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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Lorenzet v EASA (Judgment) French Text [2016] EUECJ F-144/15 (28 June 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/F14415.html Cite as: EU:F:2016:139, ECLI:EU:F:2016:139, [2016] EUECJ F-144/15 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)
28 juin 2016 (*)
« Fonction publique – Agents temporaires – Article 2, sous f), du RAA – Contrat à durée indéterminée – Congé sans rémunération – Congé de convenance personnelle ‑ Refus de prolongation d’un congé sans rémunération pour une année supplémentaire – Article 52 du RAA »
Dans l’affaire F‑144/15,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE,
Andrea Lorenzet, agent temporaire de l’Autorité européenne des marchés financiers, demeurant à Paris (France), représenté par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,
partie requérante,
contre
Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), représentée initialement par M. F. Manuhutu et Mme A. Haug, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Walbroeck et I. Antypas, avocats, puis par M. F. Manuhutu et Mme A. Haug, en qualité d’agents, assistés de Mes A. Duron et C. Dekemexhe, avocats,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),
composé de MM. K. Bradley (rapporteur), président, J. Sant’Anna et A. Kornezov, juges,
greffier : P. Cullen, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 avril 2016,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 23 novembre 2015, M. Andrea Lorenzet demande l’annulation de la décision par laquelle l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA ou ci-après l’« Agence ») a refusé de renouveler le congé sans rémunération dont il bénéficiait.
Cadre juridique
2 L’article 17, premier alinéa, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») dispose :
« À titre exceptionnel, l’agent temporaire peut bénéficier, à sa demande, d’un congé sans rémunération pour des motifs impérieux d’ordre personnel. […] »
3 L’article 17, troisième alinéa, du RAA, est formulé ainsi :
« L’autorité [habilitée à conclure les contrats d’engagement] fixe la durée de ce congé, qui ne peut dépasser le quart de la durée de service accomplie par l’intéressé ni être supérieure à :
– trois mois lorsque l’agent compte moins de quatre ans d’ancienneté,
– douze mois dans les autres cas. »
4 L’article 52 du RAA, dispose :
« Par dérogation à l’article 17, troisième alinéa, les agents temporaires visés à l’article 2, [sous] f), ayant un contrat à durée indéterminée peuvent, indépendamment de leur ancienneté, bénéficier d’un congé sans rémunération pour des périodes n’excédant pas une année.
[…]
L’agent temporaire peut être remplacé dans son emploi.
À l’expiration de son congé, l’agent temporaire est obligatoirement réintégré, à la première vacance, dans un emploi de son groupe de fonctions correspondant à son grade, à condition qu’il possède les aptitudes requises pour cet emploi. S’il refuse l’emploi qui lui est offert, il conserve ses droits à la réintégration, à la même condition, lors de la deuxième vacance dans un emploi de son groupe de fonctions correspondant à son grade ; en cas de second refus, l’engagement peut être résilié par l’institution sans préavis. Jusqu’à la date de sa réintégration effective ou de son détachement, l’agent temporaire demeure en congé de convenance personnelle sans rémunération. »
Faits à l’origine du litige
5 Le requérant est entré en service en tant qu’agent temporaire au sein de l’AESA, pour occuper le poste de « chef du département “ressources humaines” », le 1er octobre 2005. Son contrat a été renouvelé pour une durée indéterminée le 1er octobre 2010 et, le 1er janvier 2011, il a été reclassé au grade AD 12.
6 Le 22 janvier 2013, le requérant a demandé à bénéficier, en application de l’article 17 du RAA, d’un congé sans rémunération pour une année, avec effet au 1er mai 2013, pour des raisons personnelles ayant trait aux difficultés rencontrées par sa famille pour s’intégrer en Allemagne. Cette demande était accompagnée d’une demande d’autorisation pour travailler auprès de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) en tant que « chef d’équipe des ressources humaines », position pour laquelle il était lauréat d’une procédure de sélection externe.
7 Par décision du même jour, le directeur exécutif de l’AESA (ci-après le « directeur exécutif ») a fait droit à la demande du requérant du 22 janvier 2013 et l’a autorisé à prendre ses fonctions au sein de l’AEMF à compter du 1er mai 2013.
8 Le 1er mai 2013, le requérant a été recruté par l’AEMF en tant qu’agent temporaire de grade AD 9, pour une durée de trois ans.
9 Le 30 janvier 2014, le requérant a demandé un premier renouvellement de son congé sans rémunération en motivant sa demande par l’intégration sociale positive de sa famille à Paris (France) et par son souhait de poursuivre son activité auprès de l’AEMF. Le requérant précisait que cette demande se fondait sur l’article 52 du RAA dans sa version issue du règlement (UE, Euratom) n° 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l'Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO L 287, p. 15), en vigueur depuis le 1er janvier 2014.
10 Par courriel du 25 mars 2014, l’AESA a informé le requérant que, dans le cadre d’une réorganisation interne de ses services (ci-après la « réorganisation interne »), elle avait publié, ce même jour, des vacances d’emploi internes pour tous les postes de « chef de département », les agents qui occupaient ces emplois ayant été nommés « chef de département faisant fonction », y compris celui de chef du département « Ressources humaines », et que la date limite pour le dépôt des candidatures était fixée au 8 avril 2014.
11 Par lettre du 3 avril 2014, le directeur exécutif a informé le requérant que sa demande de renouvellement de congé sans rémunération avait été accueillie. Par la même lettre, il a attiré l’attention du requérant sur les troisième et quatrième alinéas de l’article 52 du RAA, et lui a demandé d’informer l’Agence, au plus tard le 31 janvier 2015, de ses projets à compter du 30 avril 2015.
12 Par courriel du 11 avril 2014, le requérant a informé le directeur exécutif qu’il n’avait pas présenté sa candidature pour le poste de chef du département « Ressources humaines » en raison du fait que son congé sans rémunération avait été renouvelé.
13 Le 3 décembre 2014, le requérant a introduit une demande de renouvellement de son congé sans rémunération pour la période comprise entre le 1er mai 2015 et le 30 avril 2016 (ci-après la « seconde demande de renouvellement de congé sans rémunération »). Les motifs avancés par le requérant au soutien de sa demande étaient identiques à ceux figurant dans la première demande de renouvellement du congé sans rémunération.
14 Par courriel du 15 janvier 2015, l’AESA a informé le requérant de la décision du directeur exécutif de rejeter la seconde demande de renouvellement de congé sans rémunération (ci-après la « décision litigieuse »), en lui remettant le formulaire qu’il avait utilisé pour introduire ladite demande, assorti de plusieurs commentaires et de la décision litigieuse. Dans ledit formulaire, le directeur de la direction « Ressources et Support » indiquait qu’il y avait un « risque que [le requérant] soit déconnecté de l’AESA » et ajoutait que « [l]’AESA a[vait] besoin de tous ses talents internes pour faire face aux défis des [ressources humaines] de cette période ». Par ailleurs, le formulaire contenait l’accord du chef du département « ressources humaines » avec le commentaire susmentionné. Enfin, la décision litigieuse comportait un dernier commentaire selon lequel « la possibilité de rentrer à l’AESA [avait existé] en 2014 avec la [réorganisation interne] » mais que « cette possibilité s’[était] maintenant envolée [et qu’]il n’y aura[it] pas d’autres nouvelles possibilités avec le profil [du requérant] dans les [cinq] prochaines années ».
15 Par le même courriel du 15 janvier 2015, le requérant était invité à indiquer à l’AESA s’il souhaitait être réintégré au sein de l’AESA ou s’il entendait démissionner de l’Agence.
16 Par courriel du 30 janvier 2015, le requérant a demandé au directeur exécutif de pouvoir le rencontrer pour discuter de sa situation. Cette rencontre a eu lieu le 24 mars 2015, en présence du chef du service juridique de l’AESA.
17 Le 18 mars 2015, l’AESA a transmis au requérant une première offre de réintégration, en lui proposant un poste d’« administrateur confirmé dans le domaine des ressources humaines » (ci-après le « poste d’administrateur confirmé »).
18 Le 13 avril 2015, le requérant a introduit une réclamation, en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), contre la décision litigieuse.
19 Par lettre du 16 avril 2015, le requérant a refusé l’offre pour le poste d’administrateur confirmé, en affirmant qu’accepter ladite offre aurait privé d’intérêt sa réclamation.
20 Par lettre du 30 avril 2015, le directeur exécutif a informé le requérant de sa décision de proroger d’office son congé sans rémunération jusqu’au 1er septembre 2015. Le directeur exécutif expliquait sa décision en rappelant, d’une part, que, alors que le congé sans rémunération du requérant expirait le 30 avril 2015, le délai pour répondre à la réclamation du requérant expirait le 13 août 2015, et, d’autre part, que les réclamations introduites sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, n’ont pas d’effet suspensif sur l’exécution des actes attaqués.
21 Par décision transmise au requérant le 13 août 2015, le directeur exécutif, agissant en sa qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), a rejeté la réclamation du requérant (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).
22 Le 18 août 2015, l’AESA a transmis au requérant une seconde offre de réintégration, en lui proposant un poste de « conseiller en politique de gestion des ressources humaines » (ci-après le « poste de conseiller ») à compter du 1er septembre 2015. Le requérant a refusé cette offre en indiquant qu’un délai aussi court ne lui permettait même pas de respecter le délai de préavis de résiliation de son contrat d’agent temporaire conclu avec l’AEMF.
23 Par courriel du 28 août 2015, le directeur exécutif a indiqué au requérant que l’AESA avait rempli toutes ses obligations à son égard, et avait activement cherché à le réintégrer afin que ses compétences puissent contribuer à la réalisation des objectifs de l’Agence.
24 Par courriel du 22 septembre 2015, le directeur exécutif a rappelé au requérant que son congé avait expiré au 1er septembre 2015 et qu’à cette date, il n’avait pas repris ses fonctions à l’AESA, et lui a expressément demandé de reprendre ses fonctions au 16 octobre 2015.
25 Le 28 septembre 2015, le requérant a informé le directeur exécutif de son intention d’introduire un recours devant le Tribunal contre la décision litigieuse et que reprendre ses fonctions au 16 octobre 2015 reviendrait à priver ledit recours de tout intérêt.
26 Par courriel du 19 octobre 2015, le directeur exécutif a informé le requérant de son intention de mettre un terme à son contrat, compte tenu de ce que le requérant avait refusé deux offres de poste, n’avait pas repris ses fonctions, et n’avait proposé aucune date à laquelle il envisageait de retourner à l’AESA. Par le même courriel, le directeur exécutif a invité le requérant à une audition afin de lui permettre d’exprimer ses observations sur ce point et a indiqué que l’avis de vacance destiné à recruter un agent pour le remplacer ne serait pas publié avant ladite audition.
27 Le requérant a répondu par courriel du 23 octobre 2015 en déclinant l’invitation à une audition au motif que son licenciement, selon son avis, était déjà acté et qu’une formalité préalable n’était par conséquent pas nécessaire.
28 Le 28 octobre 2015, le directeur exécutif a répondu au courriel du 23 octobre 2015 en rappelant au requérant que l’audition faisait partie de ses droits et que, dans la mesure où les deux offres de réintégration qui lui avaient été faites étaient toujours valables, aucune décision n’avait été prise.
29 Le 6 novembre 2015, le requérant a accepté de rencontrer le directeur exécutif au cours d’une réunion qui a eu lieu le 27 novembre suivant. Il ressort du compte rendu de cette réunion que le requérant a affirmé avoir refusé les deux propositions d’emploi faites par l’Agence au motif que le recours qu’il avait introduit devant le Tribunal perdrait tout intérêt s’il venait à accepter l’une de ces offres. En outre, il a ajouté que, puisque sa fille devait passer les épreuves du baccalauréat à l’été 2018, il n’avait pas l’intention de la laisser seule jusqu’à cette date, ni de la contraindre à changer d’école. Enfin, il a fait valoir que mettre fin à son contrat ne serait pas dans l’intérêt de l’Agence et que, si l’Agence avait cette intention, il aurait souhaité que le directeur exécutif lui explique en quoi la fin de son contrat était liée à l’intérêt du service.
Conclusions des parties et procédure
30 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision litigieuse ;
– condamner l’AESA aux dépens.
31 L’AESA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner le requérant aux dépens.
32 Par lettre du 23 mars 2016 en réponse à une mesure d’organisation de procédure décidée par le Tribunal, le requérant a indiqué que, par décision du 29 février 2016, son contrat avec l’AESA avait été résilié en application de l’article 52, paragraphe 4, du RAA.
En droit
33 À la lumière des précisions apportées par le requérant lors de l’audience, il y a lieu de considérer qu’il soulève à l’appui de ses conclusions en annulation de la décision litigieuse quatre moyens, tirés, le premier de la violation de l’obligation de motivation, le deuxième du détournement de pouvoir, le troisième de la violation de l’article 52 du RAA, et le quatrième de l’erreur manifeste d’appréciation.
Sur le premier moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation
34 Le requérant considère que la motivation de la décision litigieuse présente des incohérences qui ne lui permettent pas de comprendre en quoi l’« intérêt actuel du service » aurait empêché l’AHCC de faire droit à sa seconde demande de renouvellement de congé sans rémunération.
35 Le Tribunal rappelle que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celle-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (ordonnance du 16 septembre 2013, Bouillez/Conseil, T‑31/13 P, EU:T:2013:521, point 20). Or, il échet de constater que les griefs et arguments présentés par le requérant au soutien du moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation visent en réalité le bien-fondé de la motivation de la décision litigieuse. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu d’examiner ce moyen de manière autonome par rapport aux moyens tirés de la violation de l’article 52 du RAA et de l’erreur manifeste d’appréciation, examinés ci-dessous.
36 À titre surabondant, il convient de constater que la décision litigieuse a été adoptée dans un contexte qui était déjà connu du requérant. En effet, dans la décision du 3 avril 2014 faisant droit à la première demande de renouvellement de congé sans rémunération du requérant, le directeur exécutif avait déjà attiré son attention sur la possibilité qu’une autre personne soit nommée sur le poste qu’il occupait auparavant et sur l’obligation de l’AESA de le réintégrer en son sein à l’expiration de son congé sans rémunération.
37 Dans ces conditions, la motivation de la décision litigieuse, telle que fournie par le directeur du requérant et complétée par le directeur exécutif, était en tout état de cause suffisante pour que le requérant comprenne que le refus de sa demande était justifié par les raisons afférentes à l’organisation des services de l’Agence, et non pas par l’absence de motifs impérieux d’ordre personnel dans son chef, de sorte qu’un moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation ne saurait, en tout état de cause, prospérer.
Sur le deuxième moyen tiré du détournement de pouvoir
38 Le requérant fait valoir que, au moment de l’adoption de la décision litigieuse, aucun intérêt du service ne justifiait le rejet de la seconde demande de renouvellement de congé sans rémunération et que, partant, l’AHCC aurait commis un détournement de pouvoir.
39 Le Tribunal rappelle qu’une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêts du 10 juillet 2014, CW/Parlement, F‑48/13, EU:F:2014:186, point 128, et du 15 octobre 2014, De Bruin/Parlement, F‑15/14, EU:F:2014:236, point 84).
40 En l’espèce, si la requête ne contient pas la moindre indication relative aux prétendues finalités occultes de l’AESA, le requérant a précisé, lors de l’audience, ce moyen en soutenant que le but de l’AESA était de résilier son contrat. Toutefois, cet argument manque en fait car, contrairement à ce que le requérant soutient, il ne ressort d’aucun élément du dossier que l’AESA ait eu une telle intention. En effet, le 25 mars 2014, l’AESA avait déjà informé le requérant de la réorganisation interne envisagée et lui avait demandé s’il était intéressé par un des postes qui seraient créés à l’occasion de cette réorganisation. En outre, l’AESA a proposé au requérant deux postes pour le réintégrer.
41 Par ailleurs, dans sa requête, le requérant présente au soutien de ce moyen des arguments qui concernent, en substance, la prétendue erreur manifeste d’appréciation que l’AHCC aurait commise. Ces arguments seront examinés dans le cadre du moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation.
42 Il s’ensuit que le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.
Sur le troisième moyen tiré de la violation de l’article 52 du RAA
43 Le moyen tiré de la violation de l’article 52 du RAA est articulé en trois branches, tirées, la première de l’erreur dans l’interprétation de la notion d’intérêt du service, la deuxième de l’erreur dans l’interprétation de la notion de « motifs impérieux d’ordre personnel » ainsi que de la violation du devoir de sollicitude, et la troisième de l’erreur dans l’application de l’article 52, quatrième alinéa, du RAA.
Sur la première branche du troisième moyen concernant l’interprétation de la notion d’intérêt du service
Arguments des parties
44 Le requérant considère que l’article 52, quatrième alinéa, du RAA, lequel prévoit une obligation de réintégrer l’agent concerné, est applicable seulement lorsqu’un congé sans rémunération est arrivé à expiration, soit parce que l’agent concerné n’en a pas demandé le renouvellement, soit parce que le congé a atteint la limite de 12 ans prévue par le même article 52 du RAA.
45 En revanche, l’article 52, quatrième alinéa, du RAA ne serait pas applicable lorsque, comme en l’espèce, l’AHCC rejette une demande de renouvellement de congé sans rémunération. Dans une telle circonstance, il incomberait à l’AHCC de démontrer l’existence d’un intérêt du service qui reflète un besoin concret, présentant une « actualité certaine » ou « urgence », à savoir un emploi vacant qui ne pourrait être pourvu autrement que par la réintégration de l’agent concerné.
46 En l’espèce, l’AESA n’aurait jamais démontré l’existence concrète d’un tel intérêt du service. En effet, le refus de prolonger son congé sans rémunération est motivé, selon le requérant, seulement par le risque qu’il soit « déconnecté » de l’AESA et par un prétendu besoin immédiat de récupérer ses compétences pour faire face à de nouveaux défis en matière de ressources humaines, d’une part, et par la création, après l’adoption de la décision litigieuse, des postes d’administrateur confirmé et de conseiller en politique de gestion des ressources humaines, d’autre part.
47 En outre, l’absence d’un besoin de service concret serait démontrée, selon le requérant, par le fait que, dans la décision litigieuse, le directeur exécutif aurait affirmé qu’il avait eu la possibilité de retourner à l’AESA en 2014 lors de la création du poste de chef de département des ressources humaines, mais que, puisqu’il n’avait pas saisi cette opportunité, « il n’y aura[it] pas d’autres nouvelles possibilités avec le profil [du requérant] dans les [cinq] prochaines années ».
48 L’AESA conteste l’interprétation de l’article 52, quatrième alinéa, du RAA proposée par le requérant. En effet, selon l’AESA, cette disposition est applicable lorsque, comme en l’espèce, l’administration décide de ne pas donner suite à une demande de renouvellement d’un congé sans rémunération.
Appréciation du Tribunal
49 Le Tribunal estime, en premier lieu, que la thèse du requérant, selon laquelle l’obligation de réintégrer l’agent lorsque son congé sans rémunération arrive à expiration ne s’applique pas si l’agent a demandé le renouvellement dudit congé, n’est pas fondée en droit. En effet, le requérant semble confondre la demande de renouvellement et l’octroi d’un tel renouvellement ; ce n’est que dans le cas où le renouvellement a été accordé par l’AHCC que cette dernière n’est plus assujettie à son devoir de réintégrer l’agent à un poste correspondant à son grade et à ses fonctions.
50 En second lieu, la thèse du requérant selon laquelle, en substance, une demande de renouvellement d’un congé sans rémunération ne peut être rejetée que si l’administration démontre l’existence d’un besoin actuel et urgent du service de réintégrer l’agent concerné ne trouve aucun appui que ce soit dans le statut ou dans une quelconque autre disposition du droit de l’Union applicable dans la présente espèce.
51 En effet, il ressort du libellé même de l’article 52, quatrième alinéa, du RAA qu’à « l’expiration de son congé [sans rémunération], l’agent temporaire est obligatoirement réintégré » à un poste correspondant à son grade et à ses fonctions. Cette disposition établit un mécanisme qui vise à protéger à la fois le droit de l’agent de retrouver sa place au sein de l’agence avec laquelle il a conclu un contrat d’engagement à durée indéterminée et l’intérêt de l’agence de bénéficier des services des agents auxquels elle a offert un tel contrat ou, si l’agent refuse de réintégrer l’agence, d’en engager un autre à sa place. L’obligation qui incombe à l’agence de proposer à l’agent concerné dans un délai raisonnable un poste correspondant à son grade et à ses fonctions implique un devoir concomitant de l’agent de réintégrer l’agence en acceptant un tel poste, ou d’encourir les conséquences d’un éventuel refus.
52 Il en découle que, même si l’agent est en mesure de démontrer l’existence de motifs impérieux d’ordre personnel susceptibles de justifier l’octroi d’un renouvellement de congé sans rémunération, tout comme l’octroi d’un premier congé sans rémunération, un tel renouvellement ne peut être accordé que si le congé demandé est compatible avec l’intérêt du service. Si tel n’est pas le cas, l’agence est tenue de refuser la demande de congé sans rémunération, ou de renouvellement d’un tel congé, qui, selon l’article 17, premier alinéa, du RAA, ne peut être accordé qu’« à titre exceptionnel » et, à la différence de ce qui est prévu pour l’octroi et le renouvellement d’un congé de convenance personnelle à un fonctionnaire, seulement en présence de motifs impérieux d’ordre personnel. Dans ces conditions, afin de pouvoir refuser un renouvellement, il n’incombe nullement à l’agence de démontrer un besoin urgent « matérialisé par un emploi vacant qui ne peut être pourvu autrement que par la réintégration de l’agent en congé ».
53 De même, la limitation de toute période de congé sans rémunération à une année démontre qu’il incombe à l’agence d’évaluer l’intérêt du service au moment de traiter chaque demande de renouvellement et que, même si les motifs qui avaient justifié l’octroi du premier congé sans rémunération sont restés strictement identiques, l’intérêt du service peut entre-temps avoir évolué dans un sens favorable ou défavorable au maintien du congé sans rémunération de l’agent concerné.
54 Enfin, le Tribunal estime que doit être appliquée aux demandes de congés sans rémunération la jurisprudence selon laquelle lorsque les institutions sont saisies d’une demande de congé de convenance personnelle, elles jouissent du plus large pouvoir d’appréciation, tant en ce qui concerne la légitimité des motifs mis en avant par le fonctionnaire désireux de bénéficier d’un tel congé, que la compatibilité de l’octroi du congé avec l’intérêt du service (voir arrêt du 16 décembre 1976, Mascetti/Commission, 2/76, EU:C:1976:187, point 5).
55 Il s’ensuit qu’il était parfaitement loisible à l’AHCC de ne pas renouveler le congé sans rémunération du requérant en fondant cette décision sur des exigences d’organisation interne, sans qu’elle soit obligée, comme le prétend le requérant, de démontrer l’existence d’un besoin actuel et urgent. En outre, le Tribunal constate que la thèse du requérant risquerait de faire obstacle à une organisation efficace des services d’une agence, car elle impliquerait que celle-ci ne soit pas en mesure de refuser une prolongation de congé sans rémunération dans l’hypothèse où la nécessité de réintégrer un agent s’inscrirait dans une perspective de moyen ou de long terme, et non pas seulement dans une logique de court ou de très court terme visant à répondre à un besoin immédiat ou urgent.
56 Pour ce qui est enfin de la phrase du directeur exécutif, figurant dans la décision litigieuse, selon laquelle, en substance, le requérant, ayant refusé un poste de chef de secteur des ressources humaines, une telle occasion ne se représenterait pas pour les cinq prochaines années, comme l’AESA a soutenu lors de l’audience, sans être sérieusement contredite sur ce point par le requérant, ladite phrase se référait à l’occasion effectivement perdue par le requérant de participer à la sélection pour le poste spécifique de chef de secteur. Partant, cette phrase ne saurait être interprétée, comme le fait erronément le requérant, en ce sens que selon le directeur exécutif, aucun autre poste ne serait disponible pour le requérant dans les cinq prochaines années. Par ailleurs, ladite phrase devait être comprise dans le contexte de la mise en œuvre de la réorganisation interne. En tout état de cause, l’AESA a effectivement fait deux propositions en vue de réintégrer le requérant le 18 mars 2015, puis le 18 août 2015, ce qui démontre que les postes sur lesquels le requérant pouvait être recruté étaient réellement existants.
57 Il ressort de ce qui précède que la première branche du troisième moyen doit être rejetée.
Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée de l’erreur d’interprétation dans la notion de « motifs impérieux d’ordre personnel » et de la violation du devoir de sollicitude
Arguments des parties
58 Le requérant observe que, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AESA affirme que les motifs avancés au soutien de la seconde demande de renouvellement de congé sans rémunération n’étaient pas des « motifs impérieux d’ordre personnel » dans la mesure où ils étaient identiques à ceux avancés l’année précédente. Selon le requérant, l’AESA aurait donc commis une erreur en lui refusant le renouvellement de son congé sans rémunération pour ne pas avoir démontré en quoi sa situation aurait été « exceptionnelle ».
59 En particulier, le requérant considère que l’article 52 du RAA n’exige pas que l’agent temporaire demandeur d’un congé sans rémunération se trouve dans une telle situation exceptionnelle pour que l’AHCC accorde le congé demandé.
60 Par ailleurs, selon le requérant, puisque les motifs qu’il avait avancés au soutien de sa demande de second renouvellement étaient identiques à ceux qui avaient conduit l’AHCC à lui accorder le congé sans rémunération en 2013 ainsi que le premier renouvellement en 2014, l’AHCC aurait dû motiver de manière spécifique sa décision de s’écarter de ses décisions précédentes.
61 L’absence de prise en considération des intérêts légitimes du requérant serait, selon celui-ci, une violation du devoir de sollicitude de la part de l’AHCC.
62 L’AESA conteste l’interprétation que le requérant donne de l’article 52 du RAA et affirme que cette disposition ne permet d’accorder un congé sans rémunération que dans des cas exceptionnels. En outre, l’AESA maintient que les motifs avancés par le requérant ne démontrent pas qu’il se trouvait dans une situation exceptionnelle, puisque les difficultés d’intégration de certains membres de la famille des fonctionnaires ou agents affectés en dehors de leur État membre d’origine ne sont pas rares. Par ailleurs, l’AESA fait valoir que c’est en parfaite connaissance de cause que le requérant avait accepté en 2005 un travail à Cologne (Allemagne), tout en sachant que les membres de sa famille ne parlaient pas allemand.
63 Enfin, quant à la motivation de la décision litigieuse, l’AESA considère que ladite décision était assortie d’une motivation détaillée et qu’en tout état de cause, cette motivation a été développée lors de la procédure précontentieuse.
Appréciation du Tribunal
64 Le requérant considère en substance que la décision litigieuse est entachée d’une erreur de droit en ce que l’AHCC aurait recherché, sans succès, l’existence de « motifs impérieux d’ordre personnel » au soutien de la demande du requérant.
65 Cet argument repose sur la prémisse que la notion de « motifs impérieux d’ordre personnel » devrait être interprétée comme étant identique ou équivalente à celle de « convenance personnelle ». Or, cette prémisse est dépourvue de tout fondement. Sur le plan sémantique, l’emploi des termes « motifs impérieux d’ordre personnel » implique que l’agent doit faire état de contraintes d’ordre personnel d’une importance particulièrement élevée, indépendantes de sa volonté, qui justifieraient l’octroi, exceptionnel, d’un congé sans rémunération et qu’il n’agit pas entièrement selon sa propre volonté. En revanche, la notion de « convenance personnelle » couvre, quant à elle, une grande variété de motifs, d’ordre tant personnel que professionnel, pouvant justifier une demande de congé de convenance personnelle (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 1976, Mascetti/Commission, 2/76, EU:C:1976:187, point 6), sans que le fonctionnaire concerné doive démontrer que sa demande répond à une quelconque contrainte.
66 En tout état de cause, sur le plan juridique, la volonté du législateur de prévoir des conditions d’octroi différentes pour le congé sans rémunération et le congé de convenance personnelle apparaît de ce que dans le premier cas, l’agent concerné doit démontrer l’existence de « motifs impérieux d’ordre personnel », alors que, dans le second cas, des raisons de simple convenance personnelle sont suffisantes. Par ailleurs, il ressort du libellé même du premier alinéa de l’article 52 du RAA que la dérogation que cet article prévoit à l’application de l’article 17, troisième alinéa, du RAA en faveur des agents temporaires visés à l’article 2, sous f), du RAA, ayant un contrat à durée indéterminée ne concerne que la durée du congé. Contrairement à ce que prétend le requérant, le fait de pouvoir bénéficier, indépendamment de son ancienneté, d’un congé sans rémunération pour des périodes n’excédant pas une année n’a pas le moindre effet sur les conditions de son octroi.
67 Ensuite, il y a lieu de rappeler que la nécessité qu’une demande de congé sans rémunération soit justifiée par des « motifs impérieux d’ordre personnel » est clairement prévue par l’article 17 du RAA et rien n’indique, dans le texte de l’article 52 du RAA, que cette disposition ne serait pas applicable aux agents temporaires qui, comme le requérant, sont employés par les agences sous un contrat à durée indéterminée.
68 En outre, comme il ressort du libellé de l’article 52 du RAA, les agents temporaires visés à l’article 2, sous f), du RAA ayant un contrat à durée indéterminée « peuvent » bénéficier d’un congé sans rémunération. Les agents intéressés n’ont dès lors pas un droit à bénéficier d’un tel congé, ce que par ailleurs le requérant ne conteste pas. Il s’ensuit que, à supposer même que les motifs avancés par le requérant au soutien de sa demande puissent être considérés comme des « motifs impérieux d’ordre personnel », il était loisible à l’AESA de rejeter la seconde demande de renouvellement de congé sans rémunération en se fondant sur des arguments tirés des besoins du service.
69 Enfin, quant aux arguments du requérant concernant la prétendue violation du devoir de sollicitude, il suffit, pour les écarter, de relever que c’est effectivement par sollicitude à l’égard du requérant que l’AESA a prolongé d’office le congé sans rémunération de celui-ci, à deux reprises et pour une durée totale de dix mois et demi supplémentaires.
70 Il s’ensuit que les arguments du requérant tirés de l’absence de prise en compte des motifs dont il s’était prévalu au soutien de sa demande ou de la prise en compte erronée de ceux-ci ne sauraient prospérer.
71 Enfin, pour ce qui concerne le grief du requérant selon lequel la motivation de la décision litigieuse ne lui aurait pas permis de comprendre les raisons pour lesquelles les motifs avancés dans sa demande n’avaient pas été jugés suffisants, à supposer qu’il s’agisse d’un grief autonome par rapport aux arguments avancés au soutien de la violation de l’article 52 du RAA, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la motivation d’une décision faisant grief peut être complétée pendant la phase précontentieuse (arrêt du 11 septembre 2013, L/Parlement, T‑317/10 P, EU:T:2013:413, point 61).
72 Or, il est manifeste que la décision de rejet de la réclamation complète à suffisance de droit la motivation de la décision litigieuse, en indiquant au requérant que le congé sans rémunération n’est pas un droit pour l’agent concerné, que l’administration peut le lui refuser même en présence de motifs impérieux d’ordre personnel et que de toute façon, le requérant n’avait pas prouvé qu’il se trouvait dans une situation différente par rapport à celle de ses collègues.
73 Il s’ensuit que la seconde branche du troisième moyen ne saurait prospérer.
Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée de l’erreur dans l’application de l’article 52, quatrième alinéa, du RAA
Arguments des parties
74 Selon le requérant, à supposer que l’article 52, quatrième alinéa, du RAA soit applicable lorsque l’administration, comme dans son cas, refuse le renouvellement d’un congé sans rémunération, l’AESA aurait néanmoins méconnu cette disposition en faisant deux offres de réintégration qui auraient en réalité correspondu à un seul et même emploi.
75 À titre surabondant, le requérant indique que l’AESA aurait dû formuler les deux offres de réintégration dans des délais raisonnables, ce qu’elle n’aurait pas fait en l’espèce, dans la mesure où le délai entre la seconde offre et son éventuelle prise de fonctions au sein de l’AESA ne lui aurait pas permis de respecter le délai de préavis auprès de l’AEMF.
76 L’AESA considère que les arguments du requérant sont dépourvus de tout fondement et devraient être écartés.
Appréciation du Tribunal
77 Tout d’abord, comme le Tribunal l’a jugé au point 49 du présent arrêt, l’article 52, quatrième alinéa, du RAA est toujours applicable lorsqu’un congé sans rémunération arrive à expiration, y compris lorsque, comme en l’espèce, l’expiration est due au rejet d’une demande de renouvellement. En application de cette disposition, la seule obligation qui pèse sur l’administration est celle de réintégrer l’agent concerné « à la première vacance, dans un emploi de son groupe de fonctions correspondant à son grade, à condition qu’il possède les aptitudes requises pour cet emploi » et, en cas de refus de la part de l’agent concerné, de présenter une seconde offre de réintégration.
78 En l’espèce, il ne fait aucun doute que l’agence a respecté les obligations qui découlent de l’article 52, quatrième alinéa, du RAA en offrant au requérant le 18 mars 2015 le poste d’administrateur confirmé et, le 18 août 2015, le poste de conseiller.
79 À cet égard, le Tribunal constate que le requérant ne soutient pas que les deux postes qui lui avaient été proposés ne correspondaient pas à son profil, en se limitant à les refuser au motif qu’une éventuelle acceptation aurait « privé d’intérêt » la procédure qu’il avait entamée contre la décision litigieuse.
80 Par ailleurs, s’il est vrai que certaines fonctions rattachées aux deux postes offerts au requérant étaient identiques, l’argument selon lequel il s’agissait du même poste manque en fait. Il suffit en effet d’observer que, ainsi qu’il ressort des fiches de poste correspondantes, le poste de conseiller prévoyait des tâches qui n’étaient pas rattachées au poste d’administrateur confirmé, comme, par exemple, celle de fournir au département des ressources humaines des avis en matière de politique du personnel, celle de fournir au chef du département des ressources humaines un soutien pour assurer le dialogue social avec les représentants du personnel et celle de superviser l’application du code de conduite.
81 Enfin, le requérant ne saurait se prévaloir des délais prétendument courts entre les offres et la date à laquelle il aurait dû reprendre ses fonctions à l’AESA. En effet, le Tribunal rappelle d’abord qu’il n’y a aucune obligation pour l’administration d’attendre un certain délai entre une offre de réintégration et la prise effective de fonction. Au contraire, l’article 52, quatrième alinéa, du RAA prévoit que l’agent concerné doit être intégré « à la première vacance ».
82 Ensuite, pour ce qui concerne le poste d’administrateur confirmé, il y a lieu de constater que cette offre a été transmise au requérant le 18 mars 2015, à savoir un mois et demi avant l’expiration de son congé sans rémunération, ce qui ne saurait être considéré comme un délai particulièrement court, compte tenu du fait que le requérant savait déjà depuis le 15 janvier 2015 que son congé sans rémunération arrivait à expiration. Quant au poste de conseiller, il a été offert au requérant le 18 août 2015 et prévoyait une prise de service au 1er septembre 2015. Si un délai de deux semaines pourrait, dans un autre contexte factuel, sembler court, force est de constater que le requérant savait déjà depuis le 30 avril qu’il devait reprendre ses fonctions au sein de l’AESA à compter du 1er septembre. Par ailleurs, par courriel du 22 septembre 2015, le directeur exécutif a accordé au requérant un délai supplémentaire d’office en lui demandant de prendre ses fonctions le 16 octobre 2015.
83 Il s’ensuit que la troisième branche du troisième moyen doit être écartée et que, par voie de conséquence, le troisième moyen doit être rejeté dans son ensemble.
Sur le quatrième moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation
Arguments des parties
84 Le requérant, tout en reconnaissant que l’octroi d’un congé sans rémunération n’est pas un droit pour un agent temporaire, considère que le refus de proroger un tel congé ne saurait dépendre d’une « appréciation arbitraire » de l’administration.
85 À cet égard, le requérant soutient que le directeur exécutif aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant sa seconde demande de renouvellement de congé sans rémunération au motif qu’il existait un risque qu’il soit « déconnecté » de l’AESA si son congé sans rémunération devait être renouvelé.
86 En effet, le requérant fait valoir que le congé sans rémunération octroyé en application de l’article 52 du RAA peut durer jusqu’à douze ans comme le congé de convenance personnelle dont peuvent bénéficier les fonctionnaires, de sorte qu’il ne saurait être présumé que le législateur ait eu l’intention d’offrir aux agents temporaires visés à l’article 52 du RAA la possibilité d’un congé sans rémunération de longue durée sans avoir envisagé l’existence d’un risque de « déconnexion » en raison même de la durée de ce congé.
87 En outre, le requérant soutient qu’il continue à exercer auprès de l’AEMF des fonctions dans son domaine de compétence et qu’il maintient ainsi un lien avec les problématiques auxquelles les agences européennes peuvent être confrontées en matière de gestion des ressources humaines.
88 Enfin, selon le requérant, le prétendu risque de déconnexion ne serait qu’une simple impression reposant sur un élément hypothétique et incertain.
89 L’AESA demande au Tribunal de rejeter les arguments du requérant.
Appréciation du Tribunal
90 Selon une jurisprudence constante, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont conférées et, en vue de cette organisation, dans l’affectation du personnel qui se trouve à leur disposition (arrêts du 21 mai 2014, Commission/Macchia, T‑368/12 P, EU:T:2014:266, point 49, et du 4 mai 2010, Fries Guggenheim/Cedefop, F‑47/09, EU:F:2010:36, point 104). Compte tenu de ce large pouvoir d’appréciation, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de la condition relative à l’intérêt du service doit se limiter à la question de savoir si l’administration s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (arrêt du 13 novembre 2014, De Loecker/SEAE, F‑78/13, EU:F:2014:246, point 61).
91 En outre, une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son pouvoir d’appréciation. Établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise en conséquence suppose donc que les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme étant justifiée et cohérente (arrêt du 8 octobre 2015, FT/AEMF, F‑39/14, EU:F:2015:117, point 74 et jurisprudence citée).
92 En l’espèce, la décision litigieuse est accompagnée d’une indication selon laquelle, compte tenu des motifs d’ordre personnel et professionnel avancés par le requérant pour justifier la demande de renouvellement de son congé sans rémunération, il y aurait un risque que le requérant soit « déconnecté de l’AESA » alors que « l’AESA [aurait] besoin de tous ses talents internes pour faire face aux défis des ressources humaines durant cette période ».
93 Or, les arguments avancés par le requérant pour démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation ne sauraient être retenus.
94 Tout d’abord, et de manière générale, l’argumentation du requérant semble être fondée sur l’idée que, pendant qu’il bénéficie d’un congé sans rémunération, son contrat avec l’AESA lui donne des droits mais ne lui impose pas d’obligations. Or, cette idée est manifestement erronée. À l’instar du fonctionnaire qui bénéficie d’un congé de convenance personnelle, l’agent qui bénéficie d’un congé sans rémunération demeure soumis aux obligations qui incombent à tout agent, sauf dispositions expresses contraires (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 69), y compris le devoir de loyauté envers l’institution défini à l’article 11, premier alinéa, du statut et applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 11, premier alinéa, du RAA. C’est à la lumière de ce devoir de loyauté que l’AESA pouvait légitimement attendre une réponse utile de la part du requérant à sa demande du 30 avril 2014 de connaître, pour le 31 janvier 2015, ses intentions sur le plan professionnel au-delà de la période de congé sans rémunération qui devait prendre fin le 30 avril 2015, réponse qui n’a pas été fournie endéans le délai indiqué.
95 Pour ce qui concerne le risque de « déconnexion » du requérant de l’Agence, il convient de relever, en premier lieu, que le requérant lui-même a justifié sa première demande de congé sans rémunération par son souhait de « prendre une certaine distance de l’activité quotidienne de l’AESA afin de mieux se préparer pour de nouveaux défis dans les années à venir ». En réponse à une demande qui, selon ses dires, visait à établir l’absence de tout conflit d’intérêts, il a également indiqué, dans le formulaire utilisé pour demander le second renouvellement de congé sans rémunération, qu’il n’y avait aucun lien entre l’activité exercée à l’AESA et celle exercée au sein de l’AEMF. Dans la mesure où le requérant avait déjà fait état de son souhait de prendre ses distances de l’AESA en janvier 2013, il était loisible à cette dernière de considérer que le requérant risquait d’être trop déconnecté de l’Agence après trois ans d’absence. En tout état de cause, la prise en compte de cet élément ne relève nullement d’une erreur d’appréciation, encore moins d’une erreur manifeste.
96 En outre, c’est à bon droit que l’AESA indique que, au moment de l’adoption de la décision litigieuse, elle n’avait aucun élément concernant un éventuel retour du requérant, puisque ce n’est que lors de la réunion du 2 mars 2015 que celui-ci a révélé qu’il n’envisageait un retour à l’Agence qu’après l’obtention par sa fille de son baccalauréat, prévue en « septembre 2018 ». Par ailleurs, le Tribunal constate que dans sa seconde demande de renouvellement de congé sans rémunération, le requérant fait état de difficultés d’intégration sociale à Cologne ressenties également par son épouse, problèmes que, de toute évidence, le requérant ne pouvait pas s’attendre à résoudre en vivant à Paris avec sa famille et pour lesquels il ne fournit aucun élément pouvant démontrer à l’administration qu’ils pourraient être résolus après l’obtention du baccalauréat de sa fille.
97 Enfin, il y a lieu d’écarter l’argument du requérant selon lequel, en substance, le législateur aurait envisagé le risque de « déconnexion » d’un agent temporaire en ce qu’il a prévu la possibilité d’accorder un tel congé pour une durée totale de douze ans dans sa carrière. En effet, il y a lieu de constater qu’un congé sans rémunération ne peut être accordé que pour une année à la fois, ce qui permet à l’agence concernée d’apprécier, années après années, si les conditions pour le renouvellement du congé sans rémunération sont toujours présentes. En outre, l’argument du requérant ne tient pas compte de ce que l’AHCC a effectué un examen de la situation individuelle du requérant, en estimant que dans son cas, un tel risque existait.
98 Il s’ensuit que le quatrième moyen tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation ne saurait prospérer.
99 Il y a lieu, par conséquent, de rejeter le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
100 Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
101 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Andrea Lorenzet supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission.
Bradley | Sant’Anna | Kornezov |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 juin 2016.
Le greffier | Le président |
W. Hakenberg | K. Bradley |
* Langue de procédure : le français.
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