièmement, sur l’ordonnancement de missions du chauffeur de la requérante à des fins non couvertes par la réglementation s’y rapportant; cinquièmement, sur une politique d’absentéisme au sein du cabinet de la requérante; sixièmement, sur des activités d’ordre commercial et des interventions auprès de personnes haut placées afin de faciliter de telles activités exercées par des membres de sa famille; septièmement, sur une fraude commise dans le cadre d’un concours et, huitièmement, sur des fraudes relatives aux frais de représentation perçus par la requérante.
8. L’OLAF a conclu à la possibilité que des infractions susceptibles d’être qualifiées de faux et d’usage de faux et d’escroquerie aient été commises s’agissant des demandes de report des jours de congé du chef de cabinet de la requérante. Selon le rapport final, des infractions pénales peuvent avoir été commises par la requérante et les membres de son cabinet en relation avec des sommes d’argent que la première aurait perçues, selon les personnes impliquées, à titre de prêts. Dans ces conditions, l’OLAF en a informé, conformément à l’article 10, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) (4), les autorités judiciaires luxembourgeoises, afin que ces dernières enquêtent sur les faits pouvant indiquer que des infractions pénales avaient été commises.
9. S’agissant des autres accusations, à l’exception de celle de fraude commise dans le cadre d’un concours, l’OLAF a mis en évidence de possibles irrégularités ou des points d’interrogation relatifs au comportement de la requérante et a suggéré à la Cour des comptes la prise de mesures correctives à l’égard de cette dernière ainsi que de mesures visant à améliorer le système de contrôle au sein de l’institution.
10. Le 26 avril 2004, la requérante a été auditionnée lors de la réunion restreinte de la Cour des comptes en vue de l’application éventuelle de l’article 247, paragraphe 7, CE. Par lettre du 13 mai 2004, le président de la Cour des comptes a exposé que, s’agissant du renvoi de l’affaire devant la Cour aux fins de l’application de l’article 247, paragraphe 7, CE, au motif que la requérante avait prétendument sollicité et obtenu des prêts personnels auprès des membres de son cabinet, l’unanimité requise par l’article 6 du règlement intérieur de la Cour des comptes, tel qu’arrêté le 31 janvier 2002, n’avait pas été obtenue lors d’une réunion ayant eu lieu le 4 mai 2004. Le président de la Cour des comptes a ajouté à cet égard qu’une grande majorité des membres de l’institution a considéré que le comportement de la requérante était absolument inapproprié. S’agissant des jours de congé du chef de cabinet de la requérante, le président de la Cour des comptes a exposé que, l’affaire étant pendante devant les juridictions luxembourgeoises, l’institution avait différé sa décision dans l’attente des conclusions des procédures s’y rapportant.
11. Par jugement du 2 octobre 2008, la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg (Luxembourg) a acquitté la requérante et son chef de cabinet des accusations tirées de faux et d’usage de faux, de fausse déclaration, subsidiairement de conservation d’indemnité, de subvention ou d’allocation sans droit et, plus subsidiairement, d’escroquerie (ci-après le «jugement du 2 octobre 2008»). Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a estimé, en substance, que certaines explications fournies par le chef de cabinet de la requérante et par cette dernière jetaient un doute sur le faisceau d’éléments de preuve recueillis par l’OLAF et par la police judiciaire luxembourgeoise tendant à démontrer que ledit chef de cabinet se trouvait en congé non déclaré pendant plusieurs jours au cours des années 1999 à 2001. Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a donc conclu que la matérialité des faits reprochés à la requérante n’avait pas été établie à l’exclusion de tout doute et que, le moindre doute devant profiter au prévenu, la requérante devait être acquittée des accusations à son endroit. En l’absence d’appel, le jugement du 2 octobre 2008 est devenu définitif.
12. Par lettre en date du 14 avril 2009, la requérante a demandé à la Cour des comptes de publier dans tous les journaux luxembourgeois, allemands, grecs, français, espagnols et belges une communication relative à son acquittement et d’informer les autres institutions de l’Union européenne de celui-ci. À titre subsidiaire, pour le cas où la Cour des comptes ne procéderait pas à ces publications, la requérante a demandé une indemnité de 100 000 euros à titre de réparation du préjudice moral, montant qu’elle s’engageait à utiliser afin d’effectuer lesdites publications. La requérante a également demandé à la Cour des comptes, premièrement, de lui verser 40 000 euros à titre de réparation du préjudice moral causé par la procédure devant les juridictions luxembourgeoises et 57 771,40 euros à titre de réparation du préjudice matériel causé par la même procédure, deuxièmement, de l’indemniser pour toutes les dépenses encourues notamment devant le juge d’instruction et le tribunal d’arrondissement de Luxembourg et, troisièmement, de l’indemniser pour les dépenses encourues au titre de la procédure devant la Cour des comptes.
13. Par lettre du 7 juillet 2009, le président de la Cour des comptes a transmis à la requérante la décision adoptée en réponse auxdites demandes. Cette décision a, d’une part, rejeté les arguments invoqués dans la lettre du 14 avril 2009 et, d’autre part, communiqué à la requérante que la Cour des comptes avait cherché à déterminer, sur la base des informations dont elle disposait, si les faits présentaient un degré de gravité suffisant pour saisir la Cour afin que celle-ci statue sur l’existence de manquements aux obligations qui incombaient à l’ancien membre en vertu du traité CE et la nécessité d’appliquer d’éventuelles sanctions. À cet égard, la Cour des comptes a indiqué à la requérante les éléments qui l’avaient amenée à décider de ne pas saisir la Cour, parmi lesquels figuraient notamment l’acquittement de la requérante par le jugement du 2 octobre 2008 et l’absence de préjudice causé au budget communautaire compte tenu du remboursement de la somme indûment versée à M. Koutsouvelis, son chef de cabinet (5).
III – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
14. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2009, la requérante a introduit un recours en indemnité par lequel elle demandait la condamnation de la Cour des comptes au versement d’une somme de 85 000 euros majorés d’intérêts à compter du 14 avril 2009, à titre de réparation du préjudice moral causé par les agissements et les omissions de cette institution, montant qu’elle s’engageait à utiliser afin de publier son acquittement.
15. À l’appui de ce recours, la requérante a d’abord invoqué six moyens portant sur la violation caractérisée par la Cour des comptes de règles de droit de l’Union conférant des droits aux particuliers. Ensuite, elle a fait valoir l’existence d’un lien de causalité direct entre ladite violation et le préjudice moral et matériel subi du fait de celle-ci.
16. Le Tribunal a rejeté ledit recours, en considérant que la Cour des comptes n’avait commis aucune des violations du droit de l’Union reprochées.
17. En particulier, pour ce qui présente un intérêt aux fins du présent pourvoi, le Tribunal a conclu, aux points 27 à 32 de l’arrêt attaqué, que les agissements de la Cour des comptes relatifs à l’enquête préliminaire n’étaient pas illégaux. En effet, en transmettant à l’OLAF le dossier contenant les premières informations récoltées avant d’avoir entendu la requérante, cette institution n’aurait violé ni les exigences découlant de l’interprétation combinée des articles 2 et 4 de la décision 99/50 ni les droits de la défense de la requérante ou le principe d’impartialité.
18. Le Tribunal a également répondu, aux points 44 à 47 de l’arrêt attaqué, aux griefs tirés, d’une part, de ce que la Cour des comptes aurait omis d’adopter une décision formelle acquittant la requérante de toute accusation à son égard à la suite du jugement du 2 octobre 2008 et, d’autre part, de ce que le président de la Cour des comptes aurait inclus, dans sa lettre du 13 mai 2004, une remarque désobligeante et superflue concernant la position exprimée par une majorité des membres de l’institution. Les points critiqués sont ainsi rédigés:
«44 Il convient de relever que l’omission reprochée à la Cour des comptes n’est pas entachée d’illégalité.
45 À cet égard, premièrement, il y a lieu de souligner que la requérante a été acquittée sur le fondement de doutes nés, selon le jugement du 2 octobre 2008, de certaines explications fournies par le chef de son cabinet durant l’audience publique. Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le caractère raisonnable des doutes mis en évidence par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, force est de constater que ce motif d’acquittement n’implique pas que les accusations à l’encontre de la requérante sont dénuées de tout fondement, mais, comme l’a exposé ledit tribunal, implique le fait qu’elles n’ont pas été établies à l’exclusion du ‘moindre doute’.
46 Deuxièmement, ainsi que le fait valoir la Cour des comptes, il appartient exclusivement aux autorités judiciaires nationales d’examiner les accusations sur le plan pénal et à la Cour de les apprécier sur le plan disciplinaire en vertu de l’article 247, paragraphe 7, CE. La Cour des comptes n’avait donc pas de compétence pour se prononcer à cet égard.
47 Troisièmement, il ne saurait être déduit de l’absence de saisine de la Cour en vertu de cette dernière disposition que la Cour des comptes estime que les faits allégués à l’encontre de la requérante sont dénués de tout fondement. En effet, selon l’article 6 du règlement intérieur de la Cour des comptes, tel qu’arrêté le 31 janvier 2002, la saisine en question est décidée à l’unanimité. Partant, s’il est vrai que l’absence de saisine implique que l’unanimité n’a pas été acquise, il n’empêche qu’elle ne vaut pas prise de position de la Cour des comptes s’agissant de la matérialité des faits. Dans ce contexte, il n’était pas inapproprié pour le président de la Cour des comptes d’indiquer à la requérante que la grande majorité des membres de l’institution a considéré son comportement comme inacceptable, empêchant ainsi que l’absence de saisine de la Cour puisse être comprise comme une prétendue négation de la matérialité des faits reprochés, ce qui ne correspondrait d’ailleurs pas à la réalité.»
19. Enfin, le Tribunal a répondu au grief selon lequel la Cour des comptes aurait dû, en vertu de son devoir de sollicitude, procéder à des communications à la presse et aux institutions concernant l’acquittement de la requérante. Il a, à cet égard, considéré, en se référant aux raisons exposées aux points 45 et 46 de l’arrêt attaqué, qu’aucune obligation de publication de l’acquittement de la requérante ne saurait être déduite du devoir de sollicitude.
IV – Les moyens et les principaux arguments invoqués à l’appui du pourvoi
20. Au soutien de son pourvoi, la requérante soulève quatre moyens.
21. Par son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir enfreint le principe de la présomption d’innocence, visé à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») et à l’article 6, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»). En effet, ce principe garantit notamment qu’une juridiction de l’Union ne peut pas remettre en doute l’innocence d’une personne accusée alors même que cette personne a été préalablement disculpée par une décision de justice pénale nationale définitive. Il en découle que le Tribunal aurait erronément estimé, aux points 43 à 46 et 49 de l’arrêt attaqué, que n’était pas «entachée d’illégalité» l’omission par la Cour des comptes, d’une part, d’adopter une décision constatant le défaut définitif de citation de la requérante devant la Cour et, d’autre part, de rétablir sa réputation.
22. La requérante critique, en particulier, la formulation du point 45 de l’arrêt attaqué, en considérant que l’appréciation du Tribunal figurant à ce point constitue une violation manifeste du principe de la présomption d’innocence. En effet, il résulterait de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que la circonstance que la relaxe de la requérante a été motivée par la subsistance d’un doute ne peut avoir aucun effet sur l’obligation du Tribunal de ne pas fonder son jugement sur le motif d’acquittement en question.
23. La Cour des comptes rétorque que le premier moyen est fondé sur une méconnaissance de la portée de l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH ainsi que de l’article 48, paragraphe 1, de la Charte. En effet, la présomption d’innocence vaudrait pour la personne accusée devant le prétoire qui doit décider de sa culpabilité ou de son innocence par rapport aux chefs d’accusation portés devant celui-ci. Or, dans le cadre du recours en responsabilité extracontractuelle introduit par la requérante, sa culpabilité au regard du droit pénal luxembourgeois n’était pas en cause. Le Tribunal ne pouvait donc pas enfreindre la présomption d’innocence.
24. Par ailleurs, ce moyen serait fondé sur la prémisse erronée que la Cour des comptes et le Tribunal se seraient livrés à un réexamen du bien-fondé du jugement du 2 octobre 2008. La Cour des comptes considère que, au contraire, chaque institution, dans l’exercice de sa propre compétence dans le contexte de l’affaire, a accepté ce jugement et en a tiré les conclusions qui s’imposaient dans le cadre de leurs processus décisionnels respectifs. En particulier, le Tribunal aurait considéré le jugement du 2 octobre 2008 comme un élément de fait qu’il devait prendre en compte dans l’appréciation de la légalité des actes ou des omissions de la Cour des comptes.
25. La Cour des comptes déduit des points 120 à 122 de l’arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson (6), que, tout en reconnaissant que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a conclu que la matérialité de certains faits reprochés à la requérante n’avait pas été établie à l’exclusion de tout doute et que, partant, les personnes en cause devaient être acquittées des chefs d’accusation d’infractions au droit pénal luxembourgeois pesant sur elles, rien n’empêchait le Tribunal de faire une autre appréciation de ces mêmes faits dans le contexte de son examen d’une éventuelle responsabilité extracontractuelle de la Cour des comptes au regard du droit de l’Union. En procédant ainsi, le Tribunal n’aurait nullement mis en cause le jugement du 2 octobre 2008 ni la présomption d’innocence dont la requérante bénéficiait devant ce prétoire.
26. Par son deuxième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé le principe de coopération loyale, consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, envers le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, en dénaturant les considérations et les appréciations effectuées par ce dernier.
27. Selon elle, ce principe impliquerait que, lorsqu’un tribunal national a prononcé un jugement qui est passé en force de chose jugée et par lequel une personne est acquittée des infractions qui lui étaient reprochées, les institutions de l’Union, y compris le Tribunal, seraient tenues de respecter un tel jugement et de ne pas priver ce dernier de son effet utile.
28. Or, bien que les faits en cause soient identiques à ceux sur lesquels le tribunal d’arrondissement de Luxembourg s’est prononcé, le Tribunal aurait violé le principe de coopération loyale en se livrant à une appréciation totalement différente de ces mêmes faits.
29. Par ailleurs, au point 35 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait contredit les conclusions du tribunal d’arrondissement de Luxembourg lorsqu’il a estimé que «la gestion de tout système de congé est fondée sur l’obligation du supérieur hiérarchique de vérifier la présence du personnel sous son autorité et de s’assurer que toute absence soit conforme à la réglementation applicable relative aux congés» et que «[c]ette obligation n’est pas affectée par l’éventuelle absence d’un système intégré permettant de vérifier, de manière indépendante du supérieur hiérarchique, que le nombre de jours de congé déclarés comme non pris à la fin de chaque année correspond à la réalité».
30. Enfin, le Tribunal n’aurait pas respecté le jugement du 2 octobre 2008, dans la mesure où il a considéré, au point 38 de l’arrêt attaqué, que «le caractère déficitaire du système d’enregistrement et de surveillance des congés de la Cour des comptes applicable à l’époque des faits ne pourrait justifier l’abandon de toute enquête ou poursuite à l’encontre de [la requérante]», alors que c’est précisément le caractère déficitaire du système de gestion des congés de la Cour des comptes qui aurait conduit à l’acquittement de la requérante.
31. En réponse à ces arguments, la Cour des comptes affirme que le deuxième moyen repose sur une méconnaissance des rôles respectifs des institutions concernées ainsi que de la portée de l’article 4, paragraphe 3, TUE. En effet, le Tribunal n’aurait ni réévalué le jugement du 2 octobre 2008 ni mis en cause son verdict. La différence d’appréciation de certains faits s’expliquerait par le contexte différent des deux litiges, à savoir, d’une part, une procédure pénale relevant du droit national et, d’autre part, un recours en responsabilité extracontractuelle sous l’empire du droit de l’Union.
32. Par son troisième moyen, la requérante soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’un vice d’incompétence du Tribunal, au vu du fait qu’il a tranché des questions qui outrepassaient les compétences qui lui sont attribuées par les traités.
33. D’une part, alors même qu’il reconnaît, au point 46 de l’arrêt attaqué, qu’il appartient exclusivement aux autorités judiciaires nationales d’examiner les accusations sur le plan pénal, le Tribunal aurait outrepassé les compétences qui lui sont assignées par les traités en procédant, au point 45 de l’arrêt attaqué, à une appréciation au fond en ce qui concerne le motif d’acquittement fondé sur l’existence d’un doute.
34. D’autre part, le Tribunal aurait également franchi les limites de sa compétence en se livrant aux affirmations contenues au point 47 de l’arrêt attaqué. En effet, la Cour étant la seule institution apte à statuer sur les responsabilités disciplinaires découlant des comportements des membres de la Cour des comptes, le Tribunal, tout comme cette dernière institution dans sa lettre du 13 mai 2004, n’était pas compétent pour exprimer envers la requérante ne serait-ce qu’un soupçon laissant subodorer un comportement inacceptable de celle-ci.
35. La Cour des comptes rétorque que ce troisième moyen doit être rejeté comme étant partiellement irrecevable, en ce qu’il réitère simplement les arguments présentés en première instance quant à la lettre du 13 mai 2004, et partiellement non fondé.
36. À ce dernier égard, elle soutient, encore une fois, que le Tribunal n’a aucunement mis en cause le jugement du 2 octobre 2008. L’évaluation d’un même comportement pourrait aboutir à des conclusions différentes selon l’instance appropriée.
37. Par son quatrième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a erronément interprété et mis en application les conditions d’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union. En effet, quant à la question de l’usage d’un faux document, le Tribunal aurait ajouté une condition supplémentaire non requise (la «mauvaise foi»), en concluant, au point 32 de l’arrêt attaqué, que «l’éventuelle transmission du document en question par la Cour des comptes soit à l’OLAF soit aux autorités luxembourgeoises ne signifie pas que l’institution a agi de mauvaise foi en ce qui concerne l’authenticité de la signature de la requérante».
38. En outre, le Tribunal aurait commis une erreur de droit aussi dans l’interprétation de l’article 2, deuxième alinéa, de la décision 99/50, lu en combinaison avec l’article 4, premier alinéa, de celle-ci, en ce qu’il a conclu que la simple communication à la requérante de l’existence d’une enquête interne menée par l’OLAF était suffisante et qu’il n’était donc pas nécessaire de lui fournir l’information de l’enquête préliminaire effectuée par la Cour des comptes.
39. Selon la Cour des comptes, les allégations contenues dans ce quatrième moyen doivent être déclarées irrecevables, car elles consistent, d’une part, à demander à la Cour de réexaminer les faits de l’espèce et, d’autre part, en une simple réitération des arguments présentés en première instance, particulièrement en ce qui concerne le grief relatif à l’absence de notification de l’enquête préliminaire.
40. Sur le fond, le Tribunal n’aurait, au point 32 de l’arrêt attaqué, ajouté aucune condition supplémentaire relative à la responsabilité extracontractuelle de l’Union, en affirmant que la simple transmission d’un document à l’OLAF ou aux autorités luxembourgeoises n’était pas une indication de mauvaise foi de la part de la Cour des comptes en ce qui concerne l’authenticité de la signature de la requérante. De même, le Tribunal n’aurait pas commis d’erreurs dans la lecture de l’article 2, deuxième alinéa, de la décision 99/50, étant donné que cette disposition n’impose pas l’obligation de communiquer l’ouverture d’une enquête préliminaire à la personne soupçonnée d’irrégularités, mais exige simplement que le secrétaire général transmette sans délai à l’OLAF les informations récoltées dans le cadre d’une telle enquête.
V – Notre appréciation
41. Nous examinerons, dans un premier temps, ensemble, les premier à troisième moyens soulevés par la requérante, dans la mesure où les arguments développés à leur appui se recoupent et où ils visent les mêmes points de l’arrêt attaqué. Puis, nous examinerons, dans un second temps, le quatrième moyen.
A – Sur les moyens tirés de la violation de la présomption d’innocence et de celle du principe de coopération loyale ainsi que de l’incompétence du Tribunal
42. Les trois premiers moyens visent, en substance, à remettre en cause le raisonnement adopté par le Tribunal aux points 44 à 49 de l’arrêt attaqué.
43. Il importe d’avoir bien à l’esprit les griefs auxquels le Tribunal entendait répondre dans cette partie de l’arrêt attaqué.
44. En premier lieu, la requérante reprochait à la Cour des comptes d’avoir omis d’adopter une décision formelle l’acquittant de toute accusation à son égard à la suite du jugement du 2 octobre 2008, dès lors que la preuve d’agissements justifiant un renvoi de l’affaire devant la Cour en vertu de l’article 247, paragraphe 7, CE n’avait pas été rapportée. Selon elle, par cette décision, la Cour des comptes aurait dû renoncer à saisir la Cour au titre de cette dernière disposition.
45. En deuxième lieu, la requérante reprochait au président de la Cour des comptes d’avoir violé le principe d’impartialité et le devoir de sollicitude en incluant, dans la lettre du 13 mai 2004, une remarque désobligeante et superflue concernant la position exprimée par une majorité des membres de l’institution.
46. En troisième lieu, la requérante faisait valoir que la Cour des comptes aurait dû, en vertu de son devoir de sollicitude, procéder à des communications à la presse et aux institutions concernant son acquittement.
47. Nous indiquons d’emblée que, selon nous, c’est à juste titre que le Tribunal a rejeté ces trois prétentions de la requérante.
48. Toutefois, comme le fait valoir cette dernière, l’argumentation que le Tribunal a développée au point 45 de l’arrêt attaqué pose problème au regard de la présomption d’innocence.
49. En vertu de l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, «[t]out accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie». Cette disposition correspond à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH. Conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, le droit à la présomption d’innocence a le même sens et la même portée que le droit correspondant garanti par la CEDH.
50. La présomption d’innocence doit être garantie tant en amont qu’en aval du procès pénal. En effet, l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH vise également à «empêcher que des individus qui ont bénéficié d’un acquittement ou d’un abandon des poursuites soient traités par des agents ou autorités publics comme s’ils étaient en fait coupables de l’infraction qui leur avait été imputée» (7). La garantie du droit à la présomption d’innocence après une procédure pénale s’explique par le fait que, «[s]ans protection destinée à faire respecter dans toute procédure ultérieure un acquittement ou une décision d’abandon des poursuites, les garanties d’un procès équitable énoncées à l’article 6[, paragraphe 2, de la CEDH] risqueraient de devenir théoriques et illusoires. Ce qui est également en jeu une fois la procédure pénale achevée, c’est la réputation de l’intéressé et la manière dont celui-ci est perçu par le public» (8).
51. La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi précisé que «le champ d’application de l’article 6[, paragraphe 2, de la CEDH] ne se limite pas aux procédures pénales qui sont pendantes, mais peut s’étendre aux décisions de justice prises après l’arrêt des poursuites [...] ou après un acquittement [...], dans la mesure où les questions soulevées dans ces affaires constituaient un corollaire et un complément des procédures pénales concernées dans lesquelles le requérant avait la qualité ‘d’accusé’» (9). La Cour européenne des droits de l’homme s’attache alors à vérifier si, «par leur manière d’agir, par les motifs de leurs décisions ou par le langage utilisé dans leur raisonnement» (10), les autorités et les juridictions nationales qui sont amenées à se prononcer après un jugement pénal «ont jeté des soupçons sur l’innocence du requérant et ont ainsi porté atteinte au principe de la présomption d’innocence» (11).
52. Ainsi qu’il découle notamment de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Vassilios Stavropoulos c. Grèce du 27 septembre 2007, «l’expression de soupçons sur l’innocence d’un accusé n’est plus acceptable après un acquittement devenu définitif» (12). Selon la jurisprudence de cette Cour, «une fois l’acquittement devenu définitif – même s’il s’agit d’un acquittement au bénéfice du doute conformément à l’article 6[, paragraphe 2, de la CEDH] – l’expression des doutes de culpabilité, y compris ceux tirés des motifs de l’acquittement, ne sont pas compatibles avec la présomption d’innocence» (13).
53. Dans ce même arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que, «en vertu du principe ‘in dubio pro reo’, qui constitue une expression particulière du principe de la présomption d’innocence, aucune différence qualitative ne doit exister entre une relaxe faute de preuves et une relaxe résultant d’une constatation de l’innocence de la personne ne faisant aucun doute. En effet, les jugements d’acquittement ne se différencient pas en fonction des motifs qui sont à chaque fois retenus par le juge pénal. Bien au contraire, dans le cadre de l’article 6[, paragraphe 2, de la CEDH], le dispositif d’un jugement d’acquittement doit être respecté par toute autre autorité qui se prononce de manière directe ou incidente sur la responsabilité pénale de l’intéressé» (14).
54. Au vu de cette jurisprudence, la formulation du point 45 de l’arrêt attaqué nous semble contestable.
55. Nous rappelons que, à ce point, le Tribunal a d’abord souligné que la requérante avait été «acquittée sur le fondement de doutes nés, selon le jugement du 2 octobre 2008, de certaines explications fournies par le chef de son cabinet durant l’audience publique». Le Tribunal a poursuivi en indiquant que, «[s]ans qu’il soit besoin de se prononcer sur le caractère raisonnable des doutes mis en évidence par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, force est de constater que ce motif d’acquittement n’implique pas que les accusations à l’encontre de la requérante sont dénuées de tout fondement, mais, comme l’a exposé ledit tribunal, implique le fait qu’elles n’ont pas été établies à l’exclusion du ‘moindre doute’».
56. Dans cette partie de son argumentation, le Tribunal s’appuie sur le motif de l’acquittement au pénal, en insistant sur le fait qu’il s’agit d’un acquittement au bénéfice du doute, pour justifier l’omission de la Cour des comptes d’adopter une décision formelle acquittant la requérante de toute accusation. Il utilise ainsi le motif de l’acquittement pour rejeter l’existence d’une faute dans le chef de la Cour des comptes et en faire découler une conséquence sur l’appréciation au fond du recours en indemnité. En somme, le raisonnement qui émane du point 45 de l’arrêt attaqué est celui selon lequel, puisque la requérante a été acquittée au bénéfice du doute et que ce motif d’acquittement ne suffit pas à ôter tout fondement aux accusations dont elle a fait l’objet, c’est à bon droit que la Cour des comptes a refusé d’adopter une décision formelle l’acquittant de toute accusation à son égard à la suite du jugement du 2 octobre 2008.
57. En formulant son argumentation de cette manière, le Tribunal donne l’impression de considérer qu’un acquittement au bénéfice du doute revêt moins de force qu’un acquittement reposant sur une affirmation plus directe de l’innocence de la requérante. Il fragilise la décision à laquelle le juge pénal est parvenu, ce qui, de façon concomitante, contribue à jeter un doute sur l’innocence de la requérante.
58. En portant ainsi atteinte à la présomption d’innocence de la requérante, le Tribunal a donc commis une erreur de droit.
59. À notre avis, le constat de cette erreur n’est cependant pas de nature à entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué. En effet, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté (15).
60. Nous relevons, à cet égard, que c’est à juste titre que le Tribunal a indiqué, au point 46 de l’arrêt attaqué, qu’«il appartient exclusivement aux autorités judiciaires nationales d’examiner les accusations sur le plan pénal et à la Cour de les apprécier sur le plan disciplinaire en vertu de l’article 247, paragraphe 7, CE». Il en a déduit à bon droit que «[l]a Cour des comptes n’avait donc pas de compétence pour se prononcer à cet égard».
61. Il est, en effet, évident que la Cour des comptes n’est pas habilitée à adopter une décision d’acquittement, que ce soit sur le plan pénal ou sur le plan disciplinaire. Par ailleurs, la Cour des comptes n’était nullement tenue de procéder à la publication de l’acquittement de la requérante. Le Tribunal a donc, à bon droit, rejeté ces deux prétentions de la requérante sur la base de l’argumentation qu’il a indiquée au point 46 de l’arrêt attaqué.
62. La seule compétence de la Cour des comptes dans le contexte de la présente affaire était de décider ou non de saisir la Cour au titre de l’article 247, paragraphe 7, CE, afin que celle-ci se prononce sur l’existence d’un manquement découlant de la charge de membre de la Cour des comptes au sens de cette dernière disposition.
63. Nous soulignons, à cet égard, que le raisonnement du Tribunal aurait été à la fois plus convaincant et plus complet s’il avait davantage mis l’accent sur le caractère autonome des procédures pénales et disciplinaires.
64. En effet, tant en première instance qu’au stade du présent pourvoi, l’argumentation de la requérante a été en grande partie fondée sur l’idée qu’il y aurait en quelque sorte une relation d’automaticité entre l’existence d’un acquittement au pénal et l’adoption par la Cour des comptes d’une décision par laquelle celle-ci renoncerait à saisir la Cour au titre de l’article 247, paragraphe 7, CE.
65. Cette argumentation de la requérante est fondamentalement erronée, comme cela peut être déduit tant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que de celle de notre Cour.
66. En premier lieu, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que le droit à la présomption d’innocence en cas d’acquittement au pénal ou d’abandon des poursuites n’empêche nullement l’engagement ultérieur, sur la base des mêmes faits, de procédures disciplinaires ou bien d’actions en responsabilité.
67. La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi admis que les organes disciplinaires peuvent apprécier de manière indépendante les faits des causes portées devant eux quand les éléments constitutifs des infractions pénales et des manquements disciplinaires ne sont pas identiques (16). Dans ce contexte, le constat selon lequel des faits ne peuvent pas se voir appliquer la qualification d’infraction pénale n’empêche pas le déclenchement d’une procédure disciplinaire sur la base de ces mêmes faits. Du point de vue du droit à la présomption d’innocence, la seule limite est que, durant la procédure disciplinaire, l’innocence sur le plan pénal de la personne concernée ne soit pas remise en cause.
68. De plus, en matière de contentieux indemnitaire, la Cour européenne des droits de l’homme a admis, dans son arrêt Ringvold c. Norvège du 11 février 2003 (17), que «la question de la réparation devait faire l’objet d’une analyse juridique distincte, fondée sur des critères et des exigences en matière de preuve différant sur plusieurs points importants de ceux applicables dans le domaine de la responsabilité pénale» (18). La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi considéré que, «si l’acquittement prononcé au pénal ne doit pas être remis en cause dans le cadre de la procédure en réparation, cela ne doit pas faire obstacle à l’établissement, sur la base d’exigences de preuve moins strictes, d’une responsabilité civile emportant obligation de verser une indemnité à raison des mêmes faits» (19).
69. En second lieu, selon une logique comparable, la Cour a, dans son arrêt Commission/Cresson, précité, mis l’accent sur le caractère autonome, d’une part, des procédures pénales et, d’autre part, de la procédure fondée sur l’article 213, paragraphe 2, CE, visant à sanctionner la violation des obligations découlant de la charge de membre de la Commission européenne.
70. Dans cet arrêt, la Cour a, en effet, considéré qu’elle n’était «pas liée par la qualification juridique des faits effectuée dans le cadre de la procédure pénale» (20) et qu’il lui appartenait, «dans la plénitude de son pouvoir d’appréciation, de rechercher si les faits reprochés dans le cadre d’une procédure fondée sur l’article 213, paragraphe 2, CE [constituaient] un manquement aux obligations découlant de la charge de membre de la Commission» (21). La Cour en a conclu que la décision de la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique) constatant l’absence de charges à l’encontre de Mme Cresson ne la liait pas (22).
71. Ce raisonnement, fondé sur le caractère autonome des procédures pénales et disciplinaires, est transposable à la procédure qui était prévue, à l’époque des faits, à l’article 247, paragraphe 7, CE et qui figure désormais à l’article 286, paragraphe 6, TFUE. Il en découle que, dès lors qu’elle serait appelée à examiner si un membre de la Cour des comptes a ou non manqué aux obligations découlant de sa charge, la Cour ne serait pas liée par un jugement pénal acquittant la personne en cause.
72. Sur le même fondement tiré du caractère autonome des procédures pénales et disciplinaires, la Cour des comptes, en tant qu’autorité de saisine de la Cour, ne saurait être liée par un tel jugement pénal. En particulier, pour répondre clairement à l’argumentation de la requérante, l’existence d’un acquittement au pénal n’empêche nullement la Cour des comptes de saisir la Cour au titre de l’article 286, paragraphe 6, TFUE. Dans un tel cas de figure, la Cour des comptes conserve son pouvoir d’appréciation quant à la saisine éventuelle de la Cour.
73. Nous déduisons de ces éléments que la procédure pénale devant une juridiction nationale et la procédure prévue à l’article 247, paragraphe 7, CE, puis à l’article 286, paragraphe 6, TFUE, sont différentes non seulement quant à leur objet et à leur finalité, mais également quant à la nature et au degré de preuve requis. Les deux procédures, quand bien même elles se baseraient sur les mêmes circonstances de fait, sont indépendantes, de sorte que, sous réserve de ne pas remettre en cause l’appréciation du juge pénal, un acquittement sur le plan pénal n’empêche nullement la Cour des comptes de saisir la Cour, ni cette dernière de statuer sur l’existence d’un manquement aux obligations découlant de la charge de membre de la Cour des comptes.
74. En l’espèce, il ressort du dossier que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a estimé, dans son jugement du 2 octobre 2008, que les faits, tels qu’ils étaient établis, ne pouvaient pas se voir appliquer la qualification d’infraction pénale au sens de la loi luxembourgeoise.
75. L’appréciation ainsi effectuée par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg ne signifie cependant pas que la Cour des comptes était tenue de considérer qu’elle était empêchée de saisir la Cour concernant les manquements relatifs à la gestion des congés. En effet, d’une part, le degré de précision des faits ou des preuves qui est requis aux fins de la qualification d’infraction pénale n’est pas nécessairement le même que celui qui est requis aux fins de constater l’existence d’un manquement aux charges qui incombent aux membres de la Cour des comptes. D’autre part, et en tout état de cause, il reviendrait uniquement à la Cour, dès lors qu’elle serait saisie en vertu de l’article 286, paragraphe 6, TFUE, d’apprécier l’étendue de l’autorité de la chose jugée qui devrait être reconnue, le cas échéant, à un jugement pénal national.
76. Il s’ensuit que le refus de la Cour des comptes d’adopter une décision formelle d’acquittement et d’admettre un lien d’automaticité entre l’acquittement au pénal et la saisine de la Cour au titre de l’article 247, paragraphe 7, CE était tout à fait justifié et ne saurait, dans le cadre du présent pourvoi, être remis en cause en arguant de ce que le rejet par le Tribunal de la prétention de la requérante visant à faire constater le caractère illégal d’un tel refus serait constitutif d’une violation de la présomption d’innocence ou d’une violation du principe de coopération loyale.
77. C’est en conformité avec le caractère autonome des procédures pénales et disciplinaires, et dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, que la Cour des comptes a cherché à déterminer, sur la base des informations dont elle disposait, si les faits reprochés à la requérante présentaient un degré de gravité suffisant (23) pour saisir la Cour en vertu de l’article 247, paragraphe 7, CE. Comme en témoigne sa lettre du 7 juillet 2009, la Cour des comptes, lorsqu’elle a décidé de ne pas saisir la Cour sur le volet relatif à la gestion des congés, n’a pas uniquement tenu compte de l’acquittement de la requérante sur le plan pénal. Elle a également pris en considération d’autres paramètres (24).
78. Nous allons, à présent, examiner les critiques que la requérante a formulées à propos du point 47 de l’arrêt attaqué.
79. À ce point, le Tribunal répond à l’argumentation de la requérante selon laquelle le président de la Cour des comptes aurait violé le principe d’impartialité et le devoir de sollicitude en incluant, dans sa lettre du 13 mai 2004, une remarque désobligeante et superflue concernant la position exprimée par une majorité des membres de l’institution.
80. Selon la requérante, le Tribunal aurait franchi les limites de sa compétence et aurait avalisé une lecture erronée de la sphère de compétence de la Cour des comptes lorsqu’il a considéré, audit point, qu’«il n’était pas inapproprié pour le président de la Cour des comptes d’indiquer à la requérante que la grande majorité des membres de l’institution a considéré son comportement comme inacceptable, empêchant ainsi que l’absence de saisine de la Cour puisse être comprise comme une prétendue négation de la matérialité des faits reprochés».
81. Il importe de préciser que le passage de la lettre du 13 mai 2004 qui contient la remarque critiquée concerne uniquement les allégations relatives aux prêts personnels en faveur de la requérante. Ce volet de l’affaire n’était pas inclus dans la procédure pénale ayant abouti au jugement du 2 octobre 2008. L’acquittement dont a bénéficié la requérante sur le plan pénal n’entre donc pas en ligne de compte dans le cadre de l’examen du point 47 de l’arrêt attaqué.
82. Cela étant précisé, le Tribunal est, à notre avis, resté dans sa sphère de compétence lorsqu’il a considéré, d’une part, que l’absence de saisine de la Cour ne valait pas négation de la matérialité des faits et, d’autre part, que le président de la Cour des comptes pouvait formuler à destination de la requérante le commentaire critiqué.
83. En effet, l’appréciation contenue au point 47 de l’arrêt attaqué constitue une réponse du Tribunal à l’allégation de la requérante selon laquelle la remarque que le président de la Cour des comptes a incluse dans la lettre du 13 mai 2004 aurait violé le principe d’impartialité et le devoir de sollicitude. Ainsi, en se prononçant sur cet aspect dans le cadre du recours en responsabilité extracontractuelle dont il était saisi, le Tribunal n’a pas franchi les limites de sa compétence.
84. De plus, une absence de saisine de la Cour par la Cour des comptes est l’expression de ce que tous les membres de cette dernière institution n’ont pas estimé que le manquement en cause présentait un seuil de gravité suffisant pour saisir la Cour au titre de l’article 247, paragraphe 7, CE. Le constat selon lequel l’unanimité n’a pas été atteinte sur ce point ne signifie pas l’absence de tout manquement. Il convient, à cet égard, de rappeler, par analogie avec la procédure visant les membres de la Commission, que la Cour a précisé, dans son arrêt Commission/Cresson, précité, qu’une condamnation au titre de l’article 213, paragraphe 2, CE requérait l’existence d’un manquement d’un certain degré de gravité (25). Le président de la Cour des comptes pouvait donc, dans le cadre de sa compétence et sans violer le principe d’impartialité ou le devoir de sollicitude, expliciter à la requérante le résultat du vote et lui signifier que la majorité des membres de la Cour des comptes avait considéré que son comportement, même s’il n’avait pas été unanimement considéré comme suffisamment grave pour justifier une saisine de la Cour au titre de l’article 247, paragraphe 7, CE, était absolument inapproprié. Il convient, par ailleurs, de préciser que la lettre du 13 mai 2004 était uniquement adressée à la requérante et que rien dans le dossier n’indique qu’elle a été communiquée à d’autres personnes que son destinataire.
85. Nous considérons donc que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit dans le raisonnement qu’il a développé au point 47 de l’arrêt attaqué. Nous relèverons seulement que le Tribunal aurait dû, en toute rigueur, reprendre la qualification du comportement de la requérante telle qu’elle figurait dans la lettre du 13 mai 2004, à savoir un comportement «absolument inapproprié» (26), plutôt que de qualifier ce comportement d’«inacceptable». Cette différence de formulation n’est cependant pas suffisante, à notre avis, pour constater l’existence d’une erreur de droit. Nous observons, d’ailleurs, que la requérante s’est limitée, sur ce point, à formuler une remarque dans sa requête, sans en tirer de conséquence directe quant à l’existence d’une erreur de droit (27).
86. Enfin, nous estimons que les points 35 et 38 de l’arrêt attaqué sont exempts de critique au regard du principe de coopération loyale. C’est en effet à juste titre, et sans remettre en cause le jugement du 2 octobre 2008, que le Tribunal a considéré, en substance, que le caractère déficitaire du système d’enregistrement et de surveillance des congés de la Cour des comptes, d’une part, n’affecte pas l’obligation du supérieur hiérarchique de vérifier la présence du personnel qui est sous son autorité et de s’assurer que toute absence soit conforme à la réglementation relative aux congés et, d’autre part, ne pourrait justifier l’abandon de toute enquête ou poursuite à l’encontre de la requérante.
87. L’examen des premier à troisième moyens invoqués par la requérante ne nous conduisant pas à proposer à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, nous allons, à présent, examiner le quatrième moyen.
B – Sur le quatrième moyen relatif à une interprétation et à une application erronées du droit de l’Union en ce qui concerne les conditions de la responsabilité extracontractuelle de l’Union et la décision 99/50
88. Selon la requérante, le Tribunal aurait commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 2, deuxième alinéa, de la décision 99/50, lu en combinaison avec l’article 4, premier alinéa, de celle-ci, en ce qu’il a conclu que la simple communication à la requérante de l’existence d’une enquête interne menée par l’OLAF était suffisante et qu’il n’était donc pas nécessaire de l’informer de l’enquête préliminaire effectuée par la Cour des comptes.
89. Contrairement à ce que la requérante fait valoir, le Tribunal a, à juste titre selon nous, estimé aux points 29 et 30 de l’arrêt attaqué que l’article 4 de la décision 99/50 n’obligeait pas la Cour des comptes à divulguer à la requérante le contenu du dossier d’enquête préliminaire établi en application de l’article 2 de cette même décision, ni de l’entendre avant de transmettre ce dossier à l’OLAF.
90. L’article 2, deuxième alinéa, de la décision 99/50 met à la charge du secrétaire général l’obligation de transmettre sans délai à l’OLAF tout élément de fait laissant présumer l’existence d’irrégularités et de procéder à une enquête préliminaire, sans préjudice des enquêtes internes effectuées par l’OLAF.
91. Comme le Tribunal l’a souligné au point 29 de l’arrêt attaqué, l’enquête préliminaire à laquelle se réfère cette disposition a pour objet, d’une part, de permettre au secrétaire général d’apprécier si les éléments portés à sa connaissance laissent présumer l’existence d’irrégularités portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et, d’autre part, de transmettre à l’OLAF, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1073/1999, un dossier permettant à ce dernier d’apprécier s’il y a lieu d’ouvrir une enquête interne en vertu de l’article 5, second alinéa, du même règlement.
92. L’enquête préliminaire constitue ainsi la phase durant laquelle les informations relatives à des allégations d’irrégularités sont collectées et font l’objet de vérifications afin d’apprécier si une enquête interne doit être déclenchée. Autrement dit, les informations venant à l’appui de telles allégations doivent être vérifiées afin d’apprécier leur caractère plausible, avant de les communiquer aux autorités compétentes pour diligenter une enquête interne, en l’occurrence l’OLAF.
93. Dans la mesure où l’enquête préliminaire n’a pas vocation à aboutir à l’adoption de conclusions visant la personne en cause, le Tribunal a, à bon droit, constaté, au point 29 de l’arrêt attaqué, que l’obligation découlant de la deuxième phrase de l’article 4, premier alinéa, de la décision 99/50 ne concerne pas les agissements du secrétaire général dans le cadre de l’article 2 de cette même décision.
94. Durant cette phase préalable de collecte et d’évaluation des informations venant à l’appui des allégations d’irrégularités, les risques de pression sur les témoins sont particulièrement élevés. Il est, dès lors, indispensable qu’il ne soit pas fait obstacle à la recherche de la vérité ni à l’efficacité de l’enquête préliminaire.
95. Il convient, à cet égard, de relever que l’article 4, premier alinéa, première phrase, de la décision 99/50, pour autant que l’on puisse considérer que cette disposition concerne tant l’enquête interne que l’enquête préliminaire, prévoit que la règle selon laquelle la personne visée par des allégations d’irrégularités doit être informée rapidement de la possibilité de son implication personnelle contient un tempérament important, à savoir que cette information intervient «lorsque cela ne risque pas de nuire à l’enquête».
96. Il est constant que, par les lettres des 8 et 26 avril 2002, la requérante a été informée de l’ouverture de l’enquête de l’OLAF, de l’objet de cette dernière, de l’identité des enquêteurs et du fait que ceux-ci l’inviteraient à y coopérer. Par ailleurs, la requérante a été informée, dans la lettre du 26 avril 2002, de ce qu’une enquête préliminaire avait été effectuée par la Cour des comptes et qu’un dossier y relatif avait été remis à l’OLAF. Ces communications répondent aux exigences de l’article 4, premier alinéa, première phrase, de la décision 99/50, dans la mesure où elles concilient le principe d’une information rapide de la personne concernée avec la nécessité d’assurer l’efficacité de l’enquête. Nous faisons, par ailleurs, observer qu’une information rapide n’est pas synonyme d’information immédiate ou dès le commencement de l’enquête.
97. L’argumentation de la requérante visant à remettre en cause le raisonnement adopté par le Tribunal aux points 29 et 30 de l’arrêt attaqué n’est donc pas fondée.
98. Il en va de même du grief selon lequel le Tribunal aurait erronément interprété et mis en application les conditions d’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union au point 32 de l’arrêt attaqué. Il suffit, à cet égard, d’indiquer que l’appréciation du Tribunal selon laquelle «l’éventuelle transmission du document en question par la Cour des comptes soit à l’OLAF soit aux autorités luxembourgeoises ne signifie pas que l’institution a agi de mauvaise foi en ce qui concerne l’authenticité de la signature de la requérante» a été formulée à titre subsidiaire. En effet, le Tribunal a, à titre principal, constaté qu’il n’était pas établi que le document litigieux, dont l’authenticité de la signature était contestée, avait été transmis à l’OLAF ou aux autorités luxembourgeoises. En l’absence de toute remise en cause de ce dernier constat, ce dernier grief doit être considéré comme étant inopérant.
99. Il résulte de ces considérations que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé. Le pourvoi doit, par conséquent, être rejeté.
VI – Conclusion
100. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour:
– de rejeter le pourvoi, et
– de condamner Mme Kalliopi Nikolaou aux dépens.
1 – Langue originale: le français.
2 – T-241/09, ci-après l’«arrêt attaqué».
3 – Ci-après le «secrétaire général».
4 – JO L 136, p. 1.
5 – Points 47 à 49 de la lettre du 7 juillet 2009.
6 – C-432/04, Rec. p. I-6387.
7 – Voir Cour eur. D. H., arrêt Allen c. Royaume-Uni du 12 juillet 2013 (§ 94).
8 – Idem.
9 – Voir Cour eur. D. H., arrêt Teodor c. Roumanie du 4 juin 2013 (§ 37 et jurisprudence citée).
10 – Ibidem (§ 40).
11 – Idem.
12 – § 38 et jurisprudence citée.
13 – Idem.
14 – Cour eur. D. H., arrêt Vassilios Stavropoulos c. Grèce, précité (§ 39). Voir, également, Cour eur. D. H., arrêt Tendam c. Espagne du 13 juillet 2010 (§ 39).
15 – Voir, notamment, arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission (C-221/10 P, non encore publié au Recueil, point 94 et jurisprudence citée).
16 – Voir, notamment, Cour eur. D. H., arrêt Vanjak c. Croatie du 14 janvier 2010 (§ 69 à 72).
17 – Recueil des arrêts et décisions 2003-II.
18 – § 38.
19 – Idem.
20 – Point 121.
21 – Idem.
22 – Point 122.
23 – Arrêt Commission/Cresson, précité (point 72).
24 – Ces autres paramètres, figurant au point 48 de cette lettre, sont les suivants: le «fait que, compte tenu du remboursement de la somme indûment versée à M. Koutsouvelis, aucun préjudice n’a été causé au budget communautaire», le «temps écoulé depuis les événements concernés», l’«infirmité» de la requérante ainsi que le «stress qui [lui] a été causé par la durée de la procédure pénale».
25 – Point 72.
26 – Voir point 8 de l’arrêt attaqué.
27 – Voir note en bas de page 1 de la requête.
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