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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Governo della Repubblica italiana (Statut des juges de paix italiens) (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-658/18 (16 July 2020)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C65818.html
Cite as: EU:C:2020:572, [2021] 1 CMLR 20, ECLI:EU:C:2020:572, [2020] EUECJ C-658/18

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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

16 juillet 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Recevabilité – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction nationale” – Critères – Politique sociale – Directive 2003/88/CE – Champ d’application – Article 7 – Congé annuel payé – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clauses 2 et 3 – Notion de “travailleur à durée déterminée” – Juges de paix et magistrats ordinaires – Différence de traitement – Clause 4 – Principe de non–discrimination – Notion de “raisons objectives” »

Dans l’affaire C‑658/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Giudice di pace di Bologna (juge de paix de Bologne, Italie), par décision du 16 octobre 2018, parvenue à la Cour le 22 octobre 2018, dans la procédure

UX

contre

Governo della Repubblica italiana,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de chambre, MM. P. G. Xuereb et T. von Danwitz, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 novembre 2019,

considérant les observations présentées :

–        pour UX, par Mes G. Guida, F. Sisto, F. Visco, et V. De Michele, avvocati,

–        pour le Governo della Repubblica italiana, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme L. Fiandaca et de M. F. Sclafani, avvocati dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Gattinara et M. van Beek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 janvier 2020,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 267 TFUE ainsi que de l’article 31, paragraphe 2 et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), le principe de la responsabilité des États membres pour violation du droit de l’Union, ainsi que sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 3, et l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9), ainsi que des clauses 2 et 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant UX au Governo della Repubblica italiana (gouvernement italien) au sujet d’une demande en réparation du préjudice subi en raison d’une violation du droit de l’Union par l’État italien.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 89/391/CEE

3        L’article 2 de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO 1989, L 183, p. 1), définit les secteurs d’activités visés par cette directive :

« 1.       La présente directive s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics (activités industrielles, agricoles, commerciales, administratives, de service, éducatives, culturelles, de loisirs, etc.).

2.       La présente directive n’est pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s’y opposent de manière contraignante.

Dans ce cas, il y a lieu de veiller à ce que la sécurité et la santé des travailleurs soient assurées, dans toute la mesure du possible, compte tenu des objectifs de la présente directive. »

 La directive 2003/88

4        L’article 1er de la directive 2003/88, intitulé « Objet et champ d’application », énonce, à ses paragraphes 1 à 3 :

«1.      La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

2.      La présente directive s’applique :

a)      aux périodes minimales [...] de congé annuel [...]

[...]

3.      La présente directive s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics, au sens de l’article 2 de la directive 89/391/CEE, sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19 de la présente directive.

[...] »

5        L’article 7 de cette directive, intitulé « Congé annuel », dispose :

« 1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2.      La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. »

 La directive 1999/70

6        Le considérant 17 de la directive 1999/70 est libellé comme suit :

« en ce qui concerne les termes employés dans l’accord-cadre, sans y être définis de manière spécifique, la présente directive laisse aux États membres le soin de définir ces termes en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales, comme il en est pour d’autres directives adoptées en matière sociale qui emploient des termes semblables, à condition que lesdites définitions respectent le contenu de l’accord-cadre »

7        L’article 1er de cette directive prévoit que celle-ci « vise à mettre en œuvre l’accord-cadre [...], figurant en annexe, conclu [...] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) ».

8        Selon la clause 1 de l’accord-cadre, celui-ci a pour objet, d’une part, d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination et, d’autre part, d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

9        La clause 2 de l’accord-cadre, intitulée « Champ d’application », prévoit :

« 1.       Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.

2.       Les États membres, après consultation de partenaires sociaux, et/ou les partenaires sociaux peuvent prévoir que le présent accord ne s’applique pas :

a)      aux relations de formation professionnelle initiale et d’apprentissage ;

b)      aux contrats ou relations de travail conclus dans le cadre d’un programme de formation, insertion et reconversion professionnelles public spécifique ou soutenu par les pouvoirs publics. »

10      La clause 3 de l’accord-cadre, intitulée « Définitions », est ainsi libellée :

« Aux termes du présent accord, on entend par :

1.      “travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

2.      “travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences [...] »

11       La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non-discrimination », énonce :

« 1.       Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

2.       Lorsque c’est approprié, le principe du “pro rata temporis” s’applique. »

 Le droit italien

12      L’article 106 de la Constitution italienne comporte des dispositions fondamentales relatives à l’accès à la magistrature :

« Les magistrats sont nommés par concours.

La loi sur l’organisation judiciaire peut permettre la nomination, y compris élective, de magistrats “honoraires” [onorari] à toutes les fonctions attribuées à des juges uniques.

[...] »

13      Dans la version applicable aux faits de l’affaire au principal, la legge n. 374 – Istituzione del giudice di pace (loi no 374 portant institution du juge de paix), du 21 novembre 1991 (supplément ordinaire à la GURI no 278, du 27 novembre 1991, p. 5, ci-après la « loi n° 374/1991 ») dispose :

« Article 1er

Institution et fonctions du juge de paix

1.       Il est institué un juge de paix, qui exerce la fonction juridictionnelle en matière civile et pénale et exerce la fonction de conciliation en matière civile selon les règles prévues à la présente loi.

2.       La fonction de juge de paix est exercée par un magistrat “honoraire” appartenant à l’ordre judiciaire.

[...]

Article 3

Cadre organique et tableau des effectifs des justices de paix

1.       Le cadre organique des magistrats “honoraires” affectés aux justices de paix est fixé à 4 700 postes ; [...]

[...]

Article 4

Nomination

1.       Les magistrats “honoraires” appelés à exercer la fonction de juge de paix sont nommés par décret du président de la République, après délibération du Conseil supérieur de la magistrature sur proposition du conseil judiciaire territorialement compétent, complété par cinq représentants désignés, d’un commun accord, par les conseils de l’ordre des avocats et procureurs du district de cour d’appel.

[...]

Article 10

Devoirs du juge de paix

1.       Le juge de paix est tenu aux devoirs qui incombent aux magistrats ordinaires. [...]

[...]

Article 11

Indemnités dues au juge de paix

1.       Les fonctions de juge de paix sont “honoraires”.

2.       Les magistrats honoraires qui exercent la fonction de juge de paix perçoivent une indemnité de 70 000 [lires italiennes (ITL) (environ 35 euros)] pour chaque audience civile ou pénale, même s’il ne s’agit pas d’une audience de plaidoiries, et pour l’apposition de scellés, et de 110 000 ITL [environ 55 euros] pour toute autre procédure attribuée et clôturée ou radiée du rôle.

3.       Ils perçoivent également une indemnité de 500 000 ITL [environ 250 euros] pour chaque mois de service effectif à titre de remboursement des frais de formation, des frais de recyclage et des frais généraux de la fonction.

[...]

4 bis. Les indemnités prévues au présent article peuvent être cumulées avec les pensions et les prestations de retraite, quelle que soit leur dénomination.

4 ter. Les indemnités prévues au présent article ne peuvent en aucun cas dépasser le montant de 72 000 euros bruts par an. »

14      Aux termes de l’article 8 bis de la legge n. 97 – Norme sullo stato giuridico dei magistrati e sul trattamento economico dei magistrati ordinari e amministrativi, dei magistrati della giustizia militare e degli avvocati dello Stato (loi no 97, Règles concernant le statut juridique des magistrats et le traitement économique des magistrats ordinaires et administratifs, des magistrats de la justice militaire et des avocats de l’État), du 2 avril 1979, applicable à l’époque des faits de l’espèce :

« [...] les magistrats ordinaires, administratifs, comptables et militaires, ainsi que les avocats et procureurs de l’État (avvocati dello Stato et procuratori dello Stato) ont un congé annuel de 30 jours ».

15      L’article 24 du decreto legislativo n. 116 – Riforma organica della magistratura onoraria e altre disposizioni sui giudici di pace, nonché disciplina transitoria relativa ai magistrati onorari in servizio, a norma della legge 28 aprile 2016, n. 57 (décret législatif no 116 – Réforme organique de la magistrature honoraire et autres dispositions relatives aux juges de paix, ainsi que régime transitoire applicable aux magistrats « honoraires » en service, en exécution de la loi no 57, du 28 avril 2016), du 13 juillet 2017 (GURI no 177, du 31 juillet 2017, p. 1), prévoit une indemnité pour la période de vacances pour les juges de paix, mais seulement pour les magistrats honoraires qui ont pris leurs fonctions après le 16 août 2017.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

16      La requérante au principal a été nommée Giudice di pace (juge de paix) le 23 février 2001 et a exercé ces fonctions dans deux tribunaux différents de l’année 2002 à l’année 2005 puis de l’année 2005 jusqu’à aujourd’hui.

17      Pour la période allant du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, la requérante au principal a rendu 478 jugements en tant que juge pénal, 1 113 ordonnances de non-lieu à l’égard de suspects connus et 193 ordonnances de non-lieu à l’égard de suspects inconnus en tant que giudice dell’indagine preliminare (juge chargé de l’instruction préparatoire). Dans le cadre de ses fonctions, elle assure, en tant que juge unique, deux audiences par semaine, excepté pendant la période de congé non rémunéré du mois d’août, pendant laquelle les délais de procédure sont suspendus.

18      Au mois d’août 2018, au cours de son congé non rémunéré, la requérante au principal n’a exercé aucune activité en tant que juge de paix et, en conséquence, n’a perçu aucune indemnité.

19      Le 8 octobre 2018, la requérante au principal a saisi le Giudice di pace di Bologna (juge de paix de Bologne), d’une demande d’injonction de payer dirigée contre le Governo della Republicca italiana (gouvernement italien) pour un montant de 4 500,00 euros, correspondant, selon elle, au traitement pour le mois d’août 2018, auquel pourrait prétendre un magistrat ordinaire disposant de la même ancienneté qu’elle, à titre de réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi en raison d’une violation manifeste, par l’État italien, notamment de la clause 4 de l’accord-cadre et de l’article 7 de la directive 2003/88 ainsi que de l’article 31 de la Charte. À titre subsidiaire, la requérante au principal demande la condamnation du gouvernement italien à payer, au même titre, la somme de 3 039,76 euros, calculée sur la base de l’indemnité nette qu’elle a perçue au mois de juillet 2018.

20      Dans ce contexte, il ressort de la décision de renvoi que les paiements perçus par les juges de paix sont liés au travail réalisé et calculés au regard du nombre de décisions prononcées. En conséquence, pendant la période de congé du mois d’août, la requérante au principal n’a perçu aucune indemnité alors que les magistrats ordinaires ont droit à des congés payés de 30 jours. L’article 24 du décret législatif no 116, du 13 juillet 2017, qui prévoit, désormais, le paiement de la période de congés pour les juges de paix, ne serait pas applicable à la requérante au principal en raison de la date de son entrée en fonctions.

21      Il ressort également de ladite décision que les juges de paix sont soumis, en matière disciplinaire, à des obligations analogues à celles des magistrats ordinaires. Le Conseil supérieur de la magistrature veille, conjointement avec le ministre de la Justice, à leur respect.

22      Le Giudice di pace di Bologna (juge de paix de Bologne) estime, contrairement aux juridictions suprêmes italiennes, que les juges de paix doivent être considérés comme étant des « travailleurs », malgré le caractère honoraire de leur service, en vertu des dispositions de la directive 2003/88 et de l’accord-cadre. À l’appui de cette approche, il renvoie, notamment, au lien de subordination qui, selon lui, caractérise la relation entre les juges de paix et le Ministero della giustizia (ministère de la Justice). De même, les juges de paix seraient non seulement soumis au pouvoir disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature, mais seraient également inclus dans le tableau d’effectifs de cette dernière. En outre, les certificats de paiements des juges de paix seraient délivrés de la même manière que celle prévue pour les salariés publics et le revenu du juge de paix serait assimilé à celui du travailleur salarié. Partant, la directive 2003/88 et l’accord-cadre leur seraient applicables.

23      Dans ces conditions, le Giudice di pace di Bologna (juge de paix de Bologne), a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour cinq questions préjudicielles.

24      Par décision du 11 novembre 2019, parvenue à la Cour le 12 novembre 2019, la juridiction de renvoi a décidé de retirer ses quatrième et cinquième questions préjudicielles tout en confirmant qu’elle maintenait les première à troisième questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le juge de paix, en tant que juge du renvoi préjudiciel, relève-t-il de la notion de “juridiction ordinaire” d’un État membre de l’Union, compétente pour présenter une demande de décision préjudicielle en vertu de l’article 267 TFUE, même si l’ordre juridique interne ne lui accorde pas, en raison de la précarité de sa situation professionnelle, des conditions de travail équivalentes à celles des magistrats ordinaires, alors qu’il exerce les mêmes fonctions juridictionnelles et qu’il s’inscrit dans l’ordre judiciaire national, et cela en violation des garanties d’indépendance et d’impartialité de la juridiction ordinaire d’un État membre de l’Union, indiquées par la Cour dans les arrêts du 19 septembre 2006, Wilson (C‑506/04, EU:C:2006:587, points 47 à 53), du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, points 32 et 41 à 45), ainsi que du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, points 50 à 54) ?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, du fait de son activité de service, le juge de paix requérant relève-t-il de la notion de “travailleur à durée déterminée” prévue, en combinaison, à l’article 1er, paragraphe 3, et à l’article 7 de la directive 2003/88, à la clause 2 de [l’accord-cadre] et à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, dans l’interprétation qu’en a donnée la Cour dans les arrêts du 1er mars 2012, O’Brien (C‑393/10, EU:C:2012:110), et du 29 novembre 2017, King (C‑214/16, EU:C:2017:914), et, en cas de réponse affirmative, le magistrat ordinaire ou professionnel peut-il être considéré comme un travailleur à durée indéterminée comparable au travailleur à durée déterminée qu’est le juge de paix, aux fins de l’application des mêmes conditions de travail, prévues à la clause 4 de [l’accord-cadre] ?

3)      En cas de réponse affirmative aux première et deuxième questions, l’article 47 de la Charte, lu en combinaison avec l’article 267 TFUE, à la lumière de la jurisprudence de la Cour en matière de responsabilité de l’État italien pour violation manifeste de la législation [de l’Union] par la juridiction de dernière instance, dans les arrêts du 30 septembre 2003, Köbler (C‑224/01, EU:C:2003:513), du 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo (C‑173/03, EU:C:2006:391), et du 24 novembre 2011, Commission/Italie (C‑379/10, non publié, EU:C:2011:775), s’opposent-ils à l’article 2, paragraphes 3 et 3 bis, de la [legge n.117 – Risarcimento dei danni cagionati nell’esercizio delle funzioni giudiziarie e responsabilità civile dei magistrati (loi no 117 concernant la réparation des dommages causés dans l’exercice des fonctions juridictionnelles et la responsabilité civile des magistrats), du 13 avril 1988] [...](GURI no 88, du 15 avril 1988), qui prévoit la responsabilité du juge pour dol ou faute grave “en cas de violation manifeste de la loi ainsi que du droit de l’Union [...]” et qui place le juge national devant une alternative – dans laquelle, quelle que soit l’option qu’il choisit, le juge engage sa responsabilité civile et disciplinaire envers l’État dans les affaires auxquelles les pouvoirs publics sont parties au fond, en particulier lorsque le juge de l’affaire est un juge de paix travaillant à durée déterminée, sans protection juridique, économique ni sociale effectives – dont les termes sont, comme en l’espèce, d’enfreindre la législation interne en la laissant inappliquée et en appliquant le droit de l’Union [...], tel qu’il est interprété par la Cour, ou au contraire d’enfreindre le droit de l’Union [...], en appliquant les règles du droit interne qui s’opposent à la reconnaissance de la protection et sont contraires à l’article 1er, paragraphe 3, et à l’article 7 de la directive 2003/88, aux clauses 2 et 4 de [l’accord-cadre] et à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte ? »

 La procédure devant la Cour

25      La juridiction de renvoi a demandé que l’affaire soit soumise à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

26      Le 6 novembre 2018, la Cour a décidé, sur proposition du juge rapporteur, l’avocate générale entendue, qu’il n’y avait pas lieu de donner suite à cette demande.

 Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure

27      À la suite du prononcé des conclusions de Mme l’avocate générale, la requérante au principal a, par acte déposé au greffe de la Cour le 29 janvier 2020, demandé à ce que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure, en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.

28      À l’appui de sa demande, elle fait valoir, en substance, que, en ce qui concerne les éléments composant la rémunération des juges de paix, Mme l’avocate générale s’est, dans ses conclusions, appuyée sur une jurisprudence de la Cour, qui n’a pas été débattue lors de l’audience de plaidoiries du 28 novembre 2019. La requérante au principal conteste l’appréciation de Mme l’avocate générale relative à la méthode du calcul de l’indemnité de congés payés et, plus particulièrement, certains aspects de la rémunération qui doit être utilisée pour le calcul de ladite indemnité. Ainsi, la requérante au principal considère que Mme l’avocate générale a introduit un argument nouveau qui n’a pas été débattu lors de l’audience.

29      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général présente publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice de l’Union européenne, requièrent son intervention. La Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par la motivation au terme de laquelle l’avocat général parvient à celles-ci (arrêt du 19 mars 2020, Sánchez Ruiz e.a., C‑103/18 et C‑429/18, EU:C:2020:219, point 42 ainsi que jurisprudence citée).

30      Il convient également de relever, dans ce contexte, que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure ne prévoient pas la possibilité pour les parties ou les intéressés visés à l’article 23 de ce statut de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général. Le désaccord d’une partie ou d’un tel intéressé avec les conclusions de l’avocat général, quelles que soient les questions qu’il examine dans celles-ci, ne peut, par conséquent, constituer en lui-même un motif justifiant la réouverture de la procédure orale (arrêt du 19 mars 2020, Sánchez Ruiz e.a., C‑103/18 et C‑429/18, EU:C:2020:219, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

31      Il s’ensuit que, dans la mesure où la demande de réouverture de la phase orale de la procédure présentée par la requérante au principal tend à permettre à celle-ci de répondre à la position prise par Mme l’avocate générale dans ses conclusions, elle ne saurait être accueillie.

32      Cela étant, en vertu de l’article 83 de son règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

33      Or, en l’occurrence, la Cour, après avoir entendu Mme l’avocate générale, considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi et que la présente affaire ne nécessite pas d’être tranchée sur la base d’un argument qui n’aurait pas été débattu entre les intéressés.

34      Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité

35      La République italienne et la Commission européenne font valoir, premièrement, que la demande de décision préjudicielle est irrecevable dans son ensemble, au motif que le juge de paix ayant procédé au renvoi préjudiciel ne peut être considéré comme étant une juridiction nationale, au sens de l’article 267 TFUE, en l’absence de trois des conditions essentielles à cet égard.

36      En premier lieu, l’exigence d’indépendance ne serait pas respectée, notamment, sous son second aspect, d’ordre interne, dans la mesure où le juge de céans porterait nécessairement un intérêt dans la solution du litige au principal puisqu’il appartient à la catégorie des juges de paix. Ainsi, le juge de céans ne pourrait pas être considéré comme étant impartial.

37      En deuxième lieu, en ce qui concerne le caractère obligatoire de la juridiction du juge de céans, la République italienne et la Commission font valoir, d’une part, que les prétentions formulées par la requérante au principal s’inscrivent dans le cadre d’un litige en matière de droit du travail qui concerne le point de savoir si les juges de paix sont des travailleurs et, d’autre part, que la compétence du juge de paix repose sur un fractionnement, interdit par le droit italien, des créances de la requérante au principal à l’égard de l’État italien.

38      En troisième lieu, le gouvernement italien et la Commission estiment que, en l’occurrence, la nature contradictoire de la procédure d’injonction de payer qui se déroule devant le juge de céans fait défaut.

39      Deuxièmement, la Commission émet des doutes, d’une part, sur la nécessité de la demande de décision préjudicielle et, d’autre part, sur la pertinence des questions posées pour la solution du litige au principal. Elle estime, en premier lieu, que la juridiction de renvoi, tout en affirmant elle-même, au point 22 de la décision de renvoi, qu’un renvoi préjudiciel n’est pas nécessaire, n’a pas expliqué clairement les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de certaines dispositions du droit de l’Union. En second lieu, la Commission considère, d’une part, que la deuxième question n’est pas soulevée pour répondre à un doute réel du juge de céans sur l’interprétation du droit de l’Union et, d’autre part, que la troisième question n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.

40      À cet égard, il convient d’examiner, premièrement, la question de savoir si, en l’occurrence, le juge de paix à l’origine du présent renvoi préjudiciel remplit les critères pour être considéré comme étant une juridiction nationale, au sens de l’article 267 TFUE.

41      Cette problématique est également soulevée par la première question visant, en substance, à déterminer si le juge de paix relève de la notion de « juridiction d’un des États membres », au sens de l’article 267 TFUE.

42      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier si l’organisme de renvoi en cause possède le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de cet organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de sa procédure, l’application, par l’organe, des règles de droit ainsi que son indépendance (arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 51 et jurisprudence citée).

43      En l’occurrence, les éléments figurant dans le dossier soumis à la Cour ne permettent pas de douter du fait que le juge de paix satisfait aux critères tenant à son origine légale, à sa permanence et à l’application, par celui-ci, de règles de droit.

44      En revanche, se pose, tout d’abord, la question de savoir s’il répond au critère d’indépendance. La juridiction de renvoi émet, concernant sa propre indépendance, des réserves liées aux conditions de travail des juges de paix italiens.

45      À cet égard, il convient de rappeler que l’indépendance des juridictions nationales est essentielle au bon fonctionnement du système de coopération judiciaire qu’incarne le mécanisme de renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE, en ce que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, rappelée au point 42 du présent arrêt, ce mécanisme ne peut être activé que par une instance, chargée d’appliquer le droit de l’Union, qui répond, notamment, à ce critère d’indépendance (arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 56 et jurisprudence citée).

46      Selon la jurisprudence de la Cour, la notion d’« indépendance » comporte deux aspects. Le premier aspect, d’ordre externe, requiert que l’organisme concerné exerce ses fonctions en toute autonomie, sans être soumis à aucun lien hiérarchique ou de subordination à l’égard de quiconque et sans recevoir d’ordres ou d’instructions de quelque origine que ce soit, étant ainsi protégé contre les interventions ou les pressions extérieures susceptibles de porter atteinte à l’indépendance de jugement de ses membres et d’influencer leurs décisions (arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 57 et jurisprudence citée).

47      S’agissant encore de l’aspect externe de la notion d’« indépendance », il convient de rappeler que l’inamovibilité des membres de l’instance concernée constitue une garantie inhérente à l’indépendance des juges en ce qu’elle vise à protéger la personne de ceux qui ont pour tâche de juger (arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 58 et jurisprudence citée).

48      Le principe d’inamovibilité, dont il convient de souligner l’importance cardinale, exige, notamment, que les juges puissent demeurer en fonction tant qu’ils n’ont pas atteint l’âge obligatoire du départ à la retraite ou jusqu’à l’expiration de leur mandat lorsque celui-ci revêt une durée déterminée. Sans revêtir un caractère totalement absolu, ledit principe ne peut souffrir d’exceptions qu’à condition que des motifs légitimes et impérieux le justifient, dans le respect du principe de proportionnalité. Ainsi est-il communément admis que les juges puissent être révoqués s’ils sont inaptes à poursuivre leurs fonctions en raison d’une incapacité ou d’un manquement grave, moyennant le respect de procédures appropriées (arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 59 et jurisprudence citée).

49      La garantie d’inamovibilité des membres d’une juridiction exige ainsi que les cas de révocation des membres de cet organisme soient déterminés par une réglementation particulière, au moyen de dispositions législatives expresses offrant des garanties dépassant celles prévues par les règles générales du droit administratif et du droit du travail s’appliquant en cas de révocation abusive (arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 60 et jurisprudence citée).

50      Le second aspect de la notion d’« indépendance », d’ordre interne, rejoint la notion d’« impartialité » et vise l’égale distance par rapport aux parties au litige et à leurs intérêts respectifs au regard de l’objet de celui-ci. Cet aspect exige le respect de l’objectivité et l’absence de tout intérêt dans la solution du litige en dehors de la stricte application de la règle de droit (arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 61 et jurisprudence citée).

51      Ces garanties d’indépendance et d’impartialité postulent l’existence de règles, notamment en ce qui concerne la composition de l’instance, la nomination, la durée des fonctions ainsi que les causes d’abstention, de récusation et de révocation de ses membres, qui permettent d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de ladite instance à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent (arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 63 et jurisprudence citée).

52      En l’occurrence, s’agissant de la nomination des juges de paix, il y a lieu de constater que, selon la réglementation nationale applicable, notamment l’article 4 de la loi no 374/1991, les juges de paix sont nommés par décret du président de la République italienne, après délibération du Conseil supérieur de la magistrature sur proposition du conseil judiciaire territorialement compétent, complété par cinq représentants désignés, d’un commun accord, par les conseils de l’ordre des avocats et les procureurs du district de cour d’appel.

53      En ce qui concerne la durée des fonctions des juges de paix, il convient de relever qu’il ressort du dossier soumis à la Cour que ces juges ont un mandat d’une durée de quatre ans, renouvelable à son terme pour la même durée. En outre, les juges de paix demeurent, en principe, en fonction jusqu’à l’expiration de leur mandat de quatre ans, pour autant que ce dernier n’est pas renouvelé.

54      Pour ce qui est de la révocation des juges de paix, il ressort de ce dossier que les cas de leur révocation et les procédures spécifiques y afférentes sont déterminés par les dispositions législatives expresses au niveau national.

55      Il apparaît, en outre, que les juges de paix exercent leurs fonctions en toute autonomie, sous réserve des règles en matière disciplinaire,  et  sans  pressions extérieures susceptibles d’influencer leurs décisions.

56      En ce qui concerne l’exigence d’indépendance considérée sous son second aspect, d’ordre interne, visé au point 50 du présent arrêt, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé, au point 51 de ses conclusions, il suffit de constater que la Cour a déjà, à plusieurs reprises, répondu à des questions préjudicielles relatives au statut des juges, sans émettre de doutes sur l’indépendance des juridictions de renvoi qui ont déféré ces questions [voir, en ce sens, arrêts du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448 ; du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C‑64/16, EU:C:2018:117 ; du 7 février 2019, Escribano Vindel, C‑49/18, EU:C:2019:106, ainsi que du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982].

57      Compte tenu des considérations exposées aux points 44 à 56 du présent arrêt, il convient de considérer que l’exigence d’indépendance est satisfaite en l’occurrence.

58      Ensuite, se pose la question du caractère obligatoire de la juridiction de renvoi.

59      La République italienne et la Commission ont émis des doutes quant à la compétence du juge de céans pour connaître d’un litige tel que celui en cause au principal dans la mesure où, d’une part, les prétentions formulées par la requérante au principal s’inscrivent dans le cadre d’un litige en matière de droit du travail qui concerne le point de savoir si les juges de paix sont des travailleurs. Or, il suffit de relever, à cet égard, qu’il est constant que le litige au principal est non pas une action en matière de droit du travail, mais une action en indemnisation dirigée contre l’État. En outre, la République italienne et la Commission ne contestent pas que les juges de paix sont compétents pour connaître de telles actions.

60      S’agissant, d’autre part, du prétendu fractionnement des créances de la requérante au principal, il y a lieu de relever qu’il ressort de la décision de renvoi que, selon l’article 7, premier alinéa, du codice di procedura civile (code de procédure civile), le juge de paix est compétent pour les litiges portant sur des biens mobiliers dont la valeur ne dépasse pas 5 000 euros, lorsqu’ils ne sont pas attribués par la loi à la compétence d’une autre juridiction. Selon cette même décision, l’article 4, paragraphe 43, de la legge 12 novembre 2011, n. 183 (loi no 183, du 12 novembre 2011), ne prévoit aucune réserve s’agissant de la compétence matérielle, et, partant, la demande de la requérante au principal tendant à obtenir une injonction de payer contre le gouvernement italien a été correctement formée dans les limites de la compétence du juge de céans en fonction de la valeur et de la compétence territoriale de celui-ci.

61      À cet égard, il suffit de rappeler qu’il n’appartient à la Cour ni de remettre en cause l’appréciation par la juridiction de renvoi de la recevabilité du recours au principal, qui relève, dans le cadre de la procédure de renvoi préjudiciel, de la compétence du juge national, ni de vérifier si la décision de renvoi a été prise conformément aux règles nationales d’organisation et de procédure judiciaires (arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 30, ainsi qu’ordonnance du 17 janvier 2019, Rossi e.a., C‑626/17, non publiée, EU:C:2019:28, point 22 ainsi que jurisprudence citée). La Cour doit s’en tenir à la décision de renvoi émanant d’une juridiction d’un État membre, tant qu’elle n’a pas été rapportée dans le cadre des voies de recours prévues éventuellement par le droit national (arrêts du 7 juillet 2016, Genentech, C‑567/14, EU:C:2016:526, point 23, ainsi que du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C‑39/94, EU:C:1996:285, point 24).

62      Il convient d’ajouter que, dans ces conditions, une telle situation se distingue de celles en cause, en particulier, dans l’affaire ayant donné lieu aux ordonnances du 6 septembre 2018, Di Girolamo (C‑472/17, non publiée, EU:C:2018:684), et du 17 décembre 2019, Di Girolamo (C‑618/18, non publiée, EU:C:2019:1090), dans laquelle la juridiction de renvoi avait clairement indiqué qu’elle n’était pas compétente pour statuer sur la demande formée devant elle.

63      Enfin, en ce qui concerne le caractère contradictoire de la procédure pendante devant le juge de céans, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’article 267 TFUE ne subordonne pas la saisine de la Cour au caractère contradictoire de la procédure devant la juridiction de renvoi. En revanche, il résulte de cet article que les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (arrêts du 16 décembre 2008, Cartesio, C‑210/06, EU:C:2008:723, point 56, et du 4 septembre 2019, Salvoni, C‑347/18, EU:C:2019:661, point 26 ainsi que jurisprudence citée). Or, tel est le cas en l’occurrence.

64      En outre, ainsi que Mme l’avocate général l’a relevé, au point 62 de ses conclusions, la Cour a déjà jugé qu’une demande de décision préjudicielle peut également lui être adressée dans le cadre d’une procédure d’injonction de payer (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 1971, Politi, 43/71, EU:C:1971:122, points 4 et 5 ainsi que du 8 juin 1998, Corsica Ferries France, C‑266/96, EU:C:1998:306, point 23).

65      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter les doutes émis par la Commission et le gouvernement italien et de constater que le juge de paix remplit les critères pour être considéré comme une « juridiction d’un des États membres », au sens de l’article 267 TFUE.

66      Deuxièmement, en ce qui concerne la nécessité de la demande de décision préjudicielle et la pertinence des questions posées, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation d’une règle de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer [arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 97 ainsi que jurisprudence citée].

67      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêts du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 98 ainsi que jurisprudence citée, et du 19 octobre 2017, Paper Consult, C‑101/16, EU:C:2017:775, point 29 ainsi que jurisprudence citée].

68      Ainsi, dès lors que la décision de renvoi constitue le fondement à la procédure suivie devant la Cour, il est indispensable que la juridiction nationale explicite, dans cette décision, le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’inscrit le litige au principal et donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 9 mars 2017, Milkova, C‑406/15, EU:C:2017:198, point 73, ainsi qu’ordonnance du 16 janvier 2020, Telecom Italia e.a., C‑368/19, non publiée, EU:C:2020:21, point 37).

69      Ces exigences cumulatives concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure. Il en ressort, en particulier, que la demande de décision préjudicielle doit contenir « l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, et le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal ».

70      En l’occurrence, il convient de constater qu’il ressort clairement du point 22 de sa décision que, à ce point, la juridiction de renvoi se borne à présenter l’argumentation de la requérante au principal selon laquelle il serait possible de faire droit à sa demande sans interroger la Cour et n’affirme aucunement qu’un renvoi préjudiciel ne serait pas nécessaire pour trancher le litige dont elle est saisie.

71      En outre, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé, aux points 32 et 33 de ses conclusions, il importe de souligner, en ce qui concerne la deuxième question préjudicielle, que celle-ci n’est pas dépourvue de pertinence dans la mesure où, par cette question, afin de savoir si la requérante au principal peut réclamer des dommages-intérêts au titre du refus d’un congé payé, la juridiction de renvoi vise à être éclairée sur la notion de « travailleur », au sens de la directive 2003/88, et le principe de non-discrimination énoncé dans l’accord-cadre afin de déterminer s’ils s’appliquent aux juges de paix italiens.

72      Or, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé, au point 34 de ses conclusions, ces questions appellent une clarification.

73      En revanche, il y a lieu de relever, s’agissant de la troisième question, que le litige au principal concerne non pas la responsabilité personnelle des juges, mais une demande d’indemnisation au titre de congés payés. La juridiction de renvoi n’a pas expliqué en quoi une interprétation de l’article 47 de la Charte lui serait nécessaire pour statuer ni le lien qu’elle établit entre les dispositions de l’Union dont elle demande l’interprétation et la législation nationale applicable au litige au principal.

74      En outre, il ne ressort aucunement de la décision de renvoi que la responsabilité pour dol ou faute grave du juge de renvoi pourrait être mise en cause.

75      Dans ces conditions, eu égard à l’ensemble de ces éléments, il convient de constater que la demande de décision préjudicielle est recevable à l’exception de la troisième question.

 Sur le fond

 Sur la première question

76      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens que le Giudice di pace (juge de paix) relève de la notion de « juridiction d’un des États membres », au sens de cet article.

77      En l’occurrence, il ressort des considérations exposées aux points 42 à 65 du présent arrêt, que tel est le cas. Dès lors, il convient de répondre à la première question que le Giudice di pace (juge de paix) relève de la notion de « juridiction d’un des États membres », au sens de cet article.

 Sur la deuxième question

78      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la deuxième question comporte trois aspects distincts destinés à apprécier un éventuel droit des juges de paix à bénéficier de congés payés sur le fondement du droit de l’Union. Ainsi, cette question porte, d’abord, sur l’interprétation de la notion de « travailleur », au sens de la directive 2003/88, afin de déterminer si un Giudice di pace (juge de paix), tel que la requérante au principal, peut relever de cette notion, dans la mesure où l’article 7, paragraphe 1, de cette directive dispose que les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines. Ladite question vise, ensuite, la notion de « travailleur à durée déterminée » au sens de l’accord-cadre. Enfin, si cette dernière notion couvrait le juge de paix, la juridiction de renvoi se demande s’il peut être comparé aux magistrats ordinaires aux fins de l’application du principe de non-discrimination énoncé à la clause 4 de cet accord-cadre, lesquels bénéficient de congés annuels payés supplémentaires, de 30 jours au total.

–       Sur la directive 2003/88

79      Par la première partie de sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’un juge de paix qui exerce ses fonctions à titre principal et qui perçoit des indemnités liées aux prestations effectuées ainsi que des indemnités pour chaque mois de service effectif, peut relever de la notion de « travailleur », au sens de ces dispositions.

80      Il convient, en premier lieu, de déterminer si cette directive est applicable en l’occurrence.

81      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2003/88 définit le champ d’application de celle-ci par un renvoi à l’article 2 de la directive 89/391.

82      Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 89/391, celle-ci s’applique à « tous les secteurs d’activités, privés ou publics ».

83      Toutefois, ainsi qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de ladite directive, celle-ci n’est pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, notamment dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile, s’y opposent de manière contraignante.

84      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, le critère utilisé à l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391 pour exclure certaines activités du champ d’application de cette directive et, indirectement, de celui de la directive 2003/88 est fondé, non pas sur l’appartenance des travailleurs à l’un des secteurs de la fonction publique visés à cette disposition, considéré dans sa globalité, mais exclusivement sur la nature spécifique de certaines missions particulières exercées par les travailleurs des secteurs visés par cette disposition, nature qui justifie une exception aux règles en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, en raison de la nécessité absolue de garantir une protection efficace de la collectivité (arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a., C‑147/17, EU:C:2018:926, point 55).

85      En l’occurrence, même si l’activité juridictionnelle du juge de paix n’est pas mentionnée expressément dans les exemples cités à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 89/391, elle fait partie du secteur d’activité public. Elle relève ainsi, en principe, du champ d’application de la directive 89/391 et de la directive 2003/88.

86      En outre, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé, au point 71 de ses conclusions, rien ne justifie d’appliquer l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391 à l’égard des juges de paix et de les exclure globalement du champ d’application de ces deux directives.

87      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la directive 2003/88 est applicable dans l’affaire au principal.

88      En second lieu, il convient de rappeler que, aux fins de l’application de la directive 2003/88, la notion de « travailleur » ne saurait recevoir une interprétation variant selon les droits nationaux, mais revêt une portée autonome propre au droit de l’Union (arrêts du 26 mars 2015, Fenoll, C‑316/13, EU:C:2015:200, point 25, et du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a., C‑147/17, EU:C:2018:926, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

89      Cette constatation s’impose également aux fins de l’interprétation de la notion de « travailleur », au sens de l’article 7 de la directive 2003/88, et de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte afin de garantir l’uniformité du champ d’application ratione personae du droit au congé payé des travailleurs (arrêt du 26 mars 2015, Fenoll, C‑316/13, EU:C:2015:200, point 26).

90      Ladite notion doit être définie selon des critères objectifs qui caractérisent la relation de travail en considération des droits et des devoirs des personnes concernées (arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a., C‑147/17, EU:C:2018:926, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

91      Dans le cadre de la qualification au regard de la notion de « travailleur », à laquelle il appartient, en dernier ressort, au juge national de procéder, celui-ci doit se fonder sur les critères objectifs et apprécier globalement toutes les circonstances de l’affaire dont il est saisi, ayant trait à la nature tant des activités concernées que de la relation entre les parties en cause (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Union syndicale Solidaires Isère, C‑428/09, EU:C:2010:612, point 29).

92      La Cour peut, toutefois, indiquer à la juridiction de renvoi les principes et les critères dont celle-ci devra tenir compte dans le cadre de son examen.

93      Il y a donc lieu de rappeler, d’une part, que doit être considérée comme « travailleur » toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme étant purement marginales et accessoires (arrêt du 26 mars 2015, Fenoll, C‑316/13, EU:C:2015:200, point 27).

94      D’autre part, selon une jurisprudence constante, la caractéristique essentielle de la relation de travail est la circonstance qu’une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle reçoit une rémunération (arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a., C‑147/17, EU:C:2018:926, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

95      Tout d’abord, en ce qui concerne les prestations accomplies par la requérante au principal en tant que juge de paix, il ressort de la décision de renvoi que celles-ci sont réelles et effectives et que, en outre, elle les exerce à titre principal. En particulier, pendant un certain temps, en l’occurrence au cours de la période allant du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, elle a, d’une part, rendu, en qualité de juge pénal, 478 jugements ainsi que 1 326 ordonnances et, d’autre part, siégé deux fois par semaine. Ces prestations n’apparaissent pas comme étant purement marginales et accessoires.

96      Dans ce contexte, il convient de rappeler, en ce qui concerne la nature de la relation juridique en cause au principal, dans le cadre de laquelle la requérante au principal exerce ses fonctions, que la Cour a déjà jugé que la nature juridique sui generis d’une relation d’emploi au regard du droit national ne peut pas avoir de conséquences quelconques sur la qualité de « travailleur », au sens du droit de l’Union (arrêt du 26 mars 2015, Fenoll, C‑316/13, EU:C:2015:200, point 31).

97      Ensuite, s’agissant de la rémunération, il convient d’examiner si les sommes perçues par la requérante au principal lui sont versées en contrepartie de son activité professionnelle.

98      À cet égard, il ressort du dossier soumis à la Cour que les juges de paix perçoivent des indemnités liées aux prestations qu’ils effectuent, d’un montant de 35 ou 55 euros, soumises aux mêmes impôts que la rémunération d’un travailleur ordinaire. En particulier, ceux-ci bénéficient de telles indemnités pour chaque audience civile ou pénale, même s’il ne s’agit pas d’une audience de plaidoiries, et pour l’apposition de scellés, ainsi que pour toute autre procédure attribuée et clôturée ou radiée du rôle. En outre, ces juges reçoivent des indemnités pour chaque mois de service effectif au titre des frais de formation, des frais de recyclage et des frais généraux de la fonction.

99      S’il ressort de la décision de renvoi que les fonctions de juge de paix sont « honoraires » et que certaines des sommes versées le sont à titre d’indemnisation de remboursement de frais, il n’en reste pas moins que le volume de travail accompli par la requérante au principal et, par conséquent, les sommes perçues par cette dernière pour ce travail sont importants. En effet, il ressort de cette décision que, pendant la période allant du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, la requérante au principal a clôturé quelque 1 800 procédures.

100    Ainsi, la seule circonstance que les fonctions de juge de paix sont qualifiées d’« honoraires » par la réglementation nationale ne signifie pas que les prestations financières qu’un juge de paix perçoit doivent être considérées comme étant dépourvues de caractère rémunératoire.

101    Par ailleurs, s’il est certain que la rémunération des prestations accomplies constitue une caractéristique fondamentale de la relation de travail, il n’en demeure pas moins que ni le niveau limité de cette rémunération ni l’origine des ressources pour cette dernière ne peuvent avoir de conséquences quelconques sur la qualité de « travailleur », au sens du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 30 mars 2006, Mattern et Cikotic, C‑10/05, EU:C:2006:220, point 22, ainsi que du 4 juin 2009, Vatsouras et Koupatantze, C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, point 27).

102    Dans ces conditions, il appartient au juge national, lors de l’appréciation des faits dont il est seul compétent, de vérifier, en dernier ressort, si les montants perçus par la requérante au principal, dans le cadre de son activité professionnelle de juge de paix, présentent un caractère rémunératoire de nature à procurer à celle-ci un avantage matériel et lui assurent sa subsistance.

103    Enfin, une relation de travail suppose l’existence d’un lien de subordination entre le travailleur et son employeur. L’existence d’un tel lien doit être appréciée dans chaque cas particulier en fonction de tous les éléments et de toutes les circonstances caractérisant les relations entre les parties (arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a., C‑147/17, EU:C:2018:926, point 42 ainsi que jurisprudence citée).

104    Il est, certes, inhérent à la fonction des juges que ceux-ci doivent être protégés contre les interventions ou les pressions extérieures susceptibles de porter atteinte à leur indépendance dans l’exercice de leurs activités juridictionnelles et de la fonction de juger.

105    Toutefois, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé, au point 83 de ses conclusions, cette exigence n’empêche pas de qualifier les juges de paix de « travailleurs ».

106    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que la circonstance que les juges sont soumis à des modalités de service et qu’ils peuvent être considérés comme des travailleurs ne porte nullement atteinte au principe d’indépendance du pouvoir judiciaire et à la faculté des États membres de prévoir l’existence d’un statut particulier régissant le corps de la magistrature (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2012, O’Brien, C‑393/10, EU:C:2012:110, point 47).

107    Dans ces conditions, si à elle seule la circonstance que, en l’occurrence, les juges de paix sont soumis au pouvoir disciplinaire exercé par le Consiglio superiore della magistratura (conseil supérieur de la magistrature, Italie, ci-après le « CSM »), n’est pas suffisante à les faire considérer comme se trouvant, à l’égard d’un employeur, dans un rapport juridique de subordination (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas, 235/85, EU:C:1987:161, point 14), il y a lieu, toutefois, de tenir compte de cette circonstance dans le contexte de l’ensemble des faits au principal.

108    Ainsi, il convient de prendre en compte le mode d’organisation du travail des juges de paix.

109    À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que, même s’ils peuvent organiser leur travail de manière plus flexible que les membres d’autres professions, les juges de paix sont censés respecter des tableaux indiquant la composition de la justice de paix à laquelle ils appartiennent, ces tableaux régissant en détail et de manière contraignante l’organisation de leur travail, y compris l’attribution des dossiers, les dates et les heures des audiences.

110    Il ressort également de la décision de renvoi que les juges de paix sont tenus d’observer les ordres de service du Capo dell’Ufficio (chef de corps, Italie). Ces juges sont aussi tenus d’observer des décisions d’organisation spéciales et générales du CSM.

111    La juridiction de renvoi ajoute que lesdits juges doivent être constamment accessibles et sont soumis, en matière disciplinaire, à des obligations analogues à celles des magistrats professionnels.

112    Dans ces conditions, il apparaît que les juges de paix exercent leurs fonctions dans le contexte d’un rapport juridique de subordination sur le plan administratif, n’affectant pas leur indépendance dans la fonction de juger, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

113    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première partie de la deuxième question que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’un juge de paix qui, dans le cadre de ses fonctions, effectue des prestations réelles et effectives, qui ne sont ni purement marginales ni accessoires, et pour lesquelles il perçoit des indemnités présentant un caractère rémunératoire, peut relever de la notion de « travailleur », au sens de ces dispositions, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

–       Sur la notion de « travailleur à durée déterminée » au sens de l’accord-cadre

114    Par la deuxième partie de sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 2, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’un juge de paix, nommé pour une période limitée, qui exerce ses fonctions à titre principal et qui perçoit des indemnités liées aux prestations effectuées ainsi que des indemnités pour chaque mois de service effectif relève de la notion de « travailleur à durée déterminée », au sens de cette disposition.

115    À cet égard, il ressort du libellé de ladite disposition que le champ d’application de celui-ci revêt une conception large, dès lors qu’il vise de manière générale les « travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre ». En outre, la définition de la notion de « travailleurs à durée déterminée », au sens de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre, englobe l’ensemble des travailleurs, sans opérer de distinction selon la qualité publique ou privée de l’employeur auquel ils sont liés et quelle que soit la qualification de leur contrat en droit interne (arrêt du 19 mars 2020, Sánchez Ruiz e.a., C‑103/18 et C‑429/18, EU:C:2020:219, point 108).

116    L’accord-cadre s’applique dès lors à l’ensemble des travailleurs fournissant des prestations rémunérées dans le cadre d’une relation d’emploi à durée déterminée les liant à leur employeur, pour autant que ceux-ci sont liés par un contrat ou à une relation de travail, au sens du droit national, et sous la seule réserve de la marge d’appréciation conférée aux États membres par la clause 2, point 2, de l’accord-cadre quant à l’application de ce dernier à certaines catégories de contrats ou de relations de travail ainsi que de l’exclusion, conformément au quatrième alinéa du préambule de l’accord-cadre, des travailleurs intérimaires (arrêt du 19 mars 2020, Sánchez Ruiz e.a., C‑103/18 et C‑429/18, EU:C:2020:219, point 109).

117    Si, ainsi qu’il ressort du considérant 17 de la directive 1999/70 et de la clause 2, point 1, de l’accord-cadre, cette directive laisse aux États membres le soin de définir les termes « contrat de travail » ou « relation de travail » employés dans cette clause en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales, il n’en reste pas moins que le pouvoir d’appréciation accordé aux États membres pour définir de telles notions n’est pas illimité. En effet, de tels termes peuvent être définis en conformité avec le droit et/ou les pratiques nationales à condition de respecter l’effet utile de cette directive et les principes généraux du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2012, O’Brien, C‑393/10, EU:C:2012:110, point 34).

118    Dans ce contexte, la seule circonstance qu’une activité professionnelle, dont l’exercice procure un avantage matériel, soit qualifiée d’« honoraire » au titre du droit national est dépourvue de pertinence, en ce qui concerne l’applicabilité de l’accord cadre, sous peine de remettre sérieusement en cause l’effet utile de la directive 1999/70 et celui de l’accord-cadre ainsi que l’application uniforme de ceux-ci dans les États membres, en réservant à ces derniers la possibilité d’écarter à leur gré certaines catégories de personnes du bénéfice de la protection voulue par ces instruments (voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso, C‑307/05, EU:C:2007:509, point 29 et du 1er mars 2012, O’Brien, C‑393/10, EU:C:2012:110, point 36).

119    Ainsi qu’il a été rappelé, au point 116 du présent arrêt, la directive 1999/70 et l’accord-cadre trouvent à s’appliquer à l’ensemble des travailleurs fournissant des prestations rémunérées dans le cadre d’une relation d’emploi à durée déterminée les liant à leur employeur.

120    Or, ainsi que cela ressort notamment des points 95, 98 et 99 du présent arrêt ainsi que de la demande de décision préjudicielle, il apparaît qu’un juge de paix tel que la requérante au principal, effectue à ce titre des prestations réelles et effectives, qui ne sont ni purement marginales ni accessoires, et qui donnent lieu, en contrepartie, à des indemnités pour chaque prestation et mensuelles, dont le caractère rémunératoire ne saurait être exclu.

121    Par ailleurs, la Cour a jugé que l’accord-cadre n’exclut aucun secteur particulier et que les prescriptions énoncées dans cet accord ont vocation à s’appliquer aux contrats ainsi qu’aux relations de travail à durée déterminée conclus avec les administrations et les autres entités du secteur public (ordonnance du 19 mars 2019, CCOO, C‑293/18, non publiée, EU:C:2019:224, point 30).

122    À cet égard, il y a lieu de relever que la circonstance que, en l’occurrence, les juges de paix sont titulaires d’une charge judiciaire ne suffit pas, en tant que telle, à soustraire ces derniers du bénéfice des droits prévus par cet accord-cadre (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2012, O’Brien, C‑393/10, EU:C:2012:110, point 41).

123    En effet, il découle de la nécessité de sauvegarder l’effet utile du principe d’égalité de traitement consacré par ledit accord-cadre qu’une telle exclusion ne peut être admise, à défaut d’être considérée comme arbitraire, que si la nature de la relation de travail en cause est substantiellement différente de celle qui lie à leurs employeurs les employés relevant, selon le droit national, de la catégorie des travailleurs (voir, par analogie, arrêt du 1er mars 2012, O’Brien, C‑393/10, EU:C:2012:110, point 42).

124    Or, il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner en dernier ressort dans quelle mesure la relation qui unit les juges de paix au ministère de la Justice est, de par sa nature, substantiellement différente d’une relation de travail unissant un employeur à un travailleur. La Cour peut, toutefois, indiquer à la juridiction de renvoi quelques principes et critères dont celle-ci devra tenir compte dans le cadre de son examen (voir, par analogie, arrêt du 1er mars 2012, O’Brien, C‑393/10, EU:C:2012:110, point 43).

125    À cet égard, lors de l’examen visant à déterminer si la nature de ladite relation est substantiellement différente de celle de la relation de travail qui lie à leurs employeurs les employés relevant, selon le droit national, de la catégorie des travailleurs, la juridiction de renvoi devra, conformément à l’esprit et à la finalité de l’accord-cadre, prendre en considération l’opposition entre cette catégorie et celle des professions non salariées (voir, par analogie, arrêt du 1er mars 2012, O’Brien, C‑393/10, EU:C:2012:110, point 44).

126    Dans cette perspective, il convient de prendre en compte les modalités de désignation et de révocation des juges de paix, mais aussi le mode d’organisation de leur travail (voir, par analogie, arrêt du 1er mars 2012, O’Brien, C‑393/10, EU:C:2012:110, point 45).

127    En ce qui concerne la désignation des juges de paix, l’article 4 de la loi no 374/1991 prévoit que ces juges sont nommés par décret du président de la République italienne, après délibération du Conseil supérieur de la magistrature sur proposition du conseil judiciaire territorialement compétent, complété par cinq représentants désignés, d’un commun accord, par les conseils de l’ordre des avocats et procureurs du district de cour d’appel.

128    Or, n’est pas déterminant, à cet égard, le fait que ces relations de travail ont été établies par des décrets présidentiels en raison de la qualité publique de l’employeur (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2020, Sánchez Ruiz e.a., C‑103/18 et C‑429/18, EU:C:2020:219, point 115).

129    S’agissant de la révocation des juges de paix, il ressort des éléments du dossier que les cas de leur révocation et les procédures spécifiques y afférentes sont déterminés par les dispositions législatives expresses au niveau national. À cet égard, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si les modalités de révocation des juges de paix établies au niveau national rendent la relation qui unit les juges de paix au ministère de la Justice substantiellement différente d’une relation de travail unissant un employeur à un travailleur.

130    Quant au mode d’organisation du travail des juges de paix et, plus particulièrement du point de savoir si ces juges exercent leurs fonctions dans le contexte d’un rapport juridique de subordination, ainsi qu’il ressort des points 107 à 112 du présent arrêt, s’il apparaît que lesdits juges exercent leurs fonctions dans le contexte d’un tel rapport juridique, il appartient à la juridiction de renvoi de le vérifier.

131    En ce qui concerne le point de savoir si la relation qui unit les juges de paix au ministère de la Justice est d’une durée déterminée, il résulte des termes de la clause 3, point 1, de l’accord-cadre qu’un contrat ou une relation de travail à durée déterminée se caractérise par le fait que la fin dudit contrat ou de ladite relation de travail « est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé » (ordonnance du 19 mars 2019, CCOO, C‑293/18, non publiée, EU:C:2019:224, point 31).

132    Dans l’affaire au principal, il ressort du dossier dont dispose la Cour que le mandat des juges de paix est limité à une période de quatre ans, renouvelable.

133    Dès lors, il apparaît que, en l’occurrence, la relation qui unit les juges de paix au ministère de la Justice est d’une durée déterminée.

134    Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il convient de répondre à la deuxième partie de la deuxième question que la clause 2, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens que la notion de « travailleur à durée déterminée », figurant à cette disposition, peut englober un juge de paix, nommé pour une période limitée, qui, dans le cadre de ses fonctions, effectue des prestations réelles et effectives, qui ne sont ni purement marginales ni accessoires, et pour lesquelles il perçoit des indemnités présentant un caractère rémunératoire, ce qu’il appartient au juge de renvoi de vérifier.

–       Sur le principe de non-discrimination au sens de l’accord-cadre

135    Par la troisième partie de sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui ne prévoit pas le droit pour un juge de paix à bénéficier d’un congé annuel payé de 30 jours, tel que celui prévu pour les magistrats ordinaires, dans l’hypothèse où ce juge de paix relèverait de la notion de « travailleur à durée déterminée », au sens de la clause 2, point 1, de cet accord-cadre.

136    À cet égard, il convient de rappeler que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre énonce une interdiction de traiter, en ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables, au seul motif qu’ils exercent une activité en vertu d’un contrat à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives.

137    La Cour a jugé que cette disposition vise à faire application du principe de non-discrimination aux travailleurs à durée déterminée en vue d’empêcher qu’une relation d’emploi de cette nature soit utilisée par un employeur pour priver ces travailleurs de droits qui sont reconnus aux travailleurs à durée indéterminée (arrêt du 22 janvier 2020, Baldonedo Martín, C‑177/18, EU:C:2020:26, point 35).

138    Eu égard aux objectifs poursuivis par l’accord-cadre, la clause 4 de celui-ci doit être comprise comme exprimant un principe de droit social de l’Union qui ne saurait être interprété de manière restrictive (arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C‑677/16, EU:C:2018:393, point 41).

139    En l’occurrence, il convient de relever, en premier lieu, que la différence de traitement invoquée par la requérante au principal réside dans le fait que les magistrats ordinaires ont droit à 30 jours de congé annuel payé, alors que les juges de paix ne disposent pas d’un tel droit.

140    En deuxième lieu, il convient de considérer que les droits aux congés annuels payés reconnus aux travailleurs relèvent incontestablement de la notion de « conditions d’emploi », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre.

141    En troisième lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe de non-discrimination, dont la clause 4, point 1, de l’accord-cadre constitue une expression particulière, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C‑677/16, EU:C:2018:393, point 49 ainsi que jurisprudence citée).

142    À cet égard, le principe de non-discrimination a été mis en œuvre et concrétisé par l’accord-cadre uniquement en ce qui concerne les différences de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée qui se trouvent dans une situation comparable (arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C‑677/16, EU:C:2018:393, point 50 ainsi que jurisprudence citée).

143    Selon une jurisprudence constante, pour apprécier si les personnes intéressées exercent un travail identique ou similaire, au sens de l’accord-cadre, il y a lieu, conformément à la clause 3, point 2, et à la clause 4, point 1, de cet accord-cadre, de rechercher si, compte tenu d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, ces personnes peuvent être considérées comme se trouvant dans une situation comparable (arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C‑677/16, EU:C:2018:393, point 51 et jurisprudence citée).

144    À cet égard, s’il est établi que, lorsqu’ils étaient employés, les travailleurs à durée déterminée exerçaient les mêmes fonctions que les travailleurs employés par le même employeur pour une durée indéterminée ou occupaient le même poste que ceux-ci, il y a lieu, en principe, de considérer les situations de ces deux catégories de travailleurs comme étant comparables (arrêt du 22 janvier 2020, Baldonedo Martín, C‑177/18, EU:C:2020:26, point 41 et jurisprudence citée).

145    En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que la requérante au principal pourrait, en tant que juge de paix, être considérée comme étant comparable à un togato (magistrat ordinaire) ayant réussi la troisième évaluation d’aptitude professionnelle et ayant acquis au moins quatorze années d’ancienneté, puisqu’elle a exercé une activité juridictionnelle équivalente à celle d’un tel magistrat ordinaire, tout en ayant les mêmes responsabilités sur le plan administratif, disciplinaire, et fiscal et qu’elle a été continuellement inscrite aux tableaux des effectifs des bureaux auprès desquels elle a travaillé, percevant les prestations financières prévues à l’article 11 de la loi no 374/1991.

146    Plus particulièrement, il ressort du dossier que, à l’instar d’un magistrat ordinaire, le juge de paix est, premièrement, un juge qui appartient à l’ordre judiciaire italien et qui exerce une fonction juridictionnelle en matière civile et pénale ainsi qu’une fonction de conciliation en matière civile. Deuxièmement, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, de la loi no 374/1991, le juge de paix est tenu aux devoirs qui incombent aux magistrats ordinaires. Troisièmement, le juge de paix, à l’instar d’un magistrat ordinaire, est censé respecter des tableaux indiquant la composition de la justice de paix à laquelle il appartient, ces tableaux régissant en détail et de manière contraignante l’organisation de leur travail, y compris l’attribution des dossiers, les dates et les heures des audiences. Quatrièmement, tant le magistrat ordinaire que le juge de paix sont tenus d’observer les ordres de service du chef de corps ainsi que les décisions d’organisation spéciales et générales du CSM. Cinquièmement, le juge de paix est tenu, tout comme un magistrat ordinaire, d’être constamment accessible. Sixièmement, en cas de manquement à ses devoirs déontologiques et de service, le juge de paix est soumis, à l’égal du magistrat ordinaire, au pouvoir disciplinaire du CSM. Septièmement, le juge de paix est soumis aux même critères rigoureux que ceux applicables pour les évaluations d’aptitude du magistrat ordinaire. Huitièmement, un juge de paix se voit appliquer les mêmes règles en matière de responsabilité civile et de préjudice financier causé à l’État, que celles que la loi prévoit pour le magistrat ordinaire.

147    Toutefois, en ce qui concerne les fonctions de juge de paix, il ressort des éléments du dossier que les litiges réservés à la magistrature  honoraire et, en particulier, aux juges de paix ne présentent pas la complexité qui caractérise les litiges dévolus aux magistrats ordinaires. Les juges de paix traiteraient principalement des affaires de moindre importance, tandis que les magistrats ordinaires siégeant dans des instances supérieures traiteraient des affaires de plus grande importance et complexité. En outre, en vertu de l’article 106, deuxième alinéa, de la Constitution italienne, les juges de paix peuvent uniquement siéger en qualité de juges uniques et ne pourraient donc pas être affectés à des juridictions collégiales.

148    Dans ces conditions, il appartient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour apprécier les faits, de déterminer, en dernier ressort, si un juge de paix tel que la requérante au principal, se trouve dans une situation comparable à celle d’un magistrat ordinaire ayant réussi la troisième évaluation d’aptitude professionnelle et ayant acquis au moins quatorze années d’ancienneté au cours de la même période (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C‑677/16, EU:C:2018:393, point 52 et jurisprudence citée).

149    S’il est établi qu’un juge de paix tel que la requérante au principal et les magistrats ordinaires sont comparables, il convient encore de vérifier s’il existe une raison objective justifiant une différence de traitement telle que celle en cause au principal.

150    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de « raisons objectives », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, doit être comprise comme ne permettant pas de justifier une différence de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée par le fait que cette différence est prévue par une norme générale ou abstraite, telle qu’une loi ou une convention collective (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C‑677/16, EU:C:2018:393, point 56 et jurisprudence citée).

151    Ladite notion requiert, selon une jurisprudence également constante, que l’inégalité de traitement constatée soit justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi dont il s’agit, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents, afin de vérifier si cette inégalité répond à un besoin véritable, est apte à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Lesdits éléments peuvent résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C‑677/16, EU:C:2018:393, point 57 ainsi que jurisprudence citée).

152    Le recours à la seule nature temporaire d’emploi n’est pas conforme à ces exigences et n’est donc pas susceptible de constituer une « raison objective », au sens de la clause 4, points 1 et/ou 4, de l’accord-cadre. En effet, admettre que la seule nature temporaire d’une relation d’emploi suffit pour justifier une différence de traitement entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée viderait de leur substance les objectifs de la directive 1999/70 ainsi que de l’accord-cadre et reviendrait à pérenniser le maintien d’une situation défavorable aux travailleurs à durée déterminée (arrêt du 20 septembre 2018, Motter, C‑466/17, EU:C:2018:758, point 38).

153    Le seul fait que le travailleur à durée déterminée a accompli lesdites périodes de service sur le fondement d’un contrat ou d’une relation de travail à durée déterminée ne constitue pas une telle raison objective (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2018, Motter, C‑466/17, EU:C:2018:758, point 39).

154    En l’occurrence, pour justifier la différence de traitement alléguée dans l’affaire au principal, le gouvernement italien fait valoir que l’existence d’un concours initial spécialement conçu pour les magistrats ordinaires aux fins de l’accès à la magistrature, ce qui n’est pas inhérent à la nomination des juges de paix, constitue une raison objective. En effet, ce gouvernement estime que la compétence des juges de paix est différente de celle des magistrats ordinaires recrutés sur concours. Contrairement à ces derniers, en ce qui concerne la nature particulière des tâches et leurs caractéristiques inhérentes, les juges de paix seraient en charge de litiges dont le niveau de complexité et le volume ne correspondent pas à ceux des affaires des magistrats ordinaires.

155    Compte tenu de ces différences, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif, le gouvernement italien estime justifié de traiter de manière différente les juges de paix et les magistrats ordinaires.

156    À cet égard, il y a lieu de considérer que, eu égard à la marge d’appréciation dont jouissent les États membres, s’agissant de l’organisation de leurs propres administrations publiques, ceux-ci peuvent, en principe, sans contredire la directive 1999/70 ni l’accord-cadre, prévoir des conditions d’accès à la magistrature ainsi que des conditions d’emploi applicables tant aux magistrats ordinaires qu’aux juges de paix (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2018, Motter, C‑466/17, EU:C:2018:758, point 43).

157    Toutefois, nonobstant cette marge d’appréciation, l’application des critères que les États membres établissent doit être effectuée de manière transparente et pouvoir être contrôlée afin d’empêcher tout traitement défavorable des travailleurs à durée déterminée sur le seul fondement de la durée des contrats ou des relations de travail justifiant leur ancienneté et leur expérience professionnelle (arrêt du 20 septembre 2018, Motter, C‑466/17, EU:C:2018:758, point 44).

158    Lorsqu’un tel traitement différencié résulte de la nécessité de tenir compte d’exigences objectives relatives à l’emploi que la procédure de recrutement a pour objet de pourvoir et qui sont étrangères à la durée déterminée de la relation de travail liant le travailleur à son employeur, il est susceptible d’être justifié, au sens de la clause 4, points 1 et/ou 4, de l’accord-cadre (arrêt du 20 septembre 2018, Motter, C‑466/17, EU:C:2018:758, point 45).

159    À cet égard, il convient de considérer que certaines différences de traitement entre des travailleurs à durée indéterminée recrutés à l’issue d’un concours et des travailleurs à durée déterminée recrutés à l’issue d’une procédure différente de celle prévue pour les travailleurs à durée indéterminée peuvent, en principe, être justifiées par les différences de qualifications requises et la nature des tâches dont ils doivent assumer la responsabilité (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2018, Motter, C‑466/17, EU:C:2018:758, point 46).

160    Les objectifs allégués par le gouvernement italien consistant à refléter les différences d’exercice professionnel entre un juge de paix et un magistrat ordinaire peuvent donc être considérés comme constituant une « raison objective », au sens de la clause 4, points 1 et/ou 4, de l’accord-cadre, pour autant qu’ils répondent à un besoin véritable, sont aptes à atteindre l’objectif poursuivi et sont nécessaires à cet effet (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2018, Motter, C‑466/17, EU:C:2018:758, point 47).

161    Dans ces conditions, si les différences entre les procédures de recrutement des juges de paix et des magistrats ordinaires n’exigent pas nécessairement de priver les juges de paix d’un congé annuel payé, correspondant à celui prévu pour les magistrats ordinaires, il n’en reste pas moins que ces différences et, notamment, l’importance particulière accordée par l’ordre juridique national et, plus particulièrement, par l’article 106, paragraphe 1, de la Constitution italienne, aux concours spécifiquement conçus aux fins du recrutement des magistrats ordinaires, paraissent indiquer une nature particulière des tâches dont ces derniers doivent assumer la responsabilité et un niveau différent des qualifications requises aux fins de l’accomplissement de ces tâches. En tout état de cause, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, à cette fin, les éléments qualitatifs et quantitatifs disponibles concernant les fonctions exercées par les juges de paix et les magistrats professionnels, les contraintes horaires et les astreintes auxquelles ils sont soumis ainsi que, de manière générale, l’ensemble des circonstances et des faits pertinents.

162    Sous réserve des vérifications qui relèvent de la seule compétence de cette juridiction, il apparaît que les objectifs invoqués par le gouvernement italien en l’occurrence, à savoir refléter les différences d’exercice professionnel entre les juges de paix et les magistrats professionnels, pourraient être de nature à répondre à un besoin véritable et les différences de traitement existant entre ces deux catégories, y compris en matière de congé annuel payé, être considérées comme étant proportionnées aux objectifs qu’elles poursuivent.

163    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième partie de la deuxième question que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui ne prévoit pas le droit pour un juge de paix à bénéficier d’un congé annuel payé de 30 jours, tel que celui prévu pour les magistrats ordinaires, dans l’hypothèse où ce juge de paix relèverait de la notion de « travailleur à durée déterminée », au sens de la clause 2, point 1, de cet accord-cadre, et où il se trouverait dans une situation comparable à celle d’un magistrat ordinaire, à moins qu’une telle différence de traitement ne soit justifiée par les différences de qualifications requises et la nature des tâches dont lesdits magistrats doivent assumer la responsabilité, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur les dépens

164    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens que le Giudice di pace (juge de paix, Italie) relève de la notion de « juridiction d’un des États membres », au sens de cet article.

2)      L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, et l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’un juge de paix qui, dans le cadre de ses fonctions, effectue des prestations réelles et effectives, qui ne sont ni purement marginales ni accessoires, et pour lesquelles il perçoit des indemnités présentant un caractère rémunératoire, peut relever de la notion de « travailleur », au sens de ces dispositions, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

La clause 2, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens que la notion de « travailleur à durée déterminée », figurant à cette disposition, peut englober un juge de paix, nommé pour une période limitée, qui, dans le cadre de ses fonctions, effectue des prestations réelles et effectives, qui ne sont ni purement marginales ni accessoires, et pour lesquelles il perçoit des indemnités présentant un caractère rémunératoire, ce qu’il appartient au juge de renvoi de vérifier.

La clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui ne prévoit pas le droit pour un juge de paix à bénéficier d’un congé annuel payé de 30 jours, tel que celui prévu pour les magistrats ordinaires, dans l’hypothèse où ce juge de paix relèverait de la notion de « travailleur à durée déterminée », au sens de la clause 2, point 1, de cet accord-cadre, et où il se trouverait dans une situation comparable à celle d’un magistrat ordinaire, à moins qu’une telle différence de traitement ne soit justifiée par les différences de qualifications requises et la nature des tâches dont lesdits magistrats doivent assumer la responsabilité, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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