Ghost - Corporate Management v EUIPO (Dry Zone) (Intellectual, industrial and commercial property - Judgment) French Text [2018] EUECJ T-488/17 (20 September 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T48817.html
Cite as: [2018] EUECJ T-488/17, EU:T:2018:571, ECLI:EU:T:2018:571

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

20 septembre 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande marque de l’Union européenne verbale Dry Zone – Délai de recours – Tardiveté – Irrecevabilité du recours formé devant la chambre de recours – Article 60 du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 68 du règlement (UE) 2017/1001] – Absence de cas fortuit ou de force majeure – Obligation de vigilance et de diligence – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑488/17,

Ghost – Corporate Management SA, établie à Lisbonne (Portugal), représentée par Me S. de Barros Araújo, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 5 juin 2017 (affaire R 683/2017-2), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal Dry Zone comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, D. Spielmann (rapporteur) et Z. Csehi, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 août 2017,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 13 novembre 2017,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Le 31 mai 2016, la requérante, Ghost – Corporate Management, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Dry Zone.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 5, 10 et 16 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        Par décision du 27 janvier 2017, l’examinateur a partiellement refusé la marque faisant objet de la demande au motif qu’elle ne respectait pas les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001].

5        Il n’est pas contesté par la requérante que cette décision lui a été transmise par communication électronique le même jour. 

6        Le lundi 27 mars 2017, la requérante a envoyé, par courrier recommandé, un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de l’examinateur.

7        Préalablement à l’envoi par la poste, la requérante avait tenté le vendredi 24 mars 2017 dans l’après-midi, à trois reprises – à 16 h 30, à 16 h 52 et à 17 h 48 –, d’envoyer le recours et le mémoire exposant les motifs par télécopie à l’EUIPO. Toutefois, le rapport de transmission indiquait à chaque fois que le télécopieur de l’EUIPO était occupé.

8        Le 4 avril 2017, l’EUIPO a reçu par voie postale le recours à l’encontre de l’examinateur.

9        Le 10 avril 2017, le greffe des chambres de recours de l’EUIPO a informé la requérante que le recours n’avait pas été formé dans le délai prévu, qui avait expiré le 3 avril 2017, et que, par conséquent, il risquait d’être déclaré irrecevable, et l’a invitée à présenter ses observations dans un délai d’un mois.

10      Le 4 mai 2017, la requérante a déposé des observations.

11      Par décision du 5 juin 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours comme irrecevable. En particulier, elle a considéré que la décision de l’examinateur du 27 janvier 2017 était réputée avoir été adoptée le 1er février 2017, conformément à la règle 61, paragraphe 2, sous d), et à la règle 65 du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1) [devenus article 56, paragraphe 2, sous a), et article 57 du règlement délégué (UE) 2017/1430 de la Commission, du 18 mai 2017, complétant le règlement no 207/2009 et abrogeant les règlements no 2868/95 et no 216/96 (JO 2017, L 205, p.1)], et à l’article 4, paragraphe 4, de la décision EX-13-2 du directeur exécutif de l’EUIPO, du 26 novembre 2013, concernant les communications électroniques de et vers l’EUIPO, modifiée par la décision EX-15-1 du directeur exécutif de l’EUIPO, du 29 janvier 2015. En outre, la chambre de recours a estimé que, conformément à l’article 60 du règlement no 207/2009 (devenu article 68 du règlement 2017/1001) et à la règle 72, paragraphe 1, du règlement no 2868/95 (devenu article 69, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1430), le délai fixé pour former le recours auprès de l’EUIPO avait expiré le 3 avril 2017. Elle a considéré que le recours devait être reçu par l’EUIPO au plus tard à la date d’expiration dudit délai et que la date de l’envoi du recours n’était pas pertinente.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en ce qu’il est irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, d’erreurs d’appréciation des faits et du droit concernant le calcul du délai pour former le recours, violant l’article 60 du règlement no 207/2009 et la règle 72, paragraphe 1, du règlement no 2868/95, le deuxième, de la méconnaissance de ses garanties procédurales, en ce que l’EUIPO n’a pas vérifié l’existence de faits sortant du champ d’action de la requérante ou constituant un cas de force majeure, violant ainsi le principe de proportionnalité, et, le troisième, de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs d’appréciation des faits et du droit concernant le calcul du délai pour former le recours, violant l’article 60 du règlement no 207/2009 et la règle 72, paragraphe 1, du règlement no 2868/95

15      Par ce moyen, la requérante fait valoir, en substance, qu’elle disposait d’un délai de deux mois à compter du 27 janvier 2017, qui est la date indiquée dans la notification de la décision de l’examinateur, pour former son recours auprès de l’EUIPO. Devant l’impossibilité manifeste d’utiliser le télécopieur pour transmettre le recours, elle aurait été obligée de l’envoyer par voie postale à la date du 27 mars 2017. La requérante estime, en substance, que la date de l’envoi par la poste, telle que certifiée par l’avis d’enregistrement du recommandé, vaut date d’introduction du recours et qu’elle a ainsi respecté le délai de deux mois prévu à l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 et que, dès lors, le recours a été formé en temps utile, dans le délai légalement prévu, à savoir le 27 mars 2017. Le texte de l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 serait clair en ce qu’il n’interdirait notamment pas à la requérante d’introduire un recours par voie postale ni n’exclurait de retenir à cette fin la date d’expédition du recours, effectuée dans le délai de deux mois et parvenue par la suite aux services de l’EUIPO.

16      Par ailleurs, la requérante considère que la position de l’EUIPO, selon laquelle le recours n’avait pas été formé au jour de son envoi, viole les principes les plus élémentaires du droit. Elle obligerait toute partie voulant introduire un recours contre une décision de l’EUIPO à assumer la charge de contrôler toutes les circonstances liées à l’envoi de courrier par voie postale jusqu’à la réception correcte par le destinataire. Cet envoi pourrait d’ailleurs, comme en l’espèce, consister en un envoi transfrontalier et être sujet à des circonstances de force majeure ou à d’autres situations qui ne sauraient relever du pouvoir du requérant.

17      En outre, la position défendue par l’EUIPO affecterait le délai de deux mois prévu à l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, étant donné que, dans l’hypothèse où les destinataires ne disposeraient pas de télécopieur, la partie concernée se trouverait dans une situation procédurale désavantageuse en devant prendre en compte la période nécessaire pour l’envoi du recours par voie postale.

18      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

19      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, le recours est formé par écrit auprès de l’EUIPO dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la décision et il est déposé dans la langue de procédure de la décision attaquée.

20      En outre, il découle de la règle 49, paragraphe 1, du règlement no 2868/95 [devenu article 23, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement délégué 2017/1430] notamment que, si le recours ne remplit pas les conditions prévues à l’article 60 du règlement no 207/2009, la chambre de recours le rejette comme irrecevable à moins qu’il n’ait été remédié, avant l’expiration du délai correspondant fixé à l’article 60 du règlement no 207/2009, à toutes les irrégularités constatées.

21      La règle 61, paragraphe 2, sous d), du règlement no 2868/95 prévoit que la notification est faite par télécopieur ou tout autre moyen technique de communication. Conformément à la règle 65, paragraphe 2, dudit règlement, les modalités de la notification par ces autres moyens techniques sont arrêtées par le directeur exécutif de l’EUIPO.

22      Selon l’article 4, paragraphe 4, de la décision EX-13-2 du directeur exécutif de l’EUIPO, du 26 novembre 2013, concernant les communications électroniques de et vers l’EUIPO, sans préjudice de la détermination précise de la date de notification, la notification est réputée avoir eu lieu le cinquième jour civil suivant le jour où l’EUIPO a placé le document dans la boîte de réception de l’utilisateur.

23      La règle 70 du règlement no 2868/95 (devenue article 101 du règlement 2017/1001) dispose :

« 1. Tout délai est exprimé en années, en mois, en semaines ou en jours.

2. Le délai commence à courir le jour suivant la date de l’événement qui fait courir le délai, qu’il s’agisse d’un acte de procédure ou de l’expiration d’un délai antérieur. Sauf disposition contraire, lorsque l’acte de procédure est une notification, la réception du document notifié constitue l’événement qui fait courir le délai.

[…]

4. Lorsqu’un délai est exprimé en un ou plusieurs mois, il expire, dans le mois à prendre en considération, le jour ayant le même quantième que le jour où l’événement en question a eu lieu. Lorsque le jour de l’événement était le dernier jour d’un mois ou que le mois à prendre en considération ne compte pas de jour ayant un quantième identique, le délai considéré expire le dernier jour de ce mois. »

24      Aux termes de la règle 72, paragraphe 1, du règlement no 2868/95, « si un délai expire soit un jour où on ne peut déposer de documents auprès de l’EUIPO, soit un jour où le courrier ordinaire n’est pas distribué dans la localité du siège de l’EUIPO, pour des raisons autres que celles indiquées au paragraphe 2, le délai est prorogé jusqu’au premier jour où les documents peuvent être déposés et où le courrier ordinaire est distribué » et « [l]es jours visés à la première phrase sont fixés par le président de l’EUIPO avant le début de chaque année civile ».

25      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que l’événement qui fait courir le délai pour former le recours est, conformément à l’article 60 du règlement no 207/2009, la notification de la décision de l’examinateur. La décision attaquée ayant été envoyée le 27 janvier 2017 par communication électronique, la notification de la décision attaquée est réputée avoir eu lieu le 1er février 2017. Le dies a quo est donc le 1er février 2017 et le délai a commencé à courir, en application de la règle 70 du règlement no 2868/95, le lendemain de la notification pour expirer le jour portant le même quantième que le dies a quo, à savoir le 1er avril 2017 [voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2013, Fercal – Consultadoria e Serviços/OHMI – Parfums Rochas (PATRIZIA ROCHA), T‑360/11, non publié, EU:T:2013:162, point 23 et jurisprudence citée]. Toutefois, dans la mesure où le 1er avril 2017 était un samedi, le délai de deux mois a été prorogé, conformément à la règle 72, paragraphe 1, du règlement no 2868/95, jusqu’au lundi suivant, soit le 3 avril 2017. C’est donc à tort que la requérante prétend que le délai a expiré le 27 mars 2017. Toutefois, bien que le recours ait expiré à une date postérieure à celle envisagée par la requérante, cette circonstance n’a pas d’incidence sur le fait que l’EUIPO a reçu le recours après l’expiration de ce délai.

26      En deuxième lieu, force est de constater que le fait que le recours ait été envoyé, par voie postale, le 27 mars 2017 est sans pertinence, dès lors que seule la réception du recours à l’EUIPO est à prendre en compte.

27      L’article 60 du règlement no 207/2009 doit, en effet, être interprété en ce sens que la date à prendre en compte pour le respect du délai fixé par cette disposition pour la formation du recours est non pas celle de l’envoi dudit recours à l’EUIPO, mais celle de sa réception par celui-ci.

28      À cet égard, premièrement, il convient de souligner que cette interprétation est confirmée par le libellé même de l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, qui fait référence au « dépôt » du recours dans la langue de procédure de la décision attaquée et non à son envoi (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 avril 2013, PATRIZIA ROCHA, T‑360/11, non publié, EU:T:2013:162, point 26).

29      Deuxièmement, bien que ni le règlement no 207/2009 ni le règlement no 2868/95 ne comportent de disposition équivalente à l’article 72, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, aux termes duquel seule la date du dépôt au greffe est prise en considération au regard des délais de procédure, l’interprétation selon laquelle c’est la date de dépôt à l’EUIPO qui est à prendre en compte est conforme à l’économie générale de ces deux règlements, dont de nombreuses dispositions particulières prévoient que, au regard des délais de procédure, la date à attribuer à un acte est celle de sa réception, et non celle de son envoi. Il en va ainsi, par exemple, de la règle 70, paragraphe 2, du règlement no 2868/95 (devenu article 67, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1430), aux termes de laquelle, en cas de notification d’un acte de procédure faisant courir un délai, la « réception » du document notifié fait courir le délai. Il en va de même de la règle 72 du règlement no 2868/95 (devenu article 69 du règlement délégué 2017/1430), aux termes de laquelle, si un délai expire un jour où il n’est pas possible de « déposer » de documents auprès de l’EUIPO, le délai est prorogé jusqu’au premier jour où les documents peuvent être « déposés », et de la règle 80, paragraphe 2, du règlement no 2868/95 (devenu article 63, paragraphe 3, du règlement délégué 2017/1430), aux termes de laquelle la date de « réception » de la nouvelle transmission ou de l’original d’un document est réputée être la date de « réception » de la communication originale, lorsque celle-ci s’est révélée être déficiente (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2013, PATRIZIA ROCHA, T‑360/11, non publié, EU:T:2013:162, point 27). Il en résulte que le principe de réception des documents est celui gouvernant les procédures devant l’EUIPO [voir, en ce sens, ordonnance du 30 janvier 2014, Fercal/OHMI, C‑324/13 P, non publiée, EU:C:2014:60, point 43, et arrêt du 28 septembre 2016, Pinto Eliseu Baptista Lopes Canhoto/EUIPO – University College London (CITRUS SATURDAY), T‑400/15, non publié, EU:T:2016:569, point 25].

30      Troisièmement, cette interprétation est la plus à même de satisfaire à l’exigence de sécurité juridique. Elle garantit en effet une détermination claire et un respect rigoureux des points de départ et du terme du délai visé par l’article 60 du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2013, PATRIZIA ROCHA, T‑360/11, non publié, EU:T:2013:162, point 28 et jurisprudence citée).

31      Quatrièmement, cette interprétation satisfait également à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire, en ce qu’elle permet des modalités identiques de computation des délais pour toutes les parties, quels que soient leur domicile ou leur nationalité (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2013, PATRIZIA ROCHA, T‑360/11, non publié, EU:T:2013:162, point 29 et jurisprudence citée).

32      Cinquièmement, s’agissant de l’affirmation selon laquelle cette interprétation obligerait toute partie requérante à contrôler toutes les circonstances, survenant entre l’envoi et la réception par l’EUIPO, y compris les circonstances de force majeure ou ne relevant pas de son pouvoir, d’une part, il y a lieu de constater que la règle 72, paragraphe 4, du règlement no 2868/95 dispose que, si des circonstances exceptionnelles, telles qu’une catastrophe naturelle ou une grève, interrompent ou perturbent les communications entre les parties à la procédure et l’EUIPO, le directeur exécutif de celui-ci peut déterminer que, pour les parties à la procédure qui ont leur domicile ou leur siège dans l’État membre concerné ou qui ont désigné des représentants ayant leur siège dans cet État membre, tous les délais qui, à défaut, expireraient le jour de la survenance de ces circonstances, ou par la suite, tels qu’il les détermine, sont prorogés jusqu’à la date qu’il détermine. Par conséquent, la possibilité pour le directeur exécutif de l’EUIPO de déterminer les délais répond à la préoccupation de la requérante pour autant que des circonstances exceptionnelles interrompant ou perturbant les communications avec l’EUIPO surviennent [voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2011, Ifemy’s/OHMI – Dada & Co Kids (Dada & Co. kids), T‑50/09, EU:T:2011:90, point 75]. D’autre part, la jurisprudence reconnaît que, dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, qu’elles soient qualifiées de force majeure ou de cas fortuit, il peut être dérogé à l’application des réglementations de l’Union européenne concernant les délais de procédures (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 1985, Cockerill-Sambre/Commission, 42/85, EU:C:1985:471, point 10), à condition que la partie requérante fasse la preuve de l’existence de telles circonstances.

33      Sixièmement, s’agissant de l’affirmation selon laquelle, en l’absence de télécopieur, la partie concernée devrait prendre en compte la période nécessaire pour l’envoi du recours par voie postale, il y a lieu de constater que le délai de deux mois prévu à l’article 60 du règlement no 207/2009 est normalement amplement suffisant pour permettre à toute personne faisant preuve de toute la diligence requise d’une personne normalement avertie de préparer un acte de recours et de le déposer auprès de l’EUIPO, d’autant qu’elle dispose d’un délai de quatre mois pour déposer les motifs du recours (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2011, Dada & Co. kids, T‑50/09, EU:T:2011:90, point 74).

34      Il s’ensuit que la requérante ne saurait soutenir que la chambre de recours a commis des erreurs d’appréciation concernant le calcul du délai et a violé l’article 60 du règlement no 207/2009 et la règle 72, paragraphe 1, du règlement no 2868/95.

35      En l’espèce, dès lors que le recours a été reçu par l’EUIPO le 4 avril 2017, force est de constater qu’il a été formé après l’expiration, le 3 avril 2017, du délai de deux mois fixé par l’article 60 du règlement no 207/2009.

36      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’écarter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré du défaut de l’EUIPO de vérifier l’existence de faits sortant du champ d’action de la requérante ou constituant un cas de force majeure, violant ainsi le principe de proportionnalité

37      La requérante fait valoir, d’une part, qu’elle a tenté, au moins à trois reprises, dans le délai légalement prévu, par télécopieur, de remettre à l’EUIPO le recours et l’exposé des motifs, mais qu’elle n’a pas pu atteindre ce résultat du fait que ce moyen de communication répondait à chaque fois « occupé », et, d’autre part, qu’elle a envoyé le recours, le jour ouvrable immédiatement postérieur à ces tentatives et sept jours avant l’expiration du délai, à l’EUIPO par le biais des services postaux, qui constitueraient le moyen le plus sûr et efficace au Portugal. La requérante considère qu’elle a fait tout ce qui était en son pouvoir en faisant appel à un service administratif normal de courrier, couvrant l’expédition et la remise du recours à son destinataire. Par conséquent, la requérante estime, en substance, que, dès lors qu’elle peut présumer que le service postal est fiable, elle ne saurait être considérée comme étant responsable de faits externes non prévisibles qui surviendraient jusqu’à la remise du colis. Après l’expédition du recours, la requérante n’aurait aucun contrôle des circonstances relatives à l’opérateur postal ou de tous les cas susceptibles de relever de la force majeure, et ne serait pas tenue de prendre les mesures adéquates ou de supporter des sacrifices excessifs.

38      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

39      À cet égard, il convient d’observer que la requérante, après qu’elle a été informée par l’EUIPO de l’absence de dépôt du recours dans le délai prescrit et du risque que celui-ci fût en conséquence déclaré irrecevable, n’était pas dépourvue de recours devant l’EUIPO lui-même. En effet, dans la mesure où la requérante a fait valoir que, bien qu’ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, elle n’avait pas été en mesure de respecter le délai de recours, il y a lieu de souligner que, ainsi que la chambre de recours l’a indiqué au point 15 de la décision attaquée, elle avait à sa disposition la procédure de restitutio in integrum devant l’EUIPO et aurait pu présenter une requête au titre de l’article 81 du règlement no 207/2009 (devenu article 104 du règlement 2017/1001) [voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2014, Melt Water/OHMI (NUEVA), T‑61/13, EU:T:2014:265, point 43]. Or, elle n’a pas présenté une telle requête. Même si les observations de la requérante du 4 mai 2017 pouvaient être considérées comme une requête de restitutio in integrum, il y a lieu d’approuver la constatation de la chambre de recours, faite au point 15 de la décision attaquée, selon laquelle cette requête n’a pas été présentée, la taxe exigée à l’article 81, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 [devenu article 104, paragraphe 3, du règlement 2017/1001] n’ayant pas été payée.

40      Par ailleurs, en ce qui concerne la notion générale de force majeure, telle que la requérante l’invoque, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il ne peut être dérogé à l’application des réglementations de l’Union concernant les délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, étant donné que l’application stricte de ces règles répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (arrêts du 26 novembre 1985, Cockerill-Sambre/Commission, 42/85, EU:C:1985:471, point 10, et du 21 mai 2014, NUEVA, T‑61/13, EU:T:2014:265, point 38).

41      S’agissant de telles circonstances, la Cour a jugé que les notions de force majeure ou de cas fortuit comportaient un élément objectif, relatif aux circonstances anormales et étrangères à la partie requérante, et un élément subjectif tenant à l’obligation, pour celle-ci, de se prémunir contre les conséquences de l’événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs. En particulier, la partie requérante doit surveiller soigneusement le déroulement de la procédure entamée et, notamment, faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus (arrêt du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, EU:C:1994:412, point 32).

42      Ainsi, la notion de force majeure ne s’applique pas à une situation où une personne diligente et avisée aurait objectivement été en mesure d’éviter l’expiration d’un délai de recours (arrêt du 12 juillet 1984, Ferriera Valsabbia/Commission, 209/83, EU:C:1984:274, point 22, et ordonnance du 18 janvier 2005, Zuazaga Meabe/OHMI, C‑325/03 P, EU:C:2005:28, point 25). Cela vaut également pour la notion de cas fortuit [ordonnance du 28 novembre 2014, Quanzhou Wouxun Electronics/OHMI – Locura Digital (WOUXUN), T‑345/14, non publiée, EU:T:2014:1048, point 20].

43      Il peut également être déduit de la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus que, pour être qualifié de cas fortuit ou de force majeure, un événement doit présenter un caractère inévitable, de sorte que cet événement devienne la cause déterminante de cette forclusion (ordonnance du 28 novembre 2014, WOUXUN, T‑345/14, non publiée, EU:T:2014:1048, point 21).

44      En l’espèce, s’agissant de tentatives d’envoi du recours et de l’exposé des motifs par télécopieur, il y a lieu de constater que la requérante ne démontre pas que le dépôt tardif était dû à un quelconque dysfonctionnement du télécopieur de l’EUIPO. Ainsi que la chambre de recours l’a relevé à juste titre, le fait que ce moyen de communication puisse être occupé pendant un certain temps ne saurait être considéré comme une circonstance anormale et les trois tentatives échouées d’envoi par télécopieur en deux heures, le 24 mars 2017, ne démontrent pas que le télécopieur de l’EUIPO n’a pas fonctionné correctement ou que l’EUIPO pourrait autrement être tenu pour responsable de n’avoir pas reçu les documents que la requérante avait l’intention d’envoyer le 24 mars 2017 (point 14 de la décision attaquée). En tout état de cause, la requérante n’a fait que quelques tentatives d’envoi par télécopieur ce jour-là, à savoir huit jours avant l’expiration du délai. Par ailleurs, la requérante admet avoir délibérément choisi de ne pas effectuer d’autres tentatives d’envoi par télécopie au cours de ces jours. Dans ces circonstances, ces tentatives infructueuses ne sauraient revêtir un caractère inévitable ni même constituer la cause pour le dépassement du délai fixé pour le dépôt du recours.

45      S’agissant de l’envoi par la poste, la requérante affirme que, en confiant l’original de son recours aux services postaux le premier jour ouvrable après les tentatives d’envoi par télécopieur et sept jours avant l’expiration du délai, elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour expédier et remettre ce document à son destinataire, de sorte que les circonstances dépendant de l’opérateur postal ayant pour conséquence que l’envoi se soit heurté à des obstacles ne sauraient lui être imputées. Toutefois, il y a lieu de considérer, tout d’abord, que la requérante n’a pas établi qu’elle pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le recours envoyé par le service postal parvienne au greffe de l’EUIPO dans un délai inférieur à sept jours. Elle n’a notamment pas fourni le moindre élément de preuve que le délai habituel pour l’envoi international par la poste portugaise était suffisamment inférieur aux sept jours pour avoir une confortable marge de sécurité [voir, en ce sens, ordonnance du 20 février 2013, Kappa Filter Systems/OHMI (THE FUTURE HAS ZERO EMISSIONS), T‑422/12, non publiée, EU:T:2013:86, points 17 à 19 ; arrêts du 14 janvier 2015, Abdulrahim/Conseil et Commission, T‑127/09 RENV, EU:T:2015:4, point 47, et du 21 juin 2017, City Train/EUIPO (CityTrain), T‑699/15, non publié, EU:T:2017:409, points 15 et 16]. En outre, la requérante ne présente pas d’arguments ni de preuves pour démontrer que la durée d’acheminement effective de leur courrier, à savoir huit jours, résultait de la survenance d’un événement anormal. Ainsi, la seule lenteur dans l’acheminement du courrier, en dehors d’autres circonstances particulières, telles qu’un dysfonctionnement administratif, une catastrophe naturelle ou une grève, ne saurait constituer, en soi, un cas fortuit ou un cas de force majeure contre lequel la requérante ne pouvait se prémunir (ordonnance du 30 septembre 2014, Faktor B. i W. Gęsina/Commission, C‑138/14 P, non publiée, EU:C:2014:2256, point 23). Enfin, alors qu’il incombait à la requérante de surveiller soigneusement le déroulement de la procédure d’acheminement du courrier, elle n’apporte aucun élément à cet égard.

46      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la requérante n’apporte pas la preuve, qui lui incombe, que la durée d’acheminement du courrier a été la cause déterminante de la forclusion, au sens où il s’agirait d’un événement présentant un caractère inévitable contre lequel elle n’aurait pu se prémunir.

47      Il s’ensuit, au regard des considérations qui précèdent, que l’existence d’un cas de force majeure ou de cas fortuit n’a pas été établie.

48      Enfin, quant au grief tiré de la violation du principe de proportionnalité, il y a lieu de constater que la requérante n’a invoqué aucun argument visant spécifiquement ce principe.

49      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

50      La requérante fait valoir que l’EUIPO a violé les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. En particulier, elle considère avoir justifié des espérances fondées sur les garanties découlant du cadre législatif de l’Union en vigueur selon lequel la date d’envoi du recours par la poste doit être considérée comme la date à laquelle le délai de recours doit être respecté.] À titre subsidiaire, la requérante soutient que, dans la mesure où une telle interprétation du cadre législatif n’était pas retenue, celui-ci a néanmoins donné lieu à une confusion admissible dans son esprit et que, tout en étant de bonne foi, elle a fait preuve de toute la diligence qui peut être exigée d’un opérateur diligent et avisé.

51      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. 

52      À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de relever qu’il résulte de la jurisprudence que, pour pouvoir invoquer le principe du respect de la confiance légitime afin d’échapper à la forclusion résultant du dépassement de délai d’introduction d’un recours, la partie requérante doit pouvoir faire état d’espérances fondées sur des assurances précises fournies par l’administration de nature à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti [arrêt du 1er juillet 2009, Okalux/OHMI – Messe Düsseldorf (OKATECH), T‑419/07, EU:T:2009:238, point 52].

53      En l’espèce, d’une part, il convient de rappeler que la requérante invoque des espérances fondées sur le cadre législatif de l’Union, notamment l’article 60 du règlement no 207/2009, et non pas sur des assurances de l’administration.

54      D’autre part, il résulte des points 28 à 33 ci-dessus que, contrairement à ce que prétend la requérante, l’article 60 du règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que la date à prendre en compte pour le respect du délai fixé par cette disposition pour la formation du recours n’est pas celle de l’envoi du recours à l’EUIPO, mais celle de la réception par celui-ci.

55      Par conséquent, la requérante ne saurait invoquer le principe de protection de la confiance légitime afin de demander l’annulation de la décision attaquée.

56      En second lieu, c’est le principe de sécurité juridique lui-même qui fonde l’interprétation de l’article 60 du règlement no 207/2009 telle que retenue par la chambre de recours (voir point 30 ci-dessus). Il s’ensuit que la requérante ne saurait invoquer ce principe pour remettre en cause cette interprétation.

57      Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

59      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ghost – Corporate Management SA est condamnée aux dépens.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.

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