BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?
No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!
[Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] | ||
Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
||
You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Kerstens v Commission (Judgment) French Text [2017] EUECJ T-270/16 (14 February 2017) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T27016.html Cite as: ECLI:EU:T:2017:74, [2017] EUECJ T-270/16, EU:T:2017:74 |
[New search] [Help]
Édition provisoire
ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)
14 février 2017 (*)
« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Rejet du recours en première instance – Actes contraires à la dignité de la fonction publique – Diffusion de propos injurieux concernant un autre fonctionnaire – Procédure disciplinaire – Enquête sous forme d’un examen des faits – Sanction disciplinaire de blâme – Irrégularité procédurale – Conséquences de l’irrégularité »
Dans l’affaire T‑270/16 P,
ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 18 mars 2016, Kerstens/Commission (F‑23/15, EU:F:2016:65), et tendant à l’annulation de cet arrêt,
Petrus Kerstens, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Overijse (Belgique), représenté par Me C. Mourato, avocat,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant
Commission européenne, représentée par M. T. Bohr et Mme C. Ehrbar, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),
composé de MM. M. Jaeger, président, S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et A. Dittrich, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Petrus Kerstens, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 18 mars 2016, Kerstens/Commission (F‑23/15, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:F:2016:65), par lequel celui-ci a rejeté son recours et l’a condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.
Antécédents du litige
2 Les antécédents du litige sont énoncés aux points 6 à 30 de l’arrêt attaqué, dans les termes suivants :
« 6 Le requérant est fonctionnaire de grade AD 13 de la Commission, affecté à l’Office “Gestion et liquidation des droits individuels” (PMO).
7 Statuant sur les pourvois du requérant introduits contre les arrêts du Tribunal du 8 mai 2008, Kerstens/Commission (F‑119/06, EU:F:2008:54), et du 29 septembre 2009, Kerstens/Commission (F‑102/07, EU:F:2009:129), respectivement par arrêt du 2 juillet 2010, Kerstens/Commission (T‑266/08 P, EU:T:2010:273), et ordonnance du 24 septembre 2010, Kerstens/Commission (T‑498/09 P, EU:T:2010:406), le Tribunal de l’Union européenne a rejeté lesdits pourvois et condamné le requérant à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission dans le cadre de ces deux procédures. Aucun accord n’étant intervenu entre le requérant et la Commission sur le montant des dépens récupérables à rembourser par le requérant au titre de ces décisions, le requérant a introduit deux demandes de taxation des dépens, respectivement enregistrées sous les références T‑266/08 P‑DEP et T‑498/09 P‑DEP.
8 Par deux ordonnances du 23 mars 2102, Kerstens/Commission (T‑266/08 P‑DEP, EU:T:2012:146, non publiée) et Kerstens/Commission (T‑498/09 P‑DEP, EU:T:2012:147, non publiée), le Tribunal de l’Union européenne a fixé le montant des dépens récupérables à rembourser par le requérant à la somme de 109,42 euros dans l’affaire enregistrée sous la référence T‑266/08 P et à celle de 4 200 euros dans l’affaire enregistrée sous la référence T‑498/09 P, soit un total de 4 309,42 euros dû par le requérant.
9 Le 13 avril 2012, la Commission a informé l’avocat du requérant que, en raison de la compensation qui avait déjà été effectuée sur les divers remboursements dus par le requérant, le montant total dont celui-ci lui était encore redevable s’élevait à 3 971,22 euros, au lieu de 4 309,42 euros.
10 Le 19 avril 2012, le service de la Commission compétent en l’occurrence a émis une note de débit pour un montant de 3 971,22 euros à recouvrer auprès du requérant.
11 Le 30 avril 2012, le chef de l’unité “Recouvrement des créances” de la direction “Exécution budgétaire (budget général et FED)” de la direction générale “Budget” de la Commission a adressé une lettre de rappel au requérant.
12 En l’absence de réaction de la part du requérant, le 4 juin 2012, le même chef d’unité lui a adressé une mise en demeure.
13 Le 7 juin 2012, le requérant a introduit un pourvoi contre l’ordonnance du 23 mars 2012, Kerstens/Commission (T‑498/09 P‑DEP, EU:T:2012:147, non publiée), enregistré sous la référence C‑304/12 P.
14 Par lettre du 21 juin 2012, le requérant a demandé au directeur de la direction “Exécution budgétaire (budget général et FED)” de suspendre la procédure de recouvrement de la note de débit mentionnée au point 10 du présent arrêt, en invoquant notamment l’introduction d’un pourvoi “au sujet de dénaturations dans les dossiers et d’irrégularité[s] financière[s]” et en signalant une erreur dans le calcul des sommes dues. Enfin, le requérant déclarait qu’il “[était] hors [de] question qu[’il] procède […] au paiement réclamé”. Une copie de cette lettre était adressée à différents services de la Commission ainsi qu’au conseil du requérant.
15 Par note du 27 juin 2012, le directeur de la direction “Exécution budgétaire (budget général et FED)” a indiqué au requérant ne pas pouvoir accueillir sa demande, en affirmant que le principe de la séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable excluait toute intervention de sa part dans la discussion sur la justification et le calcul des créances.
16 Par note au requérant et au directeur du PMO du 16 juillet 2012, mentionnant sous la rubrique “Objet”, notamment, le “recouvrement des dépens selon les ordonnances du 23 mars 2012”, M. A, fonctionnaire d’un des services qui avait été destinataire en copie aussi bien de la lettre du requérant du 21 juin 2012 que de la note du directeur de la direction “Exécution budgétaire (budget général et FED)” du 27 juin 2012, a répondu à la lettre du requérant du 21 juin 2012 en indiquant à ce dernier que les allégations d’irrégularité financière y figurant étaient “sans pertinence aucune à l’égard du caractère récupérable de la créance en cause” et en rappelant que la Commission disposait de titres exécutoires, à savoir deux décisions du Tribunal de l’Union européenne condamnant le requérant aux dépens et deux ordonnances de taxation des dépens de la même juridiction fixant le montant des dépens récupérables par la Commission. M. A invitait donc le PMO à procéder au recouvrement de la créance “également sur le traitement [du requérant] en l’effectuant au besoin par échelonnement conformément aux pratiques habituelles en la matière”.
17 Le 20 juillet 2012, le requérant a adressé à M. A une note intitulée “Votre note du 16 juillet 2012 – recouvrement des dépens” (ci-après la “note du 20 juillet 2012”). Cette note de sept pages contient, entre autres, les passages suivants (les propos que le requérant a utilisés en référence à M. A, ci-après les “propos injurieux”, étant occultés) :
“[V]otre approche fait plutôt penser à un rouleau compresseur, tel qu’on l’a connu dans l’ancienne [République démocratique allemande] (‘D[ie] Partei hat immer recht'), et qui existe encore dans des régimes comme en Biélorussie ou [en] Corée du [N]ord, où les individus et leurs points de vue ne comptent pas du tout.
[…]
[S]i je dépose plainte à ce sujet auprès des autorités belges en dénonçant l’escroquerie à laquelle vous tentez, de manière répétitive, [de] m’exposer, j’aurai gain de cause devant n’importe quel tribunal. […]
[…]
[…] Votre apparente instruction au PMO de procéder à la récupération directe du solde réclamé dans la [n]ote de débit […] est strictement illégale.
Faute d’un arrêt belge, […] je ne pourrai que déposer plainte auprès de la [p]olice et du [p]rocureur du Roi [de] Bruxelles [(Belgique)], avec indication de détournement de fonds et de vol manifeste, perpétré par [X] en connivence avec [M. A]. […]
[…]
[…] À l’égard du ton et de la présentation de votre note, je me retiendrai de remarques personnelles, même si mes droits fondamentaux me permettent d’exprimer une opinion individuelle à votre égard. Ce ne serait pas pour la première fois que [M. A] serait traité […] de ‘[omissis]' ou de ‘[omissis]'. Je prends toutes mes distances avec de tels propos dégradants et gratuits, que je désapprouve par principe. Cependant, je reste libre dans tout ce que je pense, et je n’en pense pas moins…”
18 Une copie de la note du 20 juillet 2012 a été adressée, outre à l’avocat du requérant, à onze autres personnes, membres de la haute hiérarchie ou de l’encadrement de l’institution, à savoir au secrétaire général de la Commission, au directeur général du service juridique et à deux autres directeurs généraux ainsi qu’à un directeur général faisant fonction, aux chefs de cabinet de deux membres de la Commission, au médiateur de la Commission, au directeur du PMO, au directeur de la direction “Exécution budgétaire (budget général et FED)” et à un chef d’unité.
19 M. A a répondu à la note du 20 juillet 2012 par un courriel du même jour. Il a réfuté les arguments du requérant sur le fond du dossier et a exprimé sa surprise quant au niveau de langage utilisé par le requérant dans une note émise dans un contexte professionnel et envoyée à un grand nombre de personnes pour information.
20 Par ordonnance du 7 février 2013, Kerstens/Commission (C‑304/12 P, EU:C:2013:74), la Cour de justice de l’Union européenne a déclaré manifestement irrecevable le pourvoi du requérant introduit contre l’ordonnance du 23 mars 2012, Kerstens/Commission (T‑498/09 P‑DEP, EU:T:2012:147, non publiée).
21 En réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, le requérant a précisé que, contrairement à ses intentions annoncées dans la note du 20 juillet 2012, il n’avait porté plainte ni auprès de la police belge ni auprès du procureur du Roi de Bruxelles.
Procédure disciplinaire
22 Le 15 janvier 2013, l’IDOC a établi une note d’analyse ayant comme objet le “langage inapproprié contenant des propos injurieux” contenu dans la note du 20 juillet 2012 (ci-après la “note d’analyse du 15 janvier 2013”). Dans cette note, l’IDOC a conclu, à titre préliminaire, que la seule interprétation possible de la note du 20 juillet 2012 est que le requérant partageait les propos injurieux qu’il avait rapportés comme émis par d’autres personnes et les avait exprimés dans un contexte professionnel, ce qui était susceptible de constituer un manquement à l’article 12 du statut.
23 Le 17 janvier 2013, l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission (ci-après l’“AIPN”) a donné mandat à l’IDOC pour entendre le requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, afin de lui permettre de décider si une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant devait être engagée.
24 Par note du 3 avril 2013, le directeur de l’IDOC a informé le requérant que l’AIPN avait décidé de l’entendre, en application de l’article 3 de l’annexe IX du statut, au sujet de la note du 20 juillet 2012 et l’a convoqué à une audition, laquelle, après un report de date demandé par le requérant, a eu lieu le 2 mai 2013. À cette note était jointe la note d’analyse du 15 janvier 2013.
25 Il ressort du compte rendu de l’audition du 2 mai 2013 que, lors de cette audition, le requérant a lu un texte dans lequel il déclarait, premièrement, que la “lecture attentive du dernier paragraphe de la note [du 20 juillet 2012]” devait mettre en évidence qu’il ne s’associait “pas du tout aux paroles dégradantes circulant à l’égard de [M. A]”. Deuxièmement, le requérant a ajouté que, “[t]outefois, il rest[ait] de [son] devoir de bon et loyal fonctionnaire respectueux du [s]tatut de faire [en] sorte que [M. A] puisse savoir qu’il existe des opinions le concernant qui ne sont pas forcément et unanimement positives”. Troisièmement, selon le requérant, le nombre de destinataires en copie de la note du 20 juillet 2012, en l’occurrence douze, avait été restreint de sorte que ladite note ne pouvait pas être qualifiée de “communication interne”. En outre, les destinataires étaient tous, à l’exception de son propre avocat, des personnes à informer au sens des articles 22 bis et 22 ter du statut. Il ressort par ailleurs du compte rendu de l’audition que l’avocat du requérant, qui assistait à l’audition, a affirmé que la phrase “Cependant, je reste libre dans tout ce que je pense, et je n’en pense pas moins…” figurant dans l’avant-dernier paragraphe de la note du 20 juillet 2012 et contenant les propos injurieux devait être comprise comme se référant à ce que pensait le requérant “concernant la mauvaise administration qu’il a[vait] évoquée [dans le même paragraphe]”.
26 Le 23 octobre 2013, l’IDOC a établi un rapport disciplinaire concluant qu’il apparaissait que le comportement du requérant constituait une “violation évidente” de l’article 12 du statut. En outre, l’IDOC considérait que le fait que le requérant ait présenté les propos injurieux comme émanant de tierces personnes ne pouvait pas être une circonstance atténuante dans la mesure où il avait contribué à leur diffusion en leur donnant une publicité plus grande. Par ailleurs, le grade et l’ancienneté du requérant étaient jugés comme des circonstances aggravantes.
27 Par note du 29 octobre 2013, l’AIPN a informé le requérant de sa décision d’ouvrir une procédure disciplinaire sans consultation du conseil de discipline, conformément à l’article 11 de l’annexe IX du statut. Le rapport disciplinaire du 23 octobre 2013 était annexé à cette note.
28 Le 7 novembre 2013, conformément à l’article 11 de l’annexe IX du statut, le requérant a été convoqué à une audition devant l’AIPN, qui a eu lieu le 10 décembre 2013.
29 Par décision du 15 avril 2014, l’AIPN a infligé un blâme au requérant (ci-après la “décision litigieuse”), considérant que l’utilisation d’un langage inconvenant comportant des injures dans une communication interne à la Commission constituait un manquement à l’article 12 du statut. L’AIPN a en effet estimé que la formulation du passage de la note du 20 juillet 2012 contenant les propos injurieux laissait entendre que le requérant partageait ces propos qu’il avait présentés comme ayant été prétendument émis par des tiers. Selon l’AIPN, en toute hypothèse, le simple fait de diffuser ces injures, mot pour mot, traduisait un manque de respect à l’égard de M. A.
30 Le 11 juillet 2014, le requérant a introduit une réclamation sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut à l’encontre de la décision litigieuse. Cette réclamation a été complétée par une note du 15 juillet 2014. La réclamation a été rejetée par décision de l’AIPN du 28 octobre 2014, reçue par le requérant le 30 octobre suivant. »
Procédure en première instance et arrêt attaqué
3 Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique le 9 février 2015, enregistrée sous la référence F-23/15, le requérant a demandé, en substance, l’annulation de la décision de la Commission du 15 avril 2014 lui infligeant la sanction disciplinaire du blâme (ci-après la « décision litigieuse ») et la condamnation de celle-ci aux dépens.
4 À l’appui de son recours en première instance, tendant à l’annulation de la décision litigieuse, le requérant a avancé quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation des règles de procédure applicables aux enquêtes administratives et d’une violation des droits de la défense, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation des faits à l’origine de la décision litigieuse, en l’occurrence la note du 20 juillet 2012, le troisième, à titre subsidiaire, d’une violation du principe de proportionnalité et, le quatrième, également soulevé à titre subsidiaire, d’une violation des règles de procédure et des droits de la défense dans le déroulement de la procédure disciplinaire au sens large ainsi que des principes de sécurité juridique et de bonne administration et, en particulier, du principe du respect du délai raisonnable, ce moyen étant également soulevé au soutien d’une demande indemnitaire.
5 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours.
6 S’agissant du premier moyen, tiré d’une violation des règles de procédure applicables aux enquêtes administratives et d’une violation des droits de la défense, le Tribunal de la fonction publique a considéré ce qui suit :
« 47 Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, que les moyens dirigés directement contre l’acte faisant grief soulevés devant le juge de l’Union l’aient déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée. Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle-ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, points 71 et 72 et jurisprudence citée).
48 En outre, la mise en œuvre de la règle de concordance entre la requête et la réclamation ainsi que son contrôle par le juge de l’Union doivent garantir l’entier respect simultanément, d’une part, du principe de protection juridictionnelle effective, lequel constitue un principe général du droit de l’Union, exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, afin que l’intéressé puisse être en mesure de contester valablement une décision de l’AIPN lui faisant grief, et, d’autre part, du principe de sécurité juridique, afin que l’AIPN soit en mesure de connaître, dès le stade de la réclamation, les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 82).
49 En l’espèce, il y a lieu de relever que les deux premiers griefs du requérant concernent respectivement l’absence de décision portant ouverture d’une enquête administrative et définissant l’objet et la portée de celle-ci et le fait que le requérant n’a pas été tenu informé dès l’ouverture de l’enquête administrative, en violation de l’article 4, paragraphes 1, 3 et 4, des DGE 2004.
50 Or, force est de constater que ni l’un ni l’autre de ces griefs n’ont été soulevés dans la réclamation. En effet, il suffit d’observer que, dans la partie 1.1 de la réclamation intitulée “Respect sous-optimal du mandat de l’enquête de la part de l’IDOC” (“Suboptimal respect of the investigation mandate by the IDOC”) et consacrée à de prétendus vices de procédure, à aucun moment le requérant n’allègue que l’IDOC ne disposait pas d’un mandat. Au contraire, en se plaignant de ce que l’IDOC n’a pas respecté son mandat d’enquête, le requérant présuppose l’existence d’un tel mandat. S’il est exact que le requérant affirme, toujours dans la partie 1.1 de sa réclamation, que les procédures de l’IDOC n’ont pas été respectées, il est clair que cette affirmation, qui est précédée par les termes “[c]e faisant” (“[b]y doing so”), se réfère uniquement à l’allégation du requérant concernant l’absence d’un examen approfondi par l’IDOC des raisons de son comportement. En tout état de cause, cette affirmation n’indique pas de manière suffisamment claire et univoque que le requérant soulevait une violation de l’article 4, paragraphes 1, 3 et 4, des DGE 2004.
51 Dans ses observations du 6 janvier 2016, le requérant prétend que, dans la partie 1.1 de sa réclamation, il se plaignait du non-respect des règles de procédure en matière d’enquête, en se référant expressément au “Manuel de l’[IDOC]”. Dans la mesure où les DGE 2004 reproduiraient substantiellement les articles 2 et 3 du statut, le requérant considère s’être référé implicitement aux DGE 2004 en citant lesdites dispositions du statut.
52 De prime abord, il convient de noter que, comme la Commission l’a reconnu dans ses observations du 6 janvier 2016 suite à la réouverture de la procédure orale, les DGE 2004 ne se limitent pas à reproduire les dispositions pertinentes du statut, mais confèrent aux personnes concernées des droits supplémentaires que le statut ne prévoit pas expressément. Puisque les actes des institutions bénéficient d’une présomption de légalité et que la partie requérante supporte la charge de la preuve de l’éventuelle illégalité de l’acte qu’elle attaque, l’allégation par un fonctionnaire de la Commission d’une violation d’une disposition statutaire n’inclut pas l’allégation de la violation de la disposition pertinente des DGE 2004, à moins que cette seconde allégation puisse être clairement identifiée dans les termes de la réclamation, elle-même interprétée dans un esprit d’ouverture (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Murariu/AEAPP, F‑116/14, EU:F:2015:89, point 54).
53 Dans le cas présent, s’il est exact que le requérant s’est référé explicitement au “Manuel de l’[IDOC]” dans la partie 1.1 de sa réclamation, il s’est limité à relever un “manque de professionnalisme de la part de l’IDOC” dans l’exécution de son mandat et le “non-respect des procédures de l’IDOC en vigueur”.
54 À cet égard, il convient de constater que la requête ne fait aucunement mention du soi-disant “manque de professionnalisme de la part de l’IDOC” ni des arguments qui avaient été soulevés à l’appui de cette affirmation. Quant au “Manuel de l’[IDOC]”, que le requérant a produit en annexe à ses observations du 6 janvier 2016, il s’agit d’un document de 177 pages qui règle de manière détaillée le déroulement de la procédure disciplinaire au sein de la Commission. Par conséquent, la référence vague et générale au non-respect des procédures de l’IDOC figurant dans la partie 1.1 de la réclamation ne suffisait nullement pour permettre à l’AIPN de comprendre que le requérant souhaitait soulever les deux premiers griefs du présent moyen.
55 Enfin, dans ses observations du 6 janvier 2016, le requérant ne soutient pas que la méconnaissance de l’obligation pour l’AIPN d’adopter une décision désignant le responsable de l’enquête et définissant l’objet et la portée de celle-ci et de celle de tenir le requérant informé de l’ouverture de l’enquête pourrait aboutir à l’annulation de la décision litigieuse, ayant limité son analyse aux troisième et quatrième griefs du présent moyen (voir points 59 et suivants du présent arrêt).
56 Il échet donc de constater que l’AIPN, même en examinant la réclamation dans un esprit d’ouverture, comme elle y est obligée selon la jurisprudence, ne pouvait interpréter celle-ci comme soulevant des violations de l’article 4, paragraphes 1, 3 et 4, des DGE 2004, dispositions qui n’y sont citées ni explicitement ni par le biais d’une référence à leur contenu.
57 Il s’ensuit que les premier et deuxième griefs du premier moyen doivent être rejetés comme étant irrecevables.
58 Par ses troisième et quatrième griefs, le requérant prétend, premièrement, que, en violation de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 4, paragraphe 4, des DGE 2004, l’enquête administrative n’a pas été menée à décharge et, deuxièmement, qu’il n’a pas pu présenter des observations sur les faits le concernant, observations dont les conclusions de la note d’analyse du 15 janvier 2013 auraient dû faire état.
59 Dans ses observations du 6 janvier 2016, le requérant soutient avoir expressément soulevé dans sa réclamation l’obligation pour l’AIPN de mener une enquête à charge et à décharge. Or, il ressort de la lecture de la réclamation que, même si le requérant ne mentionne pas expressément l’article 3, paragraphe 2, des DGE 2004, il affirme clairement dans la partie 1.1 de celle-ci la nécessité qu’une enquête fasse la lumière tant sur les circonstances atténuantes que sur les circonstances aggravantes. Il s’ensuit que le troisième grief du premier moyen est recevable.
60 Il en est de même du quatrième grief du premier moyen. En effet, comme il l’a relevé dans ses observations du 6 janvier 2016, le requérant se plaignait dans la partie 1.2 de sa réclamation de ce qu’il aurait été privé de la possibilité de présenter des observations sur les faits qui lui ont été reprochés avant l’ouverture de la procédure disciplinaire qui est régie par l’article 3 de l’annexe IX du statut. Il s’ensuit que le quatrième grief du premier moyen est également recevable.
61 Pour ce qui concerne l’examen du fond des troisième et quatrième griefs, qui seront traités ensemble, il convient de constater d’emblée que le requérant soulève des violations dans le déroulement de la procédure qui a précédé la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire prévue à l’article 3 de l’annexe IX du statut, mais qu’il ne conteste pas que l’AIPN a établi un rapport d’enquête, et qu’il reconnaît que la note du 15 janvier 2013 “pourrait être assimilé[e] à un rapport d’enquête administrative dans lequel il est conclu que le requérant aurait enfreint l’article 12 du statut”.
62 Ensuite, le Tribunal constate, d’une part, que ni l’AIPN ni l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) n’ont effectué d’enquête et que, pour adopter la décision litigieuse, l’AIPN s’est basée exclusivement sur la note du 20 juillet 2012 et, d’autre part, que le requérant n’a pas été mis en mesure de s’exprimer sur les faits avant l’établissement de la note d’analyse du 15 janvier 2013.
63 Il y a donc lieu d’examiner si, au regard des dispositions statutaires applicables des DGE 2004 et de la jurisprudence, il était loisible à la Commission d’ouvrir une procédure disciplinaire sans qu’une procédure administrative d’enquête ait été menée au préalable.
Sur la nécessité d’effectuer une enquête administrative avant d’ouvrir une procédure disciplinaire
64 La Commission souligne dans son mémoire en défense que l’article 86 du statut prévoit que l’AIPN ou l’OLAF “peuvent” ouvrir une enquête administrative, en vue de “vérifier” l’existence d’un manquement aux obligations statutaires d’un fonctionnaire ou agent. En outre, elle a précisé, lors de l’audience, que, lorsque les faits sont clairs, leur établissement perd sa raison d’être et que l’IDOC peut enquêter sans mandat afin de recueillir le minimum de faits précis et concordants nécessaires pour ouvrir une procédure disciplinaire.
65 Toutefois, sans qu’il soit nécessaire d’établir si l’article 86 du statut permet ou non à l’AIPN d’ouvrir une procédure disciplinaire sans avoir effectué une enquête administrative, il y a lieu de constater que l’exigence d’effectuer une telle enquête découle des DGE 2004.
66 À cet égard, la Commission prétend que les DGE 2004 prévoient deux catégories d’enquêtes administratives menées par l’AIPN, une première à laquelle s’appliqueraient l’article 2, paragraphe 1, et les articles 3 et 4 desdites DGE et une seconde catégorie pour laquelle ces dispositions ne s’appliqueraient pas.
67 Cet argument est pour le moins surprenant. Si, en établissant la note d’analyse du 15 janvier 2013, l’IDOC n’exerçait pas les compétences qui lui ont été conférées par l’article 2, paragraphe 1, des DGE 2004, il s’ensuivrait que l’IDOC aurait agi sans aucune compétence et que ladite note serait nulle et non avenue. Il s’ensuivrait également que, lorsqu’elle a décidé d’ouvrir la procédure disciplinaire à l’égard du requérant, l’AIPN n’aurait disposé d’aucun “rapport d’enquête”, alors que les parties s’accordent pour considérer que la note d’analyse du 15 janvier 2013 constitue le rapport d’enquête sur la base duquel l’AIPN a pris la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire conformément à l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut. Ainsi, comme l’a fait remarquer la Commission, le requérant assimile la note d’analyse du 15 janvier 2013 à un rapport d’enquête administrative dans lequel il est conclu que le requérant aurait enfreint l’article 12 du statut. La Commission ne peut donc pas prétendre à la fois que ladite note constitue et ne constitue pas le rapport d’une “enquête” au sens de l’article 2, paragraphe 1, des DGE 2004.
68 Si la note d’analyse du 15 janvier 2013 constitue le “rapport d’enquête” sur lequel l’AIPN s’est fondée pour ouvrir la procédure disciplinaire à l’encontre du requérant, il s’ensuit que les règles établies aux articles 3 et 4 des DGE 2004 étaient d’application. Notamment, l’enquête aurait dû être menée “de manière approfondie [et] à charge et à décharge” et le requérant aurait dû avoir été mis “en mesure d’exprimer son avis au sujet de l’ensemble des faits le concernant”, avis dont les conclusions de ladite note valant rapport d’enquête auraient nécessairement dû faire état en vertu respectivement de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 4, paragraphe 4, des DGE 2004.
69 En outre, contrairement à ce que prétend la Commission, l’article 6, paragraphe 2, des DGE 2004, qui dispose que, “[s]i le cas soumis […] a donné lieu à une enquête administrative préalable, les fonctionnaires ayant mené cette enquête ne peuvent représenter l’AIPN”, ne démontre nullement que les DGE 2004 permettent à l’AIPN de se passer d’une enquête administrative au sens de l’article 2, paragraphe 1, de celles-ci. Selon son intitulé, l’article 6 des DGE 2004 concerne la “[r]eprésentation de l’AIPN devant le conseil de discipline” qui est assurée, d’après le paragraphe 1 dudit article, “par le directeur de l’IDOC ou son suppléant”.
70 Il ressort de l’article 6 des DGE 2004, lu dans son ensemble, que son paragraphe 2 se réfère uniquement à des enquêtes administratives menées par l’AIPN, à l’exclusion de celles menées par l’OLAF. En effet, puisque c’est l’IDOC qui assure la représentation de l’AIPN devant le conseil de discipline, il n’est pas nécessaire de prévoir que les fonctionnaires de l’OLAF ne peuvent pas représenter l’AIPN. Dans la mesure où l’“enquête administrative préalable” visée au paragraphe 2 de cet article ne peut être entendue que comme se référant à une enquête administrative préalablement menée par l’AIPN, il s’ensuit qu’il existe bel et bien d’autres cas, à savoir ceux dans lesquels le rapport d’enquête a été établi par l’OLAF, conformément à l’article 1er de l’annexe IX du statut. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’article 4, paragraphe 2, des DGE 2004 impose au directeur général du personnel et de l’administration de la Commission de consulter l’OLAF avant de décider d’ouvrir, ou non, une enquête.
71 Il en résulte que l’article 6, paragraphe 2, des DGE 2004 confirme, comme le soutient la Commission, l’existence de cas dans lesquels la procédure disciplinaire n’est pas précédée d’une enquête administrative “au sens de l’article 2, paragraphe 1, des DG[E 2004]”, à savoir ceux où ladite enquête est menée par l’OLAF. En revanche, cette disposition ne démontre pas que l’AIPN a la possibilité d’ouvrir une procédure disciplinaire sans qu’une enquête administrative ait été menée soit par l’OLAF, soit par l’IDOC conformément aux articles 2, 3 et 4 des DGE 2004.
Sur la pertinence de la jurisprudence invoquée par la Commission
72 La Commission se réfère à l’arrêt Z (EU:F:2012:171) et, en particulier, aux points 266 à 270 de cet arrêt, pour soutenir que, “avant d’entendre le fonctionnaire au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut”, l’AIPN a pour unique obligation d’informer l’intéressé de “la fin de l’enquête” et de lui communiquer “les conclusions du rapport d’enquête”.
73 À cet égard, le Tribunal relève qu’au point 266 de l’arrêt Z (EU:F:2012:171) il a été jugé qu’“aucune disposition applicable ne prévoit que cette enquête doit être menée à charge et à décharge”. Toutefois, ce constat ne concerne que les dispositions de l’annexe IX du statut, qui effectivement n’établissent pas une telle exigence, et n’est d’aucune pertinence dans le cadre de la présente affaire où la question posée est celle de savoir si la Commission a respecté ou non les DGE 2004, lesquelles n’étaient pas applicables dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Z (EU:F:2012:171) où la partie défenderesse était la Cour de justice. Il en est de même pour le constat, au point 268 du même arrêt, selon lequel, “dès lors qu[e l’AIPN] estimait que [les éléments de preuves produits] étaient suffisants pour lui permettre d’apprécier la réalité des faits allégués et les circonstances entourant ces derniers, il lui était loisible d’ouvrir la procédure disciplinaire”, car ce constat ne concerne pas non plus les DGE 2004.
74 Ensuite, à l’appui de sa thèse selon laquelle elle ne serait pas obligée d’appliquer l’article 2, paragraphe 1, ni les articles 3 et 4 des DGE 2004 “lorsque les faits sont établis à la lecture des documents remis à l’administration”, la Commission évoque l’arrêt Nanopoulos (EU:F:2010:43) et, en particulier, les points 205 et 206 de celui-ci. La Commission a notamment affirmé lors de l’audience que les DGE 2004 sont “pratiquement identiques” à celles en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Nanopoulos (EU:F:2010:43).
75 Or, l’arrêt Nanopoulos (EU:F:2010:43) est sans la moindre pertinence pour l’interprétation des DGE 2004. Premièrement, comme le Tribunal l’a constaté au point 204 de l’arrêt Nanopoulos (EU:F:2010:43), à propos du statut dans la version qui était applicable aux faits de l’espèce, “ni l’article 87 du statut ni l’annexe IX du statut n’impos[ai]ent la réalisation d’une enquête administrative avant que l’administration ne décide d’ouvrir une procédure disciplinaire”. En effet, les dispositions statutaires concernant la procédure disciplinaire qui étaient applicables dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Nanopoulos (EU:F:2010:43) étaient radicalement différentes de celles qui s’appliquent dans la présente affaire. Lesdites dispositions statutaires ne prévoyaient notamment pas que l’AIPN ne pouvait décider de l’ouverture, ou non, d’une procédure disciplinaire que “[s]ur la base du rapport d’enquête […] et après […] avoir entendu” le fonctionnaire concerné, comme le prévoit l’actuel article 3 de l’annexe IX du statut.
76 En outre, l’affirmation de la Commission selon laquelle les DGE 2002 seraient “pratiquement identiques” aux DGE 2004 est inexacte. D’une part, les DGE 2002 traduisaient le fait que, dans le régime disciplinaire statutaire de l’époque, l’organisation d’une enquête administrative préalablement à l’ouverture d’une procédure disciplinaire n’était que facultative pour l’AIPN, alors que les DGE 2004 reflètent le libellé de l’actuel article 3 de l’annexe IX du statut cité au point précédent du présent arrêt.
77 D’autre part, les DGE 2002 ne contenaient pas non plus de définition de la notion d’“enquête”, ni ne prévoyaient l’adoption d’une décision formelle portant ouverture d’une telle enquête et en définissant l’objet et la portée, ni ne disposaient expressément qu’une telle enquête devait être menée “de manière approfondie, à charge et à décharge”. En précisant et en renforçant les droits procéduraux des fonctionnaires, ces dispositions reflètent la réforme du régime statutaire mise en œuvre par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO 2004, L 124, p. 1), et la Commission ne saurait valablement interpréter les DGE 2004 à la lumière du régime statutaire qui était applicable auparavant.
78 Par ailleurs, la question soumise à l’appréciation du Tribunal dans le cadre du moyen invoqué par le requérant dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Nanopoulos (EU:F:2010:43) n’était pas celle de savoir si l’AIPN pouvait ouvrir une procédure disciplinaire sans procéder préalablement à une enquête administrative, mais celle de savoir si, en se basant sur un rapport intérimaire du service d’audit interne de la Commission et un rapport d’Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne, l’AIPN disposait, ou non, d’“éléments suffisamment précis et pertinents”.
79 Enfin, contrairement à ce qu’a soutenu la Commission lors de l’audience, le Tribunal n’a […] examiné les DGE 2004 ni dans l’arrêt du 11 septembre 2013, de Brito Sequeira Carvalho/Commission (F‑126/11, EU:F:2013:126), ni dans l’arrêt du 15 octobre 2014, de Brito Sequeira Carvalho/Commission (F‑107/13, EU:F:2014:232).
80 En effet, comme il a été constaté au point 52 du présent arrêt, si le requérant ne soulève pas, de manière suffisamment claire, une violation d’une disposition des DGE 2004 qui confère des droits supplémentaires que le statut ne prévoit pas expressément, le Tribunal ne sera pas saisi d’une telle violation du seul fait que le requérant aura soulevé une violation de la disposition équivalente du statut. Or, tel était le cas en l’espèce. Les termes “dispositions générales d’exécution” ne figurent nulle part dans les deux arrêts mentionnés au point précédent, ni dans la partie “Cadre juridique”, ni dans les parties consacrées aux arguments des parties, ni non plus dans celles consacrées à l’appréciation du Tribunal. Dans ces circonstances, les déclarations répétées de la Commission lors de l’audience, affirmant que le Tribunal avait déjà examiné les DGE 2004 dans l’arrêt du 15 octobre 2014, de Brito Sequeira Carvalho/Commission (F‑107/13, EU:F:2014:232), sont inexactes.
81 À ce propos, le point 123 de l’arrêt du 11 septembre 2013, de Brito Sequeira Carvalho/Commission (F‑126/11, EU:F:2013:126), auquel la Commission se réfère pour appuyer sa thèse selon laquelle elle peut ouvrir une procédure disciplinaire sans procéder à une enquête administrative conformément aux articles 2 à 4 des DGE 2004, ne peut valablement être invoqué. Ce point se lit certes en partie comme suit : “rien n’interdit à l’administration de réaliser une telle enquête sous la forme d’un simple examen des faits ayant été portés à sa connaissance sans adopter de mesures supplémentaires”. Toutefois, dans le cadre de ladite affaire, le Tribunal était appelé à n’interpréter que les dispositions du statut, et notamment celles de son annexe IX, et n’a donc pas pu se prononcer sur l’interprétation des DGE 2004, ce qu’il n’a d’ailleurs pas fait.
Conclusion quant à l’application des articles 3, paragraphe 2, et 4, paragraphe 4, des DGE 2004
82 Il résulte de ce qui précède que, en n’ayant pas mené une enquête administrative à charge et à décharge et en ayant tiré des conclusions se rapportant nommément au requérant sans l’avoir mis en mesure d’exprimer son avis et, partant, sans faire état de l’avis du requérant dans la note d’analyse du 15 janvier 2013, la Commission a méconnu les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 4, paragraphe 4, des DGE 2004, dont ni la pertinence ni le bien-fondé n’ont été contestés par le requérant dans ses observations du 6 janvier 2016.
– Conséquences de l’irrégularité commise par la Commission
83 Il est de jurisprudence constante que, pour qu’une irrégularité procédurale puisse justifier l’annulation d’un acte, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex, T‑653/13 P, EU:T:2015:652, point 21 et jurisprudence citée).
84 Quant à la méconnaissance par la Commission de son obligation de mener une enquête à décharge, le requérant se plaint de ce que ni lui, ni M. A, ni les autres personnes mentionnées dans la note d’analyse du 15 janvier 2013 n’ont été entendus par l’IDOC. Ladite note n’aurait pas fait état non plus de ses allégations quant au non-respect du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil (JO 2012[,] L 298, p. 1), ou du “contexte plus large” dans lequel sa note du 20 juillet 2012 a été envoyée.
85 À cet égard, il convient de rappeler que le seul fait qui a été retenu à l’encontre du requérant par l’AIPN était l’utilisation d’un langage inconvenant comportant des injures dans un contexte professionnel. Dans les circonstances particulières de l’espèce, il n’aurait été d’aucune nécessité, ni non plus d’aucune utilité, d’entendre le requérant, M. A ou les autres destinataires en copie de la note du 20 juillet 2012 pour pouvoir constater que le requérant avait effectivement employé les propos injurieux dans un contexte dont le caractère professionnel n’a pas été contesté.
86 Quant au contexte factuel dans lequel la note du 20 juillet 2012 a été envoyée, l’allégation du requérant manque en fait. La partie II, intitulée “Faits”, de la note d’analyse du 15 janvier 2013 explique sommairement le cadre factuel de l’envoi de la note du 20 juillet 2012 et fait explicitement référence à la note de M. A du 16 juillet 2012, laquelle cite en “[o]bjet” les ordonnances du Tribunal de l’Union européenne du 23 mars 2012, mentionnées au point 8 du présent arrêt, suite auxquelles les services compétents de la Commission avaient poursuivi le recouvrement des dépens récupérables auprès du requérant (voir point 16 du présent arrêt).
87 En outre et en tout état de cause, s’il est exact que le requérant n’a pas pu s’exprimer sur le contexte dans lequel s’inscrivait la note du 20 juillet 2012 ni faire des observations quant aux conclusions tirées par l’IDOC dans la note d’analyse du 15 janvier 2013 avant l’adoption de celle-ci, le requérant a pu le faire lors de l’audition au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut tenue le 2 mai 2013. À cette occasion, d’après la déclaration écrite préparée par le requérant et lue lors de son audition, il s’était adressé auparavant “directement au [p]résident, au [s]ecrétaire général, à l’OLAF, [à] l’IAS et à d’autres instances compétentes […] dans le plus strict respect des dispositions des articles 22 [bis] et 22 [ter] du [s]tatut”, et la note du 20 juillet 2012 s’inscrivait dans le même contexte. Or, il est évident que la transmission à onze membres de la haute hiérarchie de l’institution d’injures extrêmement graves concernant M. A, alors que le requérant a refusé de manière répétée et absolue d’identifier les personnes qui les auraient prononcées, n’était nullement justifiée par l’accomplissement par le requérant de ses devoirs prévus aux articles 22 bis et 22 ter du statut, ce que d’ailleurs le requérant a admis à l’audience.
88 Qui plus est, en n’examinant pas de manière plus large le contexte factuel dans lequel la note du 20 juillet 2012 avait été envoyée, l’IDOC a fait abstraction de toute une série de faits qui auraient pu l’amener à retenir d’autres violations statutaires. À titre d’exemple, de toutes les injures contenues dans la note du 20 juillet 2012 (voir point 17 du présent arrêt), l’IDOC n’a retenu que les deux […] plus choquantes, alors que certains autres passages de cette note auraient pu faire l’objet d’une enquête administrative à eux seuls. En outre, l’IDOC n’a pas pris en compte le fait que les échanges entre M. A et le requérant concernaient notamment le refus de ce dernier de donner exécution à deux ordonnances du Tribunal de l’Union européenne.
89 De manière générale, le requérant soutient que, “[s]i les règles régissant les enquêtes administratives avaient été scrupuleusement respectées, il ne p[ouvait] être exclu que [son] dossier […] aurait pu être classé sans suite, sauf à considérer qu’une sanction à [son] égard […] avait été décidée à l’avance et que l’administration aurait voulu abus[er] de ses pouvoirs”.
90 Étant donné la nature des faits établis sur la base de la seule note du 20 juillet 2012 et la gravité de la violation de ses obligations statutaires par le requérant qui en ressort, rien dans le dossier n’indique que le respect par la Commission des règles de procédure prévues à l’article 3, paragraphe 2, et à l’article 4, paragraphe 4, des DGE 2004 aurait pu amener celle-ci à classer sans suite le dossier disciplinaire du requérant. D’ailleurs, et contrairement à ce qu’a affirmé la Commission lors de l’audience, dans des circonstances comme celles de l’espèce, l’institution a un devoir en vertu des articles 24 et 86 du statut de prendre les mesures nécessaires pour défendre ses agents contre des comportements comme celui que le requérant a eu envers M. A et le cas échéant ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de l’auteur de tels comportements (voir infra point 105 du présent arrêt).
91 En outre, si, comme prétend le requérant, l’AIPN avait décidé à l’avance de lui imposer une sanction disciplinaire et l’administration avait voulu abuser de ses pouvoirs – allégations qui ne sont nullement étayées par le requérant ni dans le cadre du présent grief ni ailleurs dans ses écrits –, le Tribunal voit difficilement comment le respect des règles de procédure établies à l’article 3, paragraphe 2, et à l’article 4, paragraphe 4, des DGE 2004 aurait pu l’empêcher de procéder ainsi.
92 Il s’ensuit que, dans les circonstances particulières de l’espèce, le Tribunal estime qu’il n’est pas établi que le respect par la Commission de son obligation de mener une enquête administrative à charge et à décharge ou de permettre au requérant de s’exprimer sur les conclusions tirées à son égard par l’IDOC dans sa note d’analyse du 15 janvier 2013 avant l’adoption de celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent.
93 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble. »
7 S’agissant du deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste dans l’appréciation des faits à l’origine de la décision litigieuse, le Tribunal de la fonction publique a considéré, en substance, que ce moyen, n’ayant pas été évoqué dans la réclamation et ne se rattachant à aucun des arguments figurant dans la réclamation, était irrecevable et devait par conséquent être rejeté.
8 Concernant le troisième moyen, présenté à titre subsidiaire et tiré d’une violation du principe de proportionnalité, en ce que la sanction serait manifestement disproportionnée par rapport à la gravité des faits retenus, le Tribunal de la fonction publique a considéré, en substance, que les allégations avancées à l’appui de ce moyen étaient, pour partie, dépourvues de tout fondement et, pour partie, irrecevables, dans la mesure où certaines d’entre elles n’avaient pas été invoquées par le requérant au stade de la réclamation administrative.
9 Enfin, s’agissant du quatrième moyen, présenté également à titre subsidiaire et tiré d’une violation des règles de procédure et des droits de la défense dans le déroulement de la procédure disciplinaire au sens large ainsi que des principes de sécurité juridique et de bonne administration et, en particulier, du principe du respect du délai raisonnable, le Tribunal de la fonction publique a considéré en substance que le requérant n’avait pas établi que le délai raisonnable avait été méconnu et qu’il ne pouvait revendiquer le bénéfice d’aucune confiance légitime quant au fait que la procédure disciplinaire ne serait pas ouverte. Le Tribunal de la fonction publique a également rejeté la demande indemnitaire au soutien de laquelle ce moyen était également soulevé par le requérant, d’une part, en raison, en substance, de l’absence de demande autonome de réparation de son préjudice moral formulée par le requérant et, d’autre part, en l’absence de présentation de tout élément de preuve dudit préjudice.
Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties
10 Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 28 mai 2016, le requérant a formé le présent pourvoi.
11 La Commission a présenté un mémoire en réponse dans le délai imparti.
12 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 14 septembre 2016, le requérant a formulé une demande au titre de l’article 207, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal aux fins d’être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.
13 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois), s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a décidé de statuer sur le présent pourvoi sans phase orale de la procédure.
14 Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette la demande d’annulation de la décision litigieuse ;
– renvoyer l’affaire au Tribunal de la fonction publique ;
– condamner la Commission aux dépens.
15 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le pourvoi ;
– à titre subsidiaire, lui adjuger ses conclusions présentées en première instance ;
– condamner le requérant aux dépens des deux instances.
Sur le pourvoi
16 Le requérant avance cinq moyens à l’appui de son pourvoi.
17 Le premier moyen est tiré d’une dénaturation des faits et des éléments de preuve ainsi que d’une contradiction de motifs, commises par le Tribunal de la fonction publique en ce qui concerne les allégations du requérant relatives à l’absence de rapport d’enquête administrative au sens des articles 2 à 4 de la décision C(2004) 1588 de la Commission, du 28 avril 2004, relative aux dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, publiée aux Informations administratives n° 86‑2004, du 30 juin 2004 (ci-après les « DGE de 2004 »).
18 Par son deuxième moyen, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une erreur de droit en n’annulant pas la décision disciplinaire dont il a fait l’objet alors que celle-ci n’était pas fondée sur une enquête administrative au sens des DGE de 2004.
19 Le troisième moyen est pris d’une contradiction de motifs, d’une violation de l’obligation de motivation, d’une dénaturation des éléments de fait et de preuve, d’une violation de l’article 4, paragraphe 4, des DGE de 2004, d’une violation de l’article 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et du principe de la séparation des pouvoirs entre les autorités judiciaires et administratives, d’une violation de l’interdiction de statuer ultra petita, du principe du contradictoire et du principe de non-discrimination et, enfin, de diverses erreurs de droit résultant des irrégularités commises par la Commission au cours de la procédure administrative.
20 Le quatrième moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une violation du principe du contradictoire, commises par le Tribunal de la fonction publique en ce qu’il aurait mal interprété l’article 24 du statut et l’article 10 de l’annexe IX du statut.
21 Enfin, au soutien de son cinquième moyen, présenté à titre subsidiaire, le requérant fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé les faits et les éléments de preuve, a violé l’obligation de motivation et a commis une erreur de droit en ce qui concerne le respect du délai raisonnable en matière disciplinaire.
Sur le premier moyen
Arguments des parties
22 À l’appui de son premier moyen, en premier lieu, le requérant fait valoir en substance que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé son argumentation en considérant, aux points 61 et 67 de l’arrêt attaqué, qu’il ne contestait pas le fait que l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») avait établi un rapport d’enquête et avait admis que la note d’analyse du 15 janvier 2013 pouvait être assimilée à un rapport d’enquête, alors que son argumentation visait au contraire, à titre principal, à reprocher à la Commission de ne pas avoir établi un tel rapport d’enquête.
23 Le requérant observe que la Commission elle-même a toujours affirmé, d’une part, qu’il n’y avait pas eu d’enquête administrative, car celle-ci ne s’imposait pas si les faits étaient établis à la lecture des documents remis à l’administration, et, d’autre part, que la note d’analyse n’était pas un rapport d’enquête.
24 En second lieu, le requérant considère que la motivation de l’arrêt attaqué est contradictoire, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique considère simultanément, d’une part, que le requérant ne conteste pas le fait qu’il y ait eu une enquête (point 61 de l’arrêt attaqué) et, d’autre part, qu’il n’y a pas eu d’enquête, ni de la part de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) ni de celle de l’AIPN (point 62 de l’arrêt attaqué).
25 La Commission conteste cette argumentation.
Appréciation du Tribunal
26 Premièrement, il convient de constater que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique considère :
– que « le requérant fait valoir […] que la note d’analyse du 15 janvier 2013 peut être assimilée à un rapport d’enquête administrative dans lequel il serait conclu qu’il aurait enfreint l’article 12 du statut » (point 38 de l’arrêt attaqué) ;
– qu’« il convient de constater d’emblée que le requérant […] ne conteste pas [le fait] que l’AIPN a établi un rapport d’enquête et qu’il reconnaît que la note du 15 janvier 2013 “pourrait être assimilée à un rapport d’enquête administrative” » (point 61 de l’arrêt attaqué) ;
– que « les parties s’accordent pour considérer que la note d’analyse du 15 janvier 2013 constitue le rapport d’enquête sur la base duquel l’AIPN a pris la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire » (point 67 de l’arrêt attaqué).
27 Deuxièmement, il y a lieu de relever que, aux points 45 et 46 de la requête déposée devant le Tribunal de la fonction publique, le requérant a indiqué ce qui suit :
« 45. [… L]e dossier [de la Commission] fait apparaître que l’IDOC a établi une note au dossier du 15 janvier 2013 […]
46. Ce document pourrait être assimilé à un rapport d’enquête administrative dans lequel il est conclu que le requérant aurait enfreint l’article 12 du statut. »
28 Troisièmement, par une mesure d’organisation de la procédure communiquée au requérant le 12 mars 2015, le Tribunal de la fonction publique lui a posé diverses questions, dont la question suivante :
« Alors que, dans sa réclamation, le requérant se plaint de ce que l’IDOC aurait procédé sans avoir établi de rapport d’enquête au sens de l’article 2 de l’annexe IX du statut (annexe A8/76), dans sa requête (point 46), il soutient que la note au dossier du 15 janvier 2013 “pourrait être assimilée à un rapport d’enquête administrative”. Est-ce que ce moyen respecte la règle de concordance établie par la jurisprudence ? »
29 En réponse à cette question, le requérant a indiqué ce qui suit par acte déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique le 30 mars 2015 :
« 54. Le requérant estime que l’omission de procéder à une enquête administrative à part entière par l’IDOC a fortement porté atteinte à ses droits de la défense.
55. Cela dit, dans le cadre de son premier moyen portant sur la violation des règles de procédure applicables aux enquêtes administratives et de ses droits de la défense, le requérant a toutefois pu constater que ladite note au dossier du 15 janvier 2013 pourrait dans les faits être assimilée à un rapport d’enquête administrative bien qu’un tel document soit irrégulier à divers points de vue comme développé par le requérant dans sa requête.
56. Cela ne signifie nullement que le requérant ait pu être d’accord avec une telle pratique irrégulière ou qu’il considérerait que ladite note constituerait un rapport d’enquête au sens de l’article 2 de l’annexe IX du statut. Le rapport prévu au début de l’article 3 de l’annexe IX du statut fait cruellement défaut et son absence représente à l’évidence un exemple de mauvaise administration et une violation des règles de procédure applicables aux enquêtes administratives.
La note du 15 janvier 2013 n’est autre qu’une fiche d’évaluation sur la pertinence (ou non) de mener une enquête en bonne et due forme. Le requérant n’a pas du tout été informé sur cette démarche ni sur la suite qui lui a été donnée […]
58. Le requérant confirme n’avoir jamais été informé de l’existence d’une enquête en cours le concernant […] et qu’il n’a jamais vu le moindre rapport d’enquête. Par conséquent, il a bien été privé de son droit de présenter ses observations sur les faits avant la première audition pré-disciplinaire.
59. Compte tenu de ce qui précède, le premier moyen en cause respecte la règle de concordance établie par la jurisprudence. »
30 Eu égard aux explications ainsi données par le requérant, force est de constater que le Tribunal de la fonction publique ne pouvait considérer, au point 38 de son arrêt, que « le requérant fai[sai]t valoir […] que la note d’analyse du 15 janvier 2013 p[ouvai]t être assimilée à un rapport d’enquête administrative », au point 61 de ce même arrêt, que « le requérant […] ne contest[ait] pas [le fait] que l’AIPN a[vait] établi un rapport d’enquête » et, au point 67 de celui-ci, que « les parties s’accord[ai]ent pour considérer que la note d’analyse du 15 janvier 2013 constitu[ait] le rapport d’enquête sur la base duquel l’AIPN a[vait] pris la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire ».
31 Partant, il y a lieu de constater que le Tribunal de la fonction publique a effectivement dénaturé les arguments du requérant et d’accueillir le premier moyen.
Sur les deuxième et troisième moyens
Arguments des parties
32 Le requérant soutient en substance, à l’appui de son deuxième moyen, qu’il incombait au Tribunal de la fonction publique de relever d’office l’incompétence de l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) ainsi que la violation des formes substantielles que constitue, en matière disciplinaire, l’absence d’une enquête au sens des articles 2 à 4 des DGE de 2004, nonobstant le fait qu’il avait déclaré irrecevables, pour violation de la règle de concordance, les deux premiers griefs qu’il avait avancés à l’appui de son premier moyen et tirés, d’une part, de l’absence de décision portant ouverture d’une enquête administrative et donnant mandat à l’IDOC à cette fin, en violation de l’article 4, paragraphes 1 et 3, des DGE de 2004, et, d’autre part, de ce qu’il n’avait pas été dûment tenu informé de l’ouverture de l’enquête administrative, en violation de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut et de l’article 4, paragraphe 4, des DGE de 2004.
33 Selon le requérant, étant donné qu’une enquête administrative doit préalablement être ordonnée par l’AIPN et que celle-ci est obligatoire au regard des DGE de 2004, l’IDOC a, en l’espèce, agi sans compétence et la note d’analyse du 15 janvier 2013 établie par l’IDOC aurait dû être déclarée nulle et non avenue.
34 Le requérant considère que le Tribunal de la fonction publique a en outre commis une erreur de droit en considérant que la note d’analyse de l’IDOC, pourtant établie en dehors du cadre des DGE de 2004, pouvait néanmoins être considérée comme régulière et valable et constituer un rapport d’enquête sur la base duquel l’AIPN pouvait décider d’ouvrir une procédure disciplinaire.
35 Selon le requérant, une telle méconnaissance des formes substantielles devrait dès lors entraîner la nullité de la décision litigieuse en premier ressort.
36 S’agissant du troisième moyen, le requérant avance que, à supposer même que la note d’analyse puisse être assimilée à un rapport d’enquête permettant à l’AIPN d’ouvrir une procédure disciplinaire, quod non, il y a lieu de constater que le Tribunal de la fonction publique est néanmoins parvenu à la conclusion, au point 82 de l’arrêt attaqué, que, en n’ayant pas mené une enquête administrative à charge et à décharge et en ayant tiré des conclusions se rapportant nommément au requérant sans l’avoir mis en mesure d’exprimer son avis et, partant, sans faire état de l’avis du requérant dans la note d’analyse du 15 janvier 2013, la Commission a méconnu les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 4, paragraphe 4, des DGE de 2004.
37 Selon le requérant, le Tribunal de la fonction publique a toutefois considéré que, même si ces irrégularités n’étaient pas survenues, la procédure disciplinaire n’aurait pu aboutir à un résultat différent et il a par conséquent écarté le moyen tiré de la violation, d’une part, des règles de procédure applicables aux enquêtes administratives et, d’autre part, des droits de la défense.
38 Le requérant soutient que, ce faisant, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit et fait valoir plusieurs branches à l’appui de son moyen.
39 Premièrement, le requérant considère que l’arrêt attaqué est entaché d’une contradiction de motifs, dans la mesure où le Tribunal considère simultanément qu’il existe une obligation de réaliser une enquête approfondie ayant pour objet d’analyser les faits et que l’exigence d’une telle enquête approfondie n’implique pas l’obligation d’entendre le requérant (point 85 de l’arrêt attaqué).
40 Deuxièmement, le requérant soutient que l’arrêt du Tribunal de la fonction publique n’explique pas pourquoi son audition dans le cadre de l’instruction du dossier n’aurait pas été nécessaire ou utile pour appréhender la question de savoir s’il faisait siens les propos injurieux qu’il rapportait dans sa note à l’origine de la procédure disciplinaire, alors même qu’il s’en distançait expressément. L’obligation de motivation qui incombe au Tribunal de la fonction publique aurait dès lors été violée.
41 Troisièmement, le requérant avance, en substance, que l’arrêt du Tribunal de la fonction publique serait entaché d’un défaut de motivation, dans la mesure où, s’agissant de l’absence d’enquête approfondie, celui-ci ne se prononcerait pas sur les allégations du requérant relatives au non-respect par la Commission de la réglementation financière et sur l’influence que cette discussion pourrait avoir eu sur la décision d’ouverture d’une procédure disciplinaire, pas plus que sur les raisons pour lesquelles l’audition de M. A. aurait été inutile.
42 Le requérant considère en outre, s’agissant de ses allégations relatives au non-respect par la Commission de la réglementation financière, que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé le contenu de la note d’analyse, dans la mesure où il estime que cette note aurait pris en considération le contexte factuel, qui porterait sur le recouvrement des dépens relatifs aux ordonnances du 23 mars 2012, Kerstens/Commission (T‑266/08 P‑DEP, non publiée, EU:T:2012:146) et Kerstens/Commission (T‑498/09 P‑DEP, non publiée, EU:T:2012:147), alors que la note d’analyse faisait également référence à des contestations antérieures, datant de 2010, sur le recouvrement de dépens fixés unilatéralement par la Commission.
43 Quatrièmement, le requérant considère que, en jugeant qu’il n’était pas nécessaire de l’entendre au stade de l’enquête, le Tribunal de la fonction publique a violé l’article 1er de l’annexe IX du statut et l’article 4, paragraphe 4, des DGE de 2004, qui prévoit que l’IDOC doit toujours entendre au moins le fonctionnaire concerné.
44 Cinquièmement, le requérant soutient que le Tribunal de la fonction publique a statué ultra petita, lorsque, dans son arrêt, il a considéré que d’autres propos que ceux pris en considération par la Commission auraient pu être qualifiés d’injurieux et auraient dès lors pu être retenus à son encontre, ce qui constitue en outre, selon lui, d’une part, une violation du principe du contradictoire et des droits de la défense et, d’autre part, une violation du principe de non-discrimination.
45 Enfin, sixièmement, le requérant fait valoir que, pour conclure à l’absence d’incidence des irrégularités procédurales et, notamment, de l’absence d’audition du requérant par l’IDOC au stade de l’enquête, le Tribunal de la fonction publique a considéré que l’audition au stade de la procédure disciplinaire proprement dite suffisait et qu’il a ainsi commis une erreur de droit sur la portée de ces auditions distinctes, prévues par la procédure mise en place par les DGE de 2004.
46 La Commission conteste cette argumentation.
47 S’agissant en particulier du deuxième moyen, la Commission fait valoir que, bien qu’elle estime que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit aux points 64 à 82 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a considéré que la note d’analyse aurait dû être réalisée selon les règles de l’article 3 des DGE de 2004, elle considère néanmoins que cette erreur ne modifie pas la prémisse, quant à elle correcte, sur laquelle il s’est fondé, suivant laquelle la note d’analyse constituait un rapport d’enquête (point 23 du mémoire en réponse).
48 La Commission admet que, certes, les DGE de 2004 n’établissent expressément que des règles d’exécution concernant les enquêtes administratives et ne prévoient pas, du moins explicitement, que des enquêtes administratives puissent être réalisées sous une forme simplifiée. Toutefois, selon elle, ces règles ne signifient pas qu’il y ait lieu pour elle de réaliser des enquêtes approfondies dans tous les cas soumis à son appréciation et, en particulier, lorsqu’elle estime que les faits sont clairs. Ainsi, l’absence de dispositions sur la conduite d’enquêtes simplifiées n’est pas, selon elle, de nature à faire obstacle à ce qu’elles soient menées dans le respect des dispositions de l’annexe IX du statut et des principes généraux du droit, dont le respect des droits de la défense.
49 Ainsi, selon la Commission, la condition tenant à la rédaction d’un rapport avant l’ouverture d’une procédure disciplinaire a été érigée en obligation statutaire, en vertu de l’article 3 de l’annexe IX du statut, de même que l’obligation d’entendre le fonctionnaire sur les faits le concernant après enquête, mais avant que des conclusions se rapportant à lui ne soient tirées par l’AIPN, conformément à la jurisprudence, mais ledit rapport peut prendre différentes formes et, lorsque les faits sont suffisamment précis et pertinents à la lecture des pièces transmises à l’administration, et en vertu d’une lecture combinée des articles 1er et 2, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, il peut revêtir la forme d’une note d’analyse transmise au fonctionnaire avant l’audition prévue par l’article 3 de l’annexe IX du statut.
50 La Commission fait également valoir que, contrairement à ce qu’affirme le Tribunal de la fonction publique au point 67 de l’arrêt attaqué, l’IDOC a compétence pour agir en dehors du cadre des enquêtes administratives visées à l’article 2, paragraphes 1, 3 et 4, des DGE de 2004 ; il est en effet prévu à l’article 2, paragraphe 2, desdites DGE que l’IDOC peut également être chargé « d’autres enquêtes qui visent à vérifier certains faits, et cela notamment dans le cadre des articles 24, 73 et 90 du statut ».
51 Enfin, elle considère que, même à supposer que la note d’analyse ait été réalisée en violation de l’article 2, paragraphes 1, 3 et 4, des DGE de 2004, le Tribunal de la fonction publique a justement conclu que cette irrégularité ne devait pas entraîner l’annulation de la décision litigieuse, dès lors que l’absence d’enquête approfondie n’est pas substantielle lorsque, comme en l’espèce, le manquement est flagrant et qu’aucune instruction n’est nécessaire pour clarifier les faits. La Commission estime en effet que l’instruction a pour but d’établir les faits et non de les apprécier. Dans de telles conditions, la réalisation d’une enquête approfondie ne constitue pas une formalité impérative de nature à garantir les droits de la personne intéressée.
52 Il convient en outre d’observer, selon la Commission, que le requérant n’a jamais précisé quels faits auraient pu être clarifiés au cours d’une enquête approfondie.
Appréciation du Tribunal
53 L’article 86 du statut dispose ce qui suit :
« 1. Tout manquement aux obligations auxquelles le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire est tenu, au titre du […] statut, commis volontairement ou par négligence, l’expose à une sanction disciplinaire.
2. L’autorité investie du pouvoir de nomination ou l’Office européen de lutte antifraude peuvent ouvrir une enquête administrative, en vue de vérifier l’existence d’un manquement au sens du paragraphe 1, lorsque des éléments de preuve laissant présumer l’existence d’un manquement ont été portés à leur connaissance.
3. Les règles, procédures et sanctions disciplinaires, ainsi que les règles et procédures régissant les enquêtes administratives, sont établies à l’annexe IX. »
54 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, il est prévu ce qui suit :
« Dès qu’une enquête de l’OLAF révèle la possibilité qu’un fonctionnaire ou un ancien fonctionnaire d’une institution est personnellement impliqué dans une affaire, ce dernier en est tenu informé pour autant que cette information ne nuise pas au déroulement de l’enquête. En toute circonstance, des conclusions se rapportant nommément à un fonctionnaire ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que ce dernier ait été en mesure de présenter ses observations sur les faits le concernant. Les conclusions font état de ces observations. »
55 L’article 2 de l’annexe IX du statut prévoit ce qui suit :
« 1. Les règles définies à l’article 1er de la présente annexe s’appliquent mutatis mutandis aux autres enquêtes administratives effectuées par l’autorité investie du pouvoir de nomination.
2. L’autorité investie du pouvoir de nomination informe l’intéressé de la fin de l’enquête et lui communique les conclusions du rapport d’enquête et, sur sa demande et sous réserve de la protection des intérêts légitimes de tierces parties, tous les documents qui sont en rapport direct avec les allégations formulées à son encontre. »
56 Suivant l’article 3 de l’annexe IX du statut, il est prévu ce qui suit :
« Sur la base du rapport d’enquête, après avoir communiqué au fonctionnaire concerné toutes les pièces du dossier et après l’avoir entendu, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut : […] c) en cas de manquement aux obligations, conformément à l’article 86 du statut […] i) décider de l’ouverture de la procédure disciplinaire prévue à la section 4 de la présente annexe. »
57 La section 4 de l’annexe IX du statut régit la procédure disciplinaire sans consultation du conseil de discipline. L’article 11 de l’annexe IX du statut, qui y figure, dispose que « l’autorité investie du pouvoir de nomination peut décider de la sanction d’avertissement par écrit ou de blâme sans consultation du conseil » et que « le fonctionnaire concerné est préalablement entendu par l’autorité investie du pouvoir de nomination ».
58 En application de l’article 2, paragraphe 3, de l’annexe IX du statut, la Commission a adopté les DGE de 2004.
59 L’article 2, paragraphes 1 et 3, des DGE de 2004, relatif aux attributions et aux fonctions de l’IDOC, prévoit ce qui suit :
« 1. L’IDOC effectue les enquêtes administratives. Au sens des présentes dispositions, on entend par “enquêtes administratives” toutes les actions menées par le fonctionnaire mandaté qui visent à établir les faits et, le cas échéant, à déterminer s’il y a un manquement aux obligations auxquelles les fonctionnaires de la Commission sont soumis.
[…]
3. L’IDOC mène les procédures disciplinaires pour l’AIPN. »
60 Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, des DGE de 2004, il est prévu ce qui suit :
« Les enquêtes administratives sont menées de manière approfondie, à charge et à décharge, et pendant une période appropriée aux circonstances et à la complexité du cas. »
61 Suivant l’article 4 des DGE de 2004, il est prévu ce qui suit :
« 1. L’enquête administrative est ouverte soit d’initiative, soit à la demande d’un directeur général et d’un chef de service, par le Directeur général du personnel et de l’administration en accord avec le Secrétaire général.
2. Avant d’ouvrir l’enquête, le Directeur général du personnel et de l’administration consulte l’Office européen de lutte antifraude […] pour s’assurer que celui-ci ne procède pas à une enquête de son côté et n’a pas l’intention de le faire. Tant que l’OLAF conduit une enquête au sens du règlement [(CE) n° 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) (JO 1999, L 136, p. 1)], aucune enquête administrative […], portant sur les mêmes faits, ne sera ouverte.
3. La décision portant ouverture d’une enquête administrative désigne le directeur de l’IDOC ou un autre fonctionnaire responsable de l’enquête, définit l’objet et la portée de celle-ci […]
4. Dès qu’une enquête administrative met en lumière la possibilité qu’un fonctionnaire soit personnellement impliqué dans une affaire, ce dernier en est tenu informé pour autant que cette information ne nuise pas au déroulement de l’enquête. En tout état de cause, des conclusions se rapportant nommément à un fonctionnaire ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que ce dernier ait été en mesure d’exprimer son avis au sujet de l’ensemble des faits le concernant. Les conclusions feront état de cet avis.
[…]
5. L’IDOC soumet un rapport d’enquête au Directeur général du personnel et de l’administration […] Ce rapport expose les faits et circonstances en cause ; il établit si les règles et les procédures applicables à la situation ont été respectées et il détermine les éventuelles responsabilités individuelles en tenant compte des circonstances aggravantes ou atténuantes. Les copies de toutes les pièces pertinentes et des comptes rendus des auditions sont jointes au rapport.
6. Le Directeur général du personnel et de l’administration informe l’intéressé de la fin de l’enquête et lui communique les conclusions du rapport d’enquête et, sur demande, tous les documents qui sont en rapport direct avec les allégations formulées à son encontre, sous réserve de la protection des intérêts légitimes de tierces parties. »
62 Ainsi, conformément aux dispositions du statut et de l’annexe IX de celui-ci, lorsque l’AIPN est d’avis qu’un manquement à ses obligations est susceptible d’être reproché à un fonctionnaire, il lui incombe de mener une enquête administrative – diligentée par l’IDOC en ce qui concerne la Commission – qui est clôturée par un rapport d’enquête établi après que le fonctionnaire concerné a été préalablement et dûment entendu. Sur la base de ce rapport d’enquête, l’AIPN peut décider d’ouvrir la procédure disciplinaire, laquelle, s’il n’y a pas saisine du conseil de discipline, peut conduire, notamment, à l’infliction d’un blâme au fonctionnaire, lequel devra toutefois être entendu préalablement.
63 Contrairement à ce que soutient la Commission, ces dispositions n’autorisent pas l’ouverture d’une procédure disciplinaire, même sans saisine du conseil de discipline, sans qu’une enquête administrative ait été préalablement menée et sans que, à l’issue de celle-ci, un rapport d’enquête ait été établi après que le fonctionnaire concerné eut été préalablement entendu, au prétexte que les faits seraient suffisamment « clairs » pour l’institution concernée.
64 Il convient par conséquent d’approuver la conclusion à laquelle est arrivé le Tribunal de la fonction publique au point 71 de l’arrêt attaqué.
65 Il convient en outre de relever que le Tribunal de la fonction publique a constaté, aux points 62 et 87 de l’arrêt attaqué, que, en l’espèce, il n’y avait pas eu d’enquête administrative, ni de la part de l’AIPN ni de la part de l’OLAF, et que le requérant n’avait pas été entendu avant que la procédure disciplinaire ne fût entamée, ce sur quoi s’accordaient d’ailleurs les parties.
66 À cet égard, le requérant avait avancé, au soutien de son premier moyen devant le Tribunal de la fonction publique, un grief tiré de l’absence de décision portant ouverture d’une enquête administrative, que celui-ci a écarté, aux points 50 à 57 de l’arrêt attaqué, au motif que le requérant n’avait pas invoqué cette argumentation dans sa réclamation, en violation de la règle de concordance.
67 Or, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 4, paragraphe 3, des DGE de 2004, une décision portant ouverture d’une enquête administrative doit être adoptée, laquelle doit désigner le directeur de l’IDOC ou un autre fonctionnaire responsable de l’enquête et définir l’objet et la portée de celle-ci.
68 L’absence d’une telle décision constitue par conséquent la violation d’une formalité substantielle prévue par la réglementation applicable aux procédures disciplinaires.
69 Or, suivant une jurisprudence constante, la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, constitue un moyen d’ordre public, qui doit être relevé d’office par le juge de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67 ; du 30 mars 2000, VBA/Florimex e.a., C‑265/97 P, EU:C:2000:170, point 114, et du 13 décembre 2013, Hongrie/Commission, T‑240/10, EU:T:2013:645, point 70).
70 En ayant omis de relever d’office ce moyen, le Tribunal de la fonction publique a dès lors commis une erreur de droit et il y a lieu, par conséquent, d’accueillir le deuxième moyen soulevé par le requérant.
71 Enfin, le Tribunal de la fonction publique a constaté, au point 82 de l’arrêt attaqué, que, en n’ayant pas mené une enquête administrative à charge et à décharge et en ayant tiré des conclusions se rapportant nommément au requérant sans l’avoir mis en mesure d’exprimer son avis, la Commission avait méconnu les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 4, paragraphe 4, des DGE de 2004.
72 Il convient d’approuver ce constat.
73 Le Tribunal de la fonction publique a toutefois considéré, au point 92 de l’arrêt attaqué, que, dans les circonstances de l’espèce évoquées aux points 85 à 91 de l’arrêt attaqué et, en particulier, compte tenu, d’une part, d’autres injures proférées par le requérant dans sa note du 20 juillet 2012 (point 88) et, d’autre part, du fait que celui-ci n’avait, certes, pas été entendu avant l’adoption de la note d’analyse de l’IDOC, mais qu’il l’avait été après que la procédure disciplinaire avait été ouverte (point 87), il n’était pas établi que le respect par la Commission de son obligation de mener une enquête à charge et à décharge ou de permettre au requérant de s’exprimer sur les conclusions tirées par l’IDOC dans sa note d’analyse du 15 janvier 2013 avant l’adoption de celle-ci aurait pu conduire à un résultat différent de celui ayant consisté en l’adoption d’une décision lui infligeant un blâme. Eu égard à la jurisprudence rappelée au point 83 de l’arrêt attaqué – suivant laquelle, pour qu’une irrégularité procédurale puisse aboutir à justifier l’annulation d’un acte, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent, ce qu’il appartient d’établir à celui qui invoque cette irrégularité – le Tribunal de la fonction publique a rejeté le premier moyen dans son ensemble.
74 Il convient de rappeler qu’il est en effet de jurisprudence constante que, pour qu’une violation des droits de la défense entraîne l’annulation de l’acte attaqué, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (voir arrêt du 16 juin 2016, SKW Stahl-Metallurgie et SKW Stahl-Metallurgie Holding/Commission, C‑154/14 P, EU:C:2016:445, point 69 et jurisprudence citée). Il convient toutefois de rappeler également que la règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être mis en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci soit prise a pour but que l’autorité concernée soit à même de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents. Afin d’assurer une protection effective dudit destinataire, elle a notamment pour objet que celui-ci puisse corriger une erreur ou faire valoir tels ou tels éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent dans le sens que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (voir arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 65 et jurisprudence citée).
75 En l’espèce, en premier lieu, le Tribunal s’est fondé sur le fait que le requérant n’avait, certes, pas été entendu avant l’adoption de la note d’analyse de l’IDOC, mais qu’il l’avait été après que la procédure disciplinaire eut été ouverte (point 87 de l’arrêt attaqué).
76 Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, à l’article 2, paragraphes 1 et 2, aux article 3 et 11 de l’annexe IX du statut (voir les points 54 à 57 ci-dessus) et à l’article 4, paragraphe 4, des DGE de 2004 (voir le point 61 ci-dessus), la procédure disciplinaire établie par le statut prévoit deux phases distinctes, l’une constituée par la tenue d’une enquête administrative à charge et à décharge, initiée par une décision de l’AIPN et clôturée, après que l’intéressé a été entendu sur les faits qui lui sont reprochés, par un rapport d’enquête et l’autre constituée par la procédure disciplinaire proprement dite, initiée par l’AIPN sur la base dudit rapport d’enquête et qui suppose que le fonctionnaire soit entendu avant qu’une sanction ne soit adoptée à son égard par celle-ci.
77 L’obligation d’entendre le fonctionnaire prévue à l’article 4, paragraphe 4, des DGE de 2004 vise donc à lui permettre de s’exprimer pendant la phase de la procédure portant sur l’établissement des faits en vue de l’ouverture éventuelle d’une procédure disciplinaire, alors que l’obligation d’entendre le fonctionnaire prévue à l’article 11 de l’annexe IX du statut vise à lui permettre de faire valoir ses arguments avant qu’une sanction disciplinaire ne lui soit éventuellement infligée, une fois ladite procédure ouverte.
78 Le Tribunal de la fonction publique, en considérant que le vice résultant de l’absence d’audition du requérant pendant la première phase de la procédure avait été purgé par son audition lors de la seconde phase, a par conséquent commis une erreur de droit en confondant l’objet de l’obligation d’entendre le fonctionnaire lors de ces deux phases, distinctes, de la procédure.
79 En second lieu, le Tribunal de la fonction publique s’est fondé, au point 88 de l’arrêt attaqué, sur d’autres injures proférées par le requérant que celles retenues par l’AIPN dans la décision litigieuse pour considérer que, en tout état de cause, la sanction était justifiée.
80 Or, d’une part, en procédant à une telle appréciation et en se fondant sur d’autres griefs que ceux retenus par l’AIPN dans la décision litigieuse, le Tribunal de la fonction publique a manifestement excédé sa compétence.
81 De plus, d’autre part, force est de constater que le Tribunal de la fonction publique a, en procédant de la sorte, démontré qu’une autre appréciation des faits était possible, ce qui, partant, établit qu’un autre résultat que celui auquel a abouti l’AIPN aurait été possible, appréciation qui est ainsi en contradiction flagrante avec la conclusion à laquelle il est arrivé au point 92 de l’arrêt attaqué, où il a considéré qu’il n’était pas établi que le respect par la Commission de son obligation de mener une enquête administrative à charge et à décharge ou de permettre au requérant de s’exprimer sur les conclusions tirées à son égard par l’IDOC dans sa note d’analyse du 15 janvier 2013 avant l’adoption de celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent.
82 Enfin, lorsque, comme en l’espèce, la procédure établie avant que soit prise une sanction confère une large marge d’appréciation à l’institution, tant en ce qui concerne l’appréciation de la gravité des faits que l’opportunité d’engager la procédure, l’opportunité d’infliger une sanction à l’issue de celle-ci et la détermination de la sanction qu’il convient d’infliger s’il y a lieu, en d’autres termes lorsque la compétence de l’institution n’est pas liée, il ne peut être exclu que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent si elle avait été respectée.
83 Il convient par conséquent de constater que le Tribunal a commis une erreur de droit et d’accueillir le troisième moyen, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres branches avancées à l’appui de celui-ci par le requérant.
84 En conséquence, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette la demande d’annulation de la décision litigieuse, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens avancés à l’appui du pourvoi.
Sur le recours devant le Tribunal de la fonction publique
85 En vertu de l’article 4 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), lorsque le Tribunal annule une décision du Tribunal de la fonction publique tout en considérant que le litige est en état d’être jugé, la chambre qui statue sur le pourvoi statue elle-même sur le litige.
86 En l’espèce, il y a lieu pour le Tribunal de statuer définitivement sur le recours initialement introduit devant le Tribunal de la fonction publique par le requérant en tant qu’il demande l’annulation de la décision litigieuse.
87 Aux points 62, 82 et 87 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a constaté, en l’espèce, l’absence d’une enquête administrative, d’une audition du requérant et d’un rapport d’enquête dûment établi à l’issue de celle-ci.
88 Il y a lieu de constater que la procédure disciplinaire, qui est diligentée par l’AIPN sur le fondement d’une telle enquête et du rapport qui la clôt, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 2, paragraphes 2 et 3, de l’annexe IX du statut, a été substantiellement viciée par les manquements commis par la Commission.
89 Dans de telles circonstances, il ne peut être exclu que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent si elle avait été respectée et si le requérant avait été entendu.
90 Il convient par conséquent de faire droit au premier moyen avancé par le requérant à l’appui de son recours devant le Tribunal de la fonction publique, tiré, en substance, de la violation des formes substantielles et des droits de la défense.
91 Il s’ensuit qu’il y a lieu d’annuler la décision litigieuse, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens avancés par le requérant.
Sur les dépens
92 Conformément à l’article 211, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui‑même le litige, il statue sur les dépens.
93 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 211, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
94 Le pourvoi introduit par le requérant ayant été accueilli tout comme, en l’essentiel de ses conclusions, le recours qu’il a introduit devant le Tribunal de la fonction publique, il convient de condamner la Commission aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)
déclare et arrête :
1) L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 18 mars 2016, Kerstens/Commission (F-23/15, EU:F:2016:65), est annulé en tant qu’il rejette la demande d’annulation de la décision de la Commission européenne du 15 avril 2014 infligeant un blâme à M. Petrus Kerstens.
2) La décision de la Commission du 15 avril 2014 infligeant un blâme à M. Kerstens est annulée.
3) La Commission est condamnée aux dépens afférents à la procédure de pourvoi et à la procédure de première instance.
Jaeger | Frimodt Nielsen | Dittrich |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 février 2017.
Le greffier | Le président |
E. Coulon | M. Prek |
* Langue de procédure : le français.
© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.
BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2017/T27016.html