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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Portugal v Commission (Agriculture and Fisheries - Judgment) French Text [2018] EUECJ T-462/16 (09 March 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T46216.html Cite as: [2018] EUECJ T-462/16, EU:T:2018:127, ECLI:EU:T:2018:127 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
9 mars 2018 (*)
« FEAGA – Dépenses exclues du financement – Aides à la surface – Dépenses effectuées par le Portugal – Confiance légitime – Article 41, paragraphe 3, du règlement (CE) no 73/2009 – Article 31, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1290/2005 – Proportionnalité »
Dans l’affaire T‑462/16,
République portugaise, représentée par MM. L. Inez Fernandes, M. Figueiredo, J. Saraiva de Almeida et Mme P. Estêvão, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. A. Sauka, en qualité d’agent, assisté de Mes M. Marques Mendes et A. Dias Henriques, avocats,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation dela décision d’exécution (UE) 2016/1059 de la Commission, du 20 juin 2016, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2016, L 173, p. 59), en ce qu’elle concerne la République portugaise,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
composé de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz (rapporteur) et C. Iliopoulos, juges,
greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 octobre 2017,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Du 30 septembre au 4 octobre 2013, la Commission européenne a procédé à une enquête, portant la référence AA/2013/004, concernant la bonne application, par la République portugaise, de règles relatives aux « aides à la surface ».
2 Par lettre du 22 janvier 2014, la Commission a communiqué à la République portugaise ses constatations (ci-après la « première communication »), conformément à l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90). La Commission estimait que certaines dépenses n’avaient pas été effectuées dans le respect du droit de l’Union européenne.
3 Par lettre du 6 juin 2014, la Commission a invité les autorités portugaises à une réunion bilatérale, conformément à l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 885/2006. Cette réunion bilatérale s’est tenue le 11 juillet 2014.
4 La République portugaise a répondu aux constatations de la Commission par lettre du 20 juin 2014.
5 Par lettre du 9 octobre 2014, la Commission a communiqué aux autorités portugaises le procès-verbal de la réunion bilatérale.
6 Le 26 février 2015, la Commission a communiqué ses conclusions à la République portugaise, conformément à l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 885/2006. Il ressort de cette communication que la Commission maintient sa position selon laquelle l’application des paiements directs des aides à la surface par les autorités portugaises au cours des exercices 2013 et 2014 n’était pas conforme à la réglementation de l’Union. Elle a donc proposé d’exclure du financement de l’Union un montant de 29 957 192,92 euros.
7 Par lettre du 9 avril 2015, la République portugaise a demandé l’ouverture de la procédure devant l’organe de conciliation, conformément à l’article 16 du règlement no 885/2006. Le 23 octobre 2015, l’organe de conciliation a conclu à l’impossibilité de concilier les points de vue des deux parties.
8 Par lettre du 17 décembre 2015, la Commission a communiqué aux autorités portugaises sa position définitive.
9 Les motifs des corrections financières effectuées par la Commission sont résumés dans le rapport de synthèse du 20 mai 2016 concernant les résultats des vérifications de la Commission dans le contexte de la procédure d’apurement de conformité (ci-après le « rapport de synthèse »).
10 Par sa décision d’exécution (UE) 2016/1059, du 20 juin 2016, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2016, L 173, p. 59, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a écarté du financement de l’Union, en raison de lacunes dans la consolidation, un montant de 29 957 339,70 euros correspondant à des dépenses déclarées par la République portugaise au titre des aides à la surface, au cours des exercices financiers 2013 et 2014.
Procédure et conclusions des parties
11 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 août 2016, la République portugaise a introduit le présent recours.
12 La République portugaise conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée en ce qu’elle lui applique une correction financière d’un montant de 29 957 339,70 euros pour les dépenses effectuées au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) ;
– condamner la Commission aux dépens.
13 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la République portugaise aux dépens.
14 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 février 2017, la Commission a demandé, en vertu de l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal, la jonction de la présente affaire à l’affaire T‑463/16, Portugal/Commission, aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance.
15 Après avoir recueilli les observations de la République portugaise sur cette demande de jonction, le Tribunal (quatrième chambre) a, le 9 mars 2017, décidé de ne pas joindre les deux affaires susmentionnées.
En droit
16 À l’appui du présent recours, la République portugaise invoque trois moyens, tirés :
– le premier, de la violation du principe de protection de la confiance légitime en ce que la Commission a reconnu la mise en œuvre d’un programme de développement public pour « adapter les droits » conformément à l’article 41, paragraphe 3, du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 (JO 2009, L 30, p. 16), mais a refusé, a posteriori, de financer des dépenses sur la base de l’ajustement des droits qui lui avait été proposé ;
– le deuxième, de la violation des articles 34 et 36 et de l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 73/2009 ;
– le troisième, de la violation de l’article 31, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1), et du principe de proportionnalité.
Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime
17 La République portugaise fait valoir que la Commission a, dans un premier temps, reconnu que les autorités portugaises avaient exécuté un programme de développement public visant à « adapter les droits », conformément à l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 73/2009, et, dans un second temps, écarté du financement de l’Union des dépenses effectuées en application de ce programme. Or, selon elle, un tel « changement d’appréciation » violerait le principe de protection de la confiance légitime.
18 La Commission conteste le bien-fondé de ce moyen.
19 En ce qui concerne le principe de protection de la confiance légitime, il résulte d’une jurisprudence constante que le droit de se prévaloir de ce principe s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées et que nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir ordonnance du 4 juillet 2013, Menidzherski biznes reshenia, C‑572/11, non publiée, EU:C:2013:456, point 30 et jurisprudence citée).
20 Des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables constituent des assurances susceptibles de faire naître de telles espérances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués (voir arrêt du 14 mars 2013, Agrargenossenschaft Neuzelle, C‑545/11, EU:C:2013:169, point 25 et jurisprudence citée).
21 Ce principe peut être également invoqué par un État membre (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2015, Pologne/Commission, T‑290/12, EU:T:2015:221, point 57 et jurisprudence citée).
22 En l’espèce, il y a lieu de relever que, afin de soutenir que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime, la République portugaise se fonde sur le passage suivant du point 2.1 de la première communication, intitulé « Plan de consolidation portugais » :
« Il semble donc nécessaire de garantir que l’application du plan d’action concernant l’année 2011 – obligatoire pour tous les agriculteurs – n’aura pas d’effets négatifs se prolongeant au-delà de l’exercice de l’actualisation des surfaces conformément à l’objectif poursuivi par le plan.
En concertation avec la [direction générale (DG) “Agriculture et développement rural”], les autorités portugaises ont donc décidé que la consolidation de droits serait appliquée (article 18 du règlement no 1120/2009) aux producteurs déclarant au moins 50 % des droits attribués antérieurement (en 2010).
En outre, le mécanisme de recalcul des droits prévu par l’article 81, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009 a été appliqué aux agriculteurs qui, à la suite du plan d’action, ont déclaré moins de 50 % de la surface. Dans la mesure où les deux mécanismes d’adaptation des droits (article 18 du règlement no 1120/2009 ou article 81 du règlement no 1122/2009) reposent sur les mêmes critères objectifs, afin d’aboutir à une égalité de traitement des agriculteurs et d’éviter les distorsions du marché et de la concurrence, tous les agriculteurs ont été considérés comme admissibles.
[…]
Aux fins de l’adaptation des droits conformément à l’article 18 du règlement no 1120/2009 et à l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 73/2009, les autorités portugaises ont mis en œuvre un programme de développement public. »
23 Or, force est de constater que la lecture de ce passage de la première communication ne permet de déceler aucune assurance précise de la Commission relative à la non-imposition de corrections financières.
24 En effet, il ressort clairement du point 2.1 de la première communication que la Commission se borne à décrire la position des autorités portugaises ainsi que le plan mis en place pour tenter de se conformer aux exigences prévues par l’article 18 du règlement (CE) no 1120/2009de la Commission, du 29 octobre 2009, portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le titre III du règlement no 73/2009 (JO 2009, L 316, p. 1) et par l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 73/2009. Contrairement à ce que laisse entendre la République portugaise, il ne découle nullement dudit point 2.1 que la Commission reconnaît le caractère adéquat du programme mis en place pour respecter ces deux dispositions et encore moins que la Commission n’appliquera pas de corrections financières.
25 Ce n’est que dans le point 2.2 de la première communication, intitulé « Analyse de la DG [“Agriculture et développement rural”] », que la Commission a pris position quant audit programme et a expliqué les raisons pour lesquelles il présentait des lacunes. Or, à la lecture dudit point 2.2, la République portugaise ne pouvait valablement soutenir qu’elle plaçait sa confiance légitime dans la conformité du programme en cause avec le droit de l’Union et dans l’absence de correction financière. Il convient d’ajouter que les mêmes réserves que celles figurant audit point 2.2 ont été réitérées au point 1.1.2 des conclusions de la Commission, communiquées par lettre du 26 février 2015 (voir point 6 ci-dessus) ainsi qu’au point 12.8.1.2 du rapport de synthèse.
26 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen comme non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des articles 34 et 36 et de l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 73/2009
27 Par ce moyen, d’une part, la République portugaise fait valoir que la Commission a interprété de manière erronée l’article 18 du règlement no 1120/2009 et l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 73/2009, en considérant que, conformément audit article 18, la consolidation des droits ne pouvait se faire que sur demande de l’agriculteur. Selon elle, l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 73/2009 ne prévoit pas que la consolidation du droit ne puisse se concrétiser qu’à la suite d’une demande de l’agriculteur. Au contraire, l’utilisation de l’expression « [l]es États membres peuvent utiliser la réserve nationale » laisse entendre que ces derniers sont libres de prendre eux-mêmes l’initiative d’utiliser la réserve nationale sans qu’il soit nécessaire qu’une demande des agriculteurs soit faite en ce sens.
28 D’autre part, la République portugaise fait grief à la Commission d’avoir considéré que le délai prévu par l’article 15 du règlement no 1122/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 73/2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole (JO 2009, L 316, p. 65) était applicable. Selon elle, lorsque la réserve nationale est utilisée aux fins prévues par l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 73/2009 à l’initiative de l’État membre et non à celle de l’agriculteur, le délai prévu par l’article 15 du règlement no 1122/2009 n’est pas applicable.
29 Par ailleurs, la République portugaise prétend, en substance, que l’interprétation qu’elle fait de l’article 18 du règlement no 1120/2009 est corroborée par l’arrêt du 5 juin 2014, Vonk Noordegraaf (C‑105/13, EU:C:2014:1126).
30 Elle en conclut que les autorités portugaises ont correctement appliqué l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 73/2009 de sorte à sauvegarder les intérêts des agriculteurs protégés par les dispositions des articles 34 et 36 du même règlement.
31 La Commission conteste le bien-fondé de ce moyen.
32 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 73/2009 :
« Les États membres qui n’appliquent pas l’article 68, paragraphe 1, [sous] c), [du règlement no 73/2009] peuvent utiliser la réserve nationale pour établir, selon des critères objectifs et de manière à assurer l’égalité de traitement entre les agriculteurs et à éviter des distorsions du marché et de la concurrence, des droits au paiement pour les agriculteurs dans des zones soumises à des programmes de restructuration et/ou de développement concernant l’une ou l’autre forme d’intervention publique afin d’éviter l’abandon des terres agricoles et/ou de dédommager les agriculteurs pour les désavantages spécifiques dont ils souffrent dans ces zones. »
33 Le considérant 7 du règlement no 1120/2009 indique :
« L’article 41, paragraphes 2 et 3, du règlement […] no 73/2009 prévoit la possibilité d’utiliser la réserve nationale pour octroyer des droits au paiement. Il convient d’établir des règles relatives au calcul du nombre et de la valeur des droits au paiement à allouer de cette manière. Afin de laisser une certaine marge de manœuvre aux États membres, qui sont les plus à même d’évaluer la situation de chaque agriculteur sollicitant ce type de mesures, il importe que le nombre maximal de droits à accorder n’excède pas le nombre d’hectares déclarés et que leur valeur ne soit pas supérieure à un montant à fixer par les États membres selon des critères objectifs. »
34 L’article 18, paragraphes 1 et 6, du règlement no 1120/2009 dispose :
« 1. Lorsqu’un État membre fait usage de la faculté prévue à l’article 41, paragraphe 3, du règlement […] no 73/2009, il peut notamment octroyer, sur demande, conformément au présent article, des droits au paiement aux agriculteurs des zones concernées qui déclarent moins d’hectares que le nombre correspondant aux droits au paiement qui leur avaient été attribués conformément aux articles 43 et 59 du règlement […] no 1782/2003.
[…]
6. L’agriculteur concerné doit déclarer la totalité des hectares qu’il détient au moment de la demande. »
35 Enfin, conformément à l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1122/2009 :
« Les demandes d’attribution ou, le cas échéant, d’augmentation de droits au paiement au titre du régime de paiement unique sont introduites à une date fixée par les États membres, mais au plus tard le 15 mai de la première année d’application du régime de paiement unique, de l’intégration du régime des aides couplées, de l’application des articles 46 à 48 du règlement […] no 73/2009, ou pendant les années d’application de l’article 41, de l’article 57 ou de l’article 68, paragraphe 1, [sous] c), dudit règlement. […] »
36 Il y a lieu d’observer que l’affirmation non étayée de la République portugaise selon laquelle, en substance, la consolidation des droits peut se faire à l’initiative de l’État membre et, dans ce cas, le délai prévu par l’article 15 du règlement no 1122/2009 n’est pas applicable, ne trouve aucun fondement dans l’article 18 du règlement no 1120/2009, ni dans l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 73/2009 , ni dans l’article 15 du règlement no 1122/2009.
37 Au contraire, il ressort du libellé du considérant 7 du règlement no 1120/2009, de l’article 18, paragraphes 1 et 6, de ce même règlement et de l’article 15 du règlement no 1122/2009, lesquels doivent faire l’objet d’une lecture combinée ainsi que le soutient à juste titre la Commission, que la faculté d’utiliser la réserve nationale aux fins de la consolidation des droits doit être exercée à la suite d’une demande dont l’auteur doit être l’agriculteur.
38 En effet, l’utilisation des termes « sur demande » à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1120/2009 laisse entendre qu’une demande doit être formulée pour que l’État membre puisse utiliser la réserve nationale afin d’octroyer des droits au paiement aux agriculteurs. Par ailleurs, il ressort, d’une part, du considérant 7 du règlement no 1120/2009, lequel précise que les États membres sont les plus à même d’évaluer la situation de chaque agriculteur sollicitant le type de mesures prévues à l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 73/2009 et, d’autre part, de l’article 18, paragraphe 6, du règlement no 1120/2009, qui indique que l’agriculteur doit déclarer la totalité des hectares qu’il détient au moment de la demande, que c’est à l’agriculteur qu’il revient de formuler une demande de consolidation des droits.
39 Il y a lieu de rejeter également, par voie de conséquence, l’allégation de la République portugaise selon laquelle, lorsque la réserve nationale est utilisée à l’initiative d’un État membre, le délai prévu par l’article 15 du règlement no 1122/2009 n’est pas applicable. En effet, ainsi qu’il ressort du point 37 ci-dessus, la réserve nationale aux fins de la consolidation des droits ne peut être utilisée qu’à la suite d’une demande dont l’auteur est l’agriculteur et non à l’initiative d’un État membre.
40 Eu égard aux considérations qui précèdent, la République portugaise ne saurait valablement reprocher à la Commission d’avoir violé les articles 34, 36 et l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 73/2009.
41 Il convient de relever que cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la République portugaise selon lequel son interprétation de l’article 18 du règlement no 1120/2009 serait corroborée par l’arrêt du 5 juin 2014, Vonk Noordegraaf (C‑105/13, EU:C:2014:1126). En effet, les circonstances de l’espèce sont différentes de celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 juin 2014, Vonk Noordegraaf (C‑105/13, EU:C:2014:1126). Alors que la présente affaire met en cause une utilisation de la réserve nationale non conforme à la réglementation de l’Union, l’arrêt du 5 juin 2014, Vonk Noordegraaf (C‑105/13, EU:C:2014:1126), concerne un cas où, en vue de se conformer aux remarques formulées par la Commission, l’État membre a dû modifier les modalités de détermination de la superficie des parcelles agricoles sur son territoire, ce qui a conduit à modifier les droits au paiement des agriculteurs. Ainsi que l’a souligné à juste titre la Commission, la solution dégagée dans l’affaire Vonk Noordegraafn’est donc pas transposable en l’espèce. Partant, l’arrêt du 5 juin 2014, Vonk Noordegraaf (C‑105/13, EU:C:2014:1126), ne saurait valablement être invoqué par la République portugaise pour corroborer son interprétation, au demeurant erronée, dudit article 18.
42 Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005 et du principe de proportionnalité
43 La République portugaise fait valoir que, dans ses observations sur la première communication, elle avait déclaré que l’impact de l’ajustement avait affecté près de 13 % des bénéficiaires et correspondait à 2 % de la zone et des droits du régime de paiement unique. Elle prétend donc que, le taux de correction ne pouvant dépasser 2 %, la Commission a violé l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005 en appliquant un taux de correction de 5 % et le principe de proportionnalité.
44 La Commission conteste le bien-fondé de ce moyen.
45 À titre liminaire, d’une part, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit notamment contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. En outre, en vertu d’une jurisprudence constante, indépendamment de toute question de terminologie, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans avoir à solliciter d’autres informations. Il faut, en effet, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice (voir arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T‑384/14, EU:T:2016:298, point 38 et jurisprudence citée). Par ailleurs, la partie requérante doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé. Dès lors, la seule énonciation abstraite du moyen ne répond pas aux exigences du règlement de procédure [voir arrêt du 12 décembre 2002, eCopy/OHMI (ECOPY), T‑247/01, EU:T:2002:319, point 15 et jurisprudence citée].
46 D’autre part, il ressort de l’article 84 du règlement de procédure que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins qu’ils ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés au cours de la procédure.
47 D’emblée, il convient de relever que, dans la requête, la République portugaise mentionne uniquement et explicitement la correction forfaitaire de 5 % imposée pour l’année de demande 2012 sans faire aucune référence à la correction forfaitaire de 2 % imposée pour l’année de demande 2013. En réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la République portugaise a toutefois affirmé que le troisième moyen devait être interprété comme visant à remettre en cause la décision attaquée en ce qui concerne le taux de correction de 5 % pour l’année de demande 2012 et l’année de demande 2013. Cette dernière a notamment allégué qu’elle remettait en cause la correction forfaitaire dans son ensemble, en raison des 2 % qui sont suffisants pour couvrir l’année de demande 2012 ainsi que l’année de demande 2013, au cas où des dérapages ou des non-conformités auraient été constatés.
48 À cet égard, indépendamment du caractère confus de l’argumentation présentée par la République portugaise comme cela est indiqué au point ci-dessus, force est de constater que le moyen relatif à l’année de demande 2013, présenté pour la première fois lors de l’audience, doit être considéré comme un moyen nouveau, au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure. Dans la mesure où il ne se fonde pas sur un élément révélé au cours de la procédure au sens de la disposition susmentionnée, il doit dès lors être écarté comme étant tardif et, partant, irrecevable.
49 En tout état de cause, quand bien même ce moyen relatif à l’année de demande 2013 aurait été recevable, il aurait dû être rejeté comme étant non fondé. En effet, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission lors de l’audience, force est de constater qu’aucun taux de correction de 5 % n’a été imposé pour l’année de demande 2013 ainsi que cela ressort clairement du rapport de synthèse dans lequel il est indiqué que, s’agissant de l’année de demande 2013, un taux de correction de 2 % serait imposé.
50 Quant à l’argumentation développée au soutien du troisième moyen en ce qui concerne l’année de demande 2012, la République portugaise se borne à affirmer dans sa requête que, premièrement, « les autorités portugaises [avaient déclaré] que l’impact de l’ajustement avait affecté près de 13 % des bénéficiaires et correspondait à 2 % de la zone et des droits [du régime de paiement unique] ; deuxièmement, « en ce qui concerne la question de la prétendue consolidation irrégulière des droits, dans le rapport de synthèse, la Commission propose une correction financière de 5 % » ; troisièmement, « [à] la lumière de ce qui précède, la correction forfaitaire applicable ne devrait pas dépasser 2 % selon les calculs fournis par les autorités portugaises » ; quatrièmement, « [i]l apparaît que la correction est disproportionnée, dans la mesure où le montant que la [DG “Agriculture et développement rural”] propose d’écarter du financement est supérieur à celui qui résulterait de l’impact de l’ajustement (2 %) » ; et, enfin, cinquièmement, « [e]n vertu de la jurisprudence tirée de [l’arrêt du 26 février 2015, Lituanie/Commission, T‑365/13, EU:T:2015:113], d’après les calculs présentés par les autorités portugaises, le taux de correction devrait toujours être appliqué à la partie de la dépense exposée au risque, à savoir 2 % ».
51 Or, le Tribunal considère que cette argumentation ne peut qu’être rejetée comme non fondée.
52 À cet égard, il y a lieu de relever que la République portugaise ne conteste pas la constatation de la Commission selon laquelle la consolidation irrégulière des droits est une carence dans la réalisation d’un contrôle clé. Il ressort des réponses aux questions du Tribunal posées lors de l’audience que la République portugaise conteste le taux retenu et le fait que ce taux ait été appliqué à toutes les dépenses.
53 Or, il convient de rappeler que les orientations pour l’application des corrections forfaitaires ont été définies dans le document no VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après les « orientations »). Lorsqu’il est impossible de déterminer le montant réel des paiements irréguliers et, de ce fait, le montant des pertes financières subies par l’Union, ce sont des corrections forfaitaires qui sont appliquées en fonction de l’évaluation du risque de pertes encouru par le budget de l’Union du fait de contrôles déficients. Le montant de la correction forfaitaire prévue par les orientations varie entre 2, 5, 10 et 25 %, voire plus, des dépenses déclarées par un État membre, en fonction de l’importance des manquements constatés dans la mise en œuvre des contrôles. À cet effet, les orientations opèrent une distinction entre les contrôles clés et les contrôles secondaires.
54 Conformément à l’annexe 2 des orientations (pages 11 à 13), lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou le sont si mal ou si rarement qu’ils sont inefficaces, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 10 % des dépenses déclarées. Lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais le sont sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 5 % des dépenses déclarées. Si l’État membre effectue correctement les contrôles clés, mais omet de réaliser un ou plusieurs contrôles secondaires, la correction applicable est une correction à hauteur de 2 % des dépenses déclarées. Dans des cas exceptionnels, l’application de taux de correction plus élevés peut être décidée.
55 Les contrôles clés et les contrôles secondaires sont définis à l’annexe 2, page 11, des orientations, dans les termes suivants :
« Les contrôles clés sont les vérifications physiques et administratives requises pour contrôler les éléments quant au fond, en particulier la réalité de l’objet de la demande, la quantité et les conditions qualitatives, y compris le respect des délais, les exigences de récoltes, les délais de rétention, etc. Ils sont effectués sur le terrain et par regroupement avec des informations indépendantes, telles que les registres cadastraux. Les contrôles secondaires sont les opérations administratives nécessaires pour traiter correctement les demandes, telles que la vérification du respect des délais de soumission, l’identification de demandes en doublon pour un même objet, l’analyse du risque, l’application de sanctions et la supervision adéquate des procédures. »
56 Enfin, les orientations prévoient que le taux de correction doit être appliqué à la part des fonds pour laquelle la dépense a constitué un risque. Lorsque la carence résulte de la non-adoption, par un État membre, d’un système de contrôle approprié, la correction doit être appliquée à toutes les dépenses auxquelles ce système de contrôle était applicable. Lorsqu’il y a des raisons de supposer que la carence est limitée à la non-application du système de contrôle adopté par l’État membre dans un département ou dans une région, la correction doit être appliquée aux dépenses gérées par ledit département ou ladite région.
57 En l’espèce, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, et comme cela ressort notamment du procès-verbal de la réunion bilatérale et de la position définitive du 17 décembre 2015, la Commission a précisé à la République portugaise, à plusieurs reprises lors de la procédure d’apurement, qu’elle considérait que les calculs des autorités portugaises n’étaient pas exacts. Lors de l’audience, la République portugaise a soutenu avoir fourni des explications quant à ses calculs dans la lettre du 9 avril 2015 par laquelle elle avait sollicité l’ouverture de la procédure de conciliation.
58 Toutefois, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre lors de l’audience, l’organe de conciliation a souligné que, s’agissant de l’année de demande 2012, les autorités portugaises avaient, certes, transmis des informations relatives à la méthodologie de calcul sans toutefois expliquer comment la somme de 2,8 millions d’euros avait été obtenue. En outre, il y a lieu de relever qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier soumis au Tribunal que lesdites autorités auraient fourni d’autres détails utiles quant à ces calculs.
59 Or, à défaut de précisions et d’un calcul fiable permettant d’évaluer les pertes subies par le Fonds, une correction forfaitaire devait être envisagée conformément aux orientations. C’est donc sans commettre d’erreur et sans méconnaître le principe de proportionnalité que la Commission, après avoir constaté que l’irrégularité relative à la consolidation était une carence dans la réalisation d’un contrôle clé, a retenu un taux forfaitaire de 5 %.
60 Eu égard aux considérations qui précèdent, la République portugaise ne saurait valablement reprocher à la Commission d’avoir retenu un taux de correction de 5 % ni d’avoir appliqué un tel taux à l’ensemble des dépenses.
61 Partant, il y a lieu de rejeter le troisième moyen ainsi que le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
62 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République portugaise ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La République portugaise est condamnée aux dépens.
Kanninen | Schwarcz | Iliopoulos |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2018.
Signatures
* Langue de procédure : le portugais.
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