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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Erwin Muller GmbH v EUIPO (Judgment) French Text [2018] EUECJ T-98/17 (19 June 2018) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T8917.html Cite as: ECLI:EU:T:2018:313, EU:T:2018:313, [2018] EUECJ T-98/17 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)
19 juin 2018 (*)
« Marque de l’Union européenne - Procédure d’opposition - Demande de marque de l’Union européenne verbale NOVUS - Marques de l’Union européenne verbale et figurative antérieures NOVUS et novus - Motif relatif de refus - Similitude des produits - Article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement (UE) 2017/1001] - Éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal »
Dans l’affaire T-89/17,
Erwin Müller GmbH, établie à Lingen (Allemagne), représentée par Me N. Grüger, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. V. Mensing et M. Fischer, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été
Novus Tablet Technology Finland Oy, établie à Turku (Finlande),
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 28 novembre 2016 (affaire R 2413/2015-4), relative à une procédure d’opposition entre Erwin Müller et Novus Tablet Technology Finland,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
composé de Mmes V. Tomljenović, président, A. Marcoulli (rapporteur) et M. A. Kornezov, juges,
greffier : M. E. Coulon,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 février 2017,
vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 26 avril 2017,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 28 août 2014, Novus Tablet Technology Finland Oy a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal NOVUS.
3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Étuis de transport pour ordinateurs ; étuis pour téléphones portables ; supports spéciaux pour téléphones portables ; étuis de téléphones mobiles ; périphériques adaptés pour utilisation avec des ordinateurs ».
4 La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2014/191, du 13 octobre 2014.
5 Le 8 janvier 2015, la requérante, Erwin Müller GmbH, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.
6 L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :
- la marque de l’Union européenne verbale antérieure NOVUS, enregistrée le 27 novembre 2006 sous le numéro 4692828, désignant notamment les produits relevant des classes 8 et 16 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
- classe 8 : « Outils et instruments à main entraînés manuellement ; coutellerie, ciseaux, machines à découper, râpes ; agrafeuses, appareils à agrafer, pinces à documents et pinces pour papier de bureau et à usage industriel ; agrafeuses ; perforatrices, pèse-lettres, balances pour colis et paquets électroniques ; agrafeuses manuelles et électroniques ; cloueuses manuelles ; agrafes et clous d’agrafage de bureau et à usage industriel ; coffres de transport » ;
- classe 16 : « Articles et appareils de bureau (à l’exception des meubles) ; supports pour accessoires de bureau, à savoir pots à crayons, pots à agrafes, coupe-papier, classeurs de bureau ; dérouleurs de rubans adhésifs, coupe-papier, pince arrache-agrafes, ciseaux de bureau, tampons buvards, supports pour livres, porte-plumes, boîtes pour fiches, boîtes de rangement pour disquettes, corbeilles et coupelles de rangement, porte-timbres ; supports pour registres à suspendre ; boîtes à ustensiles ; range-CD, bras articulés pour téléphones, tableaux d’affichage, intercalaires, carrousel, bras articulés, bras porteurs, bras pliables, bras télescopiques, supports muraux, colonnes avec viroles, agrafes pour câbles, rails porteurs, séparations pour bureaux (éléments Slat-Wall) » ;
- la marque de l’Union européenne figurative antérieure, reproduite ci-après, enregistrée le 2 septembre 2009 sous le numéro 6410278, désignant notamment des produits relevant des classes 9 et 16 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
- classe 9 : « Batteries d’accumulateur ; chargeurs ; perforatrices électriques ; pèse-lettres, balances pour colis et paquets électroniques ; agrafeuses électroniques ; coffrets de stockage de disquettes, installations de CD » ;
- classe 16 : « Articles et appareils de bureau (à l’exception des meubles) ; supports pour accessoires de bureau, à savoir pots à crayons, pots à agrafes, coupe-papier, classeurs de bureau ; dérouleurs de ruban adhésif, coupe-papier, pince arrache-agrafes, ciseaux de bureau, tampons buvards, supports pour livres, coupelles pour stylos, boîtes pour fiches, corbeilles et coupelles de rangement, porte-tampons ; supports pour registres à suspendre ; boîtes à ustensiles ; bras articulés pour téléphones, tableaux d’affichage, cavaliers, carrousels, bras articulés, bras porteurs, bras pliants, bras télescopiques, supports muraux, colonnes avec serre-joints pour la fixation d’accessoires de bureau, raccords de câbles, berceaux, séparations pour bureaux (éléments slat-wall) ; agrafeuses, appareils à agrafer, pinces à agrafer, agrafes et clous d’agrafage pour fournitures de bureau ; agrafeuses à plat à levier en tant qu’articles de bureau ; perforatrices en tant qu’articles de bureau » :
7 Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement 2017/1001].
8 Le 2 octobre 2015, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif que les produits et services désignés par les signes en conflit étaient dissemblables.
9 Le 2 décembre 2015, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.
10 Par décision du 28 novembre 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a considéré que, quelle que puisse être la similitude des signes en conflit, un risque de confusion entre lesdits signes était exclu en raison de la dissemblance des produits et services désignés par eux. Partant, elle a rejeté le recours formé par la requérante.
Conclusions des parties
11 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
- annuler la décision attaquée ainsi que la décision de la division d’opposition en tant que ces décisions visent les « [é]tuis de transport pour ordinateurs », les « supports spéciaux pour téléphones portables » et les « périphériques adaptés pour utilisation avec des ordinateurs », relevant de la classe 9 et désignés par la marque demandée ;
- condamner l’EUIPO aux dépens.
12 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité des annexes produites pour la première fois devant le Tribunal
13 L’EUIPO conteste la recevabilité des annexes K 10 à K 20 de la requête au motif qu’elles ont été produites pour la première fois devant le Tribunal par la requérante.
14 Il ressort du dossier de la procédure devant l’EUIPO que les documents susmentionnés n’ont pas été produits dans le cadre de cette procédure. La requérante s’en prévaut donc effectivement pour la première fois devant le Tribunal. Elle fait toutefois valoir que ces documents, lesquels consistent en des extraits de sites Internet, visent à illustrer certains faits notoires qui n’auraient pas été pris en compte par la chambre de recours dans le cadre de la comparaison des produits visés par les signes en conflit et qui contrediraient certaines constatations de fait opérées par elle.
15 À cet égard, il est de jurisprudence constante qu’un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009 (devenu article 72 du règlement 2017/1001). Il découle de cette disposition que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’EUIPO ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal et que le Tribunal ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée [voir arrêt du 24 septembre 2015, Rintisch/OHMI - Compagnie laitière européenne (PROTICURD), T-382/14, non publié, EU:T:2015:686, point 40 et jurisprudence citée].
16 Cependant, selon la jurisprudence, un requérant est en droit de présenter devant le Tribunal des documents afin soit d’étayer, soit de contester devant ce dernier l’exactitude d’un fait notoire [voir arrêt du 15 janvier 2013, Gigabyte Technology/OHMI - Haskins (Gigabyte), T-451/11, non publié, EU:T:2013:13, point 22 et jurisprudence citée]. À cet égard, les faits notoires consistent en des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par le biais de sources généralement accessibles [voir arrêt du 10 février 2015, Boehringer Ingelheim International/OHMI - Lehning entreprise (ANGIPAX), T-368/13, non publié, EU:T:2015:81, point 89 et jurisprudence citée].
17 En l’espèce, selon la requérante, les annexes K 10, K 11 et K 12 visent à établir que les téléphones portables et les tablettes présentent des fonctionnalités multiples, qui permettent leur utilisation croissante sur le lieu de travail. À cet égard, il y a lieu de constater que les annexes K 10 et K 11 détaillent les caractéristiques de deux modèles de téléphones portables. L’annexe K 12 est un article publié sur Internet, intitulé « Peut-on téléphoner avec une tablette ? ». Ces annexes visent ainsi à établir l’étendue des fonctionnalités des smartphones et des tablettes, laquelle peut être qualifiée de fait notoire. Dans cette mesure, il y a lieu d’admettre leur recevabilité.
18 La requérante fait également valoir que les annexes K 13 et K 14 tendent à démontrer l’existence, sur le marché, de bras porteurs destinés à supporter des téléphones portables. Les annexes K 15, K 16 et K 17 viseraient à établir que les supports pour téléphones portables et les bras articulés, porteurs, pliables ou télescopiques sont proposés par des fabricants identiques. Quant aux annexes K 18, K 19 et K 20, elles auraient pour objectif de prouver que les pèse-lettres et les balances pour colis et paquets électroniques, visés par les marques antérieures, constituent des périphériques d’ordinateurs.
19 Il y a lieu de considérer que les annexes mentionnées au point 18 ci-dessus ne visent pas à établir l’existence de faits notoires au sens de la jurisprudence mentionnée au point 16 ci-dessus, mais à contester, au moyen de nouveaux éléments de preuve portés devant le Tribunal, les appréciations effectuées par la chambre de recours quant à la similitude des produits opposés. Partant, elles doivent être déclarées irrecevables.
Sur le fond
20 La requérante demande au Tribunal d’annuler la décision attaquée pour autant qu’elle concerne certains des produits visés dans la demande de marque, à savoir les « [é]tuis de transport pour ordinateurs », les « supports spéciaux pour téléphones portables » et les « périphériques adaptés pour utilisation avec des ordinateurs », relevant de la classe 9.
21 Au soutien de sa demande, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de ce que, en considérant que certains des produits désignés par la marque demandée n’étaient pas similaires à certains des produits visés par les marques antérieures, la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation dans l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009.
22 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsqu’elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services pour lesquels la marque a été demandée sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée.
23 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.
24 Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI - Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T-162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].
25 Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C-416/04 P, EU:C:2006:310, point 85, et du 21 janvier 2016, Hesse/OHMI, C-50/15 P, EU:C:2016:34, point 21). D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI - Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T-443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].
26 En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a approuvé la conclusion de la division d’opposition sur la dissemblance existant entre les produits et services désignés par les signes en conflit. Elle a considéré qu’il n’existait aucun risque de confusion sur le seul fondement de la comparaison ainsi opérée entre lesdits produits et services.
27 La requérante fait valoir que les signes en conflit sont incontestablement identiques et qu’il existe une identité ou, à tout le moins, une similitude entre certains produits visés par la marque demandée et certains produits visés par les marques antérieures. Partant, l’existence d’un risque de confusion serait établie.
28 L’EUIPO réfute les arguments de la requérante.
29 À titre liminaire, en premier lieu, il y a lieu de constater que la requérante relève, sans toutefois formuler de moyen, que la chambre de recours a procédé à la comparaison des produits visés par les signes en conflit sur la base de nombreuses constatations de fait opérées d’office, identifiées aux points 20, 31 et 37 de la requête.
30 À cet égard, il doit être rappelé que, conformément à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), « dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen [de l’EUIPO] est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties ». Selon une jurisprudence constante, cette disposition vise, notamment, la base factuelle des décisions de l’EUIPO, à savoir les faits et les preuves sur lesquels celles-ci peuvent être valablement fondées. Ainsi, en statuant sur un recours contre une décision mettant fin à une procédure d’opposition, la chambre de recours ne saurait fonder sa décision que sur les preuves et les faits présentés par les parties. Toutefois, la limitation de la base factuelle de l’examen opéré par la chambre de recours n’exclut pas que celle-ci prenne en considération des faits notoires, tels que définis au point 16 ci-dessus [voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI - DaimlerChrysler (PICARO), T-185/02, EU:T:2004:189, points 28 et 29, et du 13 juin 2012, XXXLutz Marken/OHMI - Meyer Manufacturing (CIRCON), T-542/10, non publié, EU:T:2012:294, point 38].
31 En l’espèce, il y a lieu de relever que, par les constatations de fait mentionnées au point 29 ci-dessus, la chambre de recours s’est bornée à réagir aux arguments de la requérante et à apprécier le bien-fondé de l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée au regard de la réglementation et de la jurisprudence en matière de similitude des produits et services. Partant, les appréciations ainsi effectuées par la chambre de recours et qui contredisent les arguments de la requérante ne sauraient révéler une méconnaissance par celle-ci de l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009.
32 En second lieu, il convient de rappeler que, selon la règle 2, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1), la liste des produits et services doit être établie de manière à faire apparaître clairement leur nature et à ne permettre la classification de chaque produit et de chaque service que dans une seule classe de la classification de Nice. Selon la règle 2, paragraphe 4, dudit règlement, la classification des produits et des services est effectuée à des fins exclusivement administratives, de sorte que les produits et les services ne peuvent être considérés comme semblables, au motif qu’ils figurent dans la même classe de la classification de Nice, et ne peuvent être considérés comme étant différents, au motif qu’ils figurent dans des classes différentes de cette classification. Celle-ci ne vise en effet qu’à faciliter la rédaction et le traitement des demandes de marque, en proposant certaines classes et catégories de produits et de services.
33 Toutefois, en particulier lorsque le libellé des produits ou services pour lesquels une marque est enregistrée est d’une généralité telle qu’il peut couvrir des produits ou services très différents, il ne saurait être exclu de prendre en compte, à des fins d’interprétation ou en tant qu’indice de précision s’agissant de la désignation des produits ou services, les classes que le requérant a choisies dans ladite classification [voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2018, Brunner/EUIPO - CBM (H HOLY HAFERL HAFERL SHOE COUTURE), T-367/16, non publié, EU:T:2018:28, point 50].
34 C’est à la lumière de ces éléments qu’il y a lieu de vérifier si, ainsi que le prétend la requérante, l’appréciation de la chambre de recours, selon laquelle les produits et services visés par les signes en conflit sont dissemblables, est partiellement erronée.
En ce qui concerne les « supports spéciaux pour téléphones portables »
35 S’agissant des « supports spéciaux pour téléphones portables », compris dans la classe 9 et visés par la marque demandée, la chambre de recours a estimé que ces produits n’étaient pas similaires aux « bras articulés pour téléphones », « bras articulés », « bras porteurs », « bras pliables/pliants », relevant de la classe 16 et visés par les marques antérieures. Elle a considéré que les « bras articulés pour téléphones » faisaient partie des équipements de bureau, étaient habituellement fixés sur des tables de bureau ou des murs et visaient exclusivement à soutenir des téléphones fixes, de tels produits ne présentant aucune utilité pour des téléphones portables. En revanche, selon la chambre de recours, si les « supports spéciaux pour téléphones portables » visent pareillement à soutenir des téléphones, il s’agit d’accessoires de téléphones portables, souvent munis d’une fonction de recharge. Elle en a déduit que les produits en conflit étaient de nature différente et qu’ils étaient proposés par des fabricants différents, à travers des circuits de distribution différents.
36 La requérante fait valoir que les constatations de fait ainsi opérées par la chambre de recours sont inexactes et incomplètes. Elles seraient contredites par des faits notoires. Ainsi, selon la requérante, premièrement, il serait notoire que les « supports spéciaux pour téléphones portables » ne sont pas exclusivement mobiles et que les téléphones mobiles et les tablettes, lesquels réunissent les fonctions normales d’un ordinateur et d’un téléphone fixe, sont désormais utilisés sur les lieux de travail. Deuxièmement, il existerait sur le marché des supports pour téléphones portables et tablettes, sous la forme de bras articulés, porteurs, pliants ou télescopiques, qui pourraient être fixés à des tables de bureaux en tant qu’équipement de bureau. Troisièmement, certains fabricants proposeraient tant des bras articulés pour téléphones fixes que des supports pour téléphones portables.
37 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
38 Tout d’abord, il convient de constater que, en leur sens littéral, les « supports spéciaux pour téléphones portables », visés par la marque demandée, désignent tout produit susceptible de soutenir un téléphone portable. Ainsi que l’EUIPO l’admet, les « bras articulés pour téléphones », visés par les marques antérieures, assurent une fonction identique de support d’un téléphone. La fonction de support est également celle des bras porteurs, visés par les marques antérieures, qu’ils soient articulés, pliants ou télescopiques.
39 Ensuite, il y a lieu de relever que les marques antérieures visent les « bras articulés pour téléphones », sans limitation quant à la nature fixe ou portable du téléphone soutenu. Par ailleurs, la liste des produits désignés par les marques antérieures et compris dans la classe 16 inclut également des « bras articulés », des « bras porteurs », des « bras pliants » et des « bras télescopiques », sans autre précision quant à la nature du produit soutenu. Dans ces conditions, aucune indication dans cette liste de produits ne tend à réduire leur fonction de support aux seuls téléphones fixes.
40 Par ailleurs, c’est de manière non convaincante que la chambre de recours a affirmé que recourir aux bras visés par les marques antérieures pour soutenir des téléphones portables n’aurait aucun sens dès lors que ces derniers se manient avec une grande liberté de mouvement. En effet, cette affirmation est contredite par l’existence non contestée de supports destinés à accueillir des téléphones portables. Tel est le cas notamment des supports, évoqués par l’EUIPO au point 18 de son mémoire en réponse, permettant de fixer un téléphone portable dans un véhicule.
41 Enfin, une telle limitation des produits visés par les marques antérieures à la fonction de support de téléphones fixes ne saurait résulter de la circonstance selon laquelle les « bras articulés pour téléphones », relevant de la classe 16, font partie de l’équipement de bureau et sont habituellement fixés sur des tables de bureaux ou des murs. En effet, ainsi que le soutient la requérante, il ne saurait être exclu que des bras porteurs destinés à accueillir des téléphones portables puissent également être fixés sur des tables de bureaux et être utilisés en tant qu’équipement de bureau.
42 Partant, en considérant que la fonctionnalité des « bras articulés pour téléphones », « bras articulés », « bras porteurs », « bras pliables », désignés par les marques antérieures, était limitée au support de téléphones fixes, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation qui vicie sa conclusion quant aux différences de nature, de fabricant et de circuit de distribution entre lesdits produits et les « supports spéciaux pour téléphones portables ». Ainsi, il y a lieu de conclure que c’est à tort que la chambre de recours a exclu toute similitude entre ces produits.
En ce qui concerne les « périphériques adaptés pour utilisation avec des ordinateurs »
43 S’agissant des « périphériques adaptés pour utilisation avec des ordinateurs », visés par la marque demandée et compris dans la classe 9, la chambre de recours a considéré que ces produits étaient dissemblables des produits visés par les marques antérieures en renvoyant à l’argumentation développée par la division d’opposition selon laquelle la circonstance que certains des produits visés par les signes en conflit sont des accessoires d’ordinateurs ne suffirait pas pour reconnaître leur similitude.
44 La requérante conteste cette conclusion au motif qu’elle serait fondée sur des constatations de fait inexactes et incomplètes dans la mesure où la chambre de recours aurait omis de prendre en compte les périphériques d’ordinateurs visés par les marques antérieures, à savoir « les pèse-lettres, balances pour colis et paquets électroniques », visés par la marque verbale et la marque figurative antérieures et respectivement compris dans les classes 8 et 9.
45 L’EUIPO conteste le bien-fondé des arguments de la requérante, tout en relevant qu’ils sont présentés pour la première fois devant le Tribunal, sans toutefois soutenir expressément qu’ils seraient irrecevables pour ce motif.
46 À titre liminaire, il y a lieu de relever que les parties s’accordent sur le fait que les périphériques d’ordinateurs peuvent être définis comme tout appareil d’entrée et de sortie de données à destination ou à partir d’un ordinateur. Cette définition s’applique aux produits visés par la marque demandée, à savoir les « périphériques adaptés pour utilisation avec des ordinateurs ».
47 En revanche, les « pèse-lettres, balances pour colis et paquets électroniques » ne sauraient être définis comme des « périphériques adaptés pour utilisation avec des ordinateurs ». En effet, à supposer même que la possibilité de connexion à un ordinateur soit l’une des caractéristiques des pèse-lettres ou des balances pour colis et paquets électroniques, cette seule qualité ne saurait primer leur finalité première de pesage des lettres, colis et paquets, laquelle, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, peut être atteinte indépendamment de toute connexion à un ordinateur.
48 Dans ces conditions, et au vu de la très grande diversité des produits susceptibles d’être raccordés à un ordinateur, le seul fait que des « pèse-lettres, balances pour colis et paquets électroniques » peuvent être utilisés en lien avec un ordinateur ne saurait suffire à caractériser une similitude avec les « périphériques adaptés pour utilisation avec des ordinateurs », visés par la marque demandée.
49 Partant, et sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité des arguments de la requérante, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les « périphériques adaptés pour utilisation avec des ordinateurs » n’étaient pas similaires aux produits visés par les marques antérieures.
En ce qui concerne les « [é]tuis de transport pour ordinateurs »
50 S’agissant des « [é]tuis de transport pour ordinateurs », visés par la marque demandée et compris dans la classe 9, la chambre de recours a indiqué que les « coffres de transport », désignés par la marque verbale antérieure et relevant de la classe 8, appartenaient au domaine des outils et que les coffres à outils étaient généralement vendus par les fabricants d’outils et agencés en fonction de la forme des outils. Elle a également relevé que les « [é]tuis de transport pour ordinateurs » étaient, en tant qu’accessoires de ces derniers, proposés dans les magasins qui vendaient des ordinateurs. La chambre de recours en a déduit que les fabricants et les circuits de distribution des produits opposés étaient différents et que les produits n’étaient pas interchangeables et ne se faisaient pas concurrence. Partant, elle a conclu que ces produits étaient dissemblables.
51 La requérante conteste cette conclusion au motif qu’elle serait fondée sur une interprétation restrictive des « coffres de transport », seuls les coffres de transport pour outils ayant été pris en compte par la chambre de recours. Selon elle, les « coffres de transport » incluent les étuis et, partant, les étuis pour ordinateurs visés par la marque demandée.
52 L’EUIPO conteste les allégations de la requérante.
53 À cet égard, il convient de relever que l’intitulé « coffres de transport » est, en raison de sa généralité, susceptible d’englober des produits très différents. Dans ces conditions, en application de la jurisprudence rappelée au point 33 ci-dessus, il ne saurait être exclu de prendre en compte, à des fins d’interprétation ou en tant qu’indice de précision s’agissant de la désignation des produits ou services, les classes que la requérante a choisies dans la classification de Nice.
54 En l’espèce, la requérante a choisi elle-même d’inscrire les « coffres de transport » dans la classe 8 de la classification de Nice, laquelle, dans sa huitième édition, en vigueur à l’époque des faits, regroupe, selon son intitulé, les « [o]utils et instruments à main entraînés manuellement », la « coutellerie, [les] fourchettes et [les] cuillers », les « armes blanches » et les « rasoirs ».
55 Partant, il y a lieu de considérer que, dans les circonstances de l’espèce, la chambre de recours a, à juste titre, interprété la notion de « coffres de transport » au regard de la classe dans laquelle la marque visant ces produits a été enregistrée.
56 Ainsi, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les coffres de transport pour outils différaient des étuis de transport pour ordinateurs tant au niveau de leur fabricant et de leurs canaux de distribution que de leur destination. Ainsi, premièrement, les coffres de transport pour outils sont normalement vendus dans les magasins qui commercialisent les outils, alors que les étuis de transport pour ordinateurs sont, en tant qu’accessoires de ces derniers, vendus dans les magasins qui commercialisent les ordinateurs. Deuxièmement, les coffres de transport pour outils et les étuis de transport pour ordinateurs sont fabriqués par des entreprises différentes. Troisièmement, si les produits ainsi opposés ont la même fonction de transport, force est de constater qu’ils doivent être adaptés aux produits destinés à être transportés et que, par suite, leur nature, leur destination et leur utilisation étant différentes, ils ne sont ni concurrents ni interchangeables.
57 Ces considérations, tenant aux différences des produits opposés quant à leur fabricant, à leurs canaux de distribution, à leur nature et à leur destination, seraient également valables si la notion de « coffres de transport », visée par la marque demandée, était étendue aux coffres destinés au transport des autres produits mentionnés sous l’intitulé de la classe 8 de la classification de Nice, à savoir la coutellerie, visée par les marques antérieures, les armes blanches et les rasoirs.
58 Dans ces conditions, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les « coffres de transport », visés par la marque verbale antérieure, et les « [é]tuis de transport pour ordinateurs » étaient dissemblables.
59 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en tant qu’elle a conclu à l’absence de toute similitude entre les « supports spéciaux pour téléphones portables », visés par la marque demandée et compris dans la classe 9, et les « bras articulés pour téléphones », « bras articulés », « bras porteurs » et « bras pliables », visés par les marques antérieures et relevant de la classe 16.
60 Dès lors qu’il existait une similitude entre ces produits, la chambre de recours aurait dû procéder à l’appréciation du risque de confusion entre les signes en conflit en tenant compte de l’ensemble des éléments pertinents, ce qu’elle n’a pas fait en l’espèce. Dans ces circonstances, il n’appartient pas au Tribunal de procéder, à l’égard des produits visés au point 59 ci-dessus, à l’examen de l’argumentation présentée par la requérante et visant à démontrer l’existence d’un risque de confusion. Pour les mêmes motifs, et dès lors que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 65, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001), n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C-263/09 P, EU:C:2011:452, point 72), il y a lieu de constater que les conditions de l’exercice du pouvoir de réformation du Tribunal ne sont pas réunies.
61 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir le moyen unique pour autant qu’il concerne les « supports spéciaux pour téléphones portables » et, par suite, d’annuler dans cette mesure la décision attaquée. En revanche, le Tribunal n’étant pas à même de faire usage de son pouvoir de réformation, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête tendant à l’annulation de la décision de la division d’opposition, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par l’EUIPO.
Sur les dépens
62 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.
63 En l’espèce, la requérante ainsi que l’EUIPO ayant succombé pour partie en leurs conclusions, il y a lieu d’ordonner que chaque partie supporte ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 28 novembre 2016 (affaire R 2413/2015-4) est annulée pour autant qu’elle concerne les « supports spéciaux pour téléphones portables », visés dans la demande de marque.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) Erwin Müller GmbH et l’EUIPO supporteront leurs propres dépens.
Tomljenović | Marcoulli | Kornezov |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2018.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.