Haverkamp IP v EUIPO - Sissel (Tapis de sol) (Judgment) French Text [2018] EUECJ T-227/16 (21 June 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T22716.html
Cite as: ECLI:EU:T:2018:370, [2018] EUECJ T-227/16, EU:T:2018:370

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

21 juin 2018 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un tapis de sol – Dessin ou modèle antérieur – Motif de nullité – Absence de caractère individuel – Utilisateur averti – Degré de liberté du créateur – Preuve de la saturation de l’état de l’art – Absence d’impression globale différente – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 – Article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑227/16,

Haverkamp IP GmbH, établie à Kindberg (Autriche), représentée par Me A. Waldenberger, avocat, admise à se substituer à Reinhard Haverkamp,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. S. Hanne et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Sissel GmbH, établie à Bad Dürkheim (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 26 février 2016 (affaire R 2618/2014-3), relative à une procédure de nullité entre Sissel et M. Haverkamp,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Guzdek, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 10 mai 2016,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 27 septembre 2016,

vu l’ordonnance du 14 décembre 2017 autorisant une substitution d’Haverkamp IP à M. Haverkamp,

à la suite de l’audience du 1er mars 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 mai 2009, M. Reinhard Haverkamp, à qui la requérante, Haverkamp IP GmbH, a été admise à se substituer, a obtenu auprès du Bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international désignant notamment l’Union européenne du dessin ou modèle portant la référence DM/072187. Cet enregistrement a été publié au registre international le 30 septembre 2009.

2        Le dessin ou modèle contesté est représenté comme suit :

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3        Les produits auxquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être appliqué relèvent de la classe 6-11 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Paillasson ».

4        La description en langue française du dessin ou modèle contesté, également enregistrée, est ainsi libellée : « [p]aillasson pratique, hydrofuge et photostable, d’une dimension de 50x50 cm, aux angles arrondis, réalisé en polyuréthane antistatique à deux composants ; la surface est réalisée sur le modèle d’une plage de galets avec des galets de différentes tailles ; l’envers du paillasson est lisse mais antidérapant ».

5        Le 9 juillet 2013, Sissel GmbH a présenté devant l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) une demande en nullité des effets du dessin ou modèle contesté dans l’Union européenne, fondée sur l’article 106 septies du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), lu conjointement avec l’article 25, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement. Dans sa demande en nullité, la demanderesse en nullité a allégué que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté et de caractère individuel.

6        La demande en nullité était fondée, notamment, sur le dessin ou modèle antérieur dont M. Haverkamp était également titulaire, enregistré en Suisse sous le numéro 133856 et publié le 15 juin 2007 au registre tenu par l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (Suisse). Le dessin ou modèle antérieur a été enregistré pour le « [t]apis de santé », relevant de la classe 6-11 au sens de la classification de Locarno. Il est représenté comme suit :

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7        Le 18 août 2014, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité et a invalidé, dans l’Union, les effets de l’enregistrement international du dessin ou modèle contesté en raison de son absence de nouveauté, conformément à l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002.

8        Le 9 octobre 2014, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 26 février 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

10      Dans un premier temps, la chambre de recours a considéré, contrairement à la division d’annulation, que le dessin ou modèle contesté présentait un caractère nouveau en raison des différences entre les faces inférieures des dessins ou modèles en conflit. Dans un second temps, la chambre de recours, qui, dans un souci d’économie de procédure, n’a pas renvoyé l’affaire à la division d’annulation, a examiné le caractère individuel du dessin ou modèle contesté. Elle a conclu que celui-ci était dépourvu de caractère individuel au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris à ceux exposés dans le cadre des procédures devant la chambre de recours et la division d’annulation.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      Lors de l’audience, la requérante a renoncé à son deuxième chef de conclusions, en ce qu’il concerne la condamnation de l’EUIPO aux dépens exposés dans le cadre de la procédure devant la division d’annulation, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002.

15      Le moyen unique s’articule autour de cinq branches. La première branche concerne la preuve de la divulgation au public du dessin ou modèle antérieur ; la deuxième, la définition retenue de l’utilisateur averti ; la troisième, la détermination du degré de liberté du créateur ; la quatrième, l’existence d’une saturation de l’état de l’art et, la cinquième, l’appréciation du caractère individuel.

16      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

17      Le règlement (CE) no 1891/2006 du Conseil, du 18 décembre 2006, modifiant les règlements no 6/2002 et (CE) no 40/94 en vue de donner effet à l’adhésion de la Communauté européenne à l’acte de Genève de l’arrangement de La Haye concernant l’enregistrement international des dessins et modèles industriels (JO 2006, L 386, p. 14), a introduit, dans le règlement no 6/2002, un titre XI bis contenant les articles 106 bis à 106 septies.

18      En vertu de l’article 106 bis du règlement no 6/2002, toute inscription d’un enregistrement international désignant l’Union européenne au registre international tenu par le Bureau international de l’OMPI produit les mêmes effets que si elle avait été effectuée au registre des dessins ou modèles communautaires de l’EUIPO, et toute publication d’un enregistrement international désignant l’Union européenne au Bulletin du Bureau international de l’OMPI produit les mêmes effets qu’une publication au Bulletin des dessins et modèles communautaires.

19      L’article 106 septies du règlement no 6/2002 dispose que les effets d’un enregistrement international dans l’Union peuvent être déclarés invalides en tout ou partie par l’EUIPO, conformément à la procédure visée aux titres VI et VII du règlement no 6/2002.

20      Il convient également de rappeler que, aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel. Il ressort de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du même règlement qu’un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que dans les cas énumérés dans cette disposition, notamment s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 dudit règlement.

21      Par ailleurs, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, du même règlement ajoute que, pour apprécier ce caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle. Le considérant 14 dudit règlement précise que, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport au patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève.

22      Selon la jurisprudence, il ressort des dispositions qui précèdent que l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire procède, en substance, d’un examen en quatre étapes. Cet examen consiste à déterminer, premièrement, le secteur des produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué, deuxièmement, l’utilisateur averti desdits produits selon leur finalité et, en référence à cet utilisateur averti, le degré de connaissance de l’art antérieur ainsi que le niveau d’attention dans la comparaison, directe si possible, des dessins ou modèles, troisièmement, le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle et, quatrièmement, le résultat de la comparaison des dessins ou modèles en cause, en tenant compte du secteur concerné, du degré de liberté du créateur et des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté et par tout dessin ou modèle antérieur divulgué au public. Un prérequis à l’examen du caractère individuel d’un dessin ou modèle, ainsi qu’à l’examen de sa nouveauté au titre de l’article 5 du règlement no 6/2002, consiste à établir l’existence et l’antériorité de la divulgation au public de tout dessin ou modèle invoqué au soutien de la nullité du dessin ou modèle contesté [voir arrêt du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 21 et jurisprudence citée ; arrêt du 10 septembre 2015, H&M Hennes & Mauritz/OHMI – Yves Saint Laurent (Sacs à main), T‑526/13, non publié, EU:T:2015:614, point 32].

23      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

 Sur la preuve de la divulgation au public du dessin ou modèle antérieur

24      La requérante soutient que l’extrait du registre de l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle du 15 juin 2007 représentant le dessin ou modèle antérieur, invoqué dans la procédure en nullité en tant que preuve de la divulgation de ce dessin ou modèle au public, n’aurait pas dû être pris en compte par la chambre de recours et la division d’annulation, dès lors qu’il n’était pas traduit dans la langue de procédure devant l’EUIPO. En outre, selon la requérante, à défaut de traduction vers l’anglais de l’extrait du registre représentant le dessin ou modèle antérieur, l’EUIPO n’a pas pu comparer les descriptions des dessins ou modèles en conflit.

25      À cet égard, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, aux fins de l’application notamment de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du même règlement, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l’Union.

26      Il convient également d’observer que le règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28), ne contient aucune précision s’agissant des preuves qui doivent être fournies en matière de divulgation du dessin ou modèle antérieur par le demandeur en nullité. Plus particulièrement, l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement no 2245/2002 se borne à prévoir que, lorsque la demande en nullité est fondée, notamment, sur l’absence de nouveauté ou de caractère individuel du dessin ou modèle communautaire enregistré, elle doit comporter l’indication et la reproduction des dessins ou modèles antérieurs susceptibles de faire obstacle à la nouveauté ou au caractère individuel du dessin ou modèle communautaire enregistré ainsi que des documents prouvant l’existence de ces dessins ou modèles antérieurs.

27      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que ni le règlement no 6/2002 ni le règlement no 2245/2002 ne spécifient la forme obligatoire des preuves qui doivent être apportées par le demandeur en nullité pour justifier la divulgation au public d’un dessin ou modèle antérieur (voir arrêt du 7 novembre 2013, Félin bondissant, T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 24 et jurisprudence citée). De la même manière, ces règlements ne précisent aucunement la langue dans laquelle les documents prouvant l’existence de ces dessins ou modèles antérieurs doivent être rédigés. Ainsi, l’article 28, paragraphe 1, sous b), v) et vi), du règlement no 2245/2002 se limite à exiger que la demande en nullité contienne « les documents prouvant l’existence [du dessin ou modèle antérieur] » ainsi que « les faits, preuves et observations présentés à [son] appui ». De même, l’article 65, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 ne prévoit qu’une liste non exhaustive de mesures d’instruction possibles dans les procédures devant l’EUIPO. Il s’ensuit que, d’une part, le demandeur en nullité est libre du choix de la preuve qu’il juge utile de présenter à l’EUIPO pour appuyer sa demande en nullité et que, d’autre part, l’EUIPO est tenu d’analyser tous les éléments présentés pour conclure s’ils sont effectivement une preuve de la divulgation du dessin ou modèle antérieur [voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2012, Coverpla/OHMI – Heinz-Glas (Flacon), T‑450/08, non publié, EU:T:2012:117, points 21 à 23].

28      Enfin, les preuves invoquées doivent être susceptibles d’établir, à suffisance de droit, conformément aux principes énoncés aux points 26 et 27 ci-dessus, que le dessin ou modèle antérieur a été effectivement divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté [arrêt du 14 juillet 2016, Thun 1794/EUIPO – Adekor (Symboles graphiques décoratifs), T‑420/15, non publié, EU:T:2016:410, point 29]. En conséquence, indépendamment de la langue dans laquelle les documents sont rédigés, seuls sont pertinents les éléments permettant de déterminer l’apparence du dessin ou modèle antérieur, les circonstances de sa divulgation ainsi que la date de celle-ci.

29      En l’espèce, la chambre de recours a confirmé, au point 23 de la décision attaquée, la conclusion de la division d’annulation, non contestée par la requérante, selon laquelle le dessin ou modèle antérieur a été divulgué au public par sa publication au registre tenu par l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle, et ce avant la date d’enregistrement du dessin ou modèle contesté. Ce constat est notamment fondé sur un extrait de ce registre, rédigé en allemand, dans lequel figuraient la représentation des faces inférieure et supérieure d’un tapis de sol, l’indication de la classe au sens de la classification de Locarno, le numéro du registre sous lequel le dessin ou modèle antérieur a été enregistré et la date du dépôt de celui-ci.

30      Dès lors, compte tenu des règles exposées aux points 25 à 28 ci-dessus, il y a lieu de considérer que l’extrait du registre prouvait, à suffisance de droit, la divulgation du dessin ou modèle antérieur.

31      Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel, à défaut de traduction vers l’anglais de l’extrait du registre représentant le dessin ou modèle antérieur, il serait impossible de comparer les descriptions des dessins ou modèles en conflit ne saurait convaincre. D’une part, selon la jurisprudence, c’est l’apparence, et non la description, qui constitue l’élément déterminant d’un dessin ou modèle (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, point 62). D’autre part, force est de constater que la description en allemand du dessin ou modèle antérieur figurant dans l’extrait du registre susmentionné se limite à un seul mot, « Gesundheitsmatte » (« tapis de santé »).

32      Enfin, comme le relève à juste titre l’EUIPO, le dessin ou modèle antérieur a été enregistré au nom de M. Haverkamp, l’auteur initial du présent recours, qui comprenait la langue allemande, langue qu’il a choisie aux fins de la présente procédure.

33      Il s’ensuit que la première branche du moyen unique, soulevé par la requérante, doit être rejetée comme non fondée.

 Sur l’utilisateur averti

34      La requérante soutient que la notion d’« utilisateur averti » doit s’entendre, en l’espèce, comme désignant un utilisateur de tapis de sol connaissant l’existence de tels tapis destinés au massage des pieds et caractérisés par des protubérances arrondies produisant, sous les pieds, un effet de massage par piétinement.

35      Lors de l’audience, la requérante a fait valoir que c’était la demanderesse en nullité qui aurait soutenu devant l’EUIPO que le produit auquel le dessin ou modèle contesté s’appliquait était destiné au massage des pieds. La requérante est d’avis que cette présentation de la finalité dudit produit est correcte et soutient que, dès lors que les parties à la procédure de nullité devant l’EUIPO ont fait des déclarations concordantes relatives à la finalité particulière du produit auquel le dessin ou modèle contesté s’applique, l’EUIPO était lié par ces déclarations, conformément à l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

36      Selon la jurisprudence, la notion d’« utilisateur averti » au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002 doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de « consommateur moyen », applicable en matière de marques, auquel n’est demandée aucune connaissance spécifique et qui en général n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’« homme de l’art », expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’« utilisateur averti » peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur concerné (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 53).

37      Par ailleurs, la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce produit est destiné. Quant au qualificatif « averti », celui-ci suggère que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain niveau de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise [arrêt du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, EU:T:2010:248, points 46 et 47].

38      Il convient encore de relever que, en vertu de l’article 36, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, la demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire doit contenir l’indication des produits dans lesquels le dessin ou modèle est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué. Toutefois, le paragraphe 6 du même article précise que les informations visées au paragraphe 2 « ne portent pas atteinte à l’étendue de la protection du dessin ou du modèle en tant que tel » [arrêt du 13 mai 2015, Group Nivelles/OHMI – Easy Sanitairy Solutions (Caniveau d’évacuation de douche), T‑15/13, EU:T:2015:281, point 114].

39      Selon la jurisprudence, il résulte de l’article 36, paragraphe 6, du règlement no 6/2002 que, pour déterminer le produit auquel le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé ou auquel il est destiné à être appliqué, il convient de tenir compte de l’indication qui y est relative dans la demande d’enregistrement dudit dessin ou modèle, mais également, le cas échéant, du dessin ou modèle lui-même, dans la mesure où il précise la nature du produit, sa destination ou sa fonction. En effet, la prise en compte du dessin ou modèle lui-même peut permettre d’identifier le produit au sein d’une catégorie de produits plus large indiquée lors de l’enregistrement et, par conséquent, de déterminer effectivement l’utilisateur averti et le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle [arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, point 56].

40      En l’espèce, le dessin ou modèle contesté étant enregistré pour des tapis de sol, la chambre de recours a considéré que l’utilisateur averti était toute personne qui achetait habituellement un tel article, l’utilisait aux fins prévues et s’était informée en consultant des catalogues consacrés exclusivement, ou en partie, aux tapis de sol, en se rendant dans des magasins ou des points de vente proposant de tels produits ou en téléchargeant des informations à partir de l’internet.

41      Contrairement à ce que soutient la requérante, cette appréciation de la chambre de recours est dépourvue d’erreur.

42      En effet, tout d’abord, force est de constater que le dessin ou modèle contesté lui-même représente un tapis de sol dont la face supérieure est couverte de protubérances de différentes tailles, alors que sa face inférieure est lisse et antidérapante. Si la présence de protubérances peut indiquer qu’un tel tapis de sol est destiné au massage des pieds, comme le soutient la requérante, elle n’est pas de nature à exclure d’autres usages possibles de ce produit.

43      Ensuite, la description du produit auquel est appliqué le dessin ou modèle contesté figurant dans le registre international fait uniquement référence aux qualités du produit (tapis de sol « pratique, hydrofuge et photostable », l’envers duquel est « lisse mais antidérapant ») et à sa forme (« d’une dimension de 50x50 cm, aux angles arrondis, réalisé en polyuréthane antistatique à deux composants ; la surface est réalisée sur le modèle d’une plage de galets avec des galets de différentes tailles »). La finalité à laquelle ce produit est destiné n’est aucunement abordée.

44      Or, en l’absence d’indication quant à la finalité à laquelle le tapis de sol couvert par le dessin ou modèle contesté est destiné, de multiples usages autres que le massage des pieds peuvent être imaginés. Un tel tapis peut être utilisé, par exemple, comme tapis de douche, paillasson ou encore tapis pour voiture.

45      Enfin, il importe de préciser, eu égard à l’article 36, paragraphe 6, du règlement no 6/2002, rappelé au point 38 ci-dessus, que la possibilité d’utiliser le tapis de sol couvert par le dessin ou modèle contesté aux fins indiquées au point précédent est, en réalité, indépendante de la description figurant dans la demande d’enregistrement. Les différents usages possibles dudit tapis de sol résultent de la forme de sa surface ainsi que de ses qualités hydrofuges et antidérapantes.

46      D’une part, il en résulte que l’utilisateur averti du produit couvert par le dessin ou modèle contesté a été correctement défini par la chambre de recours comme toute personne qui achète habituellement des tapis de sol, les utilise aux fins prévues et s’informe à leur sujet. S’il peut être raisonnablement admis qu’un utilisateur averti de tapis de sol connaît l’existence de tels tapis destinés au massage des pieds, il ne saurait pour autant en être déduit que les utilisateurs avertis du produit couvert par le dessin ou modèle contesté correspondent aux seuls utilisateurs de tapis de massage pour les pieds.

47      D’autre part, il s’ensuit que l’argument de la requérante soulevé lors de l’audience doit être écarté. En effet, les déclarations concordantes des parties à la procédure de nullité relatives à la finalité du produit couvert par le dessin ou modèle contesté ne peuvent pas lier la chambre de recours, celle-ci devant prendre en compte principalement le dessin ou modèle lui-même (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Représentation d’un support promotionnel circulaire, T‑9/07, EU:T:2010:96, points 56 à 60).

48      En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, son argument ne trouve pas d’appui dans le texte de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, aux termes duquel, dans une action en nullité, l’examen de l’EUIPO est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

49      En effet, selon la jurisprudence, cette disposition limite l’examen effectué par l’EUIPO dans une double mesure. Elle vise, d’une part, la base factuelle des décisions de l’EUIPO, à savoir les faits et preuves sur lesquels celles-ci peuvent être valablement fondées et, d’autre part, la base juridique de ces décisions, à savoir les dispositions que l’instance saisie est tenue d’appliquer [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, EU:T:2004:189, point 28]. Ainsi, la chambre de recours, en statuant sur un recours mettant fin à une procédure de nullité, ne saurait fonder sa décision que sur les faits et les preuves présentés par les parties [voir arrêt du 5 juillet 2017, Gamet/EUIPO – « Metal-Bud II » Robert Gubała (Poignée de porte), T‑306/16, non publié, EU:T:2017:466, point 31 et jurisprudence citée].

50      Il s’ensuit que, dans une procédure de nullité, l’EUIPO ne peut fonder sa décision sur une base juridique différente de celle invoquée par les parties, ni sur les faits et les preuves qui ne seraient pas présentés par celles-ci. L’EUIPO ne saurait pour autant être lié par des déclarations de ces parties qui constituent en réalité une simple appréciation relative à l’usage qui peut être fait du produit couvert par le dessin ou modèle contesté.

51      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en tenant compte, pour la définition de l’utilisateur averti, des différents usages auxquels peut être destiné le tapis de sol couvert par le dessin ou modèle contesté.

52      Dès lors, la deuxième branche du moyen unique doit être rejetée.

 Sur la liberté du créateur

53      La requérante soutient que le produit auquel le dessin ou modèle contesté s’applique est un tapis de sol destiné au massage des pieds. Partant, la chambre de recours aurait considéré, à tort, comme déterminante la liberté du créateur dans l’élaboration d’un tapis de sol ordinaire. La liberté du créateur dans l’élaboration d’un tapis de sol destiné au massage des pieds serait fortement restreinte en raison des fonctionnalités d’un tel tapis imposant, selon la requérante, la forme, la fermeté et la densité des protubérances.

54      Selon la jurisprudence, la liberté du créateur d’un dessin ou modèle est définie à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes à plusieurs dessins ou modèles appliqués au produit concerné. Partant, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti (voir arrêt du 10 septembre 2015, Sacs à main, T‑526/13, non publié, EU:T:2015:614, points 28 et 29 et jurisprudence citée).

55      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que, mis à part les contraintes liées aux fonctionnalités d’un tapis de sol, à savoir le fait qu’il doit être confortable pour l’utilisateur, surtout lorsqu’il est utilisé dans une douche ou une salle de bain, et qu’il doit être hydrofuge et antidérapant, la liberté du créateur n’était pas substantiellement restreinte. Ce constat vaudrait même si le dessin ou modèle contesté devait être considéré comme étant destiné à un « tapis de massage ».

56      À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que la présente branche est fondée sur une prémisse erronée selon laquelle le tapis de sol couvert par le dessin ou modèle contesté est uniquement destiné au massage des pieds. Comme cela a été indiqué aux points 42 à 46 ci-dessus, le champ des utilisations possibles de ce tapis est bien plus large.

57      Ensuite, comme l’a soulevé à bon droit la chambre de recours dans la décision attaquée, la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle de tapis de sol n’est soumise à aucune contrainte particulière, mis à part celles liées aux fonctionnalités d’un tel produit.

58      Enfin, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle son appréciation quant à la liberté du créateur valait même si le dessin ou modèle contesté devait être considéré comme étant destiné à être appliqué à un tapis de massage est, certes, lapidaire. Il n’en reste pas moins qu’elle est correcte.

59      En effet, si les contraintes liées à l’élaboration d’un tapis de massage pour les pieds peuvent déterminer, dans une certaine mesure, le choix du matériau composant celui-ci, sa fermeté ou la densité des protubérances présentes sur sa surface supérieure, la liberté du créateur d’un tel tapis reste grande. Elle peut s’exprimer, par exemple, dans le choix des formes, des couleurs, des dimensions, des proportions, de l’ornementation ou de la texture – plus ferme ou bien plus poreuse et molle – des matériaux de fabrication.

60      Partant, la troisième branche du moyen unique doit être écartée.

 Sur la preuve de la saturation de l’état de l’art

61      Premièrement, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’un vice de forme dans la mesure où la chambre de recours n’a pas tenu compte d’une multitude de dessins ou modèles similaires relevant de la classe 6-11 au sens de la classification de Locarno. À cet égard, elle relève que la demanderesse en nullité a présenté, à l’appui de sa demande, plusieurs dessins ou modèles similaires. En outre, elle n’aurait pas contesté l’argument de la requérante, soulevé devant la chambre de recours, selon lequel l’état de l’art dans le secteur concerné était saturé. En conséquence, la production d’éléments de preuve démontrant la saturation de l’état de l’art n’aurait pas été nécessaire. Deuxièmement, la requérante soutient que la chambre de recours a violé son droit à être entendue en ne lui indiquant pas, avant l’adoption de la décision attaquée, qu’en l’absence de preuve il lui était impossible d’établir la saturation de l’état de l’art et de vérifier ses allégations à cet égard. La requérante n’aurait pas été entendue sur ce point.

62      Aux termes de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, l’EUIPO procède à l’examen d’office des faits. Toutefois, dans une procédure concernant une action en nullité, son examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. L’article 63, paragraphe 2, dudit règlement dispose que l’EUIPO peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.

63      Selon la jurisprudence, une situation de « saturation de l’état de l’art » découle de l’existence alléguée de dessins ou modèles présentant les mêmes caractéristiques d’ensemble que les dessins ou modèles en cause [voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2012, Antrax It/OHMI – THC (Radiateurs de chauffage), T‑83/11, EU:T:2012:592, point 81]. Pareille situation peut être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences entre les dessins et modèles comparés. En raison d’une saturation de l’état de l’art, un dessin ou modèle peut alors avoir un caractère individuel du fait de caractéristiques qui, en l’absence d’une telle saturation, ne seraient pas susceptibles de susciter une différence d’impression globale sur l’utilisateur averti [arrêt du 29 octobre 2015, Roca Sanitario/OHMI – Villeroy & Boch (Robinet à commande unique), T‑334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 83]. Par conséquent, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, l’éventuelle saturation de l’état de l’art doit être prise en compte (voir arrêt du 7 novembre 2013, Félin bondissant, T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 31 et jurisprudence citée).

64      En l’espèce, la chambre de recours a relevé, tout d’abord, que la requérante avait fait valoir, au cours de la procédure devant l’EUIPO, la très grande densité du patrimoine de dessins et modèles relevant de la classe 6-11 au sens de la classification de Locarno. La chambre de recours a alors estimé nécessaire de déterminer, sur la base des éléments de preuve et arguments présentés par les parties, s’il existait, dans le secteur concerné, une situation de saturation de l’état de l’art. Elle a constaté, à cet égard, que la requérante n’avait produit aucun élément de preuve à l’appui de son allégation. Il était donc impossible d’établir la véracité de cette allégation et, plus généralement, le degré de densité de l’état de l’art. Considérant qu’une circonstance factuelle aussi importante que la densité de l’état de l’art ne saurait être établie par une présomption, la chambre de recours a, par conséquent, écarté l’allégation de la requérante.

65      Le premier grief de la présente branche, par lequel la requérante soutient, en substance, que, en l’absence de contestation de son allégation relative à la saturation de l’état de l’art par la demanderesse en nullité, elle n’aurait pas à en apporter la preuve, ne saurait prospérer.

66      En effet, la chambre de recours a indiqué, à juste titre, que la saturation de l’état de l’art dans le secteur concerné ne saurait être présumée ni établie a priori et de manière sommaire. Partant, il appartient à la partie qui invoque pareil argument de présenter des éléments de preuve suffisamment clairs, précis et cohérents, établissant qu’il existe, dans le secteur concerné, une multitude de dessins ou modèles similaires, possédant les mêmes caractéristiques d’ensemble. S’il peut être envisagé d’alléger la charge de la preuve de la saturation de l’état de l’art lorsque celle-ci est notoire [voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2017, Antrax It/EUIPO – Vasco Group (Thermosiphons pour radiateurs), T‑828/14 et T‑829/14, EU:T:2017:87, points 89 et 90], il y a lieu de relever que, en l’espèce, la requérante n’a pas invoqué le caractère notoire de la saturation de l’état de l’art mais s’est contentée d’invoquer les dessins ou modèles joints par la demanderesse en nullité à sa demande et figurant en annexe à la requête. Ces dessins ou modèles, au nombre de six (deux dessins ou modèles nationaux et quatre dessins ou modèles internationaux), sont insuffisants pour établir la saturation de l’état de l’art dans le secteur des tapis de sol.

67      S’agissant du second grief de la présente branche, tiré de la violation du droit à être entendu, il suffit de rappeler que, si le droit à être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit ainsi qu’aux éléments de preuve qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, il ne s’applique pas à la position finale que l’administration entend adopter [arrêt du 18 novembre 2015, Liu/OHMI – DSN Marketing (Étui d’ordinateur portable), T‑813/14, non publié, EU:T:2015:868, point 40]. La chambre de recours n’était donc pas tenue d’entendre la requérante sur sa position finale quant aux faits.

68      Au vu de ce qui précède, la quatrième branche du moyen unique doit être écartée.

 Sur les impressions globales produites par les dessins ou modèles en conflit

69      La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle a constaté que les modèles ou dessins en conflit produisaient, sur l’utilisateur averti, la même impression globale, et ce, selon la requérante, en raison, principalement, de la définition erronée de l’utilisateur averti adoptée par la chambre de recours.

70      D’une part, s’agissant de la face inférieure des tapis de sol couverts par les dessins ou modèles en conflit, la chambre de recours aurait considéré, à tort, que celle-ci n’influençait pas substantiellement l’impression globale produite sur l’utilisateur averti. La stabilité et la qualité antidérapante d’un tapis de sol seraient un critère déterminant pour l’utilisateur averti. Partant, avant l’achat, l’utilisateur averti examinerait particulièrement l’envers du tapis de sol et remarquerait, au premier coup d’œil, la différence entre les dessins ou modèles en conflit. Le fait que, pendant son utilisation normale, l’envers du tapis de sol ne soit pas visible serait sans importance pour l’appréciation de l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit.

71      D’autre part, en ce qui concerne la face supérieure et les bords extérieurs des dessins ou modèles en conflit, tout d’abord, la chambre de recours aurait commis une erreur en affirmant que les protubérances en forme de galets seraient de taille, de forme, de largeur et de hauteur identiques et seraient, en outre, agencées de la même manière. Un utilisateur averti observant attentivement et comparant directement les faces supérieures desdits dessins ou modèles apercevrait aisément les différences entre elles. Ensuite, le dessin ou modèle contesté créerait une impression globale nettement plus élégante du fait de son apparence brillante. Enfin, le dessin ou modèle contesté aurait des bords plus fins. Ces éléments conféreraient au dessin ou modèle contesté un aspect élégant et lui donneraient une apparence globale différente de celle du dessin ou modèle antérieur.

72      Selon la jurisprudence, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte de différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables (voir arrêt du 7 novembre 2013, Félin bondissant, T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 29 et jurisprudence citée).

73      En l’espèce, la chambre de recours a conclu que les dessins ou modèles en conflit produisaient, sur un utilisateur averti, la même impression globale. À cet égard, elle a considéré, d’une part, que les différences sur leurs faces supérieures étaient à peine perceptibles et, d’autre part, que les différences sur leurs faces inférieures étaient négligeables, l’envers de ces tapis n’étant pas visible lors de leur usage normal. Selon la chambre de recours, l’aspect fonctionnel de l’effet antidérapant de la face inférieure du tapis serait plus important que son aspect extérieur.

74      L’appréciation de l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit effectuée par la chambre de recours est dépourvue d’erreur.

75      Tout d’abord, l’argument de la requérante selon lequel la définition de l’utilisateur averti adoptée par la chambre de recours serait erronée a déjà été écarté (voir point 46 ci-dessus).

76      Ensuite, d’une part, la chambre de recours a admis, à juste titre, que l’aspect de la face inférieure du tapis de sol, dans l’appréciation de l’impression globale produite par un tel produit, jouait un rôle secondaire, seule la qualité antidérapante de cette face étant, en réalité, essentielle pour l’utilisateur averti. Elle a donc considéré, à bon droit, que les différences entre les faces inférieures des tapis de sol couverts par les dessins ou modèles en conflit étaient négligeables et ne modifiaient pas l’impression globale produite par les faces supérieures de ces tapis.

77      D’autre part, s’agissant plus particulièrement des faces supérieures, force est de constater que les dessins ou modèles en conflit possèdent des caractéristiques communes, relevées par la chambre de recours. En effet, les motifs de surface en cause sont intégralement couverts par des protubérances en forme de galets, dont la taille, la largeur, la hauteur et l’agencement sont identiques. Les dessins ou modèles en conflit sont également de forme rectangulaire et présentent des angles arrondis. Ces caractéristiques communes sont manifestes et dominent l’impression générale produite par les dessins ou modèles en conflit. De plus, comme l’a indiqué la chambre de recours, toutes ces caractéristiques communes concernent les éléments qu’un créateur de dessins ou modèles peut librement modifier.

78      Enfin, l’aspect brillant du dessin ou modèle contesté qui, selon la requérante, le rendrait plus élégant ne modifie pas substantiellement son impression globale. Quant à la différence d’épaisseur des bords extérieurs visibles sur les représentations des dessins ou modèles en conflit, il y a lieu de considérer, à l’instar de l’EUIPO, qu’elle résulte de l’angle différent sous lequel les tapis de sol ont été photographiés.

79      Au vu de ce qui précède, la dernière branche du moyen unique doit être écartée et, par conséquent, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de l’EUIPO, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Haverkamp IP GmbH est condamnée aux dépens.

GervasoniMadiseKowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 juin 2018.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.

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