Vivendi (Approximation of laws - Opinion) French Text [2019] EUECJ C-719/18_O (18 December 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/C71918_O.html
Cite as: [2019] EUECJ C-719/18_O, ECLI:EU:C:2019:1101, EU:C:2019:1101

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Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 18 décembre 2019(1)

Affaire C719/18

Vivendi SA

contre

Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni,

en présence de

Mediaset SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Télécommunications – Liberté d’établissement – Libre circulation des capitaux – Articles 49 TFUE et 63 TFUE – Directive 2002/21/CE – Législation nationale visant à lutter contre les positions dominantes – Calcul des recettes dans le secteur des communications électroniques et dans le système intégré des communications – Limitation du secteur des communications électroniques aux marchés soumis à une régulation ex ante – Prise en compte des recettes des sociétés liées – Seuil de recettes différencié entre les sociétés actives dans le secteur des communications électroniques et les autres opérateurs – Article 11 de la Charte – Liberté et pluralisme des médias »






1.        La législation italienne impose certaines restrictions aux entreprises opérant dans le secteur des médias audiovisuels et radiophoniques, les empêchant d’y occuper une position dominante, dans le but de sauvegarder le pluralisme de l’information.

2.        Parmi ces restrictions figure l’interdiction faite à une entreprise de percevoir des recettes supérieures à 20 % des recettes totales du « système intégré des communications » (ci‑après le « SIC ») (2). Ce pourcentage est ramené à 10 % lorsque cette entreprise détient dans le même temps une part supérieure à 40 % des recettes totales du secteur des communications électroniques.

3.        En l’espèce, l’Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni (Autorité de tutelle des communications, ci‑après l’« AGCom »), faisant application des règles nationales, a conclu qu’une société française du secteur des médias (Vivendi SA ; ci‑après « Vivendi ») avait enfreint lesdites règles en acquérant une participation significative dans le capital d’une société italienne de ce même secteur (Mediaset Italia Spa ; ci‑après « Mediaset »). Vivendi occupait une position importante dans le secteur italien des communications électroniques en raison du contrôle qu’elle exerçait sur Telecom Italia SpA (ci‑après « TIM »).

4.        La juridiction appelée à statuer sur le recours introduit par Vivendi contre la décision de l’AGCom soumet à la Cour les doutes qu’elle éprouve quant à la compatibilité, sur ce point, de la législation nationale avec le droit de l’Union.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      La directive 2002/21/CE

5.        L’article 14 de la directive 2002/21/CE (3) (intitulé « Entreprises puissantes sur le marché ») se lit comme suit :

« 1.      Lorsque les directives particulières font obligation aux autorités réglementaires nationales de déterminer si des opérateurs disposent d’une puissance significative sur le marché conformément à la procédure prévue à l’article 16, les paragraphes 2 et 3 du présent article s’appliquent.

2.      Une entreprise est considérée comme disposant d’une puissance significative sur le marché si, individuellement ou conjointement avec d’autres, elle se trouve dans une position équivalente à une position dominante, c’est‑à‑dire qu’elle est en mesure de se comporter, dans une mesure appréciable, de manière indépendante de ses concurrents, de ses clients et, en fin de compte, des consommateurs.

En particulier, lorsque les autorités réglementaires nationales procèdent à une évaluation visant à déterminer si deux entreprises, ou plus, occupent conjointement une position dominante sur un marché, elles se conforment aux dispositions du droit communautaire et tiennent le plus grand compte des “Lignes directrices sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché” publiées par la Commission conformément à l’article 15. Les critères à respecter pour procéder à une telle évaluation sont définis à l’annexe II.

3.      Lorsqu’une entreprise est puissante sur un marché particulier (le premier marché), elle peut également être désignée comme puissante sur un marché étroitement lié (le second marché), lorsque les liens entre les deux marchés sont tels qu’ils permettent d’utiliser sur le second marché, par effet de levier, la puissance détenue sur le premier marché, ce qui renforce la puissance de l’entreprise sur le marché. Par conséquent, des mesures visant à prévenir cet effet de levier peuvent être appliquées sur le second marché conformément aux articles 9, 10, 11 et 13 de la directive 2002/19/CE (directive “accès”), et lorsque ces mesures se révèlent insuffisantes, des mesures conformes aux dispositions de l’article 17 de la directive 2002/22/CE (directive “service universel”) peuvent être imposées ».

6.        L’article 15 (intitulé « Procédure de recensement et de définition des marchés ») dispose que :

« 1.      Après consultation publique, y compris celle des autorités réglementaires nationales et en tenant le plus grand compte de l’avis de l’ORECE, la Commission adopte, conformément à la procédure de consultation visée à l’article 22, paragraphe 2, une recommandation sur les marchés pertinents de produits et de services (“la recommandation”). La recommandation recense les marchés de produits et de services dans le secteur des communications électroniques dont les caractéristiques peuvent justifier l’imposition d’obligations réglementaires fixées dans les directives particulières, sans préjudice des marchés qui peuvent être définis dans le cadre d’affaires spécifiques en droit de la concurrence. La Commission définit les marchés en accord avec les principes du droit de la concurrence.

La Commission réexamine régulièrement la recommandation.

2.      La Commission publie au plus tard à la date d’entrée en vigueur de la présente directive des lignes directrices sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché (ci‑après dénommées “lignes directrices”) qui sont conformes aux principes du droit de la concurrence.

3.      Les autorités réglementaires nationales tiennent le plus grand compte de la recommandation et des lignes directrices pour la définition des marchés pertinents correspondant aux circonstances nationales, en particulier les marchés géographiques pertinents sur leur territoire, conformément aux principes du droit de la concurrence. Les autorités réglementaires nationales suivent les procédures prévues aux articles 6 et 7 avant de définir des marchés qui diffèrent de ceux figurant dans la recommandation.

4.      Après consultation, y compris celle des autorités réglementaires nationales, la Commission peut, en tenant le plus grand compte de l’avis de l’ORECE, adopter une décision recensant les marchés transnationaux, en statuant conformément à la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 22, paragraphe 3 ».

7.        L’article 16 (intitulé « Procédure d’analyse de marché ») prévoit :

« 1.      Les autorités réglementaires nationales effectuent une analyse des marchés pertinents en prenant en considération les marchés recensés dans la recommandation et en tenant le plus grand compte des lignes directrices. Les États membres veillent à ce que cette analyse soit effectuée, le cas échéant, en coopération avec les autorités nationales chargées de la concurrence.

2.      Lorsque, conformément à l’article 17, paragraphe 3 ou 4, de la directive 2002/22/CE (directive “service universel”) ou à l’article 8 de la directive 2002/19/CE (directive “accès”), l’autorité réglementaire nationale est tenue de se prononcer sur l’imposition, le maintien, la modification, ou la suppression d’obligations à la charge des entreprises, elle détermine, sur la base de son analyse de marché visée au paragraphe 1 du présent article, si un marché pertinent est effectivement concurrentiel.

3.      Lorsqu’une autorité réglementaire nationale conclut que le marché est effectivement concurrentiel, elle n’impose ni ne maintient l’une quelconque des obligations réglementaires spécifiques visées au paragraphe 2. Dans les cas où des obligations réglementaires sectorielles s’appliquent déjà, elle supprime ces obligations pour les entreprises sur ce marché pertinent. Les parties concernées par cette suppression d’obligations en sont averties dans un délai approprié.

4.      Lorsqu’une autorité réglementaire nationale détermine qu’un marché pertinent n’est pas effectivement concurrentiel, elle identifie les entreprises qui, individuellement ou conjointement avec d’autres, sont puissantes sur ce marché conformément à l’article 14 ; l’autorité réglementaire nationale impose aussi à ces entreprises les obligations réglementaires spécifiques appropriées visées au paragraphe 2 du présent article ou maintient ou modifie ces obligations si elles sont déjà appliquées.

5.      Dans le cas de marchés transnationaux recensés dans la décision visée à l’article 15, paragraphe 4, les autorités réglementaires nationales concernées effectuent conjointement l’analyse de marché en tenant le plus grand compte des lignes directrices, et se prononcent de manière concertée sur l’imposition, le maintien, la modification ou la suppression d’obligations réglementaires sectorielles visées au paragraphe 2 du présent article.

6.      Les mesures prises conformément aux paragraphes 3 et 4 sont soumises aux procédures prévues aux articles 6 et 7 ».

2.      La directive 2010/13/UE 

8.        Les considérants 5, 8 et 34 de la directive 2010/13/UE (4) énoncent :

« (5)      Les services de médias audiovisuels sont des services autant culturels qu’économiques. L’importance grandissante qu’ils revêtent pour les sociétés, la démocratie – notamment en garantissant la liberté d’information, la diversité d’opinions et le pluralisme des médias –, l’éducation et la culture justifie l’application de règles particulières à ces services.

[...]

(8)      Il est essentiel que les États membres veillent à ce que soient évités des actes préjudiciables à la libre circulation et au commerce des émissions télévisées ou susceptibles de favoriser la formation de positions dominantes qui imposeraient des limites au pluralisme et à la liberté de l’information télévisée ainsi que de l’information dans son ensemble.

[...]

(34)      Afin de promouvoir un secteur audiovisuel européen solide, compétitif et intégré et de favoriser le pluralisme des médias à travers toute l’Union, un fournisseur de services de médias ne devrait relever de la compétence que d’un seul État membre, et le pluralisme de l’information devrait être un principe fondamental de l’Union ».

9.        L’article 1er, paragraphe 1, dispose :

« 1.      Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)      “service de médias audiovisuels” :

i)      un service tel que défini aux articles 56 et 57 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui relève de la responsabilité éditoriale d’un fournisseur de services de médias et dont l’objet principal est la fourniture de programmes dans le but d’informer, de divertir ou d’éduquer le grand public, par des réseaux de communications électroniques au sens de l’article 2, point a), de la directive 2002/21/CE. Un service de médias audiovisuels est soit une émission télévisée au sens du point e) du présent paragraphe, soit un service de médias audiovisuels à la demande au sens du point g) du présent paragraphe ;

ii)      une communication commerciale audiovisuelle ».

B.      Le droit national

1.      Le decreto legislativo n. 177 – Testo unico dei servizi di media audiovisivi e radiofonici (décret législatif no 177, du 31 juillet 2005, portant texte unique des services de médias audiovisuels et radiophoniques) (ciaprès le « décret législatif no 177/2005 »)

10.      L’article 2, paragraphe 1, sous l), du décret législatif n177/2005 (5) décrit le SIC dans les termes suivants :

« le secteur économique qui couvre les activités suivantes : presse quotidienne et périodique, édition d’annuaires et édition électronique, y compris sur l’internet, radiodiffusion et services de médias audiovisuels, cinéma ; publicité externe, initiatives de communication de produits et de services, parrainages ».

11.      Aux termes de l’article 43 (intitulé « Positions dominantes au sein du système intégré des communications ») :

« 1.      Les opérateurs actifs au sein du système intégré des communications sont tenus de notifier à l’[AGCom] les ententes et opérations de concentration, afin de permettre, selon les procédures prévues dans un règlement adopté par l’[AGCom] elle‑même, la vérification du respect des principes énoncés aux paragraphes 7, 8, 9, 10, 11 et 12.

2.      L’[AGCom], sur communication de tout intéressé ou, périodiquement, d’office, après avoir identifié le marché pertinent conformément aux principes visés aux articles 15 et 16 de la directive 2002/21/CE du Parlement et du Conseil, du 7 mars 2002, vérifie l’absence de constitution de positions dominantes au sein du système intégré des communications et sur les marchés qui le composent, de même que le respect des limites visées aux paragraphes 7, 8, 9, 10, 11 et 12, compte tenu, entre autres, des recettes, mais aussi du niveau de concurrence au sein du système, des barrières à l’entrée dans ce système, des dimensions d’efficacité économique de l’entreprise ainsi que des indices quantitatifs de diffusion des programmes de radio et de télévision, des produits éditoriaux et des œuvres cinématographiques ou discographiques.

[…]

9.      Sans préjudice de l’interdiction de constitution de positions dominantes sur chacun des marchés composant le système intégré des communications, les opérateurs qui sont tenus de s’inscrire au registre des opérateurs de communication établi conformément à l’article 1er, paragraphe 6, sous a), point 5), della legge 31 luglio 1997, n. 249 [loi no 249 du 31 juillet 1997] ne peuvent, ni directement, ni par l’intermédiaire de sociétés contrôlées ou liées au sens des paragraphes 14 et 15, percevoir des recettes supérieures à 20 % des recettes globales du système intégré des communications.

[…]

11.      Les entreprises dont les recettes dans le secteur des communications électroniques, telles que définies au sens de l’article 18 du decreto legislativo n. 259, du 1er août 2003 [décret législatif no 259/2003], y compris par l’intermédiaire de sociétés contrôlées ou liées, sont supérieures à 40 % des recettes globales de ce secteur ne peuvent percevoir au sein du système intégré des communications des recettes supérieures à 10 % de celles produites par ledit système.

[…]

14.      Aux fins du présent texte unique, le contrôle existe, même en ce qui concerne les entités autres que les sociétés, dans les cas prévus par l’article 2359, premier et deuxième alinéas, du codice civile [ci‑après le “code civil”] ».

2.      Le code civil

12.      L’article 2359 du code civil dispose :

« Sont considérées comme des sociétés contrôlées :

1)      les sociétés dans lesquelles une autre société dispose de la majorité des droits de vote pouvant s’exercer dans l’assemblée ordinaire ;

2)      les sociétés dans lesquelles une autre société dispose de droits de vote suffisants pour exercer une influence dominante dans l’assemblée ordinaire ;

3)      les sociétés qui sont sous l’influence dominante d’une autre société en vertu de liens contractuels spécifiques avec cette société.

[…]

Des sociétés sont considérées comme liées lorsque l’une d’elles exerce sur les autres une influence importante. Une telle influence est présumée lorsque la société peut exercer, dans l’assemblée ordinaire, au moins un cinquième des droits de vote ou un dixième de ceux‑ci si la société en cause détient des actions cotées sur des marchés réglementés ».

II.    Le litige au principal et les questions préjudicielles

13.      Vivendi, société de droit français inscrite au registre du commerce de Paris, est la société mère d’un groupe opérant dans le secteur des médias et dans la création et distribution de contenus audiovisuels.

14.      Vivendi détient une participation de 23,94 % dans le capital de TIM, société qu’elle contrôle (6) depuis l’assemblée des actionnaires du 4 mai 2017, où elle a obtenu la majorité des sièges au conseil d’administration (7).

15.      Le 8 avril 2016, Vivendi, Mediaset et Reti Televisive Italiane SpA ont conclu un contrat de partenariat stratégique par lequel Vivendi acquerrait 3,5 % du capital social de Mediaset et 100 % de celui de Mediaset Premium SpA, cédant en échange 3,5 % de son propre capital social.

16.      En raison des divergences autour de cet accord, Vivendi a entamé, en décembre 2016, une campagne d’acquisition hostile d’actions de Mediaset. Le 22 décembre 2016, Vivendi possédait déjà 28,8 % du capital social de Mediaset, soit 29,94 % des droits de vote. Cette participation minoritaire qualifiée ne lui permettait toutefois pas de contrôler cette société, qui est restée dans le giron du groupe Fininvest (8).

17.      Le 20 décembre 2016, Mediaset s’est plainte auprès de l’AGCom que Vivendi avait violé l’article 43, paragraphe 11, du décret législatif no 177/2005 en acquérant ces actions.

18.      Par décision no 178/17/CONS, du 18 avril 2017 (9), l’AGCom a déclaré qu’en raison des participations susmentionnées, Vivendi avait enfreint l’article 43, paragraphe 11, du décret législatif no 177/2005 et lui a enjoint de mettre fin à cette infraction dans un délai de douze mois.

19.      Vivendi s’est conformée à l’injonction de l’AGCom en transférant le 6 avril 2018 à une société indépendante (Simon Fiduciaria SpA) 19,19 % des actions de Mediaset (soit 19,95 % des droits de vote). Vivendi conservait ainsi une participation directe au capital de Mediaset inférieure à 10 % des votes susceptibles d’être exercés au sein de l’assemblée des actionnaires de cette société.

20.      Sans préjudice de ce qui précède, Vivendi a contesté la décision de l’AGCom devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium), en concluant à son annulation.

21.      Dans le cadre de ce litige, la juridiction appelée à statuer a soumis à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Bien qu’il appartienne aux États membres de déterminer si les entreprises disposent d’une position dominante (et de leur imposer des obligations spécifiques en conséquence), l’article 43, paragraphe 11, du décret législatif no 177 du 31 juillet 2005, dans sa version en vigueur à la date d’adoption de la décision attaquée, s’énonçant comme suit : “Les entreprises dont les recettes dans le secteur des communications électroniques défini à l’article 18 du [code des communications électroniques], y compris par l’intermédiaire de sociétés contrôlées ou liées, sont supérieures à 40 % des recettes globales de ce secteur ne peuvent percevoir dans le système intégré des communications des recettes supérieures à 10 % de celles produites par ledit système” est-il contraire au droit de l’Union et, en particulier, au principe de la libre circulation des capitaux visé à l’article 63 TFUE ? La question est posée en ce qui concerne la partie où, en faisant référence à l’article 18 du code des communications électroniques, ladite disposition limite le secteur en question aux marchés susceptibles d’être soumis à une régulation ex ante, malgré le fait notoire que l’information (dont le pluralisme est l’objectif de la disposition concernée) est de plus en plus véhiculée par l’usage de l’internet, des ordinateurs personnels et de la téléphonie mobile, de sorte qu’il peut être déraisonnable d’exclure de ce secteur, notamment, des services de détail de téléphonie mobile, au seul motif qu’ils opèrent en régime de pleine concurrence. La question est également posée compte tenu du fait que l’AGCom a délimité le secteur des communications électroniques, aux fins de l’application de l’article 43, paragraphe 11, du décret législatif no 177/2005, précisément à l’occasion de la procédure en cause, en ne prenant en considération que les marchés ayant fait l’objet d’au moins une analyse depuis l’entrée en vigueur du [code des communications électroniques], c’est‑à‑dire de 2003 à ce jour, et en se fondant sur les données de recettes résultant de la dernière constatation utile, effectuée en 2015.

2)      Les principes en matière de protection de la liberté d’établissement et de libre prestation de services, visés aux articles 49 et 56 TFUE, les articles 15 et 16 de la directive 2002/21/CE [relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques], qui sont destinés à protéger le pluralisme et la liberté d’expression, ainsi que le principe de proportionnalité consacré par le droit de l’Union s’opposent-ils à l’application d’une réglementation nationale en matière de services de médias audiovisuels et radiophoniques publics, telle que la réglementation italienne figurant à l’article 43, paragraphes 11 et 14, [du décret législatif no 177/2005] selon laquelle les recettes pertinentes pour déterminer le second seuil de 10 % comprennent celles des entreprises non contrôlées ni soumises à une influence dominante, mais seulement “liées” au sens de l’article 2359 du code civil italien (auquel fait référence l’article 43, paragraphe 14), bien qu’aucune influence sur les informations à diffuser ne puisse être exercée sur ces dernières ?

3)      Les principes en matière de liberté d’établissement et de libre prestation des services, visés aux articles 49 et 56 TFUE, les articles 15 et 16 de la directive 2002/21/CE, les principes en matière de protection du pluralisme des sources d’information et de concurrence dans le secteur de la radiodiffusion télévisuelle visés par la directive 2010/13/UE relative aux services de médias audiovisuels et par la directive 2002/21/CE s’opposent-ils à une réglementation nationale telle que le décret législatif no 177/2005, qui soumet, à l’article 43, paragraphes 9 et 11, à des seuils très différents (respectivement, 20 % et 10 %), d’une part, les “opérateurs tenus de s’inscrire au registre des opérateurs de communication, établi conformément à l’article 1er, paragraphe 6, sous a), point 5, de la loi no 249 du 31 juillet 1997” (à savoir, les opérateurs, visés au paragraphe 9, auxquels l’AGCom ou d’autres administrations compétentes attribuent des concessions ou délivrent des autorisations sur la base de la réglementation en vigueur, ainsi que les entreprises concessionnaires de publicité diffusée, les entreprises d’édition, etc.) et, d’autre part, les entreprises opérant dans le secteur des communications électroniques, précédemment défini (dans le cadre du paragraphe 11) ? »

22.      Des observations écrites ont été déposées par Vivendi, Mediaset, le gouvernement italien et la Commission, qui ont participé à l’audience de plaidoiries, laquelle s’est tenue le 9 octobre 2019.

III. Appréciation

A.      Recevabilité des questions préjudicielles

23.      Le gouvernement italien considère que la première question est hypothétique, car la part de Vivendi pour l’année de référence aurait été égale à 45,9 % des recettes du secteur des communications électroniques, du fait du contrôle qu’elle exerce sur TIM, même si ce marché avait été délimité de manière plus large. Cette part aurait donc dépassé, en tout état de cause, le seuil de 40 % des recettes.

24.      Le grief tiré de l’irrecevabilité de cette question ne peut être accueilli, car la juridiction de renvoi s’interroge précisément sur la compatibilité avec le droit de l’Union du pourcentage fixé pour restreindre l’accès au SIC des entreprises présentes dans le secteur des communications électroniques.

25.      Mediaset soutient que les questions de la juridiction de renvoi sont irrecevables, car elles ne contiennent pas de description claire et cohérente du cadre juridique national ni n’expliquent la pertinence pour la solution du litige de certaines dispositions du droit de l’Union qu’elle cite.

26.      Ce grief ne peut pas prospérer non plus, car les questions préjudicielles portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence qui n’a pas été réfutée en l’espèce. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (10).

27.      Aucune de ces circonstances n’est présente en l’espèce. Même si la décision de renvoi mentionne certaines dispositions du droit de l’Union sans expliquer leur pertinence pour la solution du litige, elle contient suffisamment d’éléments d’appréciation pour permettre de comprendre les points de droit soulevés en rapport avec l’éventuelle incompatibilité de la législation italienne avec les règles du droit de l’Union. La Cour est donc en mesure de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi.

B.      Les dispositions pertinentes du droit de l’Union

1.      Les dispositions du traité FUE

28.      Bien que les trois questions préjudicielles portent sur la même loi italienne, elles concernent la compatibilité de plusieurs de ses éléments, tels qu’interprétés en l’espèce, avec différentes dispositions du traité FUE. La première question fait plus particulièrement référence à l’article 63 TFUE (libre circulation des capitaux), tandis que les deux autres ont trait aux articles 49 TFUE (droit d’établissement) et 56 TFUE (libre prestation de services) (11).

29.      En ce qui concerne cette dernière disposition, il suffit d’indiquer que l’article 56 TFUE ne s’applique pas en l’espèce, en raison de l’absence de prestation transfrontalière de services dans l’affaire au principal.

30.      En revanche, la réglementation italienne pourrait, en principe, aller à l’encontre tant du droit d’établissement (article 49 TFUE) que de la libre circulation des capitaux (article 63 TFUE).

31.      Selon la jurisprudence de la Cour, pour déterminer si une réglementation nationale relève de l’une ou l’autre de ces libertés, il y a lieu de prendre en considération son objet, de sorte que (12) :

–      L’article 49 TFUE entrera en jeu dans le cas d’une législation nationale qui a vocation à s’appliquer aux seules participations permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions d’une société et de déterminer ses activités.

–      En revanche, c’est l’article 63 TFUE qui s’appliquera si les dispositions nationales concernent les participations effectuées dans la seule intention de réaliser un placement financier sans intention d’influer sur la gestion et le contrôle de l’entreprise (13).

32.      Il ressort des informations figurant au dossier que l’acquisition d’actions et la prise de contrôle de TIM par Vivendi impliquent l’exercice du droit d’établissement. Au contraire, l’acquisition par Vivendi d’une part significative des actions de Mediaset semble s’inscrire soit dans le cadre de la libre circulation des capitaux (si Vivendi avait simplement pour but de réaliser un placement), soit dans celui du droit d’établissement (si Vivendi aspirait à intervenir dans la gestion de Mediaset).

33.      La législation italienne crée des restrictions à ces deux libertés, dans la mesure où le facteur qui empêche Vivendi de réaliser un investissement significatif dans les actions de Mediaset est sa participation au capital de TIM, une société détenant une part importante du marché italien des communications électroniques, et le contrôle de cette société qui en découle (14).

34.      Même si le résultat de l’analyse de la législation italienne au regard des exigences de la libre circulation des capitaux ne varierait pas sensiblement par rapport à celui d’une appréciation de cette même législation à la lumière des exigences du droit d’établissement, étant donné la convergence de la jurisprudence de la Cour portant sur ces deux libertés, j’estime que les caractéristiques du litige au principal justifient d’examiner la compatibilité de cette législation avec les règles relatives au droit d’établissement (15).

35.      L’affrontement entre Vivendi et Mediaset a pour toile de fond la volonté du groupe français d’intervenir dans la gestion de Mediaset (16) et de gagner ainsi une part significative du marché italien des médias. Ce que Vivendi semble vouloir n’est pas un simple placement au moyen de l’acquisition d’actions de Mediaset, dans le seul but de réaliser des bénéfices.

36.      Si tel était le cas, il s’agirait de l’exercice du droit d’établissement d’une entreprise française sur le marché italien des médias, droit qui serait entravé par l’application que l’AGCom a faite de la loi nationale. En acquérant 28,8 % du capital social de Mediaset, ce qui lui confère 29,94 % des droits de vote, Vivendi semblait vouloir, je le répète, exercer une influence réelle sur la direction de Mediaset et déterminer, dans une certaine mesure, les activités de cette entreprise, au sens de la jurisprudence de la Cour.

2.      Directives en matière de communications électroniques et de services de communication audiovisuelle

37.      La juridiction de renvoi se réfère tant à la directive « cadre » (en particulier ses articles 15 et 16) qu’à la directive 2010/13, sur les services de médias audiovisuels.

38.      En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, lorsqu’un domaine a fait l’objet d’une harmonisation exhaustive, les directives s’appliquent de manière prioritaire et font passer au second plan l’utilisation des règles du droit primaire (en l’occurrence, celles qui régissent les libertés de circulation dans le marché intérieur). Lorsque les directives d’harmonisation ne sont pas exhaustives, leur application combinée avec le droit primaire est possible.

39.      En l’espèce, il convient donc de déterminer si la directive « cadre » et la directive 2010/13 constituent les seules références permettant de répondre aux questions préjudicielles ou si, au contraire, les règles du droit primaire (en particulier l’article 49 TFUE) s’appliquent à titre principal, même si certaines dispositions de ces deux directives sont prises en compte.

40.      À mon sens, les deux directives harmonisent le présent domaine de manière non exhaustive, en laissant aux États membres une large marge d’appréciation pour adopter des décisions nationales. Le contrôle de ces dernières doit être effectué à la lumière de l’article 49 TFUE et de la jurisprudence de la Cour qui l’interprète.

41.      En particulier, la directive « cadre » définit les fonctions attribuées aux autorités réglementaires nationales (ci‑après les « ARN »). Parmi ces fonctions, on peut mentionner (article 16) l’analyse des marchés pertinents, à l’issue de laquelle les ARN (17) peuvent imposer des obligations spécifiques, également dénommées « mesures correctrices », aux opérateurs disposant d’une puissance significative sur l’un de ces marchés (18). Il s’agit donc de fonctions régulatrices pour l’exercice desquelles les ARN disposent de larges pouvoirs d’appréciation leur permettant d’évaluer, au cas par cas, la nécessité d’une régulation du marché (19), le cas échéant avec l’assistance de la Commission (20).

42.      L’application de l’article 43, paragraphe 11, du décret législatif n177/2005 faite par l’AGCom à l’égard de Vivendi pourrait, en principe, relever de la directive « cadre », mais la marge d’appréciation que celle‑ci laisse aux ARN exige que l’éventuelle incompatibilité de cette application avec le droit de l’Union soit examinée à la lumière des exigences de l’article 49 TFUE.

43.      En ce qui concerne la directive 2010/13, la Cour a déclaré qu’une disposition nationale qui, en vue d’un objectif d’intérêt général, régit certains aspects de la diffusion ou de la distribution de services de médias audiovisuels, n’entre pas dans le champ d’application de ladite directive, sauf si elle instaure un second contrôle des émissions de radiodiffusion télévisuelle s’ajoutant à celui que l’État membre d’émission est tenu d’effectuer (21).

44.      Étant donné que la disposition italienne (à savoir l’article 43 du décret législatif no 177/2005, en ce qu’il interdit à une entreprise dont les recettes représentent 40 % du secteur des communications électroniques de dépasser le seuil de 10 % dans le SIC) n’a aucune incidence sur les émissions et ne comporte pas de second contrôle des émissions de radiodiffusion, elle échappe à l’application de la directive 2010/13. En outre, cette disposition nationale vise à protéger le pluralisme des médias et la liberté de l’information, objectifs d’intérêt général.

45.      En définitive, la perspective à partir de laquelle la législation interne doit être analysée est, en l’espèce, celle de l’article 49 TFUE.

C.      Restrictions au droit d’établissement

46.      Je me propose d’examiner la compatibilité de la réglementation italienne, telle qu’interprétée dans la présente affaire, avec l’article 49 TFUE, en répondant conjointement aux trois questions préjudicielles, afin d’éviter les répétitions.

47.      Selon une jurisprudence constante de la Cour, cet article s’oppose à toute mesure nationale qui, même applicable sans distinction tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants des États membres de l’Union, de la liberté d’établissement garantie par le traité. De tels effets restrictifs peuvent se produire lorsque, en raison d’une réglementation nationale, une société peut être dissuadée de créer des entités subordonnées, telles qu’un établissement stable, dans d’autres États membres et d’exercer ses activités par l’intermédiaire de telles entités (22).

48.      La restriction imposée à Vivendi sur la base du décret législatif no 177/2005 entrave sa liberté de s’implanter en Italie, en l’empêchant d’influer sur la gestion de Mediaset et, le cas échéant, d’en prendre le contrôle. Il ne s’agit donc pas d’un obstacle direct à la liberté d’établissement, fondé sur la nationalité, mais d’un obstacle indirect, applicable sans distinction aux opérateurs nationaux et aux entreprises d’autres États membres.

49.      L’effet restrictif de la législation italienne résulte de la combinaison des trois éléments évoqués par la juridiction de renvoi :

–      D’une part, du recours à une définition étroite de la notion de « secteur des communications électroniques », circonscrite aux marchés susceptibles d’être soumis à une régulation ex ante.

–      D’autre part, de la totalisation des recettes des sociétés « liées » (et non pas seulement des sociétés « contrôlées ») pour calculer les parts de marché dans le secteur des communications électroniques et dans le secteur des médias.

–      Enfin, de la fixation de seuils différenciés (20 % et 10 % des recettes du SIC) pour l’acquisition de participations dans les médias.

1.      La délimitation restrictive du secteur des communications électroniques

50.      En ce qui concerne le premier élément, l’AGCom utilise une définition restrictive du secteur des communications électroniques, résultant d’une lecture combinée de l’article 43, paragraphe 11, du décret législatif no 177/2005 et de l’article 18 du code italien des communications électroniques. En réduisant ainsi de facto la taille du secteur des communications électroniques, il sera plus facile pour une seule entreprise d’atteindre 40 % des recettes de ce secteur, ce qui réduit ses chances de s’implanter dans le secteur des médias en Italie.

51.      L’application faite par l’AGCom de ces deux dispositions italiennes circonscrit, comme il a été indiqué précédemment, le secteur des communications électroniques aux marchés susceptibles d’être soumis à une régulation ex ante (23), c’est‑à‑dire à ceux pour lesquels elle a effectué au moins une analyse depuis l’entrée en vigueur du code des communications électroniques (2003) jusqu’à ce jour, et dont les recettes résultent de la dernière constatation utile (2015).

52.      Ce faisant, l’AGCom laisse en dehors du secteur des communications électroniques des marchés revêtant une importance croissante pour la transmission d’informations : tel est le cas des services de détail de téléphonie mobile, qui constituent un marché concurrentiel sur lequel aucune intervention réglementaire ex ante des États membres n’est nécessaire, ou des autres services de communications électroniques liés à Internet et des services de radiodiffusion par satellite. Les uns et les autres sont devenus la principale voie d’accès aux médias, de sorte qu’il n’est pas logique de les exclure du calcul.

53.      En raison de cette délimitation étroite du secteur des communications électroniques, le poids dans ce secteur d’une entreprise d’un autre État membre (en l’occurrence Vivendi) qui participe au capital d’un opérateur tel que TIM augmente et, dans le même temps, ses chances de participer au secteur des médias audiovisuels diminuent, ce qui entrave de cette manière son implantation en Italie.

2.      L’incidence du « lien » entre sociétés

54.      En ce qui concerne le deuxième élément, l’AGCom tient compte, pour établir la position dominante d’une entreprise donnée sur les marchés, non seulement des recettes des sociétés « contrôlées », mais aussi de celles des sociétés « liées », sur lesquelles l’entreprise en question exerce une « influence importante » au sens de l’article 2359, paragraphe 3, du code civil italien.

55.      En l’espèce, la participation de Vivendi dans Mediaset n’a pas, de facto, permis à la première d’exercer une influence importante sur la seconde (24), car cette dernière est sous le contrôle du groupe Fininvest, qui définit sa ligne d’action et auquel Vivendi est confrontée. Il s’agit toutefois d’une question de fait que seule la juridiction de renvoi peut clarifier avec certitude.

56.      Si tel était le cas, la liberté d’établissement de Vivendi en Italie serait affectée par l’application de la règle en cause, puisque, en lui imputant les recettes de sociétés « liées » (comme Mediaset) sur la stratégie commerciale desquelles elle n’est pas en mesure d’exercer une influence, ses chances de s’implanter dans le SIC s’amenuiseraient (25).

3.      Le double seuil de recettes dans le secteur des médias audiovisuels

57.      La liberté d’établissement de Vivendi en Italie est également limitée par l’application à son égard d’une interdiction d’obtenir des recettes dans le SIC plus stricte que celle prévue pour les opérateurs de communication classiques.

58.      La réglementation nationale autorise ces derniers (26) à atteindre jusqu’à 20 % des recettes du SIC. En revanche, les entreprises détenant plus de 40 % du secteur des communications électroniques ne sont autorisées à réaliser que 10 % des recettes du même SIC. Cette dernière disposition ne s’applique en fait qu’à TIM, qui est contrôlée par Vivendi, car elle seule réalise une part supérieure à 40 % des recettes du secteur des communications électroniques.

59.      La fixation d’un seuil de recettes maximal pour l’exercice d’une activité commerciale dans le secteur des médias en Italie implique, en soi, une restriction à la liberté d’établissement en Italie d’entreprises d’autres États membres. Cette restriction est d’autant plus importante que le seuil est fixé, sous la forme décrite ci‑dessus, de manière différenciée et porte davantage préjudice à une entreprise d’un autre État membre qui contrôle une société italienne.

60.      En conclusion, la liberté d’établissement protégée par l’article 49 TFUE est affectée par l’effet dissuasif de la réglementation italienne, qui restreint – dans le sens exposé ci‑dessus – la possibilité pour des entreprises d’autres États membres d’accéder au secteur italien des médias.

61.      Cette restriction, toutefois, pourrait être fondée sur des motifs légitimes de nature à la justifier, auxquels je me référerai immédiatement.

D.      Justification de la restriction

62.      En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, la liberté d’établissement consacrée par l’article 49 TFUE ne peut être limitée que par des réglementations justifiées au titre des dérogations expressément prévues à l’article 52 TFUE (ordre public, sécurité publique ou santé publique) ou par des raisons impérieuses d’intérêt général et s’appliquant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l’État membre d’accueil. En outre, afin d’être ainsi justifiée, la réglementation nationale en cause doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (27).

63.      J’ai déjà souligné que la réglementation italienne s’appliquait indistinctement à tous les opérateurs actifs dans les secteurs des communications électroniques et des médias en Italie. Il serait donc possible de la justifier par l’une des dérogations expressément prévues à l’article 52 TFUE ou par une raison impérieuse d’intérêt général.

64.      Tant Mediaset que les autorités italiennes invoquent la raison impérieuse d’intérêt général que constitue la protection du pluralisme de l’information, qui figure également dans le décret législatif no 177/2005 (28). La juridiction de renvoi considère également que la réglementation en cause pourrait se justifier par la protection du pluralisme de l’information et des médias.

65.      Conformément à l’article 11, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, « [l]a liberté des médias et leur pluralisme sont respectés ». Ces deux éléments sont indispensables à l’existence des droits à la liberté d’expression et d’information, sauvegardés par cet article de la Charte, lequel s’inspire de l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) (29).

66.      Le protocole no 29 annexé aux traités UE et FUE fait également référence au pluralisme des médias en déclarant que « […] la radiodiffusion de service public dans les États membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu’à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias ».

67.      La directive « cadre » et la directive 2010/13 mentionnent également le pluralisme des médias. Le considérant 5 de la directive « cadre » (30) et les considérants 5 et 8 de la directive 2010/13 y font notamment référence (31). Le Parlement européen a insisté sur l’importance que ce pluralisme revêt pour garantir la liberté d’expression dans une société démocratique (32).

68.      La Cour européenne des droits de l’homme (ci‑après la « Cour EDH ») a développé, dans le cadre de l’interprétation de l’article 10 de la CEDH, une jurisprudence abondante sur l’importance du pluralisme des médias (33).

69.      La Cour EDH a déclaré que la liberté d’expression, consacrée par le paragraphe 1 de l’article 10, constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et l’une des conditions primordiales de son progrès. Il n’est pas de démocratie sans pluralisme et la démocratie se nourrit de la liberté d’expression, de sorte qu’il est de son essence de permettre la proposition et la discussion de projets politiques divers, même ceux qui remettent en cause le mode d’organisation actuel d’un État, pourvu qu’ils ne visent pas à porter atteinte à la démocratie elle‑même (34).

70.      La Cour EDH ajoute que, dans une société démocratique, il ne suffit pas, pour assurer un véritable pluralisme dans le secteur de l’audiovisuel, de prévoir l’existence de plusieurs chaînes ou la possibilité théorique pour des opérateurs potentiels d’accéder au marché de l’audiovisuel. Encore faut-il permettre un accès effectif à ce marché, de façon à assurer dans le contenu des programmes considérés dans leur ensemble une diversité qui reflète autant que possible la variété des courants d’opinion qui traversent la société à laquelle s’adressent ces programmes (35).

71.      Elle juge donc contraire à l’article 10 de la CEDH qu’une fraction économique ou politique de la société puisse obtenir une position dominante à l’égard des médias audiovisuels et exercer ainsi une pression sur les diffuseurs pour finalement restreindre leur liberté éditoriale (36). Il en va de même lorsque la position dominante est détenue par un radiodiffuseur d’État jouissant d’un monopole sur les fréquences disponibles (37).

72.      Sur la base de ces éléments normatifs et jurisprudentiels, il est logique que la Cour n’ait pas hésité à qualifier le pluralisme des médias de raison impérieuse d’intérêt général (38) dont la protection peut justifier l’adoption de mesures nationales restreignant la liberté d’établissement (et d’autres libertés du marché intérieur) (39). En outre, elle a souligné son importance dans une société démocratique (40).

73.      En principe, l’article 43 du décret législatif no 177/2005 permet d’atteindre l’objectif visant à protéger le pluralisme des médias, car il fait obstacle à ce qu’une seule entreprise acquière, par elle‑même ou par l’intermédiaire de ses filiales, une part importante (supérieure à 20 %) (41) du marché des médias. Par conséquent, cette réglementation constitue une mesure appropriée pour protéger le pluralisme de l’information dans sa dimension externe.

74.      On pourrait également admettre que, compte tenu de la proximité entre le secteur des services de communications électroniques et celui des médias, certaines limites soient imposées à la possibilité pour les entreprises qui occupent déjà une position dominante dans le premier de ces secteurs (TIM, par exemple, qui est leader du secteur) de profiter de cette circonstance pour renforcer leur position dans le secteur des médias. La mesure nationale, qui, en pareils cas, restreint l’accès au secteur des médias et fait obstacle à sa concentration excessive entre les mains d’un opérateur peut favoriser le pluralisme de l’information, tout au moins en théorie.

75.      Toutefois, si cette réglementation nationale est propre à garantir la réalisation de l’objectif visant à protéger le pluralisme de l’information, elle ne doit pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint. En d’autres termes, elle doit remplir le critère de proportionnalité énoncé par la jurisprudence de la Cour (42).

E.      Proportionnalité de la restriction

76.      Bien qu’il appartienne à la juridiction de renvoi d’apprécier la proportionnalité de la mesure en cause au regard des finalités qui l’inspirent, la Cour peut lui fournir des indications utiles à cet égard.

77.      À mon sens, le respect de l’exigence de proportionnalité est pour le moins discutable en l’espèce, si l’on tient compte des facteurs énumérés ci‑après.

78.      En premier lieu, pour définir le secteur des communications électroniques, l’AGCom interprète l’article 43 du décret législatif no 177/2005 et l’article 18 du code des communications électroniques en des termes très restrictifs, difficilement conciliables avec les articles 15 et 16 de la directive « cadre » et les recommandations de la Commission relatives à ce secteur (43).

79.      Ainsi que le soutiennent la Commission et Vivendi, la délimitation des marchés des communications électroniques ainsi effectuée n’a aucun lien avec l’objectif visant à garantir le pluralisme du secteur, connexe mais différent, des médias. Pour définir le périmètre du secteur des communications électroniques en tant que tel, il conviendrait de tenir compte de tous les marchés qui le composent, et pas uniquement de ceux qui nécessitent une intervention ex ante parce qu’ils ne présentent pas un degré de concurrence suffisant.

80.      J’ai déjà souligné (44) que la délimitation des marchés des communications électroniques doit inclure tous les marchés qui composent le secteur et, en particulier, les services de détail de téléphonie mobile, les autres services de communications électroniques liés à Internet ainsi que les services de radiodiffusion par satellite, qui sont devenus la voie d’accès préférentielle aux médias.

81.      En deuxième lieu, les exigences de proportionnalité pourraient ne pas être compatibles avec le pourcentage de recettes très faible (10 %) du SIC qui est fixé comme plafond pour les entreprises dont les recettes dans le secteur des communications électroniques dépassent 40 % des recettes totales de ce secteur.

82.      Il est vrai, je le répète, qu’il existe un lien entre les deux secteurs, compte tenu de la convergence croissante des communications électroniques, des médias audiovisuels et des technologies de l’information (45). Cela ne signifie toutefois pas que les entreprises opérant dans les services de communications électroniques aient nécessairement la capacité intrinsèque d’influencer le secteur des médias ou de la communication audiovisuelle (46). Ces entreprises contrôlent l’acheminement et la transmission de contenus, mais pas nécessairement leur production, qui implique une responsabilité éditoriale (47). Il est donc nécessaire de séparer la réglementation de la transmission, d’une part, de celle des contenus, d’autre part (48).

83.      Dans cette optique, la Cour a déclaré que les directives qui constituent le nouveau cadre réglementaire applicable aux services de communications électroniques établissent une distinction claire entre la production des contenus, impliquant une responsabilité éditoriale, et l’acheminement des contenus, exclusif de toute responsabilité éditoriale, les contenus et leur transmission relevant de réglementations séparées, poursuivant des objectifs qui leur sont propres (49).

84.      Ainsi, le contrôle des communications électroniques par un opérateur n’implique pas nécessairement un contrôle identique sur les contenus qui circulent sur ses infrastructures, dont la responsabilité incombe au média qui les produit et qui en est responsable du point de vue éditorial.

85.      Au vu de cette prémisse, il convient d’analyser le lien, établi de manière générale et abstraite par la réglementation italienne, entre la détention de plus de 40 % du marché des communications électroniques et le danger pour le pluralisme de l’information. Ses effets pourraient être considérés comme disproportionnés dans la mesure où ils empêchent automatiquement toute entreprise (50), quelles que soient ses caractéristiques, qui détient cette part de marché dans le premier secteur de dépasser 10 % des recettes dans le second (c’est‑à‑dire dans le SIC).

86.      En troisième lieu, si, en principe, il n’y a rien à objecter au libellé de l’article 2359 du code civil, relatif aux sociétés liées, il ne faut pas oublier qu’il établit une simple présomption : l’influence importante d’une société sur une autre est présumée lorsque la première peut exercer un cinquième des droits de vote de la seconde ou un dixième de ceux‑ci si la société en cause détient des actions cotées sur des marchés réglementés.

87.      Il serait disproportionné d’appliquer cette présomption, comme si elle était irréfragable, pour assimiler la situation d’une « société contrôlée » à celle d’une « société liée », afin d’appliquer la restriction à la liberté d’établissement en cause, lorsque l’on peut affirmer avec certitude, comme cela semble être le cas dans la présente affaire, que la société (Vivendi) détenant une part des droits de vote dans une autre société (Mediaset) supérieure à ces chiffres n’est pas, de facto, en mesure d’exercer une influence importante sur cette dernière.

IV.    Conclusion

88.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je suggère de répondre aux questions préjudicielles du Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) dans les termes suivants :

« La liberté d’établissement protégée par l’article 49 TFUE s’oppose à une mesure nationale qui, afin de préserver le pluralisme de l’information, interdit à toute entreprise dont les recettes dans le secteur des communications électroniques sont supérieures à 40 % des recettes globales de ce secteur d’acquérir une part excédant 10 % des recettes sur le marché des médias, si :

–      par secteur des communications électroniques, on entend uniquement celui qui comprend les marchés susceptibles d’être soumis à une régulation ex ante ; et

–      l’interdiction est imposée aux entreprises liées à une entreprise principale sur lesquelles celle‑ci n’est pas en mesure d’exercer une influence importante, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. »


1      Langue originale : l’espagnol.


2      Outre la presse et les publications électroniques, le SIC comprend la radio et les services audiovisuels, le cinéma, la publicité extérieure, les initiatives de communication de produits et de services ainsi que les parrainages.


3      Directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33), modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, modifiant les directives 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion, et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques (JO 2009, L 337, p. 37).


4      Directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels ») (JO 2010, L 95, p. 1).


5      GURI no 208, du 7 septembre 2005.


6      Par la communication no 0106341, du 13 septembre 2017, la Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (autorité italienne de contrôle des marchés financiers, ci‑après la « CONSOB ») a déclaré qu’« a seguito dell’assemblea dei soci del 4 maggio 2017 con la quale Vivendi ha nominato la maggioranza dei consiglieri di amministrazione di TIM – la medesima Vivendi esercita il controllo su TIM ai sensi degli artt. 2359, comma 1, n. 2, del codice civile e 93 TUF, nonchè ai sensi del Regolamento Consob OPC ».


7      Le 30 mai 2017, la Commission a décidé de ne pas s’opposer à la concentration Vivendi/Telecom Italia et de la déclarer compatible avec le marché intérieur (affaire M.8465 ; JO 2017, C 220, p. 53).


8      La Commission a confirmé cet état de fait dans sa décision du 30 mai 2017 (considérant 49) : « Vivendi does not jointly or solely control Mediaset in light of the following factors : (i) another industrial shareholder (Fininvest) historically holds the largest share of Mediaset’s share capital (currently amounting to 39.53 % of the ordinary share capital and of 41.09 % of the voting share capital), has obtained the majority of the voting rights at least in the last 6 shareholders’ meetings and has appointed the majority of the board at least in the last two terms (in 2012 and 2015) ; (ii) Vivendi has not appointed any members of the board of directors, which will remain in office until the approval of the financial statements for year 2017 ; and (iii) Vivendi does not enjoy any specific information or other rights, which materially differ from those of any other minority shareholder ; and (iv) at the present, Vivendi and Mediaset are engaged in an on-going litigation, following the breaking down of the negotiations for the acquisition of Mediaset Premium in 2016 which seems, thus, to exclude commonality of interests between Vivendi and Mediaset ».


9      Delibera n. 178/17/CONS Accertamento della violazione dell’art. 43, comma 11, del decreto legislativo 31 luglio 2005, n. 177 (décision no 178/17/CONS – Constatation d’une violation de l’article 43, paragraphe 11, du décret législatif no 177/2005, du 31 juillet 2005), texte disponible sur le site Internet de l’AGCom à l’adresse suivante : https://www.agcom.it/documents/10179/7421815/Delibera+178-17-CONS/bb20ae9f-21eb-4d39-baf9-ee3fc9d8737a?version=1.1.


10      Arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 25) ; du 7 février 2018, American Express (C‑304/16, EU:C:2018:66, point 32), et du 10 décembre 2018, Wightman e.a. (C‑621/18, EU:C:2018:999, point 27).


11      Comme il a été relevé précédemment, la juridiction de renvoi n’indique pas clairement les raisons pour lesquelles elle doute de la compatibilité de la législation italienne avec les règles du traité FUE relatives aux différentes libertés du marché intérieur.


12      Voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑35/11, EU:C:2012:707, points 89 et 90) ; du 5 février 2014, Hervis Sport- és Divatkereskedelmi (C‑385/12, EU:C:2014:47, point 21) ; du 10 avril 2014, Emerging Markets Series of DFA Investment Trust Company (C‑190/12, EU:C:2014:249, point 25) ; du 24 novembre 2016, SECIL (C‑464/14, EU:C:2016:896, point 31), et du 6 mars 2018, SEGRO et Horváth (C‑52/16 et C‑113/16, EU:C:2018:157, point 53).


13      Arrêts du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑35/11, EU:C:2012:707, points 91 et 92), et du 24 novembre 2016, SECIL (C‑464/14, EU:C:2016:896, points 32 et 33).


14      TIM est, comme il a été indiqué précédemment, l’héritière de l’ancien monopole de l’État italien.


15      La jurisprudence de la Cour offre des exemples de restrictions ayant trait au droit d’établissement et à la libre circulation des capitaux, qui sont analysées uniquement au regard de l’une de ces libertés, en fonction du contexte des litiges au principal. Voir, entre autres, arrêts du 17 septembre 2009, Glaxo Wellcome (C‑182/08, EU:C:2009:559, point 51 et jurisprudence citée), et du 6 mars 2018, SEGRO et Horváth (C‑52/16 et C‑113/16, EU:C:2018:157, point 55).


16      Comme Mediaset l’a déclaré dans ses observations (point 10). Dans son Rapport annuel – Document de référence 2016, p. 235 (disponible à l’adresse suivante : https://www.vivendi.com/wp-content/uploads/2017/03/20170314-VIV_Vivendi-Rapport-annuel-Document-de-reference-2016.pdf), Vivendi a reconnu que « […] [l]’entrée au capital de Mediaset s’inscrit dans la volonté de Vivendi de se développer en Europe du Sud et dans le cadre de ses ambitions stratégiques en tant que groupe international majeur dans le domaine des médias et des contenus d’essence européenne ».


17      Les ARN se sont vu attribuer des compétences réglementaires consistant à définir, sur la base des principes du droit de la concurrence, les marchés des communications électroniques se trouvant sur leur territoire (article 15, paragraphe 3, de la directive « cadre ») et à identifier les opérateurs disposant, individuellement ou conjointement, d’une puissance significative (article 14 de la directive « cadre »).


18      Voir, en ce sens, ordonnances du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission (T‑109/06, EU:T:2007:384, points 72 à 75), et du 9 juillet 2019, VodafoneZiggo Group/Commission (T‑660/18, EU:T:2019:546, point 32).


19      Voir arrêts du 15 septembre 2016, Koninklijke KPN e.a. (C‑28/15, EU:C:2016:692, point 36), et du 3 décembre 2009, Commission/Allemagne (C‑424/07, EU:C:2009:749, point 61).


20      La Commission assiste les ARN et cherche à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de l’Union, en publiant des recommandations et des lignes directrices, notamment, au titre de l’article 15 de la directive « cadre », sur les marchés pertinents de produits et de services ainsi que sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché. Le rôle de coordination de la Commission est également mis en évidence dans la procédure de consultation européenne organisée par les articles 7 et 7 bis de la directive « cadre ».


21      Arrêts du 4 juillet 2019, Baltic Media Alliance (C‑622/17, EU:C:2019:566, points 73 et 74) ; du 22 septembre 2011, Mesopotamia Broadcast et Roj TV (C‑244/10 et C‑245/10, EU:C:2011:607, point 50), et du 9 juillet 1997, De Agostini et TV-Shop (C‑34/95 à C‑36/95, EU:C:1997:344, point 34). Ces deux derniers arrêts se référaient à la directive 89/552/CEE du Parlement européen et du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels ») (JO 1989, L 298, p. 23), qui a précédé la directive 2010/13.


22      Voir, en particulier, arrêts du 11 mars 2010, Attanasio Group (C‑384/08, EU:C:2010:133, points 43 et 44) ; du 13 octobre 2011, DHL International (C‑148/10, EU:C:2011:654, point 60), et du 10 mai 2012, Duomo Gpa e.a. (C‑357/10 à C‑359/10, EU:C:2012:283, point 35).


23      Delibera n. 178/17/CONS, citée note 9, p. 27 à 29.


24      Sur ce point, je renvoie aux déclarations contenues dans la décision de la Commission du 30 mai 2017, reproduites note 8.


25      En outre, l’application de la réglementation italienne entraînerait une double prise en compte des recettes de la société liée : les recettes de Mediaset sont prises en considération pour le calcul des recettes de cette société italienne, contrôlée par le groupe Fininvest, et pour le calcul de la participation de Vivendi en tant qu’actionnaire minoritaire de Mediaset.


26      À savoir les entreprises inscrites au registre des opérateurs de communication, disposant de concessions ou d’autorisations octroyées par l’AGCom ou par d’autres autorités compétentes, ainsi que les entreprises concessionnaires de publicité diffusée, les entreprises d’édition, etc.


27      Arrêts du 9 septembre 2010, Engelmann (C‑64/08, EU:C:2010:506, points 29 et 47) ; du 9 mars 2006, Commission/Espagne (C‑323/03, EU:C:2006:159, point 45), et du 4 juin 2002, Commission/Belgique (C‑503/99, EU:C:2002:328, point 45).


28      L’article 3 du décret législatif no 177/2005 mentionne, parmi les principes fondamentaux du système des médias audiovisuels et de la radiophonie, « la garantie de la liberté et du pluralisme des moyens de communication par radiodiffusion ». L’article 5, paragraphe 1, sous a), du décret législatif no 177/2005 précise que le SIC doit assurer la « protection du pluralisme des moyens de communication par radiodiffusion, en interdisant à cette fin la constitution ou le maintien de positions portant atteinte au pluralisme […], y compris par l’intermédiaire de personnes contrôlées ou liées […] ».


29      Pour un commentaire des similitudes et des rares différences entre ces dispositions, je renvoie à Wachsmann, A., « Article 11. Liberté d’expression et d’information », dans Picod, F. ; Van Dooghenbroeck, S., (sous la direction de), Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2018, p. 255 à 271.


30      « La séparation entre la réglementation de la transmission et la réglementation des contenus ne porte pas atteinte à la prise en compte des liens qui existent entre eux, notamment pour garantir le pluralisme des médias, la diversité culturelle ainsi que la protection du consommateur ». Les italiques ne figurent pas dans l’original.


31      Aux termes du considérant 5 de la directive 2010/13, les services de médias audiovisuels revêtent une importance « grandissante […] pour les sociétés, la démocratie – notamment en garantissant la liberté d’information, la diversité d’opinions et le pluralisme des médias –, l’éducation et la culture […] ». Le considérant 8 de cette directive indique qu’« [i]l est essentiel que les États membres veillent à ce que soient évités des actes préjudiciables à la libre circulation et au commerce des émissions télévisées ou susceptibles de favoriser la formation de positions dominantes qui imposeraient des limites au pluralisme et à la liberté de l’information télévisée ainsi que de l’information dans son ensemble ». Les italiques ne figurent pas dans l’original.


32      La résolution du Parlement européen, du 3 mai 2018, sur le pluralisme et la liberté des médias dans l’Union européenne (2017/2209(INI)), point E, déclare : « considérant que la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias sont des éléments essentiels de la liberté d’expression ; que les médias jouent un rôle essentiel dans la société démocratique en faisant office d’observateurs de la vie publique, qu’ils contribuent à informer et à responsabiliser les citoyens […] ».


33      Voir l’analyse globale effectuée par Pisillo Mazzeschi, R., « Diritto al pluralismo informativo nei media audiovisivi e Convenzione europea dei diritti dell’uomo », dans Pisillo Mazzeschi, R. ; Del Vecchio, A. ; Manetti, M. ; Pustorino, P. (éd.), Il diritto al pluralismo dell’informazione in Europa e in Italia, Rai Eri, Rome, 2012, p. 23 à 99.


34      Cour EDH, 8 juillet 1986, Lingens c. Autriche, CE:ECHR:1986:0708JUD000981582, § 41 ; 25 mai 1998, Parti socialiste et autres c. Turquie, CE:ECHR:1998:0525JUD002123793, § 41, 45 et 47 ; 17 septembre 2009, Manole et autres c. Moldova, CE:ECHR:2009:0917JUD001393602, § 95 et 96, et 7 juin 2012, Centro Europa 7 S.r.l. et di Stefano c. Italie, CE:ECHR:2012:0607JUD003843309, § 129.


35      Cour EDH, 7 juin 2012, Centro Europa 7 S.r.l. et di Stefano c. Italie, CE:ECHR:2012:0607JUD003843309, § 130.


36      Cour EDH, 28 juin 2001, VgT Verein gegen Tierfabriken c. Suisse, CE:ECHR:2001:0628JUD002469994, § 73 et 75.


37      Cour EDH, 24 novembre 1993, Informationsverein Lentia et autres c. Autriche, CE:ECHR:1993:1124JUD001391488, § 39, et 7 juin 2012, Centro Europa 7 S.r.l. et di Stefano c. Italie, CE:ECHR:2012:0607JUD003843309, § 133.


38      Voir les analyses de cette jurisprudence par Barzanti, F., « La giurisprudenza della Corte di giustizia dell’Unione europea in tema di pluralismo dell’informazione : acquisizioni e prospettive », dans Pisillo Mazzeschi, R. ; Del Vecchio, A. ; Manetti, M. ; Pustorino, P. (éd.), Il diritto al pluralismo dell’informazione in Europa e in Italia, Rai Eri, Rome, 2012, p. 205 à 229 ; et par Cunha Rodrigues, J., « Le droit de l’Union et le pluralisme des médias », dans La Cour de justice de l’Union européenne sous la présidence de Vassilios Skouris (2003-2015) : liber amicorum Vassilios Skouris, 2015, p. 187 à 201.


39      Arrêts du 13 décembre 2007, United Pan-Europe Communications Belgium e.a. (C‑250/06, EU:C:2007:783, point 42) ; du 25 juillet 1991, Collectieve Antennevoorziening Gouda (C‑288/89, EU:C:1991:323), et du 3 février 1993, Veronica Omroep Organisatie (C‑148/91, EU:C:1993:45).


40      Voir, en ce sens, arrêts du 22 décembre 2008, Kabel Deutschland Vertrieb und Service (C‑336/07, EU:C:2008:765, point 33) ; du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543, point 31), et du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, point 52). Voir également conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Persidera (C‑112/16, EU:C:2017:250, point 1).


41      La fixation de seuils quantitatifs pour limiter le contrôle du secteur des médias par une même entreprise est prévue dans la recommandation CM/Rec(2018)1, du 7 mars 2018, du Comité des ministres du Conseil de l’Europe aux États membres sur le pluralisme des médias et la transparence de leur propriété, paragraphes 3.4 et 3.5, https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=0900001680790e36, ainsi que dans la recommandation CM/Rec(2007)2, du 31 janvier 2007, du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias, paragraphes 2.3 et 2.4, https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectID=09000016805d6bd7.


42      « […] même si le maintien du pluralisme, au titre d’une politique culturelle, est lié au droit fondamental à la liberté d’expression et que, partant, les autorités nationales disposent d’un large pouvoir d’appréciation à cet égard, les exigences découlant des mesures destinées à mettre en œuvre une telle politique ne doivent en aucun cas être disproportionnées par rapport audit objectif et les modalités de leur application ne doivent pas comporter de discriminations au détriment des ressortissants d’autres États membres ». « En particulier, une telle réglementation ne saurait légitimer un comportement discrétionnaire de la part des autorités nationales de nature à priver les dispositions communautaires relatives à une liberté fondamentale de leur effet utile ». Voir, en ce sens, arrêts du 28 novembre 1989, Groener (C‑379/87, EU:C:1989:599, point 19) ; du 20 février 2001, Analir e.a. (C‑205/99, EU:C:2001:107, point 37) ; du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital (C‑390/99, EU:C:2002:34, point 35) ; du 12 juin 2003, Schmidberger (C‑112/00, EU:C:2003:333, point 82), et du 13 décembre 2007, United Pan-Europe Communications Belgium e.a. (C‑250/06, EU:C:2007:783, points 44 et 45).


43      La recommandation 2014/710/UE de la Commission, du 9 octobre 2014, concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d’être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (JO 2014, L 295, p. 79) indique, en son considérant 2, que « [l]’objectif ultime de toute intervention en matière de réglementation ex ante est de procurer des avantages à l’utilisateur final en rendant les marchés de détail effectivement concurrentiels de manière durable. Il est vraisemblable que, petit à petit, les autorités réglementaires nationales seront en mesure de déclarer les marchés de détail concurrentiels, même en l’absence de réglementation des marchés de gros, compte tenu notamment des progrès escomptés en matière d’innovation et de concurrence ». Elle identifie en conséquence quatre marchés du secteur qui nécessitent l’intervention des ARN afin d’accroître la concurrence.


44      Voir point 52.


45      Voir considérant 5 de la directive « cadre ».


46      Le président de l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (Autorité garante du respect de la concurrence et des règles du marché, Italie), Giuseppe Tesauro, « Assetto del sistema radiotelevisivo e della società RAI‑Radiotelevisione Italiana (AS 247) », 19 décembre 2002, p. 10, https://www.aeranticorallo.it/segnalazione-19-dicembre-2002-dellautorita-garante-della-concorrenza-e-del-mercato-qassetto-del-sistema-radiotelevisivo-e-della-societa-rai-radiotelevisione-italiana-as-247/?print=pdf, a déclaré ce qui suit : « risulta priva di una valida giustificazione la previsione di un diverso e più stringente limite, pari al 10 %, della raccolta delle risorse nel sistema integrato delle comunicazioni, in capo agli organismi i cui ricavi nel mercato dei servizi di telecomunicazioni siano superiori al 40 % dei ricavi complessivi di tale ultimo mercato. In considerazione del fatto che tale norma prevede l’applicazione di limiti più rigidi ad un operatore in virtù della sua posizione competitiva in un mercato distinto e non strettamente connesso, detta previsione appare ultronea. Le attività di un operatore in posizione dominante nel settore delle telecomunicazioni sono e devono essere regolamentate con riferimento a quello specifico comparto ».


47      L’article 2, sous c), de la directive « cadre » précise que la notion de « service de communications électroniques » exclut, d’une part, « les services consistant à fournir des contenus à l’aide de réseaux et de services de communications électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale sur ces contenus » et, d’autre part, « les services de la société de l’information tels que définis à l’article 1er de la [directive 98/34/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 1998, L 204, p. 37)] qui ne consistent pas entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques ».


48      À nouveau, c’est ce qu’indique le considérant 5 de la directive « cadre ».


49      Arrêts du 7 novembre 2013, UPC Nederland (C‑518/11, EU:C:2013:709, point 41) ; du 30 avril 2014, UPC DTH (C‑475/12, EU:C:2014:285, point 36), et du 13 juin 2019, Google (C‑193/18, EU:C:2019:498, points 31, 32 et 33).


50      Comme il a été expliqué précédemment, seule TIM (et, en conséquence, Vivendi en tant qu’actionnaire de contrôle) dépasse 40 % du marché des communications électroniques en Italie.

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