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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Chambre de commerce and d'industrie metropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest) v Commission (Judgment) French Text [2019] EUECJ T-754/17 (30 April 2019)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T75417.html
Cite as: [2019] EUECJ T-754/17, EU:T:2019:270, ECLI:EU:T:2019:270

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ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

30 avril 2019 (*)

« Aides d’État – Régime d’exonération de l’impôt sur les sociétés mis à exécution par la France en faveur de ses ports – Décision déclarant le régime d’aides incompatible avec le marché intérieur – Aides existantes – Notion d’activité économique – Services d’intérêt général – Principe de bonne administration – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T‑754/17,

Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest), établie à Brest (France), représentée par Mes J. Vanden Eynde et E. Wauters, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2017/2116 de la Commission, du 27 juillet 2017, concernant le régime d’aides SA.38398 (2016/C, ex 2015/E) mis à exécution par la France – Fiscalité des ports en France (JO 2017, L 332, p. 24),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, S. Papasavvas et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 28 novembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Dans le courant de l’année 2013, les services de la Commission européenne ont envoyé à tous les États membres un questionnaire sur le fonctionnement et la fiscalité de leurs ports afin d’obtenir une vue d’ensemble en la matière et de clarifier la situation des ports au regard des règles de l’Union européenne sur les aides d’État. Par la suite, les services de la Commission ont échangé plusieurs courriers relatifs à cette question avec les autorités françaises.

2        Par courrier du 9 juillet 2014, en application de l’article 17 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 1999, L 83, p. 1), la Commission a informé les autorités françaises de son évaluation préliminaire des règles relatives à la fiscalité des ports en ce qui concernait la possible qualification de celles-ci d’aides d’État et leur compatibilité avec le marché intérieur. En conclusion de ce courrier, elle estimait, à titre préliminaire, que l’exonération de l’impôt sur les sociétés (ci-après l’« IS ») en faveur des ports français constituait une aide d’État existante incompatible au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et invitait les autorités françaises à présenter leurs observations sur cette évaluation préliminaire.

3        Les autorités françaises ont transmis leurs observations par lettre du 7 novembre 2014. Une réunion a eu lieu le 12 décembre 2014 entre les services de la Commission et les autorités françaises. Le 15 janvier 2015, ces dernières ont envoyé à la Commission des observations complémentaires. Par lettre du 1er juin 2015, les services de la Commission ont répondu à ce courrier en précisant qu’ils maintenaient à ce stade le point de vue préliminaire exprimé dans le courrier du 9 juillet 2014.

4        Par lettre du 21 janvier 2016, la Commission a confirmé sa position et proposé aux autorités françaises, sur le fondement de l’article 108, paragraphe 1, TFUE et de l’article 22 du règlement (UE) no 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), à titre de mesures utiles, la suppression de l’exonération de l’IS bénéficiant aux ports à concurrence des revenus de leurs activités économiques à partir du début de l’année fiscale 2017. Les autorités françaises étaient invitées à se prononcer dans les deux mois, inconditionnellement et sans équivoque, sur la proposition de la Commission, conformément à l’article 23, paragraphe 1, du règlement no 2015/1589.

5        Par lettre du 11 avril 2016, les autorités françaises ont transmis à la Commission leurs observations. Une réunion a été organisée le 27 juin 2016 entre les autorités françaises et les services de la Commission.

6        Dans la mesure où les autorités françaises ont refusé de manière inconditionnelle et sans équivoque les mesures utiles proposées par la Commission, celle-ci a décidé d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 2015/1589. La décision de la Commission d’ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2016, C 302, p. 23). La Commission a invité la République française à présenter ses observations sur le contenu de la décision. Elle a également invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur la mesure en cause.

7        Les autorités françaises ont transmis leurs observations par lettre du 19 septembre 2016. La Commission a reçu des observations de la part de plusieurs parties intéressées, notamment de la requérante, la chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest). La Commission a transmis ces observations à la République française en lui donnant la possibilité de les commenter. Elle a reçu les commentaires de celle-ci par lettre du 3 novembre 2016. Une réunion a été organisée le 16 novembre 2016 entre les autorités françaises et les services de la Commission.

8        Le 27 juillet 2017, la Commission a adopté la décision (UE) 2017/2116 de la Commission du 27 juillet 2017, concernant le régime d’aides SA.38398 (2016/C, ex 2015/E) mis à exécution par la France – Fiscalité des ports en France (JO 2017, L 332, p. 24 ; ci-après la « décision attaquée »).

9        La décision attaquée a été publiée au Journal Officiel de l’Union européenne le 14 décembre 2017. Cette décision a par ailleurs été communiquée à la requérante, en sa qualité de partie intéressée ayant soumis des observations au cours de la procédure formelle d’examen, par lettre du 6 septembre 2017.

10      L’article 1er de la décision attaquée dispose que :

« L’exonération de l’impôt sur les sociétés en faveur des ports autonomes (devenus pour partie des grands ports maritimes), des chambres de commerce maritimes, des chambres de commerce et d’industrie exploitant des installations portuaires, des municipalités concessionnaires d’outillage public propriété de l’État dans les ports maritimes ainsi que des entreprises qu’elles ont pu se substituer pour l’exploitation de cet outillage, constitue un régime d’aide d’État existant incompatible avec le marché intérieur. »

11      Aux termes de l’article 2 de la décision attaquée :

« 1. La France est tenue de supprimer l’exonération de l’impôt sur les sociétés visée à l’article premier et de soumettre à l’impôt sur les sociétés les entités en faveur desquelles cette exonération s’applique.

2. La mesure par laquelle la France exécute ses obligations découlant du paragraphe 1 doit être adoptée avant la fin de l’année civile en cours à la date de la notification de la présente décision. Cette mesure doit s’appliquer au plus tard aux revenus des activités économiques générés à partir du début de l’année fiscale suivant son adoption. »

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 novembre 2017, la requérante a introduit le présent recours.

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

15      La Commission conteste la recevabilité du recours. Elle rappelle, tout d’abord, que, la requérante n’étant pas la destinataire de la décision attaquée, celle-ci doit établir être directement et individuellement concernée par cette décision, au sens de la jurisprudence. À cet égard, elle conteste que la requérante soit nommément et individuellement désignée par la décision attaquée. Au contraire, celle-ci viserait des ports ainsi que les chambres de commerce qui exploitent des installations portuaires, de manière générale et abstraite. Or, selon la Commission, une entreprise ne saurait, en principe, attaquer une de ses décisions portant sur un régime d’aides sectoriel si elle n’est concernée par cette décision qu’en raison de son appartenance au secteur concerné. La simple adoption d’une décision modifiant, pour l’avenir, le régime fiscal d’entreprises exerçant une activité dans un secteur déterminé ne suffit pas pour considérer que les entreprises actives dans ce secteur au moment de l’adoption d’une telle décision forment un cercle fermé, au sens de la jurisprudence, ni qu’elles bénéficient d’un droit acquis au maintien du régime fiscal en vigueur. Enfin, le simple fait que la requérante ait présenté des observations au cours de la procédure formelle d’examen ne serait pas déterminant quant à la recevabilité du recours.

16      La requérante estime que son recours est recevable en vertu de l’article 263 TFUE. Elle fait valoir, premièrement, que la décision attaquée est un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts. Deuxièmement, elle estime avoir la qualité pour agir, dans la mesure où elle est nommément et individuellement désignée par la décision attaquée et en est la destinataire directe. En réponse aux arguments de la Commission, la requérante fait valoir en outre que, dès lors que la région Bretagne (France) a conclu avec elle une délégation de service public portant sur l’exploitation du port de Brest (France), pour une durée de 10 ans, l’activité qu’elle exerce ne saurait être exercée par n’importe quel autre sujet, de sorte qu’elle est individualisée de façon analogue à celle d’un destinataire par la décision attaquée.

17      À cet égard, il y a lieu de souligner que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit deux cas de figure dans lesquels la qualité pour agir est reconnue à une personne physique ou morale pour former un recours contre un acte dont elle n’est pas la destinataire. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (voir arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 44 et jurisprudence citée).

18      Dans ce contexte, il convient de rappeler que le critère qui subordonne la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre une décision dont elle n’est pas le destinataire aux conditions de recevabilité fixées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE constitue une fin de non-recevoir d’ordre public qu’il appartient aux juridictions de l’Union d’examiner à tout moment, même d’office (voir arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 45 et jurisprudence citée).

19      En premier lieu, il convient de constater que la requérante n’est pas la destinataire de la décision attaquée, celle-ci étant adressée à la République française.

20      En deuxième lieu, dès lors que la décision attaquée s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite, la décision attaquée constitue un acte réglementaire (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, T‑220/13, non publié, EU:T:2016:484, points 49 et 52).

21      Cependant, force est de constater qu’elle ne saurait produire d’effets juridiques à l’égard des opérateurs qui sont actifs dans le secteur portuaire, tels que la requérante, sans l’adoption de mesures d’exécution par les autorités françaises (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2014, Royal Scandinavian Casino Århus/Commission, T‑615/11, non publié, EU:T:2014:838, point 51 et jurisprudence citée). L’article 2 de la décision attaquée prévoit en effet que « la France est tenue de supprimer l’exonération de l’impôt des sociétés visée à l’article premier et de soumettre à l’impôt sur les sociétés les entités en faveur desquelles cette exonération s’applique ». En l’absence de l’adoption de telles mesures d’exécution, le régime fiscal en vigueur, qui prévoit l’exonération de l’IS en faveur notamment des ports autonomes et des chambres de commerce et d’industrie (CCI) chargés de l’exploitation d’infrastructures portuaires, resterait applicable.

22      En outre, la suppression de l’exonération de l’IS, en exécution de la décision attaquée, se traduira normalement, pour la requérante, par l’adoption d’avis d’imposition reflétant ces modifications. De tels avis d’imposition constituent donc, en principe, des mesures d’exécution à l’égard de la requérante.

23      Il s’ensuit que la décision attaquée comporte des mesures d’exécution à l’égard de la requérante, de sorte qu’elle doit démontrer être directement et individuellement concernée par la décision attaquée, conformément au premier cas de figure de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

24      S’agissant, d’une part, de l’affectation directe de la requérante, qui n’est pas contestée en l’espèce, il convient de relever que, même si la décision attaquée est adressée aux autorités françaises, elle ne leur laisse aucune marge d’appréciation et les oblige à supprimer l’exonération de l’IS dont bénéficient les entités telles que la requérante (article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée) en ce qui concerne les revenus de leurs activités économiques, au plus tard au début de l’année fiscale suivant son adoption (article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée). La requérante est donc directement concernée par la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 1999, Regione Autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission, T‑288/97, EU:T:1999:125, point 32 et jurisprudence citée).

25      S’agissant, d’autre part, de l’affectation individuelle de la requérante, il convient de rejeter, tout d’abord, l’allégation de la requérante selon laquelle elle serait « nommément et individuellement désignée par la décision attaquée » et qu’elle serait, de ce fait, individualisée de façon analogue à celle de son destinataire. Comme le fait valoir la Commission, la décision attaquée ne mentionne pas nommément la requérante dans son dispositif. L’article 1er de la décision attaquée vise en effet, de façon générale, les ports autonomes (devenus pour partie des grands ports maritimes), les chambres de commerce maritimes, les CCI exploitant des installations portuaires, les municipalités concessionnaires d’outillage public propriété de l’État dans les ports maritimes ainsi que les entreprises qu’elles ont pu se substituer pour l’exploitation de cet outillage.

26      Or, selon la jurisprudence, les tiers ne sauraient être concernés individuellement par une décision adressée à une autre personne que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; voir, également, arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 57 et jurisprudence citée).

27      À cet égard, la simple possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure dès lors que cette application est effectuée en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 58 et jurisprudence citée).

28      Néanmoins, lorsqu’une décision affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres du groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques et qu’il peut en être notamment ainsi lorsque la décision modifie les droits acquis par le particulier antérieurement à son adoption (voir arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 59 et jurisprudence citée).

29      À cet égard, il convient d’observer, premièrement, que la requérante a légalement pu bénéficier du régime d’exonération de l’IS jusqu’à ce que celui-ci soit remis en cause par la Commission à la suite de l’adoption de la décision attaquée.

30      Deuxièmement, il convient de relever que les bénéficiaires du régime d’aides en cause en l’espèce sont des personnes morales de droit public établies par voie de décret, dont la création ne relève pas de l’initiative privée.

31      Dès lors, il y a lieu de constater que la requérante fait partie d’un cercle fermé d’opérateurs, qui étaient identifiables au moment de l’adoption de la décision attaquée.

32      Ce cercle n’est pas susceptible de s’élargir par la suite, car, à supposer même qu’un autre port ou qu’une autre CCI puissent être créés par décret à l’avenir, il ne s’agirait pas d’entités pouvant se prévaloir de la qualité de bénéficiaire effectif du régime d’aides existant avant l’adoption de la décision attaquée, à la différence de la requérante et des autres bénéficiaires de ce régime.

33      Troisièmement, la situation de la requérante doit également être distinguée de celle des membres des parties requérantes dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 26 avril 2016, EGBA et RGA/Commission (T‑238/14, non publiée, EU:T:2016:259), citée par la Commission. En effet, à la différence de la présente affaire, qui concerne un régime d’aides existant, la décision qui était attaquée dans cette affaire portait sur un régime d’aides nouveau, concernant un projet de taxe parafiscale sur les paris hippiques en ligne visant à financer une mission de service public confiée aux sociétés de courses. Les membres des parties requérantes, qui étaient tous des opérateurs dans le secteur des jeux d’argent et de hasard, pouvaient donc uniquement se prévaloir de leur qualité de concurrents des futurs bénéficiaires de ce régime, étant donné que celui-ci n’avait pas encore été mis à exécution au moment de l’adoption de la décision qui était attaquée. Dès lors, comme l’a relevé le Tribunal dans cette affaire, cette décision affectait les intérêts de tous les acteurs présents dans le secteur des paris hippiques en ligne en France : ceux qui étaient présents sur ce marché avant l’adoption de la décision qui était attaquée, ceux qui étaient entrés sur ce marché après l’adoption de cette décision et ceux qui seraient entrés sur ce marché à l’avenir. Les membres des parties requérantes faisaient ainsi partie d’un ensemble indéterminé d’opérateurs économiques dont le cercle aurait pu s’agrandir après l’adoption de la décision qui était attaquée. Ils ne faisaient pas partie d’un cercle fermé, c’est-à-dire d’un groupe qui ne pouvait plus s’élargir après l’adoption de l’acte attaqué. Ainsi, les membres des parties requérantes n’étaient concernés par la décision qui était attaquée qu’en leur qualité objective d’assujettis d’une taxe parafiscale, au même titre que tout autre concurrent dans le secteur en cause (voir, en ce sens, ordonnance du 26 avril 2016, EGBA et RGA/Commission, T‑238/14, non publiée, EU:T:2016:259, points 66 et 67).

34      Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de conclure que la requérante est directement et individuellement concernée par la décision attaquée en l’espèce et qu’elle a, de ce fait, qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

 Sur le fond

35      Au soutien de son recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, premièrement, d’une violation du principe de bonne administration, deuxièmement, d’erreurs d’appréciation en ce qui concerne la qualification des opérations prestées par le port de Brest d’activités économiques et, troisièmement, d’une insuffisance de motivation et d’erreurs manifestes d’appréciation quant à la qualification des mesures en cause d’aides d’État.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

36      La requérante allègue une violation du principe de bonne administration en ce que l’affaire T‑39/17 qu’elle a introduite devant le Tribunal, ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission C(2016) 7755 final, du 23 novembre 2016, refusant de lui accorder, d’une part, l’accès intégral à certains documents échangés entre la Commission et les États membres afférents à la fiscalité dans le secteur portuaire et, d’autre part, l’accès aux réponses des États membres à ce questionnaire, mentionnés dans une lettre adressée le 8 juillet 2016 à la République française dans le cadre de la procédure d’aides d’État SA.38398 (2016/C) (ex 2015/E) – Fiscalité des ports en France, était toujours pendante au moment de l’introduction de son recours dans la présente affaire.

37      Plus précisément, la requérante considère qu’il lui était impossible de déterminer si les ports français bénéficiaient d’un avantage susceptible de créer des distorsions de concurrence et d’affecter les échanges entre les États membres, au sens de l’article 107 TFUE, à défaut de connaître de façon claire et précise la situation fiscale de l’ensemble des ports de l’Union en matière d’exonération de l’IS.

38      La requérante fait valoir, en outre, que la Commission a entaché la décision attaquée d’une irrégularité tenant à la violation de ses droits de la défense, notamment l’égalité des armes et le droit d’accès aux documents, en refusant de lui communiquer les documents essentiels sur lesquels elle s’est fondée pour déclarer le régime d’aide en cause incompatible.

39      Aussi, la requérante considère qu’une éventuelle décision du Tribunal dans la présente affaire en l’absence d’informations précises sur la situation fiscale de l’ensemble des ports de l’Union porterait atteinte à ses droits de la défense. Dès lors, la requérante demande au Tribunal de suspendre la procédure dans la présente affaire dans l’attente du prononcé de la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑39/17.

40      La Commission conteste ces arguments et émet des doutes quant à leur recevabilité.

41      À titre liminaire, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que le premier moyen de la requérante est particulièrement confus, de sorte qu’il est permis de douter de sa recevabilité au regard des exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal. Selon cette disposition, en effet, la requête doit exposer l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Selon la jurisprudence, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête même (voir ordonnance du 19 mai 2008, TF1/Commission, T‑144/04, EU:T:2008:155, point 29 et jurisprudence citée).

42      Or, en l’espèce, il est difficile de comprendre le lien que la requérante tente de faire entre la décision de la Commission lui refusant l’accès intégral au dossier, en ce qui concerne l’enquête sectorielle relative à la fiscalité des ports dans les États membres, qui fait l’objet d’un autre recours devant le Tribunal, et la légalité de la décision attaquée dans la présente affaire. D’une part, la requérante demande, en substance, au Tribunal de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue du recours introduit par elle contre la décision relative à l’accès au dossier. D’autre part, elle invoque, pêle-mêle, une violation des conditions relatives à l’existence d’un avantage et de la distorsion de la concurrence, toutes deux constitutives de la notion d’aide d’État prévue à l’article 107 TFUE, une violation de l’obligation de motivation, une violation de ses droits de la défense et du droit d’accès aux documents, liées à l’obligation de bonne administration incombant à la Commission.

43      Une telle argumentation est trop confuse pour satisfaire aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure. En effet, comme en témoigne le mémoire en défense de la Commission à cet égard, les différents arguments de la requérante ne sont pas présentés de manière suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours.

44      Il y a lieu, dès lors, à titre principal, de déclarer le premier moyen irrecevable.

45      En tout état de cause, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé, pour les raisons suivantes.

46      Premièrement, dans la mesure où la requérante demande au Tribunal de suspendre la procédure dans l’attente de l’issue du litige dans l’affaire T‑39/17, force est de constater qu’un tel grief est inopérant, puisqu’il n’établit pas en quoi la décision attaquée serait entachée d’illégalité à défaut de procéder à une telle suspension. En outre, il convient de rappeler que, si en vertu de l’article 69, sous c), du règlement de procédure, une procédure pendante peut être suspendue à la demande d’une partie principale avec l’accord de l’autre partie principale, il ne s’agit nullement d’une obligation pour le Tribunal, mais d’une simple faculté, en vue d’assurer une bonne administration de la justice. En l’espèce, par ailleurs, la Commission n’a pas manifesté son accord à ce que la présente affaire soit suspendue.

47      En tout état de cause, il y a lieu de constater que l’arrêt du 19 septembre 2018, Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest)/Commission (T‑39/17, non publié, EU:T:2018:560) a été prononcé avant l’audience de plaidoiries dans la présente affaire, de sorte qu’aucune suspension de la procédure ne se justifiait. Par ailleurs, les parties ont été entendues sur les conséquences qu’elles tiraient de cet arrêt dans le cadre de la présente procédure lors de l’audience.

48      Or, par l’arrêt du 19 septembre 2018, Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest)/Commission (T‑39/17, non publié, EU:T:2018:560), le Tribunal a rejeté le recours en annulation de la requérante contre la décision C(2016) 7755 final.

49      Contrairement à ce qu’elle a suggéré lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal à cet égard, la requérante ne saurait inviter le Tribunal à remettre en cause l’autorité de chose jugée de cet arrêt dans le cadre de la présente procédure, alors même qu’elle n’a pas introduit de pourvoi contre celui-ci dans les délais impartis à cet effet.

50      Deuxièmement, en ce qui concerne les vices dont la décision attaquée serait entachée, du fait que la Commission n’aurait pas donné à la requérante intégralement accès à son dossier administratif portant sur l’enquête sectorielle concernant la fiscalité des ports, il y a lieu de relever que la requérante est en droit d’invoquer de tels vices dans le cadre d’un recours en annulation contre la décision attaquée, ce qu’elle a d’ailleurs fait. Il suffit de renvoyer, dès lors, à cet égard, à l’examen des arguments de la requérante dans le cadre du troisième moyen ci-après.

51      Troisièmement, dans la mesure où la requérante invoque une violation de ses droits de la défense et du droit d’accès aux documents, qui est garanti par l’article 42 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), il suffit de rappeler que les intéressés, à l’exception de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide, ne disposent pas, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission. Il existe ainsi une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents du dossier administratif de la Commission porterait, en principe, atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, points 58 et 61).

52      En outre, la requérante n’invoque pas la possibilité que l’issue de la procédure aurait été, à tout le moins dans une certaine mesure, différente, si ses droits de la défense avaient été respectés. Or, selon la jurisprudence constante de la Cour, une violation des droits de la défense n’entraîne l’annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent (voir arrêt du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441, point 42 et jurisprudence citée).

53      Enfin, s’agissant du droit à une bonne administration, il convient de rappeler que l’article 41, paragraphe 1, de la Charte reflète l’obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments de l’affaire, tandis que le paragraphe 2 dudit article énumère, quant à lui, un ensemble de droits à respecter par l’administration de l’Union, y compris les droits de la défense, qui comportent le droit d’être entendu et le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne. Bien que le droit à une bonne administration reflète un principe général du droit de l’Union (voir arrêt du 17 juillet 2014, YS e.a., C‑141/12 et C‑372/12, EU:C:2014:2081, point 68 et jurisprudence citée), il a déjà été jugé que la Charte n’avait pas pour objet de modifier la nature du contrôle des aides d’État mis en place par le traité ou de conférer à des tiers un droit de regard que l’article 108 TFUE ne prévoyait pas (voir arrêts du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission, T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029, point 60, et du 6 juillet 2017, SNCM/Commission, T‑1/15, non publié, EU:T:2017:470, point 86).

54      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme irrecevable ou, en tout état de cause, comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation concernant la qualification des opérations prestées par le port de Brest d’activités économiques

55      Le deuxième moyen est divisé en deux branches. D’une part, la requérante soutient que les activités exercées par les ports relèvent de services d’intérêt général, de sorte que ceux-ci ne sauraient être qualifiés d’entreprises au sens du droit de la concurrence. D’autre part, elle fait valoir, à titre subsidiaire, que le régime en cause constitue une compensation du service d’intérêt économique général (SIEG) pris en charge par les ports et échapperait, par conséquent, à la qualification d’aide d’État.

–       Sur la première branche, tirée, en substance, de l’existence d’un service d’intérêt général non économique

56      Dans le cadre de cette première branche, la requérante soutient que les activités exercées par le port de Brest constituent un service non économique d’intérêt général, échappant ainsi à l’application des dispositions du traité en matière d’aides d’État.

57      Plus précisément, la requérante fait valoir, en premier lieu, que les États membres disposent d’une compétence exclusive pour déterminer si un service d’intérêt général revêt un caractère économique ou non économique. En l’occurrence, la Commission aurait méconnu cette compétence, la République française ayant qualifié les activités exercées par les autorités portuaires de service non économique d’intérêt général. En outre, elle rappelle la définition retenue par la doctrine et la jurisprudence administrative française de la notion de service public et de délégation de service public.

58      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que les autorités portuaires exercent une activité de service d’intérêt général non économique. À l’appui de cet argument, elle invoque notamment l’arrêt du 18 mars 1997, Diego Calì & Figli (C‑343/95, EU:C:1997:160), selon lequel une entité de droit privé chargée par un pouvoir public d’exercer dans un port une activité de surveillance antipollution ne relève pas des dispositions de l’article 107 TFUE, une telle activité constituant une mission de service public qui relève des prérogatives de puissance publique de l’État. De même, elle se réfère à la pratique décisionnelle de la Commission afin de démontrer le caractère non économique de certaines activités exercées par les ports, en particulier les opérations de dragage. En outre, il ressortirait notamment du livre vert du 10 décembre 1997 relatif aux ports et aux infrastructures maritimes [COM(97) 678 final] que les investissements publics dans les infrastructures ne constituent pas des aides d’État, dès lors que de telles mesures sont mises en place par l’État dans le cadre de ses responsabilités dans la planification et le développement d’un système de transport maritime dans l’intérêt du grand public. Enfin, la Commission aurait considéré, à tort, qu’il ne serait pas suffisant pour exclure le caractère économique des activités exercées par les ports de faire valoir que ces derniers n’agissent pas sur une base purement commerciale de maximisation de profits, dès lors que ces entités font passer l’intérêt général avant le retour à l’investissement et réinvestissent automatiquement leurs profits.

59      En troisième lieu, la requérante considère que le caractère non économique des activités exercées par les autorités portuaires ne saurait être remis en cause par l’exercice éventuel, à titre accessoire, d’activités ne relevant pas des fonctions régaliennes de l’État. À cet égard, la requérante rappelle que c’est seulement lorsqu’une entité publique exerce une activité économique qui peut être dissociée de l’exercice de ses prérogatives de puissance publique que ladite entité agit en tant qu’entreprise pour ce qui est de cette activité. En revanche, lorsque ladite activité économique est indissociable de l’exercice des prérogatives de puissance publique, l’ensemble des activités exercées par ladite entité demeurent des activités se rattachant à l’exercice de ces prérogatives et ne sont donc pas couvertes par la notion d’entreprise. Dès lors, la requérante estime que la Commission aurait dû examiner la part respective des activités à caractère économique et des activités à caractère non économique exercées par les ports au regard d’un seuil pouvant servir de critère pour considérer qu’une activité économique a une nature totalement accessoire.

60      La Commission conteste ces arguments.

61      À titre liminaire, il convient de rappeler le raisonnement suivi par la Commission dans la décision attaquée afin de conclure que « les ports autonomes […], les chambres de commerce maritimes, les chambres de commerce et d’industrie gérant des installations portuaires, les municipalités concessionnaires d’outillage public propriété de l’État dans les ports maritimes ainsi que les entreprises qu’elles ont pu se substituer pour l’exploitation de cet outillage, qui exploitent directement les infrastructures ou fournissent des services dans un port, sont, en ce qui concerne leurs activités économiques […], des entreprises au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE » (considérant 61 de la décision attaquée).

62      En premier lieu, la Commission a rappelé que, d’après une jurisprudence constante, la notion d’entreprise comprenait toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. À cet égard, constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (considérant 42 de la décision attaquée).

63      La Commission a rappelé ensuite que, conformément à la jurisprudence, elle avait établi que l’exploitation commerciale et la construction d’infrastructures portuaires constituaient des activités économiques. Par exemple, l’exploitation d’un terminal portuaire mis à la disposition d’utilisateurs contre le paiement d’une redevance constitue une activité économique (considérant 43 de la décision attaquée).

64      En deuxième lieu, la Commission a précisé qu’elle ne contestait pas que les ports pouvaient se voir déléguer l’exercice de certaines tâches de puissance publique ou de nature non économique, comme le contrôle et la sécurité du trafic maritime ou la surveillance antipollution, ni que, dans l’exercice de ces tâches, les ports n’étaient pas des entreprises au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle a précisé à cet égard que l’exonération de l’IS visée par la présente procédure n’était donc susceptible de constituer une aide d’État que si elle portait sur des revenus générés par des activités économiques. En revanche, le fait qu’une entité exerce une ou plusieurs activités régaliennes ou non économiques ne suffit pas à lui retirer, de manière générale, la qualification d’« entreprise ». Un port sera dès lors considéré comme une « entreprise » si – et dans la mesure où – il exerce effectivement une ou plusieurs activités économiques (considérant 44 de la décision attaquée).

65      La Commission a exposé ensuite plusieurs types d’activités économiques, correspondant à la fourniture de différents services sur plusieurs marchés, susceptibles d’être exercées par les ports français. Premièrement, les ports fournissent un service général aux navires en leur donnant accès à l’infrastructure portuaire en échange d’une rémunération. Deuxièmement, certains ports fournissent des services plus spécifiques aux navires notamment le pilotage, le levage, la manutention et l’amarrage, également en échange d’une rémunération. Dans ces deux premiers cas, la rémunération perçue par le port est généralement appelée « droit de port ». Troisièmement, les ports, moyennant rémunération, mettent certaines infrastructures ou certains terrains à disposition d’entreprises qui utilisent ces espaces pour leurs besoins propres ou pour fournir aux navires certains des services portuaires susmentionnés (considérant 45 de la décision attaquée).

66      En troisième lieu, s’agissant de l’existence de SIEG, la Commission a considéré que, si l’autorité publique disposait d’une large marge d’appréciation pour définir, au sein des activités économiques, celles qui pourraient constituer des SIEG, cela n’excluait pas que ces activités présentent un caractère économique. Or, il est de jurisprudence constante que la notion d’« activité économique » elle-même découle d’éléments de fait, notamment l’existence d’un marché pour les services concernés, et ne dépend pas des choix ou des appréciations nationales. Ainsi, le fait que les activités des ports ne seraient pas lucratives au sens des dispositions du code général des impôts, à supposer même qu’il en soit ainsi, n’est pas suffisant pour retirer à ces activités leur caractère économique au sens du droit des aides d’État. De même, le simple fait que les missions exercées par les ports leur ont été déléguées par l’État ne suffit pas à caractériser les activités en question comme n’étant pas économiques. En effet, tous les SIEG sont des tâches déléguées par l’État à des entreprises. Or, les SIEG impliquent bien l’exercice d’activités économiques (considérant 47 de la décision attaquée).

67      De plus, selon la Commission, le fait que les ports agissent ou non sur une base purement commerciale de maximisation des profits, qu’ils fassent passer ou non l’intérêt général avant le retour sur investissement, qu’ils aient ou non un but lucratif et qu’ils réinvestissent systématiquement leurs profits ou pas n’est pas non plus suffisant pour exclure le caractère économique d’une activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché. Elle remarque en outre que certains ports français réalisent des profits, versent des dividendes à l’État et ne réinvestissent donc pas systématiquement leurs profits dans l’infrastructure (considérant 50 de la décision attaquée).

68      C’est à l’aune de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante.

69      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. À cet égard, constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (arrêt du 12 septembre 2000, Pavlov e.a., C‑180/98 à C‑184/98, EU:C:2000:428, points 74 et 75 ; voir également, en ce sens, arrêts du 16 juin 1987, Commission/Italie, 118/85, EU:C:1987:283, point 7, et du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C‑41/90, EU:C:1991:161, point 21).

70      En l’espèce, la Commission a énuméré, au considérant 45 de la décision attaquée, une série d’activités économiques susceptibles d’être exercées par les ports (voir point 65 ci-dessus). Or, force est de constater que la requérante ne remet nullement en cause cette description, mais se limite à affirmer que certaines des activités des ports seraient de nature non économique.

71      Comme la Commission l’a relevé au considérant 44 de la décision attaquée, cependant, il n’est pas contesté que les ports peuvent se voir déléguer l’exercice de certaines tâches de puissance publique ou de nature non économique, comme le contrôle et la sécurité du trafic maritime ou la surveillance antipollution, ni que, dans l’exercice de ces tâches, les ports ne sont pas des entreprises au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En revanche, le fait qu’une entité exerce une ou plusieurs activités régaliennes ou non économiques ne suffit pas à lui retirer, de manière générale, la qualification d’« entreprise ». En effet, pour déterminer si les activités en cause sont celles d’une entreprise au sens du traité, il faut rechercher quelle est la nature de ces activités. Un port sera dès lors considéré comme une « entreprise » si – et dans la mesure où – il exerce effectivement une ou plusieurs activités économiques (voir, en ce sens, arrêts du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission, C‑82/01 P, EU:C:2002:617, points 74 et 75, et du 12 juillet 2012, Compass-Datenbank, C‑138/11, EU:C:2012:449, point 37).

72      La jurisprudence a reconnu, par ailleurs, que l’exploitation commerciale et la construction d’infrastructures portuaires ou aéroportuaires en vue d’une telle exploitation commerciale constituaient des activités économiques (voir, en ce sens, arrêts du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission, C‑82/01 P, EU:C:2002:617, point 78 ; du 19 décembre 2012, Mitteldeutsche Flughafen et Flughafen Leipzig-Halle/Commission, C‑288/11 P, EU:C:2012:821, points 40 à 43, et du 15 mars 2018, Naviera Armas/Commission, T‑108/16, sous pourvoi, EU:T:2018:145, point 78).

73      C’est donc à juste titre que la Commission a considéré, au considérant 61 de la décision attaquée, que « les ports autonomes […], les chambres de commerce maritimes, les chambres de commerce et d’industrie gérant des installations portuaires, les municipalités concessionnaires d’outillage public propriété de l’État dans les ports maritimes ainsi que les entreprises qu’elles [avaient] pu se substituer pour l’exploitation de cet outillage, qui exploit[ai]ent directement les infrastructures ou fourniss[ai]ent des services dans un port, [étaient], en ce qui concern[ait] leurs activités économiques […], des entreprises au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. »

74      Aucun des arguments de la requérante n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.

75      En premier lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel les États membres disposeraient d’une compétence exclusive pour déterminer si un service d’intérêt général revêt un caractère économique ou non économique. En effet, en vertu de la jurisprudence mentionnée au point 69 ci-dessus, les notions d’entreprise et d’activité économique sont des notions objectives, qui découlent directement du traité et qui dépendent d’éléments de fait et non des choix ou des appréciations subjectives des autorités nationales. Accepter l’argument de la requérante reviendrait en effet à autoriser les États membres à soustraire certaines entités de la discipline des aides d’État en qualifiant leurs activités de non économiques ou de service d’intérêt général, sans égard à la nature des activités en cause.

76      De plus, comme le fait valoir la Commission, la définition retenue par la doctrine et la jurisprudence administrative française de la notion de service public et de délégation de service public tend plutôt à conforter l’idée que la requérante exerce – au moins en partie – des activités économiques. En effet, le fait que le droit français interdise la délégation de service public pour les missions relevant directement de l’exercice de prérogatives de puissance publique et le fait que l’exploitation du port de Brest ait été confiée à la requérante via une délégation de service public tend à montrer que l’exploitation du port de Brest ne relève pas directement de l’exercice de prérogatives de puissance publique.

77      En deuxième lieu, c’est en vain que la requérante se fonde sur l’arrêt du 18 mars 1997, Diego Calì & Figli (C‑343/95, EU:C:1997:160), pour tenter d’établir que le port de Brest serait chargé de missions de service public, qui relèvent des prérogatives de puissance publique de l’État, puisque dans cette affaire, la Cour s’est uniquement prononcée sur le caractère non économique d’une activité de surveillance antipollution. Or, au considérant 44 de la décision attaquée, la Commission a expressément reconnu qu’une telle activité ne revêtait pas un caractère économique. Elle a considéré toutefois, au considérant 45 de ladite décision, que les ports exerçaient en outre plusieurs types d’activités économiques, ce que la requérante ne conteste pas.

78      De même, s’agissant en particulier des opérations de dragage, il suffit de relever que la Commission a consacré des développements spécifiques à cette question aux considérants 56 et 57 de la décision attaquée. Or, la requérante n’explique pas en quoi ces développements seraient entachés d’erreur. En tout état de cause, comme le fait valoir la Commission, il ne s’agit pas d’une activité génératrice de revenus pour les ports, sur laquelle l’IS s’appliquerait en l’espèce.

79      En outre, s’agissant de l’argument de la requérante tiré notamment de la pratique décisionnelle de la Commission et du livre vert du 10 décembre 1997 relatif aux ports et aux infrastructures maritimes [COM(97) 678 final], selon lequel les investissements publics dans les infrastructures ne constitueraient pas des aides d’État, dès lors que de telles mesures sont mises en place par l’État dans le cadre de ses responsabilités dans la planification et le développement d’un système de transport maritime dans l’intérêt du grand public, il suffit de relever qu’en l’espèce, la requérante n’établit pas en quoi les activités économiques des ports, identifiées par la Commission au considérant 45 de la décision attaquée (voir point 65 ci-dessus), seraient des « investissements publics dans les infrastructures », effectuées « dans l’intérêt du grand public ».

80      Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission n’a commis aucune erreur de droit en constatant, au considérant 50 de la décision attaquée, qu’il n’était pas non plus suffisant pour exclure le caractère économique d’une activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché que les ports n’agissent pas sur une base purement commerciale de maximisation des profits, qu’ils fassent passer l’intérêt général avant le retour sur investissement, qu’ils aient un but lucratif et qu’ils réinvestissent systématiquement leurs profits (voir, en ce sens, arrêts du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, EU:C:2006:8, points 122 et 123 ; du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, point 27, et du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, C‑74/16, EU:C:2017:496, point 27), à supposer même que cela soit établi.

81      En troisième lieu, dans la mesure où la requérante considère que le caractère non économique des activités exercées par les autorités portuaires ne saurait être remis en cause par l’exercice éventuel, à titre accessoire, d’activités ne relevant pas des fonctions régaliennes de l’État, il convient de rappeler que la circonstance qu’une entité dispose, pour l’exercice d’une partie de ses activités, de prérogatives de puissance publique n’empêche pas, à elle seule, de la qualifier d’entreprise au sens des dispositions du traité relatives aux règles de concurrence pour le reste de ses activités économiques (arrêts du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission, C‑82/01 P, EU:C:2002:617, point 74, et du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, point 25).

82      Certes, comme le fait valoir la requérante, selon la jurisprudence, dans la mesure où une entité publique exerce une activité économique qui peut être dissociée de l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, cette entité, pour ce qui est de cette activité, agit en tant qu’entreprise, tandis que, si ladite activité économique est indissociable de l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, l’ensemble des activités exercées par ladite entité demeurent des activités se rattachant à l’exercice de ces prérogatives (arrêts du 12 juillet 2012, Compass-Datenbank, C‑138/11, EU:C:2012:449, point 38, et du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission, T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418, point 29 ; voir également, en ce sens, arrêt du 26 mars 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission, C‑113/07 P, EU:C:2009:191, points 71 à 80).

83      En l’espèce, toutefois, la requérante n’a apporté aucun élément afin de démontrer que les activités économiques exercées par les ports, ainsi identifiées par la Commission au considérant 45 de la décision attaquée, à savoir, notamment, la fourniture d’un accès à l’infrastructure portuaire en échange d’une rémunération, seraient indissociables des prérogatives de puissance publique des ports, tels que le contrôle et la sécurité du trafic maritime ou la surveillance antipollution. Le seul fait qu’il puisse y avoir un lien économique entre ces activités, en ce que les activités économiques des ports permettent de financer, en tout ou en partie, leurs activités non économiques, ne suffit pas pour constater le caractère indissociable de ces activités, au sens de la jurisprudence.

84      La requérante invoque néanmoins le paragraphe 207 de la communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE (JO 2016, C 262, p. 1), selon lequel « [si], dans le cas d’un usage mixte, l’infrastructure est utilisée presque exclusivement aux fins d’une activité non économique, la Commission estime que l’intégralité de son financement peut être exclue du champ d’application des règles en matière d’aides d’État pour autant que l’usage économique reste purement accessoire, à savoir que l’activité correspondante doit être directement liée et nécessaire à l’exploitation de l’infrastructure ou intrinsèquement liée à son usage non économique principal ». Comme le fait toutefois valoir la Commission, ce paragraphe vise les aides à l’investissement dans des infrastructures, et non les aides au fonctionnement sous la forme d’exonération de l’IS, telle que dans la présente affaire. En outre, il n’apparaît pas qu’en l’espèce les infrastructures portuaires soient utilisées presque exclusivement aux fins d’une activité économique.

85      S’agissant, enfin, de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû examiner les parts respectives des activités à caractère économique et des activités à caractère non économique exercées par les ports au regard d’un seuil pouvant servir de critère pour considérer qu’une activité économique a une nature totalement accessoire, il convient d’observer que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il n’existe aucun seuil en dessous duquel il conviendrait de considérer que l’ensemble des activités d’une entité serait de nature non économique, dès lors que les activités économiques seraient minoritaires. En effet, selon la jurisprudence citée aux points 81 et 82 ci-dessus, si l’activité économique de l’entité concernée est dissociable de l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, ladite entité doit être qualifiée d’entreprise pour cette partie de ses activités (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, C‑74/16, EU:C:2017:496, points 44 à 63).

86      En tout état de cause, comme le fait valoir la Commission, il ressort de la note en bas de page no 39 de la décision attaquée que la proportion respective des droits de ports et des recettes domaniales, c’est-à-dire l’essentiel des revenus provenant des activités économiques des ports, représentait 55 % des charges d’exploitation pour le grand port maritime de Bordeaux (France) et 76 % pour le port du Havre (France), ce qui est largement au-dessus du seuil de l’accessoire suggéré par la requérante. La Commission a par ailleurs confirmé lors de l’audience que ces chiffres étaient représentatifs de l’ensemble du secteur, sans que cela soit contredit par la requérante au moyen de données concrètes.

87      Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen comme non fondée.

–       Sur la seconde branche, tirée d’une erreur d’appréciation de la qualification d’aide d’État en ce que la compensation est effectuée au bénéfice d’un SIEG

88      À titre subsidiaire, la requérante soutient que les autorités portuaires exercent des activités relevant d’un SIEG. L’intervention de la République française devrait être appréhendée comme une compensation d’obligations de service public, qui sort dès lors du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

89      La requérante rappelle, tout d’abord, la définition et le régime attachés à la notion de SIEG. Par ailleurs, les États membres bénéficieraient en principe d’une large marge d’appréciation pour définir ce qu’ils considèrent comme constituant de tels services, les seules limites étant celles prévues par le droit de l’Union et l’examen par la Commission et les juridictions de l’Union de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation.

90      La requérante cherche, par la suite, à démontrer que le port de Brest exerce des activités constitutives d’un SIEG, au sens de la définition et des critères retenus par la jurisprudence issue de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415). Ainsi, il ressortirait des stipulations du contrat de délégation de service public que le port de Brest exerce des activités d’intérêt économique général, à savoir la gestion et l’entretien des installations portuaires. La requérante considère que de telles activités servent un intérêt économique général dans la mesure où, d’une part, elles contribuent à maintenir la capacité de fonctionnement des installations portuaires et la sécurité de l’amarrage des navires dans les ports et, d’autre part, garantissent le maintien d’une infrastructure « dans l’esprit d’un service universel ». Aussi, le service fourni par le port de Brest présenterait des caractères spécifiques ne pouvant pas être attribués à d’autres activités de la vie économique, comme notamment la mise à disposition et la gestion du domaine public.

91      De surcroît, la requérante considère que l’ensemble des obligations pesant sur le port de Brest constitue une charge de service public compensée par le régime en cause, à savoir l’exonération de l’IS. Plus précisément, elle estime que cette exonération ne saurait être assimilée à un avantage susceptible de favoriser les ports français par rapport à des entreprises concurrentes dès lors que, d’une part, elle verse une redevance domaniale à la collectivité territoriale pour l’occupation du domaine public et, d’autre part, elle se voit également imposer des obligations d’entretien de service public pour lesquelles aucune compensation ne peut être réclamée aux usagers. En tout état de cause, la Commission n’aurait pas suffisamment démontré l’existence d’un tel avantage.

92      La Commission conteste ces arguments.

93      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt du 18 février 2016, Allemagne/Commission, C‑446/14 P, non publié, EU:C:2016:97, point 23 et jurisprudence citée).

94      Dans ce contexte, s’agissant des entreprises chargées d’un SIEG, la Cour a précisé que, dans la mesure où une intervention étatique devait être considérée comme une compensation représentant la contrepartie de prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de telle sorte que ces entreprises ne profitaient pas, en réalité, d’un avantage financier et que cette intervention n’avait donc pas pour effet de mettre lesdites entreprises dans une position concurrentielle plus favorable au regard des entreprises concurrentes, ladite intervention ne relevait pas de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 87).

95      Il convient de rappeler, en outre, qu’il s’agit, à ce jour, du seul cas de figure reconnu par la jurisprudence de la Cour dans lequel la constatation de l’octroi d’un avantage économique n’emporte pas la qualification de la mesure en cause d’« aide d’État » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2016, Orange/Commission, C‑211/15 P, EU:C:2016:798, point 44).

96      Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, un certain nombre de conditions doivent être réunies. Premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente, afin d’éviter qu’elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes. Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. Le respect d’une telle condition est indispensable afin de garantir que n’est accordé à l’entreprise bénéficiaire aucun avantage qui fausse ou menace de fausser la concurrence en renforçant la position concurrentielle de cette entreprise. Quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise qui a la charge de l’exécution d’obligations de service public, dans un cas concret, n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, points 88 à 93).

97      En ce sens, la Commission a considéré, au considérant 66 de la décision attaquée, que « le fait allégué que l’exonération d’IS compens[ait] les surcoûts découlant des missions d’intérêt général confiées aux ports par la puissance publique ne serait de nature à remettre en cause la qualification d’avantage que si, d’une part, le montant de l’avantage résultant de l’exonération d’impôt avait effectivement vocation à compenser les surcoûts liés à des missions d’intérêt général et, d’autre part, ce montant était limité au surcoût net lié à l’exercice de ces missions ». Elle a estimé, néanmoins, que tel n’était pas le cas en l’espèce, étant donné qu’« aucune disposition de droit interne n’établi[ssai]t un quelconque lien entre l’exonération d’IS et d’éventuelles missions de service public confiées aux ports », que « le droit interne ne garanti[ssai]t pas plus que le montant de la compensation (i.e. le montant d’IS non acquitté) [fût] limité à ce qui [était] nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public » et que « l’exonération d’IS, dont le montant [était] proportionnel au profit réalisé, n’[était] pas plafonnée et [pouvait] donc aboutir à un avantage sans commune mesure avec le surcoût résultant des obligations de service public ».

98      Ce faisant, la Commission a donc vérifié si les conditions prévues par la jurisprudence issue de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415) (point 96 ci-dessus), étaient réunies en l’espèce, tout en estimant que tel n’était pas le cas.

99      Or, force est de constater que cette conclusion n’est entachée d’aucune erreur d’appréciation. En effet, comme le fait valoir la Commission, il n’existe aucun lien entre l’exonération de l’IS et les coûts occasionnés par l’exécution de missions d’intérêt général. À défaut d’un tel lien établi par une disposition de droit interne, les deuxième, troisième et quatrième conditions énoncées par l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), ne sauraient être remplies.

100    La requérante fait valoir, néanmoins, qu’il ressort de la convention de délégation de service public conclue entre elle et la région Bretagne que la convention de délégation de service public lui impose un certain nombre de contraintes, au vu de ses missions de service public, et qu’elle est rémunérée par le biais des revenus qu’elle retire de l’exploitation du service, dans le respect des principes d’égalité de traitement des usagers et des utilisateurs potentiels, ainsi que du droit de la concurrence. Elle payerait toutefois une redevance domaniale à la région Bretagne pour l’occupation du domaine et serait tenue à des obligations d’entretien du domaine public pour lesquels aucune compensation ne pourrait être réclamée aux usagers. Partant, l’ensemble de ses obligations constituerait une charge qui trouve sa compensation dans le fait que, conformément à la délégation de service public, « les impôts et taxes auxquels sont assujettis les ouvrages, terrains, bâtiments, et installations mis à sa disposition sont à la charge du délégataire ».

101    Comme le fait valoir la Commission, toutefois, il n’apparaît pas que l’exonération de l’IS, instaurée par les décisions ministérielles de 1942 et de 1943, présente un lien quelconque avec les charges prévues par la délégation de service public conclue entre la requérante et la région Bretagne. D’une part, l’exonération de l’IS prévue par ces décisions ministérielles s’applique indépendamment de toute convention de délégation de service public et, d’autre part, il n’existe aucun mécanisme permettant notamment d’éviter toute surcompensation, en application de la jurisprudence issue de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415). En effet, en vertu des décisions ministérielles de 1942 et de 1943, l’exonération de l’IS s’applique automatiquement aux ports bénéficiaires et son montant dépend uniquement du montant des bénéfices générés par les ports et non du montant des coûts qu’ils doivent supporter en vertu de leurs obligations de service public.

102    Partant, c’est à tort que la requérante fait valoir que la Commission n’a pas démontré que l’exonération de l’IS dont elle bénéficiait constituait un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, étant donné les charges de service public qui lui étaient imposées aux fins de la gestion du port de Brest.

103    Il y a lieu, dès lors, de rejeter la seconde branche ainsi que le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré, en substance, d’une insuffisance de motivation et d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne la qualification d’aide d’État

104    Le troisième moyen est divisé en trois branches. Premièrement, la requérante considère que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation concernant l’application de l’article 93 TFUE. Deuxièmement, elle estime que la Commission n’a pas suffisamment motivé en quoi le régime en cause affectait les échanges entre États membres et la concurrence et qu’elle a également commis une erreur manifeste d’appréciation concernant l’application de l’article 107 TFUE. Troisièmement, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné la compatibilité du régime en cause au regard des dispositions du règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (JO 2014, L 187, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2017/1084 de la Commission, du 14 juin 2017, modifiant le règlement no 651/2014 en ce qui concerne les aides aux infrastructures portuaires et aéroportuaires, les seuils de notification applicables aux aides en faveur de la culture et de la conservation du patrimoine et aux aides en faveur des infrastructures sportives et des infrastructures récréatives multifonctionnelles, ainsi que les régimes d’aides au fonctionnement à finalité régionale en faveur des régions ultrapériphériques, et modifiant le règlement (UE) no 702/2014 en ce qui concerne le calcul des coûts admissibles (JO 2017, L 156, p. 1).

–       Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’application de l’article 93 TFUE

105    La requérante fait valoir que, en raison de l’application de l’article 93 TFUE, ainsi que des textes de droit dérivé en matière de coordination des transports, la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle qualifie d’aide d’État la mesure bénéficiant au port de Brest en l’espèce.

106    Plus précisément, selon la requérante, la Commission aurait dû prendre en compte les dispositions des traités relatives à la politique de l’Union en matière de coordination des transports par voie navigable dont la mise en œuvre relève de la compétence des États membres. À cet égard, elle considère que la seule circonstance que l’aide en cause soit affectée à la mise en œuvre de cette politique de l’Union est suffisante pour considérer qu’elle est couverte par l’article 93 TFUE. Ainsi, cette disposition serait applicable en l’espèce dans la mesure où les activités de la requérante relèvent, par nature, de la notion de coordination des transports.

107    Par ailleurs, la requérante estime que, lorsqu’elle apprécie la compatibilité d’un régime d’aide, la Commission est tenue de prendre en compte les dispositions de droit dérivé. En l’espèce, la Commission aurait dû examiner la compatibilité du régime en cause au regard des textes de droit dérivé en matière de coordination des transports, comme le règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil (JO 2007, L 315, p. 1), ainsi que le règlement (UE) 2017/352 du Parlement européen et du Conseil, du 15 février 2017, établissant un cadre pour la fourniture de services portuaires et des règles communes relatives à la transparence financière des ports (JO 2017, L 57, p. 1). Ce serait conformément aux dispositions de ces textes que la région Bretagne aurait imposé des obligations de service public à la requérante dans le cadre de la délégation de service.

108    La Commission conteste ces arguments.

109    À titre liminaire, il convient d’observer que l’argumentation de la requérante est assez confuse dans la mesure où elle fait valoir que l’exonération de l’IS dont a bénéficié le port de Brest aurait été qualifiée, à tort, d’aide d’État par la Commission, alors qu’elle serait compatible en vertu de l’article 93 TFUE ou du droit dérivé. Elle confond ainsi la question de l’existence de l’aide et celle, distincte, de sa compatibilité avec le marché intérieur.

110    Dès lors, la première branche doit, à titre principal, être rejetée comme inopérante.

111    En tout état de cause, à supposer que la présente branche puisse être interprétée comme étant tirée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur, il y a lieu de constater que la Commission a examiné la compatibilité de l’aide litigieuse avec le marché intérieur aux considérants 95 à 104 de la décision attaquée. S’agissant, en particulier, de l’application de l’article 93 TFUE en l’espèce, la Commission a considéré, au considérant 97 de la décision attaquée, que, en vertu de l’article 93 TFUE, les aides qui répondaient aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondaient au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public pouvaient également être déclarées compatibles avec le marché intérieur. Elle a estimé cependant que, si les ports intérieurs jouaient un rôle important dans le développement du transport multimodal, tous les investissements des ports ne rentraient pas dans le champ de l’article 93 TFUE, qui était limité aux aides répondant aux besoins de la coordination des transports. Au demeurant, l’exonération de l’IS ne constituerait pas une aide à l’investissement, mais une aide au fonctionnement non ciblée sur l’investissement. La mesure favoriserait les entreprises faisant le plus de profit et ayant donc une capacité supérieure à accumuler le profit et donc à financer des investissements. La mesure ne serait pas non plus ciblée sur le remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public comme cela est relevé au point 101 ci-dessus. Par ailleurs, l’avantage tiré d’une exonération d’impôt pure et simple ne serait pas limité au montant nécessaire pour assurer la coordination du transport, ni le remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public et ne garantirait donc pas le respect du principe de proportionnalité. Elle n’aurait pas non plus d’effet incitatif clairement identifié, notamment parce que l’exonération bénéficierait davantage aux ports les plus rentables ayant donc le plus de moyens – et le moins besoin d’incitations. Par conséquent, selon la Commission, l’article 93 TFUE n’est pas applicable.

112    Contrairement à ce que fait valoir la requérante, ce raisonnement n’est entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation. En effet, la requérante n’explique pas, notamment, en quoi l’exonération de l’IS en faveur des ports serait intrinsèquement liée à la coordination des transports. Or, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la Commission ne peut déclarer une aide compatible que si elle peut constater que cette aide contribue à la réalisation de l’un des objectifs cités par la base juridique invoquée pour sa compatibilité, objectifs que l’entreprise bénéficiaire ne pourrait atteindre par ses propres moyens dans des conditions normales de marché. En d’autres termes, afin qu’une aide puisse bénéficier d’une des dérogations prévues par le traité, l’aide doit non seulement être conforme à l’un des objectifs visés par celui-ci, mais elle doit également être nécessaire pour atteindre ces objectifs (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 13 décembre 2017, Grèce/Commission, T‑314/15, non publié, EU:T:2017:903, point 180 et jurisprudence citée).

113    En outre, c’est en vain que la requérante se prévaut du règlement no 1370/2007 ou du règlement 2017/352 pour établir que la mesure d’aide en cause aurait dû être déclarée compatible avec le marché intérieur. En effet, s’agissant du règlement no 1370/2007, comme le fait valoir la Commission, celui-ci concerne les services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route et ne s’applique donc pas aux ports. Par ailleurs, si l’article 9 du règlement no 1370/2007 prévoit que les États membres peuvent continuer à octroyer des aides en faveur du secteur des transports, qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public, il est précisé que c’est sans préjudice des articles 107 et 108 TFUE. En ce qui concerne le règlement 2017/352, l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement prévoit bien, comme le fait valoir la requérante, que les États membres peuvent décider d’imposer des obligations de service public à des prestataires de services portuaires et confier le droit d’imposer de telles obligations au gestionnaire du port ou à l’autorité compétente, afin de garantir certains objectifs de service public. La décision attaquée n’empêche toutefois nullement à la requérante de conclure une convention de délégation de service public avec la région Bretagne, ce qu’elle a d’ailleurs fait. En revanche, comme l’a fait valoir la Commission, il n’existe aucun lien entre la mesure en cause et une quelconque mission de service public.

114    En tout état de cause, il convient d’observer que la Commission a également examiné la compatibilité de la mesure en cause sous l’angle de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, au considérant 96 de la décision attaquée, sans que l’analyse qui y figure ait été remise en cause par la requérante.

115    Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du troisième moyen comme inopérante ou, en tout état de cause, comme non fondée.

–       Sur la deuxième branche, tirée, en substance, d’un défaut de motivation et d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne les conditions de distorsion de concurrence et d’affectation des échanges entre États membres

116    La requérante fait valoir, en premier lieu, que la Commission n’a pas suffisamment motivé la condition relative à l’affectation des échanges entre États membres. Plus précisément, elle considère que, eu égard à la jurisprudence en la matière, la Commission est tenue, dans le cadre de l’examen de cette condition, de donner les indications pertinentes sur les circonstances l’ayant conduite à considérer que la mesure en cause avait des effets prévisibles sur les échanges entre les États membres. Or, en l’espèce, la Commission n’aurait apporté aucun élément permettant de démontrer en quoi le régime en cause affectait, ou était susceptible d’affecter, les échanges entre États membres. À cet égard, la requérante fait valoir que la Commission s’appuierait sur un rapport dont elle lui refuse la communication.

117    En second lieu, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne l’application de l’article 107 TFUE, dans la mesure où la condition relative à l’affectation des échanges entre États membres fait défaut. À cet égard, elle considère que la Commission fonde en l’espèce la distorsion de concurrence sur la base du marché de référence des transports. Cependant, au titre de l’objectif d’harmonisation du secteur des transports au sein de l’Union, les gestionnaires des ports bénéficieraient d’un monopole légal pour offrir des services d’intérêts généraux à l’intérieur du port qu’ils exploitent. Aussi, selon la requérante, la mesure en cause ne pourrait avoir d’impact sur les échanges entre États membres, étant donné qu’elle vise à « desservir les ports n’entrant pas directement en concurrence avec les autres entreprises, ces dernières agissant sur un autre marché ». De surcroît, afin de démontrer l’absence d’affectation des échanges entre États membres, la requérante se réfère à la pratique antérieure de la Commission, notamment la décision no 543/2001 relative au système irlandais d’amortissement fiscal en faveur des hôpitaux publics, ainsi que la décision no 29/02 concernant les aides accordées par les autorités espagnoles pour la construction d’aires de service destinées aux membres des associations locales de transporteurs routiers. Dans ces deux décisions, la Commission aurait considéré que la condition relative à l’affectation des échanges entre États membres n’était pas remplie.

118    La Commission conteste ces arguments.

119    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, en ce qui concerne les conditions de distorsion de la concurrence et d’affectation des échanges aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide en cause sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9, point 65 et jurisprudence citée).

120    En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position de certaines entreprises par rapport à celle d’autres entreprises concurrentes dans les échanges entre États membres, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9, point 66 et jurisprudence citée).

121    À cet égard, il n’est pas nécessaire que les entreprises bénéficiaires participent elles-mêmes aux échanges entre États membres. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à des entreprises, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées (voir arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9, point 67 et jurisprudence citée).

122    Par ailleurs, selon la jurisprudence, il n’existe pas de seuil ou de pourcentage en dessous duquel il est possible de considérer que les échanges entre les États membres ne sont pas affectés. En effet, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas a priori l’éventualité que les échanges entre les États membres soient affectés (voir arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9, point 68 et jurisprudence citée).

123    En ce qui concerne plus précisément la condition de l’affectation des échanges entre États membres, il ressort de la jurisprudence que l’octroi d’une aide par un État membre, sous forme d’un allègement fiscal, à certains de ses assujettis doit être considéré comme susceptible d’affecter ces échanges et, par conséquent, comme remplissant cette condition dès lors que lesdits assujettis exercent une activité économique faisant l’objet de tels échanges ou qu’il ne saurait être exclu qu’ils soient en concurrence avec des opérateurs établis dans d’autres États membres (voir arrêt du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam, C‑494/06 P, EU:C:2009:272, point 51 et jurisprudence citée).

124    Quant à la condition de la distorsion de la concurrence, il convient de rappeler que les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent en principe les conditions de concurrence (voir arrêt du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam, C‑494/06 P, EU:C:2009:272, point 54 et jurisprudence citée).

125    En l’espèce, la Commission a examiné ces deux conditions aux considérants 79 à 93 de la décision attaquée. Les considérants 82 et 83 de la décision attaquée disposent en particulier ce qui suit :

« [L]’avantage fiscal dont bénéficient les ports concernés les libère d’une charge courante qu’ils devraient normalement supporter. Il est de nature à les favoriser par rapport aux ports français et aux ports étrangers de l’Union européenne qui n’en bénéficient pas. Ainsi, il est susceptible d’affecter les échanges intracommunautaires et de fausser la concurrence.

En effet, la concurrence existe dans le secteur des ports et elle est exacerbée par la nature et les caractéristiques propres au transport, notamment maritime et par voies intérieures. Même si l’on peut considérer que les ports bénéficient d’un monopole légal pour offrir les services portuaires à l’intérieur du port qu’ils exploitent, les services de transport qu’ils offrent sont, au moins dans une certaine mesure, en concurrence avec ceux offerts par ou dans d’autres ports ainsi que par d’autres prestataires de transport tant en France que dans d’autres États membres. »

126    En premier lieu, force est de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, une telle motivation est suffisante pour lui permettre de comprendre le raisonnement adopté par la Commission et pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam, C‑494/06 P, EU:C:2009:272, point 48).

127    En effet, comme l’a fait valoir la Commission au considérant 87 de la décision attaquée, s’agissant d’un régime d’aides, qui s’applique à des ports très différents quant à leur taille, leur situation géographique, leur type (port intérieur, port maritime) ou leurs activités, il n’est pas nécessaire, pour établir que la mesure examinée est une aide d’État, de démontrer individuellement que ladite mesure aboutit pour chaque port à une distorsion de la concurrence et à une affectation des échanges. Dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du régime en cause pour apprécier, dans les motifs de la décision, si, en raison des modalités que ce régime prévoit, celui-ci assure un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et est de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres. Ainsi, dans une décision qui porte sur un tel régime, la Commission n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 63, et du 26 novembre 2015, Navarra de Servicios y Tecnologías/Commission, T‑487/13, non publié, EU:T:2015:899, point 66).

128    Ensuite, il convient d’observer que le raisonnement de la Commission est exposé clairement aux points pertinents de la décision attaquée, et non dans un rapport dont la Commission aurait refusé la communication, comme le prétend la requérante.

129    Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel « seuls certains pays sont interpellés par la Commission qui ne justifie nullement pour[quoi], par exemple la France est interpellée alors que d’autres pays maritimes ne le sont pas », à supposer qu’un tel argument soit suffisamment intelligible, la requérante n’explique pas en quoi cela permettrait d’établir un défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne les conditions de concurrence ou d’affectation des échanges. Il convient donc de le rejeter comme inopérant.

130    En deuxième lieu, il convient de relever que, au vu des exigences posées par la jurisprudence (voir points 119 à 124 ci-dessus), le raisonnement de la Commission n’est entaché d’aucune erreur d’appréciation.

131    À cet égard, premièrement, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait commis une erreur d’appréciation en fondant son analyse concernant la distorsion de la concurrence sur la base du marché de référence des transports est fondé sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, il ressort du considérant 83 de la décision attaquée que la Commission a considéré en substance, d’une part, que les ports étaient en concurrence entre eux, à la fois en France et dans d’autres États membres, et, d’autre part, que les ports étaient également en concurrence avec d’autres prestataires de transport, en France et dans d’autres États membres (voir point 125 ci-dessus). C’est donc à tort que la requérante fait valoir que la Commission se serait uniquement basée sur la concurrence entre modes de transports pour fonder son analyse à cet égard.

132    En outre, le fait que le secteur des transports fasse l’objet d’une certaine harmonisation à l’échelle de l’Union n’est pas de nature à remettre en cause cette analyse. Il n’est pas contesté en effet que la fiscalité des ports ne fait pas l’objet d’une telle harmonisation.

133    Deuxièmement, s’agissant des décisions antérieures de la Commission invoquées par la requérante pour tenter de démontrer l’absence d’affectation des échanges en l’espèce, il convient de rappeler, tout d’abord, que, selon une jurisprudence constante, la pratique décisionnelle de la Commission concernant d’autres affaires ne saurait affecter la validité de la décision attaquée, qui ne peut s’apprécier qu’au regard des règles objectives du traité (arrêts du 16 juillet 2014, Allemagne/Commission, T‑295/12, non publié, EU:T:2014:675, point 181, et du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission, T‑162/13, non publié, EU:T:2016:341, point 59).

134    En tout état de cause, la situation des ports français – et du port de Brest en particulier, ainsi qu’en témoigne son site Internet – dans les échanges entre États membres est totalement différente de celles des hôpitaux publics irlandais ou de celle des associations locales de transporteurs routiers sur l’île de Tenerife (Espagne), de sorte qu’aucune comparaison valable ne saurait être effectuée avec les précédents invoqués par la requérante.

135    Partant, il y a lieu de rejeter la deuxième branche également.

–       Sur la troisième branche, tirée, en substance, d’un défaut d’application du règlement no 651/2014

136    La requérante estime que la Commission a, à tort, écarté l’application du règlement no 651/2014, tel que modifié par le règlement 2017/1084. Plus précisément, elle considère que, en vertu du principe de bonne administration, tel que garanti par l’article 41 de la Charte, la Commission était tenue d’examiner la légalité du régime en cause au regard des dispositions du règlement no 651/2014. Partant, l’absence d’un tel examen constituerait une violation du principe de bonne administration.

137    La Commission conteste ces arguments.

138    Il y a lieu de constater que le règlement 2017/1084, invoqué par la requérante, ajoute notamment l’article 56 ter et l’article 56 quater au règlement no 651/2014, concernant certaines aides en faveur des ports maritimes et des ports intérieurs. Ces articles prévoient ainsi que les aides en faveur des ports maritimes et des ports intérieurs sont compatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, TFUE et sont exemptées de l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, pour autant que certaines conditions soient remplies.

139    Il convient de rappeler, à cet égard, que le règlement no 651/2014 est un règlement adopté sur le base de l’article 108, paragraphe 4, TFUE et du règlement (CE) no 994/98 du Conseil, du 7 mai 1998, sur l’application des articles 92 et 93 du traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d’aides d’État horizontales (JO 1998, L 142, p. 1), qui permet d’exempter les États membres de leur obligation de notifier certaines catégories d’aides, sous conditions.

140    Toutefois, comme le fait valoir la Commission, le règlement no 651/2014 ne prévoit pas d’autres hypothèses de compatibilité que celles qui sont prévues par le traité. Dès lors, dans la mesure où la Commission a établi, aux considérants 95 à 104 de la décision attaquée, que la mesure en cause ne pouvait pas être déclarée compatible avec le marché intérieur, sans avoir commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard (voir la première branche du troisième moyen ci-dessus), elle ne pouvait, a fortiori, la déclarer compatible sur la base du règlement no 651/2014.

141    En outre, l’article 56 ter et l’article 56 quater du règlement no 651/2014 prévoient certaines conditions en termes notamment de coûts admissibles, d’intensité de l’aide ou encore de nécessité de l’aide, sans que la requérante ait cherché à démontrer qu’elles seraient remplies en l’espèce.

142    Partant, la troisième branche doit être rejetée ainsi que le troisième moyen et le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

143    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.



2)      La chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest) est condamnée aux dépens.

Berardis

Papasavvas

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 avril 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Frimodt Nielsen


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation concernant la qualification des opérations prestées par le port de Brest d’activités économiques

– Sur la première branche, tirée, en substance, de l’existence d’un service d’intérêt général non économique

– Sur la seconde branche, tirée d’une erreur d’appréciation de la qualification d’aide d’État en ce que la compensation est effectuée au bénéfice d’un SIEG

Sur le troisième moyen, tiré, en substance, d’une insuffisance de motivation et d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne la qualification d’aide d’État

– Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’application de l’article 93 TFUE

– Sur la deuxième branche, tirée, en substance, d’un défaut de motivation et d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne les conditions de distorsion de concurrence et d’affectation des échanges entre États membres

– Sur la troisième branche, tirée, en substance, d’un défaut d’application du règlement no 651/2014

Sur les dépens



*      Langue de procédure : le français.

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