NCL v EUIPO (FEEL FREE) (Judgment) French Text [2018] EUECJ T-362/17 (27 June 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T36217.html
Cite as: ECLI:EU:T:2018:390, EU:T:2018:390, [2018] EUECJ T-362/17

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

27 juin 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale FEEL FREE – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑362/17,

NCL Corporation Ltd, établie à Miami, Floride (États-Unis), représentée par Mes J. Bühling et D. Graetsch, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. W. Schramek, Mmes A. Söder et D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 23 mars 2017 (affaire R 2094/2016-4), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal FEEL FREE comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (juge unique),

juge : Mme I. Pelikánová,

greffier : Mme R. Ukelyte, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juin 2017,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 19 juillet 2017,

vu la décision du Tribunal (première chambre) du 16 mars 2018, en application des dispositions de l’article 14, paragraphe 3, et de l’article 29 du règlement de procédure du Tribunal, d’attribuer l’affaire à Mme I. Pelikánová, siégeant en qualité de juge unique,

à la suite de l’audience du 18 avril 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 février 2016, la requérante, NCL Corporation Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal FEEL FREE.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Organisation de croisières ; services de bateaux de croisière » (ci-après, ensemble, les « services concernés »).

4        Par décision du 15 septembre 2016, la demande d’enregistrement a été rejetée par l’examinateur pour l’ensemble des services concernés, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement (devenu article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif. Selon l’examinateur, le signe verbal FEEL FREE serait exclusivement perçu par le public pertinent comme un message promotionnel positif lié aux services concernés et comme donnant aux consommateurs un sentiment de liberté par rapport à leur vie quotidienne lorsqu’ils ont recours auxdits services, plutôt que comme indiquant une origine commerciale. Il a également considéré que l’expression « feel free » servait simplement à souligner les aspects positifs des services concernés, à savoir que les consommateurs pourraient avoir recours à ces services en toute liberté. Au-delà de la signification élogieuse, aucun élément n’aurait permis au public pertinent, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de mémoriser le signe facilement et immédiatement en tant que marque distinctive pour les services concernés. Il a enfin rejeté tous les arguments de la requérante s’appuyant sur plusieurs marques de l’Union européenne contenant le mot « free » qui ont été enregistrées, sur sa demande, par l’EUIPO et sur une marque identique enregistrée par le United States Patent and Trademark Office (Office des brevets et des marques des États-Unis d’Amérique, USPTO), en se référant à une jurisprudence constante.

5        Le 15 novembre 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 23 mars 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours, comme étant non fondé, et confirmé la décision de l’examinateur portant rejet de la demande de marque de l’Union européenne pour l’ensemble des services concernés, au motif que la marque demandée était dépourvue de tout caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

7        Dans la décision attaquée, la chambre de recours a tout d’abord observé que le slogan constituant la marque demandée était une expression purement élogieuse qui pourrait s’appliquer à n’importe quelle entreprise commerciale, sans distinction, et qui ne permettait pas de distinguer des entreprises les unes des autres.

8        Selon la chambre de recours, la marque demandée ne possédait pas d’éléments qui pouvaient, au-delà de sa signification promotionnelle évidente, permettre au public pertinent de la mémoriser facilement et immédiatement en tant que marque distinctive pour les services concernés, à savoir comme une indication de l’origine commerciale desdits services. La marque demandée serait pourvue d’une signification claire en anglais et sa construction dans cette langue serait grammaticalement correcte. Elle correspondrait à une expression idiomatique figurant, en tant que telle, dans plusieurs dictionnaires anglais en ligne et permettant de « dire à quelqu’un qu’il n’y a aucune raison d’hésiter à faire quelque chose » ou de l’inciter à « n’avoir aucune hésitation ou [à] ne faire montre d’aucune timidité ». Pour la partie anglophone du public pertinent, la marque demandée serait donc uniquement comprise comme un slogan informant le consommateur qu’il éprouvera un sentiment positif lié, dans le contexte des services concernés, au fait qu’il ne doit pas hésiter à utiliser ces services ou que lesdits services et, en particulier, le temps passé à bord du bateau de croisière lui procureront une sensation générale de liberté.

9        La chambre de recours a ensuite rejeté les allégations de la requérante selon lesquelles la marque demandée déclencherait un processus cognitif dans l’esprit du public pertinent. Le public pertinent pour les services concernés serait le grand public au sein de l’Union européenne mais, la marque demandée étant composée de mots anglais, il conviendrait de se focaliser, en l’espèce, sur la partie anglophone de ce public. Au sein dudit public, le consommateur moyen serait considéré comme étant normalement informé et raisonnablement attentif. Celui-ci ferait preuve d’un degré d’attention relativement faible à l’égard d’indications qui revêtent, pour lui, un caractère promotionnel. La partie anglophone du public pertinent comprenant d’emblée la marque demandée comme un message élogieux, il ne serait pas susceptible de s’interroger sur le sens de celle-ci et à la mémoriser en tant qu’indication de l’origine commerciale des services concernés. Les arguments de la requérante tirés de ce que la marque demandée contiendrait une allitération ou qu’elle aurait vocation à être directement apposée sur les bateaux de croisière seraient, à cet égard, obscurs et dépourvus de pertinence.

10      Enfin, elle a rejeté les arguments de la requérante fondés sur la pratique des juridictions nationales ou sur des enregistrements antérieurs. Conformément à la jurisprudence, la pratique des juridictions nationales n’aurait pas d’effets contraignants pour elle. En outre, la requérante n’aurait pas précisé les marques de l’Union européenne antérieures sur lesquelles elle entendait se fonder.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens de la procédure de recours et de la présente procédure.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en ce que la chambre de recours aurait conclu, à tort, à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée, au sens de cette disposition.

14      À cet égard, la requérante fait valoir que, conformément à la jurisprudence, un minimum de caractère distinctif suffit pour qu’un signe puisse être considéré comme étant susceptible d’être enregistré. En l’espèce, la chambre de recours aurait appliqué un critère trop sévère en exigeant un caractère distinctif renforcé.

15      Selon la requérante, la chambre de recours aurait conclu à tort que la marque demandée constituait un slogan promotionnel. Le simple fait que la suite de mots qui la composent transmette un message positif ne signifierait pas qu’il s’agit d’un tel slogan. La chambre de recours aurait dû fournir des explications supplémentaires à cet égard. En tout état de cause, la question de savoir si la marque demandée correspond à un slogan promotionnel pourrait rester ouverte, dans la mesure où les marques verbales correspondant à des slogans ne devraient pas être appréciées plus strictement que les marques qui se présentent sous d’autres formes, la seule question pertinente étant, selon la jurisprudence, celle de savoir si le signe en cause serait apte à désigner l’origine commerciale des services concernés.

16      La requérante avance que, au point 10 de la décision attaquée, la chambre de recours semble avoir lié, à tort au regard de la jurisprudence, l’absence de caractère distinctif de la marque demandée à l’absence d’« un surcroît de fantaisie » par rapport aux termes qui la composent, alors qu’il n’est pas exclu que des expressions usuelles puissent être comprises par le public pertinent comme des indications d’origine commerciale. L’essentiel serait que le consommateur la perçoive comme une indication d’origine commerciale.

17      Selon la requérante, la marque demandée présente une « certaine originalité et prégnance », nécessite un « minimum d’effort d’interprétation » et déclenche un « processus de réflexion » en relation avec les services concernés, en provoquant des associations d’idées ou d’images de vacances, de liberté, d’aventure qui vont au-delà des simples termes qui la composent, comme l’a reconnu la chambre de recours dans la décision attaquée. Un lien cognitif s’établirait ainsi entre la marque demandée et les services concernés, qui pourraient être distingués des autres services comme étant « feel free ».

18      La requérante soutient que le public pertinent est habitué à l’utilisation de slogans et de formules toutes faites en tant que marque. Il tendrait donc, comme en l’espèce, à comprendre de tels slogans comme des indications d’origine commerciale.

19      Elle estime que, de par sa concision et son caractère frappant, la marque demandée restera dans l’esprit du public pertinent. Cette marque serait d’autant mieux mémorisable qu’elle renferme une allitération, puisque les deux mots qui la composent commencent par la même lettre, à savoir un « f », qu’ils ont le même nombre de lettres, à savoir quatre, et qu’ils contiennent tous deux un double « e ». Bien que la marque demandée soit une marque verbale, les sens visuels seraient également concernés.

20      Pour les motifs qui précèdent, la requérante prétend que la marque demandée sera apte, selon la requérante, à distinguer les services concernés de ceux proposés par d’autres entreprises et sera comprise par le public pertinent comme désignant l’origine commerciale desdits services.

21      Elle avance que, dans ses appréciations, la chambre de recours n’a pas fait de distinction selon le type de services concernés, à savoir l’« organisation de croisières » et les « services de bateaux de croisière ». Si tous ces services étaient liés aux croisières, soit qu’ils visent à les organiser, soit qu’ils portent sur les croisières elles-mêmes, il n’en resterait pas moins que les idées que la chambre de recours associe à la marque demandée, à savoir un sentiment de liberté et d’« absence d’hésitation », seraient dénuées de pertinence dans le cas de « l’organisation de croisières ». Le public pertinent devrait se livrer à des processus de réflexion plus poussés pour relier l’expression « feel free » à ce dernier type de services, ce qui démontrerait que cette expression serait suffisamment distinctive.

22      Selon la requérante, même si l’enregistrement d’un signe identique à la marque demandée par l’USPTO n’a pas d’effet contraignant pour l’EUIPO, il s’agit d’un indice important de ce que ce signe est apte à être enregistré en tant que marque. Même dans un pays anglophone, l’expression « feel free » aurait donc été reconnue comme étant distinctive.

23      L’EUIPO réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du recours comme étant non fondé, dès lors que, en adoptant la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement.

24      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. L’article 7, paragraphe 2, dudit règlement dispose que le paragraphe 1 de ce même article est également applicable lorsque les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

25      Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et, donc, de distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises [arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33, et du 11 décembre 2012, Fomanu/OHMI (Qualität hat Zukunft), T‑22/12, non publié, EU:T:2012:663, point 13], afin de permettre au consommateur qui acquiert les produits ou les services que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative [voir arrêt du 30 avril 2015, Steinbeck/OHMI – Alfred Sternjakob (BE HAPPY), T‑707/13 et T‑709/13, non publié, EU:T:2015:252, point 19 et jurisprudence citée].

26      Selon une jurisprudence également constante, ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 34, et du 11 décembre 2012, Qualität hat Zukunft, T‑22/12, non publié, EU:T:2012:663, point 14).

27      Il ressort encore de la jurisprudence qu’un minimum de caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [voir arrêt du 25 septembre 2015, BSH/OHMI (PerfectRoast), T‑591/14, non publié, EU:T:2015:700, point 40 et jurisprudence citée].

28      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont, par ailleurs, utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation (arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 35 ; du 11 décembre 2012, Qualität hat Zukunft, T‑22/12, non publié, EU:T:2012:663, point 15, et du 30 avril 2015, BE HAPPY, T‑707/13 et T‑709/13, non publié, EU:T:2015:252, point 22).

29      Quant à l’appréciation du caractère distinctif de telles marques, le juge de l’Union a déjà eu l’occasion de juger qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 36 ; du 11 décembre 2012, Qualität hat Zukunft, T‑22/12, non publié, EU:T:2012:663, point 16, et du 30 avril 2015, BE HAPPY, T‑707/13 et T‑709/13, non publié, EU:T:2015:252, point 23).

30      Il a notamment estimé qu’il ne pouvait être exigé qu’un slogan publicitaire présentât un « caractère de fantaisie », voire un « champ de tension conceptuelle, qui aurait pour conséquence un effet de surprise et dont on pourrait de ce fait se rappeler » pour qu’un tel slogan soit pourvu du caractère minimal distinctif requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 39, et du 31 mai 2016, Jochen Schweizer/EUIPO (Du bist, was du erlebst.), T‑301/15, non publié, EU:T:2016:324, point 21].

31      En outre, le juge de l’Union a considéré que, s’il était certes vrai qu’une marque possédait un caractère distinctif uniquement dans la mesure où elle permettait d’identifier les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement était demandé comme provenant d’une entreprise déterminée, le simple fait qu’une marque était perçue par le public pertinent comme une formule promotionnelle et que, eu égard à son caractère élogieux, elle pouvait en principe être reprise par d’autres entreprises n’était pas, en tant que tel, suffisant pour conclure que cette marque était dépourvue de caractère distinctif. À cet égard, la Cour a notamment souligné que la connotation élogieuse d’une marque verbale n’excluait pas que celle-ci fût néanmoins apte à garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services en cause. Ainsi, une telle marque pouvait concomitamment être perçue par le public pertinent comme une formule promotionnelle et une indication de l’origine commerciale des produits ou des services. Il en découlait que, pour autant que ce public percevait la marque comme une indication de cette origine, le fait qu’elle fût simultanément, voire même en premier lieu, appréhendée comme une formule promotionnelle était sans incidence sur son caractère distinctif (arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 44 et 45, et du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, points 29 et 30).

32      Il résulte également de la jurisprudence que toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont, par ailleurs, utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, mais qu’elles peuvent être néanmoins aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public pertinent (arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 56 et 57, et du 30 avril 2015, BE HAPPY, T‑707/13 et T‑709/13, non publié, EU:T:2015:252, point 24).

33      Il s’ensuit qu’une marque constituée d’un slogan publicitaire doit être considérée comme étant dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche et selon une jurisprudence constante, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication d’origine commerciale des produits et des services en cause (arrêts du 11 décembre 2012, Qualität hat Zukunft, T‑22/12, non publié, EU:T:2012:663, point 22, et du 31 mai 2016, Du bist, was du erlebst., T‑301/15, non publié, EU:T:2016:324, point 22).

34      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 en concluant, dans la décision attaquée, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

35      S’agissant, tout d’abord, de la définition et de la délimitation du public pertinent quant à la perception duquel le caractère distinctif de la marque demandée devait être analysé, il convient de relever que, aux points 14 et 15 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, que ce public correspondait au « consommateur moyen », à savoir au grand public, et que, dans la mesure où la marque demandée était composée de mots anglais, il convenait de se focaliser, en l’espèce, sur la partie anglophone dudit public. Lors de l’audience, la requérante a fait valoir que la partie non anglophone du public pertinent était également susceptible de comprendre l’expression « feel free », qui était d’usage général. À supposer que cet argument doive être compris comme un grief, celui-ci serait nouveau et devrait, comme tel, être écarté comme étant irrecevable. En tout état de cause, un tel grief devrait être rejeté comme étant inopérant, faute pour la requérante d’avoir exposé en quoi, à le supposer fondé, il justifierait d’annuler la décision attaquée. Dans ces circonstances, il y a lieu d’entériner la définition et la délimitation du public pertinent opérées par la chambre de recours dans la décision attaquée.

36      Concernant, ensuite, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait appliqué un critère trop sévère, dans la décision attaquée, en exigeant un caractère distinctif renforcé dans le cas de la marque demandée, il y a lieu d’observer que, aux points 18 et 19 de ladite décision, la chambre de recours s’est bornée à relever que la marque demandée « ne p[ouvai]t […] être distinctive » et à constater « l’absence de caractère distinctif » de ladite marque. Il s’ensuit que le présent argument manque en fait.

37      En ce qui concerne, par ailleurs, les arguments de la requérante selon lesquels la marque demandée était dotée d’un minimum de caractère distinctif, il importe de souligner que, aux points 10 et 11 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la combinaison verbale constituant la marque demandée correspondait, selon les dictionnaires anglais cités, à une expression idiomatique anglaise ordinaire ou banale pour inviter une personne à « n’avoir aucune hésitation » ou à « ne faire preuve d’aucune timidité », ou encore pour « dire à quelqu’un qu’il n’y a[vait] aucune raison d’hésiter à faire quelque chose ». En outre, aux points 10 et 11 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que la signification de la combinaison verbale constituant la marque demandée était, en anglais, grammaticalement correcte, simple, évidente et claire. Il y a lieu d’entériner ces appréciations de la chambre de recours, lesquelles ne sont, au demeurant, pas contestées en tant que telles par la requérante.

38      Pour autant que la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir conclu à tort que la marque demandée constituait un slogan publicitaire et d’avoir, pour ce motif, retenu une approche plus stricte que la normale dans l’analyse du caractère distinctif de cette marque, il importe de rappeler que, aux points 11, 12 et 16 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, dans la mesure où la marque demandée correspondait, en anglais, à une expression idiomatique ordinaire ou banale, grammaticalement correcte et dont la signification était simple, évidente et claire, celle-ci serait comprise, quant aux services concernés, comme un slogan informant le consommateur qu’il éprouverait un sentiment positif lié au fait qu’il ne devrait pas hésiter à utiliser ces services ou que lesdits services et, en particulier, le temps passé à bord du bateau de croisière, lui procureraient une sensation générale de liberté. Elle a estimé qu’il s’agissait ainsi d’une expression élogieuse assurant la promotion des services concernés. Enfin, aux points 8 et 11 à 14 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, en raison du caractère banal et clair du message transmis par la marque demandée, faisant obstacle à ce que celle-ci déclenchât un processus cognitif dans l’esprit du public pertinent, et de l’absence de tout élément, dans ladite marque, qui pourrait permettre à ce public de la mémoriser facilement et immédiatement en tant que signe distinctif quant aux services concernés, il était exclu que celle-ci fût perçue, « au-delà de son sens manifestement élogieux assurant la promotion des services en question », comme indiquant que ces services provenaient d’une entreprise donnée, mais que, au contraire, la marque demandée pouvait être utilisée par n’importe quelle entreprise afin d’inciter les consommateurs à acheter ses produits ou ses services. Il ressort de ces appréciations que la chambre de recours n’a pas déduit l’absence de caractère distinctif de la marque demandée du seul constat que cette marque pouvait, quant aux services concernés, être perçue comme un slogan promotionnel puisqu’elle a encore recherché si, au-delà d’une telle perception, la marque demandée ne pouvait pas, en raison de ses caractéristiques intrinsèques, être également perçue comme une indication d’origine commerciale. Ce faisant, elle a adopté une approche conforme aux exigences de la jurisprudence citée aux points 28 à 33 ci-dessus. Il s’ensuit que le présent grief doit être rejeté, comme manquant en fait.

39      Dans la mesure où la requérante fait, en substance, grief à la chambre de recours d’avoir déduit l’absence de caractère distinctif de la marque demandée du caractère banal ou « sans la moindre trace de fantaisie » du message qu’elle véhicule, il y a lieu d’observer que cette considération s’inscrit dans un constat plus global de la chambre de recours, au point 12 de la décision attaquée, selon lequel « [l’]expression ‘‘feel free’’ ne contient aucun élément qui, au-delà de son sens manifestement élogieux assurant la promotion des services en question, pourrait permettre au public pertinent de mémoriser facilement et immédiatement le signe en tant que marque distinctive pour les services visés par la demande ». Ainsi, si l’absence de caractère fantaisiste de la marque demandée a été relevée par la chambre de recours, cela n’a été qu’à titre illustratif de ce qu’aucune des caractéristiques intrinsèques de ladite marque ne permettait de considérer que, au-delà de sa perception en tant que message promotionnel par le public pertinent, celle-ci pourrait également être perçue par ce public comme étant une indication d’origine commerciale. Il s’ensuit que le présent grief doit être écarté comme étant non fondé.

40      S’agissant des arguments de la requérante tirés de ce que la marque demandée présenterait une « certaine originalité et prégnance », qu’elle nécessiterait un « minimum d’effort d’interprétation » et qu’elle déclencherait un « processus de réflexion » quant aux services concernés, en provoquant des associations d’idées ou d’images de vacances, de liberté, d’aventure qui vont au-delà des simples termes qui la composent, comme la chambre de recours l’aurait d’ailleurs reconnu dans la décision attaquée, ou encore que ladite marque resterait, de par sa concision et son caractère frappant, dans l’esprit du public pertinent, il y a lieu de rappeler que, ainsi que la chambre de recours l’a constaté dans la décision attaquée, sans que la requérante le conteste, le syntagme « feel free » sera compris, par la partie anglophone du public pertinent, comme une expression idiomatique l’invitant à « n’avoir aucune hésitation » ou à « ne faire preuve d’aucune timidité » ou encore à n’avoir « aucune raison d’hésiter à faire quelque chose ». La signification de l’expression « feel free », en anglais, est simple, évidente et claire. Il ne s’agit pas, comme l’indique à juste titre l’EUIPO, d’une expression de fantaisie, mais d’une expression qui fait partie du langage courant et qui est très généralement utilisée pour transmettre un sentiment positif en invitant une personne à se sentir libre ou à n’être soumise à aucune contrainte.

41      Pour autant que la requérante fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir opéré, au point 16 de la décision attaquée, de différenciation entre les différentes catégories de services concernés, il y a lieu de constater que la compréhension de la marque demandée en tant qu’expression invitant le consommateur à se sentir libre ou à n’être soumis à aucune contrainte, que ce soit dans le cadre de l’acquisition ou de l’utilisation même des services concernés, n’est pas seulement pertinente, comme le relève à juste titre l’EUIPO, pour les « services de bateaux de croisière » mais également pour l’« organisation de croisières ». En effet, les prestataires de services d’organisation de croisières peuvent, de même que tout autre opérateur économique, inviter le consommateur à se sentir libre ou à n’être soumis à aucune contrainte dans le cadre de l’acquisition ou de l’utilisation de leurs services. Ainsi, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant non fondé.

42      Par ailleurs, il y a lieu de relever que la marque demandée ne présente pas, au regard des règles syntaxiques, grammaticales, phonétiques ou sémantiques anglaises, un caractère inhabituel susceptible d’inciter la partie anglophone du public pertinent à la percevoir différemment.

43      Aussi bien et contrairement à ce que prétend la requérante, le consommateur n’aura pas besoin d’accomplir un effort d’interprétation ou des associations intellectuelles successives pour comprendre le syntagme « feel free » comme étant une expression élogieuse, de nature rassurante, qui l’inciterait à acquérir ou à utiliser les services concernés.

44      Sous ce premier angle, la marque demandée n’a donc pas d’aptitude particulière à être perçue comme une indication d’origine commerciale par le public pertinent.

45      De plus, la marque demandée ne contient aucun jeu de mots ou expression fantaisiste, surprenante ou inattendue et n’est pas empreinte d’une originalité ou d’une prégnance particulières, ni d’une ambiguïté susceptible de déclencher dans l’esprit du consommateur un processus cognitif nécessitant un effort particulier.

46      L’argument de la requérante tiré du dédoublement de la lettre « e » dans les deux termes composant la marque demandée, à supposer même qu’il soit recevable, ce qui est contesté par l’EUIPO, ainsi que l’argument fondé sur l’allitération en « f » existant dans cette même marque doivent également être écartés comme étant, en tout état de cause, non fondés. En effet, de nombreux mots anglais, d’usage courant, ne contiennent que quelques lettres, incluant un double « e », de sorte que la présence d’un tel dédoublement dans les termes composant la marque demandée risque de ne pas être spécialement remarquée par la partie anglophone du public pertinent et, à supposer qu’elle le soit, elle ne sera pas perçue, par celui-ci, comme un élément de nature à conférer à la marque demandée un caractère distinctif. De même, dès lors que l’allitération en « f » relevée par la requérante ne porte que sur deux mots et une seule lettre, il est peu probable qu’elle sera relevée par le consommateur et, à supposer qu’elle le soit, elle ne sera pas non plus perçue, par celui-ci, comme un élément de nature à conférer à la marque demandée un caractère distinctif. L’effet éventuellement produit par les caractéristiques intrinsèques de la marque demandée ainsi mises en avant par la requérante sera tellement limité qu’il ne modifiera pas la perception globale de cette marque par le consommateur comme étant un slogan promotionnel.

47      Sous ce second angle, la marque demandée n’a donc pas non plus d’aptitude particulière à être perçue comme une indication d’origine commerciale.

48      Dans la mesure où la requérante argue que le public pertinent est habitué à l’utilisation de slogans et de formules toutes faites en tant que marque et qu’il tendra, par conséquent, à percevoir la marque demandée comme une indication d’origine commerciale, son argumentation se fonde sur de simples allégations, non étayées, et qui sont contestées par l’EUIPO. Or, il est loisible au Tribunal de tenir compte de ce qu’une partie s’abstient de fournir des éléments à l’appui de ses propres allégations (arrêt du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, EU:C:2008:159, point 56). En tout état de cause, cet argument est inopérant, dans la mesure où, à le supposer fondé, il n’est pas de nature à expliquer les raisons pour lesquelles la marque demandée, au-delà du slogan publicitaire qu’elle véhicule, serait apte à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Il y a donc lieu d’écarter le présent argument, qui repose sur de simples allégations non étayées et qui est, en tout état de cause, inopérant.

49      Pour autant que la requérante invoque l’enregistrement d’un signe identique à la marque demandée par l’USPTO, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement no 207/2009, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement [arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65, et du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 71].

50      Un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir arrêt du 30 avril 2015, BE HAPPY, T‑707/13 et T‑709/13, non publié, EU:T:2015:252, point 65 et jurisprudence citée). En l’espèce, il ressort du point 19 de la décision attaquée que la chambre de recours a établi que la marque demandée ne possédait aucun caractère distinctif.

51      Pour ces motifs, les arguments fondés sur l’enregistrement d’un signe identique à la marque demandée par l’USPTO doivent être écartés comme étant dépourvus de pertinence.

52      Il s’ensuit qu’aucun des griefs ou des arguments avancés par la requérante n’est de nature à remettre en cause la légalité de l’appréciation de la chambre de recours, au point 18 de la décision attaquée, selon laquelle la marque demandée ne serait pas perçue comme une indication d’origine commerciale par la partie anglophone du public pertinent.

53      Plus généralement et au vu de l’ensemble des appréciations qui précèdent, tous les griefs et les arguments avancés par la requérante au soutien de son moyen unique, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, doivent être rejetés comme étant non fondés ou sans pertinence.

54      Dès lors, il y a lieu de rejeter le moyen unique de la requérante comme étant non fondé et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

56      En l’espèce, la requérante, qui a succombé, doit être condamnée aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      NCL Corporation Ltd est condamnée aux dépens.

 

Pelikánová            

 

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 juin 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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