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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Erzberger (Judgment) French Text [2017] EUECJ C-566/15 (18 July 2017) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/C56615.html Cite as: [2017] EUECJ C-566/15, ECLI:EU:C:2017:562, EU:C:2017:562 |
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ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
18 juillet 2017 (*)
« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des travailleurs – Principe de non-discrimination – Élection des représentants des travailleurs au conseil de surveillance d’une société – Réglementation nationale limitant le droit de vote et d’éligibilité aux seuls travailleurs des établissements situés sur le territoire national »
Dans l’affaire C‑566/15,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Kammergericht (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne), par décision du 16 octobre 2015, parvenue à la Cour le 3 novembre 2015, dans la procédure
Konrad Erzberger
contre
TUI AG,
en présence de :
Vereinigung Cockpit eV,
Betriebsrat der TUI AG/TUI Group Services GmbH,
Frank Jakobi,
Andreas Barczewski,
Peter Bremme,
Dierk Hirschel,
Michael Pönipp,
Wilfried H. Rau,
Carola Schwirn,
Anette Stempel,
Ortwin Strubelt,
Marcell Witt,
Wolfgang Flintermann,
Stefan Weinhofer,
ver.di – Vereinte Dienstleistungsgewerkschaft,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice‑président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič et J. L. da Cruz Vilaça, présidents de chambre, MM. A. Borg Barthet, J. Malenovský, E. Levits (rapporteur), J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, C. Vajda, S. Rodin et F. Biltgen, juges,
avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,
greffier : M. K. Malacek, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 janvier 2017,
considérant les observations présentées :
– pour M. Erzberger, par Mes J. Brandhoff, C. Behme et S. Richter, Rechtsanwälte,
– pour TUI AG, par Mes C. Arnold et M. Arnold, Rechtsanwälte,
– pour Vereinigung Cockpit eV, par Me M. Fischer, Rechtsanwältin,
– pour Betriebsrat der TUI AG/TUI Group Services GmbH e.a., par Me M. Schmidt, Rechtsanwältin,
– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et T. Henze, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement français, par M. R. Coesme, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement luxembourgeois, par Me P. Kinsch, avocat,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. Stergiou, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement autrichien, par M. G. Eberhard, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par MM. M. Kellerbauer et D. Martin, en qualité d’agents,
– pour l’Autorité de surveillance AELE, par Mme M. Moustakali et M. C. Zatschler, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 mai 2017,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 18 et 45 TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Konrad Erzberger à TUI AG, ayant son siège en Allemagne, dont il est actionnaire, au sujet de la composition du conseil de surveillance de cette société, plus particulièrement en ce qui concerne le droit de vote et le droit de se porter candidat aux élections des représentants des travailleurs au sein de ce conseil.
Le cadre juridique
3 L’article 96 de l’Aktiengesetz (loi sur les sociétés anonymes), du 6 septembre 1965 (BGBl. 1965 I, p. 1089), dispose :
« (1) Le conseil de surveillance se compose
s’agissant des sociétés soumises à la loi sur la cogestion des salariés, de membres représentant les actionnaires et de membres représentant les salariés,
[...]
s’agissant des autres sociétés, de membres représentant les seuls actionnaires.
[...] »
4 Le Gesetz über die Mitbestimmung der Arbeitnehmer (loi sur la cogestion des salariés), du 4 mai 1976 (BGBl. 1976 I, p. 1153, ci-après le « MitbestG »), énonce, à son article 1er, intitulé « Entreprises visées » :
« (1) Dans les entreprises
1. constituées sous forme de société anonyme, de société en commandite par actions, de société à responsabilité limitée ou de coopérative et
2. qui emploient de manière générale plus de 2 000 personnes,
la présente loi reconnaît aux salariés un droit à la cogestion.
[...] »
5 L’article 3, paragraphe 1, point 1, du MitbestG prévoit :
« Sont considérés comme des salariés au sens de la présente loi
1. les personnes désignées à l’article 5, paragraphe 1, de la loi portant constitution sociale de l’entreprise [...] »
6 L’article 5, paragraphe 1, première phrase, du MitbestG énonce :
« Lorsqu’une [...] entreprise est l’entreprise dominante au sein d’un groupe [...], les salariés des entreprises du groupe sont assimilés aux salariés de l’entreprise dominante aux fins de l’application de cette loi. »
7 L’article 7 du MitbestG dispose :
« (1) Le conseil de surveillance d’une entreprise
[...]
3. comptant habituellement plus de 20 000 salariés se compose de dix membres représentant les actionnaires et de dix membres représentant les salariés.
[...]
(2) Parmi les membres du conseil de surveillance représentant les salariés doivent figurer
[...]
3. dans un conseil de surveillance comptant dix représentants des salariés, sept salariés de l’entreprise et trois représentants de syndicats.
[...] »
8 L’article 10 du MitbestG est rédigé comme suit :
« (1) Les salariés élisent des délégués au suffrage proportionnel secret dans chaque établissement de l’entreprise.
(2) Les salariés de l’entreprise ayant atteint l’âge de 18 ans ont le droit de vote pour l’élection des délégués, [...]
(3) Peuvent être élus délégués les salariés visés au paragraphe 2, première phrase, qui remplissent les conditions d’éligibilité visées à l’article 8 de la loi portant constitution sociale de l’entreprise.
[...] »
9 L’article 8 du Betriebsverfassungsgesetz (loi portant constitution sociale de l’entreprise, BGBl. 2001 I, p. 2518) prévoit :
« (1) Sont éligibles tous les électeurs affectés à l’établissement depuis plus de six mois ou qui travaillent à domicile, principalement pour ledit établissement, depuis plus de six mois. Les périodes durant lesquelles le salarié travaillait, immédiatement avant son affectation actuelle, auprès d’un autre établissement de la même entreprise ou du même groupe d’entreprise sont imputées sur cette ancienneté de service de six mois [...]
(2) Si l’établissement existe depuis moins de six mois, par dérogation aux dispositions du paragraphe 1 relatives à l’ancienneté de service de six mois, sont éligibles les salariés travaillant dans l’établissement au moment de l’ouverture de l’élection du conseil d’entreprise et qui remplissent les autres conditions d’éligibilité. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
10 M. Erzberger est actionnaire de TUI, qui est à la tête d’un groupe de sociétés (ci‑après le « groupe TUI »), actif dans le secteur du tourisme.
11 Le groupe TUI opère au niveau mondial. Au sein de l’Union européenne, ce groupe compte environ 50 000 employés, dont un peu plus de 10 000 travaillent en Allemagne.
12 TUI tombant dans le champ d’application du MitbestG, cette société est gérée par deux organes, à savoir le conseil d’administration, chargé de la gestion de la société, et le conseil de surveillance, ayant pour mission de surveiller le conseil d’administration avec la participation des travailleurs. Ce conseil de surveillance compte 20 membres. Il est constitué pour moitié de représentants des actionnaires et pour moitié de représentants désignés par les travailleurs salariés.
13 La juridiction de renvoi relève que, en vertu de l’opinion majoritaire dans la doctrine et la jurisprudence en Allemagne, on entend par travailleurs, aux fins de l’application du MitbestG, uniquement les travailleurs des établissements situés sur le territoire national. Selon cette opinion majoritaire, les travailleurs d’une filiale d’un groupe située hors du territoire allemand, notamment dans un autre État membre, sont privés du droit de vote et du droit de se porter candidat aux élections des représentants au conseil de surveillance de la société mère du groupe concerné. En outre, tout travailleur du groupe TUI, exerçant des fonctions auprès du conseil de surveillance de la société mère de ce groupe, doit se défaire de ces fonctions lorsqu’il prend un poste au sein de l’une des filiales dudit groupe située dans un État autre que la République fédérale d’Allemagne.
14 Cette approche se fonderait non pas sur les termes du MitbestG, mais sur le « principe de territorialité », en vertu duquel l’ordre social allemand ne saurait s’étendre au territoire d’autres États, ainsi que sur la genèse de ladite loi.
15 M. Erzberger estime, en revanche, que le conseil de surveillance de TUI n’est pas constitué en bonne et due forme. Le fait d’empêcher les travailleurs employés par une filiale du groupe TUI située dans un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne, dont on peut présumer qu’ils ne sont en règle générale pas des ressortissants allemands, de participer à la composition du conseil de surveillance de TUI, violerait l’article 18 TFUE. De surcroît, la perte du statut de membre du conseil de surveillance, lors d’une mutation dans un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne, serait susceptible de dissuader les travailleurs de faire usage de leur droit de circuler librement sur le territoire des États membres, prévu à l’article 45 TFUE.
16 TUI étant de l’avis opposé, M. Erzberger a fait usage de son droit, accordé par la législation nationale, de saisir un tribunal en cas de différend sur les dispositions légales applicables à la composition du conseil de surveillance.
17 Le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin, Allemagne) a rejeté le recours de ce dernier. Il n’y aurait ni discrimination fondée sur la nationalité ni entrave à la libre circulation des travailleurs, la perte du droit de vote en cas de mutation n’étant pas déterminante dans la décision des travailleurs de prendre un poste dans un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne.
18 Le Kammergericht (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne), saisi en appel, juge possible l’existence d’une violation du droit de l’Union. Selon lui, il est concevable que la législation allemande en matière de cogestion entraîne une discrimination des salariés fondée sur la nationalité et porte atteinte à la libre circulation des travailleurs.
19 En effet, d’une part, contrairement aux travailleurs employés en Allemagne, ceux qui sont employés dans un autre État membre, en l’occurrence environ 80 % des salariés du groupe TUI, ne sont pas représentés au conseil de surveillance de TUI.
20 D’autre part, pour le Kammergericht (tribunal régional supérieur de Berlin), le risque de perdre, le cas échéant, leur statut de membre du conseil de surveillance est susceptible de dissuader les travailleurs de présenter leur candidature à des postes effectivement proposés dans un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne et, à cette fin, de circuler librement sur le territoire de l’Union.
21 La juridiction de renvoi n’identifie aucune justification suffisante à cet égard. Dans ces conditions, le Kammergericht (tribunal régional supérieur de Berlin) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Est-il conforme à l’article 18 TFUE [...] et à l’article 45 TFUE [...] qu’un État membre n’accorde le droit de vote [et le droit de se porter candidat] aux élections des représentants des travailleurs au conseil de surveillance d’une entreprise qu’aux salariés employés dans les établissements de l’entreprise ou dans les entreprises du groupe sur le territoire national ? »
Sur la question préjudicielle
Remarque liminaire
22 Afin de répondre de manière utile à la question posée par la juridiction de renvoi, il y a lieu de prendre en compte la variété des situations dont relèvent les différents travailleurs employés par une société appartenant au groupe TUI.
23 Il convient également de noter, ainsi que l’a précisé à l’audience le représentant de TUI, que le groupe TUI ne dispose, en dehors de l’Allemagne, que d’établissements dotés d’une personnalité juridique autonome.
Sur les travailleurs du groupe TUI employés dans une filiale établie dans un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne
24 La juridiction de renvoi demande, tout d’abord, en substance, si les articles 18 et 45 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que les travailleurs d’un groupe de sociétés employés dans une filiale située sur le territoire d’un autre État membre ne disposent pas du droit de vote et du droit de se porter candidat aux élections des représentants des travailleurs au conseil de surveillance de la société mère de ce groupe.
25 Selon une jurisprudence constante, rappelée par M. l’avocat général au point 39 de ses conclusions, l’article 18 TFUE, qui consacre le principe général de non‑discrimination en raison de la nationalité, n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles le traité FUE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination (arrêt du 4 septembre 2014, Schiebel Aircraft, C‑474/12, EU:C:2014:2139, point 20 et jurisprudence citée).
26 Or, l’article 45, paragraphe 2, TFUE prévoit, en faveur des travailleurs salariés, une règle spécifique de non-discrimination fondée sur la nationalité en matière de conditions d’emploi.
27 Il s’ensuit que la situation des travailleurs visés au point 24 du présent arrêt doit uniquement être examinée à l’aune de l’article 45 TFUE.
28 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, les règles du traité en matière de libre circulation des personnes ne peuvent être appliquées à des situations qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par le droit de l’Union. Partant, ces règles ne sont pas applicables à des travailleurs qui n’ont jamais exercé leur liberté de circuler à l’intérieur de l’Union et qui n’envisagent pas de le faire (voir, en ce sens, arrêt du 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon, C‑212/06, EU:C:2008:178, points 33, 37 et 38).
29 Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 49 et 55 de ses conclusions, la circonstance que la filiale qui emploie les travailleurs concernés est contrôlée par une société mère établie dans un autre État membre que celui dans lequel est établie cette filiale est sans pertinence pour établir un facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par l’article 45 TFUE.
30 Il s’ensuit que la situation des travailleurs visés au point 24 du présent arrêt ne relève pas de l’application de l’article 45 TFUE.
Sur les travailleurs du groupe TUI employés en Allemagne qui quittent cet emploi pour être employés dans une filiale appartenant au même groupe établie dans un autre État membre
31 La juridiction de renvoi demande, ensuite, en substance, si les articles 18 et 45 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle les travailleurs employés dans les établissements d’un groupe situés sur le territoire de cet État membre sont privés du droit de vote et du droit de se porter candidat aux élections des représentants des travailleurs au conseil de surveillance de la société mère de ce groupe, établie dans ledit État membre, ainsi que, le cas échéant, du droit d’exercer ou de continuer à exercer un mandat de représentant à ce conseil, lorsque ces travailleurs quittent leur emploi dans un tel établissement et sont employés par une filiale appartenant au même groupe établie dans un autre État membre.
32 Est ici visée la situation des travailleurs qui, au sein du groupe TUI, font usage de leur droit prévu à l’article 45 TFUE. Partant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 68 de ses conclusions et qu’il découle des points 25 et 26 du présent arrêt, l’article 18 TFUE n’est pas d’application à cette situation.
33 Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes vise à faciliter, pour les ressortissants de l’Union, l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur le territoire de l’Union et s’oppose aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu’ils souhaitent exercer une activité sur le territoire d’un État membre autre que leur État membre d’origine. Dans ce contexte, les ressortissants des États membres disposent, en particulier, du droit qu’ils tirent directement du traité, de quitter leur État membre d’origine pour se rendre sur le territoire d’un autre État membre et y séjourner, afin d’y exercer une activité. En conséquence, l’article 45 TFUE s’oppose à toute mesure nationale qui est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de la liberté fondamentale garantie par cet article (voir, en ce sens, arrêts du 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon, C‑212/06, EU:C:2008:178, points 44 et 45, ainsi que du 10 mars 2011, Casteels, C‑379/09, EU:C:2011:131, points 21 et 22).
34 Cependant, le droit primaire de l’Union ne saurait garantir à un travailleur qu’un déplacement dans un État membre autre que son État membre d’origine est neutre en matière sociale, un tel déplacement, compte tenu des disparités existant entre les régimes et les législations des États membres, pouvant, selon le cas, être plus ou moins avantageux pour la personne concernée sur ce plan (voir, par analogie, arrêts du 26 avril 2007, Alevizos, C‑392/05, EU:C:2007:251, point 76 et jurisprudence citée, ainsi que du 13 juillet 2016, Pöpperl, C‑187/15, EU:C:2016:550, point 24).
35 Ainsi, comme M. l’avocat général l’a en substance relevé aux points 75 et 78 de ses conclusions, l’article 45 TFUE n’accorde pas audit travailleur le droit de se prévaloir, dans l’État membre d’accueil, des conditions de travail dont il bénéficiait dans l’État membre d’origine conformément à la législation nationale de ce dernier État.
36 À cet égard, il convient d’ajouter que, en l’absence, dans la matière concernée, de mesures d’harmonisation ou de coordination au niveau de l’Union, les États membres restent, en principe, libres de définir les critères de rattachement au champ d’application de leur législation, pourvu que ces critères soient objectifs et non discriminatoires.
37 Dans ce contexte, le droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que, en matière de représentation et de défense collective des intérêts des travailleurs dans les organes de gestion ou de surveillance d’une société de droit national, matière qui n’a, à ce jour, pas fait l’objet d’une harmonisation ni même d’une coordination au niveau de l’Union, un État membre prévoie que les règles qu’il a adoptées ne trouvent à s’appliquer qu’aux travailleurs employés par des établissements situés sur son territoire national, tout comme il est loisible à un autre État membre de recourir à un autre facteur de rattachement aux fins de l’application de ses propres règles nationales.
38 En l’occurrence, le mécanisme de cogestion institué par le MitBestG, qui vise à impliquer les travailleurs, par l’intermédiaire de représentants élus, dans les organes décisionnels et stratégiques de la société, relève, à ce titre, à la fois du droit des sociétés et du droit des relations collectives du travail allemands, dont la République fédérale d’Allemagne est en droit de circonscrire le champ d’application aux travailleurs employés par des établissements situés sur son territoire, dès lors qu’une telle délimitation repose sur un critère objectif et non discriminatoire.
39 Il découle de ce qui précède que la perte des droits en cause au principal, encourue par les travailleurs visés au point 31 du présent arrêt, ne saurait être jugée constitutive d’une entrave à la libre circulation des travailleurs garantie par l’article 45 TFUE.
40 S’agissant en particulier des travailleurs qui, après s’être vu conférer un mandat de représentation, lors de leur période d’emploi au sein d’un établissement situé en Allemagne, au conseil de surveillance d’une société allemande, quittent l’Allemagne pour être engagés par une société établie sur le territoire d’un autre État membre, le fait que ces travailleurs soient contraints, en pareille circonstance, de renoncer à la poursuite de l’exercice de leur mandat en Allemagne n’est que la conséquence du choix légitimement opéré par la République fédérale d’Allemagne de limiter l’application de ses règles nationales en matière de cogestion aux travailleurs employés par un établissement situé sur le territoire allemand.
41 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle les travailleurs employés dans les établissements d’un groupe situés sur le territoire de cet État membre sont privés du droit de vote et du droit de se porter candidat aux élections des représentants des travailleurs au conseil de surveillance de la société mère de ce groupe, établie dans ledit État membre, ainsi que, le cas échéant, du droit d’exercer ou de continuer à exercer un mandat de représentant à ce conseil, lorsque ces travailleurs quittent leur emploi dans un tel établissement et sont employés par une filiale appartenant au même groupe établie dans un autre État membre.
Sur les dépens
42 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :
L’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle les travailleurs employés dans les établissements d’un groupe situés sur le territoire de cet État membre sont privés du droit de vote et du droit de se porter candidat aux élections des représentants des travailleurs au conseil de surveillance de la société mère de ce groupe, établie dans ledit État membre, ainsi que, le cas échéant, du droit d’exercer ou de continuer à exercer un mandat de représentant à ce conseil, lorsque ces travailleurs quittent leur emploi dans un tel établissement et sont employés par une filiale appartenant au même groupe établie dans un autre État membre.
Signatures
* Langues de procédure : l’allemand.
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