Moi v Parliament (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-17/19 (03 February 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T1719.html
Cite as: EU:T:2021:51, ECLI:EU:T:2021:51, [2021] EUECJ T-17/19

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ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

3 février 2021 (*)

« Droit institutionnel – Parlement – Harcèlement moral – Décisions du président du Parlement concluant à l’existence d’une situation de harcèlement subi par deux assistants parlementaires accrédités et prononçant à l’encontre d’un député la sanction de perte du droit à l’indemnité de séjour pendant douze jours – Articles 11 et 166 du règlement intérieur du Parlement – Recours interne – Décision du bureau du Parlement confirmant la sanction – Article 167 du règlement intérieur du Parlement – Recours en annulation – Délai de recours – Recevabilité – Droits de la défense – Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑17/19,

Giulia Moi, demeurant à Siddi (Italie), représentée par Mes M. Pisano et P. Setzu, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. T. Lazian, Mmes S. Seyr et M. Windisch, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, à titre principal, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de divers actes adoptés dans le cadre d’une procédure en constatation et sanction de harcèlement ouverte contre la requérante et, à titre subsidiaire, une demande tendant à la constatation du caractère excessif et/ou disproportionné de la sanction qui lui a été imposée et à son remplacement par celle prévue à l’article 166, sous a), du règlement intérieur du Parlement et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à la condamnation du Parlement à lui accorder une indemnité et à charger le président de rendre l’information publique en session plénière du Parlement,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise, P. Nihoul (rapporteur), Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        La requérante, Mme Giulia Moi, a été députée au Parlement européen de 2014 à 2019.

2        Le 22 novembre 2017, deux de ses assistants parlementaires accrédités (ci-après les « deux APA ») ont introduit une demande d’assistance sur le fondement de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), en invoquant une situation de travail difficile.

3        Les 27 et 28 novembre 2017, les deux APA ont déposé une plainte pour harcèlement auprès du comité sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail traitant des plaintes opposant des assistants parlementaires accrédités à des députés au Parlement (ci-après le « comité consultatif »), institué par l’article 1er, paragraphe 1, de la réglementation interne sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail traitant des plaintes opposant des assistants parlementaires accrédités à des députés du Parlement du 14 avril 2014, telle que modifiée le 6 juillet 2015 (ci-après la « réglementation du 14 avril 2014, telle que modifiée le 6 juillet 2015 »).

4        Par courrier du 23 février 2018, le comité consultatif a informé la requérante du contenu des plaintes des deux APA et l’a invitée à présenter ses observations sur leurs allégations.

5        Le 27 février 2018, les deux APA ont été entendus par le comité consultatif.

6        Le 9 mars 2018, la requérante a déposé ses observations sur les plaintes des deux APA.

7        Le 20 mars 2018, la requérante a été entendue par le comité consultatif.

8        Le 28 mars 2018, la requérante a adressé au comité consultatif des documents additionnels.

9        Par courrier du 22 mai 2018, la présidente du comité consultatif a adressé au président du Parlement un avis dans lequel le comité consultatif concluait à l’existence d’un harcèlement au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

10      Par courrier du 3 juillet 2018, notifié le lendemain, le président du Parlement a informé la requérante des conclusions de l’avis du comité consultatif quant à l’existence d’un harcèlement et l’a invitée à présenter ses observations sur ces conclusions pour le 20 juillet 2018.

11      Par courrier du 18 juillet 2018, parvenu au Parlement le 20 juillet suivant, la requérante a répondu à l’invitation du président en contestant l’existence d’un harcèlement.

12      Dans un courrier du 2 octobre 2018, le président du Parlement a, après avoir examiné l’avis du comité consultatif et les observations de la requérante, informé celle-ci qu’« [il partageait] l’avis du comité consultatif, qui [avait] établi que la situation invoquée par les deux plaignants [relevait] du harcèlement moral au sens du statut ». Au cours de la procédure devant le Tribunal, le Parlement a désigné ce courrier comme étant la « décision du président sur la situation de harcèlement ». Cet intitulé sera utilisé dans la suite du présent arrêt pour désigner le document en question.

13      Le même jour, le président du Parlement a adressé à la requérante un autre document, intitulé « Décision du président du 2 octobre 2018 », dans lequel, d’une part, il a affirmé que la conduite de la requérante « viol[ait] les principes et les valeurs auxquels le règlement [intérieur du Parlement] fai[sai]t référence, en particulier l’article 2 [TUE] et les articles 1er (respect de la dignité humaine) et 31 (droit à des conditions de travail qui respectent la santé, la sécurité et la dignité des travailleurs) de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », et, d’autre part, il a indiqué avoir « décidé d’imposer à [la requérante], à titre de sanction pour son comportement à l’égard des [deux APA], qualifié de harcèlement moral, la perte du droit à son indemnité de séjour pour une période de douze jours ». Au cours de la procédure, le Parlement a désigné ce courrier comme étant la « décision du président sur la sanction ». Cet intitulé sera utilisé dans la suite du présent arrêt pour désigner ledit document.

14      Les deux documents mentionnés aux points 12 et 13 ci-dessus ont été notifiés ensemble à la requérante.

15      Le 16 octobre 2018, la requérante a, ainsi que le lui permettait l’article 167 du règlement intérieur du Parlement, tel qu’il est applicable (ci-après le « règlement intérieur »), introduit auprès du bureau du Parlement un recours interne contre la décision du président sur la sanction. Dans ce recours, elle a contesté le fait que son comportement à l’égard des deux APA pût être qualifié de harcèlement et, à titre subsidiaire, demandé qu’une sanction plus légère lui fût infligée.

16      Par décision du 12 novembre 2018, prononcée le 14 novembre suivant en séance plénière et notifiée le même jour, le bureau du Parlement a confirmé la décision du président sur la sanction (ci-après la « décision du bureau du Parlement »).

II.    Procédure et conclusions des parties

17      Par requête du 11 janvier 2019, la requérante a introduit le présent recours.

18      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, invité le Parlement à déposer certains documents et posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre par écrit. Les parties ont répondu à ces demandes dans le délai qui leur était imparti.

19      Sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

20      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 juillet 2020.

21      Par son recours, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision du bureau du Parlement, la décision du président sur la sanction ainsi que « tout acte préalable, connexe et consécutif [à] la sanction visée » ;

–        à titre subsidiaire, « constater que la sanction disciplinaire infligée est excessive [ou] disproportionnée et, par suite, la remplacer par celle prévue à l’article 166, [paragraphe 3, sous] a), du règlement intérieur » ;

–        en tout état de cause, condamner  le Parlement à lui accorder une indemnisation qu’il déterminera en équité, consistant dans le versement d’une somme fixée à 50 000 euros ou de tout autre montant supérieur ou inférieur qu’il juge juste, et charger le président du Parlement de rendre l’information publique en session plénière ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

22      La requérante formule en outre diverses demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction ainsi que des demandes de présentation de preuves et d’offres de preuve.

23      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter comme irrecevable la demande d’annulation de la décision du président sur la sanction ;

–        rejeter la demande d’annulation de tout autre acte préparatoire, connexe ou consécutif à la sanction comme irrecevable ;

–        rejeter les demandes faites au Tribunal d’adresser des injonctions au Parlement et de se substituer à ce dernier comme irrecevables ;

–        rejeter les demandes de présentation des preuves et des offres de preuve ainsi que les demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction comme irrecevables ;

–        rejeter les demandes de dommages et intérêts comme irrecevables ;

–        rejeter le recours comme irrecevable pour partie et, en tout état de cause, comme non fondé pour le surplus ;

–        condamner la requérante à l’ensemble des dépens.

III. En droit

A.      Sur le droit applicable

24      À titre préliminaire, il y a lieu de relever que les dispositions applicables à l’espèce sont les articles 11, 166 et 167 du règlement intérieur ainsi que la réglementation du 14 avril 2014, telle que modifiée le 6 juillet 2015.

25      Ainsi que l’a reconnu le Parlement dans ses réponses aux questions qui lui ont été posées par le Tribunal, c’est par erreur que, dans sa décision sur la sanction, le président du Parlement s’est référé à la décision du bureau du Parlement du 2 juillet 2018 relative au fonctionnement du comité consultatif chargé d’examiner les plaintes pour harcèlement qui concernent des députés du Parlement et aux procédures en la matière.

26      En effet, conformément à son article 15, paragraphe 1, cette dernière décision ne s’applique qu’aux demandes d’assistance introduites après le 1er septembre 2018. Or, en l’espèce, comme il ressort du point 2 ci-dessus, les demandes d’assistance ont été introduites par les deux APA le 22 novembre 2017.

B.      Sur la demande d’annulation

1.      Sur la recevabilité de la demande d’annulation au regard de l’article 76 du règlement de procédure

27      Sans soulever expressément une fin de non-recevoir, le Parlement observe que, contrairement à ce qu’exige l’article 76 du règlement de procédure, la requérante n’a pas structuré sa demande en annulation autour de moyens clairement identifiés.

28      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit, notamment, contenir l’objet du litige et un exposé sommaire desdits moyens. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du 12 décembre 2018, SH/Commission, T‑283/17, EU:T:2018:917, point 86 et jurisprudence citée).

29      En l’espèce, il est exact que la requête ne repose pas sur l’invocation successive de moyens présentés sous des intitulés distincts.

30      Cependant, comme le relève la requérante dans la réplique, cette façon de procéder n’empêche pas le Tribunal d’identifier, au soutien de la demande d’annulation, trois moyens, que le Parlement a d’ailleurs contestés. Ces moyens sont tirés, premièrement, d’une violation de l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux, du principe du respect des droits de la défense, du devoir d’impartialité ainsi que du « droit à la participation et au contradictoire », deuxièmement, d’un défaut de motivation et, troisièmement, d’un détournement de pouvoir.

31      Partant, il convient de considérer que la requête satisfait aux exigences prévues à l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

2.      Sur l’objet de la demande d’annulation

32      Ainsi qu’il ressort de la description de l’objet de la requête et de ses conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision du bureau du Parlement.

33      Sur la première page de la requête, dans la définition de l’objet du recours, la requérante demande en outre l’annulation de la décision du président sur la sanction.

34      De plus, il y a lieu de relever que, même si la décision du président sur la situation de harcèlement n’est pas explicitement mentionnée dans la description de l’objet de la requête, ni dans ses conclusions parmi les actes dont l’annulation est demandée, il ressort de l’exposé des moyens que la requérante a clairement entendu contester cette décision.

35      Ce point n’est d’ailleurs pas contesté par le Parlement.

36      Dès lors que le Parlement a pu identifier cette demande et qu’il a pu y répondre de manière circonstanciée, il y a lieu de considérer que la demande d’annulation porte également sur la décision du président sur la situation de harcèlement, même si cette décision ne figure pas formellement dans la description que fait la requête de l’objet du recours (voir, en ce sens, arrêt du 2 mars 1967, Simet et Feram/Haute Autorité, 25/65 et 26/65, EU:C:1967:4, p. 53).

37      Le fait que la demande d’annulation concerne également la décision du président sur la situation de harcèlement est confirmé par la demande formulée par la requérante dans la description de l’objet du recours ainsi qu’au point 17 de la requête et portant sur l’annulation de tout autre acte préalable, connexe ou consécutif à la sanction.

38      Il ne ressort pas du dossier que, par cette dernière demande, la requérante ait visé d’autres décisions que la décision du président sur la situation de harcèlement.

39      En conséquence, il y a lieu de considérer que la demande d’annulation porte sur la décision du président sur la situation de harcèlement, la décision du président sur la sanction et la décision du bureau du Parlement (ci-après les « décisions attaquées »).

3.      Sur la recevabilité de la demande d’annulation, en tant qu’elle vise la décision du président sur la sanction

40      Le Parlement estime que, pour autant qu’elle est dirigée contre la décision du président sur la sanction, la demande en annulation doit être rejetée comme étant irrecevable pour deux raisons, invoquées, l’une, à titre principal, et l’autre, à titre subsidiaire.

41      À titre principal, le Parlement soutient que la décision du président sur la sanction a été remplacée par la décision du bureau du Parlement, qui constitue la prise de position finale de l’institution et donc celle contre laquelle devait être dirigé le recours.

42      À cet égard, il importe de relever que la décision du bureau du Parlement a été adoptée à la suite d’un recours interne introduit par la requérante sur le fondement de l’article 167 du règlement intérieur contre la décision du président sur la sanction.

43      Or, selon la jurisprudence, l’existence d’une voie de recours administrative contre une décision, que cette voie de recours présente un caractère obligatoire ou facultatif, n’a pas d’incidence sur le droit de l’intéressé d’introduire, à tout moment, un recours juridictionnel contre ladite décision (arrêt du 21 février 2018, LL/Parlement, C‑326/16 P, EU:C:2018:83, point 34).

44      Dès lors, il ne peut être considéré, notamment au regard du droit à un recours juridictionnel effectif, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, que l’introduction d’une procédure de réclamation au sens de l’article 167 du règlement intérieur porte atteinte au droit à un recours juridictionnel contre la décision litigieuse (voir, par analogie, arrêt du 21 février 2018, LL/Parlement, C‑326/16 P, EU:C:2018:83, point 35).

45      Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe. Dans ces conditions, le recours juridictionnel, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’Union de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêts du 21 février 2018, LL/Parlement, C‑326/16 P, EU:C:2018:83, point 36, et du 19 septembre 2018, Selimovic/Parlement, T‑61/17, non publié, EU:T:2018:565, point 45).

46      En outre, selon une jurisprudence également constante, le recours est recevable, qu’il soit dirigé contre la seule décision faisant l’objet de la réclamation, contre la décision portant rejet de cette réclamation ou contre ces deux décisions conjointement, à condition que ladite réclamation et le recours aient été formés dans les délais prévus auxdits articles (voir arrêt du 21 février 2018, LL/Parlement, C‑326/16 P, EU:C:2018:83, point 37 et jurisprudence citée).

47      Il résulte de ce qui précède que l’adoption de la décision du bureau du Parlement n’empêche pas la requérante d’exercer son recours contre la décision du président sur la sanction, quand bien même cette dernière décision aurait fait l’objet d’un recours fondé sur l’article 167 du règlement intérieur.

48      À titre subsidiaire, le Parlement fait valoir que le recours, en tant qu’il est dirigé contre la décision du président sur la sanction, est irrecevable au motif qu’il a été introduit après l’expiration du délai de deux mois prévu par l’article 263, sixième alinéa, TFUE.

49      À cet égard, il importe de rappeler qu’une voie de recours administrative, qu’elle soit facultative ou non, a pour objet de permettre et de favoriser un règlement amiable du différend surgi entre l’intéressé et l’administration, et ce afin d’éviter un contentieux (arrêts du 21 février 2018, LL/Parlement, C‑326/16 P, EU:C:2018:83, point 25, et du 19 septembre 2018, Selimovic/Parlement, T‑61/17, non publié, EU:T:2018:565, point 43).

50      En l’espèce, la procédure visée à l’article 167 du règlement intérieur constitue une voie précontentieuse facultative. Or, cette dernière serait privée de son effet utile si le député concerné devait, après avoir usé de cette faculté aux fins d’un règlement amiable, introduire un recours juridictionnel avant l’issue de cette procédure administrative, afin de respecter le délai de recours contre la décision faisant l’objet de ladite procédure (arrêt du 19 septembre 2018, Selimovic/Parlement, T‑61/17, non publié, EU:T:2018:565, point 43).

51      Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’article 167 du règlement intérieur prévoit que, si le bureau du Parlement ne prend pas de décision sur le recours interne dans le délai de quatre semaines prévu à cette fin, la sanction est réputée nulle et non avenue, de sorte qu’aucun recours juridictionnel n’est nécessaire dans une telle hypothèse (arrêt du 19 septembre 2018, Selimovic/Parlement, T‑61/17, non publié, EU:T:2018:565, point 44).

52      En conséquence, il y a lieu de considérer que, dans le cadre du présent recours, la requérante pouvait demander l’annulation de la décision du président sur la sanction, au plus tard, le jour de l’expiration du délai de recours calculé à compter de la notification de la décision du bureau du Parlement (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2018, Selimovic/Parlement, T‑61/17, non publié, EU:T:2018:565, point 48 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 février 2018, LL/Parlement, C‑326/16 P, EU:C:2018:83, point 41).

53      En l’espèce, la décision du bureau du Parlement a été adoptée le 12 novembre 2018 et notifiée à la requérante le 14 novembre suivant. Or, le recours en annulation a été introduit le 11 janvier 2019.

54      Il en résulte que le recours, en ce qu’il concerne la décision du président sur la sanction, ne saurait être considéré comme tardif.

4.      Sur la recevabilité de la demande d’annulation, en tant qu’elle vise la décision du président sur la situation de harcèlement

55      Par ailleurs, le Parlement estime que, en tant qu’elle porte sur la décision du président sur la situation de harcèlement, la demande d’annulation a été introduite après l’expiration des délais prévus par l’article 263, sixième alinéa, TFUE.

56      À cet égard, il convient de relever que, comme l’indique le Parlement, la décision du président sur la situation de harcèlement a été adoptée le 2 octobre 2018 tandis que le présent recours a été introduit le 11 janvier 2019, soit plus de deux mois après la notification de cette décision.

57      À l’audience, le Parlement a exposé que la procédure concernant les actes de harcèlement reprochés à des membres du Parlement a été organisée de manière à tenir compte, d’une part, de la situation particulière de ces derniers et, d’autre part, du souhait, manifesté par le bureau du Parlement, de n’être impliqué que dans la réclamation portant sur la sanction sans être associé à la partie de la procédure concernant la constatation d’un harcèlement.

58      C’est pour ces raisons qu’une procédure en deux parties aurait été mise en place, chacune de ces parties étant soumise à un régime distinct sur le plan des voies de recours, puisque, au contraire de la décision du président sur la situation de harcèlement, l’organisation mise en place par le Parlement permet à la personne mise en cause de former un recours interne auprès du bureau du Parlement contre la décision du président sur la sanction.

59      Pour le Parlement, cette organisation est fondée, d’une part, sur les articles 166 et 167 du règlement intérieur et, d’autre part, sur l’article 12 de la réglementation du 14 avril 2014, telle que modifiée le 6 juillet 2015.

60      À cet égard, il convient de relever que l’article 166 du règlement intérieur, intitulé « Sanctions », dispose, en son paragraphe 1, premier alinéa, ce qui suit :

« Dans le cas où un député trouble la séance ou perturbe les travaux du Parlement d’une manière grave en violation des principes définis à l’article 11, le [p]résident adopte une décision motivée prononçant la sanction appropriée. »

61      L’article 167 du règlement intérieur, intitulé « Voies de recours internes », dispose ce qui suit :

« Le député concerné peut introduire un recours interne devant le [b]ureau dans un délai de deux semaines à partir de la notification de la sanction prononcée par le [p]résident, en vertu de l’article 166, paragraphes 1 à 4. Ce recours suspend l’application de cette sanction. Le [b]ureau peut, au plus tard quatre semaines après l’introduction du recours ou, s’il ne se réunit pas dans cet intervalle, lors de la réunion suivante, annuler la sanction prononcée, la confirmer ou la modifier, sans préjudice des droits de recours externes à la disposition du député concerné. En l’absence de décision du [b]ureau dans le délai imparti, la sanction est réputée nulle et non avenue. »

62      Quant à l’article 12 de la réglementation du 14 avril 2014, telle que modifiée le 6 juillet 2015, il énonce ce qui suit :

« 1.      Au vu de l’avis du [comité consultatif], le [p]résident arrête une décision motivée sur la question de savoir si l’existence d’une situation de harcèlement est ou non avérée. Il indique par écrit au comité les mesures qu’il envisage de prendre. Il en informe les parties concernées. Avant de prendre toute décision concluant à l’existence d’une situation de harcèlement, le [p]résident entend le député concerné.

[...]

3.      Le cas échéant, le [p]résident du Parlement prend une sanction envers le député concerné conformément aux articles 11 et 166 du [règlement intérieur]. L’audition du député au titre du paragraphe 1 vaut audition au sens de l’article 166, paragraphe 1, du [r]èglement [intérieur]. »

63      Contrairement à ce qu’indique le Parlement, il ne résulte pas de ces dispositions que, lorsqu’elles concernent des membres de cette institution, d’une part, les procédures relatives à un harcèlement doivent donner lieu, de manière nécessaire, à des décisions distinctes pour la situation de harcèlement et la sanction et, d’autre part, ces décisions doivent être soumises à des régimes de recours différenciés.

64      En effet, l’article 166 du règlement intérieur et l’article 12 de la réglementation du 14 avril 2014, telle que modifiée le 6 juillet 2015, prévoient seulement qu’une décision motivée est adoptée en cas de comportement répréhensible et qu’une sanction peut être imposée, sans exclure que ces éléments, a priori indissociables, soient traités dans la même décision.

65      Dans le même sens, l’article 167 du règlement intérieur se limite à préciser le point de départ du délai pour l’introduction d’une réclamation en indiquant que ce délai court à partir de l’imposition de la sanction, sans exclure que la décision contenant cette dernière puisse également établir la situation de harcèlement.

66      En outre, la distinction opérée par le Parlement entre la décision sur la sanction et celle constatant le harcèlement, à supposer qu’elle puisse s’appuyer sur les dispositions reprises aux points 60 à 62 ci-dessus, conduit à un traitement asymétrique de ces décisions en ce qui concerne les possibilités de recours, alors qu’elles sont indissociablement liées.

67      À cet égard, il convient de rappeler que, comme l’a souligné le bureau du Parlement au point 4 de sa décision, les recours doivent présenter un caractère « effectif ».

68      Cette exigence est consacrée à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, selon lequel toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours présentant un tel caractère.

69      Comme l’indique le Parlement, en l’absence de recours interne exercé par le membre du Parlement contre la décision du président sur la sanction, le juge de l’Union, directement saisi d’un recours contre cette décision, a la possibilité d’analyser, dans le cadre d’une même procédure juridictionnelle, les relations existant entre la sanction, les faits et la procédure.

70      Eu égard à l’obligation d’assurer un caractère effectif au recours, aucune raison ne justifie que le contrôle du juge sur la décision du président sur la sanction diffère, lorsque le membre du Parlement introduit, préalablement à la saisine du juge, un recours interne contre cette décision.

71      En effet, l’effectivité du recours requiert que, comme cela est le cas lorsqu’aucun recours interne n’est formé contre la décision du président sur la sanction, l’examen du juge de l’Union puisse porter à la fois sur la décision concernant le comportement et celle afférente à la sanction, dès lors qu’une sanction n’est légale que si, premièrement, le comportement étant avéré, le constat le concernant est fondé sur des preuves suffisantes, deuxièmement, il a fait l’objet d’une qualification juridique appropriée et, troisièmement, la sanction est proportionnée à la gravité dudit comportement, le tout ayant conduit à des décisions adoptées au terme d’une procédure exempte de vice.

72      L’existence de liens indissociables entre le constat du harcèlement, la sanction et le déroulement de la procédure a été reconnue, du reste, par le président du Parlement lui-même. D’une part, ce dernier a relevé, au point 7 de sa décision sur la sanction, que « [l]es conclusions et motifs de la décision relative au constat de harcèlement moral constitu[aient] la base de la présente décision relative à l’application d’une sanction ». D’autre part, il a indiqué, au point 11 de la même décision, décrivant ainsi lui-même la relation existant entre les différents éléments de la situation, que c’était « [c]ompte tenu de la gravité de la conduite de [la requérante], dont elle [avait] fait preuve de façon durable, répétitive et systématique, et qui témoign[ait] d’une absence flagrante de respect des valeurs et principes établis à l’article 11, paragraphe 3, du règlement [intérieur] », que « la sanction prononcée [...] [était] appropriée et proportionnée à la violation commise ».

73      En l’espèce, il est compréhensible que, souhaitant se défendre, la requérante ait fait usage de la possibilité, offerte par le règlement intérieur, d’introduire un recours interne contre la décision du président sur la sanction.

74      Cette circonstance ne saurait cependant avoir pour effet, au regard de la nécessité d’assurer un caractère effectif au recours devant le juge de l’Union, de priver la requérante d’un contrôle juridictionnel au cours duquel seront examinés, en tenant compte des liens indissociables qui les unissent, tous les aspects de la situation litigieuse.

75      Par ailleurs, si la requérante avait directement attaqué devant le juge de l’Union la décision du président sur la situation de harcèlement, le bureau du Parlement aurait dû faire un choix entre deux options, dont aucune n’aurait été satisfaisante dans ses conséquences administratives et juridictionnelles. Dans la première option, le bureau aurait pu se prononcer sur la sanction sans attendre la décision du juge, auquel cas la requérante aurait pu introduire un recours également contre cette décision, conduisant probablement le juge à joindre les deux recours contentieux et donc à différer son examen de la légalité sur la situation de harcèlement. Dans la seconde, le bureau aurait pu souhaiter attendre la décision du juge, auquel cas il se serait exposé au risque de ne pas pouvoir exercer son pouvoir de réexamen de la sanction, dès lors que, d’une part, en vertu de l’article 167 du règlement intérieur, en l’absence de décision du bureau dans un délai de quatre semaines après l’introduction du recours, la sanction contestée adoptée par le président du Parlement est réputée nulle et non avenue et, d’autre part, il ne ressort pas des dispositions du règlement intérieur que le bureau a la possibilité de suspendre la procédure devant lui dans l’attente de l’issue d’une procédure juridictionnelle.

76      Dans de telles conditions, le droit au recours effectif et le principe de la bonne administration de la justice exigent, d’une façon combinée, que le juge soit saisi, en même temps, en l’espèce, de la légalité des décisions constituant un seul et même litige, à savoir, en l’espèce, la décision constatant l’existence de faits de harcèlement et celle, qui en dépend, se prononçant sur la sanction qu’appellent de tels faits.

77      Ainsi, il y a lieu de considérer que, la décision du président sur la situation de harcèlement étant indissociablement liée à celle sur la sanction, le délai du recours en annulation contre la première n’a commencé à courir, comme pour la seconde, qu’à partir de la notification de la décision du bureau du Parlement adoptée à la suite du recours interne fondé sur l’article 167 du règlement intérieur (voir point 52 ci-dessus).

78      En conséquence, il convient de considérer que la demande d’annulation de la décision du président sur la situation de harcèlement ne peut être regardée comme tardive et est donc recevable.

5.      Sur le fond

79      Par le premier moyen, la requérante fait valoir que, au cours de la procédure ayant conduit, d’une part, à la qualification de son comportement comme constituant un harcèlement et, d’autre part, à l’imposition d’une sanction, elle n’a eu accès, bien qu’elle en ait fait la demande, ni aux pièces du dossier d’enquête, ni aux plaintes déposées par les deux APA, ni aux déclarations faites par ceux-ci devant le comité consultatif.

80      Cette argumentation est contestée par le Parlement.

a)      Sur la recevabilité du moyen

81      Par une question écrite, le Tribunal a demandé aux parties si la règle dite « de concordance » entre la réclamation et la requête était applicable dans le présent litige et quelle serait l’incidence de cette éventuelle application, ladite règle exigeant, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen ou un chef de contestation présenté devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse ou qu’il se rattache étroitement à une critique soulevée dans le même cadre.

82      Le Parlement a répondu que, si cette règle devait s’appliquer au cas d’espèce, le moyen relatif à la violation des droits de la défense devrait être déclaré irrecevable, car il n’aurait pas été soulevé par la requérante dans le cadre de son recours interne devant le bureau du Parlement.

83      La position défendue par le Parlement est contestée par la requérante.

84      À cet égard, il convient de rappeler que le recours est fondé sur l’article 263 TFUE et non pas sur l’article 270 TFUE.

85      Or, c’est dans le cadre des litiges introduits sur le fondement de cette dernière disposition et à propos de la réclamation préalable obligatoire instituée par le statut qu’a été dégagée la règle de concordance, sans qu’elle ait été étendue, à ce stade, par la Cour ou le Tribunal, aux recours qui, étant introduits sur la base de l’article 263 TFUE, sont précédés d’une phase administrative.

86      Pour autant que de besoin, il convient de rappeler que, dans le cadre de l’article 270 TFUE, la règle de la concordance tient compte du contexte spécifique régi par cette disposition. Selon celle-ci, la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer sur tout litige entre l’Union et ses agents dans les limites et conditions déterminées par le statut et le régime applicable aux autres agents, lesquels subordonnent, de manière explicite, la recevabilité des recours devant la Cour de justice de l’Union européenne, d’une part, à l’introduction d’une réclamation préalable et, d’autre part, à une décision explicite ou implicite de rejet par l’autorité investie du pouvoir de nomination.

87      En outre, il y a lieu de souligner à cet égard que ni le règlement intérieur ni aucun autre texte applicable en l’espèce ne subordonne la recevabilité du recours formé devant le juge de l’Union par un membre du Parlement à la présentation d’une réclamation préalable au sein du Parlement. En l’absence d’un tel texte, il convient, eu égard au droit à un recours effectif prévu par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, de donner à la requérante la possibilité de soulever tout moyen devant le juge de l’Union, quand bien même elle ne l’aurait pas fait devant le bureau du Parlement.

88      En l’espèce, l’application de la règle de concordance se justifie d’autant moins que, telle qu’elle est décrite par le Parlement, la procédure de recours interne prévue par l’article 167 du règlement intérieur ne peut porter que sur la sanction. Dans ces conditions, la recherche d’un règlement amiable ne saurait conduire à remettre en cause le constat de harcèlement, qui ne peut être contesté que devant le juge, et ne s’étend donc pas à l’ensemble du différend entre le député concerné et le Parlement.

89      En tout état de cause, le fait que la requérante n’ait pas formulé antérieurement l’argument tiré des droits de la défense est resté sans incidence sur l’examen du recours interne, car, comme il l’indique aux points 4 et 5 de sa décision, le bureau du Parlement, au moment d’adopter sa position, a vérifié que la procédure suivie n’avait été entachée d’aucun vice manifeste susceptible de compromettre la légalité de la décision d’imposer une sanction (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T‑214/99, EU:T:2000:272, points 37 et 38).

90      Ainsi, il convient de considérer que, pour les raisons exposées ci-dessus, la règle de la concordance n’est pas applicable à un litige tel que celui porté devant le Tribunal par la requérante et, par conséquent, que le premier moyen ne saurait être déclaré comme étant irrecevable au motif que la violation du principe du respect des droits de la défense n’aurait pas été invoquée devant le bureau du Parlement dans le cadre du recours interne fondé sur l’article 167 du règlement intérieur.

b)      Sur le bien-fondé du moyen

91      S’agissant du bien-fondé du moyen, il importe de rappeler que l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux dispose que le droit à une bonne administration comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires, ainsi que l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.

92      Dans l’arrêt du 4 avril 2019, OZ/BEI (C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 53), la Cour a rappelé que le droit d’être entendu prévu par cette disposition garantissait à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts.

93      Faisant application de l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux, la Cour a considéré, dans un cas où le recours en annulation avait été introduit par une personne harcelée contre la décision rejetant sa plainte, que le comité d’enquête, avant de transmettre ses recommandations au président de l’institution et, en tout état de cause, ce dernier, avant qu’il ne prenne une décision affectant défavorablement la partie requérante, devaient respecter le droit de celle-ci d’être entendue en sa qualité de plaignante (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 56).

94      Aussi la Cour a-t-elle estimé que, en tant que plaignante, la partie requérante était en droit, afin de pouvoir présenter utilement ses observations, de se faire communiquer, à tout le moins, un résumé des déclarations de la personne accusée de harcèlement et des différents témoins entendus, dans la mesure où ces déclarations avaient été utilisées par le comité d’enquête, dans son rapport, pour formuler des recommandations au président de l’institution en cause, au vu desquelles ce dernier avait fondé la décision litigieuse, la communication de ce résumé devant être effectuée dans le respect, le cas échéant, des intérêts légitimes de confidentialité (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 57).

95      Cette position a été confirmée dans l’arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement (C‑570/18 P, EU:C:2020:490, points 57 à 62), dans lequel, faisant application de la même disposition, la Cour a décidé, dans une autre procédure ayant abouti au rejet d’une plainte pour harcèlement, que, en tant que plaignante, la personne harcelée était en droit de se faire communiquer, à tout le moins, un résumé tant de l’avis du comité consultatif que des comptes rendus d’audition des témoins, dans la mesure où l’autorité chargée de statuer sur l’existence d’un harcèlement avait fondé la décision litigieuse sur ces documents.

96      Au point 66 de l’arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement (C‑570/18 P, EU:C:2020:490), la Cour a précisé que, afin de garantir la confidentialité des témoignages et les objectifs que celle-ci protégeait, tout en s’assurant que c’était utilement que la partie requérante était entendue avant qu’une décision lui faisant grief ne soit adoptée, il pouvait être recouru à certaines techniques telles que l’anonymisation, voire la divulgation de la substance des témoignages sous la forme d’un résumé, ou encore le masquage de certaines parties du contenu des témoignages.

97      Dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI (C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 53), et du 25 juin 2020, HF/Parlement (C‑570/18 P, EU:C:2020:490), la personne réclamant le droit d’être utilement entendue, comme indiqué aux points 93 et 95 ci-dessus, était une plaignante qui estimait avoir fait l’objet d’un harcèlement.

98      Une telle situation est différente de celle rencontrée dans la présente affaire, où l’argument concernant un accès insuffisant au dossier n’est pas formulé par la plaignante, mais par la personne accusée de harcèlement qui a été sanctionnée pour ce motif.

99      Dans ce cas, c’est le principe général du respect des droits de la défense, également invoqué par la requérante dans le cadre de son premier moyen, qui s’applique dans toute son étendue.

100    Selon la jurisprudence, ce principe général s’impose dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2012, Skareby/Commission, F‑42/10, EU:F:2012:64, point 46 et jurisprudence citée). Il en va en particulier ainsi lorsque la procédure peut aboutir à une sanction (arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 92). Ce principe fondamental du droit de l’Union doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, EU:C:1986:302, point 27 ; du 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C‑344/05 P, EU:C:2006:710, point 37, et du 27 octobre 2016, BCE/Cerafogli, T‑787/14 P, EU:T:2016:633, point 72).

101    Selon une jurisprudence constante, les droits de la défense comportent le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier et figurent au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et consacrés par la charte des droits fondamentaux (voir arrêt du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 32 et jurisprudence citée).

102    Ce principe s’applique en l’espèce, dès lors que la procédure ouverte à l’encontre de la requérante est susceptible d’aboutir, et a abouti, à une sanction à l’encontre d’un membre du Parlement pour un harcèlement.

103    Dans une procédure visant à établir l’existence d’un harcèlement, le principe général du respect des droits de la défense implique que, dans le respect d’éventuelles exigences de confidentialité, la personne mise en cause se voie, préalablement à l’adoption de la décision lui faisant grief, communiquer toutes les pièces du dossier, à charge et à décharge, concernant ledit harcèlement et qu’elle soit entendue sur celles-ci.

104    La communication de toutes les pièces du dossier est d’ailleurs expressément prévue par l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut pour les personnes auxquelles s’applique ce statut et faisant l’objet d’une enquête disciplinaire à la suite d’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF).

105    En l’espèce, il résulte du dossier et de l’audience que, durant la procédure ayant conduit à la constatation de la situation de harcèlement et à l’imposition de la sanction, si, par courrier du 23 février 2018, la requérante a été informée du contenu des plaintes des deux APA, elle n’a eu accès ni aux déclarations faites par ceux-ci le 27 février 2018 devant le comité consultatif ni aux pièces du dossier, en particulier les courriels et les textos, alors que ces différentes informations ont été prises en considération pour conclure à l’existence d’un harcèlement et sanctionner la requérante.

106    À l’audience, le Parlement a soutenu avoir respecté le principe du respect des droits de la défense, mais ne pas être tenu de donner à la requérante accès au dossier dans son intégralité. En tout état de cause, il fait valoir tout d’abord que, à aucun moment, la requérante n’aurait demandé l’accès au dossier. Ensuite, la communication des courriels et des textos sur lesquels se sont appuyés le comité consultatif puis le président du Parlement pour adopter leurs avis et décision se serait heurtée à des difficultés tenant au caractère confidentiel de ces documents. Enfin, la communication de ces éléments n’aurait pas été nécessaire parce que, ayant été adressés à la requérante ou émanant de celle-ci, elle aurait eu connaissance de leur contenu.

107    S’agissant du premier argument, il importe de rappeler que, contrairement à ce que soutient le Parlement, dans le cadre d’une procédure de harcèlement, l’accès au dossier ne peut être subordonné à une demande de la personne concernée. En effet, il appartient à l’autorité compétente, qui conduit la procédure ouverte à l’encontre de cette personne, de respecter toutes les garanties requises, en particulier celles tenant aux droits de la défense, sans attendre d’y être invitée.

108    En ce qui concerne le deuxième argument, il convient de constater que, dans son argumentation, le Parlement a fait état, en termes généraux, de la nécessité de protéger les plaignants pour expliquer que l’accès aux documents concernés avait été limité dans la procédure considérée, sans identifier les informations qui, en raison de leurs particularités, auraient requis une forme de confidentialité, ni les raisons qui l’auraient justifiée.

109    En toute hypothèse, il convient de rappeler que la confidentialité peut être assurée en recourant à diverses techniques telles que l’anonymisation, la divulgation de la substance des pièces du dossier sous la forme d’un résumé ou le masquage de certaines parties de leur contenu (arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 66).

110    Quant au troisième argument, qui, au demeurant, est en contradiction avec le deuxième, il convient de relever que, pour pouvoir assurer sa défense, la personne mise en cause doit avoir la possibilité de connaître avec précision les pièces du dossier sur lesquelles ont été fondées les charges retenues contre elle dans les décisions la concernant.

111    À l’audience, le Parlement a soutenu qu’il lui appartenait d’identifier les éléments à communiquer à la personne accusée de harcèlement, à charge pour celle-ci de demander les pièces sur lesquelles ces éléments étaient fondés si elle l’estimait nécessaire.

112    Cet argument ne saurait être accueilli. Dans le cadre d’une procédure pour harcèlement, il appartient aux instances compétentes de communiquer à l’intéressé, dans le respect d’éventuelles exigences de confidentialité, non seulement les éléments sur lesquels se fondent les allégations de harcèlement, mais également les pièces venant au soutien de ces allégations, comme celles, le cas échéant, qui permettraient de les réfuter, l’intéressé devant avoir la possibilité de déterminer par lui-même comment préparer et motiver sa défense.

113    Ainsi, les arguments invoqués par le Parlement à l’encontre de l’application en l’espèce du principe du respect des droits de la défense doivent être rejetés.

114    En conséquence, il convient de constater que, en l’espèce, le principe général du respect des droits de la défense a été violé.

c)      Sur les conséquences de la violation du principe du respect des droits de la défense

115    Selon la jurisprudence, une violation des droits de la défense n’entraîne l’annulation d’une décision adoptée au terme d’une procédure que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent (arrêt du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 76).

116    Pour la Cour, cette exigence est satisfaite lorsque, n’ayant pas eu accès aux pièces qui devaient lui être communiquées en application du respect dû aux droits de la défense, une requérante n’a pu utilement faire valoir ses observations (voir, en ce sens, arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, points 77 et 78, et du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 73) et s’est ainsi vue privée d’une chance, même réduite, de mieux assurer sa défense (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 56).

117    Dans un tel cas, un défaut de communication de pièces du dossier sur lesquelles s’est fondée l’administration affecte, en effet, de manière inévitable, au regard de la protection due aux droits de la défense, la régularité des actes pris au terme d’une procédure susceptible d’affecter la requérante défavorablement (voir, en ce sens, arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 78, et du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 73).

118    En l’espèce, il résulte du dossier et de l’audience que, durant la procédure la concernant, la requérante n’a eu accès ni aux déclarations faites par les deux APA le 27 février 2018 devant le comité consultatif ni à l’ensemble du dossier, en particulier au contenu intégral des courriels ou des textos sur lesquels les accusations étaient fondées, alors que ces informations ont été prises en considération dans le constat de harcèlement et l’imposition de la sanction.

119    À cet égard, il convient de rappeler que la définition du harcèlement moral au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, qui coïncide avec celle figurant à l’article 3, paragraphe 1, de la réglementation du 14 avril 2014, telle que modifiée le 6 juillet 2015, implique une qualification contextuelle des actes et des comportements des fonctionnaires et des agents, qui n’est pas toujours simple à effectuer (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 99, et du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 75).

120    Dans ces conditions, il convient de considérer, sur le fondement de la jurisprudence rappelée aux points 115 à 117 ci-dessus, que, n’ayant pas eu accès au contenu intégral du dossier, la requérante a été privée, en l’espèce, d’une chance de mieux assurer sa défense et que cette irrégularité a affecté, de manière inévitable, le contenu des décisions prises sur l’existence du harcèlement et sur la sanction.

121    Il convient dès lors de déterminer dans quelle mesure la violation du principe du respect des droits de la défense a affecté la légalité des différentes décisions attaquées.

1)      Sur la décision du président sur la situation de harcèlement

122    La décision du président sur le harcèlement est la première à avoir été adoptée au terme de la procédure qui a été viciée par la violation du principe du respect des droits de la défense constatée ci-dessus.

123    Ayant été adoptée sans que le président ait pu disposer des informations et des arguments qu’aurait pu développer la requérante si, conformément à ce principe, elle avait été mise en mesure de prendre connaissance des pièces du dossier sur lesquelles il entendait se fonder, cette décision doit être annulée.

2)      Sur la décision du président sur la sanction

124    Il est patent que la légalité de la décision du président sur la sanction est également affectée par la violation du principe du respect des droits de la défense constatée ci-dessus. En effet, elle a pour fondement les faits de harcèlement allégués dont le constat est lui-même affecté par une violation du principe du respect des droits de la défense.

125    En conséquence, la décision du président sur la sanction doit être annulée pour violation du principe du respect des droits de la défense.

3)      Sur la décision du bureau du Parlement

126    Le Parlement estime que la décision de son bureau ne concerne que la sanction, de sorte qu’elle ne pourrait être affectée par la violation du principe du respect des droits de la défense qui ne concernerait que la décision du président sur la situation de harcèlement.

127    Il convient de souligner que la décision du bureau du Parlement confirme la décision du président sur la sanction et qu’elle a également pour fondement les faits de harcèlement allégués dont le constat est affecté par une violation du principe du respect des droits de la défense. L’illégalité qui entache ce constat entraîne donc nécessairement l’illégalité de la décision du bureau du Parlement.

128    Certes, dans sa décision, le bureau du Parlement a limité la mission qu’il devait exercer dans le cadre de la réclamation fondée sur l’article 167 du règlement intérieur en indiquant au point 4, d’une part, qu’il était « uniquement compétent pour reconsidérer la sanction elle-même » et, d’autre part, qu’un réexamen portant sur le « bien-fondé » de la décision sur le harcèlement ou les « faits » sous-tendant la décision d’imposer une sanction ne relevait pas de ses attributions.

129    Il n’en demeure pas moins que, au même point 4 de sa décision, le bureau du Parlement a admis avoir procédé à une vérification de la régularité de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision sur la situation de harcèlement.

130    Ainsi, le bureau du Parlement a indiqué que, « afin de rendre le recours effectif, [il avait jugé] approprié de procéder à un examen se limitant à vérifier que le constat de harcèlement moral [avait] été établi dans de bonnes conditions et que, plus spécifiquement, la procédure suivie n’était pas entachée d’un vice manifeste susceptible de compromettre la légalité de la décision d’imposer une sanction ».

131    Dans le même sens, le bureau du Parlement a affirmé, au point 5 de sa décision, que la procédure n’était affectée d’aucun vice mettant en cause la validité de la décision relative à la situation de harcèlement et à celle relative à la sanction. Il a en effet énoncé que, « [s]ur cette base, le [b]ureau [était] d’avis que le constat de harcèlement moral établi par le [p]résident [...] a[vait] été effectué dans de bonnes conditions et que la procédure suivie n’a[vait] pas été entachée d’un vice manifeste susceptible de compromettre la légalité de la décision d’imposer une sanction ».

132    Ainsi, le bureau du Parlement a fondé sa décision sur une appréciation qui, pour les raisons exposées aux points 91 à 114 ci-dessus, a été portée en méconnaissance du principe du respect des droits de la défense.

133    Cette décision doit donc être annulée pour violation de ce principe.

4)      Conclusion sur la demande d’annulation

134    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de considérer, sans qu’il soit nécessaire d’examiner ni les autres griefs contenus dans le premier moyen, ni les autres moyens soulevés par la requérante, ni ses demandes de présentation de preuves et d’offres de preuve, ni ses demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction, que la décision du président sur la situation de harcèlement, la décision du président sur la sanction et la décision du bureau du Parlement doivent être annulées.

C.      Sur la demande visant au remplacement de la sanction disciplinaire infligée par celle prévue à l’article 166, paragraphe 4, sous a), du règlement intérieur

135    Dans les conclusions de la requête, la requérante demande au Tribunal, à titre subsidiaire, de « constater que la sanction disciplinaire prononcée est excessive et disproportionnée » et de la « remplacer par celle prévue à l’article 166, paragraphe 4, sous a), du règlement intérieur ». La sanction prévue par cette dernière disposition est le blâme.

136    La demande mentionnée au point 135 ci-dessus présentant un caractère subsidiaire par rapport à la demande d’annulation et celle-ci ayant été accueillie, il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande.

D.      Sur la demande de réparation

1.      Sur la demande indemnitaire

137    Dans la requête, la requérante demande la condamnation du Parlement au paiement d’un montant de 50 000 euros ou d’un montant supérieur ou inférieur que le Tribunal établira en équité pour le comportement de son président et des membres de son bureau. La sanction infligée à la requérante lui aurait été particulièrement dommageable en raison de son caractère injuste et parce qu’elle aurait été relayée par les médias non seulement au sein du Parlement, mais aussi dans les États membres.

138    Dans la réplique, la requérante indique qu’elle a subi trois types de préjudices, à savoir, premièrement, un préjudice patrimonial résultant de la perte de l’indemnité de séjour pendant douze jours et du fait qu’elle a dû se contenter des services d’une seule assistante parlementaire accréditée, deuxièmement, un préjudice moral résultant de la dégradation de son image en raison de l’importance médiatique de la sanction infligée et, troisièmement, un préjudice résultant de son exclusion du Mouvement 5 étoiles.

139    Le Parlement estime que cette demande doit être rejetée comme étant, à titre principal, irrecevable et, à titre subsidiaire, non fondée.

140    À cet égard, il y a lieu de relever tout d’abord que la réparation du préjudice patrimonial résultant de la perte de l’indemnité de séjour pendant douze jours est une conséquence possible des suites à donner à l’annulation de la décision du président sur la sanction et de la décision du bureau du Parlement. À cet égard, il convient de rappeler que, en application de l’article 266, premier alinéa, TFUE, c’est l’institution dont émane l’acte annulé qui est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation. Dans la répartition des compétences entre l’autorité judiciaire et l’autorité administrative, il appartient à l’institution dont émane l’acte annulé de déterminer les mesures requises pour exécuter un arrêt d’annulation (voir arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 55 et jurisprudence citée).

141    Ensuite, s’agissant du fait que la requérante a dû se contenter des services d’une seule assistante parlementaire accréditée, il y a lieu de constater qu’il n’est pas illégitime pour une institution de prendre des dispositions afin d’éloigner les personnes qui se plaignent d’un harcèlement de celle qui en est accusée.

142    Pour le reste, les demandes de la requérante visent à la réparation d’un préjudice moral.

143    À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé (arrêts du 9 juillet 1987, Hochbaum et Rawes/Commission, 44/85, 77/85, 294/85 et 295/85, EU:C:1987:348, point 22, et du 9 novembre 2004, Montalto/Conseil, T‑116/03, EU:T:2004:325, point 127), à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et non susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (arrêt du 31 mai 2018, Korwin-Mikke/Parlement, T‑352/17, EU:T:2018:319, point 78).

144    En l’espèce, l’annulation des décisions attaquées doit être considérée comme suffisante, d’autant plus que la décision du Tribunal sur le moyen tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense ne préjuge pas de l’existence ou non d’un harcèlement.

145    À titre surabondant, il y a lieu de relever que la requérante n’a pas, conformément aux règles applicables à la procédure devant le Tribunal, exposé les éléments visant à établir la responsabilité du Parlement en ce qui concerne le préjudice moral allégué.

146    Or, selon une jurisprudence constante, pour satisfaire aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, une requête visant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution de l’Union doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la partie requérante reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi, ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, EU:T:2017:533, point 66 et jurisprudence citée).

147    En l’espèce, la requérante n’a pas indiqué, dans la requête, en quoi consistait « le comportement [du] président [du Parlement] et [d]es membres [de son] bureau » qui serait à l’origine de ce préjudice moral et le lien de causalité entre ce comportement et ce préjudice. Elle n’y a pas non plus expliqué ce qu’elle avait subi à titre personnel.

148    De plus, aux termes de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, « les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires ».

149    En l’espèce, la requérante n’a pas produit les preuves de son préjudice moral en annexe à la requête, alors qu’elles sont antérieures à celle-ci. En effet, les différentes publications datent d’octobre 2018 et la décision par laquelle elle a été exclue de son parti est datée du 31 décembre 2018.

150    Certes, selon l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, « [l]es parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié ».

151    Toutefois, force est de constater que la requérante n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles les éléments de preuve qu’elle a produits l’ont été tardivement.

152    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande indemnitaire.

2.      Sur les autres demandes de réparation

153    Au point 63 de la requête, la requérante demande au Tribunal de « condamner le Parlement à adopter des mesures de dédommagement consistant [...] dans la communication de la décision rendue lors de la session plénière du Parlement [...] et dans la communication de l’information aux organes d’information les plus importants, par les soins et aux frais du Parlement [...], ainsi que toutes les communications publicitaires propres à restituer la juste considération de l’opinion publique à l’égard de la requérante ». De même, dans les conclusions de la requête, la requérante demande au Tribunal d’ordonner au président de rendre publique en séance plénière l’information portant sur l’existence de la réparation.

154    Comme le souligne le Parlement, le juge de l’Union ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative, adresser des injonctions à une institution ou à un organe de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2019, HJ/EMA, T‑881/16, non publié, EU:T:2019:5, point 26 et jurisprudence citée).

155    Selon la jurisprudence, ce principe ne conduit pas seulement au rejet des conclusions formulées dans le cadre d’un recours en annulation et visant à ordonner à l’institution ou à l’organe défendeur de prendre les mesures qu’implique l’exécution d’un arrêt d’annulation, en raison de l’incompétence du Tribunal, mais s’applique, en principe, également, à un recours en réparation dans le cadre duquel une partie requérante demande la condamnation d’une institution à prendre des mesures déterminées en vue de réparer le préjudice allégué (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2019, HJ/EMA, T‑881/16, non publié, EU:T:2019:5, point 26 et jurisprudence citée).

156    Il y a donc lieu de rejeter les demandes en réparation consistant dans « la communication de la décision rendue lors de la session plénière du Parlement [...] et dans la communication de l’information aux organes d’information les plus importants, par les soins et aux frais du Parlement [...], ainsi que toutes les communications publicitaires propres à restituer la juste considération de l’opinion publique à l’égard de la requérante ».

IV.    Sur les dépens

157    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

158    Selon l’article 134, paragraphe 2, du règlement de procédure, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

159    En vertu de l’article 135 du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

160    En l’espèce, l’équité requiert que, quoique la demande en réparation de la requérante ait été rejetée, le Parlement soit condamné à supporter l’ensemble de ses propres dépens et de ceux exposés par la requérante dès lors qu’il a succombé en l’essentiel de son argumentation.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Sont annulées la décision du président du Parlement européen du 2 octobre 2018 qualifiant de harcèlement moral le comportement de Mme Giulia Moi à l’égard de deux de ses assistants parlementaires accrédités, la décision du président du Parlement du 2 octobre 2018 imposant à Mme Moi, à titre de sanction pour son comportement à l’égard de deux de ses assistants parlementaires, qualifié de harcèlement moral, la perte du droit à son indemnité de séjour pour une période de douze jours et la décision du bureau du Parlement du 12 novembre 2018 concernant la réclamation introduite par Mme Moi le 16 octobre 2018 conformément à l’article 167 du règlement intérieur du Parlement.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.


3)      Le Parlement est condamné aux dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Frendo

 

      Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 février 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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