HJ v EMA (Judgment) French Text [2019] EUECJ T-881/16 (15 January 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T88116.html
Cite as: EU:T:2019:5, [2019] EUECJ T-881/16, ECLI:EU:T:2019:5

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ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 janvier 2019 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Irrecevabilité partielle –Demande d’injonction – Accès des fonctionnaires à leur dossier individuel – Articles 26 et 26 bis du statut – Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Dossier individuel rendu accessible à tous les membres du personnel de l’EMA – Protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes de l’Union – Responsabilité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑881/16,

HJ, ancien agent temporaire de l’Agence européenne des médicaments, représentée par Mes L. Levi et A. Blot, avocats,

partie requérante,

contre

Agence européenne des médicaments (EMA), représentée par Mme I. Ratescu et M. F. Cooney, en qualité d’agents, assistés de Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à obtenir réparation du préjudice moral que la requérante aurait prétendument subi à la suite de la divulgation de son dossier individuel auprès de tous les membres du personnel de l’EMA et, d’autre part, au retrait de deux documents de ce dossier,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, HJ, a travaillé de 2004 à 2015 pour l’Agence européenne des médicaments (EMA). Entre le 1er mars et le 31 juillet 2004, elle a exercé ses fonctions au sein de cette institution en tant que stagiaire, puis, entre le 1er août 2004 et le 31 juillet 2005, en qualité d’agent auxiliaire. Le 16 août 2005, elle a été engagée en qualité d’agent temporaire au titre de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne et a exercé les fonctions d’administrateur scientifique. Son contrat, qui est arrivé à expiration le 15 août 2015, n’a pas été renouvelé par l’EMA.

2        Le 12 mai 2015, dans le but de préparer sa défense contre la décision de non-renouvellement de son contrat qui venait de lui être adressée, la requérante a saisi l’EMA d’une demande d’accès à certains documents qui, selon sa formulation, était fondée sur le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), applicable aux documents détenus par l’EMA en vertu de l’article 73 du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1).

3        Par cette demande, qui a été complétée par des demandes ultérieures les 28 mai et 12 juin 2015, la requérante a sollicité la communication de documents et de courriels concernant le non-renouvellement de son contrat. Elle a précisé que sa demande portait non seulement sur les documents figurant dans son dossier individuel détenu par le service des ressources humaines de l’EMA, mais également sur chaque correspondance la concernant au cours des 24 derniers mois de son contrat. Il a été fait droit à cette demande par décisions des 4 juin et 6 juillet 2015.

4        Le 9 juillet 2015, la requérante s’est aperçue qu’un dossier du service des ressources humaines de l’EMA contenant onze documents relatifs à son propre dossier individuel avait été rendu accessible, depuis le 1er juin 2015, à l’ensemble des membres du personnel de l’EMA.

5        Les documents ainsi rendus publics étaient les suivants :

–        neuf pages du dossier de transfert des droits à pension de la requérante ;

–        un mémorandum du service des ressources humaines de l’EMA du 23 septembre 2014 ;

–        un mémorandum du 17 juillet 2014, intitulé « Votre conduite par rapport à la procédure d’évaluation pour Scenesse » ;

–        un mémorandum du 9 juillet 2014, intitulé « Votre conduite par rapport à la procédure d’évaluation pour Scenesse » ;

–        un mémorandum du 31 juillet 2014 de la requérante accompagné d’annexes, notamment un courriel du 18 juillet 2014 et un courriel du 24 juillet 2014 ;

–        une lettre du 21 avril 2015 du chef du personnel de l’EMA, ayant pour objet le départ de la requérante de l’EMA ;

–        une lettre du 1er avril 2014 du directeur exécutif adjoint de l’EMA, intitulée « Contrat de travail » et portant sur la fin du contrat de travail de la requérante ;

–        une copie de la lettre du 1er avril 2014 signée par la requérante dont il était accusé réception ;

–        un mémorandum du 13 février 2015, intitulé « Expiration des contrats » ;

–        une lettre du 16 février 2015 adressée par la requérante au directeur exécutif adjoint de l’EMA ;

–        un mémorandum du 24 octobre 2014.

6        La requérante a elle-même retiré ces documents du dossier du service des ressources humaines de l’EMA et demandé au service « Reprographies » de retracer les éventuelles activités de numérisation liées à ces documents depuis le 1er juin 2015. Elle en a également informé le directeur exécutif adjoint de l’EMA ainsi que le chef de la division de l’administration de l’EMA.

7        Le 10 juillet 2015, par courriel, le directeur exécutif adjoint de l’EMA a présenté ses excuses à la requérante et lui a indiqué que des mesures avaient été prises pour examiner cet incident.

8        Le 22 juillet 2015, le directeur exécutif adjoint de l’EMA a adressé un mémorandum à la requérante dans lequel il l’informait qu’il avait pris les mesures nécessaires afin que l’accès au dossier en cause soit à nouveau limité et qu’un examen des raisons pour lesquelles un tel incident s’était produit était en cours. En outre, tout d’abord, il a souligné que la requérante n’avait pas été autorisée à retirer elle-même les documents du dossier en question, la procédure imposant de prévenir un membre du service des ressources humaines afin que les personnes autorisées assurent la gestion du problème. Ensuite, il a indiqué que retracer les activités de numérisation devait nécessairement entrer dans le cadre d’une enquête administrative diligentée par le directeur exécutif et que la demande faite à cet égard par la requérante était à la fois disproportionnée et non conforme à la procédure. Enfin, il a informé cette dernière que ce mémorandum du 22 juillet 2015 avait été ajouté à son dossier individuel.

9        La requérante a répondu à ce mémorandum par un courriel du 23 juillet 2015 dans lequel elle faisait valoir que, dans la mesure où le service des ressources humaines de l’EMA n’avait pas assuré la confidentialité de ses données personnelles pendant près de six semaines, elle avait temporairement retiré lesdits documents, dont l’accès n’était pas restreint. À sa demande, une copie de cette correspondance a également été incluse dans son dossier individuel.

10      Le 15 août 2015, le contrat de travail de la requérante est arrivé à expiration.

11      Le 26 novembre 2015, la requérante a saisi l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») d’une demande indemnitaire pour un euro symbolique au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), afin d’obtenir la réparation du préjudice moral causé, selon elle, par le comportement de ladite autorité. Elle a également demandé à l’AHCC de retirer le mémorandum du 22 juillet 2015 et sa réponse du 23 juillet 2015 de son dossier individuel. En substance, elle a fait valoir qu’il ressortait des faits décrits ci-dessus une violation du droit fondamental au respect de sa vie privée ainsi que du droit à la protection des données personnelles. Selon la requérante, le fait que, du 1er juin au 9 juillet 2015, des pièces relevant de son dossier individuel avaient été rendues publiques et accessibles à tout agent de l’EMA était constitutif d’une faute de l’AHCC, qui serait ainsi tenue de réparer son préjudice.

12      Le 21 mars 2016, l’AHCC a rejeté cette demande en considérant que les conditions d’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’EMA n’étaient pas réunies. En substance, elle a considéré que, d’une part, le comportement qui lui était reproché résultait uniquement d’une erreur humaine et n’était pas constitutif d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers et, d’autre part, le préjudice allégué n’était pas réel et certain au sens de la jurisprudence de la Cour. S’agissant de la demande de la requérante de retrait de son dossier individuel du mémorandum du 22 juillet 2015 et de sa réponse du 23 juillet 2015, l’AHCC l’a également rejetée en indiquant que le dossier individuel du fonctionnaire devait contenir toutes les pièces intéressant sa situation administrative et tous les rapports concernant sa compétence, son rendement et son comportement.

13      Le 20 juin 2016, la requérante a introduit une réclamation contre cette décision.

14      Le 19 octobre 2016, considérant que les conditions d’engagement de la responsabilité de l’EMA n’étaient pas réunies, l’AHCC a rejeté cette réclamation.

 Faits postérieurs à l’introduction du recours

15      Par arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA (T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168), le Tribunal a rejeté le recours de la requérante, visant notamment à l’annulation de la décision de l’EMA de ne pas renouveler son contrat d’agent temporaire.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 décembre 2016, la requérante a introduit le présent recours. Par lettre du même jour, elle a demandé le bénéfice de l’anonymat, lequel lui a été accordé par le Tribunal conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal.

17      Dans sa requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        condamner l’EMA à lui verser la somme d’un euro symbolique en réparation du dommage moral subi ;

–        enjoindre à l’EMA de retirer de son dossier individuel le mémorandum du 22 juillet 2015 et, par voie de conséquence, la réponse qu’elle y a apportée le 23 juillet 2015 ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision de l’AHCC du 21 mars 2016 rejetant sa demande indemnitaire introduite le 26 novembre 2015 et annuler la décision de l’AHCC du 19 octobre 2016 rejetant sa réclamation du 20 juin 2016 contre la décision du 21 mars 2016 ;

–        condamner l’EMA aux entiers dépens.

18      L’EMA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

19      En l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

 En droit

 Sur la recevabilité

20      Tout d’abord, l’EMA soulève l’irrecevabilité du troisième chef de conclusions de la requérante, tendant au retrait de son dossier individuel du mémorandum du 22 juillet 2015 et de sa réponse du 23 juillet 2015 afin de réparer le préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait que ces documents figurent dans son dossier individuel. L’EMA estime que la présence de ces pièces dans le dossier individuel de la requérante résulte du mémorandum du directeur exécutif adjoint du 22 juillet 2015, lequel constitue un acte lui faisant grief. Étant donné que le fonctionnaire serait, selon la jurisprudence, habilité à demander à l’AHCC de prendre une décision sur l’insertion de documents dans son dossier individuel, la décision autonome de l’AHCC de placer des documents dans le dossier individuel devrait également être qualifiée de « décision de l’autorité compétente ». Dans ces conditions, la procédure précontentieuse devrait débuter par l’introduction d’une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, et non, comme en l’espèce, par une demande, en l’occurrence ici celle du 26 novembre 2015. Il serait de jurisprudence constante que l’agent qui a omis d’attaquer un acte lui faisant grief en introduisant, en temps utile, une réclamation et, ultérieurement, un recours en annulation ne saurait réparer cette omission, et se ménager ainsi de nouveaux délais de recours, par le biais d’une demande en indemnité introduite ultérieurement et dont l’objet est d’obtenir un résultat identique à celui qui aurait résulté d’un recours en annulation formé, en temps utile, contre cet acte. La requérante aurait été informée au plus tard le 23 juillet 2015 de la décision de placer les mémoranda litigieux dans son dossier individuel et elle aurait, par conséquent, disposé d’un délai expirant le 23 octobre 2015 pour introduire une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre cette décision.

21      Ensuite, l’EMA fait valoir que, selon la jurisprudence récente, le juge de l’Union européenne ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative, adresser des injonctions à une institution ou à un organe de l’Union. Ce principe ne rendrait pas seulement irrecevables, dans le cadre d’un recours en annulation, des conclusions visant à ordonner à l’institution ou à l’organe défendeur de prendre les mesures qu’implique l’exécution d’un arrêt d’annulation, mais il s’appliquerait, en principe, également dans le cadre d’un recours de pleine juridiction, tel qu’un recours en indemnité dans le cadre duquel une partie requérante demande la condamnation de l’institution ou de l’organe défendeur à prendre des mesures déterminées en vue de réparer le préjudice allégué.

22      Enfin, l’EMA ajoute que, en tout état de cause, le recours doit être rejeté comme irrecevable dans la mesure où le préjudice moral allégué par la requérante, à le supposer établi, aurait déjà fait l’objet d’une réparation intégrale symbolique sous la forme d’excuses présentées à la requérante par son directeur exécutif adjoint dans son courriel du 10 juillet 2015. Compte tenu du caractère symbolique de son action, la requérante n’aurait pas d’intérêt à demander, dans le cadre du présent recours, l’indemnisation d’un préjudice qui aurait déjà été réparé intégralement.

23      La requérante soutient que la phase précontentieuse s’est déroulée de façon régulière, étant donné que le mémorandum du 22 juillet 2015, établi par le directeur exécutif adjoint de l’EMA, ne constitue pas un acte faisant grief susceptible de faire l’objet d’une réclamation. En effet, ce document ne serait pas source d’effets juridiques à son égard, de sorte qu’elle n’aurait pas été tenue d’introduire une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut pour obtenir le retrait de cette décision de son dossier individuel. Afin d’étayer cet argument, d’une part, la requérante soutient que le mémorandum du 22 juillet 2015 se borne simplement à indiquer, en substance, que les mesures nécessaires ont été prises pour restaurer l’accès limité au dossier en question et qu’elle n’aurait pas dû retirer elle-même les documents de ce dossier, ni demander au service « Reprographies » de retracer les activités de numérisation. Le mémorandum ne viserait pas sa carrière, dans la mesure où il aurait été mis fin à la relation d’emploi entre elle et l’EMA par décision du 1er avril 2015, donc bien avant l’insertion des documents contestés dans son dossier individuel. D’autre part, la requérante fait valoir que le mémorandum du 22 juillet 2015 porte atteinte à sa réputation professionnelle en ce que l’AHCC semble considérer qu’elle a manqué à son devoir de respecter le statut et les règles relatives à la protection des données, alors que c’est précisément l’AHCC qui a manqué à ces obligations. Ayant l’espoir de retravailler pour les institutions de l’Union, un tel mémorandum ne saurait continuer à figurer dans son dossier individuel sans lui porter préjudice.

24      La requérante ajoute que, selon la jurisprudence, le juge de l’Union a compétence pour imposer à l’Union toute forme de réparation qui est conforme aux principes généraux communs aux droits des États membres en matière de responsabilité non contractuelle, y compris, si elle apparaît conforme à ces principes, une réparation en nature, le cas échéant sous forme d’injonction de faire ou de ne pas faire.

25      En premier lieu, il convient de rappeler que, par le troisième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’enjoindre à l’EMA de retirer de son dossier individuel le mémorandum du 22 juillet 2015 et, par voie de conséquence, sa réponse du 23 juillet 2015.

26      Force est de constater que, par ce chef de conclusions, la requérante demande, en substance, au Tribunal d’adresser des injonctions à l’EMA. Or, selon une jurisprudence bien établie, le juge de l’Union ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative, adresser des injonctions à une institution ou à un organe de l’Union. Ce principe ne rend pas seulement irrecevables, dans le cadre d’un recours en annulation, des conclusions visant à ordonner à l’institution ou à l’organe défendeur de prendre les mesures qu’implique l’exécution d’un arrêt d’annulation, mais il s’applique, en principe, également dans le cadre d’un recours de pleine juridiction, tel qu’un recours en indemnité dans le cadre duquel une partie requérante demande la condamnation de l’institution ou de l’organe défendeur à prendre des mesures déterminées en vue de réparer le préjudice allégué (ordonnance du 17 décembre 2008, Portela/Commission, T‑137/07, non publiée, EU:T:2008:589, point 46 et jurisprudence citée).

27      Par conséquent, le troisième chef de conclusions est irrecevable et doit être rejeté.

28      En second lieu, contrairement à ce que fait valoir l’EMA, le fait que le troisième chef de conclusions doive être rejeté comme étant irrecevable ne permet pas d’en conclure que le recours est irrecevable dans son intégralité. En effet, la question de savoir si les mesures annoncées dans le mémorandum du 22 juillet 2015 pour restaurer l’accès restreint au dossier du service des ressources humaines de l’EMA et pour éviter qu’un incident similaire se reproduise à l’avenir ainsi que les excuses présentées à la requérante par le directeur exécutif adjoint de l’EMA dans le mémorandum du 10 juillet 2015 sont suffisantes pour réparer intégralement le préjudice moral allégué par la requérante constitue une question concernant le bien-fondé de la requête.

29      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le troisième chef de conclusions de la requérante comme irrecevable.

 Sur le fond

30      En premier lieu, la requérante soutient que le présent litige s’inscrit dans le contentieux de la fonction publique de l’Union étant donné que le comportement prétendument illégal de l’EMA eu égard à la gestion de ses données sensibles a été commis en sa qualité d’employeur, postérieurement à sa demande d’accès aux documents, ce qui lui a causé un préjudice moral dont elle est fondée à demander la réparation.

31      La requérante précise que, dans ce cadre, selon la jurisprudence, il n’est pas nécessaire de démontrer l’existence d’une violation suffisamment caractérisée pour établir la responsabilité non contractuelle de l’Union, dans la mesure où le présent litige relève du contentieux de la fonction publique de l’Union, lequel obéit à des règles particulières et spéciales par rapport à celles découlant des principes généraux régissant la responsabilité non contractuelle de l’Union.

32      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le comportement de l’EMA est constitutif d’une faute de service. Comme l’EMA l’aurait elle-même reconnu, en dépit des mesures qui semblent avoir été prises, onze pièces relevant de son dossier individuel auraient été rendues publiques et accessibles à tout agent de l’EMA au cours de la période comprise entre le 1er juin et le 9 juillet 2015, ce qui serait constitutif d’une violation du droit fondamental au respect de la vie privée et, en particulier, des règles applicables en la matière, consacrées tant par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que par la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et mises en œuvre par le règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), et par les instructions de travail de l’EMA. Par ailleurs, l’envoi du dossier à la suite d’une demande d’accès aux documents se ferait par courriel sécurisé entre le demandeur et un membre du groupe d’accès aux documents. Rien ne justifierait dès lors que les éléments du dossier individuel de la requérante aient été placés dans le dossier électronique accessible à tout le personnel de l’EMA, et cela pendant six semaines.

33      Selon la requérante, le traitement illicite des données serait également imputable à l’EMA indépendamment du fait qu’il s’agit « seulement » d’une erreur humaine qui a rendu temporairement possible l’accès de membres non autorisés du personnel de l’EMA à son dossier individuel électronique. En l’espèce, la divulgation de ses données résulterait de l’action de l’un des agents de l’EMA, lequel aurait agi dans l’exercice de ses fonctions et sous l’autorité de l’EMA. Indépendamment de la question de savoir si cette divulgation constitue une erreur humaine qui a rendu temporairement possible l’accès de membres non autorisés du personnel de l’EMA à son dossier individuel électronique, le comportement fautif serait établi et attribuable à l’EMA.

34      En troisième lieu, la requérante soutient qu’elle a subi un préjudice réel et certain qui résulte du fait que ses données personnelles ont été rendues publiques et accessibles à l’ensemble des membres du personnel de l’EMA et que cette divulgation remet en cause son intégrité. Ces données, par nature sensibles, le seraient d’autant plus qu’elles viseraient notamment des éléments contestés portant sur son comportement et ayant conduit l’AHCC à ne pas poursuivre la relation d’emploi, comme, par exemple, la notification à la requérante de la décision de l’AHCC de ne pas renouveler son contrat en raison d’une perte de confiance liée tant à son attitude et à sa performance qu’à une absence « sérieuse » de responsabilité, d’initiative et de capacité organisationnelle dans le traitement d’une affaire. Le préjudice moral ainsi subi serait la conséquence des fautes commises par l’AHCC. La requérante rappelle également qu’elle a demandé que les activités de numérisation des documents rendus publics lui soient rapportées, mais que cela lui a été refusé par l’AHCC, de sorte qu’il ne saurait aujourd’hui lui être reproché de ne pas être en mesure d’apporter la preuve que les documents ont effectivement été consultés par des collègues.

35      Premièrement, l’EMA fait valoir que le comportement prétendument fautif qui lui est reproché n’a pas été commis en sa qualité d’employeur de la requérante, de sorte qu’elle ne serait pas tenue de réparer « toute illégalité » prétendument commise. Ainsi, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le recours introduit par cette dernière ne relèverait pas du contentieux de la fonction publique de l’Union. Le prétendu préjudice pour lequel la requérante demande un euro symbolique résulterait uniquement du traitement de ses données personnelles par l’EMA à la suite de sa demande du 12 mai 2015, qui serait fondée sur le règlement no 1049/2001, ouvrant un droit d’accès du public aux documents des institutions de l’Union, et donc également à des documents ne figurant pas dans son dossier individuel, et non sur l’article 26 du statut, aux termes duquel un agent a le droit d’accéder à toute pièce intéressant sa situation administrative. L’EMA soutient que, selon la jurisprudence, dès lors que la qualité d’agent temporaire est sans incidence sur le droit d’accès aux documents prévu par le règlement no 1049/2001 et les décisions adoptées sur son fondement, le comportement qui lui est reproché dans ce contexte ne s’inscrit pas non plus dans le cadre du contentieux de la fonction publique de l’Union. Le présent recours relèverait donc des articles 268 et 340 TFUE, qui régissent les conditions d’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union.

36      L’EMA précise que, ainsi que la jurisprudence l’exige, la requérante aurait dû démontrer l’existence d’une violation suffisamment caractérisée pour établir sa responsabilité non contractuelle. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce. Selon l’EMA, seule une erreur temporaire et non intentionnelle afférente à la sécurité de certaines informations, commise à l’encontre des mesures internes censées permettre le traitement confidentiel des données personnelles et de la demande adressée en ce sens par la direction des ressources humaines de l’EMA au département informatique, serait à l’origine de la divulgation auprès de l’ensemble des membres de son personnel des documents relatifs au dossier individuel de la requérante pendant une durée limitée de 39 jours.

37      En effet, même dans les cas où, comme en l’espèce, les institutions de l’Union jouissent d’un pouvoir d’appréciation considérablement réduit s’agissant de la protection des données personnelles, il conviendrait de vérifier si l’EMA a commis une irrégularité dont ne se serait pas rendue coupable une administration normalement prudente et diligente, placée dans les mêmes circonstances. Par conséquent, selon la jurisprudence, il serait nécessaire d’examiner le caractère intentionnel, voire excusable, du comportement reproché à l’EMA pour établir la gravité de l’erreur commise, indépendamment du fait qu’une telle erreur a été reconnue par l’EMA. À cet égard, le caractère accidentel de l’incident empêcherait de considérer que l’EMA ait commis une irrégularité fautive au sens de ladite jurisprudence.

38      En outre, dès que son attention a été attirée sur cet incident, l’EMA aurait réagi de façon immédiate en mettant en œuvre les moyens nécessaires pour restaurer le régime d’accès restreint au dossier visé et en révisant les procédures existantes pour empêcher qu’une telle situation se reproduise à l’avenir, ainsi en introduisant un mécanisme impliquant la suppression automatique quotidienne du contenu du dossier de numérisation du service des ressources humaines et la vérification des permissions de sécurité par deux membres du personnel du département informatique.

39      Deuxièmement, l’EMA considère que, dans la mesure où la requérante n’a pas démontré que des membres du personnel avaient effectivement accédé aux données rendues accessibles par erreur, elle n’a pas dûment établi qu’elle avait subi un préjudice réel et certain. De plus, une prétendue atteinte à l’intégrité morale de la requérante ne saurait être uniquement déduite des circonstances et de la nature du comportement reproché à l’EMA.

40      En tout état de cause, s’agissant d’une demande indemnitaire ayant un caractère symbolique, l’EMA considère que le prétendu préjudice moral subi a été intégralement réparé par les excuses présentées à la requérante le 10 juillet 2015 par son directeur exécutif adjoint à la suite de la découverte de l’incident ainsi que par les explications que l’EMA a fournies et par les mesures prises pour corriger cet incident. Au surplus, la prétendue atteinte à la réputation professionnelle de la requérante, dans l’hypothèse où elle poursuivrait sa carrière au sein des institutions de l’Union, ne serait pas établie. En effet, la décision de non-renouvellement de son contrat ayant été prise le 1er avril 2015, la requérante aurait cessé de travailler pour l’Union le 15 août 2015, de sorte qu’elle ne subirait aucun préjudice professionnel du fait de la présence de ces pièces dans son dossier individuel. En revanche, dans l’hypothèse où le recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑579/16 serait accueilli, l’annulation de l’acte entaché d’illégalité constituerait en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte pourrait avoir causé. En outre, la requérante aurait elle-même demandé que la « copie de cette correspondance soit placée dans son dossier individuel » (annexe A.10 de la requête), de sorte qu’elle ne pourrait prétendre subir un quelconque préjudice de ce fait.

41      Il convient, à titre liminaire, de déterminer le champ d’application du règlement no 1049/2001 et celui du statut ainsi que l’articulation entre ces deux bases juridiques.

42      À cet égard, premièrement, il y a lieu de rappeler qu’une décision sur la demande d’accès à des documents adoptée sur le fondement du règlement no 1049/2001, à la différence d’une décision sur la demande d’accès au dossier individuel adoptée en vertu de l’article 26, septième alinéa, du statut, ne constitue pas un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (arrêt du 13 décembre 2012, Commission/Strack, T‑197/11 P et T‑198/11 P, EU:T:2012:690, point 47).

43      Le règlement no 1049/2001 a en effet pour objet d’ouvrir un droit d’accès du public en général aux documents des institutions (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 43). Ainsi, conformément à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, les bénéficiaires du droit d’accès aux documents des institutions sont les citoyens de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre sans que ces personnes soient tenues de justifier d’un intérêt spécifique à en obtenir l’accès. La qualité de fonctionnaire est donc sans incidence s’agissant du droit d’accès aux documents prévu par le règlement no 1049/2001 et des décisions adoptées sur son fondement (arrêt du 13 décembre 2012, Commission/Strack, T‑197/11 P et T‑198/11 P, EU:T:2012:690, point 48).

44      De surcroît, il convient de relever que les décisions fondées sur le règlement no 1049/2001 ne sauraient être assimilées aux actes faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut en raison des différences tenant à leurs modalités d’adoption respectives et aux conditions à remplir pour pouvoir en contester la légalité (arrêt du 13 décembre 2012, Commission/Strack, T‑197/11 P et T‑198/11 P, EU:T:2012:690, point 49).

45      Il s’ensuit que l’accès des fonctionnaires à leur dossier individuel et l’accès des fonctionnaires à leur dossier médical sont réglés, respectivement, par l’article 26, septième et huitième alinéas, du statut et par l’article 26 bis du statut, la possibilité pour les fonctionnaires de prendre connaissance d’autres données les concernant étant régie par le règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Commission/Strack, T‑197/11 P et T‑198/11 P, EU:T:2012:690, points 54 et 58). Cela vaut indépendamment de la formulation de la demande d’accès par le fonctionnaire, étant donné que seule la nature des documents rendus accessibles s’avère décisive pour la classification de l’acte, et non pas la qualification juridique donnée par le fonctionnaire.

46      En l’espèce, la requérante allègue, sans que cette allégation ait été contestée par l’EMA, que les onze documents qui ont été rendus accessibles à l’ensemble des membres du personnel de l’EMA (annexe A.6 de la requête) faisaient partie de son propre dossier individuel. Par conséquent, l’accès auxdits documents était régi par le statut.

47      Deuxièmement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le bien-fondé d’un recours en indemnité introduit au titre de l’article 270 TFUE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42, et du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 52). Ces trois conditions sont cumulatives. L’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire.

48      L’EMA fait valoir, s’agissant de la première de ces trois conditions, que la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

49      Il convient, toutefois, de relever que la Cour a suivi ce mode de raisonnement exclusivement dans des litiges dans lesquels l’engagement de la responsabilité non contractuelle des institutions avait été recherché sur le fondement des dispositions de l’article 340 TFUE, et non sur le fondement de celles de l’article 270 TFUE.

50      En effet, il est de jurisprudence constante que la responsabilité non contractuelle des institutions, lorsqu’elle est mise en jeu sur le fondement des dispositions de l’article 270 TFUE, peut être engagée en raison de la seule illégalité d’un acte faisant grief ou d’un agissement non décisionnel, et ce sans qu’il soit besoin de s’interroger sur la question de savoir s’il s’agit d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2018, Brahma/Cour de justice de l'Union européenne, T‑603/16, EU:T:2018:820, point 246 et jurisprudence citée).

51      Troisièmement, s’agissant du comportement reproché à l’EMA, il y a lieu de rappeler qu’il n’est pas contesté que, en dépit des mesures qui ont été prises, onze documents relevant du dossier individuel de la requérante furent rendus publics et accessibles à tout agent de l’EMA au cours de la période comprise entre le 1er juin et le 9 juillet 2015.

52      Or, l’accès à ces documents aurait dû être exclusivement réservé aux membres de la direction des ressources humaines de l’EMA, dans la mesure où ils contiennent des informations, relatives à la situation professionnelle de la requérante, qui sont couvertes par la définition des données à caractère personnel visées à l’article 2, sous a), du règlement no 45/2001. Au demeurant, l’EMA a admis que l’accès au dossier de la direction des ressources humaines aurait dû être réservé à une catégorie restreinte de membres du personnel, ce qui n’a pas été le cas pour une durée de 39 jours en dépit de la demande adressée en ce sens par la direction des ressources humaines au département informatique.

53      Par ailleurs, il convient de relever que la requérante n’a pas autorisé l’accès à ces documents et que le traitement des informations qu’ils contiennent ne peut être considéré comme nécessaire au sens de l’article 5 du règlement no 45/2001.

54      La divulgation desdites informations a donc été effectuée de manière irrégulière, en violation des dispositions du règlement no 45/2001. Une telle divulgation constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’EMA.

55      Quatrièmement, en ce qui concerne le préjudice moral allégué par la requérante, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le caractère moral du dommage prétendument subi n’est pas susceptible de renverser la charge de la preuve quant à l’existence et à l’étendue du dommage qui incombe à la partie requérante. En effet, la responsabilité de l’Union n’est engagée que si la partie requérante est parvenue à démontrer la réalité de son préjudice (ordonnance du 28 septembre 2009, Marcuccio/Commission, T‑46/08 P, EU:T:2009:362, point 67 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 mai 1998, Lucaccioni/Commission, T‑165/95, EU:T:1998:105, point 57, et ordonnance du 24 avril 2001, Pierard/Commission, T‑172/00, EU:T:2001:123, points 34 à 36).

56      Il convient de relever, à cet égard, que la requérante soutient, à juste titre, que les données personnelles rendues publiques et accessibles à l’ensemble des membres du personnel de l’EMA sont d’une nature particulièrement sensible, de sorte que son intégrité se trouve remise en cause. En effet, lesdites données portent sur sa conduite et concernent des évaluations de la part de l’EMA et les circonstances qui ont conduit l’AHCC à ne pas poursuivre la relation d’emploi avec elle.

57      Or, il y a lieu de constater que, dans le cadre des relations sociales quotidiennes qui se nouaient sur le lieu de travail de la requérante, la simple possibilité et l’incertitude correspondante qu’un interlocuteur et collègue ait pris connaissance de ses données personnelles est suffisante pour justifier d’un préjudice moral subi par cette dernière. Il s’ensuit que la requérante a démontré à suffisance de droit que ses collègues avaient eu la possibilité de prendre connaissance desdites données et qu’il n’est nécessaire ni de démontrer que des membres spécifiques du personnel ont effectivement accédé aux données rendues publiques, ni d’examiner le fait que l’EMA ait privé la requérante de la possibilité de mettre fin à l’incertitude sur la question de savoir si des collègues avaient pris ou non connaissance de ces données en refusant de faire droit à sa demande de lui rapporter les activités de numérisation liées aux documents rendus publics.

58      Ensuite, il convient de relever que les excuses présentées le 10 juillet 2015 par le directeur exécutif adjoint de l’EMA à la requérante ne sont pas de nature à réparer intégralement le préjudice moral subi par celle-ci, et cela d’autant moins que les mesures prises à la suite de la découverte de la fuite irrégulière des données personnelles de la requérante ont été accompagnées d’accusations à l’encontre de cette dernière. Malgré le fait que, à la suite de l’erreur commise par l’EMA, les documents sensibles n’étaient précisément pas couverts par un accès restreint, l’EMA a estimé approprié de signaler à la requérante, par mémorandum du 22 juillet 2015, qu’elle n’était pas autorisée à retirer ces documents. En outre, même si ces évènements tendent plutôt à démontrer un comportement fautif de la part de l’EMA, celle-ci a annoncé que le mémorandum du 22 juillet 2015 serait ajouté au dossier individuel de la requérante, sans pour autant indiquer si une telle mesure était également intervenue dans le cadre du traitement des dossiers individuels des responsables de l’administration de l’EMA. Ces circonstances démontrent non seulement un manque d’autocritique, mais également que les excuses présentées le 10 juillet 2015 par le directeur exécutif adjoint de l’EMA à la requérante étaient d’une valeur limitée.

59      Enfin, en ce qui concerne l’argument de l’EMA selon lequel une atteinte à la réputation professionnelle de la requérante n’est établie ni dans l’hypothèse où celle-ci poursuivrait sa carrière au sein des institutions de l’Union, ni dans celle où cela ne serait pas le cas, il y a lieu de constater que, en espèce, la réputation de la requérante auprès des personnes adoptant les décisions de renouvellement de son contrat n’est pas en jeu, étant donné que ces personnes ont en tout état de cause accès aux informations contenues dans le dossier professionnel de la requérante. En revanche, la réputation de cette dernière a pu être affectée dans son environnement professionnel quotidien et ce préjudice demeure, indépendamment de la question de savoir si la requérante poursuivra ou non son parcours au sein des institutions de l’Union.

60      À cet égard, il convient de rappeler qu’il a été jugé que l’annulation d’un acte, lorsqu’elle est privée de tout effet utile, ne pouvait constituer en elle-même la réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral causé par l’acte annulé (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2008, Tzirani/Commission, F‑46/07, EU:F:2008:129, point 223). Or, en l’espèce, le dommage à la réputation de la requérante dans son environnement professionnel persistera indépendamment de la question de savoir si son contrat sera renouvelé. De la même manière, la demande de la requérante de verser son courriel du 23 juillet 2015 à son dossier individuel, qu’elle a cru être confidentielle, est sans influence sur le préjudice moral résultant du fait que des données sensibles, censées être confidentielles, ont été rendues accessibles au personnel de l’EMA. Par conséquent, le préjudice moral de la requérante n’a pas été affecté par l’arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA (T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168).

61      Cinquièmement, en ce qui concerne l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, il y a lieu de relever que le comportement illégal de l’EMA, qui a été constaté aux points 51 à 54 ci-dessus, constitue la cause déterminante du préjudice moral de la requérante, tel qu’identifié aux points 55 à 60 ci-dessus, à savoir la possibilité et l’incertitude correspondante qu’un interlocuteur et collègue de la requérante ait pris connaissance de ses données personnelles, qui sont d’une nature particulièrement sensible.

62      Dès lors, compte tenu des considérations qui précèdent et dans le cadre de la compétence de pleine juridiction du Tribunal en matière indemnitaire, il convient de faire droit à la demande de la requérante de condamner l’EMA au paiement d’un euro symbolique en réparation du préjudice moral qu’elle a subi.

63      Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité du quatrième chef de conclusions, qui est présenté par la requérante à titre subsidiaire de ses conclusions indemnitaires.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

65      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

66      En l’espèce, le recours ayant été pour l’essentiel accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que l’EMA supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’Agence européenne des médicaments (EMA) est condamnée à verser à HJ un euro symbolique à titre de réparation du préjudice moral subi.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’EMA supporte ses propres dépens et ceux exposés par HJ.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 janvier 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.

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