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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Nicula (Advocate General's Opinion) (French text) [2014] EUECJ C-331/13_O (15 May 2014) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2014/C33113_O.html Cite as: [2014] EUECJ C-331/13_O |
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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MELCHIOR Wathelet
présentées le 15 mai 2014 (1)
Affaire C‑331/13
Ilie Nicolae Nicula
contre
Administraţia Finanţelor Publice a Municipiului Sibiu,
Administraţia Fondului pentru Mediu
[demande de décision préjudicielle formée par Tribunalul Sibiu (Roumanie)]
«Remboursement d’une taxe incompatible avec le droit de Union – Limitation du montant de la restitution due au changement de la réglementation nationale»
I – Introduction
1. La présente affaire s’inscrit dans une longue liste d’affaires roumaines concernant la compatibilité avec l’article 110 TFUE de la taxe sur la pollution causée par les véhicules à moteur (2). En particulier, elle pose la question de savoir si les autorités fiscales roumaines ont le droit de garder au titre d’une nouvelle taxe de même nature et objet, nommée «timbre environnemental», la somme qui avait été perçue au titre de la taxe sur la pollution incompatible avec le droit de l’Union.
II – Le cadre juridique
A – Le droit de l’Union
2. L’article 110 TFUE prévoit:
«Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.
En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d’impositions intérieures de nature à protéger indirectement d’autres productions.»
3. Dans l’affaire Tatu (EU:C:2011:219), la Cour a interprété cet article dans le sens qu’«il s’oppose à ce qu’un État membre instaure une taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation dans cet État membre, si cette mesure fiscale est aménagée de telle manière qu’elle décourage la mise en circulation, dans ledit État membre, de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres, sans pour autant décourager l’achat de véhicules d’occasion de même ancienneté et de même usure sur le marché national» (3).
B – Le droit roumain
4. L’article 4 de l’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 9/2013 sur le timbre environnemental pour les véhicules à moteur (ci-après l’«OUG n° 9/2013») dispose:
«Le paiement du timbre est dû une seule fois, comme suit:
a) lors de l’inscription auprès de l’autorité compétente de l’acquisition du droit de propriété sur un véhicule à moteur par le premier propriétaire en Roumanie et de l’attribution d’un certificat d’immatriculation, ainsi que d’un numéro d’immatriculation;
b) lors de la réintroduction d’un véhicule à moteur dans le parc automobile national, dans le cas où, lors de son retrait du parc automobile national, la valeur résiduelle du timbre a été restituée au propriétaire […];
c) lors de la transcription du droit de propriété sur un véhicule à moteur d’occasion, pour lequel on n’a pas payé la taxe spéciale sur les voitures particulières et les véhicules à moteur, la taxe sur la pollution pour les véhicules à moteur, et la taxe sur les émissions polluantes des véhicules à moteur, conformément aux dispositions en vigueur au moment de son immatriculation;
d) lors de la transcription du droit de propriété sur un véhicule à moteur d’occasion pour lequel une juridiction a ordonné la restitution [de la taxe] ou dont elle a ordonné l’immatriculation sans paiement de la taxe spéciale sur les voitures particulières et les véhicules à moteur, de la taxe sur la pollution pour les véhicules à moteur, ou de la taxe sur les émissions polluantes des véhicules à moteur.»
5. Dans son paragraphe 1, l’article 12 de cette ordonnance d’urgence prévoit que:
«Dans le cas où la taxe spéciale sur les voitures particulières et les véhicules à moteur, la taxe sur la pollution pour les véhicules à moteur, ou la taxe sur les émissions polluantes des véhicules à moteur, qui a été acquittée, est plus élevée que le timbre résultant de l’application des présentes dispositions concernant le timbre environnemental, calculé en [lei roumains (RON)] au taux de change applicable lors de l’immatriculation ou de la transcription du droit de propriété sur un véhicule à moteur d’occasion, le montant représentant la différence peut être restitué, au seul redevable de l’obligation de payer, selon la procédure prévue dans les modalités d’application de la présente ordonnance d’urgence. La différence à restituer est calculée selon la formule de calcul prévue par la présente ordonnance d’urgence, en utilisant les éléments pris en compte au moment de l’immatriculation ou de la transcription du droit de propriété sur un véhicule à moteur d’occasion.»
III – Le litige au principal et la question préjudicielle
6. L’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 50/2008 établissant la taxe sur la pollution des véhicules automobiles (ci-après l’«OUG n° 50/2008»), laquelle est entrée en vigueur le 1er juillet 2008, a instauré une taxe sur la pollution pour les véhicules des catégories M1 à M3 et N1 à N3. L’obligation de payer cette taxe naissait notamment lors de la première immatriculation d’un véhicule automobile en Roumanie, grevant ainsi les véhicules d’occasion importés.
7. La Cour a déclaré qu’une taxe telle que cette taxe sur la pollution était contraire à l’article 110 TFUE au motif qu’elle «[avait] pour effet de dissuader l’importation et la mise en circulation en Roumanie de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres» (4). Pour la même raison, la Cour a jugé qu’il en était de même pour une taxe telle que la taxe sur la pollution instaurée par la loi n° 9/2012 (5), qui, le 13 janvier 2012, avait abrogé l’OUG n° 50/2008, avant d’être elle-même abrogée le 15 mars 2013 par l’OUG n° 9/2013.
8. Au cours de l’année 2009, M. Nicula a acheté un véhicule à moteur de marque BMW 320i immatriculé pour la première fois dans un autre État de l’Union européenne, à savoir l’Allemagne. En vue de l’immatriculation de ce véhicule en Roumanie, il a payé un montant de 5 153 RON (environ 1 200 euros) à titre de taxe sur la pollution, prévue par l’OUG n° 50/2008.
9. M. Nicula a déposé une demande de restitution de ce montant auprès des autorités fiscales roumaines et, à la suite de son rejet par ces dernières, un recours devant les juridictions roumaines.
10. Par jugement administratif n° 1497/CA/2012, le Tribunalul Sibiu (Roumanie) a fait droit au recours introduit par M. Nicula contre l’Agenția Fondului pentru Mediu (le service bénéficiaire de la taxe), a condamné cette défenderesse à restituer la taxe, après avoir constaté, sur la base de l’arrêt Tatu (EU:C:2011:219), l’incompatibilité de la taxe sur la pollution avec l’article 110 TFUE et a rejeté le recours introduit contre l’Administraţia Finanţelor Publice Sibiu (la collectrice de la taxe).
11. Le 25 janvier 2013, à la suite du pourvoi formé contre ce jugement, la Curtea de Apel de Alba-Iulia a cassé ledit jugement et renvoyé l’affaire devant le juge de première instance, en indiquant, aux fins de la nouvelle procédure de jugement, que, dans les litiges de ce type, la qualité de défendeur de l’action en restitution d’une taxe perçue en violation du droit de l’Union appartenait non seulement au bénéficiaire de cette taxe, mais aussi à son collecteur.
12. Après la réinscription de l’affaire au rôle du Tribunalul Sibiu, l’OUG n° 9/2013 sur le timbre environnemental est entrée en vigueur le 15 mars 2013.
13. Dans la situation concrète du requérant, le montant du timbre environnemental pour son véhicule s’établit à 8 126,44 RON, en application de l’OUG n° 9/2013, alors que la taxe sur la pollution payée antérieurement s’élevait à 5 153 RON.
14. Or, par l’effet de l’article 12, paragraphe 1, de l’OUG n° 9/2013, M. Nicula n’aurait plus le droit de récupérer la taxe sur la pollution et les intérêts y afférents, le montant qu’il avait payé étant retenu par les autorités fiscales et environnementales à titre de timbre environnemental, puisque la valeur du timbre environnemental était plus élevée que la taxe sur la pollution qu’il avait payée.
15. Dans ces circonstances, le Tribunalul Sibiu a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Les dispositions de l’article 6 du traité sur l’Union européenne, des articles 17, 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 110 TFUE, ainsi que les principes de sécurité juridique et de non reformatio in peius résultant du droit [de l’Union] et de la jurisprudence de la Cour [arrêts Belgocodex, C‑381/97, EU:C:1998:589 et Belbouab, 10/78, EU:C:1978:181], peuvent-ils être interprétés comme s’opposant à des dispositions telles que celles de l’[OUG] n° 9/2013?»
IV – La procédure devant la Cour
16. La demande de décision préjudicielle a été déposée à la Cour le 18 juin 2013. M. Nicula, le gouvernement roumain et la Commission européenne ont déposé des observations écrites.
17. Par sa lettre du 20 décembre 2013, le gouvernement roumain a sollicité l’attribution de l’affaire à la grande chambre. Conformément à l’article 16, troisième alinéa, de son statut, la Cour a accédé à cette demande. Lors de l’audience, le gouvernement roumain a justifié cette demande par la nécessité d’assurer la cohérence de la jurisprudence de la Cour relative à la taxation des véhicules d’occasion importés.
18. Au titre de l’article 101 de son règlement de procédure, la Cour a, le 14 février 2014, invité la juridiction de renvoi à fournir, pour le 5 mars 2014 au plus tard, des éclaircissements sur l’applicabilité de l’OUG n° 9/2013 au litige au principal. La réponse de la juridiction de renvoi est arrivée à la Cour le 4 mars 2014.
19. Une audience s’est tenue le 25 mars 2014, lors de laquelle M. Nicula, le gouvernement roumain ainsi que la Commission ont présenté leurs observations orales.
V – Analyse
A – Sur la recevabilité
20. Le gouvernement roumain considère que la présente demande de décision préjudicielle est irrecevable parce qu’une réponse à la question formulée par la juridiction de renvoi ne serait pas utile au règlement du litige au principal. Selon le gouvernement roumain, l’OUG n° 9/2013 ne s’applique pas au litige au principal pour deux raisons.
21. En premier lieu, le gouvernement roumain estime que la procédure extrajudiciaire de restitution des éventuelles différences entre les taxes payées en vertu d’actes normatifs antérieurs à l’OUG n° 9/2013 et le timbre environnemental, instaurée par l’article 12 de cette ordonnance d’urgence, ne concerne nullement la juridiction de renvoi et ne s’applique pas au litige au principal.
22. Le gouvernement roumain estime ainsi que cette procédure extrajudiciaire de restitution n’empêche pas la juridiction de renvoi d’ordonner la restitution de l’intégralité de la somme payée par M. Nicula au titre de la taxe sur la pollution.
23. En second lieu, le gouvernement roumain considère que, en vertu du principe «tempus regit actum», l’OUG n° 9/2013, qui est entrée en vigueur le 15 mars 2013, ne s’applique pas à la demande de remboursement de la taxe sur la pollution payée par M. Nicula en 2009. Par conséquent, la juridiction de renvoi ne devrait pas se considérer liée par l’article 12 de cette ordonnance d’urgence.
24. Au vu de ces arguments, la Cour a demandé à la juridiction de renvoi de prendre position sur l’applicabilité au litige au principal de l’OUG n° 9/2013, et notamment de son article 12.
25. Par sa réponse parvenue à la Cour le 13 mars 2014, la juridiction de renvoi a confirmé l’applicabilité de l’article 12 de l’OUG n° 9/2013 au litige au principal. Selon la juridiction de renvoi, l’interprétation de cette ordonnance d’urgence avancée par le gouvernement est dépourvue de tout fondement juridique et vide l’article 12 de ladite ordonnance de son contenu.
26. Selon une jurisprudence établie de la Cour, «dans le cadre d’une procédure visée à l’article [267 TFUE], fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence du juge national. Il appartient de même au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit [de l’Union], la Cour est, en principe, tenue de statuer» (6).
27. La juridiction de renvoi ayant confirmé l’applicabilité de l’OUG n° 9/2013 au litige au principal, il y a lieu d’écarter les objections du gouvernement roumain sur la recevabilité de la présente demande de décision préjudicielle.
B – Sur le fond
28. Par sa question, la juridiction souhaite savoir si des dispositions telles que celles de l’OUG n° 9/2013 sont conformes à l’article 110 TFUE, aux principes d’égalité en droit et de non-discrimination inscrits aux articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), au droit de propriété inscrit à l’article 17 de cette Charte, ainsi qu’aux principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité de la loi et de non reformatio in peius.
1. Les principes ou dispositions du droit de l’Union applicables en l’occurrence
29. L’essence du grief de M. Nicula est que l’article 12 de l’OUG n° 9/2013 perpétue la discrimination instaurée par la taxe sur la pollution entre les véhicules d’occasion importés en Roumanie et les véhicules déjà présents sur le marché roumain et qui étaient, à ce titre, exemptés de la taxe sur la pollution. À mon avis, dès lors, comme dans les affaires Tatu (EU:C:2011:219), Nisipeanu (EU:C:2011:466), Druţu (EU:C:2011:478), Micşa (EU:C:2011:479), Vijulan (EU:C:2011:477) et Câmpean et Administraţia Finanţelor Publice a Municipiului Alexandria (EU:C:2014:229), les règles applicables sont l’article 110 TFUE, qui interdit les taxes discriminatoires ainsi que le principe selon lequel toute taxe perçue en infraction du droit de l’Union, et en particulier de l’article 110 TFUE, doit être restituée au contribuable.
30. Selon l’article 52, paragraphe 2, de la Charte, «[l]es droits reconnus par la Charte qui font l’objet de dispositions dans les traités s’exercent dans les conditions et limites définies par ceux-ci». Par conséquent, il n’y a pas lieu, aux fins de l’interprétation du droit de l’Union par la Cour, d’examiner l’applicabilité au litige d’autres règles et principes contenus dans la Charte. Il en est de même pour les autres principes généraux cités par la juridiction de renvoi, qui pourrait toutefois se référer à ces règles et principes dans le cadre, par exemple, d’une analyse de constitutionnalité en droit roumain de l’OUG n° 9/2013.
2. Les arguments soumis à la Cour
31. M. Nicula considère que, en créant une nouvelle taxe sur la pollution appelée «timbre environnemental» et permettant au fisc roumain de ne restituer au contribuable que la différence entre le montant du timbre et celui déjà acquitté au titre de la taxe sur la pollution, l’OUG n° 9/2013 vise notamment à bloquer les démarches de restitution de la taxe sur la pollution dans toutes ces formes précédant le timbre environnemental.
32. De plus, M. Nicula considère que le timbre environnemental est lui-même contraire à l’article 110 TFUE, car il instaure une discrimination entre:
– d’une part, les propriétaires de véhicules d’occasion achetés dans un État membre autre que la Roumanie, tels que M. Nicula, qui ont payé la taxe sur la pollution lors de leur immatriculation en Roumanie et ne l’ont pas encore récupérée, pour lesquels le timbre environnemental est immédiatement exigible par la retenue d’une partie ou de la totalité de la taxe payée antérieurement, et
– d’autre part, les propriétaires de véhicules déjà immatriculés en Roumanie, pour lesquels le timbre environnemental n’est exigible que lors de l’éventuelle transcription du transfert du droit de propriété à un tiers.
33. M. Nicula ajoute que le timbre environnemental constitue aussi une charge fiscale discriminatoire dans le sens que l’OUG n° 9/2013 ne garantit pas que le montant de la taxe due sur les véhicules d’occasion importés d’un autre État membre ne dépasse pas le montant de la taxe résiduelle incorporée dans la valeur de véhicules similaires déjà immatriculés en Roumanie.
34. Le gouvernement roumain fait valoir que l’OUG nº 9/2013 respecte pleinement les règles énoncées dans l’arrêt Tatu (EU:C:2011:219). Il estime que le timbre environnemental se fonde sur des critères objectifs et transparents, tels que la cylindrée et la norme de pollution Euro ou les émissions de CO2 du véhicule. En outre, son montant tiendrait dûment compte de la valeur réelle sur le marché d’un véhicule d’occasion calculée depuis le moment de l’introduction du véhicule sur le marché et pourrait être contesté par voie administrative ou judiciaire, afin de démontrer une dépréciation plus importante que celle fixée en application du barème de dépréciation. Ainsi, soutient le gouvernement roumain, le timbre environnemental imposé aux véhicules importés n’excède pas le montant de la taxe résiduelle incorporé dans la valeur des véhicules automobiles d’occasion similaires déjà immatriculés sur le territoire national.
35. Le gouvernement roumain rappelle également que le paiement du timbre environnemental est obligatoire et exigible au moment de la première transcription du droit de propriété pour les véhicules se trouvant déjà dans le parc automobile national avant l’apparition dudit timbre, y compris pour les voitures pour lesquelles les taxes antérieures sur la pollution n’ont pas été acquittées, comme l’exigeaient les arrêts Tatu (EU:C:2011:219) et Nisipeanu (EU:C:2011:466).
36. Par conséquent, le gouvernement roumain conclut qu’une législation nationale telle que l’OUG n° 9/2013 n’est pas contraire à l’article 110 TFUE.
37. La Commission est d’avis que le régime instauré par l’OUG n° 9/2013 est contraire à l’article 110 TFUE parce qu’il s’applique rétroactivement à des événements imposables survenus avant l’entrée en vigueur de l’OUG nº 9/2013 et perpétue ainsi la pratique discriminatoire constatée par la Cour dans l’arrêt Tatu (EU:C:2011:219).
3. Appréciation
38. Il convient de rappeler d’emblée que, conformément à une jurisprudence constante, le droit d’obtenir le remboursement de taxes perçues par un État membre en violation du droit de l’Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions du droit de l’Union prohibant de telles taxes. L’État membre est donc tenu, en principe, de rembourser les impositions perçues en violation du droit de l’Union (7). De plus, lorsqu’un État membre a perçu des taxes en violation du droit de l’Union, les justiciables ont droit à la restitution non seulement de la taxe ainsi perçue, mais aussi des intérêts y afférents, et ce à partir du moment du paiement de la taxe (8).
39. Cette règle ne connaît qu’une seule exception, à savoir la répercussion de la taxe sur d’autres sujets (9) et est, en l’absence de réglementation au niveau de l’Union, soumise aux règles procédurales nationales, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité (10).
40. À ce propos, il importe de rappeler que la Cour a déjà jugé que, dans toutes ses versions, l’OUG nº 50/2008 instaurait un régime de taxation dissuasif de l’immatriculation, en Roumanie, de véhicules automobiles d’occasion achetés dans d’autres États membres et, de ce fait, contraire à l’article 110 TFUE (11).
41. Par conséquent, la Roumanie est tenue de restituer la taxe sur la pollution à M. Nicula.
42. Cela dit, les États membres peuvent imposer de nouvelles taxes sur les véhicules pour des raisons de politique environnementale ou de politique générale au moyen de nouvelles dispositions législatives pour autant que ces impositions ne soient pas de nature à décourager l’importation de biens originaires d’autres États membres au profit de produits nationaux et ainsi n’enfreignent pas l’article 110 TFUE (12).
43. Il me semble donc que, à l’issue notamment de l’arrêt Tatu, (EU:C:2011:219), les autorités roumaines avaient en réalité à choisir entre deux options afin de se conformer à leurs obligations émanant du droit de l’Union: soit abolir la taxe sur la pollution et rembourser les montants perçus au titre de cette taxe aux contribuables qui l’avaient déjà payée en introduisant ou non une nouvelle taxe conforme à l’article 110 TFUE pour le futur, soit maintenir la taxe sur la pollution (sous n’importe quel nom), mais l’exiger également immédiatement des propriétaires de voitures d’occasion déjà immatriculées en Roumanie.
44. Au lieu de choisir une de ces options, le gouvernement roumain a en réalité opté, avec l’OUG n° 9/2013, pour un régime qui impose sur tous les véhicules, importés ou non, une nouvelle taxe à partir d’une date future tout en permettant aux autorités fiscales de conserver les sommes illégalement perçues au titre de la taxe sur la pollution jusqu’au moment d’une prochaine transcription du droit de propriété du véhicule en cause qui déclenchera le paiement du timbre environnemental.
45. En effet, comme l’affirme la juridiction de renvoi, l’article 12 de l’OUG n° 9/2013 limite la restitution de la taxe sur la pollution perçue en vertu de l’OUG n° 50/2008 à la différence entre le montant du timbre environnemental et la taxe sur la pollution. Le montant acquitté antérieurement est donc retenu au titre du timbre environnemental, tandis que, pour les véhicules déjà immatriculés en Roumanie au moment de l’entrée en vigueur de l’OUG n° 50/2008 et qui étaient, à ce titre, exemptés de cette taxe, le timbre environnemental ne devient exigible que lors de la prochaine transcription du droit de propriété sur ces véhicules.
46. La question se pose donc de savoir si un État membre peut refuser la restitution d’une taxe contraire au droit de l’Union par l’introduction d’une nouvelle taxe éventuellement exigible dans le futur et d’une base légale qui permet au fisc de conserver le montant perçu au titre de la taxe déclarée contraire au droit de l’Union, jusqu’au moment où la nouvelle taxe devient exigible, la compensation entre les deux taxes s’effectuant à ce même moment.
47. Dans ce contexte, même si la présente affaire concerne la restitution de la taxe sur la pollution et non l’imposition du timbre environnemental, il convient d’examiner si la combinaison des articles 4 et 12 de l’OUG n° 9/2013, qui postpose la restitution de la taxe sur la pollution à la date où le timbre environnemental devient exigible, et pour autant que le montant de la taxe sur la pollution excède ce timbre, respecte l’obligation de restituer les taxes perçues en violation du droit de l’Union tout en éliminant la discrimination, interdite par l’article 110 TFUE, qu’avait instaurée l’OUG n° 50/2008. Même si, lors de l’audience, M. Nicula et le gouvernement roumain ont amplement débattu de la méthode de calcul du timbre environnemental, la présente affaire ne concerne que le remboursement de la taxe sur la pollution. La compatibilité de la méthode de calcul du timbre environnemental avec l’article 110 TFUE ne fait donc pas partie de la question préjudicielle.
a) La cohérence de la jurisprudence de la Cour concernant les véhicules à moteur d’occasion importés
48. Lors de l’audience, le gouvernement roumain a justifié sa demande d’attribuer la présente affaire à la grande chambre en alléguant l’existence d’une incohérence entre, d’une part, l’arrêt Nádasdi et Németh (13) et, d’autre part, les arrêts Tatu (14) et Nisipeanu (15).
49. Selon ce même gouvernement, il n’est pas possible de réconcilier l’arrêt Nádasdi et Németh, où la Cour a jugé qu’«[u]ne comparaison [des véhicules d’occasion nouvellement importés en Hongrie] avec les véhicules d’occasion mis en circulation en Hongrie avant l’entrée en vigueur de la loi relative à la taxe d’immatriculation ne serait pas pertinente» (16), avec les arrêts Tatu et Nisipeanu, où la Cour a examiné la neutralité de la taxe sur la pollution entre les véhicules d’occasion importés et les véhicules d’occasion similaires qui ont été immatriculés sur le territoire national avant l’entrée en vigueur de l’OUG n° 50/2008 (17).
50. Je rappelle que, contrairement aux affaires Nádasdi et Németh, Tatu et Nisipeanu, la présente affaire concerne un recours en restitution d’une taxe déclarée incompatible avec l’article 110 TFUE et non pas la compatibilité du timbre environnemental avec cet article. Par conséquent, la question de l’unité de la jurisprudence de la Cour soulevée par le gouvernement roumain ne se pose pas, les arrêts de référence pour la taxe sur la pollution en cause dans la présente affaire étant incontestablement les arrêts Tatu et Nisipeanu largement postérieurs à l’arrêt Nádasdi et Németh.
b) La compatibilité d’une règle telle que celle prévue à l’article 4 de l’OUG n° 9/2013 avec l’article 110 TFUE
51. Il est constant que l’article 110, premier alinéa, TFUE impose une neutralité parfaite de la taxation interne au regard de la concurrence entre produits se trouvant déjà sur le marché national et les produits similaires importés (18).
52. Il s’impose donc d’examiner si l’article 4 de l’OUG n° 9/2013 soumet à la même taxe les véhicules d’occasion importés et les véhicules d’occasion immatriculés en Roumanie avant l’entrée en vigueur de l’OUG n° 50/2008 et qui étaient à ce titre exemptés de la taxe sur la pollution.
53. Je suis d’avis que les points c) et d) de cet article 4, tels qu’ils sont libellés, ne sont pas entachés de la discrimination constatée dans l’arrêt Tatu (EU:C:2011:219), puisque les véhicules d’occasion immatriculés en Roumanie avant l’entrée en vigueur de l’OUG n° 50/2008 et qui étaient à ce titre exemptés de la taxe sur la pollution sont soumis à la nouvelle taxe, tout comme les véhicules d’occasion pour lesquels une juridiction roumaine, à la suite de l’arrêt Tatu, avait ordonné soit la restitution de la taxe sur la pollution, soit l’immatriculation sans paiement de la taxe sur la pollution.
54. Non seulement le timbre environnemental est applicable en son principe aux deux catégories précitées, mais il est également exigible au même moment, à savoir lors de la prochaine transcription du droit de propriété.
55. Cette appréciation devrait donc conduire au remboursement à M. Nicula de la taxe sur la pollution incompatible avec le droit de l’Union, le nouveau timbre environnemental ne pouvant éventuellement lui être imposé que lors de la prochaine transcription du droit de propriété sur son véhicule.
56. Comme la juridiction de renvoi estime que l’article 12 de l’OUG n° 9/2013 est aussi applicable au litige en cause, il convient d’examiner également la compatibilité avec le droit de l’Union d’une règle telle que celle prescrite par cet article, qui prévoit que la taxe sur la pollution (en l’occurrence payée par M. Nicula) peut lui être remboursée si et dans la mesure où elle est supérieure au timbre environnemental qui devrait être acquitté sur le véhicule en cause.
c) La compatibilité d’une règle telle que celle prescrite par l’article 12 de l’OUG n° 9/2013 avec l’article 110 TFUE et l’obligation de restituer une taxe perçue en violation du droit de l’Union
57. Je rappelle que la discrimination instaurée par l’OUG n° 50/2008 consistait dans le fait que la taxe sur la pollution «[avait] pour effet que des véhicules d’occasion importés et caractérisés par une ancienneté et une usure importantes [étaient] […] frappés d’une taxe qui [pouvait] avoisiner 30 % de leur valeur marchande, tandis que des véhicules similaires mis en vente sur le marché national des véhicules d’occasion [n’étaient] aucunement grevés d’une telle charge fiscale» (19). Sur cette base, la Cour avait jugé que la taxe sur la pollution «[avait] pour effet de dissuader l’importation et la mise en circulation en Roumanie de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres» (20).
58. Selon le gouvernement roumain, la Roumanie s’est conformée aux arrêts Tatu (EU:C:2011:219) et Nisipeanu (EU:C:2011:466) en adoptant l’article 4, sous c), de l’OUG n° 9/2013, étendant l’imposition du timbre environnemental aux véhicules déjà immatriculés en Roumanie et qui étaient exemptés de la taxe sur la pollution, et ce dès le prochain changement de propriété sur ces véhicules.
59. Je pense au contraire que l’article 12 de cette ordonnance d’urgence (dont le gouvernement roumain estimait qu’il n’était pas applicable au litige en cause) (21) ne permet pas d’éliminer les discriminations créées par la législation antérieure.
60. En effet, l’effet de cet article est de permettre au fisc de retenir la somme déjà perçue au titre de la taxe sur la pollution jusqu’au moment d’une éventuelle transcription du droit de propriété sur le véhicule en cause. Et cela sans prendre en compte les intérêts qui seraient dus aux contribuables qui ont payé la taxe sur la pollution ni prévoir un mécanisme de restitution de cette taxe et de paiement des intérêts y afférents dans l’hypothèse où il n’y aurait plus dans le futur de transcription du droit de propriété sur ce véhicule.
61. Comme le relève M. Nicula, la transcription du droit de propriété sur un véhicule d’occasion qui était déjà immatriculé en Roumanie au moment de l’entrée en vigueur de l’OUG n° 50/2008 ou qui, comme celui de M. Nicula, a été importé lorsque cette ordonnance d’urgence était en vigueur n’est nullement certaine, car une partie importante de ces véhicules peuvent être d’une grande ancienneté. Le même résultat est possible si le véhicule en cause a été volé ou détruit.
62. Par conséquent, comme le relève la Commission, le timbre environnemental ne s’applique pas de la même manière à toutes les transactions qui ont eu lieu pendant la période d’application de l’OUG n° 50/2008. Même s’il s’applique aux véhicules d’occasion qui étaient déjà immatriculés en Roumanie et qui étaient, à ce titre, exemptés de la taxe sur la pollution, il ne sera dû que lors du premier transfert du droit de propriété sur ce véhicule qui suivra l’entrée en vigueur de l’OUG n° 9/2013, alors que l’article 12 permet au fisc de ne pas restituer la somme de la taxe sur la pollution qui a déjà été perçue, en violation de l’article 110 TFUE, sur les véhicules d’occasion importés dès l’entrée en vigueur de l’OUG n° 50/2008.
63. Le gouvernement roumain essaie de justifier cette différence de traitement en soutenant que certaines différences de traitement de situations comparables sont inhérentes à une intervention législative rétablissant la légalité à la suite d’un arrêt de la Cour déclarant la non-conformité d’une règle de droit national avec le droit de l’Union. Je ne partage pas cette position qui compromet l’efficacité et l’uniformité d’application du droit de l’Union. Au contraire, à la suite de la constatation d’une violation du droit de l’Union de la part de la Cour, les États membres sont tenus de réparer cette violation et d’éliminer toutes ses conséquences.
64. Je considère donc, comme la Commission, que l’article 12 de l’OUG n° 9/2013 n’est pas compatible avec l’article 110 TFUE et viole l’obligation incombant à la Roumanie de restituer la taxe sur la pollution perçue en violation du même article du traité.
65. Dans ces circonstances, le montant de la taxe sur la pollution accompagné des intérêts y afférents doit être restitué à M. Nicula.
66. Il convient donc de répondre à la question posée par la juridiction de renvoi que l’article 110 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un régime national de taxation des véhicules, tel que celui instauré par les articles 4 et 12 de l’OUG n° 9/2013.
C – Sur la limitation des effets de l’arrêt dans le temps
67. Dans l’hypothèse où la Cour jugerait que l’article 110 TFUE s’oppose à un régime de taxation tel que celui en cause, le gouvernement roumain demande à la Cour de limiter dans le temps les effets de sa décision.
1. Les arguments du gouvernement roumain
68. Le gouvernement roumain soutient qu’il a agi de bonne foi en instituant le régime de taxation en cause avec la volonté de respecter les arrêts Tatu (EU:C:2011:219) et Nisipeanu (EU:C:2011:466). Il ajoute que la restitution des sommes perçues provoquerait des troubles graves pour l’État roumain.
69. Lors de l’audience, le gouvernement roumain a fait valoir que la somme totale perçue sur le fondement de l’OUG n° 9/2013 (22) s’élèverait à 3 288 565 944 RON (environ 750 millions d’euros). Selon ses propres estimations, les intérêts sur cette somme excéderaient le montant de 1 583 545 688 RON (environ 360 millions d’euros), ce qui porterait la somme totale grevant le budget roumain à environ 1,1 milliard d’euros. Selon le gouvernement roumain, ce montant représenterait 36,5 % du déficit prévu dans le budget 2013 et sa restitution pourrait mettre en cause les programmes et les projets envisagés pour la protection de l’environnement.
70. De plus, souligne le gouvernement roumain, le budget roumain pour l’année 2013 présente un déficit de 2,97 milliards d’euros et la restitution des sommes perçues et des intérêts y afférents creuserait le déficit budgétaire de 0,8 %, ce qui mettrait en péril le respect de l’obligation imposée à la Roumanie par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire de réduire autant que possible le déficit budgétaire.
71. Lors de l’audience également, M. Nicula a contesté la fiabilité des chiffres avancés par le gouvernement roumain en se fondant sur les chiffres publiés par l’Administraţia Fondului pentru Mediu (l’Administration du fonds pour l’environnement), selon lesquels le montant reçu en 2013 au titre du timbre environnemental à la suite de l’entrée en vigueur de l’OUG n° 9/2013 s’élevait à environ 730 millions de RON et non à 3 288 565 944 RON. M. Nicula conteste également le montant de 1 583 545 688 RON d’intérêts, mais sans donner un chiffre alternatif. Selon lui, le montant total à restituer ne représente que 0,83 % du budget roumain pour l’année 2013.
72. Lors de sa réplique, le gouvernement roumain n’a pas contesté les chiffres donnés par M. Nicula.
2. Appréciation
73. Il convient de rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence constante, l’interprétation que la Cour donne d’une règle de droit de l’Union, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 TFUE, éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis son entrée en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle se trouvent réunies (23).
74. En invoquant une jurisprudence constante de la Cour, j’indiquais dans mes conclusions dans l’affaire T-Mobile Austria: «[c]e n’est […] qu’à titre tout à fait exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique de l’Union, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Pour qu’une telle limitation puisse être décidée, il est nécessaire que deux critères essentiels soient réunis, à savoir la bonne foi des milieux intéressés et le risque de troubles graves» (24).
75. À mon avis, aucun de ces deux éléments n’est présent en l’occurrence.
76. Quant au critère de la bonne foi, le gouvernement roumain fait observer que l’OUG n° 9/2013 a été adoptée dans le but d’assurer le respect des obligations imposées à la Roumanie par l’article 110 TFUE, tel qu’interprété par la Cour dans les arrêts Tatu (EU:C:2011:219) et Nisipeanu (EU:C:2011:466).
77. Or, en introduisant une applicabilité différente pour les véhicules importés et les véhicules déjà immatriculés en Roumanie, l’OUG n° 9/2013 perpétue, pour les raisons que j’ai données aux points 59 à 64 des présentes conclusions, la discrimination initialement instaurée par l’OUG n° 50/2008, ce que le gouvernement roumain ne pouvait ignorer.
78. Lorsque le critère de bonne foi n’est pas rempli, «il n’est pas nécessaire de vérifier s’il est satisfait au second critère […] relatif au risque de troubles graves» (25). À toutes fins utiles pour la Cour, je présente toutefois ci-dessous quelques éléments de réflexion sur ce second critère.
79. Je rappelle tout d’abord que le gouvernement roumain avait déjà demandé la limitation dans le temps des effets de l’arrêt Nisipeanu (EU:C:2011:466). À cette occasion, la Cour a jugé que «l’existence de conséquences financières découlant pour un État membre d’un arrêt rendu à titre préjudiciel ne justifie pas, par elle-même, la limitation des effets de cet arrêt dans le temps […]. Il incombe à l’État membre sollicitant une telle limitation de produire, devant la Cour, des données chiffrées établissant le risque de répercussions économiques graves […]» (26).
80. La demande du gouvernement roumain fut rejetée au motif que, «en l’absence de données chiffrées plus précises et permettant de conclure que l’économie roumaine risque d’être sérieusement perturbée par les répercussions du présent arrêt, la condition portant sur l’existence de troubles graves ne saurait être considérée comme établie» (27).
81. À mon avis, les chiffres avancés par le gouvernement roumain et le désaccord des parties sur ces estimations sont sans incidence, parce que la présente affaire ne porte pas sur la question de la restitution des montants perçus au titre de l’OUG n° 9/2013, mais de la restitution des montants perçus au titre de la législation antérieure, et notamment l’OUG n° 50/2008. Ainsi, en l’absence de données chiffrées précises et permettant de conclure que l’économie roumaine risque d’être sérieusement perturbée par les répercussions du présent arrêt, je considère que, comme dans l’affaire Nisipeanu (EU:C:2011:466), la condition portant sur l’existence de troubles graves n’est pas établie.
82. En tout état de cause, comme je l’ai dit au point 43 des présentes conclusions, à l’issue de l’arrêt Tatu (EU:C:2011:219), le gouvernement roumain avait le choix soit d’abolir la taxe sur la pollution et de restituer les montants perçus au titre de cette taxe aux contribuables qui l’avaient déjà payée, soit de maintenir la taxe sur la pollution (sous n’importe quel nom), mais de l’exiger de façon prompte et immédiate auprès des propriétaires de voitures d’occasion déjà immatriculées en Roumanie qui étaient, à ce titre, exemptées de la taxe sur la pollution.
83. Étant donné que, en adoptant l’OUG n° 9/2013, le gouvernement roumain a fait le choix de maintenir la taxe sur la pollution sous la forme du timbre environnemental, il suffisait, pour éviter cette perturbation budgétaire et éliminer la discrimination instaurée par l’OUG n° 50/2008, de prélever le timbre environnemental sur les véhicules d’occasion déjà immatriculés en Roumanie qui avaient échappé à la taxe sur la pollution, et ce immédiatement et non pas lors de la prochaine transcription du droit de propriété sur ces véhicules.
84. Par conséquent, même si, sous le régime actuel, M. Nicula a droit à la restitution de la taxe sur la pollution qu’il avait acquittée en 2009, la Roumanie peut éviter tout risque budgétaire en modifiant l’OUG n° 9/2013, de façon à imposer le paiement du timbre environnemental aux propriétaires de véhicules d’occasion déjà immatriculés en Roumanie lors de l’entrée en vigueur de l’OUG n° 50/2008 et qui étaient à l’époque exemptés de la taxe sur la pollution.
85. Il résulte de ces considérations qu’il n’y a pas lieu de limiter dans le temps les effets de l’arrêt.
VI – Conclusion
86. Je propose donc à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le Tribunalul Sibiu de la manière suivante:
«L’article 110 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un régime national de taxation des véhicules, tel que celui instauré par les articles 4 et 12 de l’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 9/2013 sur le timbre environnemental pour les véhicules à moteur.»
1 – Langue originale: le français.
2 – Voir arrêts Tatu (C‑402/09, EU:C:2011:219) et Nisipeanu (C‑263/10, EU:C:2011:466) ainsi qu’ordonnances Druţu (C‑438/10, EU:C:2011:478); Micşa (C‑573/10, EU:C:2011:479); Vijulan (C‑335/10, EU:C:2011:477), et Câmpean et Administraţia Finanţelor Publice a Municipiului Alexandria (C‑97/13 et C‑214/13, EU:C:2014:229).
3 – Point 61.
4 – Ibidem (point 58). Les versions modificatives de l’OUG n° 50/2008 ont également été jugées contraires au droit de l’Union par l’arrêt Nisipeanu (EU:C:2011:466) et les ordonnances Druţu (EU:C:2011:478); Micşa (EU:C:2011:479) et Vijulan (EU:C:2011:477).
5 – Voir ordonnance Câmpean et Administraţia Finanţelor Publice a Municipiului Alexandria (EU:C:2014:229, points 31 à 33).
6 – Arrêt Zurita García et Choque Cabrera (C‑261/08 et C‑348/08, EU:C:2009:648, point 34). Voir également, en ce sens, arrêts IKA (C‑326/00, EU:C:2003:101, point 27); Keller (C‑145/03, EU:C:2005:211, point 33); Conseil général de la Vienne (C‑419/04, EU:C:2006:419, point 19), et Gómez-Limón Sánchez-Camacho (C‑537/07, EU:C:2009:462, point 24).
7 – Voir arrêts San Giorgio (199/82, EU:C:1983:318, point 12); Metallgesellschaft e.a. (C‑397/98 et C‑410/98, EU:C:2001:134, point 84); Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑446/04, EU:C:2006:774, point 202), et Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation (C‑362/12, EU:C:2013:834, point 30).
8 – Voir arrêt Irimie (C‑565/11, EU:C:2013:250, point 29).
9 – Voir, notamment, arrêt Lady & Kid e.a. (C‑398/09, EU:C:2011:540, point 20).
10 – Voir, par exemple, arrêts Danfoss et Sauer-Danfoss (C‑94/10, EU:C:2011:674, point 24 et jurisprudence citée) et Irimie (EU:C:2013:250, point 23).
11 – Arrêt Nisipeanu (EU:C:2011:466, points 27 à 29). Voir aussi, en ce qui concerne l’OUG n° 9/2012, ordonnance Câmpean et Administraţia Finanţelor Publice a Municipiului Alexandria (EU:C:2014:229, points 31 à 33).
12 – Arrêt Nádasdi et Németh (C‑290/05 et C‑333/05, EU:C:2006:652, point 49).
13 – EU:C:2006:652.
14 – EU:C:2011:219.
15 – EU:C:2011:466.
16 – EU:C:2006:652, point 49.
17 – EU:C:2011:219, point 38, et EU:C:2011:466, point 20.
18 – Voir arrêts Commission/Danemark (C‑47/88, EU:C:1990:449, points 8 et 9) et Tatu (EU:C:2011:219, point 34).
19 – Arrêt Tatu (EU:C:2011:219, point 58).
20 – Idem.
21 – Position que la juridiction de renvoi a rejetée dans sa réponse écrite à la demande d’éclaircissements que lui a adressée la Cour.
22 – À une question que je lui ai posée à l’audience, le gouvernement roumain a confirmé qu’il parlait bien des sommes perçues sur la base de l’OUG n° 9/2013.
23 – Voir arrêts Barreira Pérez (C‑347/00, EU:C:2002:560, point 44); Linneweber et Akritidis (C‑453/02 et C‑462/02, EU:C:2005:92, point 41), et Meilicke e.a. (C‑292/04, EU:C:2007:132, point 34).
24 – Conclusions T-Mobile Austria (C‑616/11, EU:C:2013:691, point 96). Voir arrêts Vroege (C‑57/93, EU:C:1994:352, point 21); Cooke (C‑372/98, EU:C:2000:558, point 42); Skov et Bilka (C‑402/03, EU:C:2006:6, point 51); Nádasdi et Németh (EU:C:2006:652, point 63); Brzeziński (C‑313/05, EU:C:2007:33, point 56); Kalinchev (C‑2/09, EU:C:2010:312, point 50), et Santander Asset Management SGIIC e.a. (C‑338/11 à C‑347/11, EU:C:2012:286, point 59).
25 – Arrêt Transportes Jordi Besora (C‑82/12, EU:C:2014:108, point 47).
26 – Point 34.
27 – Ibidem (point 36).
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