Spain v Commission (Judgment) French Text [2017] EUECJ T-143/15 (20 July 2017)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T14315.html
Cite as: EU:T:2017:534, ECLI:EU:T:2017:534, [2017] EUECJ T-143/15

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

20 juillet 2017 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par l’Espagne – Aides directes découplées pour les années de demande 2008 et 2009 – Défaillances dans le système de contrôle –Détermination des échantillons de contrôle – Charge de la preuve – Aides au développement rural dans la Communauté autonome de Castille-et-León pour les années de demande 2009 et 2010 – Contrôles sur place – Contrôles clés – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑143/15,

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Sampol Pucurull et Mme M. J. García-Valdecasas Dorrego, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme I. Galindo Martín, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2015/103 de la Commission, du 16 janvier 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2015, L 16, p. 33),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, D. Spielmann et Z. Csehi (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 9 mars 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le recours a pour objet une demande d’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2015/103 de la Commission, du 16 janvier 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2015, L 16, p. 33, ci-après la « décision attaquée »).

2        Le Royaume d’Espagne demande d’annuler la décision attaquée dans la mesure où celle-ci impose deux corrections forfaitaires.

3        Par la première correction forfaitaire, la Commission européenne exclut du financement de l’Union européenne au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), en ce qui concerne les années de demande 2008 et 2009, certains montants correspondant aux aides au revenu des agriculteurs pour chaque exploitation agricole découplées de la production (ci-après les « aides directes découplées »), prévues par le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001(JO 2003, L 270, p. 1), en Andalousie (Espagne).

4        Par la seconde correction forfaitaire, la Commission exclut du financement de l’Union au titre du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), en ce qui concerne les années de demande 2009 et 2010, certains montants correspondant aux paiements destinés aux agriculteurs situés dans des zones de montagne qui visent à compenser les handicaps naturels et dans des zones qui présentent des handicaps autres que ceux des zones de montagne (ci-après les « handicaps naturels ») et les paiements agroenvironnementaux (ci-après les « mesures agroenvironnementales »), prévus par l’article 36, sous a), i), ii) et iv), du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Feader (JO 2005, L 277, p. 1), en exécution du programme de développement rural de 2007 à 2013 relatif à la Comunidad Autónoma de Castilla y León (Communauté autonome de Castille-et-León, Espagne).

 Première correction forfaitaire, concernant la gestion des aides directes découplées en Andalousie pour les années de demande 2008 et 2009

5        La première correction forfaitaire qui fait l’objet du présent recours a été établie par la Commission à la suite de l’enquête AA/2009/007/ES, effectuée en Andalousie du 26 au 30 octobre 2009, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité relative au respect des règles en matière d’aides directes découplées pour les années de demande 2008 et 2009.

6        L’enquête a été conduite conformément à l’article 31, paragraphes 1 à 3, du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1), qui était applicable à l’époque de l’ouverture de l’enquête.

7        Au cours de la procédure, plusieurs échanges d’informations et d’observations ont eu lieu entre la Commission et les autorités espagnoles et une réunion bilatérale s’est également tenue entre les mêmes parties. La Commission a communiqué le résultat de l’inspection le 20 janvier 2014.

8        La Commission contestait notamment l’efficacité des contrôles fondés sur l’échantillon de contrôle sélectionné sur le fondement d’une analyse des risques (ci-après l’« échantillon fondé sur le risque ») par rapport à ceux fondés sur l’échantillon de contrôle sélectionné de manière aléatoire (ci-après l’« échantillon aléatoire »), au sens de l’article 27 du règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par les règlements n° 1782/2003 et (CE) n° 73/2009 du Conseil, ainsi que de la conditionnalité prévue par le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil (JO 2004, L 141, p. 18).

9        Les parties n’ayant pas trouvé un accord, l’organe de conciliation a été saisi. Dans le rapport final, communiqué aux autorités espagnoles le 11 juillet 2014, cet organe a, tout d’abord, précisé qu’il était possible de s’attendre à ce que l’échantillon aléatoire, qui était un outil permettant de vérifier si l’échantillon fondé sur le risque avait été correctement choisi, révèle un niveau d’erreur inférieur à celui de l’échantillon fondé sur le risque. Ensuite, il a examiné les statistiques relatives à la période 2007-2012, soumises par les services de la Commission. À cet égard, il a observé, d’une part, que la surface non détectée dans l’échantillon aléatoire était plus ou moins identique ou (en 2008 et en 2012) supérieure à celle de l’échantillon fondé sur le risque, à l’exception de l’année 2009, où elle était inférieure de 33 % et, d’autre part, que, en termes de sommes impayées, l’échantillon fondé sur le risque avait obtenu un résultat plus faible, sauf en 2009 et en 2010. Enfin, l’organe de conciliation a suggéré aux services de la Commission de vérifier si une correction était justifiée en ce qui concernait l’année 2009.

10      À l’issue de cette procédure, le 29 août 2014, la Commission a communiqué aux autorités espagnoles sa position finale, dans laquelle elle a maintenu que l’analyse des risques effectuée par les autorités espagnoles pour les années 2008 et 2009 n’était pas efficace, et, prenant en considération la partie du calcul modifiée par les autorités espagnoles, a redéfini le calcul initial en proposant d’écarter du financement de l’Union la somme de 3 586 250,48 euros pour l’année 2008 et de 1 866 977,31 euros pour l’année 2009, pour un total de 5 453 227,79 euros.

11      Cette position a été retenue dans la décision attaquée, adoptée conformément à l’article 52, paragraphes 1 à 3, du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) n° 352/78, (CE) n° 165/94, (CE) n° 2799/98, (CE) n° 814/2000, (CE) n° 1200/2005 et n° 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), qui a abrogé le règlement n° 1290/2005 à partir du 1er janvier 2014. La procédure d’apurement de conformité introduite par l’article 52 du règlement n° 1306/2013 correspond, en substance, à celle qui était prévue par l’article 31 du règlement n° 1290/2005.

 Seconde correction forfaitaire, concernant l’application des règles relatives aux handicaps naturels et aux mesures agroenvironnementales dans le programme de développement rural relatif à la Communauté autonome de Castille-et-León pour les années de demande 2009 et 2010

12      La seconde correction forfaitaire qui fait l’objet du présent recours a été établie par la Commission à la suite de l’enquête RD2/2011/005/ES, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité relative aux aides au développement rural dans la Communauté autonome de Castille-et-León pour les années de demande 2009 et 2010, et plus particulièrement concernant l’application des règles relatives aux handicaps naturels et aux mesures agroenvironnementales.

13      L’enquête a été conduite conformément à l’article 31 du règlement n° 1290/2005 (voir point 6 ci-dessus).

14      Au cours de la procédure, plusieurs échanges d’informations et d’observations ont eu lieu et une réunion bilatérale s’est également tenue entre les mêmes parties. La Commission a communiqué le résultat de l’inspection le 17 mai 2013.

15      La Commission reprochait notamment aux autorités espagnoles de ne pas avoir satisfait à l’obligation de comptage des animaux pendant les contrôles effectués sur place, au sens de l’article 14, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1975/2006 de la Commission, du 7 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1698/2005 du Conseil en ce qui concerne l’application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural (JO 2006, L 368, p. 74).

16      Les parties n’ayant pas trouvé un accord, l’organe de conciliation a été saisi. Dans le rapport final, communiqué aux autorités espagnoles le 16 décembre 2013, cet organe a constaté la nécessité de résoudre certains éléments aux fins de déterminer sur quel fondement calculer la correction financière et a notamment fait état des discussions sur la possibilité de limiter la correction exclusivement aux bénéficiaires qui possédaient des animaux déclarés, possibilité qui avait obtenu l’accord de la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural » de la Commission, qui avait suggéré aux autorités espagnoles de la contacter.

17      À l’issue de cette procédure, le 30 avril 2014, la Commission a communiqué sa position finale, dans laquelle elle a conclu que l’absence de vérification du bétail présent dans l’exploitation pendant les contrôles sur place des bénéficiaires (sauf concernant certaines sous-mesures) était une lacune dans l’étendue des contrôles sur place de la sous-mesure agroenvironnementale « Gestion durable de superficies fourragères pâturables et soutien des systèmes traditionnels de pâturage de transhumance » ainsi que de la mesure relative aux handicaps naturels pour les années de demande d’aide correspondant à 2009 et à 2010. Sur ce fondement, elle a prévu une correction forfaitaire de 5 %.

18      Cette position a été retenue dans la décision attaquée, adoptée conformément à l’article 52 du règlement n° 1306/2013 (voir point 11 ci-dessus).

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mars 2015, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

20      Le 10 juin 2015, la Commission a produit son mémoire en défense. La réplique et la duplique ont été déposées dans le délai imparti.

21      Par décision du président du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la deuxième chambre. La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

22      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée, pour autant qu’elle exclut du financement de l’Union, d’une part, certaines aides directes découplées qu’il a perçues au titre du FEAGA pour les années de demande 2008 et 2009 et, d’autre part, certaines dépenses liées aux handicaps naturels et aux mesures agroenvironnementales engagées au titre du Feader dans le cadre du programme de développement rural relatif à la Communauté autonome de Castille-et-León pour les années de demande 2009 et 2010 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 En droit

24      À l’appui du recours, le Royaume d’Espagne invoque cinq moyens.

25      Les deux premiers moyens visent l’annulation de la première correction forfaitaire (voir points 5 à 11 ci-dessus). Le premier moyen est tiré d’une interprétation erronée de l’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004 ainsi que de la violation de l’article 31 du règlement n° 1290/2005 et de l’article 52 du règlement n° 1306/2013 en ce qui concerne l’appréciation des résultats des échantillons de contrôle. Le deuxième moyen est tiré d’une violation des mêmes dispositions en ce qui concerne l’existence de preuves démontrant la mise en place d’un système efficace de contrôle.

26      Les trois moyens suivants visent l’annulation de la seconde correction forfaitaire (voir points 12 à 18 ci-dessus). Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 10, paragraphes 2 et 4, et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1975/2006 en ce qui concerne l’obligation de comptage des animaux pendant les contrôles effectués sur place. Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1082/2003 de la Commission, du 23 juin 2003, fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles minimaux à effectuer dans le cadre du système d’identification et d’enregistrement des bovins (JO 2003, L 156, p. 9), et de l’article 26, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 796/2004 en ce qui concerne l’existence d’informations relatives au nombre d’animaux extraites de bases de données fiables. Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 ainsi que du principe de proportionnalité en ce qui concerne le caractère proportionné de l’apurement effectué par la Commission.

27      Lors de l’audience, le Royaume d’Espagne a renoncé aux troisième et quatrième moyens ainsi qu’au moyen concernant la violation du délai raisonnable qu’il avait soulevé dans la réplique.

28      Ainsi, il convient d’examiner les deux premiers moyens visant à obtenir l’annulation de la première correction forfaitaire pris ensemble, puis le moyen visant l’annulation de la seconde correction forfaitaire.

 Sur les moyens visant à obtenir l’annulation de la correction forfaitaire concernant les aides directes découplées en Andalousie et tirés d’une interprétation erronée et de la violation de l’article 27 du règlement n° 796/2004 ainsi que de la violation de l’article 31 du règlement n° 1290/2005 et de l’article 52 du règlement n° 1306/2013

29      Par ses deux premiers moyens, le Royaume d’Espagne conteste, en substance, la conclusion de la Commission selon laquelle la sélection de l’échantillon fondé sur le risque n’a pas été effectuée correctement par les autorités espagnoles, ce qui révélerait l’absence d’un système efficace de contrôle. Plus particulièrement, le premier moyen est tiré d’une interprétation erronée des résultats des deux échantillons de contrôle et le deuxième de l’existence de preuves démontrant la mise en place d’un système efficace de contrôle.

30      À titre liminaire, il convient de rappeler que, au sens de l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1782/2003, qui était applicable à l’époque des faits litigieux, « [l]es États membres procèdent à des contrôles sur place pour vérifier si l’agriculteur respecte les obligations [en matière de conditionnalité] », lesdites obligations étant prévues par le même règlement.

31      S’agissant des règles relatives aux contrôles, tout d’abord, l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004, également applicable à l’époque des faits litigieux, dispose que « [l]es contrôles administratifs et les contrôles sur place prévus par le présent règlement sont effectués de façon à assurer une vérification efficace du respect des conditions d’octroi des aides ainsi que des exigences et des normes applicables en matière de conditionnalité ».

32      Ensuite, l’article 26, paragraphe 4, du règlement n° 796/2004 énonce que, « [s]’il est prévu que certains éléments du contrôle sur place peuvent être mis en œuvre sur la base d’un échantillon, celui-ci doit assurer un niveau de contrôle fiable et représentatif » et que « [l]es États membres établissent les critères de sélection de l’échantillon ». Cette disposition prévoit également que, « [s]i le contrôle de l’échantillon révèle des irrégularités, la taille et la base de l’échantillon sont élargies en conséquence ».

33      Enfin, au sens du considérant 32 du règlement n° 796/2004, « [i]l y a lieu que l’échantillon du taux minimal de contrôles sur place soit constitué en partie sur la base d’une analyse des risques et en partie de manière aléatoire ».

34      À cet égard, l’article 27, paragraphe 1, du même règlement, tel que modifié par le règlement (CE) n° 972/2007 de la Commission, du 20 août 2007 (JO 2007, L 216, p. 3), dispose ce qui suit :

« Les échantillons de contrôle aux fins des contrôles sur place effectués au titre du présent règlement sont sélectionnés par l’autorité compétente sur la base d’une analyse des risques ainsi que de la représentativité des demandes d’aide introduites. Chaque année, on procède à une évaluation et à une actualisation de l’efficacité de l’analyse des risques :

a)       en déterminant la pertinence de chaque facteur de risque ;

b)      en comparant les résultats de l’échantillon basé sur le risque et de l’échantillon sélectionné sur une base aléatoire visé au deuxième alinéa ;

c)      en prenant en considération la situation spécifique dans l’État membre. »

35      À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que le FEAGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions du droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑245/13, EU:T:2015:595, point 64), et que, en vertu des règles du droit de l’Union relatives notamment au FEAGA, il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance (voir arrêt du 17 mai 2013, Bulgarie/Commission, T‑335/11, non publié, EU:T:2013:262, point 29 et jurisprudence citée).

36      Ensuite, selon une jurisprudence constante, il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles. Par conséquent, la Commission est obligée de justifier sa décision constatant l’absence ou les défaillances des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné. Toutefois, la Commission est tenue non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par celles‑ci, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles‑ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEAGA et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑245/13, EU:T:2015:595, point 65 et jurisprudence citée).

37      Enfin, selon la jurisprudence, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑245/13, EU:T:2015:595, point 66 et jurisprudence citée). En effet, la gestion du financement du FEAGA repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union et est fondée sur la confiance entre les autorités nationales et les autorités de l’Union. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes du fonds, la Commission ne jouissant pas de la proximité requise pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑245/13, EU:T:2015:595, point 67 et jurisprudence citée).

38      En ce qui concerne, plus particulièrement, l’efficacité des contrôles au sens de l’article 27 du règlement n° 796/2004, le Tribunal a précisé que le taux d’irrégularités révélé par l’échantillon aléatoire, qui, conformément à l’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004, est sélectionné selon un critère de représentativité des demandes d’aide introduites, ne doit manifestement pas être supérieur au taux d’irrégularités constaté dans l’échantillon fondé sur le risque, ce dernier étant fondé sur une analyse des risques précisément censée réduire le caractère aléatoire de l’échantillon et entraîner une couverture accrue des cas d’irrégularités (arrêt du 16 juin 2015, Portugal/Commission, T‑3/11, non publié, EU:T:2015:388, point 75).

39      C’est donc à l’aune de ces principes qu’il convient de traiter les deux moyens soulevés par le Royaume d’Espagne, en vérifiant, en premier lieu, si la Commission a démontré l’existence d’un « doute sérieux et raisonnable » à l’égard des contrôles effectués par l’administration nationale et, en second lieu, si, malgré l’existence de ce doute, le Royaume d’Espagne a établi l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle.

 Sur l’existence d’un « doute sérieux et raisonnable » à l’égard des contrôles

40      Par son premier moyen, le Royaume d’Espagne conteste, en substance, la conclusion de la Commission selon laquelle un taux d’irrégularités révélé par l’échantillon fondé sur le risque inférieur à celui révélé par l’échantillon aléatoire en 2008 et légèrement supérieur à ce dernier en 2009 démontrerait que les contrôles mis en œuvre par les autorités espagnoles étaient inefficaces.

41      La Commission fait valoir que, certes, l’article 27 du règlement n° 796/2004 ne précise pas que l’échantillon fondé sur le risque doit nécessairement montrer un pourcentage d’erreur supérieur à celui qui ressort de l’échantillon aléatoire. Toutefois, il ressortirait de cette disposition ainsi que de l’article 23 du même règlement que l’analyse des risques sur laquelle doit se fonder la détermination des échantillons de contrôle doit être appropriée, efficace et actualisée annuellement.

42      Il y a donc lieu de s’attendre, selon la Commission, à ce que l’échantillon aléatoire révèle un taux d’irrégularités inférieur à celui révélé par l’échantillon fondé sur le risque. En effet, ainsi qu’il est indiqué dans les recommandations techniques du Centre commun de recherche (JRC), un haut pourcentage d’irrégularités révélé par l’échantillon aléatoire par rapport à l’échantillon fondé sur le risque indiquerait que ce dernier est fondé sur des critères inappropriés. En d’autres termes, si l’échantillon fondé sur le risque est sélectionné correctement, il révèle un taux d’irrégularités forcément plus élevé que celui révélé par l’échantillon aléatoire, ce dernier n’ayant d’autre fonction que celle de vérifier la qualité de l’analyse des risques.

43      En outre, si la différence des taux d’irrégularités sur une seule année n’est pas significative, une telle différence sur plusieurs années indiquerait l’existence d’un problème systémique. À cet égard, la Commission fait valoir qu’il ressort d’une analyse sur plusieurs années, de 2007 à 2012, que l’échantillon fondé sur le risque révèle un taux d’irrégularités inférieur, identique ou légèrement supérieur à celui révélé par l’échantillon aléatoire pour les années 2007, 2008, 2010 et 2012.

44      Ainsi que rappelé au point 36 ci-dessus, il appartient à la Commission de présenter un élément de preuve du « doute sérieux et raisonnable » qu’elle éprouve à l’égard des contrôles mis en œuvre par le Royaume d’Espagne.

45      En l’espèce, en écartant certaines dépenses du financement au titre du FEAGA, la Commission part du principe que les articles 23 et 27 du règlement n° 796/2004 ainsi que plusieurs autres considérants et articles de ce règlement imposent que l’analyse des risques sur laquelle se fonde la détermination des échantillons de contrôle soit efficace, ce qui impliquerait que l’échantillon fondé sur le risque révèle un taux d’irrégularités manifestement supérieur à l’échantillon aléatoire, ce qui n’était pas le cas en ce qui concerne les années 2007, 2008, 2010 et 2012.

46      À cet égard, un tableau produit par la Commission dans ses écritures et qui n’est pas contesté par le Royaume d’Espagne fait état des résultats des deux échantillons susvisés, en termes de surface non détectée, pour les années 2007 à 2012 :


2007

2008

2009

2010

2011

2012

Échantillon aléatoire

0,69 %

1,25 %

0,21 %

0,55 %

0,25 %

0,66 %

Échantillon fondé sur le risque

0,69 %

0,70 %

0,28 %

0,56 %

0,34 %

0,45 %


47      Il ressort de ce tableau que, au regard de la période qui a fait l’objet de l’enquête litigieuse, à savoir les années 2008 et 2009, le taux d’irrégularités révélé par l’échantillon fondé sur le risque était inférieur à celui révélé par l’échantillon aléatoire pour l’année 2008, tandis que ce taux était supérieur pour l’année 2009. En outre, sur l’ensemble de la période examinée par la Commission, à savoir la période allant de 2007 à 2012, le taux d’irrégularités révélé par l’échantillon fondé sur le risque était inférieur à celui révélé par l’échantillon aléatoire également en 2012, tandis que, pour les autres années, ce taux était égal (en 2007) ou supérieur (en 2010 et 2011). En particulier, après 2008, l’année durant laquelle l’écart le plus important a été constaté entre les taux révélés par les deux échantillons, le taux d’irrégularités révélé par l’échantillon fondé sur le risque est resté supérieur à celui révélé par l’échantillon aléatoire pendant trois années consécutives, soit de 2009 à 2011.

48      S’agissant, en premier lieu, de l’année 2008, il y a lieu de relever que la Commission a pu valablement déduire des données dudit tableau que l’évaluation basée sur le risque, effectuée par les autorités espagnoles au début de la campagne 2008, était insuffisante, compte tenu, d’une part, de l’écart négatif de 0,55 % entre cette évaluation et les résultats révélés par l’échantillon aléatoire et, d’autre part, du fait que l’année précédente, en 2007, les deux évaluations avaient donné un taux d’irrégularités identique, ce qui aurait dû faire douter les autorités espagnoles de l’efficacité de l’échantillon fondé sur le risque qu’elles avaient sélectionné.

49      En effet, l’objectif de l’échantillon fondé sur le risque étant celui de détecter les irrégularités dans les situations les plus problématiques, la Commission pouvait à juste titre s’attendre à ce que cet échantillon révèle un taux d’irrégularités supérieur à celui qui est révélé par l’échantillon aléatoire.

50      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments du Royaume d’Espagne selon lesquels, d’une part, les différences statistiques existant entre les deux échantillons seraient absorbées par la marge de tolérance couvrant la différence entre la surface déclarée et la surface éligible à l’aide et, d’autre part, ces différences seraient justifiées par le faible niveau d’irrégularités constaté en Andalousie, ce qui rendrait peu fiables les données en question.

51      À cet égard, il suffit de constater, ainsi que le souligne la Commission, que la marge de tolérance et le faible niveau d’irrégularités devraient affecter de manière identique les deux échantillons et ne sauraient justifier des taux d’irrégularités différents. D’ailleurs, le Royaume d’Espagne n’a fourni aucun élément qui confirmerait dans quelle mesure, en l’espèce, l’existence d’une marge de tolérance et le faible niveau d’irrégularités auraient pu affecter les résultats des échantillons.

52      S’agissant, en second lieu, de l’année 2009, il y a lieu de relever que les données produites par la Commission ne justifient pas sa décision d’écarter le financement litigieux, compte tenu, premièrement, de l’écart positif, même léger, entre les deux méthodes d’évaluation, l’échantillon fondé sur le risque ayant révélé un taux d’irrégularités supérieur à celui révélé par l’échantillon aléatoire, deuxièmement, du fait que cet écart s’est fortement amélioré par rapport à l’année précédente et, troisièmement, du fait que cet écart est resté positif au cours des deux années suivantes, soit en 2010 et en 2011.

53      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la Commission selon lequel la tendance sur une période plus longue, en l’occurrence de 2007 à 2012, démontrerait que l’échantillon fondé sur le risque révèle, en moyenne, un taux d’irrégularités inférieur à celui révélé par l’échantillon aléatoire.

54      En effet, il convient de relever que, bien qu’elle ait été effectuée à partir de données fournies par le Royaume d’Espagne lui-même, cette analyse sur plusieurs années n’est pas prévue par le règlement n° 796/2004, la procédure d’apurement de conformité ayant pour objet des années spécifiques.

55      Partant, la référence à une période plus longue peut, certes, contribuer à étayer l’appréciation du caractère fiable ou non de l’analyse des risques. Toutefois, elle ne saurait se substituer à une appréciation propre à l’année pertinente, d’autant plus que, en l’espèce, il ressort des éléments du dossier que les modifications apportées par les autorités espagnoles à l’échantillon fondé sur le risque à la suite de l’année 2008 ont produit des résultats positifs sur l’année pertinente (2009) ainsi que sur les deux années suivantes.

56      D’ailleurs, ainsi que précisé par le Tribunal dans l’arrêt du 16 juin 2015, Portugal/Commission (T‑3/11, non publié, EU:T:2015:388, point 75), le taux d’irrégularités révélé dans l’échantillon aléatoire ne doit manifestement pas être supérieur au taux d’irrégularités constaté dans l’échantillon fondé sur une analyse des risques (voir point 38 ci-dessus).

57      Il y a donc lieu de conclure que la Commission n’a démontré l’existence de doutes sérieux et raisonnables sur le système de contrôle mis en place par le Royaume d’Espagne qu’au regard de l’analyse des risques sur laquelle se fonde la détermination de l’échantillon de contrôle pour l’année 2008 et non au regard de l’analyse des risques relative à l’échantillon de contrôle pour l’année 2009.

 Sur l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle

58      Par son deuxième moyen, invoqué à titre subsidiaire, le Royaume d’Espagne fait valoir, en substance, que les éléments de preuve, et en particulier les statistiques relatives à la tendance sur une période de six ans, soit de 2007 à 2012, démontrent qu’il y a eu un contrôle effectif. En effet, le taux d’irrégularités révélé par l’échantillon fondé sur le risque serait supérieur à celui révélé par l’échantillon aléatoire, à l’exception de deux années.

59      La Commission conteste les arguments du requérant.

60      Ce moyen ne saurait prospérer.

61      En premier lieu, s’agissant de l’argument tiré de l’existence d’un écart positif entre le taux d’irrégularités révélé par l’échantillon fondé sur le risque et celui révélé par l’échantillon aléatoire dans les campagnes 2011 et 2012, force est de constater que cela n’implique pas forcément que les contrôles effectués les années précédentes soient également fiables.

62      En deuxième lieu, le Royaume d’Espagne, en évoquant une étude qui aurait permis de corriger l’irrégularité qui avait été décelée, reconnaît lui-même implicitement que, pour l’année 2008, il existait une irrégularité.

63      En troisième lieu, il ne ressort pas des éléments du dossier, et notamment du tableau susmentionné, que l’analyse sur plusieurs années montre des résultats positifs dans leur ensemble. Par ailleurs, même à supposer que ce soit le cas, cette circonstance ne suffit pas, en elle-même, à démontrer que les systèmes de contrôle étaient fiables au titre de l’année spécifique qui faisait l’objet de la vérification, à savoir en 2008, en dépit des résultats négatifs de l’analyse des risques pour cette année.

64      Dès lors, en dépit des doutes sérieux et raisonnables soulevés par la Commission (voir point 57 ci-dessus), le Royaume d’Espagne n’a pas démontré l’existence d’un système de contrôle fiable pour l’année 2008.

65      Il y a donc lieu de conclure que le Royaume d’Espagne n’est pas parvenu à démontrer l’inexactitude des constatations de la Commission selon lesquelles il existait des défaillances dans l’analyse des risques sur laquelle se fondait la détermination des échantillons de contrôle en ce qui concerne l’année 2008.

66      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu, d’une part, de rejeter les premier et deuxième moyens en ce qui concerne la correction forfaitaire établie à la suite de l’enquête AA/2009/007/ES pour l’année de demande 2008 et, d’autre part, d’accueillir le premier moyen et d’annuler la décision attaquée en ce qui concerne la correction forfaitaire établie à la suite de la même enquête pour l’année de demande 2009.

 Sur le moyen visant à obtenir l’annulation de la correction forfaitaire correspondant aux notions de handicaps naturels et de mesures agroenvironnementales dans le programme de développement rural relatif à la Communauté autonome de Castille-et-León et tiré de la violation de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 ainsi que du principe de proportionnalité

67      Par ce moyen, le Royaume d’Espagne fait valoir, en substance, que la seconde correction forfaitaire, effectuée par la Commission à hauteur de 5 %, est disproportionnée, au motif que l’absence de comptage des animaux n’est pas une carence portant sur un « contrôle clé ».

68      En premier lieu, le dénombrement d’animaux ne serait pas un contrôle clé au sens du document VI/5330/97 de la Commission du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie ».

69      Le dénombrement d’animaux n’étant pas un contrôle clé, l’absence de ce dernier n’impliquerait aucun risque significatif de pertes pour le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), dès lors qu’il ne permettrait en aucun cas de déterminer la densité réelle du cheptel. Par ailleurs, la Commission aurait elle-même reconnu que les contrôles administratifs réalisés par les autorités espagnoles étaient adéquats et que les registres administratifs d’animaux sur lesquels les contrôles se basaient étaient fiables.

70      En deuxième lieu, l’organe de conciliation aurait affirmé que les services de la Commission avaient consenti à limiter les dépenses à corriger aux bénéficiaires ayant des animaux et que lesdits services ont modifié cette appréciation dans la position finale.

71      À cet égard, l’argument de la Commission, selon lequel la limitation de la correction aux bénéficiaires ayant des animaux déclarés impliquait une correction moindre en regard du risque pour le fonds, n’apparaîtrait pas dans la décision attaquée et serait en contradiction avec sa position concernant les registres espagnols du bétail.

72      En troisième lieu, en étendant le contrôle par dénombrement d’animaux à toutes les exploitations, la mesure affecterait des bénéficiaires qui ne disposent pas d’animaux ou qui ne déclarent pas de superficies fourragères. En ce qui concerne les aides en faveur des zones à handicaps naturels, le nombre des bénéficiaires qui ne possèdent pas d’animaux représenterait presque deux tiers de la totalité des bénéficiaires, ce qui conduit à une correction disproportionnée.

73      En outre, étant donné que les candidats à la mesure d’aide en faveur de zones à handicaps naturels qui possèdent des surfaces fourragères et dont les données ne figurent pas dans les registres d’animaux n’ont pas droit à ces aides, il n’existe pas, pour le fonds, de risque lié à des paiements à des bénéficiaires possédant des animaux dans leurs exploitations sans les avoir déclarés.

74      La Commission précise, à titre liminaire, que ce moyen porte uniquement sur une des trois défaillances de contrôle établies par la décision attaquée, à savoir celle de la mesure agroenvironnementale « gestion durable des surfaces fourragères pâturables et soutien aux systèmes traditionnels de pâturage transhumant » et « handicaps naturels », pour lesquelles elle a appliqué une correction forfaitaire de 5 %, ce qui a été confirmé par le Royaume d’Espagne.

75      Sur le fond, elle conteste les arguments du requérant.

76      À titre liminaire, s’agissant des principes en matière de contrôles concernant les mesures relatives aux handicaps naturels et les mesures agroenvironnementales, il convient de rappeler que, selon l’article 10 du règlement n° 1975/2006, qui était d’application à l’époque des faits litigieux :

« 1.      Les demandes d’aide et les demandes de paiement sont contrôlées de façon à garantir la vérification efficace du respect des conditions d’octroi de l’aide.

2.      Les États membres définissent les méthodes et les moyens adéquats pour vérifier les conditions d’octroi de l’aide pour chaque mesure d’aide.

[…]

4.      Les critères d’admissibilité sont vérifiés au moyen de contrôles administratifs et de contrôles sur place. »

77      En ce qui concerne plus particulièrement les contrôles sur place, l’article 14, paragraphe 2, de ce règlement dispose ce qui suit :

« Les contrôles portent sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire qu’il est possible de contrôler au moment de la visite. »

78      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, même si la réglementation de l’Union relative à l’octroi des aides et des primes n’impose pas expressément aux États membres d’instaurer des mesures de surveillance et des modalités de contrôle spécifiques, il n’en demeure pas moins que, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1975/2006, il incombe aux États membres d’effectuer des contrôles sur place qui portent sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire, y incluses celles découlant du droit national, qu’il est possible de contrôler au moment de la visite (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2017, Espagne/Commission, C‑506/15 P, non publié, EU:C:2017:42, point 69, et du 26 janvier 2017, France/Commission, C‑373/15 P, EU:C:2017:55, point 71).

79      En l’espèce, le programme de développement rural relatif à la Communauté autonome de Castille-et-León concernant la période de programmation de 2007 à 2013, approuvé par décision C(2008) 722 de la Commission, du 15 février 2008, prévoit, notamment, des mesures relatives aux handicaps naturels et des mesures agroenvironnementales visées à l’article 36, sous a), i), ii) et iv), du règlement n° 1698/2005 (voir point 4 ci-dessus) et, plus particulièrement, fixe les conditions d’éligibilité pour ces mesures, y incluse celle concernant le maintien d’une certaine densité de bétail. À cette fin, ainsi que le fait valoir la Commission, cette réglementation fixe des valeurs maximales et minimales du bétail présent dans l’exploitation pour laquelle le titulaire demande l’indemnité compensatoire par hectare de surface fourragère.

80      Les autorités nationales sont donc tenues, lors des contrôles sur place, de déterminer le critère de densité du bétail présent sur l’exploitation au moment de la visite d’inspection, au moyen, notamment, d’un comptage des animaux, afin de vérifier si, ponctuellement, les valeurs maximales et minimales fixées par la réglementation espagnole sont respectées et, ainsi, de corroborer les données ressortant des contrôles administratifs.

81      C’est donc à juste titre que la Commission a estimé que les autorités espagnoles étaient tenues de procéder, lors des contrôles sur place, au comptage des animaux pour vérifier la densité du bétail existant sur les exploitations bénéficiant des aides.

82      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments soulevés par le Royaume d’Espagne.

83      En premier lieu, il convient de relever, ainsi que le Tribunal l’a précisé dans son arrêt du 26 février 2015, Lituanie/Commission (T‑365/13, non publié, EU:T:2015:113, points 67 à 69), que, les contrôles sur place du respect du critère relatif à la densité des animaux constituant des contrôles clés au sens du document VI/5330/97, l’absence desdits contrôles représente un risque significatif de pertes pour le budget de l’Union. Partant, l’imposition d’un taux de correction financière dans des circonstances telles que celles en l’espèce n’est pas contraire à l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 ni au principe de proportionnalité.

84      Par ailleurs, le fait que la Commission n’a pas contesté la fiabilité des registres de bétail tenus par les autorités espagnoles n’implique pas que la Commission aurait dû négliger l’obligation de décomptage. En effet, aucune disposition du règlement n° 1975/2006 ne saurait être interprétée en ce sens que, dans l’hypothèse où des contrôles administratifs seraient effectués en utilisant des informations issues d’une base de données fiable, les contrôles sur place au titre de ce même règlement ne seraient plus nécessaires (arrêt du 30 avril 2015, France/Commission, T‑259/13, non publié, EU:T:2015:250, point 70, confirmé sur pourvoi par arrêt du 26 janvier 2017, France/Commission, C‑373/15 P, EU:C:2017:55, point 74).

85      En deuxième lieu, le fait que, lors de la procédure de conciliation, la Commission avait discuté de la possibilité de limiter la correction aux bénéficiaires ayant des animaux déclarés n’obligeait pas cette dernière à adopter cette approche dans la décision attaquée. Certes, ainsi que relevé par l’organe de conciliation, cette possibilité avait obtenu, sous certaines réserves, l’accord de la DG « Agriculture et développement rural » de la Commission (voir point 16 ci-dessus). Toutefois, cet accord n’a pas été confirmé, la Commission ayant précisé, dans sa position finale (voir point 17 ci-dessus), que la DG en question avait écarté ladite possibilité.

86      En troisième lieu, il convient de rejeter l’argument tiré du caractère disproportionné du contrôle par dénombrement d’animaux à toutes les exploitations, au motif que ce contrôle affecte des bénéficiaires qui ne disposent pas d’animaux ou qui ne déclarent pas de superficies fourragères et qui, partant, n’ont pas droit à l’aide.

87      En effet, ainsi que rappelé au point 79 ci-dessus, la réglementation de la Communauté autonome de Castille-et-León, parmi les critères d’admissibilité aux aides à la surface, prévoit non seulement le maintien d’une certaine densité maximale de bétail, mais également le maintien d’une densité minimale.

88      À cet égard, le Royaume d’Espagne n’a pas démontré comment des superficies fourragères qui ne disposent pas d’animaux rentreraient dans le champ d’application des mesures litigieuses, dont les critères requièrent une densité maximale et une densité minimale de bétail, et seraient, de ce fait, affectées par les corrections imposées par la Commission. En outre, ainsi que le souligne la Commission, le Royaume d’Espagne se contredit lorsqu’il affirme, d’une part, que les bénéficiaires qui ne disposent pas d’animaux ou qui ne déclarent pas de superficies fourragères n’auraient pas droit à l’aide et, d’autre part, qu’un nombre considérable des bénéficiaires qui ont fait l’objet des corrections ne possèdent pas d’animaux déclarés.

89      Il y a donc lieu de rejeter le moyen visant à obtenir l’annulation de la seconde correction financière.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

91      En l’espèce, il y a lieu de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution (UE) 2015/103 de la Commission, du 16 janvier 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), est annulée en ce qu’elle concerne la correction financière imposée auRoyaume d’Espagne à la suite de l’enquête AA/2009/007/ES pour l’année de demande 2009.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 juillet 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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