De Loecker v EEAS (Judgment) French Text [2015] EUECJ F-28/14 (09 September 2015)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/F2814.html
Cite as: ECLI:EU:F:2015:101, EU:F:2015:101, [2015] EUECJ F-28/14

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ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

9 septembre 2015 (*)

« Fonction publique – Personnel du SEAE – Agent temporaire – Chef de délégation dans un pays tiers – Rupture du lien de confiance – Transfert au siège du SEAE – Résiliation anticipée du contrat d’engagement – Préavis – Motivation de la décision – Article 26 du statut – Droits de la défense – Droit d’être entendu »

Dans l’affaire F‑28/14,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Stéphane De Loecker, agent temporaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté initialement par Mes J.-N. Louis et D. de Abreu Caldas, avocats, puis par Mes J.-N. Louis et N. de Montigny, avocats,

partie requérante,

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par M. S. Marquardt et Mme M. Silva, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de MM. K. Bradley, président, H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 28 mars 2014, M. De Loecker demande l’annulation de la décision du haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après le « haut représentant »), du 20 décembre 2013, de mettre fin, avec effet au 31 mars 2014, à son contrat d’agent temporaire, l’annulation des décisions du haut représentant de refuser de l’entendre suite à sa plainte pour harcèlement contre le directeur général administratif du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), de rejeter sa demande de désigner un enquêteur externe de très haut niveau pour examiner cette plainte et de faire traiter ladite plainte comme demande d’assistance par les services compétents de la Commission européenne, ainsi que l’adoption de mesures d’instruction.

 Cadre juridique

2        L’article 41, intitulé « Droit à une bonne administration », de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose :

« 1.      Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.

2.      Ce droit comporte notamment :

a)      le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;

[…]

c)      l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.

[…] »

3        L’article 2, sous e), du règlement applicable aux autres agents de l’Union européenne, dans sa version en vigueur à la date des décisions faisant l’objet du présent recours (ci-après le « RAA »), dispose qu’est considéré comme agent temporaire, au sens du RAA, « le personnel détaché des services diplomatiques nationaux des États membres engagé pour occuper temporairement un poste permanent au SEAE ».

4        L’article 47 du RAA se lit comme suit :

« Indépendamment du cas de décès de l’agent temporaire, l’engagement de ce dernier prend fin :

[…]

b)      pour les contrats à durée déterminée :

[…]

ii)      à l’issue du préavis fixé dans le contrat et donnant à l’agent ou à l’institution la faculté de résilier celui-ci avant son échéance. Le préavis ne peut être inférieur à un mois par année de service, avec un minimum d’un mois et un maximum de trois mois. Pour l’agent temporaire dont l’engagement a été renouvelé, le maximum est de six mois. […] En cas de résiliation du contrat par l’institution, l’agent a droit à une indemnité égale au tiers de son traitement de base pour la période comprise entre la date de cessation de ses fonctions et la date à laquelle expirait son contrat ;

[…] »

5        La décision 2010/427/UE du Conseil, du 26 juillet 2010, fixant l’organisation et le fonctionnement du [SEAE] (JO L 201, p. 30), dispose à l’article 5, intitulé « Délégations de l’Union » :

« […]

2.      Chaque délégation de l’Union est placée sous l’autorité d’un chef de délégation.

Le chef de délégation exerce son autorité sur tous les membres du personnel qui composent la délégation, quel que soit leur statut, et sur toutes les activités de cette dernière. Il est responsable, devant le haut représentant, de la gestion globale des travaux de la délégation, ainsi que de la coordination de toutes les actions de l’Union.

Le personnel des délégations comprend des membres du personnel du SEAE et, si cela est approprié pour la mise en œuvre du budget de l’Union et de politiques de l’Union autres que celles relevant du mandat du SEAE, des membres du personnel de la Commission.

3.      Le chef de délégation reçoit ses instructions du haut représentant et du SEAE et est responsable de leur exécution.

Dans les domaines où elle exerce les attributions que lui confèrent les traités, la Commission peut également, conformément à l’article 221, paragraphe 2, […] TFUE, donner aux délégations des instructions qui sont exécutées sous la responsabilité générale du chef de délégation.

[…] »

6        Le 18 janvier 2011, le requérant et le SEAE ont signé un contrat d’engagement. Conformément à l’article 1er dudit contrat :

« Le SEAE emploie [le requérant] en tant qu’agent temporaire, au sens de l’article 2[, sous] e, du [RAA], à partir du 1[er janvier] 2011.

À la signature du présent contrat, le membre du personnel est soumis au [RAA] ainsi qu’aux règles sur l’impôt communautaire. […] »

7        Selon l’article 2 du contrat d’engagement :

« Le membre du personnel est employé en tant que [c]hef de la [d]élégation de l’Union européenne au Burundi.

Le lieu d’affectation est Bujumbura – Burundi. »

8        L’article 4 du contrat d’engagement est libellé comme suit :

« Ce contrat [est conclu pour] une durée déterminée de quatre ans. »

9        Aux termes de l’article 5, sous b), du contrat d’engagement :

« L’institution ou le membre du personnel peuvent mettre fin au présent contrat pour toute raison prévue aux articles 47 à 50 du [RAA], pourvu que les conditions établies dans ces articles soient respectées.

Pour les besoins de l’article 47[, sous b),] du [RAA], le préavis sera de trois mois. En cas de renouvellement du contrat, le préavis sera de six mois au maximum. »

 Faits à l’origine du litige

10      Le requérant, agent détaché des services diplomatiques belges, a été recruté par le SEAE dans le cadre d’un contrat de quatre ans en qualité d’agent temporaire, au sens de l’article 2, sous e), du RAA, pour occuper, à compter du 1er janvier 2011, le poste de chef de la délégation de l’Union européenne à Bujumbura (Burundi) (ci-après la « délégation »).

11      Au cours de l’année 2012, suite à une plainte introduite, entre autres, par l’assistante du requérant, une enquête administrative a été ouverte à l’encontre de celui-ci sur la base d’allégations de harcèlement moral à l’égard du personnel de la délégation, de comportement inapproprié en public et de manquement aux règles administratives (ci-après l’« enquête administrative de 2012 »).

12      Par courrier du directeur général administratif du SEAE (ci-après le « directeur général administratif ») du 19 septembre 2012, le requérant a été informé, avec invitation à présenter ses commentaires dans les dix jours suivant la réception de ce courrier, des conclusions provisoires de l’enquête administrative de 2012. Selon le directeur général administratif, s’agissant des allégations de harcèlement moral, aucun des faits examinés au cours de l’enquête ne remplissait les conditions prévues au statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version alors en vigueur (ci-après le « statut »), pour pouvoir être qualifié de conduite abusive et répétitive relevant du harcèlement moral ; s’agissant des allégations de comportement inapproprié en public et de manquement aux règles administratives, aucun témoignage direct n’accréditait l’existence d’actes ou de comportements du requérant susceptibles de porter atteinte à la dignité de sa fonction ni non plus de situations susceptibles de porter atteinte à son indépendance dans l’exercice de ses fonctions ou encore à la défense des intérêts de l’Union. Il ressort toutefois de ce courrier que l’enquête administrative de 2012 avait permis d’établir, d’une part, que le requérant n’avait pas respecté les règles administratives relatives à l’utilisation des véhicules de service, car il avait régulièrement utilisé à des fins privées les véhicules de la délégation, et, d’autre part, qu’il s’était trouvé en situation manifeste de conflit d’intérêts au sens de l’article 11 bis du statut, car il avait délibérément octroyé plusieurs marchés de travaux de peinture à une entreprise appartenant à son beau-frère.

13      Par note du 27 septembre 2012, le requérant a apporté des précisions aux conclusions provisoires de l’enquête administrative de 2012.

14      Le 8 novembre 2012, le rapport de l’enquête administrative de 2012 a été adopté. Dans ce rapport, les conclusions provisoires ont, en substance, été entérinées.

15      Par note du 9 novembre 2012, le requérant a été informé par le directeur général administratif que l’enquête administrative de 2012 n’avait révélé aucun élément sérieux de nature à caractériser des faits de harcèlement moral, ni mis en évidence des actes ou des comportements susceptibles de porter atteinte à la dignité de sa fonction, de compromettre son indépendance dans l’exercice de ses fonctions ou la défense des intérêts de l’Union.

16      Par une seconde note du même jour, le requérant a été informé par le directeur général administratif que, suite au courrier du 19 septembre 2012 qui lui avait notifié les conclusions provisoires de l’enquête administrative de 2012 et à sa note en réponse du 27 septembre suivant, il avait décidé de n’adopter aucune sanction disciplinaire, mais de lui adresser toutefois une mise en garde, conformément aux dispositions de l’article 3, sous b), de l’annexe IX du statut. Par la même note, le requérant a été invité à prêter attention au respect des règles relatives à l’utilisation des véhicules de la délégation, ainsi qu’à celles relatives aux conflits d’intérêts dans l’attribution des marchés publics. Il était précisé que la mise en garde était versée à son dossier individuel et que, passé un délai de 18 mois, le requérant pourrait demander à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement du SEAE (ci-après l’« AHCC ») de supprimer de son dossier la décision sur la mise en garde.

17      Le 6 juin 2013, le directeur de la direction « Afrique de l’Ouest et centrale » de la direction générale (DG) « Développement et coopération – EuropeAid » de la Commission (ci-après la « DG ‘Développement et coopération’ ») a transmis au requérant une note contenant des commentaires sur le rapport, rédigé par le requérant et son équipe, relatif à la gestion de l’aide extérieure couvrant la période allant de janvier à décembre 2012 (ci-après la « note du 6 juin 2013 »).

18      Du 10 au 14 juin 2013, la délégation a fait l’objet d’une inspection par une mission commune du service d’appui et d’évaluation des délégations du SEAE et de la DG « Développement et coopération » (ci-après la « mission d’évaluation »). Le projet de rapport de la mission d’évaluation a fait état de manquements graves dans la gestion de la délégation par le requérant, tant au niveau de la direction que de l’organisation et de la gestion des conflits entre les membres du personnel. Dix-sept recommandations étaient jointes audit projet, dont le rappel immédiat du requérant au siège du SEAE pour consultation.

19      Le 24 juin 2013, le directeur général administratif a téléphoné au requérant pour l’informer de son rappel en urgence au siège du SEAE à Bruxelles (Belgique) pour consultation.

20      Le 27 juin 2013, un entretien a eu lieu à Bruxelles entre le requérant et le directeur général administratif, au cours duquel le requérant a reçu un extrait du projet de rapport de la mission d’évaluation le concernant (ci-après l’« entretien du 27 juin 2013 »).

21      Le 4 juillet 2013, également à Bruxelles, s’est tenue une réunion, présidée par le directeur exécutif du département « Afrique » du SEAE, entre un panel de plusieurs membres de la hiérarchie du SEAE et le requérant afin de permettre à celui-ci de faire valoir ses observations orales sur le projet de rapport de la mission d’évaluation qui lui avait été entretemps transmis dans sa totalité (ci-après la « réunion du 4 juillet 2013 » ou la « réunion du 4 juillet suivant »). Lors de cette réunion, un délai de cinq jours ouvrables a été accordé au requérant pour formuler des observations écrites. Selon le requérant, il aurait été informé au début de la réunion par le président de séance de ce que « la décision de principe [de le rappeler au siège] [avait] déjà [été] prise » et que « cette réunion était la dernière occasion d’apporter des précisions dûment étayées par des preuves, qui pourraient éventuellement modifier la décision prise par le [directeur général administratif] de ne pas l’autoriser à [retourner à] Bujumbura si ce n’[était], le moment venu, pour son déménagement ». Toujours selon le requérant, le directeur exécutif du département « Afrique » du SEAE aurait conclu à l’issue de la réunion qu’« aucun élément fondamental nouveau n’était intervenu pour remettre en cause la décision de mettre fin immédiatement aux activités du requérant à Bujumbura en raison de la gestion défaillante de la délégation » et lui aurait indiqué que « le [directeur général administratif] devrait lui communiquer sa décision finale sous peu ».

22      Par note du 7 juillet 2013, le requérant a transmis ses commentaires sur le projet de rapport de la mission d’évaluation.

23      Par note du 11 juillet 2013, le directeur exécutif du département « Afrique » du SEAE et l’un des deux directeurs généraux adjoints de la DG « Développement et coopération » ont informé le directeur général administratif des conclusions auxquelles ils étaient parvenus suite à des discussions, en interne et avec le requérant, sur le projet de rapport de la mission d’évaluation et après avoir pris en considération les commentaires écrits de ce dernier sur le projet de rapport. L’une de ces conclusions était que le requérant n’était plus considéré comme apte à exercer ses responsabilités d’ordonnateur délégué (ci-après la « note du 11 juillet 2013 »).

24      Par décision du haut représentant, agissant en qualité d’AHCC, du 15 juillet 2013, le requérant a été transféré dans l’intérêt du service, avec effet immédiat, au siège du SEAE à Bruxelles sur un poste de la direction des ressources humaines de la DG de l’administration et des finances du SEAE. Le dernier considérant de cette décision indique que celle-ci a été adoptée au vu des constatations effectuées à l’issue de plusieurs missions dans la délégation ayant eu lieu en 2012 et 2013, dont la mission d’évaluation, lesquelles avaient mis au jour des manquements graves dans la gestion de la délégation avec, entre autres conséquences, le risque d’affecter négativement la mise en œuvre des politiques de coopération et de développement de l’Union européenne.

25      Après la publication, fin juillet et début août 2013, sur un site Internet burundais, d’articles virulents à l’encontre du requérant, celui-ci, par courrier de son conseil du 2 août 2013 adressé au directeur général administratif, a introduit une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut et demandé le retrait de la décision du haut représentant de le transférer au siège du SEAE. Dans ce courrier, le conseil du requérant s’exprimait notamment dans les termes suivants :

« Pour rétablir sa réputation, je suggère que la décision de réaffecter [le requérant] à Bruxelles soit retirée. Après la conférence internationale sur les questions de coopération, qui [d]oit se tenir en octobre [2013] à Bujumbura, mon client s’engage dès à présent et irrévocablement à accepter d’être relevé de ses fonctions à Bujumbura dès la fin de celle-ci, après avoir accompli les démarches diplomatiques d’usage en fin de mandat, à prendre ses congés restants, à procéder sans délai à son déménagement et à rejoindre le[s] service[s] diplomatique[s] belge[s] le 1er janvier 2014. »

26      À une date non précisée, le chef du service d’appui et d’évaluation des délégations du SEAE a communiqué pour observations le projet de rapport de la mission d’évaluation à différents services du SEAE et de la Commission, à savoir aux départements « Afrique » et « Administration et finances » du SEAE, aux DG « Développement et coopération » et « Commerce » de la Commission et à l’unité « Gestion de la trésorerie » de la direction « Exécution budgétaire (budget général et FED) » de la DG « Budget » de la Commission.

27      Par note du 24 juillet 2013 adressée au chef du service d’appui et d’évaluation des délégations du SEAE, le chef de l’unité « Gestion de la trésorerie » de la direction « Exécution budgétaire (budget général et FED) » de la DG « Budget » de la Commission a marqué son accord avec le projet de rapport de la mission d’évaluation.

28      Par notes des 1er et 2 août 2013 adressées au directeur général administratif, dont relève le service d’appui et d’évaluation des délégations du SEAE, le directeur général de la DG « Développement et coopération » et le directeur général de la DG « Commerce » de la Commission ont respectivement manifesté leur accord avec le projet de rapport de la mission d’évaluation.

29      Par requêtes séparées parvenues au greffe du Tribunal le 23 août 2013, le requérant a demandé, d’une part, la suspension et, d’autre part, l’annulation de la décision du haut représentant du 15 juillet 2013 de le transférer au siège du SEAE. La demande de suspension a été enregistrée sous la référence F‑78/13 R et a été rejetée par ordonnance du 12 septembre 2013, De Loecker/SEAE (F‑78/13 R, EU:F:2013:134). Le recours en annulation a été enregistré sous la référence F‑78/13 et a été rejeté par arrêt du 13 novembre 2014, De Loecker/SEAE (F‑78/13, EU:F:2014:246).

30      Par note du 26 août 2013 adressée au chef du service d’appui et d’évaluation des délégations du SEAE, rédigée en réponse à la demande de ce dernier de fournir des commentaires sur le projet de rapport de la mission d’évaluation, le directeur exécutif du département « Administration et finances » du SEAE a indiqué les mesures qui avaient été prises par son département, ou le seraient prochainement, au vu des recommandations contenues dans le projet de rapport.

31      Par note du 3 octobre 2013 adressée au chef du service d’appui et d’évaluation des délégations du SEAE, le directeur exécutif du département « Afrique » du SEAE a fait savoir qu’il n’avait pas de commentaires à formuler sur le projet de rapport de la mission d’évaluation.

32      Le 10 octobre 2013, le rapport de la mission d’évaluation a été adopté. Il était constitué du projet de rapport, des commentaires du requérant et des commentaires des différents services du SEAE et de la Commission consultés (voir points 27, 28, 30 et 31 du présent arrêt).

33      Par lettre du 9 décembre 2013, le requérant a saisi le haut représentant, en sa qualité d’AHCC, d’une plainte pour harcèlement moral dirigée contre le directeur général administratif. Dans cette plainte, le requérant lui demandait notamment d’« ouvrir une enquête administrative aux fins d’établir les faits ». Tant dans la plainte que dans la lettre de transmission de celle-ci, le requérant demandait aussi qu’un « enquêteur externe de très haut niveau, justifiant d’une très grande expérience des conditions de travail qui régissent les institutions de l’Union et d’une impartialité irréprochable », soit nommé « aux fins d’établir les faits, d’en tirer les conclusions et de faire des recommandations » à l’AHCC. Dans sa lettre de transmission, le requérant sollicitait également un entretien avec le haut représentant afin d’« obtenir des clarifications au sujet de [sa] décision […] de le transférer […] au siège du SEAE ».

34      Le 20 décembre 2013, le haut représentant, en sa qualité d’AHCC, a décidé de résilier le contrat d’agent temporaire du requérant, venant à terme le 31 décembre 2014, avec effet au 31 mars 2014. Cette décision, notifiée le même jour au requérant ainsi qu’à son conseil, était motivée comme suit :

« […]

Considérant que :

1.      [u]n certain nombre de problèmes divers concernant la gestion de la [d]élégation […] se sont produits pendant que [le requérant] était le [c]hef de la [d]élégation, exigeant[,] entre autres[,] une enquête administrative qui a abouti à une mise en garde formelle sur deux points et l’envoi d’une mission de médiation à la [d]élégation.

2.      [La mission d’évaluation] a confirmé des manquements graves dans la gestion de la [d]élégation avec, entre autres, le risque d’affecter négativement la mise en œuvre des politiques de coopération et de développement de l’Union [e]uropéenne. En particulier, des représentants de [la DG ‘Développement et coopération’] ont déclaré dans ce contexte que [le requérant] ne pouvait plus être considéré comme apte à exercer ses responsabilités d’ordonnateur délégué.

3.      Les [d]élégations de l’Union [e]uropéenne sont placées sous l’autorité directe du [h]aut [r]eprésentant et ce dernier doit être en mesure, si cela est requis, de prendre rapidement les décisions nécessaires afin d’assurer le bon fonctionnement des délégations de l’Union comme un outil diplomatique essentiel dans le cadre de l’action extérieure de l’Union.

4.      Le [h]aut [r]eprésentant a décidé que, dans l’intérêt du service, [le requérant] devait être rappelé avec effet immédiat au [s]iège du SEAE à Bruxelles étant donné que le lien de confiance entre ce dernier et son employeur concernant son aptitude à exercer des fonctions de gestion et d’encadrement a été irrémédiablement rompu.

5.      Par conséquent, le SEAE n’est plus en mesure d’offrir [au requérant] un poste et une fonction correspondant à son grade et à son expérience.

6.      [Le requérant] a indiqué qu’il serait en principe d’accord pour retourner dans son administration d’origine après son rappel au [s]iège [du SEAE].

7.      Conformément à l’article 50 [ter, paragraphe] 2, du RAA, chaque État [m]embre offre à ses fonctionnaires nommés comme agents temporaires au sein du SEAE une garantie de réintégration immédiate au terme de leur période d’activité au SEAE, conformément aux dispositions applicables de sa législation nationale. »

35      Par courrier daté également du 20 décembre 2013, le haut représentant a accusé réception de la plainte pour harcèlement visant le directeur général administratif introduite le 9 décembre précédent par le requérant et a informé ce dernier que « [sa] demande [d’ouverture d’une enquête destinée à établir les faits] a[vait] été transmise à la [DG] ‘[R]essources humaines et sécurité’ de la Commission […] », tout en précisant qu’elle serait traitée par la Commission en collaboration avec le SEAE et que la décision prise par l’AHCC sur la base de cette coopération lui serait notifiée dans le délai statutaire applicable. Dans le même courrier, le haut représentant a fait savoir au requérant que l’entretien qu’il sollicitait au sujet de sa décision du 15 juillet 2013 de le transférer au siège du SEAE ne serait « ni opportun ni approprié » compte tenu de ce que cette décision faisait l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal.

36      Le 20 mars 2014, le requérant a introduit une réclamation contre, d’une part, la décision du haut représentant du 20 décembre 2013 de mettre fin avant son terme à son contrat d’agent temporaire et, d’autre part, contre « la décision [du haut représentant] […] d’enregistrer [s]a plainte du chef [de] harcèlement […] en tant que demande [d’assistance] et de […] faire traiter [cette demande] par la DG [ʻRessources humaines et sécuritéʼ de la Commission] ».

37      Par requêtes séparées parvenues au greffe du Tribunal le 28 mars 2014, le requérant a saisi le Tribunal du présent recours en annulation et, par voie de référé, d’une demande de sursis immédiat à l’exécution des décisions visées par le recours en annulation jusqu’à la décision du Tribunal sur ledit recours. La demande en référé, enregistrée sous la référence F‑28/14 R, a été rejetée par ordonnance du 12 juin 2014, De Loecker/SEAE (F‑28/14 R, EU:F:2014:160).

38      Par décision du 14 avril 2014, le haut représentant a rejeté la plainte pour harcèlement moral du 9 décembre 2013. Ce rejet a donné lieu à un recours en annulation devant le Tribunal, enregistré sous la référence F‑34/15.

39      Par décision de l’AHCC du 18 juillet 2014, la réclamation du requérant a été rejetée.

 Conclusions des parties et procédure

40      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 20 décembre 2013 du haut représentant de mettre fin, avec effet au 31 mars 2014, à son contrat d’agent temporaire ;

–        annuler la décision du haut représentant de refuser de l’entendre à la suite de sa plainte pour harcèlement contre le directeur général administratif ;

–        annuler la décision du haut représentant de rejeter sa demande de désigner un enquêteur externe de très haut niveau pour examiner sa plainte pour harcèlement contre le directeur général administratif ;

–        annuler la décision du haut représentant de « faire enregistrer sa plainte en tant que demande [d’assistance] et de la faire traiter par la [DG ‘Ressources humaines et sécurité’ de la Commission] » ;

–        procéder, à titre de mesures d’instruction, à l’audition de plusieurs témoins ;

–        condamner le SEAE aux dépens.

41      Le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé en ce qui concerne la demande d’annulation de la décision du haut représentant du 20 décembre 2013 de résilier le contrat d’agent temporaire du requérant ;

–        rejeter le recours comme irrecevable en ce qui concerne les demandes d’annulation des décisions du haut représentant de refuser d’entendre le requérant, de rejeter sa demande de désigner un enquêteur externe de très haut niveau suite à sa plainte pour harcèlement contre le directeur général administratif et de faire traiter cette plainte comme demande d’assistance par les services compétents de la Commission ;

–        condamner le requérant aux dépens.

42      Par lettres du greffe du Tribunal du 29 janvier 2015, les parties ont été invitées à répondre à des mesures d’organisation de la procédure. Elles y ont déféré dans le délai imparti.

43      Dans le rapport préparatoire d’audience, le SEAE a été invité à répondre à des mesures d’organisation de la procédure complémentaires, ce qu’il a fait dans le délai imparti.

 En droit

44      Le Tribunal examinera d’abord le deuxième chef de conclusions, puis conjointement les troisième et quatrième chefs de conclusions et, enfin, le premier chef de conclusions.

 Sur le deuxième chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision du haut représentant de refuser d’entendre le requérant à la suite de sa plainte pour harcèlement contre le directeur général administratif

45      Le requérant demande au Tribunal d’annuler la décision du haut représentant de refuser de le recevoir en entretien, comme il l’avait demandé dans sa lettre, du 9 décembre 2013, de transmission de sa plainte pour harcèlement contre le directeur général administratif.

46      À cet égard, le Tribunal rappelle qu’il ressort d’une jurisprudence constante, tant dans le cadre du contentieux spécifique de la fonction publique européenne que dans le cadre du contentieux général, que constituent des actes faisant grief et, par conséquent, attaquables les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (voir, en ce qui concerne le contentieux de la fonction publique européenne, arrêts du 20 mai 2010, Commission/Violetti e.a., T‑261/09 P, EU:T:2010:215, point 46, et du 26 février 2013, Labiri/CESE, F‑124/10, EU:F:2013:21, point 42 ; en ce qui concerne le contentieux général, ordonnance du 13 juillet 2004, Comunidad Autónoma de Andalucía/Commission, T‑29/03, EU:T:2004:235, point 29, et arrêt du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, EU:T:2006:292, point 67).

47      En l’espèce, il ressort de la lettre de transmission au haut représentant de la plainte pour harcèlement du requérant contre le directeur général administratif qu’il demandait un entretien avec le haut représentant dans « le souci d’obtenir des clarifications au sujet de [sa] décision du 15 juillet [2013] de le transférer du poste pour lequel il avait été recruté, de [c]hef de [la d]élégation […] à un poste ‘en surcharge’ au siège du SEAE ». Le requérant reconnaît par ailleurs dans la requête que, dans ladite lettre, il a demandé « à être entendu par [le haut représentant] aux fins d’être informé, notamment, des raisons précises de son affectation au siège ». Dans son courrier du 20 décembre 2013, par lequel il lui a accusé réception de la plainte pour harcèlement transmise par la lettre de transmission susmentionnée, le haut représentant a fait savoir au requérant qu’un entretien au sujet de sa décision du 15 juillet 2013 de le transférer au siège du SEAE ne serait pas approprié étant donné que cette décision faisait l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal.

48      Par conséquent, le refus du haut représentant d’accorder un entretien au requérant s’inscrit dans le prolongement de sa décision du 15 juillet 2013 réaffectant le requérant au siège du SEAE et apparaît, spécialement au vu de la raison avancée par le haut représentant pour refuser de recevoir le requérant en entretien, n’être qu’une simple mesure conservatoire destinée à préserver ladite décision dans le contexte du recours en annulation, alors pendant, formé à son égard. Ce refus n’est donc pas un acte faisant grief au sens de la jurisprudence citée au point 46 du présent arrêt.

49      De surcroît, et à supposer même que le refus d’accorder un entretien au requérant puisse constituer un acte faisant grief, force serait de constater que cet acte n’a fait l’objet d’aucune réclamation précontentieuse, et en particulier que la réclamation du 20 mars 2014 n’était pas dirigée contre ce refus, de telle sorte que la procédure précontentieuse, à la supposer applicable, n’a pas été respectée.

50      Dans ces conditions, le deuxième chef de conclusions doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les troisième et quatrième chefs de conclusions, tendant à l’annulation des décisions du haut représentant de « faire enregistrer sa plainte en tant que demande [d’assistance] et de la faire traiter par la [DG ʻRessources humaines et sécuritéʼ de la Commission] » et de refuser de désigner un enquêteur externe de très haut niveau pour examiner cette plainte

51      Il y a lieu de rappeler, dans le prolongement de la jurisprudence citée au point 46 du présent arrêt, que les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief et que ce n’est qu’à l’occasion d’un recours contre la décision prise au terme de la procédure que le fonctionnaire peut faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés (ordonnances du 24 mai 1988, Santarelli/Commission, 78/87 et 220/87, EU:C:1988:255, point 13, et du 25 octobre 1996, Lopes/Cour de justice, T‑26/96, EU:T:1996:157, point 19). Ainsi, si certaines mesures purement préparatoires sont susceptibles de faire grief au fonctionnaire dans la mesure où elles peuvent influencer le contenu d’un acte attaquable ultérieur, ces mesures préparatoires ne peuvent toutefois pas faire l’objet d’un recours indépendant et doivent être contestées à l’occasion d’un recours dirigé contre cet acte (arrêt du 11 juillet 1968, Van Eick/Commission, 35/67, EU:C:1968:39, p. 500). En revanche, il a été jugé qu’une réponse par laquelle l’administration fait connaître à un fonctionnaire que sa demande est mise à l’étude ne constitue pas un acte faisant grief (ordonnance du 1er octobre 1991, Coussios/Commission, T‑38/91, EU:T:1991:52, point 31 ; arrêts du 17 mars 1998, Carraro/Commission, T‑183/95, EU:T:1998:57, points 19 à 21, et du 29 novembre 2007, Pimlott/Europol, F‑52/06, EU:F:2007:210, point 50). De même a-t-il été jugé que ne constituaient pas des actes faisant grief, mais des actes préparatoires insusceptibles de faire l’objet d’un recours indépendant, distinct du recours contre la décision finale de l’administration, la décision de soumettre le cas d’un fonctionnaire à une commission d’invalidité dans le cadre d’une procédure de mise à la retraite (ordonnance du 24 mai 1988, Santarelli/Commission, 78/87 et 220/87, EU:C:1988:255, point 13) ou à une commission médicale dans le cadre d’une procédure de reconnaissance de maladie professionnelle (arrêt du 26 février 2003, Latino/Commission, T‑145/01, EU:T:2003:42, point 101), l’ouverture d’une enquête interne [ordonnance du 8 avril 2003, Gómez-Reino/Commission, C‑471/02 P(R), EU:C:2003:210, point 65] ou la désignation d’un évaluateur et d’un évaluateur de contrôle aux fins d’une procédure de notation (ordonnance du 18 décembre 2008, Nijs/Cour des comptes, F‑64/08, EU:F:2008:179, point 17).

52      En l’espèce, il y a lieu de considérer que les troisième et quatrième chefs de conclusions visent l’annulation d’actes préparatoires de la décision finale du haut représentant, non encore adoptée à la date de l’introduction du présent recours, sur la plainte en cause. En particulier, ni l’existence, à la supposer établie, d’atteintes aux droits de la défense et au principe d’impartialité, ni le fait que la Commission aurait commencé son enquête au titre d’une demande d’assistance ne permettent à eux seuls de démontrer que des actes faisant grief, c’est-à-dire susceptibles de recours contentieux, ont été adoptés [voir, en ce sens, ordonnance du 8 avril 2003, Gómez-Reino/Commission, C‑471/02 P(R), EU:C:2003:210, point 65]. Partant, les troisième et quatrième chefs de conclusions doivent être rejetés comme irrecevables.

 Sur le premier chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision du 20 décembre 2013 du haut représentant de résilier le contrat d’agent temporaire du requérant avec effet au 31 mars 2014

53      Au soutien de ses conclusions en annulation de la décision du 20 décembre 2013 du haut représentant de résilier son contrat d’agent temporaire avant son terme, avec effet au 31 mars 2014 (ci-après la « décision attaquée »), le requérant invoque sept moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 47, sous b), ii), du RAA ; le deuxième, de la violation de l’article 31 de la Charte, relatif aux conditions de travail justes et équitables ; le troisième, de la violation du droit d’être entendu ; le quatrième, de la violation du devoir de motivation ; le cinquième, de la violation de l’article 26 du statut et des droits de la défense ; le sixième, de la violation du principe « ne bis in idem » et, le septième, de l’erreur manifeste d’appréciation.

54      Le Tribunal constate toutefois que, dans ses écrits, le requérant ne développe pas d’argument au soutien du deuxième moyen, pris de la violation de l’article 31 de la Charte. Ce moyen, simplement énoncé et qui n’est étayé par aucune argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure dans sa version applicable au moment de l’introduction de la requête et reprise à l’article 50, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, doit donc être déclaré irrecevable.

55      Le Tribunal examinera les six autres moyens dans l’ordre annoncé au point 53, à l’exception du troisième moyen, lequel sera analysé en dernier lieu.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 47, sous b), ii), du RAA

–       Arguments des parties

56      Le requérant affirme que son contrat d’engagement a été résilié sans qu’un préavis ne lui ait été notifié. La décision attaquée aurait ainsi été adoptée en violation de l’article 47, sous b), ii), du RAA.

57      Le SEAE conclut au rejet du premier moyen comme non fondé.

–       Appréciation du Tribunal

58      Conformément à l’article 5, sous b), du contrat d’engagement, dans la mesure où ce contrat n’a pas été renouvelé, le préavis, pour les besoins de l’article 47, sous b), ii), du RAA, était de trois mois.

59      En l’espèce, force est de constater que la décision attaquée a été notifiée au requérant le 20 décembre 2013 et que le contrat d’engagement a pris fin, comme cela était prévu dans la décision attaquée, le 31 mars 2014. Il s’ensuit que la résiliation du contrat du requérant est intervenue conformément à la disposition régissant la durée du préavis dans le cadre de la résiliation des contrats à durée déterminée, contenue à l’article 47, sous b), ii), du RAA, ainsi que conformément à l’article 5, sous b), du contrat d’engagement.

60      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du devoir de motivation

–       Arguments des parties

61      Le requérant fait valoir que l’AHCC a violé son devoir de motivation, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte. En particulier, il estime que les troisième, quatrième et cinquième considérants de la décision attaquée sont insuffisants à cet égard.

62      Le SEAE conclut au rejet du quatrième moyen.

–       Appréciation du Tribunal

63      L’obligation pour l’administration de motiver ses décisions, consacrée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, d’ailleurs également énoncée à l’article 25, deuxième alinéa, du statut, constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Cette obligation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est entachée d’un vice permettant d’en contester la légalité et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision litigieuse (arrêts du 11 juillet 2013, Tzirani/Commission, F‑46/11, EU:F:2013:115, points 137 et 139, et du 22 mai 2014, CU/CESE, F‑42/13, EU:F:2014:106, point 42).

64      Selon une jurisprudence constante, l’étendue de l’obligation de motivation formelle doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêts du 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T‑10/99, EU:T:2000:60, point 41, et du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑338/00 et T‑376/00, EU:T:2002:314, point 46). En particulier, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, EU:C:1996:434, point 35, et du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 70).

65      Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence du juge de l’Union, une décision est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné et, de ce fait, répond aux exigences de motivation de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte lorsque les circonstances dans lesquelles l’acte en cause a été arrêté, par exemple à la suite de plusieurs notes et télécopies personnellement adressées au fonctionnaire concerné et auxquelles il a répondu, d’entretiens avec sa hiérarchie et après l’exercice d’une voie de recours interne (arrêt du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, EU:C:1996:434, points 35 à 37), ou à la suite de plusieurs notes de service et autres communications lui ayant permis de connaître les éléments essentiels qui ont guidé l’administration dans sa décision (arrêt du 23 novembre 1999, Sabbioni/Commission, T‑129/98, EU:T:1999:295, points 30 à 42), lui permettent de comprendre la portée de la mesure prise à son égard.

66      En l’espèce, il ressort des considérants de la décision attaquée (voir point 34 du présent arrêt) que l’adoption de celle-ci a été motivée par des problèmes de gestion de la délégation qui avaient été relevés par l’enquête administrative de 2012, par la mission d’évaluation et par les déclarations de certains représentants de la DG « Développement et coopération » contenues dans la note du 11 juillet 2013, par la perte de confiance subséquente du SEAE en la capacité du requérant de gérer une délégation, par le rappel du requérant au siège du SEAE, dans l’intérêt du service et avec effet immédiat, et par l’impossibilité pour le SEAE, en conséquence de la rupture irrémédiable du lien de confiance, de lui trouver une nouvelle fonction correspondant à son grade et à son expérience. L’AHCC a également relevé dans les considérants de la décision attaquée l’accord que le requérant aurait marqué sur son retour dans son administration d’origine à la suite de son rappel au siège du SEAE et la garantie dont disposait le requérant de pouvoir rejoindre immédiatement son administration d’origine. La décision attaquée expose donc les motifs sur lesquels l’AHCC s’est fondée aux fins de son adoption. Lors de l’audience, il a été confirmé par le représentant du SEAE que la motivation de la décision attaquée se trouve, pour l’essentiel, dans les cinq premiers considérants qui mettent en exergue les problèmes rencontrés par le requérant dans la gestion de la délégation et la perte de confiance subséquente du SEAE.

67      À cet égard, le Tribunal observe que, dans la requête, le requérant affirme lui-même qu’il a été entendu dans le cadre de l’enquête qui a révélé les problèmes dans la gestion de la délégation, à savoir l’enquête administrative de 2012. De même, il est constant que, par les deux notes du 9 novembre 2012 que lui a adressées le directeur général administratif (voir points 15 et 16 du présent arrêt), le requérant a été mis au courant des suites données à cette enquête.

68      En outre, l’adoption de la décision attaquée a été précédée de l’entretien téléphonique du 24 juin 2013, par lequel le directeur général administratif a informé le requérant de son rappel en urgence au siège du SEAE, ainsi que de l’entretien du 27 juin 2013 et de la réunion du 4 juillet suivant (voir points 19 à 21 du présent arrêt). Il ressort du dossier que tant l’entretien téléphonique du 24 juin 2013 que l’entretien du 27 juin 2013 et la réunion du 4 juillet suivant ont porté sur le projet de rapport de la mission d’évaluation et que, au cours de la réunion du 4 juillet 2013 et par note du 7 juillet suivant, le requérant a formulé des observations sur ce projet de rapport.

69      Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal estime que la décision attaquée est intervenue dans un contexte connu du requérant, que ce dernier a été mis en mesure d’en apprécier la légalité et le bien-fondé et de décider de l’opportunité ou non de la soumettre au contrôle juridictionnel prévu par l’article 91 du statut. De même, la motivation contenue dans la décision attaquée permet au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de ladite décision.

70      Il s’ensuit que la décision attaquée n’a pas méconnu l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte et que le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 26 du statut et des droits de la défense

–       Arguments des parties

71      Le requérant fait valoir que l’AHCC n’était pas en droit d’adopter la décision attaquée sur le fondement, ainsi qu’il ressort de ses deux premiers considérants, du rapport de l’enquête administrative de 2012, du rapport de la mission d’évaluation et des déclarations de certains « représentants de [la DG ʻDéveloppement et coopérationʼ] ». En effet, il n’aurait pas eu l’opportunité de se défendre sur ces documents et déclarations étant donné qu’ils n’auraient pas été versés à son dossier individuel ni ne lui auraient été communiqués pour commentaire avant l’adoption de la décision attaquée, contrairement aux exigences de l’article 26 du statut.

72      Le SEAE estime que le cinquième moyen est inopérant, car la question de savoir si certains documents sous-jacents à la motivation de la décision attaquée ont été versés ou non au dossier individuel du requérant n’aurait aucune incidence sur la légalité de la décision attaquée.

–       Appréciation du Tribunal

73      Il convient de rappeler que, selon le premier alinéa, sous a), de l’article 26 du statut, le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir « [t]outes pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement ». En outre, en son deuxième alinéa, cet article prévoit que « l’institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces visées [sous] a) ci-dessus, si elles ne lui ont pas été communiquées avant classement ».

74      L’article 26 du statut, applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 11 du RAA, a pour objectif de garantir les droits de la défense des fonctionnaires et des agents, en évitant que des décisions prises par l’AHCC et affectant leur situation administrative et leur carrière ne soient fondées sur des faits concernant leur compétence, leur rendement ou leur comportement non mentionnés dans leur dossier individuel. Il en résulte qu’une décision fondée sur de tels éléments factuels est contraire aux garanties du statut et doit être annulée comme étant intervenue à la suite d’une procédure entachée d’illégalité (arrêt du 28 juin 2007, Bianchi/ETF, F‑38/06, EU:F:2007:117, point 45).

75      Il importe de souligner que l’article 26, premier alinéa, sous a), du statut n’oblige pas en soi l’administration à verser au dossier individuel tout document quelconque relatif à un fonctionnaire. Il opère ainsi une distinction entre, d’une part, les « pièces », qui ne doivent figurer au dossier individuel que si elles « intéress[e]nt [l]a situation administrative » du fonctionnaire concerné, et les « rapports », qui ne doivent y être déposés que s’ils « concern[e]nt sa compétence, son rendement ou son comportement », et, d’autre part, tout autre document relatif au fonctionnaire concerné. En visant de tels rapports, l’article 26, premier alinéa, sous a), du statut entend se référer à des documents formels à connotation officielle ayant pour objet la compétence, le rendement ou le comportement du fonctionnaire. Toutefois, il a été jugé que l’article 26 du statut n’interdit nullement à une institution d’ouvrir une enquête et de constituer un dossier à cet effet et que les seules pièces relatives à cette enquête qui doivent être jointes au dossier du fonctionnaire sont les éventuelles décisions de sanction prises sur la base de ce dossier d’enquête (arrêts du 2 avril 1998, Apostolidis/Cour de justice, T‑86/97, EU:T:1998:71, point 36, et du 5 octobre 2009, de Brito Sequeira Carvalho et Commission/Commission et de Brito Sequeira Carvalho, T‑40/07 P et T‑62/07 P, EU:T:2009:382, point 96).

76      En l’espèce, ainsi qu’il a été dit, pour adopter la décision attaquée, l’AHCC s’est fondée, notamment, sur le rapport de l’enquête administrative de 2012, sur le rapport de la mission d’évaluation et sur la note du 11 juillet 2013 (voir points 34 et 66 du présent arrêt).

77      En ce qui concerne, en premier lieu, le rapport de l’enquête administrative de 2012, le Tribunal observe qu’il ne ressort pas de l’article 26 du statut que l’administration est tenue de classer dans le dossier individuel d’un fonctionnaire, après communication, le rapport d’une enquête administrative dont ce dernier a fait l’objet (arrêts du 2 avril 1998, Apostolidis/Cour de justice, T‑86/97, EU:T:1998:71, point 36, et du 13 novembre 2014, De Loecker/SEAE, F‑78/13, EU:F:2014:246, point 50).

78      En ce qui concerne le grief du requérant relatif à l’adoption de la décision attaquée sans que le rapport de l’enquête administrative de 2012 ne lui ait été communiqué pour commentaire, il y a lieu de relever que, par application de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe IX du statut, l’obligation de l’administration à la fin d’une enquête consiste à informer l’intéressé des conclusions du rapport d’enquête et que ce n’est qu’à la demande de ce dernier et sous réserve de la protection des intérêts légitimes de tierces parties qu’elle lui communique, en outre, tous les documents qui sont en rapport direct avec les allégations formulées à son égard.

79      Or, s’il est vrai que, en l’espèce, le rapport de l’enquête administrative de 2012 n’a pas été communiqué au requérant avant l’adoption de la décision attaquée, il n’en demeure pas moins que, à la fin de l’enquête, par courrier du directeur général administratif du 19 septembre 2012, le requérant a été informé, avec invitation à présenter ses commentaires dans les dix jours suivant la réception dudit courrier, des conclusions provisoires de l’enquête et que, par note du 27 septembre suivant, il y a apporté des précisions. Ensuite, par deux notes du 9 novembre 2012, le directeur général administratif a informé le requérant des suites données à l’enquête administrative de 2012 et, à ce titre, lui a adressé une mise en garde, conformément aux dispositions de l’article 3, sous b), de l’annexe IX du statut.

80      Compte tenu du fait que le SEAE s’était acquitté de ses obligations relatives au respect des droits de la défense du requérant à la fin de l’enquête administrative de 2012, il n’avait pas à lui demander de nouveaux commentaires sur le rapport de cette enquête avant d’adopter la décision attaquée.

81      Il s’ensuit que, en n’ayant pas versé au dossier individuel du requérant le rapport de l’enquête administrative de 2012 et en ne lui ayant pas demandé de nouveaux commentaires avant d’adopter la décision attaquée, l’AHCC n’a pas violé l’article 26 du statut ni les droits de la défense du requérant.

82      En deuxième lieu, pour ce qui est du rapport de la mission d’évaluation, il convient de rappeler que l’article 26, premier alinéa, sous a), du statut dispose que « [t]outes pièces intéressant [l]a situation administrative » des fonctionnaires doivent figurer dans le dossier individuel de ces derniers.

83      Il en est ainsi de toute pièce susceptible d’avoir une incidence décisive sur la décision faisant grief, en l’espèce celle de mettre fin à un contrat d’agent temporaire de façon anticipée (voir, s’agissant d’une décision de réaffectation, arrêts du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, EU:C:1996:434, point 67, et du 15 avril 2015, Pipiliagkas/Commission, F‑96/13, EU:F:2015:29, point 48 ; s’agissant d’une décision de retrait de l’indemnité de dépaysement, arrêt du 20 septembre 2001, Recalde Langarica/Commission, T‑344/99, EU:T:2001:237, point 66). Une telle pièce doit, en principe, avoir été communiquée au fonctionnaire concerné, puis classée dans son dossier individuel. Nonobstant le fait qu’il ne constitue pas un rapport concernant la compétence, le rendement ou le comportement du fonctionnaire concerné, au sens de l’article 26 du statut, cette communication et ce classement dans le dossier individuel s’imposent néanmoins pour le rapport d’une mission d’évaluation tel que celui de l’espèce, faisant état de défaillances graves dans la gestion de la délégation par le requérant, dès lors que ce rapport est susceptible d’exercer une influence déterminante sur la décision de le licencier ou non.

84      Il y a lieu ensuite de rappeler que la violation de l’article 26, premier alinéa, sous a), du statut n’entraîne l’annulation d’un acte que s’il est établi que les pièces concernées ont pu avoir une incidence décisive sur l’acte en cause. Le seul fait que de telles pièces n’aient pas été versées au dossier individuel du fonctionnaire n’est pas de nature à justifier l’annulation d’une décision qui fait grief si elles ont été effectivement portées à la connaissance de l’intéressé. En effet, il ressort de l’article 26, deuxième alinéa, du statut que l’inopposabilité à l’égard d’un fonctionnaire de pièces concernant sa situation administrative frappe seulement les pièces qui ne lui ont pas été préalablement communiquées. Elle ne vise pas les pièces qui, quoique portées à sa connaissance, n’ont pas encore été versées à son dossier individuel. Dans l’hypothèse où l’institution n’insérerait pas de telles pièces dans le dossier individuel du fonctionnaire, il serait toujours loisible à ce dernier d’introduire une demande en ce sens au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut et, en cas de rejet, une réclamation administrative. Mais, en aucun cas, l’institution ne saurait être empêchée de prendre une décision dans l’intérêt du service sur la base de pièces préalablement communiquées à l’intéressé au seul motif qu’elles n’ont pas été versées à son dossier individuel (arrêt du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, EU:C:1996:434, point 68).

85      En l’occurrence, le requérant se plaint du fait qu’il n’aurait pas reçu, avant l’adoption de la décision attaquée, la version finale du rapport de la mission d’évaluation pour pouvoir y apporter des commentaires.

86      À cet égard, le Tribunal observe que, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure, le SEAE a produit la version finale du rapport de la mission d’évaluation, expurgée des éléments non pertinents pour la présente affaire. Il en ressort que ce rapport final est constitué du projet de rapport, qui avait été communiqué au requérant préalablement à la réunion du 4 juillet 2013, assorti des commentaires de celui-ci, et de ceux de différents services du SEAE et de la Commission auxquels il avait été également communiqué pour commentaires éventuels (voir point 32 du présent arrêt).

87      Or, le Tribunal constate que le requérant reconnaît avoir reçu le projet de rapport de la mission d’évaluation et avoir émis des observations orales et écrites sur ledit projet de rapport, respectivement, les 4 et 7 juillet 2013. Certes, le requérant affirme qu’en raison de son rappel au siège en urgence pour consultation il ne disposait d’aucun dossier lui permettant d’étayer ses observations sur le projet de rapport de la mission d’évaluation et de répondre aux questions qui lui ont été posées lors de la réunion du 4 juillet 2013. À ce propos, il suffit toutefois de constater qu’il appartenait au requérant, s’il s’estimait incapable de se défendre utilement lors de la réunion du 4 juillet 2013 ou de rédiger ses observations sur le projet de rapport dans le délai de cinq jours ouvrables qui lui avait été imparti lors de cette réunion parce qu’il ne disposait pas à Bruxelles de certains documents, de demander au SEAE de lui faciliter l’accès à ces documents, de reporter la date de la réunion fixée le 4 juillet 2013 ou de prolonger le délai imparti lors de cette réunion pour ses commentaires écrits. Le requérant n’ayant pas allégué qu’il aurait entrepris des démarches en ce sens auprès du SEAE, il convient de conclure qu’il s’estimait en mesure de faire valoir utilement ses observations, au cours de la réunion du 4 juillet 2013, sur le projet de rapport de la mission d’évaluation et de rédiger dans le délai imparti ses commentaires sur ce projet de rapport. Par conséquent, il y a lieu de considérer que le requérant a eu la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective moyennant ses observations formulées les 4 et 7 juillet 2013, son point de vue sur les problèmes dans la gestion de la délégation formulés dans le projet de rapport de la mission d’évaluation.

88      De même, il est constant que c’est postérieurement aux observations présentées par le requérant les 4 et 7 juillet 2013 que le haut représentant a adopté, le 15 juillet 2013, la décision de le réaffecter au siège du SEAE, notamment compte tenu des manquements dans la gestion de la délégation. Il s’ensuit que, au vu de la décision de réaffectation du 15 juillet 2013, le requérant était en mesure de savoir que ses observations n’avaient pas réussi à modifier substantiellement le projet de rapport de la mission d’évaluation qui lui avait été soumis et que le contenu du rapport final devait être sinon totalement identique à celui sur lequel il avait pu prendre position et présenter des observations, en tout cas le reprendre pour l’essentiel.

89      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que le requérant ne s’est pas vu communiquer, avant l’adoption de la décision attaquée, les observations des services du SEAE des 26 août et 3 octobre 2013 ni celles des services de la Commission du 24 juillet et des 1er et 2 août 2013, jointes au rapport final de la mission d’évaluation. En effet, le Tribunal observe que, dans leurs observations, les responsables des services concernés n’ajoutent rien de nouveau au projet de rapport de la mission d’évaluation dans la mesure où ils se limitent à manifester leur accord avec ce projet.

90      Par conséquent, même s’il est avéré que le rapport final de la mission d’évaluation n’a pas été formellement communiqué au requérant ni versé à son dossier individuel avant l’adoption de la décision attaquée, force est de constater que son contenu était connu du requérant et que celui-ci avait été mis en mesure de faire valoir ses observations sur les manquements dans la gestion de la délégation qui lui étaient reprochés, tels que formulés dans le projet de rapport et sur lesquels l’AHCC s’est fondée pour adopter la décision attaquée.

91      Par ailleurs, le Tribunal observe que le requérant n’a pas établi que les conditions dans lesquelles il a pu assurer ses droits de la défense auraient été substantiellement différentes si le rapport final de la mission d’évaluation avait été versé à son dossier individuel avant l’adoption de la décision attaquée.

92      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le SEAE n’a pas violé l’article 26 du statut ni les droits de la défense du requérant en fondant la décision attaquée, entre autres, sur le rapport final de la mission d’évaluation.

93      Enfin et en troisième lieu, pour ce qui est des déclarations de certains « représentants de la [DG ʻDéveloppement et coopérationʼ] », selon lesquelles le requérant ne pouvait plus être considéré comme apte à exercer ses responsabilités d’ordonnateur délégué, le Tribunal constate que la note du 11 juillet 2013, dans laquelle figurent ces déclarations, a été établie après que le requérant a fait valoir ses observations orales et écrites sur le projet de rapport de la mission d’évaluation et, par suite, sur les manquements dans la gestion de la délégation qui y étaient mis en évidence. Par conséquent, le requérant ne saurait valablement prétendre qu’il avait le droit de se voir communiquer cette note avant l’adoption de la décision attaquée, afin de fournir des observations additionnelles. En effet, ayant été entendu sur les problèmes de gestion de la délégation, le requérant ne saurait prétendre avoir le droit de continuer de formuler des observations sur les conclusions auxquelles sa hiérarchie était parvenue après cette audition.

94      À titre surabondant, le Tribunal observe que le requérant lui-même admet que la conclusion contenue dans la note du 11 juillet 2013, selon laquelle il ne pouvait plus être considéré comme apte à exercer les fonctions de chef de délégation, lui avait déjà été communiquée par le directeur exécutif du département « Afrique » du SEAE, cosignataire de la note en cause, lors de la réunion du 4 juillet 2013 que ce dernier présidait. Cette conclusion était dès lors connue du requérant et il avait eu l’occasion de répliquer dans ses observations écrites soumises le 7 juillet 2013.

95      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que l’AHCC n’a pas violé l’article 26 du statut ni les droits de la défense du requérant en fondant la décision attaquée notamment sur les déclarations contenues dans la note du 11 juillet 2013.

96      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 26 du statut et des droits de la défense, doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe « ne bis in idem »

–       Arguments des parties

97      Le requérant fait valoir que la décision attaquée vise à sanctionner un certain nombre de problèmes concernant la gestion de la délégation qui ont fait l’objet de l’enquête administrative de 2012 et qui ont déjà donné lieu à une mise en garde. Les mêmes faits seraient ainsi sanctionnés à deux reprises, en violation du principe « ne bis in idem ».

98      Le SEAE ne se prononce pas sur le sixième moyen.

–       Appréciation du Tribunal

99      L’article 9, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, intitulée « Procédure disciplinaire » et applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 50 bis du RAA, énumère les sanctions disciplinaires que l’AHCC peut appliquer. Le paragraphe 3 de cet article dispose qu’« [u]ne même faute ne peut donner lieu qu’à une seule sanction disciplinaire ».

100    À cet égard, le Tribunal constate, d’une part, que l’article 3, sous b), de l’annexe IX du statut dispose que, sur la base du rapport d’enquête administrative, après avoir communiqué à l’agent temporaire concerné toutes les pièces du dossier et après l’avoir entendu, l’AHCC peut décider, même en cas de manquement ou de manquement présumé aux obligations, qu’il convient de n’adopter aucune sanction disciplinaire et, le cas échéant, adresser à l’agent une mise en garde. En l’espèce, le directeur général administratif avait décidé, à la fin de l’enquête administrative de 2012, de n’adopter aucune sanction disciplinaire, mais d’adresser toutefois une mise en garde au requérant. Le Tribunal constate, d’autre part, que la mise en garde ne figure pas parmi les sanctions disciplinaires énumérées à l’article 9, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut. Par conséquent, à supposer même que la décision attaquée soit une sanction disciplinaire, une seule sanction aurait été infligée au requérant. Dans ces conditions, le requérant ne saurait invoquer utilement la violation du principe « ne bis in idem » lors de l’adoption de la décision attaquée et il y a lieu de rejeter le sixième moyen comme non fondé.

 Sur le septième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation

–       Arguments des parties

101    Le requérant affirme que la note du 6 juin 2013, qui contient des éloges à son égard, permet d’établir à suffisance de droit l’erreur manifeste d’appréciation qui entacherait la décision attaquée, prise sur le fondement d’une incompétence en gestion manifeste. En outre, le sixième considérant de la décision attaquée serait inexact en fait et le septième « hors [de] propos ».

102    Le SEAE conclut au rejet du septième moyen.

–       Appréciation du Tribunal

103    Il convient de rappeler que le Tribunal a jugé que l’autorité compétente dispose d’un large pouvoir d’appréciation en matière de licenciement d’agents temporaires, notamment lorsqu’ils sont liés par un contrat à durée déterminée, et que le contrôle du juge de l’Union de la légalité de la décision de licenciement est limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (arrêt du 26 octobre 2006, Landgren/ETF, F‑1/05, EU:F:2006:112, points 73 à 75, et la jurisprudence citée).

104    S’agissant de l’erreur manifeste, le Tribunal a déjà précisé qu’une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Canga Fano/Conseil, F‑104/09, EU:F:2011:29, point 35, confirmé sur pourvoi par arrêt du 16 mai 2013, Canga Fano/Conseil, T‑281/11 P, EU:T:2013:252, point 127). Établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise sur la base de cette appréciation suppose donc que les éléments de preuve, qu’il incombe au requérant d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par le requérant, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme justifiée et cohérente (arrêt du 11 juillet 2012, AI/Cour de justice, F‑85/10, EU:F:2012:97, point 153).

105    Dans le cas présent, la décision attaquée est basée sur sept considérants (voir point 34 du présent arrêt). Il ressort des cinq premiers considérants que la rupture du lien de confiance entre le SEAE et le requérant, rupture qui a motivé le rappel du requérant au siège du SEAE et qui explique l’impossibilité dans laquelle le SEAE estime s’être trouvé d’offrir au requérant un poste et une fonction correspondant à son grade et à son expérience, trouve son origine dans des problèmes de gestion de la délégation.

106    Il y a dès lors lieu de considérer que les cinq premiers considérants de la décision attaquée, sur lesquels cette décision se fonde pour l’essentiel, ont trait à l’intérêt du service. Compte tenu de l’étendue du pouvoir d’appréciation de l’autorité compétente dans l’évaluation de l’intérêt du service, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la question de savoir si l’autorité concernée s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (arrêts du 15 avril 2010, de Britto Patricio-Dias/Commission, F‑4/09, EU:F:2010:24, point 37, et du 13 novembre 2014, De Loecker/SEAE, F‑78/13, EU:F:2014:246, point 61). Quant à l’appréciation de l’intérêt du service, il ressort d’une jurisprudence constante que l’autorité compétente est tenue, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, et notamment l’intérêt de l’agent concerné. Cela résulte, en effet, du devoir de sollicitude de l’administration qui reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut et, par analogie, le RAA ont créé dans les relations entre l’autorité publique et ses agents (arrêts du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, EU:T:2000:292, point 53, et du 1er mars 2005, Mausolf/Europol, T‑258/03, EU:T:2005:74, point 49).

107    C’est dans ces conditions qu’il y a lieu d’examiner si, au vu des arguments invoqués par le SEAE au soutien de la décision attaquée, l’AHCC est restée dans les limites de son pouvoir d’appréciation en résiliant le contrat d’engagement du requérant neuf mois avant son échéance.

108    À cet égard, le Tribunal observe d’abord que le requérant n’indique pas en quoi le septième considérant de la décision attaquée, concernant la garantie de réintégration dans son administration d’origine, serait « hors [de] propos ». Ce grief, simplement énoncé et qui n’est étayé par aucune argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure dans sa version applicable au moment de l’introduction de la requête, doit dès lors être rejeté, car il est irrecevable.

109    Ensuite, il incombe au Tribunal d’analyser si, comme le soutient le requérant, la note du 6 juin 2013 suffit à établir à suffisance de droit que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle est fondée sur des manquements graves de sa part dans la gestion de la délégation, manquements qui font l’objet des cinq premiers considérants de la décision attaquée. Compte tenu de ce que, selon la décision attaquée, ces manquements graves ont été révélés par le rapport de l’enquête administrative de 2012, par le rapport de la mission d’évaluation et par la note du 11 juillet 2013, établie, ainsi qu’il a été dit au point 93 du présent arrêt, dans le cadre du rapport de la mission d’évaluation, le Tribunal se bornera à examiner les deux rapports précités.

110    S’agissant des deux rapports mentionnés au point précédent, le Tribunal observe, que, selon les conclusions provisoires de l’enquête administrative de 2012, communiquées au requérant par courrier du directeur général administratif du 19 septembre 2012 et confirmées pour l’essentiel par l’AHCC dans le rapport d’enquête après avoir reçu les commentaires du requérant du 27 septembre 2012, l’enquête avait permis d’établir que le requérant avait utilisé régulièrement à des fins privées les véhicules de la délégation et qu’il s’était trouvé en situation manifeste de conflit d’intérêts en attribuant délibérément plusieurs marchés de travaux de peinture à une entreprise dans laquelle son beau-frère avait des intérêts. L’AHCC ayant considéré que, en agissant de la sorte, le requérant avait enfreint les règles administratives relatives à l’utilisation des véhicules de service ainsi que l’article 11 bis du statut, le directeur général administratif lui a adressé, en raison de ces violations des règles statutaires, une mise en garde. Il est ainsi établi que l’enquête administrative de 2012 révèle que le SEAE a dû faire face à certains problèmes imputables au requérant dans la gestion de la délégation.

111    De même, le Tribunal observe que le rapport de la mission d’évaluation fait état de manquements graves de la part du requérant dans la gestion de la délégation, tant au niveau de la direction que de l’organisation et de la gestion des conflits entre les membres du personnel. Dans ledit rapport, il est notamment reproché au requérant de ne pas diriger le personnel de la délégation en s’assurant que les instructions soient transmises de façon efficace et en mettant en place un système de suivi, de ne pas veiller à ce que les réunions internes soient coordonnées, de ne pas soutenir de manière effective le chef d’administration pour que tous les membres du personnel respectent les procédures administratives, de ne pas mettre en œuvre une planification et une supervision appropriées de l’ensemble des activités de la délégation et de ne pas avoir la volonté ou la capacité de gérer des situations de tension existant de longue date entre certains membres du personnel. Selon le rapport de la mission d’évaluation, le fonctionnement global de la délégation était en cause, avec pour conséquence le risque sérieux d’affecter négativement la mise en œuvre, par la délégation, des politiques de l’Union en matière de coopération et de développement. Par ailleurs, le Tribunal observe que le requérant a admis, dans ses commentaires du 7 juillet 2013 sur le projet de rapport de la mission d’évaluation, qu’il n’avait pas prêté une attention suffisante à sa mission d’assurer la continuité du travail effectué au sein de la délégation.

112    S’agissant de la note du 6 juin 2013, qui, selon le requérant, démontrerait l’erreur manifeste d’appréciation de la décision attaquée, le Tribunal constate qu’en effet elle contient des commentaires favorables sur la gestion de la délégation pendant l’année 2012. Ainsi, le directeur de la direction « Afrique de l’Ouest et centrale » de la DG « Développement et coopération », auteur de la note du 6 juin 2013, « remercie [la] délégation pour les performances obtenues et l’important travail fourni au cours de l’année écoulée qui a permis d’engager la presque totalité de l’enveloppe A du [ʻ]Programme [i]ndicatif [n]ational[ʼ] […] et d’atteindre la cible initiale de[s] paiements[, et] salue les efforts que la délégation a entrepris notamment pour consolider un dialogue efficace avec les autorités nationales, les autres bailleurs et les États [m]embres et assurer une mise en œuvre satisfaisante ». Il « remercie [la délégation] pour les efforts fournis et le travail réalisé dans [l]e contexte [de la conférence des donateurs sur le Burundi] », il affirme que « [l]a mise en œuvre [des projets] est généralement satisfaisante au Burundi malgré quelques programmes qui ont posé des difficultés » et il « note que les objectifs de mise en œuvre des plans d’audit ont été atteints par la délégation[, qu’i]l n’y a pas eu de retards et [que] les seuils ont été achevés et surpassés et [il] félicite [la délégation] pour cela », ou encore que « [l]e travail en termes de visibilité de la [d]élégation est très apprécié ».

113    Or, force est d’ajouter que plusieurs passages de la note du 6 juin 2013 font néanmoins état de faiblesses dans la gestion de la délégation pendant l’année 2012. Ainsi, son auteur affirme que « [l]es conclusions des audits et les rapports ex post ont mis en évidence des faiblesses importantes dans les qualités des données dans [le système commun d’information de la DG ʻRelations extérieuresʼ de la Commission], notamment des cas répétés de données manquantes, incomplètes ou erronées[, que l]a responsabilité pour la qualité des données dans [ledit système] doit être renforcée » ou encore que, « [p]endant [l’année] 2012, la [d]élégation a produit [une] étude de cas [et il] […] saisi[t] cette occasion pour […] rappeler qu’en ligne avec l’[ʻ]Agenda for Change[ʼ] et les priorités de la [s]tratégie de [c]ommunication de [la DG ʻDéveloppement et coordinationʼ] pour 2012 il est demandé à chaque [d]élégation de produire trois études de cas par an ».

114    Dans ces circonstances, au vu des problèmes et des manquements du requérant dans la gestion de la délégation signalés aux points 110 et 111 du présent arrêt et des faiblesses de ce dernier mises en exergue dans la note du 6 juin 2013, il y a lieu de considérer que le SEAE, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont il jouit en matière de licenciement d’agents temporaires, n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant, malgré certains commentaires positifs figurant dans la note du 6 juin 2013, qu’il était dans l’intérêt du service de mettre fin au contrat du requérant avant son terme. Le SEAE était, notamment, en droit de faire prévaloir, dans le cadre de la mise en balance des différents intérêts en cause, les problèmes éprouvés par le requérant pour gérer la délégation sur le souhait de ce dernier de ne pas être licencié.

115    Ce faisant, le SEAE n’a pas méconnu son devoir de sollicitude. En effet, si le devoir de sollicitude implique que l’autorité compétente est tenue, lorsqu’elle apprécie l’intérêt du service, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, notamment l’intérêt de l’agent concerné, la prise en compte de l’intérêt personnel de ce dernier ne saurait aller jusqu’à interdire à ladite autorité de licencier cet agent malgré l’opposition de ce dernier, dès lors que l’intérêt du service l’exige (voir, pour le non-renouvellement d’un contrat d’agent temporaire, arrêt du 11 juillet 2012, AI/Cour de justice, F‑85/10, EU:F:2012:97, point 168).

116    Enfin, il incombe au Tribunal d’examiner si le sixième considérant de la décision attaquée, selon lequel le requérant aurait en principe consenti à retourner dans son administration d’origine après son rappel au siège du SEAE, est inexact en fait.

117    À cet égard, le Tribunal constate que c’est à tort que le SEAE affirme qu’un tel consentement ressortirait du courrier du conseil du requérant du 2 août 2013 introduisant une demande d’assistance. En effet, le libellé de ce courrier (voir point 25 du présent arrêt) démontre clairement que l’engagement du requérant de rejoindre son administration d’origine était conditionné au retrait par le SEAE de la décision de le rappeler au siège, ce que le SEAE n’a pas fait.

118    La constatation de cette inexactitude matérielle n’est toutefois pas de nature à entacher la décision attaquée d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, d’une part, les motifs décisifs de la décision attaquée se trouvent dans les cinq premiers considérants, relatifs à la rupture du lien de confiance et à l’impossibilité subséquente d’offrir un nouvel emploi au requérant en raison des manquements graves observés dans la gestion de la délégation (voir point 66 du présent arrêt). D’autre part, il vient d’être jugé que l’appréciation par l’AHCC de la gestion de la délégation par le requérant et de l’intérêt du service n’est pas entachée d’une erreur manifeste (voir point 114 du présent arrêt).

119    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le septième moyen comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, pris de la violation du droit d’être entendu

–       Arguments des parties

120    Le requérant fait valoir qu’il n’a pas été entendu, ni par le haut représentant, ni par le directeur général administratif, ni par aucun autre membre de l’encadrement supérieur ou intermédiaire du SEAE, avant l’adoption de la décision attaquée, ce qui serait contraire à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

121    Le SEAE confirme qu’une audition formelle du requérant avant l’adoption de la décision attaquée n’a pas eu lieu étant donné que la décision attaquée était intrinsèquement liée à la décision du 15 juillet 2013 de réaffecter le requérant au siège du SEAE, la décision attaquée devant être analysée comme une « décision de suivi » de cette décision de réaffectation préalablement à laquelle le requérant avait été entendu. Le SEAE ajoute qu’une telle audition formelle n’aurait pas été susceptible de convaincre l’AHCC de ne pas licencier le requérant avant le terme de son contrat, étant donné que le lien de confiance avec le requérant était irrémédiablement rompu et qu’il n’avait aucune possibilité de lui offrir un poste au siège correspondant à ses grade et expérience.

–       Appréciation du Tribunal

122    Selon l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard. En outre, le respect du droit d’être entendu s’impose même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 39).

123    Selon la jurisprudence, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative et avant l’adoption d’une décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (arrêt du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 83).

124    Il n’est pas contesté par les parties que la décision de résilier le contrat d’engagement d’un agent temporaire sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA, telle que la décision attaquée, est une mesure individuelle qui affecte défavorablement l’agent concerné (voir, s’agissant de la résiliation du contrat d’un agent parlementaire accrédité, arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement, F‑129/12, EU:F:2013:203, point 34 ; s’agissant du non-renouvellement du contrat d’un agent temporaire venu à expiration, arrêt du 10 septembre 2014, Tzikas/AFE, F‑120/13, EU:F:2014:197, point 46). Le requérant devait donc être entendu avant l’adoption de la décision attaquée, même si l’article 47, sous b), ii), du RAA ne prévoit pas spécifiquement un tel droit.

125    Le SEAE admet que le requérant n’a pas été formellement entendu avant l’adoption de la décision attaquée. En outre, il ressort du dossier que l’AHCC n’a jamais évoqué la possibilité d’adopter à l’égard du requérant une décision sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA avant d’adopter la décision attaquée. Certes, les motifs de la décision attaquée reprennent en grande partie les motifs qui se trouvent à la base de la décision de réaffectation au siège du SEAE du 15 juillet 2013, mais cette décision de réaffectation, à elle seule, n’a pas mis le requérant en mesure de comprendre avec certitude que l’AHCC envisageait, en outre, de mettre fin avant son terme à son contrat d’engagement. Le requérant n’a donc pas eu la possibilité de présenter des observations sur les conséquences radicales que l’AHCC envisageait de tirer des manquements dans la gestion de la délégation qui lui étaient reprochés et qui avaient entraîné sa réaffectation au siège du SEAE et, notamment, sur son intention de résilier son contrat d’engagement avant son terme en faisant application de la disposition susmentionnée du RAA.

126    Il y a donc lieu de constater que, en ce qui concerne cet aspect de la décision attaquée, le droit du requérant d’être entendu n’a pas été respecté par l’AHCC, en violation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

127    Toutefois, pour qu’une violation du droit d’être entendu puisse aboutir à l’annulation de la décision contestée, il est encore nécessaire d’examiner si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (arrêts du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 79 ; du 12 décembre 2013, CH/Parlement, F‑129/12, EU:F:2013:203, point 38 ; du 14 mai 2014, Delcroix/SEAE, F‑11/13, EU:F:2014:91, point 42, et du 17 septembre 2014, Wahlström/Frontex, F‑117/13, EU:F:2014:215, point 28).

128    En effet, la règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci ne soit prise a pour but de permettre à l’autorité concernée de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents. Afin d’assurer une protection effective dudit destinataire, cette règle a notamment pour objet que celui-ci puisse corriger une erreur ou faire valoir tels éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent dans le sens que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (arrêt du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, EU:C:2008:746, point 49).

129    À cet égard, d’une part, le Tribunal rappelle que le contrat d’engagement du requérant disposait à l’article 2 que celui-ci était « employé en tant que [c]hef de la [d]élégation de l’Union européenne au Burundi ». Par conséquent, de par l’objet même de son contrat, le requérant était engagé par l’AHCC pour assumer, sur place, la responsabilité de la gestion de la délégation.

130    D’autre part, il ressort de la motivation de la décision attaquée que celle-ci est fondée, pour l’essentiel, sur la rupture irréparable du lien de confiance entre le SEAE et le requérant en raison des manquements graves observés dans la gestion de la délégation, tels qu’ils ont été mis en exergue dans le cadre de l’enquête administrative de 2012 et dans le rapport de la mission d’évaluation (voir point 66 du présent arrêt).

131    Or, le requérant a eu la possibilité de s’exprimer sur ces manquements, car il a été entendu dans le cadre de l’enquête administrative de 2012 et il a utilement émis des observations, tant orales qu’écrites, sur le projet de rapport de la mission d’évaluation, respectivement les 4 et 7 juillet 2013 (voir point 87 du présent arrêt).

132    En outre, il a été jugé que l’AHCC n’a pas commis d’erreur manifeste dans son appréciation de la gestion de la délégation par le requérant (voir point 114 du présent arrêt). Dès lors, il ne saurait être reproché à l’AHCC d’avoir perdu confiance en la capacité du requérant de gérer une délégation.

133    Étant donné que le requérant avait été recruté, ainsi qu’il ressort de son contrat d’engagement, pour exercer des fonctions d’encadrement et de gestion en tant que chef de la délégation, poste qui, conformément à l’article 5, paragraphes 2 et 3, de la décision 2010/427/UE, comportait la responsabilité globale des marchés de la délégation et de l’exécution des instructions du haut représentant, de la hiérarchie du SEAE et, le cas échéant, de la Commission ; étant donné que le requérant a fait preuve de défaillances graves dans la gestion de la délégation, ce qui a eu pour conséquence une perte de confiance de l’AHCC dans ses capacités à gérer une délégation et que, courant juin et juillet 2013, le requérant a été entendu par le SEAE sur ses défaillances comme chef de délégation, dans le cadre de l’adoption de la décision de réaffectation du 15 juillet 2013, le Tribunal conclut que, ainsi que le fait valoir le SEAE, l’audition du requérant par le SEAE préalablement à l’adoption de la décision attaquée n’aurait pas été de nature, dans les circonstances de l’espèce, à convaincre l’AHCC de ne pas licencier le requérant avant le terme de son contrat. De même, il ressort du dossier, et en particulier des observations du SEAE, que, à supposer même que le requérant ait été entendu avant l’adoption de la décision attaquée, l’AHCC aurait en tout état de cause décidé de le licencier avant que son contrat ne vienne à échéance. En outre, le devoir de sollicitude du SEAE à l’égard du requérant ne saurait aller jusqu’à obliger le SEAE à maintenir le requérant en fonction dans son grade jusqu’au terme de son contrat alors qu’il ne pouvait lui attribuer que des tâches administratives au siège.

134    Cette conclusion ne saurait être infirmée par les observations que le requérant, selon ses dires, aurait formulées pour s’opposer au projet de licenciement de l’AHCC s’il avait été invité à une audition formelle avant l’adoption de la décision attaquée.

135    En effet, interrogé par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure sur les remarques qu’il aurait pu faire valoir lors d’une telle audition formelle afin d’éviter l’adoption de la décision attaquée, le requérant, d’une part, a précisé qu’il aurait informé le SEAE du fait que le directeur général administratif lui avait conseillé de démissionner pour éviter l’ouverture de l’enquête administrative de 2012 et qu’il l’avait même menacé pour qu’il démissionne, et du fait que le directeur général administratif n’avait pas correctement informé son administration d’origine de l’évolution de cette enquête.

136    Or, de telles observations ont trait uniquement à l’attitude que le directeur général administratif aurait eue à l’égard du requérant dans le cadre de l’enquête administrative de 2012. De telles observations ne sont donc pas de nature à remettre en cause le contenu même du rapport de cette enquête, dont il a été rappelé à plusieurs reprises dans le présent arrêt qu’il était à l’origine de la décision attaquée. Par ailleurs, il ressort du dossier que, si des problèmes dans la gestion de la délégation ont été mis au jour au cours de l’enquête administrative de 2012, c’est dans le rapport de la mission d’évaluation que plusieurs manquements graves dans la gestion de la délégation ont été circonstanciés, lesquels ont conjointement causé la rupture du lien de confiance entre le SEAE et le requérant.

137    D’autre part, le requérant a fait valoir dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure que, si une audition formelle avait eu lieu avant l’adoption de la décision attaquée, il aurait eu l’occasion de mettre en évidence les démarches qu’il avait entreprises dès sa réaffectation au siège du SEAE pour se voir confier des tâches effectives, ainsi que l’intérêt du SEAE à ce qu’il approfondisse une étude qu’il venait d’effectuer. Or, d’une part, de telles tâches n’ont aucun rapport avec celles de chef de délégation dont il était censé s’acquitter en vertu de son contrat d’engagement et, d’autre part, le requérant n’a pas avancé d’arguments susceptibles de rétablir le lien de confiance avec le SEAE, indispensable à ce dernier pour le garder en service en tant que chef d’une délégation.

138    Au vu de tout ce qui précède, le troisième moyen, pris de la violation du droit d’être entendu, doit être rejeté comme non fondé.

139    Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’adopter les mesures d’instruction demandées par le requérant, que le premier chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision attaquée, doit être rejeté.

140    Par voie de conséquence, le recours doit être rejeté dans son ensemble comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur les dépens

141    Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

142    Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant a succombé en son recours. En outre, le SEAE a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens, y compris ceux qu’il a exposés dans l’instance en référé, et est condamné à supporter les dépens exposés par le SEAE, y compris ceux que le SEAE a exposés dans l’instance en référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. De Loecker supporte ses propres dépens et est condamné à supporter l’ensemble des dépens exposés par le Service européen pour l’action extérieure.

Bradley

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2015.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       K. Bradley


* Langue de procédure : le français.

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