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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Kerstens v Commission (Judgment) French Text [2016] EUECJ F-23/15 (18 March 2016) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2016/F2315.html Cite as: [2016] EUECJ F-23/15 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)
18 mars 2016 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Obligations – Actes contraires à la dignité de la fonction publique – Diffusion de propos injurieux concernant un autre fonctionnaire – Article 12 du statut – Procédure disciplinaire – Enquête sous forme d’un examen des faits – Blâme – Article 9, paragraphe 1, sous b), de l’annexe IX du statut – Dispositions générales d’exécution – Irrégularité procédurale – Conséquences de l’irrégularité »
Dans l’affaire F‑23/15,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
Petrus Kerstens, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Overijse (Belgique), représenté par Me C. Mourato, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. T. S. Bohr et Mme C. Ehrbar, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),
composé de M. K. Bradley (rapporteur), président, Mme M. I. Rofes i Pujol et M. J. Svenningsen, juges,
greffier : M. P. Cullen, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 juin 2015,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 9 février 2015, M. Petrus Kerstens a introduit le présent recours tendant, en substance, à l’annulation de la décision de la Commission européenne du 15 avril 2014 lui infligeant la sanction disciplinaire du blâme.
Cadre juridique
2 Le cadre juridique de la présente affaire est composé des articles 12 et 86 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), des articles 1, 3 et 9, paragraphe 1, sous b), de l’annexe IX du statut, ainsi que des articles 2, 3, 4 et 6 de la décision de la Commission du 28 avril 2004 portant adoption de dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, publiée aux Informations administratives n° 86‑2004 du 30 juin 2004 (ci-après les « DGE 2004 »).
3 L’article 2 des DGE 2004, relatif aux attributions et aux fonctions de l’Office d’investigation et discipline de la Commission (IDOC), est rédigé ainsi :
« 1. L’IDOC effectue les enquêtes administratives. Au sens des présentes dispositions, on entend par “enquêtes administratives” toutes les actions menées par le fonctionnaire mandaté qui visent à établir les faits et, le cas échéant, à déterminer s’il y a un manquement aux obligations auxquelles les fonctionnaires de la Commission sont soumis.
[…]
3. L’IDOC mène les procédures disciplinaires pour l’[autorité investie du pouvoir de nomination].
[…] »
4 Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, des DGE 2004 :
« Les enquêtes administratives sont menées de manière approfondie, à charge et à décharge, et pendant une période appropriée aux circonstances et à la complexité du cas. »
5 Selon l’article 4 des DGE 2004 :
« 1. L’enquête administrative est ouverte soit d’initiative, soit à la demande d’un directeur général et d’un chef de service, par le [d]irecteur général du personnel et de l’administration en accord avec le [s]ecrétaire général.
2. Avant d’ouvrir l’enquête, le [d]irecteur général du personnel et de l’administration consulte l’Office européen de lutte antifraude […] pour s’assurer que celui-ci ne procède pas à une enquête de son côté et n’a pas l’intention de le faire. Tant que l’[Office européen de lutte antifraude] conduit une enquête au sens du règlement [(CE) n° 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (JO 1999 L 136, p. 1)], aucune enquête administrative […], portant sur les mêmes faits, ne sera ouverte.
3. La décision portant ouverture d’une enquête administrative désigne le directeur de l’IDOC ou un autre fonctionnaire responsable de l’enquête, définit l’objet et la portée de celle-ci […].
4. Dès qu’une enquête administrative met en lumière la possibilité qu’un fonctionnaire soit personnellement impliqué dans une affaire, ce dernier en est tenu informé pour autant que cette information ne nuise pas au déroulement de l’enquête. En tout état de cause, des conclusions se rapportant nommément à un fonctionnaire ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que ce dernier ait été en mesure d’exprimer son avis au sujet de l’ensemble des faits le concernant. Les conclusions feront état de cet avis.
[…]
5. L’IDOC soumet un rapport d’enquête au [d]irecteur général du personnel et de l’administration […] Ce rapport expose les faits et circonstances en cause ; il établit si les règles et les procédures applicables à la situation ont été respectées et il détermine les éventuelles responsabilités individuelles en tenant compte des circonstances aggravantes ou atténuantes. Les copies de toutes les pièces pertinentes et des comptes rendus des auditions sont jointes au rapport.
6. Le [d]irecteur général du personnel et de l’administration informe l’intéressé de la fin de l’enquête et lui communique les conclusions du rapport d’enquête et, sur demande, tous les documents qui sont en rapport direct avec les allégations formulées à son [égard], sous réserve de la protection des intérêts légitimes de tierces parties.
[…] »
Faits à l’origine du litige
Antécédents du litige
6 Le requérant est fonctionnaire de grade AD 13 de la Commission, affecté à l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO).
7 Statuant sur les pourvois du requérant introduits contre les arrêts du Tribunal du 8 mai 2008, Kerstens/Commission (F‑119/06, EU:F:2008:54), et du 29 septembre 2009, Kerstens/Commission (F‑102/07, EU:F:2009:129), respectivement par arrêt du 2 juillet 2010, Kerstens/Commission (T‑266/08 P, EU:T:2010:273) et ordonnance du 24 septembre 2010, Kerstens/Commission (T‑498/09 P, EU:T:2010:406), le Tribunal de l’Union européenne a rejeté lesdits pourvois et condamné le requérant à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission dans le cadre de ces deux procédures. Aucun accord n’étant intervenu entre le requérant et la Commission sur le montant des dépens récupérables à rembourser par le requérant au titre de ces décisions, le requérant a introduit deux demandes de taxation des dépens, respectivement enregistrés sous les références T‑266/08 P‑DEP et T‑498/09 P‑DEP.
8 Par deux ordonnances du 23 mars 2102, Kerstens/Commission (T‑266/08 P‑DEP, EU:T:2012:146, non publiée) et Kerstens/Commission (T‑498/09 P‑DEP, EU:T:2012:147, non publiée), le Tribunal de l’Union européenne a fixé le montant des dépens récupérables à rembourser par le requérant à la somme de 109,42 euros dans l’affaire enregistrée sous la référence T‑266/08 P et à celle de 4 200 euros dans l’affaire enregistrée sous la référence T‑498/09 P, soit un total de 4 309,42 euros dû par le requérant.
9 Le 13 avril 2012, la Commission a informé l’avocat du requérant que, en raison de la compensation qui avait déjà été effectuée sur les divers remboursements dus par le requérant, le montant total dont celui-ci lui était encore redevable s’élevait à 3 971,22 euros, au lieu de 4 309,42 euros.
10 Le 19 avril 2012, le service de la Commission compétant en l’occurrence a émis une note de débit pour un montant de 3 971,22 euros à recouvrer auprès du requérant.
11 Le 30 avril 2012, le chef de l’unité « Recouvrement des créances » de la direction « Exécution budgétaire (budget général et FED) » de la direction générale « Budget » de la Commission a adressé une lettre de rappel au requérant.
12 En l’absence de réaction de la part du requérant, le 4 juin 2012, le même chef d’unité lui a adressé une mise en demeure.
13 Le 7 juin 2012, le requérant a introduit un pourvoi contre l’ordonnance du 23 mars 2012, Kerstens/Commission (T‑498/09 P‑DEP, EU:T:2012:147, non publiée), enregistré sous la référence C‑304/12 P.
14 Par lettre du 21 juin 2012, le requérant a demandé au directeur de la direction « Exécution budgétaire (budget général et FED) » de suspendre la procédure de recouvrement de la note de débit mentionnée au point 10 du présent arrêt, en invoquant notamment l’introduction d’un pourvoi « au sujet de dénaturations dans les dossiers et d’irrégularité[s] financière[s] » et en signalant une erreur dans le calcul des sommes dues. Enfin, le requérant déclarait qu’« il [était] hors [de] question qu[’il] procède du tout au paiement réclamé ». Une copie de cette lettre était adressée à différents services de la Commission ainsi qu’au conseil du requérant.
15 Par note du 27 juin 2012, le directeur de la direction « Exécution budgétaire (budget général et FED) » a indiqué au requérant ne pas pouvoir accueillir sa demande, en affirmant que le principe de la séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable excluait toute intervention de sa part dans la discussion sur la justification et le calcul des créances.
16 Par note au requérant et au directeur du PMO du 16 juillet 2012, mentionnant sous la rubrique « Objet », notamment, le « recouvrement des dépens selon les ordonnances du 23 mars 2012 », M. A, fonctionnaire d’un des services qui avait été destinataire en copie aussi bien de la lettre du requérant du 21 juin 2012 que de la note du directeur de la direction « Exécution budgétaire (budget général et FED) » du 27 juin 2012, a répondu à la lettre du requérant du 21 juin 2012 en indiquant à ce dernier que les allégations d’irrégularité financière y figurant étaient « sans pertinence aucune à l’égard du caractère récupérable de la créance en cause » et en rappelant que la Commission disposait de titres exécutoires, à savoir deux décisions du Tribunal de l’Union européenne condamnant le requérant aux dépens et deux ordonnances de taxation des dépens de la même juridiction fixant le montant des dépens récupérables par la Commission. M. A invitait donc le PMO à procéder au recouvrement de la créance « également sur le traitement [du requérant] en l’effectuant au besoin par échelonnement conformément aux pratiques habituelles en la matière ».
17 Le 20 juillet 2012, le requérant a adressé à M. A une note intitulée « Votre note du 16 juillet 2012 – recouvrement des dépens » (ci-après la « note du 20 juillet 2012 »). Cette note de sept pages contient, entre autres, les passages suivants (les propos que le requérant a utilisés en référence à M. A, ci-après les « propos injurieux », étant occultés) :
« [V]otre approche fait plutôt penser à un rouleau compresseur, tel qu’on l’a connu dans l’ancienne [République démocratique allemande] (“D[ie] Partei hat immer recht”), et qui existe encore dans des régimes comme en Biélorussie ou Corée du [N]ord, où les individus et leurs points de vue ne comptent pas du tout.
[…]
[S]i je dépose plainte à ce sujet auprès des autorités belges en dénonçant l’escroquerie à laquelle vous tentez, de manière répétitive, [de] m’exposer, j’aurai gain de cause devant n’importe quel tribunal. […]
[…]
[…] Votre apparente instruction au PMO de procéder à la récupération directe du solde réclamé dans la [n]ote de débit […] est strictement illégale.
Faute d’un arrêt belge, […] je ne pourrai que déposer plainte auprès de la [p]olice et du [p]rocureur du Roi [de] Bruxelles [(Belgique)], avec indication de détournement de fonds et de vol manifeste, perpétré par [X] en connivence avec [M. A]. […]
[…]
[…] À l’égard du ton et de la présentation de votre note, je me retiendrai de remarques personnelles, même si mes droits fondamentaux me permettent d’exprimer une opinion individuelle à votre égard. Ce ne serait pas pour la première fois que [M. A] serait traité […] de “[omissis]” ou de “[omissis]”. Je prends toutes mes distances avec de tels propos dégradants et gratuits, que je désapprouve par principe. Cependant, je reste libre dans tout ce que je pense, et je n’en pense pas moins… »
18 Une copie de la note du 20 juillet 2012 a été adressée, outre à l’avocat du requérant, à onze autres personnes, membres de la haute hiérarchie ou de l’encadrement de l’institution, à savoir au secrétaire général de la Commission, au directeur général du service juridique et à deux autres directeurs généraux ainsi qu’à un directeur général faisant fonction, aux chefs de cabinet de deux membres de la Commission, au médiateur de la Commission, au directeur du PMO, au directeur de la direction « Exécution budgétaire (budget général et FED) » et à un chef d’unité.
19 M. A a répondu à la note du 20 juillet 2012 par un courriel du même jour. Il a réfuté les arguments du requérant sur le fond du dossier et a exprimé sa surprise quant au niveau de langage utilisé par le requérant dans une note émise dans un contexte professionnel et envoyée à un grand nombre de personnes pour information.
20 Par ordonnance du 7 février 2013, Kerstens/Commission (C‑304/12 P, EU:C:2013:74), la Cour de justice de l’Union européenne a déclaré manifestement irrecevable le pourvoi du requérant introduit contre l’ordonnance du 23 mars 2012, Kerstens/Commission (T‑498/09 P‑DEP, EU:T:2012:147, non publiée).
21 En réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, le requérant a précisé que, contrairement à ses intentions annoncées dans la note du 20 juillet 2012, il n’avait porté plainte ni auprès de la police belge ni auprès du procureur du Roi de Bruxelles.
Procédure disciplinaire
22 Le 15 janvier 2013, l’IDOC a établi une note d’analyse ayant comme objet le « langage inapproprié contenant des propos injurieux » contenu dans la note du 20 juillet 2012 (ci-après la « note d’analyse du 15 janvier 2013 »). Dans cette note, l’IDOC a conclu, à titre préliminaire, que la seule interprétation possible de la note du 20 juillet 2012 est que le requérant partageait les propos injurieux qu’il avait rapportés comme émis par d’autres personnes et les avait exprimés dans un contexte professionnel, ce qui était susceptible de constituer un manquement à l’article 12 du statut.
23 Le 17 janvier 2013, l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission (ci-après l’« AIPN ») a donné mandat à l’IDOC pour entendre le requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, afin de lui permettre de décider si une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant devait être engagée.
24 Par note du 3 avril 2013, le directeur de l’IDOC a informé le requérant que l’AIPN avait décidé de l’entendre, en application de l’article 3 de l’annexe IX du statut, au sujet de la note du 20 juillet 2012 et l’a convoqué à une audition, laquelle, après un report de date demandé par le requérant, a eu lieu le 2 mai 2013. À cette note était jointe la note d’analyse du 15 janvier 2013.
25 Il ressort du compte rendu de l’audition du 2 mai 2013 que, lors de cette audition, le requérant a lu un texte dans lequel il déclarait, premièrement, que la « lecture attentive du dernier paragraphe de la note [du 20 juillet 2012] » devait mettre en évidence qu’il ne s’associait « pas du tout aux paroles dégradantes circulant à l’égard de [M. A] ». Deuxièmement, le requérant a ajouté que, « [t]outefois, il rest[ait] de [son] devoir de bon et loyal fonctionnaire respectueux du [s]tatut de faire [en] sorte que [M. A] puisse savoir qu’il existe des opinions le concernant qui ne sont pas forcément et unanimement positives ». Troisièmement, selon le requérant, le nombre de destinataires en copie de la note du 20 juillet 2012, en l’occurrence douze, avait été restreint de sorte que ladite note ne pouvait pas être qualifiée de « communication interne ». En outre, les destinataires étaient tous, à l’exception de son propre avocat, des personnes à informer au sens des articles 22 bis et 22 ter du statut. Il ressort par ailleurs du compte rendu de l’audition que l’avocat du requérant, qui assistait à l’audition, a affirmé que la phrase « Cependant, je reste libre dans tout ce que je pense, et je n’en pense pas moins… » figurant dans l’avant-dernier paragraphe de la note du 20 juillet 2012 et contenant les propos injurieux devait être comprise comme se référant à ce que pensait le requérant « concernant la mauvaise administration qu’il a[vait] évoquée [dans le même paragraphe] ».
26 Le 23 octobre 2013, l’IDOC a établi un rapport disciplinaire concluant qu’il apparaissait que le comportement du requérant constituait une « violation évidente » de l’article 12 du statut. En outre, l’IDOC considérait que le fait que le requérant ait présenté les propos injurieux comme émanant de tierces personnes ne pouvait pas être une circonstance atténuante dans la mesure où il avait contribué à leur diffusion en leur donnant une publicité plus grande. Par ailleurs, le grade et l’ancienneté du requérant étaient jugés comme des circonstances aggravantes.
27 Par note du 29 octobre 2013, l’AIPN a informé le requérant de sa décision d’ouvrir une procédure disciplinaire sans consultation du conseil de discipline, conformément à l’article 11 de l’annexe IX du statut. Le rapport disciplinaire du 23 octobre 2013 était annexé à cette note.
28 Le 7 novembre 2013, conformément à l’article 11 de l’annexe IX du statut, le requérant a été convoqué à une audition devant l’AIPN, qui a eu lieu le 10 décembre 2013.
29 Par décision du 15 avril 2014, l’AIPN a infligé un blâme au requérant (ci-après la « décision litigieuse »), considérant que l’utilisation d’un langage inconvenant comportant des injures dans une communication interne à la Commission constituait un manquement à l’article 12 du statut. L’AIPN a en effet estimé que la formulation du passage de la note du 20 juillet 2012 contenant les propos injurieux laissait entendre que le requérant partageait ces propos qu’il avait présentés comme ayant été prétendument émis par des tiers. Selon l’AIPN, en toute hypothèse, le simple fait de diffuser ces injures, mot pour mot, traduisait un manque de respect à l’égard de M. A.
30 Le 11 juillet 2014, le requérant a introduit une réclamation sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut à l’encontre de la décision litigieuse. Cette réclamation a été complétée par une note du 15 juillet 2014. La réclamation a été rejetée par décision de l’AIPN du 28 octobre 2014, reçue par le requérant le 30 octobre suivant.
Conclusions des parties et procédure
31 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision litigieuse ;
– condamner la Commission aux dépens.
32 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
33 Lors de l’audience, le Tribunal a demandé à la Commission de lui transmettre la décision portant adoption de dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires du 19 février 2002 (ci-après les « DGE 2002 »), publiée aux Informations administratives n° 33‑2002 du 25 avril 2002, applicable aux faits ayant donné lieu à l’affaire tranchée par l’arrêt du 11 mai 2010, Nanopoulos/Commission (F‑30/08, ci-après l’« arrêt Nanopoulos », EU:F:2010:43), auquel elle faisait référence dans son mémoire en défense et dans sa plaidoirie.
34 Le 10 juin 2015, la Commission a transmis au Tribunal les DGE 2002, accompagnées par une lettre contenant des observations. Par lettre du greffe du 7 juillet 2015, les parties ont été informées de la décision du Tribunal de verser au dossier les DGE 2002 produites par la Commission, mais non la lettre d’observations les accompagnant.
35 Par ordonnance du 17 décembre 2015, le Tribunal a rouvert la procédure orale afin de permettre aux parties, en application de l’article 82 du règlement de procédure, de présenter des observations sur la fin de non-recevoir d’ordre public tirée de la règle de concordance entre la requête et la réclamation l’ayant précédée que le Tribunal envisageait de soulever d’office à l’égard du premier moyen d’annulation soulevé dans la requête, ainsi que sur la question de savoir si les irrégularités procédurales que le requérant invoquait à l’appui de son premier moyen, à les supposer avérées, pouvaient aboutir à l’annulation de la décision litigieuse.
36 Les parties ayant déposé leurs observations le 6 janvier 2016, elles ont été informées, par lettre du greffe du Tribunal du 19 janvier 2016, que la procédure orale avait été clôturée et l’affaire mise en délibéré.
En droit
37 Au soutien de ses conclusions en annulation de la décision litigieuse, le requérant soulève quatre moyens, tirés respectivement :
– le premier, d’une violation des règles de procédure applicables aux enquêtes administratives et d’une violation des droits de la défense ;
– le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation des faits à l’origine de la décision litigieuse, en l’occurrence la note du 20 juillet 2012 ;
– le troisième, soulevé à titre subsidiaire, d’une violation du principe de proportionnalité ;
– le quatrième, également soulevé à titre subsidiaire, d’une violation des règles de procédure et des droits de la défense dans le déroulement de la procédure disciplinaire au sens large ainsi que des principes de sécurité juridique et de bonne administration et en particulier du principe du respect du délai raisonnable.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation des règles de procédure applicables aux enquêtes administratives et d’une violation des droits de la défense
Arguments des parties
38 Le requérant fait valoir, en premier lieu, que la note d’analyse du 15 janvier 2013 peut être assimilée à un rapport d’enquête administrative dans lequel il serait conclu qu’il aurait enfreint l’article 12 du statut. En l’absence de décision portant ouverture de l’enquête administrative telle que visée à l’article 4 des DGE 2004, l’IDOC aurait effectué une enquête sans mandat et sans décision désignant le responsable de l’enquête ou indiquant l’objet et la portée de celle-ci, en violation de l’article 4, paragraphes 1 et 3, des DGE 2004.
39 En deuxième lieu, le requérant n’aurait été tenu informé de l’ouverture de l’enquête administrative menée par l’IDOC que par la note du directeur de l’IDOC du 3 avril 2013, alors que l’IDOC aurait su qu’il était impliqué dans une affaire concernant la note du 20 juillet 2012 juste après cette dernière date. Ainsi, l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut et l’article 4, paragraphe 4, des DGE 2004 auraient été enfreints.
40 En troisième lieu, le requérant prétend que l’enquête administrative n’aurait pas été menée à décharge, puisque, pour l’établissement de sa note d’analyse du 15 janvier 2013, l’IDOC n’aurait entendu ni le requérant ni M. A et n’aurait pas non plus fait état du contenu de la note du 20 juillet 2012 qui comprenait « sept pages concernant le non-respect par l’institution d’infraction au [r]èglement financier », ni du contexte plus large dans lequel cette note avait été rédigée. Ce faisant, l’IDOC aurait violé l’article 3, paragraphe 2, des DGE 2004 selon lequel les enquêtes administratives doivent être menées de manière approfondie, à charge et à décharge.
41 En quatrième et dernier lieu, l’IDOC aurait tiré des conclusions dans sa note d’analyse du 15 janvier 2013 sans que le requérant n’ait été en mesure de présenter ses observations sur les faits le concernant et sans que de telles observations n’apparaissent dans les conclusions de « ce rapport d’enquête administrative ».
42 Dans ses observations présentées le 6 janvier 2016 suite à la réouverture de la procédure orale (ci-après les « observations du requérant du 6 janvier 2016 »), le requérant a affirmé que, en l’absence des irrégularités alléguées, la procédure disciplinaire aurait pu aboutir à un résultat différent. En effet, selon le requérant, si l’AIPN avait mené une enquête administrative à charge et à décharge elle aurait pu mieux saisir le contexte dans lequel les faits qui lui étaient reprochés s’inséraient, ce qui aurait pu amener l’AIPN à adopter une décision différente.
43 La Commission considère que les arguments du requérant vont à contre-courant de la jurisprudence constante selon laquelle « rien n’interdi[rai]t à l’administration de réaliser une […] enquête [avant d’ouvrir la procédure disciplinaire] sous la forme d’un simple examen des faits ayant été portés à sa connaissance sans adopter de mesures supplémentaires » (arrêt du 11 septembre 2013, de Brito Sequeira Carvalho/Commission, F‑126/11, EU:F:2013:126, point 123). Lorsque l’AIPN procède de la sorte, elle aurait pour unique obligation d’informer l’intéressé de « la fin de l’enquête » et de lui communiquer les « conclusions du rapport d’enquête ». En outre, le fonctionnaire concerné devrait avoir été mis en mesure de présenter ses observations sur les faits le concernant, après enquête, mais avant que des conclusions se rapportant à lui ne soient tirées par l’AIPN, à savoir avant d’ouvrir la procédure disciplinaire (arrêt du 5 décembre 2012, Z/Cour de justice, F‑88/09 et F‑48/10, ci-après l’« arrêt Z », EU:F:2012:171, points 269 et 270).
44 Selon la Commission, les articles 2 à 4 des DGE 2004 s’appliqueraient uniquement à des enquêtes administratives qui sont menées de manière approfondie, ce qui exclurait l’ouverture d’une enquête lorsque les faits sont établis à la lecture des documents remis à l’administration. Cette interprétation serait corroborée par l’article 6, paragraphe 2, des DGE 2004 qui confirmerait qu’il existe des domaines dans lesquels la procédure disciplinaire n’est pas précédée d’une enquête administrative au sens de l’article 2, paragraphe 1, des DGE 2004. Or, puisque le requérant reconnaît avoir reçu un « rapport d’enquête » avant son audition au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, ainsi que la note d’analyse du 15 janvier 2013 qui identifiait clairement les faits reprochés, la Commission considère que tous ses droits statutaires ont été respectés.
45 À titre subsidiaire, la Commission soutient que le requérant reste en défaut d’identifier précisément en quoi l’irrégularité alléguée aurait pu être déterminante pour la décision de l’AIPN d’ouvrir une procédure disciplinaire et pour la sanction finale. Selon la Commission, alors que le requérant affirme que, si les règles régissant les enquêtes administratives avaient été scrupuleusement respectées, il ne peut être exclu que son dossier ait été classé sans suite, l’AIPN a pris la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire seulement après avoir entendu le requérant sur les faits et circonstances et après lui avoir donné la possibilité de fournir toute information complémentaire. Dans ces conditions, les irrégularités alléguées auraient pu être corrigées à suffisance « grâce aux droits exercés par le requérant lors de la procédure pré-disciplinaire ».
46 Dans ses observations du 6 janvier 2016 suite à la réouverture de la procédure orale, la Commission a précisé que, en tout état de cause, les faits ont été établis à suffisance avant l’audition du 2 mai 2013 et que leur description est restée inchangée. Dans ces circonstances, selon la Commission, la violation alléguée par le requérant des règles de procédure, à la supposer avérée, ne saurait en tout état de cause affecter la légalité de la décision litigieuse.
Appréciation du Tribunal
47 Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, que les moyens dirigés directement contre l’acte faisant grief soulevés devant le juge de l’Union l’aient déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée. Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle-ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, points 71 et 72 et jurisprudence citée).
48 En outre, la mise en œuvre de la règle de concordance entre la requête et la réclamation ainsi que son contrôle par le juge de l’Union doivent garantir l’entier respect simultanément, d’une part, du principe de protection juridictionnelle effective, lequel constitue un principe général du droit de l’Union, exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, afin que l’intéressé puisse être en mesure de contester valablement une décision de l’AIPN lui faisant grief, et, d’autre part, du principe de sécurité juridique, afin que l’AIPN soit en mesure de connaître, dès le stade de la réclamation, les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 82).
49 En l’espèce, il y a lieu de relever que les deux premiers griefs du requérant concernent respectivement l’absence de décision portant ouverture d’une enquête administrative et définissant l’objet et la portée de celle-ci et le fait que le requérant n’a pas été tenu informé dès l’ouverture de l’enquête administrative, en violation de l’article 4, paragraphes 1, 3 et 4, des DGE 2004.
50 Or, force est de constater que ni l’un ni l’autre de ces griefs n’ont été soulevés dans la réclamation. En effet, il suffit d’observer que, dans la partie 1.1 de la réclamation intitulée « Respect sous-optimal du mandat de l’enquête de la part de l’IDOC » (« Suboptimal respect of the investigation mandate by the IDOC ») et consacrée à de prétendus vices de procédure, à aucun moment le requérant n’allègue que l’IDOC ne disposait pas d’un mandat. Au contraire, en se plaignant de ce que l’IDOC n’a pas respecté son mandat d’enquête, le requérant présuppose l’existence d’un tel mandat. S’il est exact que le requérant affirme, toujours dans la partie 1.1 de sa réclamation, que les procédures de l’IDOC n’ont pas été respectées, il est clair que cette affirmation, qui est précédée par les termes « [c]e faisant » (« [b]y doing so »), se réfère uniquement à l’allégation du requérant concernant l’absence d’un examen approfondi par l’IDOC des raisons de son comportement. En tout état de cause, cette affirmation n’indique pas de manière suffisamment claire et univoque que le requérant soulevait une violation de l’article 4, paragraphes 1, 3 et 4, des DGE 2004.
51 Dans ses observations du 6 janvier 2016, le requérant prétend que, dans la partie 1.1 de sa réclamation, il se plaignait du non-respect des règles de procédure en matière d’enquête, en se référant expressément au « Manuel de l’[IDOC] ». Dans la mesure où les DGE 2004 reproduiraient substantiellement les articles 2 et 3 du statut, le requérant considère s’être référé implicitement aux DGE 2004 en citant lesdites dispositions du statut.
52 De prime abord, il convient de noter que, comme la Commission l’a reconnu dans ses observations du 6 janvier 2016 suite à la réouverture de la procédure orale, les DGE 2004 ne se limitent pas à reproduire les dispositions pertinentes du statut, mais confèrent aux personnes concernées des droits supplémentaires que le statut ne prévoit pas expressément. Puisque les actes des institutions bénéficient d’une présomption de légalité et que la partie requérante supporte la charge de la preuve de l’éventuelle illégalité de l’acte qu’elle attaque, l’allégation par un fonctionnaire de la Commission d’une violation d’une disposition statutaire n’inclut pas l’allégation de la violation de la disposition pertinente des DGE 2004, à moins que cette seconde allégation puisse être clairement identifiée dans les termes de la réclamation, elle-même interprétée dans un esprit d’ouverture (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Murariu/AEAPP, F‑116/14, EU:F:2015:89, point 54).
53 Dans le cas présent, s’il est exact que le requérant s’est référé explicitement au « Manuel de l’[IDOC] » dans la partie 1.1 de sa réclamation, il s’est limité à relever un « manque de professionnalisme de la part de l’IDOC » dans l’exécution de son mandat et le « non-respect des procédures de l’IDOC en vigueur ».
54 À cet égard, il convient de constater que la requête ne fait aucunement mention du soi-disant « manque de professionnalisme de la part de l’IDOC » ni des arguments qui avaient été soulevés à l’appui de cette affirmation. Quant au « Manuel de l’[IDOC] », que le requérant a produit en annexe à ses observations du 6 janvier 2016, il s’agit d’un document de 177 pages qui règle de manière détaillée le déroulement de la procédure disciplinaire au sein de la Commission. Par conséquent, la référence vague et générale au non-respect des procédures de l’IDOC figurant dans la partie 1.1 de la réclamation ne suffisait nullement pour permettre à l’AIPN de comprendre que le requérant souhaitait soulever les deux premiers griefs du présent moyen.
55 Enfin, dans ses observations du 6 janvier 2016, le requérant ne soutient pas que la méconnaissance de l’obligation pour l’AIPN d’adopter une décision désignant le responsable de l’enquête et en définissant l’objet et la portée de celle-ci et de celle de tenir le requérant informé de l’ouverture de l’enquête pourrait aboutir à l’annulation de la décision litigieuse, ayant limité son analyse aux troisième et quatrième griefs du présent moyen (voir points 59 et suivants du présent arrêt).
56 Il échet donc de constater que l’AIPN, même en examinant la réclamation dans un esprit d’ouverture, comme elle y est obligée selon la jurisprudence, ne pouvait interpréter celle-ci comme soulevant des violations de l’article 4, paragraphes 1, 3 et 4, des DGE 2004, dispositions qui n’y sont citées ni explicitement ni par le biais d’une référence à leur contenu.
57 Il s’ensuit que les premier et deuxième griefs du premier moyen doivent être rejetés comme étant irrecevables.
58 Par ses troisième et quatrième griefs, le requérant prétend, premièrement, que, en violation de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 4, paragraphe 4, des DGE 2004, l’enquête administrative n’a pas été menée à décharge et, deuxièmement, qu’il n’a pas pu présenter des observations sur les faits le concernant, observations dont les conclusions de la note d’analyse du 15 janvier 2013 auraient dû faire état.
59 Dans ses observations du 6 janvier 2016, le requérant soutient avoir expressément soulevé dans sa réclamation l’obligation pour l’AIPN de mener une enquête à charge et à décharge. Or, il ressort de la lecture de la réclamation que, même si le requérant ne mentionne pas expressément l’article 3, paragraphe 2, des DGE 2004, il affirme clairement dans la partie 1.1 de celle-ci la nécessité qu’une enquête fasse la lumière tant sur les circonstances atténuantes que sur les circonstances aggravantes. Il s’ensuit que le troisième grief du premier moyen est recevable.
60 Il en est de même du quatrième grief du premier moyen. En effet, comme il l’a relevé dans ses observations du 6 janvier 2016, le requérant se plaignait dans la partie 1.2 de sa réclamation de ce qu’il aurait été privé de la possibilité de présenter des observations sur les faits qui lui ont été reprochés avant l’ouverture de la procédure disciplinaire qui est régie par l’article 3 de l’annexe IX du statut. Il s’ensuit que le quatrième grief du premier moyen est également recevable.
61 Pour ce qui concerne l’examen du fond des troisième et quatrième griefs, qui seront traités ensemble, il convient de constater d’emblée que le requérant soulève des violations dans le déroulement de la procédure qui a précédé la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire prévue à l’article 3 de l’annexe IX du statut, mais qu’il ne conteste pas que l’AIPN a établi un rapport d’enquête, et qu’il reconnaît que la note du 15 janvier 2013 « pourrait être assimilé[e] à un rapport d’enquête administrative dans lequel il est conclu que le requérant aurait enfreint l’article 12 du statut ».
62 Ensuite, le Tribunal constate, d’une part, que ni l’AIPN ni l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) n’ont effectué d’enquête et que, pour adopter la décision litigieuse, l’AIPN s’est basée exclusivement sur la note du 20 juillet 2012 et, d’autre part, que le requérant n’a pas été mis en mesure de s’exprimer sur les faits avant l’établissement de la note d’analyse du 15 janvier 2013.
63 Il y a donc lieu d’examiner si, au regard des dispositions statutaires applicables, des DGE 2004 et de la jurisprudence, il était loisible à la Commission d’ouvrir une procédure disciplinaire sans qu’une procédure administrative d’enquête ait été menée au préalable.
– Sur la nécessité d’effectuer une enquête administrative avant d’ouvrir une procédure disciplinaire
64 La Commission souligne dans son mémoire en défense que l’article 86 du statut prévoit que l’AIPN ou l’OLAF « peuvent » ouvrir une enquête administrative, en vue de « vérifier » l’existence d’un manquement aux obligations statutaires d’un fonctionnaire ou agent. En outre, elle a précisé, lors de l’audience, que, lorsque les faits sont clairs, leur établissement perd sa raison d’être et que l’IDOC peut enquêter sans mandat afin de recueillir le minimum de faits précis et concordants nécessaires pour ouvrir une procédure disciplinaire.
65 Toutefois, sans qu’il soit nécessaire d’établir si l’article 86 du statut permet ou non à l’AIPN d’ouvrir une procédure disciplinaire sans avoir effectué une enquête administrative, il y a lieu de constater que l’exigence d’effectuer une telle enquête découle des DGE 2004.
66 À cet égard, la Commission prétend que les DGE 2004 prévoient deux catégories d’enquêtes administratives menées par l’AIPN, une première à laquelle s’appliqueraient l’article 2, paragraphe 1, et les articles 3 et 4 desdites DGE, et une seconde catégorie pour laquelle ces dispositions ne s’appliqueraient pas.
67 Cet argument est pour le moins surprenant. Si, en établissant la note d’analyse du 15 janvier 2013, l’IDOC n’exerçait pas les compétences qui lui ont été conférées par l’article 2, paragraphe 1, des DGE 2004, il s’ensuivrait que l’IDOC aurait agi sans aucune compétence et que ladite note serait nulle et non avenue. Il s’ensuivrait également que, lorsqu’elle a décidé d’ouvrir la procédure disciplinaire à l’égard du requérant, l’AIPN n’aurait disposé d’aucun « rapport d’enquête », alors que les parties s’accordent pour considérer que la note d’analyse du 15 janvier 2013 constitue le rapport d’enquête sur la base duquel l’AIPN a pris la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire conformément à l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut. Ainsi, comme l’a fait remarquer la Commission, le requérant assimile la note d’analyse du 15 janvier 2013 à un rapport d’enquête administrative dans lequel il est conclu que le requérant aurait enfreint l’article 12 du statut. La Commission ne peut donc pas prétendre à la fois que ladite note constitue et ne constitue pas le rapport d’une « enquête » au sens de l’article 2, paragraphe 1, des DGE 2004.
68 Si la note d’analyse du 15 janvier 2013 constitue le « rapport d’enquête » sur lequel l’AIPN s’est fondée pour ouvrir la procédure disciplinaire à l’encontre du requérant, il s’ensuit que les règles établies aux articles 3 et 4 des DGE 2004 étaient d’application. Notamment, l’enquête aurait dû être menée « de manière approfondie [et] à charge et à décharge » et le requérant aurait dû avoir été mis « en mesure d’exprimer son avis au sujet de l’ensemble des faits le concernant », avis dont les conclusions de ladite note valant rapport d’enquête auraient nécessairement dû faire état en vertu respectivement de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 4, paragraphe 4, des DGE 2004.
69 En outre, contrairement à ce que prétend la Commission, l’article 6, paragraphe 2, des DGE 2004, qui dispose que, « [s]i le cas soumis […] a donné lieu à une enquête administrative préalable, les fonctionnaires ayant mené cette enquête ne peuvent représenter l’AIPN », ne démontre nullement que les DGE 2004 permettent à l’AIPN de se passer d’une enquête administrative au sens de l’article 2, paragraphe 1, de celles-ci. Selon son intitulé, l’article 6 des DGE 2004 concerne la « [r]eprésentation de l’AIPN devant le conseil de discipline » qui est assurée, d’après le paragraphe 1 dudit article, « par le directeur de l’IDOC ou son suppléant ».
70 Il ressort de l’article 6 des DGE 2004, lu dans son ensemble, que son paragraphe 2 se réfère uniquement à des enquêtes administratives menées par l’AIPN, à l’exclusion de celles menées par l’OLAF. En effet, puisque c’est l’IDOC qui assure la représentation de l’AIPN devant le conseil de discipline, il n’est pas nécessaire de prévoir que les fonctionnaires de l’OLAF ne peuvent pas représenter l’AIPN. Dans la mesure où l’« enquête administrative préalable » visée au paragraphe 2 de cet article ne peut être entendue que comme se référant à une enquête administrative préalablement menée par l’AIPN, il s’ensuit qu’il existe bel et bien d’autres cas, à savoir ceux dans lesquels le rapport d’enquête a été établi par l’OLAF, conformément à l’article 1er de l’annexe IX du statut. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’article 4, paragraphe 2, des DGE 2004 impose au directeur général du personnel et de l’administration de la Commission de consulter l’OLAF avant de décider d’ouvrir, ou non, une enquête.
71 Il en résulte que l’article 6, paragraphe 2, des DGE 2004 confirme, comme le soutient la Commission, l’existence de cas dans lesquels la procédure disciplinaire n’est pas précédée d’une enquête administrative « au sens de l’article 2, paragraphe 1, des DG[E 2004] », à savoir ceux où ladite enquête est menée par l’OLAF. En revanche, cette disposition ne démontre pas que l’AIPN a la possibilité d’ouvrir une procédure disciplinaire sans qu’une enquête administrative ait été menée soit par l’OLAF, soit par l’IDOC conformément aux articles 2, 3 et 4 des DGE 2004.
– Sur la pertinence de la jurisprudence invoquée par la Commission
72 La Commission se réfère à l’arrêt Z (EU:F:2012:171) et, en particulier, aux points 266 à 270 de cet arrêt, pour soutenir que, « avant d’entendre le fonctionnaire au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut », l’AIPN a pour unique obligation d’informer l’intéressé de « la fin de l’enquête » et de lui communiquer « les conclusions du rapport d’enquête ».
73 À cet égard, le Tribunal relève qu’au point 266 de l’arrêt Z (EU:F:2012:171) il a été jugé qu’« aucune disposition applicable ne prévoit que cette enquête doit être menée à charge et à décharge ». Toutefois, ce constat ne concerne que les dispositions de l’annexe IX du statut, qui effectivement n’établissent pas une telle exigence, et n’est d’aucune pertinence dans le cadre de la présente affaire où la question posée est celle de savoir si la Commission a respecté ou non les DGE 2004, lesquelles n’étaient pas applicables dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Z (EU:F:2012:171) où la partie défenderesse était la Cour de justice. Il en est de même pour le constat, au point 268 du même arrêt, selon lequel « dès lors qu[e l’AIPN] estimait que [les éléments de preuves produits] étaient suffisants pour lui permettre d’apprécier la réalité des faits allégués et les circonstances entourant ces derniers, il lui était loisible d’ouvrir la procédure disciplinaire », car ce constat ne concerne pas non plus les DGE 2004.
74 Ensuite, à l’appui de sa thèse selon laquelle elle ne serait pas obligée d’appliquer l’article 2, paragraphe 1, ni les articles 3 et 4 des DGE 2004 « lorsque les faits sont établis à la lecture des documents remis à l’administration », la Commission évoque l’arrêt Nanopoulos (EU:F:2010:43) et, en particulier, les points 205 et 206 de celui-ci. La Commission a notamment affirmé lors de l’audience que les DGE 2004 sont « pratiquement identiques » à celles en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Nanopoulos (EU:F:2010:43).
75 Or, l’arrêt Nanopoulos (EU:F:2010:43) est sans la moindre pertinence pour l’interprétation des DGE 2004. Premièrement, comme le Tribunal l’a constaté au point 204 de l’arrêt Nanopoulos (EU:F:2010:43), à propos du statut dans la version qui était applicable aux faits de l’espèce, « ni l’article 87 du statut ni l’annexe IX du statut n’impos[ai]ent la réalisation d’une enquête administrative avant que l’administration ne décide d’ouvrir une procédure disciplinaire ». En effet, les dispositions statutaires concernant la procédure disciplinaire qui étaient applicables dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Nanopoulos (EU:F:2010:43) étaient radicalement différentes de celles qui s’appliquent dans la présente affaire. Lesdites dispositions statutaires ne prévoyaient notamment pas que l’AIPN ne pouvait décider de l’ouverture, ou non, d’une procédure disciplinaire que « [s]ur la base du rapport d’enquête […] et après […] avoir entendu » le fonctionnaire concerné, comme le prévoit l’actuel article 3 de l’annexe IX du statut.
76 En outre, l’affirmation de la Commission selon laquelle les DGE 2002 seraient « pratiquement identiques » aux DGE 2004 est inexacte. D’une part, les DGE 2002 traduisaient le fait que, dans le régime disciplinaire statutaire de l’époque, l’organisation d’une enquête administrative préalablement à l’ouverture d’une procédure disciplinaire n’était que facultative pour l’AIPN, alors que les DGE 2004 reflètent le libellé de l’actuel article 3 de l’annexe IX du statut cité au point précédent du présent arrêt.
77 D’autre part, les DGE 2002 ne contenaient pas non plus de définition de la notion d’« enquête », ni ne prévoyaient l’adoption d’une décision formelle portant ouverture d’une telle enquête et en définissant l’objet et la portée, ni ne disposaient expressément qu’une telle enquête devait être menée « de manière approfondie, à charge et à décharge ». En précisant et en renforçant les droits procéduraux des fonctionnaires, ces dispositions reflètent la réforme du régime statutaire mise en œuvre par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO 2004 L 124, p. 1) et la Commission ne saurait valablement interpréter les DGE 2004 à la lumière du régime statutaire qui était applicable auparavant.
78 Par ailleurs, la question soumise à l’appréciation du Tribunal dans le cadre du moyen invoqué par le requérant dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Nanopoulos (EU:F:2010:43) n’était pas celle de savoir si l’AIPN pouvait ouvrir une procédure disciplinaire sans procéder préalablement à une enquête administrative, mais celle de savoir si, en se basant sur un rapport intérimaire du service d’audit interne de la Commission et un rapport d’Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne, l’AIPN disposait, ou non, d’« éléments suffisamment précis et pertinents ».
79 Enfin, contrairement à ce qu’a soutenu la Commission lors de l’audience, le Tribunal n’a pas examiné les DGE 2004 ni dans l’arrêt du 11 septembre 2013, de Brito Sequeira Carvalho/Commission (F‑126/11, EU:F:2013:126), ni dans l’arrêt du 15 octobre 2014, de Brito Sequeira Carvalho/Commission (F‑107/13, EU:F:2014:232).
80 En effet, comme il a été constaté au point 52 du présent arrêt, si le requérant ne soulève pas, de manière suffisamment claire, une violation d’une disposition des DGE 2004 qui confère des droits supplémentaires que le statut ne prévoit pas expressément, le Tribunal ne sera pas saisi d’une telle violation du seul fait que le requérant aura soulevé une violation de la disposition équivalente du statut. Or, tel était le cas en l’espèce. Les termes « dispositions générales d’exécution » ne figurent nulle part dans les deux arrêts mentionnés au point précédent, ni dans la partie « Cadre juridique », ni dans les parties consacrées aux arguments des parties, ni non plus dans celles consacrées à l’appréciation du Tribunal. Dans ces circonstances, les déclarations répétées de la Commission lors de l’audience, affirmant que le Tribunal avait déjà examiné les DGE 2004 dans l’arrêt du 15 octobre 2014, de Brito Sequeira Carvalho/Commission (F‑107/13, EU:F:2014:232) sont inexactes.
81 À ce propos, le point 123 de l’arrêt du 11 septembre 2013, de Brito Sequeira Carvalho/Commission (F‑126/11, EU:F:2013:126), auquel la Commission se réfère pour appuyer sa thèse selon laquelle elle peut ouvrir une procédure disciplinaire sans procéder à une enquête administrative conformément aux articles 2 à 4 des DGE 2004, ne peut valablement être invoqué. Ce point se lit certes en partie comme suit : « rien n’interdit à l’administration de réaliser une telle enquête sous la forme d’un simple examen des faits ayant été portés à sa connaissance sans adopter de mesures supplémentaires ». Toutefois, dans le cadre de ladite affaire, le Tribunal était appelé à n’interpréter que les dispositions du statut, et notamment celles de son annexe IX, et n’a donc pas pu se prononcer sur l’interprétation des DGE 2004, ce qu’il n’a d’ailleurs pas fait.
– Conclusion quant à l’application des articles 3, paragraphe 2, et 4, paragraphe 4, des DGE 2004
82 Il résulte de ce qui précède que, en n’ayant pas mené une enquête administrative à charge et à décharge et en ayant tiré des conclusions se rapportant nommément au requérant sans l’avoir mis en mesure d’exprimer son avis et, partant, sans faire état de l’avis du requérant dans la note d’analyse du 15 janvier 2013, la Commission a méconnu les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 4, paragraphe 4, des DGE 2004, dont ni la pertinence ni le bien-fondé n’ont été contestés par le requérant dans ses observations du 6 janvier 2016.
– Conséquences de l’irrégularité commise par la Commission
83 Il est de jurisprudence constante que, pour qu’une irrégularité procédurale puisse justifier l’annulation d’un acte, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex, T‑653/13 P, EU:T:2015:652, point 21 et jurisprudence citée).
84 Quant à la méconnaissance par la Commission de son obligation de mener une enquête à décharge, le requérant se plaint de ce que ni lui, ni M. A, ni les autres personnes mentionnées dans la note d’analyse du 15 janvier 2013 n’ont été entendus par l’IDOC. Ladite note n’aurait pas fait état non plus de ses allégations quant au non-respect du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil (JO 2012 L 298, p. 1) ou du « contexte plus large » dans laquelle sa note du 20 juillet 2012 a été envoyée.
85 À cet égard, il convient de rappeler que le seul fait qui a été retenu à l’encontre du requérant par l’AIPN était l’utilisation d’un langage inconvenant comportant des injures dans un contexte professionnel. Dans les circonstances particulières de l’espèce, il n’aurait été d’aucune nécessité, ni non plus d’aucune utilité, d’entendre le requérant, M. A ou les autres destinataires en copie de la note du 20 juillet 2012 pour pouvoir constater que le requérant avait effectivement employé les propos injurieux dans un contexte dont le caractère professionnel n’a pas été contesté.
86 Quant au contexte factuel dans lequel la note du 20 juillet 2012 a été envoyée, l’allégation du requérant manque en fait. La partie II, intitulée « Faits », de la note d’analyse du 15 janvier 2013 explique sommairement le cadre factuel de l’envoi de la note du 20 juillet 2012 et fait explicitement référence à la note de M. A du 16 juillet 2012, laquelle cite en « [o]bjet » les ordonnances du Tribunal de l’Union européenne du 23 mars 2012, mentionnées au point 8 du présent arrêt, suite auxquelles les services compétents de la Commission avaient poursuivi le recouvrement des dépens récupérables auprès du requérant (voir point 16 du présent arrêt).
87 En outre et en tout état de cause, s’il est exact que le requérant n’a pas pu s’exprimer sur le contexte dans lequel s’inscrivait la note du 20 juillet 2012 ni faire des observations quant aux conclusions tirées par l’IDOC dans la note d’analyse du 15 janvier 2013 avant l’adoption de celle-ci, le requérant a pu le faire lors de l’audition au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut tenue le 2 mai 2013. À cette occasion, d’après la déclaration écrite préparée par le requérant et lue lors de son audition, il s’était adressé auparavant « directement au [p]résident, au [s]ecrétaire général, à l’OLAF, [à] l’IAS et à d’autres instances compétentes […] dans le plus strict respect des dispositions des articles 22 [bis] et 22 [ter] du [s]tatut », et la note du 20 juillet 2012 s’inscrivait dans le même contexte. Or, il est évident que la transmission à onze membres de la haute hiérarchie de l’institution d’injures extrêmement graves concernant M. A, alors que le requérant a refusé de manière répétée et absolue d’identifier les personnes qui les auraient prononcées, n’était nullement justifiée par l’accomplissement par le requérant de ses devoirs prévus aux articles 22 bis et 22 ter du statut, ce que d’ailleurs le requérant a admis à l’audience.
88 Qui plus est, en n’examinant pas de manière plus large le contexte factuel dans lequel la note du 20 juillet 2012 avait été envoyée, l’IDOC a fait abstraction de toute une série de faits qui auraient pu l’amener à retenir d’autres violations statutaires. À titre d’exemple, de toutes les injures contenues dans la note du 20 juillet 2012 (voir point 17 du présent arrêt), l’IDOC n’a retenu que les deux les plus choquantes, alors que certains autres passages de cette note auraient pu faire l’objet d’une enquête administrative à eux seuls. En outre, l’IDOC n’a pas pris en compte le fait que les échanges entre M. A et le requérant concernaient notamment le refus de ce dernier de donner exécution à deux ordonnances du Tribunal de l’Union européenne.
89 De manière générale, le requérant soutient que, « [s]i les règles régissant les enquêtes administratives avaient été scrupuleusement respectées, il ne p[ouvait] être exclu que le dossier du requérant aurait pu être classé sans suite, sauf à considérer qu’une sanction à l’égard du requérant avait été décidée à l’avance et que l’administration aurait voulu abus[er] de ses pouvoirs ».
90 Étant donné la nature des faits établis sur la base de la seule note du 20 juillet 2012 et la gravité de la violation de ses obligations statutaires par le requérant qui en ressort, rien dans le dossier n’indique que le respect par la Commission des règles de procédure prévues à l’article 3, paragraphe 2, et à l’article 4, paragraphe 4, des DGE 2004 aurait pu amener celle-ci à classer sans suite le dossier disciplinaire du requérant. D’ailleurs, et contrairement à ce qu’a affirmé la Commission lors de l’audience, dans des circonstances comme celles de l’espèce, l’institution a un devoir en vertu des articles 24 et 86 du statut de prendre les mesures nécessaires pour défendre ses agents contre des comportements comme celui que le requérant a eu envers M. A et le cas échéant ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de l’auteur de tels comportements (voir infra point 105 du présent arrêt).
91 En outre, si, comme prétend le requérant, l’AIPN avait décidé à l’avance de lui imposer une sanction disciplinaire et l’administration avait voulu abuser de ses pouvoirs – allégations qui ne sont nullement étayées par le requérant ni dans le cadre du présent grief ni ailleurs dans ses écrits –, le Tribunal voit difficilement comment le respect des règles de procédure établies à l’article 3, paragraphe 2, et à l’article 4, paragraphe 4, des DGE 2004 aurait pu l’empêcher de procéder ainsi.
92 Il s’ensuit que, dans les circonstances particulières de l’espèce, le Tribunal estime qu’il n’est pas établi que le respect par la Commission de son obligation de mener une enquête administrative à charge et à décharge ou de permettre au requérant de s’exprimer sur les conclusions tirées à son égard par l’IDOC dans sa note d’analyse du 15 janvier 2013 avant l’adoption de celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent.
93 Au vu de ce qui précède, il a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste dans l’appréciation des faits à l’origine de la décision litigieuse, en l’occurrence la note du 20 juillet 2012
Arguments des parties
94 Selon le requérant, la note du 20 juillet 2012 n’avait pas pour objet d’insulter directement ou indirectement M. A. En effet, le requérant prétend que, en rédigeant cette note, il entendait uniquement mettre en cause les « mauvaises pratiques administratives » de la Commission, ainsi que la volonté de M. A de faire exécuter les ordonnances du 23 mars 2012, Kerstens/Commission (T‑266/08 P‑DEP, EU:T:2012:146, non publiée) et Kerstens/Commission (T‑498/09 P‑DEP, EU:T:2012:147, non publiée), et, plus précisément, d’effectuer une retenue sur sa rémunération, sans attendre l’issue du pourvoi qu’il avait introduit contre la seconde de ces deux ordonnances, en l’occurrence l’ordonnance du 23 mars 2012, Kerstens/Commission (T‑498/09 P‑DEP, EU:T:2012:147, non publiée), et qui était alors pendant.
95 Le requérant considère avoir adopté un « ton courtois et civilisé » et manifesté tout le respect dû au destinataire de la note du 20 juillet 2012, ce qui serait démontré par l’utilisation de la formule « [a]vec tout respect » à plusieurs endroits de celle-ci. En outre, il aurait pris ses distances avec les injures et les aurait condamnées expressément, tout en s’insurgeant contre les « manières agressives de M. [A] » au sujet de la « récupération des dépens judiciaires » et au recours à des retenues sur son traitement sans titre exécutoire et en exprimant « une opinion négative et déplaisante » sur la personne de ce dernier. Ce serait en ce sens que le requérant aurait encore ajouté que, « [c]ependant, [il] rest[ait] libre dans tout ce qu[’il] pens[ait] et [il] n’en pens[ait] pas moins ».
96 Le requérant estime que l’AIPN aurait adopté la décision litigieuse en interprétant mal ses propos et en se fondant sur des injures et sur un manque de respect envers M. A qui ne pourraient pas ressortir de la note du 20 juillet 2012. Par conséquent, la décision litigieuse serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de l’AIPN et devrait être annulée.
97 Selon la Commission, le deuxième moyen n’aurait pas été soulevé dans la réclamation et serait, partant, irrecevable. En tout état de cause, il serait inopérant pour autant que le requérant prétend que la note du 20 juillet 2012 n’avait pas pour objet d’insulter М. А, étant donné que la décision litigieuse retient que le manquement à l’article 12 du statut consiste dans le simple fait de diffuser des injures, les raisons qui auraient prétendument amené le requérant à agir ainsi étant sans pertinence. En outre, l’affirmation selon laquelle la note du 20 juillet 2012 n’avait pas pour objet d’insulter М. А manquerait en fait et le requérant aurait laissé entendre qu’il adhérait aux propos injurieux. L’analyse de l’AIPN serait pleinement conforme à la jurisprudence en matière disciplinaire et les arguments du requérant tendant à justifier ses propos par la nécessité de dénoncer de prétendues irrégularités ne seraient pas fondés.
Appréciation du Tribunal
98 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 47 et 48 du présent arrêt, la règle de concordance entre la réclamation et la requête exige en principe, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’administration ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 71).
99 En l’occurrence, la réclamation est divisée en trois parties qui concernent respectivement des allégations de violation de procédure, la proportionnalité de la sanction et les « [c]onclusion et [d]emande ». À aucun moment le requérant n’invoque l’objet de la note du 20 juillet 2012 ni le ton prétendument « courtois et civilisé » qu’il aurait employé dans cette note, pas plus qu’il ne fournit des explications quant au contenu de celle-ci.
100 Partant, il y a lieu de juger que le deuxième moyen, qui n’a pas été évoqué dans la réclamation et ne se rattache étroitement à aucun des arguments figurant dans la réclamation, même en l’interprétant dans un esprit d’ouverture, est irrecevable et doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré d’une violation du principe de proportionnalité
101 Le requérant ne soulève ce moyen que dans le cas où « [s]es propos […] p[ourraient] être interprétés comme des insultes envers М. [А] ». Or, puisque son deuxième moyen, par lequel il alléguait que la décision litigieuse était viciée par une erreur manifeste d’appréciation de l’AIPN concernant la note du 20 juillet 2012, a été jugé irrecevable, le requérant n’a pas valablement contesté l’appréciation de l’AIPN selon lequel la note du 20 juillet 2012 contenait des injures envers M. A dans le cadre dudit moyen. Il s’ensuit que le Tribunal doit se prononcer sur le présent moyen soulevé à titre subsidiaire.
Arguments des parties
102 Le requérant prétend que l’AIPN n’aurait pas pris en compte les circonstances dans lesquelles la note du 20 juillet 2012 а été établie, notamment « l’attitude particulièrement agressive » de М. А et le fait que, sous son impulsion, le service compétent aurait « opéré sans le moindre titre exécutoire des retenues sur les rémunérations du requérant ». Elle n’aurait pas pris en compte non plus le « fait que la note n’a pas été diffusée publiquement [et que] la note а eu comme seul destinataire М. [А] et а été adressée en copie aux quelques personnes de confiance qui devaient être informées des irrégularités financières dénoncées ». En outre, en faisant état dans la décision litigieuse d’un avertissement écrit que le requérant avait reçu en 2009, l’AIPN n’aurait pas respecté la pratique administrative constante de ne pas tenir compte de tels avertissements intervenus depuis plus de trois ans. Enfin, l’AIPN n’aurait pas tenu compte de la « carrière exemplaire du requérant », de ses « rapports d’évaluation élogieux [ou de se]s multiples promotions » ou d’autres formes de reconnaissance reçues. Le requérant conclut que, à supposer que le comportement reproché soit condamnable, le blâme qui lui а été infligé serait manifestement disproportionné.
103 Selon la Commission, les circonstances entourant la diffusion de la note du 20 juillet 2012 auraient bien été prises en compte par l’AIPN, de même que le fait que la note avait été envoyée à « dix personnes » exerçant des fonctions au sein de la Commission. Le grief concernant l’absence de prise en compte, lors de l’adoption de la décision litigieuse, de la carrière du requérant serait irrecevable, n’ayant pas été évoqué dans la réclamation, et ne serait pas fondé en fait non plus. Enfin, la « pratique administrative » évoquée par le requérant n’existerait pas, le dossier disciplinaire du fonctionnaire devant garder les traces de sanctions antérieures.
Appréciation du Tribunal
104 À titre liminaire, le Tribunal rappelle que, selon l’article 10 de l’annexe IX du statut, « [l]a sanction disciplinaire infligée est proportionnelle à la gravité de la faute commise ». Les points a) à i) de l’article 10 susmentionné énumèrent de manière non exhaustive les critères dont l’AIPN doit tenir compte pour déterminer la gravité de la faute et décider de la sanction à infliger.
105 Pour assurer un effet utile à l’article 10 de l’annexe IX du statut, l’exigence que la sanction soit proportionnelle à la gravité de la faute commise n’est pas uniquement une protection pour le fonctionnaire qui a manqué à ses obligations, mais constitue également une obligation pour l’AIPN d’infliger une sanction qui reflète de manière appropriée la gravité de la faute commise. Or, en vertu de l’article 24 du statut, toute institution а l’obligation de protéger ses fonctionnaires « contre les menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats dont ils peuvent être l’objet, […] également [dans] le cas où ceux-ci sont victimes d’attaques émanant d’autres fonctionnaires[, à condition que] les faits en question so[ie]nt établis » (arrêt du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, point 14). Une telle obligation comporte non seulement le devoir d’agir lorsque de tels comportements sont avérés, mais également une obligation d’empêcher, pour autant que possible, que de tels comportements adviennent dans le futur, en vertu du devoir de sollicitude qui régit les relations entre les institutions et leur personnel (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2011, Missir Mamachi di Lusignano/Commission, F‑50/09, EU:F:2011:55, point 220).
106 Le requérant soutenant que le blâme qui lui а été infligé serait « manifestement disproportionné par rapport au comportement reproché dans la mesure où [ledit comportement] serait condamnable », il convient en premier lieu d’examiner si et dans quelle mesure le comportement du requérant est « condamnable ».
107 Le requérant lui-même reconnaît dans sa note du 20 juillet 2012 que les propos qu’il a propagés concernant M. A étaient « dégradants et gratuits ». Quant à la question de savoir si, en prétendant rapporter des propos que d’autres personnes auraient eus à l’égard de M. A, le requérant ne serait pas coupable d’un comportement condamnable, selon la jurisprudence, peuvent être considérées comme des injures des allégations portant atteinte à l’honorabilité, tant personnelle que professionnelle, des personnes visées sans que la forme desdites allégations ait une importance, étant couvertes par cette notion tant les attaques directes que les allégations faites sous forme dubitative, indirecte, déguisée ou par voie d’insinuation (arrêt du 12 septembre 2000, Teixeira Neves/Cour de justice, T‑259/97, EU:T:2000:208, points 29 et 30).
108 Il s’ensuit que c’est à juste titre que l’AIPN a conclu qu’en envoyant la note du 20 juillet 2012 aux personnes mentionnées comme destinataires en copie de ladite note le requérant n’avait pas traité M. A avec respect et impartialité, en violation de l’article 12 du statut.
109 Quant au caractère proportionnel de la sanction par rapport à la gravité des faits retenus, le Tribunal doit prendre en considération le fait que la détermination de la sanction est fondée sur une évaluation globale par l’AIPN de tous les faits concrets et circonstances propres à chaque cas d’espèce, étant rappelé que le statut ne prévoit pas de rapport fixe entre les sanctions qui y sont indiquées et les différentes catégories de manquements commis par les fonctionnaires et ne précise pas dans quelle mesure l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction. L’examen du juge est, dès lors, limité à la question de savoir si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l’AIPN a été effectuée de façon proportionnée, étant précisé que, lors de cet examen, le juge ne saurait se substituer à l’AIPN quant aux jugements de valeur portés à cet égard par celle-ci (arrêt du 22 mai 2014, BG/Médiateur, T‑406/12 P, EU:T:2014:273, point 64 et jurisprudence citée).
110 Dans la décision litigieuse, 1’AIPN а retenu que l’utilisation d’un langage inadéquat comprenant des injures à l’encontre de M. A constituait en soi une violation de l’article 12 du statut, qui dispose que « [l]e fonctionnaire s’abstient de tout acte et de tout comportement qui puissent porter atteinte à la dignité de sa fonction ».
111 En premier lieu, le requérant soutient que l’AIPN n’aurait pas pris en considération les circonstances dans lesquelles la note du 20 juillet 2012 а été établie, notamment l’attitude de М. А et le fait qu’auraient été opérées des retenues sur sa rémunération « sans le moindre titre exécutoire ».
112 D’une part, le requérant n’a pas démontré que « l’attitude » de М. А, qui agissait dans l’exercice de ses fonctions, ait été de quelque manière que ce soit incompatible avec la conduite particulièrement correcte et respectable que l’on est en droit d’attendre des membres de la fonction publique de l’Union (arrêt du 7 mars 1996, Williams/Cour des comptes, T‑146/94, EU:T:1996:34, point 65), ni que, même en supposant que М. А se soit comporté de manière incorrecte, ledit comportement ait justifié que le requérant transmette les propos injurieux aux destinataires en copie de la note du 20 juillet 2012.
113 D’autre part, si le requérant considérait, comme il le prétend, que la pratique de retenues sur sa rémunération était illégale en vertu du droit de l’Union, l’article 90, paragraphe 2, du statut lui aurait permis de faire valoir son point de vue en saisissant l’AIPN d’une réclamation pour contester lesdites retenues et ensuite le Tribunal au cas où sa réclamation aurait été rejetée. En effet, le système des voies de recours prévu dans le statut et le droit statutaire en général ne permettent pas à un fonctionnaire qui considère que ses intérêts légitimes ont été lésés de se faire justice lui-même en propageant des injures à l’encontre d’un autre fonctionnaire dans une note établie dans un contexte professionnel.
114 En outre, et en tout état de cause, l’argument tiré de ce que l’AIPN n’aurait pas pris en considération les circonstances dans lesquelles la note du 20 juillet 2012 a été établie n’est pas fondé en fait. La note d’analyse du 15 janvier 2013 fait référence à la note du 16 juillet 2012 de М. А, note à laquelle le requérant avait répondu par sa note du 20 juillet 2012. Il ressort du point 14, sous d), de la décision litigieuse que l’AIPN а pris en compte l’intention déclarée par le requérant, à savoir son souhait d’attirer l’attention de М. А sur un cas de mauvaise administration.
115 En deuxième lieu, le requérant prétend que l’AIPN n’a pas tenu compte du « fait que la note n’а pas été diffusée publiquement [et qu’elle] а eu pour seul destinataire М. [А] ».
116 Cet argument est non fondé en fait et en droit. D’une part, comme l’a reconnu le requérant lors de l’audience, l’atteinte à la dignité de la fonction reprochée au requérant ne dépend pas du degré de publicité que les injures en question auraient eu (arrêt du 26 novembre 1991, Williams/Cour des comptes, T‑146/89, EU:T:1991:61, point 76).
117 D’autre part, s’il est exact que la note du 20 juillet 2012 était adressée à М. А comme destinataire principal, il n’en reste pas moins vrai qu’elle ne portait pas la mention « confidentiel » et qu’elle а été transmise au secrétaire général de la Commission et à dix autres membres de l’encadrement de l’institution, outre l’avocat du requérant, en tant que destinataires en copie. En raison des fonctions exercées par les destinataires en copie de la note du 20 juillet 2012, il est à supposer que le courrier adressé auxdits destinataires en copie, ou au moins à la plupart d’entre eux, est ouvert et traité dans un premier temps, ou au moins lu, par d’autres personnes de leur entourage. Il en résulte que la note du 20 juillet 2012 а eu une large diffusion et que c’est à juste titre que l’AIPN a considéré, au point 14, sous а), de la décision litigieuse, qu’en transmettant la note aux onze destinataires en copie le requérant avait amplifié les effets de son mauvais comportement (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 1991, Williams/Cour des comptes, T‑146/89, EU:T:1991:61, point 76).
118 En troisième lieu, le requérant soutient qu’en faisant état du fait qu’il avait déjà reçu un avertissement écrit en 2009 l’AIPN n’aurait pas respecté une « pratique administrative constante de ne pas tenir compte d’avertissements écrits intervenus depuis plus de trois ans ».
119 Le requérant ne démontre ni l’existence ou la portée d’une telle pratique administrative, ni en quoi le non-respect d’une telle pratique, à le supposer avéré, aurait vicié la décision litigieuse. Au contraire, selon l’article 10, sous h), de l’annexe IX du statut, l’AIPN doit, pour déterminer la gravité de la faute et décider de la sanction, tenir compte, entre autres, « de la récidive de l’acte ou du comportement fautif ».
120 En quatrième lieu, le requérant reproche à l’AIPN de ne pas avoir tenu compte de sa « carrière exemplaire ».
121 Comme l’a relevé à juste titre la Commission, sans être contredite sur ce point par le requérant, ce grief n’a pas été soulevé dans le cadre de la réclamation et est, partant, irrecevable.
122 Au vu de ce qui précède, le troisième moyen est dépourvu de tout fondement et ne peut qu’être rejeté.
Sur le quatrième moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré d’une violation des règles de procédure et des droits de la défense dans le déroulement de la procédure disciplinaire au sens large ainsi que des principes de sécurité juridique et de bonne administration et, en particulier, du principe du respect du délai raisonnable
123 Par ce moyen, le requérant prétend essentiellement que la procédure disciplinaire au sens large, à savoir celle qui s’est déroulée pendant l’intégralité de la période comprise entre la survenance des faits reprochés et la décision litigieuse, n’aurait pas été conduite dans un délai raisonnable.
124 Tout en reconnaissant que le statut ne prévoit aucun délai ni pour l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’égard d’un fonctionnaire, ni pour la conduite de la procédure disciplinaire simplifiée, prévue à la section 4 de l’annexe IX du statut, qui a été appliquée en l’espèce, le requérant soutient que la durée d’une telle procédure simplifiée doit être plus courte qu’une procédure menée avec consultation du conseil de discipline. Le requérant fait référence également à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux selon lequel toute personne a le droit de voir ses affaires traitées dans un délai raisonnable. En l’occurrence, tant la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire, intervenue le 29 octobre 2013, à savoir plus d’un an et trois mois après la survenance des faits qui lui sont reprochés, que la décision litigieuse adoptée le 15 avril 2014 seraient intervenues après des délais anormalement longs. En agissant de la sorte, la Commission aurait donc violé « le principe du respect du délai raisonnable en matière disciplinaire, et plus généralement les principes de sécurité juridique et de bonne administration ».
125 La violation des principes mentionnés au point précédent entraîne, selon le requérant, deux conséquences.
126 En premier lieu, le requérant estime que le délai « anormalement long » de cinq mois qui s’est écoulé entre la première audition, qui s’est tenue le 2 mai 2013, et la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire a pu l’inciter à penser qu’aucune sanction ne lui serait imposée, ce qui, selon la jurisprudence, devrait conduire à l’annulation de la décision litigieuse.
127 En deuxième lieu, le requérant considère que, si le Tribunal devait estimer que le dépassement du délai raisonnable ne devrait pas conduire à l’annulation de la décision litigieuse, ledit dépassement pourrait donner lieu à une indemnisation du préjudice moral ou matériel.
128 À cet égard, le requérant affirme que son état de santé s’est détérioré au point que son médecin traitant lui aurait interdit de prendre l’avion « afin d’éviter des risques cardiaques », ce qui l’aurait empêché de participer à un séminaire interinstitutionnel de son syndicat en Crète (Grèce) du 21 au 23 mai 2013 et de voyager pendant ses congés. En outre, il soutient que l’existence de la procédure disciplinaire en cours à son égard aurait été rapidement connue par « un large nombre de personnes », entraînant une dégradation de ses relations « avec d’innombrables collègues », certains d’entre eux ayant même préféré ne pas être aperçus en sa compagnie. Enfin, le requérant considère qu’il ne saurait être exclu que la procédure disciplinaire en cours à son égard ait pu avoir une incidence sur le fait qu’il n’a pas bénéficié d’une promotion vers le grade AD 14 en 2014, malgré une évaluation annuelle très positive et une ancienneté de cinq ans dans le grade AD 13.
129 Le requérant évalue le préjudice matériel résultant du ralentissement de sa carrière à la somme de 11 815,70 euros.
130 Le Tribunal constate d’emblée que le quatrième moyen contient des arguments au soutien des conclusions en annulation de la décision litigieuse et une demande indemnitaire.
131 Pour ce qui concerne les arguments au soutien des conclusions en annulation, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il découle du principe de bonne administration que les autorités disciplinaires ont l’obligation de mener avec diligence la procédure disciplinaire et d’agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent (arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 124).
132 Toutefois, la violation du principe du respect du délai raisonnable ne justifie pas, en règle générale, l’annulation de la décision prise à l’issue d’une procédure disciplinaire. En effet, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles dans lesquelles l’écoulement excessif du temps est susceptible d’avoir une incidence sur le contenu même de la décision adoptée à l’issue de la procédure disciplinaire que le non-respect du principe du délai raisonnable affecte la validité de la procédure disciplinaire. Il peut en aller ainsi lorsque l’écoulement excessif du temps affecte la capacité des personnes concernées à se défendre effectivement (arrêts du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 125 et jurisprudence citée, et du 13 janvier 2011, Nijs/Cour des comptes, F‑77/09, EU:F:2011:2, point 146), ou lorsque le dépassement d’un tel délai crée dans le chef de l’intéressé la confiance légitime qu’il ne se verra pas infliger de sanction disciplinaire (arrêt du 27 novembre 2001, Z/Parlement, C‑270/99 P, EU:C:2001:639, point 43).
133 Or, premièrement, le requérant n’a nullement établi ni même cherché à établir que, en l’espèce, le dépassement du délai raisonnable, à le supposer avéré, ait affecté d’une quelconque manière ses droits de la défense. Deuxièmement, le Tribunal estime que le délai de plus de cinq mois qui s’est écoulé entre l’audition du requérant, le 2 mai 2013, et la communication au requérant, le 29 octobre 2013, de la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire à laquelle était joint le rapport de l’IDOC établi le 23 octobre 2013 n’a pas été susceptible, dans les circonstances de l’espèce, de faire naître une quelconque confiance légitime dans le chef du requérant quant au fait que la procédure disciplinaire ne serait pas ouverte.
134 Il s’ensuit que les arguments développés dans le quatrième moyen au soutien des conclusions en annulation ne sauraient prospérer.
135 Pour ce qui est de la demande indemnitaire formulée dans le cadre du quatrième moyen, en ce qui concerne le préjudice moral que le requérant estime avoir subi en raison du dépassement du délai raisonnable dans le déroulement de la procédure, un tel retard ne constitue pas un acte faisant grief, mais une faute de service. Or, lorsqu’un fonctionnaire demande à être indemnisé à la suite d’un préjudice qu’il estime avoir subi en conséquence d’une faute de service et en l’absence d’acte faisant grief, il doit engager la procédure en introduisant auprès de l’AIPN une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, dont le rejet éventuel constituera une décision lui faisant grief contre laquelle il pourra introduire une réclamation, laquelle pourra, le cas échéant, faire l’objet d’un recours en annulation ou d’un recours en indemnité (arrêt du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑308/04, EU:T:2007:347, points 98 à 100 et jurisprudence citée).
136 En l’espèce, il est constant que le requérant n’a pas introduit de demande autonome en réparation de son préjudice moral, de sorte que la demande indemnitaire pour la réparation du préjudice moral doit être rejetée.
137 De surcroît, force est de constater que le requérant ne fournit pas au Tribunal le moindre élément de preuve pouvant étayer ses affirmations concernant le préjudice moral qu’il soutient avoir subi. Le requérant se limite à faire référence à des problèmes de santé dont il souffrirait sans indiquer au Tribunal un quelconque élément qui puisse établir un lien avec les prétendues irrégularités dans le déroulement de la procédure disciplinaire ouverte à son égard. Il ne fournit pas non plus la moindre preuve de ce que l’existence de la procédure disciplinaire ouverte à son égard aurait été portée à la connaissance de personnes étrangères à ladite procédure.
138 Pour ce qui est de la demande indemnitaire concernant la réparation du préjudice matériel que le requérant estime avoir subi, une telle demande est étroitement liée aux conclusions en annulation de la décision litigieuse. Les conclusions en annulation ayant été rejetées, la demande indemnitaire doit également être rejetée.
139 En tout état de cause, le Tribunal constate que le requérant ne lui a pas transmis le moindre élément de preuve susceptible de démontrer que la décision de ne pas le promouvoir au grade AD 14 en 2014 ait un quelconque lien avec la procédure disciplinaire dont il a fait l’objet.
140 Il s’ensuit que la demande indemnitaire doit être rejetée et que, par conséquent, le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
141 Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
142 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant est la partie qui succombe. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Petrus Kerstens supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.
Bradley | Rofes i Pujol | Svenningsen |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mars 2016.
Le greffier | Le président |
W. Hakenberg | K. Bradley |
* Langue de procédure : le français.
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