Vizzone v Commission (Freedom of movement for workers - Order) French Text [2020] EUECJ T-658/19_CO (14 February 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T65819_CO.html
Cite as: EU:T:2020:71, ECLI:EU:T:2020:71, [2020] EUECJ T-658/19_CO

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

14 février 2020 (*)

« Référé – Demande de mesures provisoires – Méconnaissance des exigences de forme – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑658/19 R,

Tiziano Vizzone, demeurant à Bariano (Italie), représenté par M. M. Bettani,

partie requérante,

contre

Commission européenne,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant à l’adoption de mesures provisoires,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Procédure et conclusions du requérant

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2019, le requérant, M. Tiziano Vizzone, a formé un recours fondé sur l’article 263 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission européenne, du 29 juillet 2019, qui aurait interprété l’ordonnance du 7 mars 2019, Bettani/Commission (C‑392/18 P, non publiée, EU:C:2019:186), remettant ainsi en question une décision juridictionnelle devenue définitive et compromettant la stabilité du droit et des relations juridiques ainsi que l’administration correcte de la justice (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, à obtenir une déclaration d’« incompétence fonctionnelle » de la Commission, du ministero di giustizia (ministère de la Justice, Italie), du Consiglio Nazionale Forense (Conseil national de l’ordre des avocats, Italie, ci-après le « CNF »), et de la Corte suprema di cassazione, sezioni unite (Cour de cassation, chambres réunies, Italie) pour interpréter ladite ordonnance, et pour décider et prendre des dispositions relatives à la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats (JO 1977, L 78, p. 17), et à la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise (JO 1998, L 77, p. 36), ainsi qu’une déclaration d’incompétence fonctionnelle du CNF en tant que juridiction spécialisée s’agissant de l’application desdites directives, et une déclaration selon laquelle il ne peut être considéré comme une juridiction au sens de ces directives.

2        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 8 octobre 2019, le requérant a introduit la présente demande en référé.

3        Par la demande en référé, le requérant conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        répondre que, s’agissant de l’examen de validité d’un document de l’Uniunea Națională a Barourilor din România (association nationale des barreaux de Roumanie, ci-après l’« UNBR »), le CNF, les ministres de la justice et la Commission ne sont pas des juridictions d’un État membre au sens de l’article 267 TFUE, étant donné que, aux fins de l’article 3 de la directive 98/5, le caractère obligatoire de la compétence du CNF, des ministres de la justice et la Commission fait défaut, dès lors qu’il n’existe aucune obligation, ni en droit ni en fait, pour l’UNBR, de confier l’examen de validité d’un document émanant de celle-ci en tant qu’autorité compétente de l’État membre d’origine conformément aux directives 77/249 et 98/5 à un contrôle de légalité du CNF, des ministres et de la Commission, y compris parce que l’UNBR, comme les autorités judiciaires compétentes, n’ont pas été impliquées dans le choix de la procédure administrative italienne ni appelées à intervenir d’office dans le cours de la procédure ;

–        répondre à la question de savoir si le droit du titulaire exclusif d’une marque de l’Union européenne est affecté par la contestation de ce droit par un tiers invoquant une loi nationale relative à un domaine autre que celui de la propriété intellectuelle ;

–        prendre toutes les mesures nécessaires afin que les juridictions italiennes disposent des garanties nécessaires pour éviter tout risque d’utilisation d’un tel régime en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires.

 En droit

4        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

5        L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

6        Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

7        En outre, en vertu de l’article 156, paragraphe 5, du règlement de procédure, la demande doit notamment être présentée par acte séparé et dans les conditions prévues à l’article 76 du même règlement, et en particulier conformément à celle qui y est énoncée au paragraphe 1, sous d), de ce dernier article selon laquelle toute requête doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

8        Il découle d’une lecture combinée de l’article 156, paragraphe 4, première phrase, et de l’article 156, paragraphe 5, du règlement de procédure qu’une demande relative à des mesures provisoires doit, à elle seule, permettre au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’une telle demande soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la demande en référé, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans celle-ci (voir ordonnance du 4 décembre 2015, E-Control/ACER, T‑671/15 R, non publiée, EU:T:2015:975, point 8 et jurisprudence citée).

9        Par ailleurs, le paragraphe 223 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure prévoit expressément que la demande en référé doit être compréhensible par elle-même, sans qu’il soit nécessaire de se référer à la requête dans l’affaire au principal, y compris les annexes à la requête.

10      En outre, il convient d’ajouter que, pour comprendre la demande en référé, il n’appartient pas au juge des référés d’examiner le recours au principal, sauf à priver d’effet la disposition du règlement de procédure qui prévoit que la demande relative à des mesures provisoires doit être présentée par acte séparé (voir ordonnance du 25 juin 2003, Schmitt/AER, T‑175/03 R, EU:T:2003:179, point 20 et jurisprudence citée).

11      Dès lors que le non-respect du règlement de procédure constitue une fin de non-recevoir d’ordre public, il appartient au juge des référés d’examiner d’office si les dispositions applicables de ce règlement ont été respectées (voir ordonnance du 2 août 2006, BA.LA. di Lanciotti Vittorio e.a./Commission, T‑163/06 R, non publiée, EU:T:2006:226, point 35 et jurisprudence citée).

12      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que la demande en référé, prise dans son ensemble, est confuse et peu compréhensible. En effet, les éléments de droit et de fait pertinents ne sont pas présentés de façon claire et rigoureuse, ce qui rend impossible l’analyse de l’argumentation juridique exposée au soutien des moyens de la demande.

13      Ainsi, dans la partie « Exposé des faits » de la demande en référé, le requérant se borne à affirmer que ses droits de la défense ont été objectivement enfreints en Italie en raison du « système » d’interprétation et d’application de la directive 98/5 et que les difficultés se sont aggravées avec la radiation matérielle du nom de son avocat, dans la mesure où celle-ci s’accompagnait de la radiation dudit nom dans le système informatisé permettant le déroulement régulier de la défense. À cet égard, il mentionne une jurisprudence du CNF relative à l’interprétation de ladite directive selon laquelle, à défaut d’une autorisation préliminaire du barreau italien, les avocats européens ne disposeraient pas du ius postulandi dans certaines conditions.

14      S’agissant du fondement de la demande, le requérant semble invoquer un lien entre, d’une part, les faits dénoncés en Italie et, d’autre part, la décision attaquée, dans laquelle la Commission aurait interprété l’ordonnance du 7 mars 2019, Bettani/Commission (C‑392/18 P, non publiée, EU:C:2019:186). À cet égard, il soutient qu’il existe des doutes quant à la question de savoir si le CNF, qui serait soumis au contrôle du ministre de la Justice, est en mesure d’assurer la protection de la clientèle et des intérêts publics liés à l’exercice de la profession et au déroulement correct de la fonction juridictionnelle. Lorsqu’il évoque la Commission, il affirme que, dans les précédentes communications et dans la décision attaquée, celle-ci se serait prévalue de son pouvoir discrétionnaire pour refuser l’introduction d’une action en manquement. Bien que légitime en apparence, ce choix résulterait en un détournement de pouvoir qui aurait permis aux ministres de la justice italien et roumain d’enfreindre le principe d’indépendance des juges et de refuser également la procédure de renvoi préjudiciel prévue par l’article 267 TFUE.

15      Selon le requérant, il est nécessaire et urgent de résoudre les incertitudes ainsi constatées, surtout dans les procédures pénales qui portent sur des délits d’importance particulière en matière pénale. Il affirme également que l’urgence ressort des faits récents et des documents transmis et que cette urgence est encore aggravée par le risque que son avocat se voie opposer l’infraction visée à l’article 348 du code pénal roumain.

16      Toutefois, le requérant n’avance aucun fait ou argument permettant de comprendre de quelle manière la situation qu’il dénonce découlerait de la décision attaquée. Il ne fournit pas non plus d’explication quant à la nécessité des mesures provisoires demandées afin d’éviter un préjudice grave et irréparable à ses intérêts. En effet, dans la demande en référé, le requérant n’expose aucunement les faits à l’origine du litige principal, ni les points contestés de ladite décision qui, par ailleurs, ne figure pas parmi les annexes à la demande en référé.

17      À cet égard, il convient de rappeler que, pour pouvoir apprécier si le préjudice allégué présente un caractère grave et irréparable, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et qui permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de la situation dont elle prétend qu’elle justifie l’octroi de ces mesures (voir ordonnance du 4 décembre 2015, E‑Control/ACER, T‑671/15 R, non publiée, EU:T:2015:975, point 14 et jurisprudence citée).

18      En second lieu, et en toute hypothèse, ne sauraient être considérées comme recevables les deux premières conclusions du requérant portant des demandes en interprétation des directives 77/249 et 98/5 et de l’étendue du droit exclusif accordé au titulaire de la marque de l’Union. En effet, il ressort de la jurisprudence constante que, d’une part, les mesures que peut ordonner le juge des référés sont provisoires, en ce sens qu’elles doivent cesser, en principe, de produire leurs effets dès le prononcé de l’arrêt qui met fin à l’instance et ne peuvent préjuger en rien la décision du Tribunal à rendre ultérieurement sur le recours principal, ni neutraliser par avance les conséquences de cette décision, et, d’autre part, que ces mesures sont de nature accessoire, en ce sens qu’elles doivent tendre uniquement à sauvegarder, pendant la procédure principale devant le Tribunal, les intérêts d’une des parties au litige afin de ne pas rendre illusoire l’arrêt au principal en le privant d’effet utile (voir ordonnances du 3 mars 1998, Carlsen e.a./Conseil, T‑610/97 R, EU:T:1998:48, point 55 et jurisprudence citée, et du 23 janvier 2012, Henkel et Henkel France/Commission, T‑607/11 R, non publiée, EU:T:2012:22, point 23 et jurisprudence citée).

19      En ce qui concerne le chef de conclusions visant à l’adoption de « toutes les mesures nécessaires afin que les juridictions italiennes disposent des garanties nécessaires pour éviter tout risque d’utilisation d’un tel régime en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires », il convient de relever que celui-ci revêt un caractère vague et imprécis, de sorte qu’il doit être déclaré irrecevable (voir ordonnances du 2 juillet 2004, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, T‑422/03 R II, EU:T:2004:202, point 59 et jurisprudence citée, et du 6 avril 2016, GABO:mi/Commission, T‑10/16 R, non publiée, EU:T:2016:197, point 33 et jurisprudence citée).

20      Il résulte de tout ce qui précède que la présente demande en référé doit être rejetée comme irrecevable sans qu’il y ait lieu de la signifier à la partie défenderesse.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 14 février 2020.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : l’italien.

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