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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Mustang v OHMI - Dubek (Mustang) (Judgment) French Text [2015] EUECJ T-606/13 (18 November 2015) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2015/T60613.html Cite as: ECLI:EU:T:2015:862, EU:T:2015:862, [2015] EUECJ T-606/13 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
18 novembre 2015 (*)
« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative Mustang – Marques nationales verbale et figurative antérieures MUSTANG – Absence de risque de préjudice porté à la renommée des marques antérieures – Article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 »
Dans l’affaire T‑606/13,
Mustang – Bekleidungswerke GmbH & Co. KG, établie à Künzelsau (Allemagne), représentée initialement par Me S. Völker, puis par Mes C. Roos et S. Speckmann, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. G. Schneider et M. Fischer, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant
Dubek Ltd., établie à Petach Tikva (Israël), représentée par Me C. Thomas, avocat,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 13 septembre 2013 (affaire R 416/2012‑4), relative à une procédure d’opposition entre Mustang – Bekleidungswerke GmbH & Co. KG et Dubek Ltd,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz (rapporteur), juges,
greffier : Mme A. Lamote, administrateur,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 novembre 2013,
vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 26 février 2014,
vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 18 février 2014,
à la suite de l’audience du 8 juillet 2015,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 3 juillet 2007, l’intervenante dans la présente procédure, Dubek Ltd., a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :
.
3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 34 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Cigarettes, tabac brut et manufacturé, accessoires pour fumeurs, briquets et allumettes ; tous les produits précités compris dans la classe 34 ».
4 La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 67/2007, du 17 décembre 2007.
5 Le 17 mars 2008, la requérante, Mustang – Bekleidungswerke GmbH & Co. KG, a formé opposition au titre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 à l’enregistrement de la marque demandée.
6 L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :
– la marque allemande verbale MUSTANG, enregistrée le 2 mars 1959 sous le numéro 722702, désignant des produits de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « Vêtements (sauf tricotés) » ;
– la marque allemande figurative en noir et blanc reproduite ci-après enregistrée le 10 février 1992 sous le numéro 2009149, désignant des produits des classes 9, 14, 18 et 25 et correspondant à la description suivante : « Lunettes, lunettes de soleil », relevant de la classe 9 ; « Articles de bijouterie, articles de joaillerie, montres », relevant de la classe 14 ; « Articles en cuir et en imitation de cuir, à savoir sacs et petits articles en cuir, notamment portefeuilles, porte-documents, étuis pour clés, sacs à main, sacs de courses, sets de voyage », relevant de la classe 18, et « Vêtements, y compris en cuir, vêtements du sport, anoraks, pantalons, jeans, vestes, pullovers, chemises, tee-shirts, écharpes, casquettes, cravates, chaussures, ceintures pour vêtements », relevant de la classe 25 :
7 Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009).
8 Le 19 janvier 2012, la division d’opposition a entièrement rejeté l’opposition au motif que la requérante n’avait pas exposé de faits ou de preuves permettant de soutenir la conclusion selon laquelle l’usage de la marque demandée pourrait tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.
9 Le 24 février 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.
10 Le 13 septembre 2013, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a adopté une décision (ci-après la « décision attaquée ») rejetant le recours de la requérante. Elle a justifié ce rejet notamment par le fait que la requérante n’avait pas fourni la preuve que l’image négative de l’industrie du tabac puisse affaiblir la renommée des vêtements qu’elle vendait sous sa marque verbale antérieure.
Conclusions des parties
11 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’OHMI aux dépens.
12 L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
13 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
14 Au soutien de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. La requérante considère, en substance, que les consommateurs établiront un lien entre les marques en cause avec le risque que la marque de cigarettes demandée nuise à la renommée de ses marques de vêtements.
15 L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante. En particulier, l’intervenante conteste la recevabilité des preuves produites par la requérante pour la première fois devant le Tribunal. En outre, l’OHMI et l’intervenante considèrent que c’est à juste titre que la chambre de recours a affirmé que la requérante n’avait pas prouvé l’existence d’un risque de préjudice pour le caractère distinctif ou la renommée de sa marque.
Sur la recevabilité des preuves produites pour la première fois devant le Tribunal
16 L’intervenante conteste la recevabilité des preuves produites par la requérante pour la première fois devant le Tribunal.
17 À cet égard, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 65, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, le Tribunal est appelé à apprécier la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI en contrôlant l’application du droit de l’Union européenne effectuée par celles-ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres. Il s’ensuit que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’OHMI ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal et ce dernier ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui, sauf s’agissant de faits qui auraient dû faire l’objet d’un examen d’office par les instances de l’OHMI en vertu de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 [voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 2011, LG Electronics/OHMI, C‑88/11 P, EU:C:2011:727, points 23 à 26 et jurisprudence citée ; du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec, EU:T:2005:420, point 19, et du 29 septembre 2010, Interflon/OHMI – Illinois Tool Works (FOODLUBE), T‑200/08, EU:T:2010:414, point 11].
18 En l’espèce, les annexes A11 à A16 de la requête contiennent des preuves visant à démontrer l’utilisation faite de marques de cigarettes, leur interaction avec le domaine vestimentaire et la perception des adolescents et des jeunes adultes quant au fait de fumer. À l’audience, la requérante a confirmé que ces preuves avaient été avancées pour la première fois devant le Tribunal. La requérante n’a avancé aucun argument justifiant la production desdites preuves à ce stade de la procédure.
19 Partant, en application de la jurisprudence reprise au point 17 ci-dessus, lesdites preuves doivent être écartées sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante.
Sur la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009
Considérations liminaires
20 La requérante considère, en substance, que la décision attaquée viole l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, car il y aurait un risque que l’enregistrement de la marque demandée porte préjudice à la renommée de ses marques antérieures.
21 Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est similaire ou identique à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas semblables à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il lui porterait préjudice.
22 Le but de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’est pas d’empêcher l’enregistrement de toute marque identique à une marque renommée ou similaire. L’objectif de cette disposition est, notamment, de permettre au titulaire d’une marque antérieure renommée de s’opposer à l’enregistrement de marques susceptibles soit de porter préjudice à la renommée ou au caractère distinctif de la marque antérieure, soit de tirer indûment profit de cette renommée ou de ce caractère distinctif. À cet égard, il convient de préciser que le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque. Il doit toutefois apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice [arrêt du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI – Spa-Finders Travel Arrangements (SPA-FINDERS), T‑67/04, Rec, EU:T:2005:179, point 40].
23 Par ailleurs, si la protection conférée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 peut s’appliquer lorsque les produits ou les services désignés par les marques litigieuses sont identiques ou similaires, elle est conçue en premier lieu pour être appliquée vis-à-vis de produits ou de services non similaires [voir arrêt du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, Rec, EU:T:2007:214, point 54 et jurisprudence citée].
24 La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 présuppose donc la réunion des conditions suivantes : premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit, deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée en opposition et, troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou lui porterait préjudice. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêt du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec, EU:T:2007:93, point 34].
25 En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en substance, que, si, certes, la marque verbale antérieure MUSTANG était connue par le public allemand pour les vêtements, les preuves soumises ne permettaient pas de déduire que la connaissance de cette marque en Allemagne était excellente. En outre, la chambre de recours a estimé que les preuves soumises ne permettaient pas de prouver la connaissance de la marque figurative antérieure. Partant, elle a limité la portée de son analyse à la marque verbale antérieure. S’agissant de la similitude des marques en cause, la chambre de recours a considéré que, malgré les différences présentes dans l’impression visuelle d’ensemble, la similitude des signes était globalement supérieure à la moyenne en raison des similitudes visuelles et de l’identité phonétique ainsi que de l’identité conceptuelle. Enfin, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas prouvé l’existence d’un risque de préjudice pour le caractère distinctif ou la renommée de sa marque. En particulier, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas prouvé que sa marque jouissait d’une renommée si exceptionnellement élevée que la probabilité d’un lien avec tout autre produit soit tellement évidente qu’aucune autre preuve ne serait nécessaire. En outre, la requérante n’aurait pas fourni la preuve de son allégation relative à l’image négative de l’industrie du tabac et de son impact auprès des acheteurs de vêtements.
26 La requérante estime que la chambre de recours a commis des erreurs lors de son appréciation de la renommée de la marque antérieure, de la similitude des signes, du lien entre les marques en cause et du risque de préjudice pour sa marque.
Sur la renommée de la marque antérieure
27 La requérante estime que la chambre de recours a erronément considéré que la renommée en Allemagne de la marque MUSTANG n’était pas « excellente ». Tout d’abord, la requérante considère que l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’exigeait qu’une renommée de la marque antérieure. En outre, elle estime que les preuves qu’elle a soumises démontrent que ladite marque jouissait d’une excellente renommée en Allemagne. La marque MUSTANG serait depuis de nombreuses années une des marques de vêtements les plus connues en Allemagne. Les arguments de la chambre de recours ne remettraient pas en cause ce constat.
28 Au vu de ces arguments, il convient de confirmer que l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 requiert seulement que la marque antérieure jouisse d’une renommée et pas d’une renommée « excellente ». Cette appréciation n’a d’ailleurs pas été remise en cause par la chambre de recours dans la décision attaquée. Cependant, ainsi que l’a indiqué la chambre de recours au point 35 de la décision attaquée, l’intensité de la renommée peut être pertinente pour la démonstration de la probabilité que le public pertinent fasse un lien entre les marques en cause. Ainsi, il a été jugé qu’il était possible, notamment dans le cas d’une opposition fondée sur une marque bénéficiant d’une renommée exceptionnellement élevée, que la probabilité d’un risque futur non hypothétique de préjudice porté ou de profit indûment tiré par la marque demandée de la marque invoquée en opposition soit tellement évidente que l’opposant n’a besoin d’invoquer et de prouver aucun autre élément factuel à cette fin (voir arrêt VIPS, point 24 supra, EU:T:2007:93, point 48 et jurisprudence citée).
29 S’agissant de savoir si, en l’espèce, la chambre de recours aurait dû considérer que la marque verbale antérieure jouissait d’une renommée « excellente », il convient de rappeler que la renommée d’une marque s’apprécie par rapport au public concerné par les produits ou les services couverts par celle-ci. En l’espèce, il n’est pas contesté que ledit public est composé des consommateurs moyens allemands qui doivent être considérés comme normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés.
30 Pour ledit public, la chambre de recours a considéré que la marque verbale antérieure jouissait d’une renommée sans que celle-ci soit « excellente » parce que les documents produits par la requérante ne permettaient pas d’établir la part de marché détenue par ladite marque et que, dans les enquêtes de marché « Outfit » du Spiegel-Verlag produites au cours de la procédure administrative, la nature et l’évaluation des données récoltées n’avaient pas été commentées. La requérante conteste ces appréciations au motif qu’il ressort de l’enquête « Outfit » de 2007 que, sur environ 250 marques de vêtements, seules 7 avaient un degré de notoriété supérieur à la sienne. En outre, l’absence de données quant aux parts de marché ne permettrait pas de justifier l’approche de la chambre de recours car, premièrement, compte tenu du très grand nombre d’opérateurs sur le marché du vêtement, la question de la part de marché n’aurait qu’une importance secondaire aux fins de l’appréciation de la renommée d’une marque de vêtements et, deuxièmement, l’enquête en cause révélerait que 27 % de la population allemande détenait des produits de la marque MUSTANG, la plaçant dans le haut du classement dans la catégorie « possession de la marque » par rapport à d’autres marques de vêtements.
31 Afin d’apprécier le grief de la requérante, il convient de rappeler que la renommée d’une marque s’évalue au regard de tous les éléments pertinents en cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque antérieure, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, sans qu’il soit exigé que cette marque soit connue d’un pourcentage déterminé du public pertinent ou que sa renommée s’étende à la totalité du territoire concerné, dès lors que la renommée existe dans une partie substantielle de celui-ci [voir, par analogie, arrêts du 14 septembre 1999, General Motors, C‑375/97, Rec, EU:C:1999:408, points 24, 25 et 27 à 29, et du 19 juin 2008, Mülhens/OHMI – Spa Monopole (MINERAL SPA), T‑93/06, EU:T:2008:215, point 33].
32 Au vu des documents fournis par la requérante devant la chambre de recours, il est établi que la marque verbale de la requérante jouissait auprès du public pertinent allemand d’une renommée importante. En effet, comme l’indique la chambre de recours au point 20 de la décision attaquée, il ressort des documents fournis que, pour une période de 17 ans, ladite marque jouissait d’une connaissance continuellement supérieure à 80 %.
33 Toutefois, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que ladite marque n’avait pas une renommée « excellente », au sens d’exceptionnellement élevée, visée par la jurisprudence reprise au point 28 ci-dessus. En effet, le pourcentage de connaissance repris au point 32 ci-dessus ne suffit pas à établir cette renommée exceptionnelle de la marque en cause dès lors que, comme l’indique la chambre de recours, les documents produits n’exposent pas à suffisance la méthode utilisée pour recueillir et évaluer les données en cause.
34 Par ailleurs, la requérante déduit à tort du fait qu’il y a un très grand nombre d’opérateurs sur le marché du vêtement que la part de marché n’a qu’une importance secondaire aux fins de l’appréciation de la renommée d’une marque de vêtements. En effet, comme cela a été indiqué au point 31 ci-dessus, la part de marché constitue un des éléments pertinents pour apprécier la renommée d’une marque. Le fait qu’il y a un grand nombre d’opérateurs sur un marché n’implique pas que la part de marché constitue un critère secondaire pour apprécier la renommée d’une marque. L’absence de données sur les parts de marché de la requérante dans un marché qui, de l’aveu même de cette dernière, comporte un grand nombre d’opérateurs contribue, en l’espèce, au caractère insuffisant des preuves afin de démontrer une renommée « excellente » de la marque verbale antérieure.
35 Par ailleurs, la requérante considère que la chambre de recours a erronément refusé de protéger la renommée de sa marque figurative antérieure. Selon la requérante, le fait que les enquêtes « Outfit » concerneraient uniquement l’élément « mustang », sans le cheval au galop, ne permet pas de conclure, a contrario, que l’élément figuratif d’un cheval au galop compris dans la marque figurative antérieure ne jouissait pas d’un degré de notoriété équivalent à celui de sa marque verbale antérieure. L’élément figuratif utilisé depuis longtemps et de façon continue associé à ladite marque verbale aurait acquis une degré de notoriété équivalent à celui de la marque verbale auprès des consommateurs.
36 Au vu de ce grief, il convient de rappeler qu’il appartient au titulaire de la marque antérieure d’apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice (voir point 22 ci-dessus).
37 En l’espèce, il n’est pas contesté que les enquêtes « Outfit » portent sur des marques comportant l’élément verbal « mustang » sans le cheval au galop de la marque figurative antérieure en cause. Si le cheval galopant n’est pas négligeable dans la composition de la marque figurative antérieure, cette circonstance n’exempte pas la requérante de son obligation de démontrer la renommée de ladite marque auprès du public pertinent. Les études et les annonces publicitaires dans les revues produites par la requérante comme preuve pendant la procédure devant l’OHMI ne font pas référence à la marque figurative antérieure en tant que telle. Les références à la marque figurative antérieure dans les autres documents produits au cours de la procédure devant l’OHMI ne suffisent pas à démontrer sa renommée.
38 En outre, est insuffisant le fait que la requérante a soumis quelques annonces représentant des marques figuratives similaires et, en particulier, la marque figurative suivante :
39 En effet, le fait que cette marque figurative contient l’image du cheval ne permet pas de conclure à une renommée de la marque figurative antérieure. D’une part, comme l’a indiqué la chambre de recours au point 25 de la décision attaquée, l’élément figuratif représentant un cheval est très petit et d’une importance mineure dans l’impression d’ensemble, si bien que le public pertinent ne reconnaîtra pas, dans cette forme de l’usage, la marque figurative enregistrée. D’autre part, la requérante n’a pas prouvé la renommée de la marque figurative reprise au point 38 ci-dessus. Elle n’a pas démontré à suffisance l’étendue des campagnes de publicité contenant cette marque. Ainsi, elle n’a pas donné le nombre des personnes lisant la revue Sportswear dans laquelle plusieurs des annonces ont été publiées, le groupe cible et la fréquence des annonces de publicité ou le nombre des destinataires des catalogues de mode. De plus, dès lors que les catalogues de mode en cause indiquent également les prix d’achat pour les distributeurs, il n’est pas établi avec certitude que ces catalogues sont mis à la disposition du public pertinent de la marque en cause composé des consommateurs moyens (voir point 29 ci-dessus). En ce qui concerne les documents soumis contenant d’autres marques figuratives avec la représentation d’un cheval, force est de constater qu’ils ne permettent pas non plus de conclure à une renommée de la marque figurative antérieure. Partant, le grief de la requérante, tiré de l’absence de prise en compte de la renommée de la marque figurative antérieure, doit être rejeté.
Sur la similitude des signes en cause
40 La requérante estime que, compte tenu de l’identité phonétique et de l’identité conceptuelle ainsi que de la similitude visuelle supérieure à la moyenne entre les signes en cause, la similitude globale entre lesdits signes serait très élevée et non seulement supérieure à la moyenne comme l’affirme la chambre de recours dans la décision attaquée.
41 À cet égard, il convient de rappeler que, afin de satisfaire à la condition relative à la similitude des marques posée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre la marque antérieure jouissant d’une renommée et la marque demandée. Il suffit que le degré de similitude entre ces deux marques ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre elles [arrêts du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, Rec, EU:C:2011:177, point 53 ; du 20 novembre 2014, Intra-Presse/Golden Balls, C‑581/13 P et C‑582/13 P, EU:C:2014:2387, point 72, et du 16 avril 2008, Citigroup et Citibank/OHMI – Citi (CITI), T‑181/05, Rec, EU:T:2008:112, points 64 et 65].
42 Toutefois, plus les marques en conflit sont similaires, plus il est vraisemblable que la marque demandée évoquera, dans l’esprit du public pertinent, la marque antérieure renommée (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, Rec, EU:C:2008:655, point 44).
43 L’appréciation globale visant à établir l’existence du lien entre les marques en cause doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [arrêts du 16 mai 2007, La Perla/OHMI – Worldgem Brands (NIMEI LA PERLA MODERN CLASSIC), T‑137/05, EU:T:2007:142, point 35, et du 25 mars 2009, L’Oréal/OHMI – Spa Monopole (SPALINE), T‑21/07, EU:T:2009:80, point 18].
44 En outre, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants [voir, par analogie, arrêt du 15 décembre 2009, Trubion Pharmaceuticals/OHMI – Merck (TRUBION), T‑412/08, EU:T:2009:507, point 35 et jurisprudence citée].
45 En l’espèce, il n’est pas contesté que la marque demandée et la marque verbale antérieure sont phonétiquement et conceptuellement identiques. S’agissant de l’analyse de similitudes visuelles des marques en cause, la chambre de recours a constaté à bon droit que les marques en cause jouissaient globalement d’une similitude visuelle moyenne. En effet, le mot « mustang » de la marque demandée est identique à la marque verbale antérieure. En outre, ce mot dans la marque demandée est prépondérant par rapport à la représentation d’un cheval au galop et aux autres éléments de la marque demandée que sont les différentes couleurs, l’encadrement noir, l’emblème comportant la lettre majuscule « T » et l’expression « 20 class a filter cigarettes », sans pour autant rendre ces derniers négligeables. Cependant, la marque demandée se différencie de la marque verbale antérieure en raison de sa représentation d’un cheval et des autres éléments susmentionnés.
46 Compte tenu de la similitude visuelle moyenne en raison des différences dans l’impression visuelle d’ensemble et de l’identité phonétique ainsi que de l’identité conceptuelle des marques en cause, la chambre de recours pouvait, sans commettre d’erreur, constater au point 30 de la décision attaquée que la similitude des signes était globalement supérieure à la moyenne.
47 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments avancés par la requérante à l’appui de son appréciation selon laquelle le degré de similitude entre les signes serait très élevé. Ainsi, le public pertinent percevra l’encadrement noir qui réserve l’espace pour inscrire les avertissements exigés par la loi concernant les effets nocifs du tabac sur la santé. Le fait que cet encadrement a cette fonction n’affecte pas sa perception par le public pertinent et ne le rend pas, comme l’avance la requérante, purement descriptif. Enfin, c’est à tort que la requérante considère que l’emblème comportant la lettre majuscule « T » est à peine perceptible pour le public pertinent. Étant donné la taille dudit emblème, il ne peut être considéré comme négligeable pour le public pertinent.
Sur le lien entre les marques en cause
48 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, que la requérante n’avait pas démontré à suffisance l’existence d’un lien entre les marques en cause. En effet, la chambre de recours a considéré que les produits étaient dissemblables. Les pages Internet invoquées par la requérante pour prouver que des vêtements étaient fabriqués sous licence, notamment chez Marlboro et Camel, ne permettraient pas de prouver que l’attribution d’une licence pour des vêtements est une pratique générale dans le secteur du tabac. La chambre de recours a considéré que, si le public pertinent était conscient du fait que les grandes entreprises accordent des licences pour des produits très variés, il ne supposait pas, sur la base de ce seul fait, une proximité entre ces produits. En outre, la requérante n’aurait pas démontré une renommée exceptionnellement élevée de sa marque antérieure, de sorte que la probabilité d’un lien avec d’autres produits serait évidente. La chambre de recours a encore considéré que, en l’absence de pratique des fabricants de vêtements consistant à accorder des licences pour des cigarettes, il n’existait pas non plus de raison, pour le consommateur, de présumer l’existence d’une telle licence lorsqu’il est confronté à la marque demandée. Enfin, en raison des restrictions sur la publicité pour le tabac, la chambre de recours a estimé que, dans la perception du consommateur ciblé, le fait de consommer du tabac n’est plus attaché à un certain style vestimentaire ou à une attitude de vie s’exprimant à travers certains vêtements, de sorte qu’il n’existerait pas de « transfert d’image » pertinent entre les deux groupes de produits.
49 La requérante conteste cette appréciation. Selon elle, lorsque le public pertinent est en présence d’un produit de la marque demandée, il établira un lien avec les produits désignés par ses marques antérieures. La requérante considère que la notoriété et non la renommée de la marque est pertinente pour un risque d’association. Avec un degré de notoriété de 80 % auprès du public pertinent, la requérante estime que cette notoriété est suffisamment élevée pour conclure d’emblée à l’existence d’un risque d’association entre des marques qui sont identiques sur les plans phonétique et conceptuel et presque identiques sur le plan visuel. De plus, la requérante estime qu’il y a un lien spécifique entre les produits en cause, lequel amènera le public visé à établir une association entre les produits désignés par les marques en cause, car il s’agit de produits qui se prêtent au « transfert d’image » (Brand-Stretching). Le transfert d’image serait une forme de publicité indirecte utilisée par des fabricants de produits de tabac comme Marlboro et Camel pour contourner les restrictions publicitaires dont font l’objet les cigarettes. Le transfert d’image consisterait à transposer la marque sur d’autres produits. Ainsi, Marlboro et Camel auraient utilisé leur image existante de marque de cigarettes pour promouvoir des vêtements, ce qui, ensuite, profiterait à la marque de cigarettes. La requérante souligne que le public pertinent a conscience que les entreprises possédant des marques connues accordent des licences pour des produits très variés. Elle invoque à ce propos les marques Davidoff et Dunhill. Elle souligne que, contrairement à ce qu’avance la chambre de recours, il ne peut être déduit d’une absence de pratique par les fabricants de vêtements d’octroi de licences pour des cigarettes que le public pertinent ne présumera pas l’existence d’une telle licence, car des fabricants de vêtements tels que Cartier ont déjà accordé des licences pour des cigarettes. Pour cette raison, il conviendrait de supposer qu’il existe une relation sur la base d’une licence entre la requérante et l’intervenante et, partant, que le public pertinent établira une association entre elles.
50 Au cet égard, il convient de rappeler que les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et postérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas [voir arrêt du 6 juillet 2012, Jackson International/OHMI – Royal Shakespeare (ROYAL SHAKESPEARE), T‑60/10, EU:T:2012:348, point 19 et jurisprudence citée].
51 L’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public concerné doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Parmi ces facteurs figurent le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services couverts par les marques en conflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou de ces services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion [voir, par analogie, arrêts Intel Corporation, point 42 supra, EU:C:2008:655, point 42 ; et ROYAL SHAKESPEARE, point 50 supra, EU:T:2012:348, point 21, et du 12 février 2015, Compagnie des montres Longines, Francillon/OHMI – Staccata (QUARTODIMIGLIO QM), T‑76/13, EU:T:2015:94, point 124 et jurisprudence citée]. À défaut d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque postérieure n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures, ou de leur porter préjudice (arrêt QUARTODIMIGLIO QM, précité, EU:T:2015:94, point 125).
52 En outre, il a été jugé que, s’il est vrai que, plus les marques en conflit sont similaires, plus il est vraisemblable que la marque postérieure évoquera dans l’esprit du public pertinent la marque antérieure renommée, la simple similitude entre les marques en conflit ne suffit pas à conclure à l’existence d’un lien entre ces marques [arrêt du 25 janvier 2012, Viaguara/OHMI – Pfizer (VIAGUARA), T‑332/10, EU:T:2012:26, point 44).
53 En l’espèce, il est établi que les marques en cause jouissent d’une similitude supérieure à la moyenne (voir point 46 ci-dessus). En outre, la marque verbale antérieure de la requérante jouit d’une renommée importante sans pour autant être exceptionnelle (voir points 32 et suivants ci-dessus). Le public pertinent des produits visés par la marque antérieure et celui des produits visés par la marque demandée se recoupent, dès lors que les deux marques visent le consommateur moyen.
54 Toutefois, les produits du tabac couverts par la marque demandée et les vêtements visés par la marque antérieure sont dissemblables en raison de leur différence de nature. Il n’est certes pas contesté que les grandes entreprises accordent des licences pour des produits très variés. Cependant, comme l’indique la chambre de recours, ce seul fait ne suffit pas à constater une proximité entre les produits en cause. Or, en l’espèce, comme l’indique la chambre de recours, la requérante n’a pas démontré que l’attribution d’une licence pour des vêtements était une pratique générale dans le secteur du tabac. En effet, même s’il devait être considéré comme notoire que les détenteurs des marques de cigarettes Marlboro et Camel avaient vendu des vêtements sous ces marques, cela ne suffirait pas à établir une pratique générale. De même, la requérante ne démontre pas que les marques de cigarettes font de manière générale l’objet de transferts de marques impliquant le domaine vestimentaire. En outre, la requérante reconnaît dans sa requête qu’il n’est pas courant que des fabricants de vêtements accordent des licences pour des cigarettes. Même s’il était avéré que certains propriétaires de marques de vêtements ont déjà procédé de la sorte, cela ne suffirait pas pour établir que le public pertinent considère cela comme une pratique générale. Partant, contrairement à ce qu’avance la requérante, la chambre de recours pouvait considérer n’y avait pas de lien spécifique entre les produits en cause.
55 Par ailleurs, il ressort d’une analyse globale de l’ensemble des éléments pertinents que la chambre de recours pouvait considérer, sans commettre d’erreur, que le public pertinent ne ferait pas un lien entre les marques en cause. En effet, malgré les similitudes entre les marques en cause et la renommée importante de la marque verbale antérieure, la différence de nature entre les produits visés par les marques en cause et leur absence de proximité impliquent que la chambre de recours pouvait considérer que le public pertinent n’établirait pas un lien entre les marques en cause. Les produits visés par les marques en cause sont si dissemblables que la marque demandée sera insusceptible d’évoquer la marque antérieure dans l’esprit du public pertinent.
56 En tout état de cause, même s’il devait être considéré que le public pertinent ferait le lien entres les marques en cause, pour les motifs exposés ci-après, la chambre de recours n’a pas violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.
Sur le risque de préjudice
57 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas prouvé son allégation selon laquelle l’industrie du tabac jouissait d’une image négative. Elle a estimé, en invoquant l’exemple de marques célèbres de bières et de spiritueux, que l’effet nuisible sur la santé d’un produit n’a pas obligatoirement pour conséquence d’affaiblir sa renommée. En outre, en ce qui concerne les extraits de l’étude « Reader’s Digest Europe Health 2005 » qui ont été produits par la requérante et qui indiquent que les entreprises de tabac suscitent des appréciations plus négatives que des pharmaciens en matière de santé, la chambre de recours a estimé que ce constat exprimé, dans le cadre d’une enquête de quelque nature que ce soit, ne donne aucune indication sur la renommée des marques de cigarettes et de tabac auprès des acheteurs de vêtements, d’autant qu’une partie non négligeable du public pertinent en Allemagne continue à consommer des cigarettes et du tabac.
58 La requérante estime que l’utilisation prévue de la marque demandée risque de porter atteinte à la renommée de ses marques. Selon la requérante, la chambre de recours ne pouvait invoquer l’exemple des marques de boissons spiritueuses pour démontrer que l’effet nuisible du tabac sur la santé n’avait pas obligatoirement pour conséquence d’affaiblir sa renommée. La requérante estime que, contrairement aux boissons alcooliques, même une faible consommation de cigarettes présente des risques pour la santé. En outre, la requérante estime que l’industrie du tabac a une image négative en raison du fait que les cigarettes sont nuisibles pour la santé, qu’elles créent de la dépendance et que l’industrie du tabac a, pendant des années, nié les dangers pour la santé et le risque de dépendance liés au tabac. La mauvaise réputation de l’industrie du tabac serait également démontrée par le fait que des revues médicales spécialisées n’acceptent plus de publier des études financées par l’industrie du tabac. L’image de liberté, de décontraction et de charme associée initialement aux cigarettes s’affaiblirait de plus en plus depuis un certain temps. Sur la base d’informations rendues publiques sur Internet et jointes en annexe au recours, la requérante estime que la plupart des adolescents et des jeunes adultes considèrent que fumer n’est pas « cool ». Un sondage récent indiquerait que 70 % de la population allemande âgée de 14 ans et plus se déclare non fumeuse. Selon les résultats d’un autre sondage joint en annexe, plus de la moitié des fumeurs souhaiteraient arrêter de fumer, la plupart d’entre eux en raison de problèmes de santé dont ils pourraient souffrir ou dont ils souffrent déjà.
59 Au regard de ces arguments, il convient de rappeler que le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, mais qu’il doit apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice. Une telle conclusion peut être établie notamment sur la base de déductions logiques résultant d’une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toute autre circonstance de l’espèce. En effet, lorsqu’il est prévisible qu’une telle atteinte découlera de l’usage que le titulaire de la marque postérieure peut être amené à faire de sa marque, le titulaire de la marque antérieure ne saurait être obligé d’en attendre la réalisation effective pour pouvoir faire interdire ledit usage. Le titulaire de la marque antérieure doit, toutefois, établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur (voir arrêt ROYAL SHAKESPEARE, point 50 supra, EU:T:2012:348, point 53 et jurisprudence citée).
60 S’agissant du préjudice que l’usage sans juste motif de la marque demandée porterait à la renommée de la marque antérieure, il convient de relever qu’un tel préjudice est constitué lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être perçus par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure s’en trouverait diminuée. Le risque de ce préjudice peut, notamment, se produire lorsque lesdits produits ou services possèdent une caractéristique ou une qualité susceptibles d’exercer une influence négative sur l’image d’une marque antérieure renommée, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque demandée (voir arrêt VIPS, point 24 supra, EU:T:2007:93, point 39 et jurisprudence citée).
61 En l’espèce, tout d’abord, il convient de rappeler, pour les motifs invoqués aux points 17 et suivants ci-dessus, que les éléments de preuve apportés au stade de la procédure devant le Tribunal sont irrecevables.
62 En outre, s’il est incontestable que fumer est nocif pour la santé, force est de constater que la requérante n’apporte pas d’éléments permettant d’établir qu’il y a un risque sérieux, pour le public pertinent, que les cigarettes vendues sous la marque demandée diminueront la force d’attraction de sa marque antérieure pour des vêtements.
63 La chambre de recours a correctement conclu que l’étude « Reader’s Digest Europe Health 2005 » n’était pas révélatrice de la perception des marques de cigarettes et de tabac auprès des acheteurs de vêtements. Même s’il est scientifiquement démontré que le tabac est nuisible pour la santé et qu’il est notoire que, en Allemagne, le tabac est aujourd’hui associé à quelque chose de mauvais pour la santé, il n’en résulte pas d’office un affaiblissement de la renommée des produits du secteur des vêtements qui sont associés à une marque de tabac.
64 Il ne peut être présumé que, parce que le tabac est nocif pour la santé, il y a un risque de perte d’attraction d’une marque qui est associée au tabac.
65 Par ailleurs et à titre surabondant, le Tribunal observe que, dans la requête, la requérante cite l’exemple de la marque Davidoff, qui, bien qu’elle soit à l’origine une marque de tabac, serait dorénavant peut-être davantage associée à du parfum. Le fait qu’une marque comme Davidoff, qui est une marque pour des produits à base de tabac, a été utilisée par l’entreprise pour d’autres produits, comme du parfum, et qu’elle puisse également être associée avec ces autres produits par les consommateurs constitue un indice que la nocivité du tabac n’entraîne pas d’office la perte d’attraction pour les consommateurs d’une marque associée à des produits à base de tabac lorsqu’elle est utilisée pour d’autres produits.
66 Partant, la requérante n’a pas avancé suffisamment d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une atteinte à la renommée de sa marque verbale antérieure se produise dans le futur en raison de l’enregistrement de la marque communautaire demandée.
67 Au vu de l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de rejeter le moyen unique avancé par la requérante et, par conséquent, le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
68 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
69 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Mustang – Bekleidungswerke GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.
Prek | Labucka | Kreuschitz |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 novembre 2015.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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