Alkattan v Council (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-218/20 (10 November 2021)


BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Alkattan v Council (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-218/20 (10 November 2021)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T21820.html
Cite as: [2021] EUECJ T-218/20, ECLI:EU:T:2021:765, EU:T:2021:765

[New search] [Help]


ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

10 novembre 2021 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à un procès équitable – Erreur d’appréciation – Détermination des critères d’inscription »

Dans l’affaire T‑218/20,

Waseem Alkattan, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Me G. Karouni, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Limonet et V. Piessevaux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (PESC) 2020/212 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2020, L 43 I, p. 6), du règlement d’exécution (UE) 2020/211 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2020, L 43 I, p. 1), de la décision (PESC) 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2020, L 168, p. 66), du règlement d’exécution (UE) 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2020, L 168, p. 1), de la décision (PESC) 2021/855 du Conseil, du 27 mai 2021, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2021, L 188, p. 90), et du règlement d’exécution (UE) 2021/848 du Conseil, du 27 mai 2021, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2021, L 188, p. 18), en tant que ces actes visent le requérant et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait subi du fait de ces actes,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 2 juillet 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Waseem Alkattan, également désigné sous les noms « Al Kattan » ou « Kattan », est un homme d’affaires de nationalité syrienne.

2        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/273/PESC, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi que le gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe. Le nom du requérant n’y figurait pas lors de l’adoption de ladite décision.

4        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2011, L 121, p. 1). La teneur de ce règlement est, pour l’essentiel, identique à celle de la décision 2011/273. La liste des personnes, des entités et des organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés à ces responsables, figurant à l’annexe II dudit règlement, est identique à celle figurant à l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement no 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et, par ailleurs, examine la liste qui y figure à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

5        Par la décision 2011/782/PESC, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO 2011, L 319, p. 56), le Conseil a estimé, compte tenu de la gravité de la situation en Syrie, qu’il était nécessaire d’instituer des mesures restrictives supplémentaires. Par souci de clarté, les mesures imposées par la décision 2011/273 et les mesures supplémentaires ont été regroupées dans un instrument juridique unique. La décision 2011/782 prévoit, à son article 18, des restrictions en matière d’admission sur le territoire de l’Union des personnes dont la liste figure à l’annexe I et, à son article 19, le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et des entités dont le nom figure aux annexes I et II.

6        Le règlement no 442/2011 a été remplacé par le règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2012, L 16, p. 1).

7        La décision 2011/782 a été remplacée par la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/782 (JO 2012, L 330, p. 21), elle-même remplacée par la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14).

8        Le 12 octobre 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/1836, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75). Le même jour, il a adopté le règlement (UE) 2015/1828, modifiant le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 266, p. 1).

9        Aux termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, « [l]e Conseil a estimé que, en raison du contrôle étroit exercé sur l’économie par le régime syrien, un cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie n’[était] en mesure de maintenir son statut que grâce à des liens étroits avec le régime et au soutien de celui-ci, ainsi qu’à l’influence exercée en son sein », et « [l]e Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives pour imposer des restrictions à l’admission des femmes et des hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, identifiés par [lui] et dont la liste figure à l’annexe I, ainsi que pour geler tous les fonds et ressources économiques qui leur appartiennent, qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par eux, afin de les empêcher de fournir un soutien matériel ou financier au régime et, par l’influence qu’ils exercent, d’accroître la pression sur le régime lui-même afin qu’il modifie sa politique de répression ».

10      La rédaction des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été modifiée par la décision 2015/1836. Ces articles prévoient désormais des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres ainsi que le gel des fonds des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », sauf « informations suffisantes indiquant [que ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, lié[e]s au régime ou qu’[elles] n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’[elles] ne sont pas associé[e]s à un risque réel de contournement ».

11      Le règlement 2015/1828 a modifié, notamment, la rédaction de l’article 15 du règlement no 36/2012 afin d’y intégrer les nouveaux critères d’inscription définis par la décision 2015/1836 et introduits dans la décision 2013/255.

12      Par la décision d’exécution (PESC) 2020/212 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2020, L 43 I, p. 6), et le règlement d’exécution (UE) 2020/211 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2020, L 43 I, p. 1), (ci-après, dénommés ensemble, les « actes initiaux »), le nom du requérant a été inséré à la ligne 290 du tableau A des listes des noms des personnes, entités et organismes visés par les mesures restrictives qui figurent à l’annexe I de la décision 2013/255 et à l’annexe II du règlement no 36/2012 (ci-après, dénommées ensemble, les « listes en cause »), avec la mention des motifs suivants :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie qui soutient le régime et en tire avantage. Propriétaire de multiples entreprises et sociétés holding ayant des intérêts et exerçant des activités dans divers secteurs économiques tels que l’immobilier, l’hôtellerie de luxe et les centres commerciaux. Waseem [Alkattan] a connu une ascension rapide en tant qu’homme d’affaires influent en imposant des taxes sur les marchandises introduites clandestinement dans la Ghouta orientale assiégée, et il participe maintenant à des formes de clientélisme agressives au bénéfice du régime. Waseem [Alkattan] bénéficie financièrement d’un accès privilégié aux marchés publics et aux licences et contrats attribués par les agences du gouvernement, grâce aux liens étroits qu’il entretient avec le régime. »

13      Le 18 février 2020, le Conseil a procédé à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis à l’attention des personnes et entités qui faisaient l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 et par le règlement no 36/2012 (JO 2020, C 55, p. 7). Les personnes et entités concernées par cet avis pouvaient, conformément à ce dernier, adresser au Conseil, avant le 1er mars 2020, une demande de réexamen de la décision par laquelle leur nom avait été inscrit sur les listes en cause. Le requérant n’a pas utilisé cette faculté.

14      Le 28 mai 2020, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2020/719, modifiant la décision 2013/255 (JO 2020, L 168, p. 66), et le règlement d’exécution (UE) 2020/716, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2020, L 168, p. 1) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes de maintien de 2020 »). En vertu de la décision 2020/719, l’application de la décision 2013/255 a été prorogée jusqu’au 1er juin 2021. Le nom du requérant a été maintenu à la ligne 290 du tableau A des listes en cause sur la base de motifs identiques à ceux retenus dans les actes initiaux.

15      Le 29 mai 2020, le Conseil a procédé à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis à l’attention des personnes et entités qui faisaient l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 et par le règlement no 36/2012 (JO 2020, C 180, p. 10). Les personnes et entités concernées par cet avis pouvaient, conformément à ce dernier, adresser au Conseil, avant le 1er mars 2021, une demande de réexamen de la décision par laquelle leur nom avait été inscrit sur les listes en cause. Le requérant n’a pas utilisé cette faculté.

16      Le 27 mai 2021, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2021/855, modifiant la décision 2013/255 (JO 2021, L 188, p. 90), et le règlement d’exécution (UE) 2021/848, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2021, L 188, p. 18) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes de maintien de 2021 »). En vertu de la décision 2021/855, l’application de la décision 2013/255 a été prorogée jusqu’au 1er juin 2022. Le nom du requérant a été maintenu à la ligne 290 du tableau A des listes en cause sur la base de motifs identiques à ceux retenus dans les actes initiaux.

17      Le 28 mai 2021, le Conseil a procédé à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis à l’attention des personnes et entités qui faisaient l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 et par le règlement no 36/2012 (JO 2021, C 201, p. 6).

18      Le 28 mai 2021, le Conseil a informé le représentant du requérant de l’adoption des actes de maintien de 2021 ainsi que de la possibilité de solliciter, avant le 1er mars 2022, un réexamen de la décision par laquelle son nom a été maintenu sur les listes en cause.

II.    Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 avril 2020, le requérant a introduit le présent recours tendant à l’annulation des actes initiaux, en tant que ces actes le concernent, et à la réparation du préjudice qu’il aurait prétendument subi du fait de ceux-ci.

20      Le 17 juillet 2020, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense.

21      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 juillet 2020, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, adapté une première fois la requête, de sorte que celle-ci tend également à l’annulation des actes de maintien de 2020 en tant que ces actes le concernent et à la réparation du préjudice qu’il aurait prétendument subi du fait de ces actes. Le requérant a réitéré les chefs de conclusions qui figuraient dans la requête. Le 8 septembre 2020, le Conseil a déposé les observations sur le premier mémoire en adaptation.

22      La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, le 23 novembre 2020 et le 21 décembre 2020.

23      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a) et d), du règlement de procédure, le Tribunal a, le 5 mai 2021, demandé au Conseil de répondre à une série de questions et de produire un document. Le Conseil a répondu aux questions et déféré à la demande de production du document dans le délai imparti.

24      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 22 juin 2021, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure, adapté une seconde fois la requête, de sorte que celle-ci tend également à l’annulation des actes de maintien de 2021 en tant que ces actes le concernent et à la réparation du préjudice qu’il aurait prétendument subi du fait de ces actes. Le requérant a réitéré les chefs de conclusions qui figuraient dans la requête.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal au cours de l’audience qui s’est déroulée le 2 juillet 2021, lors de laquelle, en application de la décision du président de la quatrième chambre du 28 juin 2021, le Conseil a également présenté ses observations sur le second mémoire en adaptation et une nouvelle preuve. En particulier, le Conseil a renvoyé aux moyens et arguments contenus dans le mémoire en défense et la duplique.

26      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes initiaux, les actes de maintien de 2020 et les actes de maintien de 2021 (ci-après, dénommés ensemble, les « actes attaqués ») en tant qu’ils le concernent ;

–        condamner le Conseil à lui payer la somme de 500 000 euros à titre de dommage et intérêts en réparation de tous les préjudices confondus ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

27      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité de la preuve déposée par le Conseil lors de l’audience

28      Il y a lieu d’examiner la recevabilité de la preuve déposée par le Conseil le 2 juillet 2021, soit lors de l’audience de plaidoiries, à savoir la lettre du 28 mai 2021 adressée par le Conseil au requérant, par laquelle, en substance, il a été informé de l’adoption des actes de maintien de 2021 pour autant qu’ils le concernent.

29      Le requérant a adapté une première et une seconde fois la requête au sens de l’article 86 du règlement de procédure, adaptations mentionnées aux points 21 et 24 ci-dessus. Ainsi qu’il ressort du point 25 ci-dessus, c’est à la suite de la décision du président de la quatrième chambre que le Conseil a présenté ses observations sur le second mémoire en adaptation lors de l’audience de plaidoiries. Or, il est constant entre les parties que le Conseil a produit la lettre du 28 mai 2021 au soutien des observations sur le second mémoire en adaptation.

30      Partant, la preuve produite par le Conseil est recevable.

B.      Sur les conclusions en annulation

31      Au soutien des conclusions en annulation des actes attaqués, le requérant invoque trois moyens, tirés, respectivement, le premier, d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation et, le troisième, d’une erreur d’appréciation.

32      Il convient d’examiner, tout d’abord, le deuxième moyen, avant d’examiner, ensuite, le premier moyen et, enfin, le troisième moyen.

1.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

33      Le requérant soutient que la motivation fournie par le Conseil ne satisfait pas à l’obligation qui incombe aux institutions de l’Union en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, en ce qu’elle serait vague, générale et imprécise. À cet égard, la jonction des différentes occurrences contenues dans les motifs des actes attaqués ne lui permettrait pas de comprendre ce que le Conseil lui reprocherait. Premièrement, il ne comprendrait pas le lien entre ses activités et la répression exercée contre les populations civiles. Il conteste avoir, à titre personnel ou par l’intermédiaire de ses entreprises, des liens, de manière directe ou indirecte, avec une coentreprise publique ou bénéficiant du soutien de l’État syrien ou avoir bénéficié de terres expropriées pour réaliser ses projets, tels que ces éléments sont décrits aux considérants 2 des actes initiaux. Selon lui, aucune preuve ne serait produite par le Conseil en ce sens. Le requérant conteste l’argument du Conseil selon lequel il aurait confondu les motifs fondant l’inscription de son nom sur les listes en cause avec ceux des considérants 2 des actes initiaux.

34      Deuxièmement, le requérant ne comprendrait pas le contenu des motifs d’inscription, notamment, tout d’abord, le fait qu’il imposerait des taxes sur les marchandises, puisque cette prérogative appartiendrait aux autorités publiques. Le Conseil ne démontrerait pas qu’il possède un statut de fonctionnaire d’une administration prélevant des taxes. En outre, le terme « clandestinité » serait contradictoire avec ses liens présumés avec le régime syrien. Enfin, le Conseil ne démontrerait pas en quoi consiste la participation à « des formes agressives de clientélisme ».

35      Troisièmement, le Conseil reproduirait, dans la motivation de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, les critères d’inscription en une formule générale et stéréotypée. Le requérant fait valoir que, contrairement à ce que soutient le Conseil, la seule connaissance du contexte de la prise de décision ne saurait rendre la motivation suffisante. Il affirme, à cet égard, qu’il existe une contradiction dans l’argumentation du Conseil. D’une part, le Conseil allèguerait que la seule connaissance par le requérant du contexte de la décision justifierait sa motivation et, d’autre part, le Conseil estimerait que seuls importeraient les motifs personnels et spécifiques d’inscription.

36      Quatrièmement, le requérant soutient que l’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprenne les motifs des actes qui sont attaqués au cours de la procédure devant le juge de l’Union.

37      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

38      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue le corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 60 et jurisprudence citée).

39      Il convient également de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 61 et jurisprudence citée).

40      La motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel de fonds doit permettre que soient identifiées les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles celui-ci considère, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 63 et jurisprudence citée).

41      Cependant, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 64 et jurisprudence citée).

42      Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 65 et jurisprudence citée).

43      En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 66 et jurisprudence citée).

44      Enfin, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une forme substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cet acte. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond dudit acte, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 96 et jurisprudence citée).

45      En l’espèce, il convient de relever, en premier lieu, que les arguments du requérant selon lesquels il ne comprendrait pas les motifs d’inscription, relatifs, premièrement, à l’imposition alléguée de taxes sur les marchandises, deuxièmement, à l’utilisation contradictoire avec ses liens présumés au régime syrien du terme « clandestinité » et, troisièmement, à l’absence de démonstration de ce que recouvrent les « formes agressives de clientélisme », visent, en réalité, à contester les éléments factuels qui ont été retenus par le Conseil pour justifier l’inscription de son nom sur les listes en cause. Dès lors que ces arguments ne tendent pas à remettre spécifiquement en cause le caractère suffisant de la motivation des actes attaqués, mais plutôt le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie du requérant et l’existence de liens entre le requérant et le régime syrien, ils doivent être examinés dans le cadre du troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation.

46      En deuxième lieu, les arguments relatifs au fait que le requérant ne comprendrait pas le lien entre ses activités, telles que mentionnées dans les motifs d’inscription, et la répression exercée contre les populations civiles et ceux par lesquels il conteste avoir, à titre personnel ou par l’intermédiaire de ses entreprises, des liens, de manière directe ou indirecte, avec une coentreprise publique ou bénéficiant du soutien de l’État syrien, ou bénéficier de terres expropriées pour réaliser ses projets, doivent être rejetés. Au préalable, il importe de relever que la référence à « la répression exercée contre les populations civiles » ne ressort pas du libellé des considérants 2 des actes initiaux. En outre, comme le soutient le Conseil, le requérant confond les motifs fondant la motivation individuelle de l’inscription de son nom sur les listes en cause et le contenu desdits considérants. Ces derniers sont illustratifs, comme en témoigne le recours aux termes « notamment » et « y compris », et reflètent des considérations politiques d’ordre général ayant conduit le Conseil à adopter les actes initiaux. Dès lors, le Conseil n’est pas tenu d’exposer, dans les motifs d’inscription, des éléments visant à prouver que la situation du requérant correspond aux situations décrites aux considérants 2 des actes initiaux.

47      En troisième lieu, en ce qui concerne les raisons pour lesquelles des mesures restrictives visant le requérant ont été adoptées et maintenues, il convient de relever que les motifs d’inscription de son nom sont restés inchangés entre l’adoption des actes initiaux et celle des actes de maintien de 2020 et des actes de maintien de 2021. Ainsi, le Conseil a motivé l’inscription de son nom sur les listes en cause de la manière suivante :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie qui soutient le régime et en tire avantage. Propriétaire de multiples entreprises et sociétés holding ayant des intérêts et exerçant des activités dans divers secteurs économiques tels que l’immobilier, l’hôtellerie de luxe et les centres commerciaux. Waseem [Alkattan] a connu une ascension rapide en tant qu’homme d’affaires influent en imposant des taxes sur les marchandises introduites clandestinement dans la Ghouta orientale assiégée, et il participe maintenant à des formes de clientélisme agressives au bénéfice du régime. Waseem [Alkattan] bénéficie financièrement d’un accès privilégié aux marchés publics et aux licences et contrats attribués par les agences du gouvernement, grâce aux liens étroits qu’il entretient avec le régime. »

48      Tout d’abord, il convient de rappeler que les critères généraux d’inscription énoncés à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient que les personnes et les entités bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou soutenant celui-ci font l’objet de mesures restrictives. De même, la teneur de l’article 27, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, et de l’article 28, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, de ladite décision, reprise, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, dudit règlement, dispose que la catégorie des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » fait l’objet de mesures restrictives, sauf s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement.

49      Ainsi qu’il est expliqué plus en détail aux points 97 à 102 ci-après, il y a lieu de déduire des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, mentionnés aux points 12 et 47 ci-dessus, que ce dernier a vu son nom être inscrit et maintenu sur les listes en cause, en raison, premièrement, de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et, deuxièmement, de son lien avec le régime syrien. Autrement dit, l’inscription du nom du requérant est fondée, d’une part, sur le critère défini au paragraphe 2, sous a), de l’article 27 et de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et au paragraphe 1 bis, sous a), de l’article 15 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie) et, d’autre part, sur le critère défini au paragraphe 1 de l’article 27 et de l’article 28 de ladite décision et au paragraphe 1, sous a), de l’article 15 dudit règlement (critère de l’association avec le régime).

50      Ensuite, il convient de constater que les raisons, spécifiques et concrètes, ayant conduit le Conseil à procéder à l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause et à l’y maintenir sont indiquées de manière suffisamment claire pour permettre au requérant de les comprendre. En effet, les motifs d’inscription portent, premièrement, sur des faits concernant le requérant, à savoir, son ascension rapide en tant qu’homme d’affaires influent grâce à l’imposition de taxes sur les marchandises introduites clandestinement dans la Ghouta orientale (Syrie) assiégée, puis, désormais, sa participation à des formes de clientélisme agressives au bénéfice du régime. Deuxièmement, ils se réfèrent, de manière claire, au soutien financier que le requérant retire du régime syrien en raison de son accès privilégié aux marchés publics et aux licences et contrats attribués par les agences du gouvernement syrien. Troisièmement, il est vrai que les motifs d’inscription qualifient le requérant comme étant un « [p]ropriétaire de multiples entreprises et sociétés holding » sans toutefois préciser à quelles sociétés il est fait référence. Néanmoins, ces derniers indiquent les secteurs de l’immobilier, de l’hôtellerie de luxe et des centres commerciaux, dans lesquels le requérant a des intérêts et exerce des activités. Pour le surplus, les « informations d’identification » figurant dans la deuxième colonne du tableau A des listes en cause, entre celle indiquant le nom et celle précisant les motifs d’inscription de la personne concernée, qui précisent ces motifs d’inscription, mentionnent, notamment, les sociétés « Muruj Cham (Murooj al-Cham) Investment and Tourism Group, Adam and Investment LLC et Universal Market Company LLC ». Ainsi, le fait que le Conseil n’ait pas exposé de manière détaillée les « multiples entreprises et sociétés holding » du requérant ne saurait conduire à constater une violation de l’obligation de motivation qui lui incombe, dès lors que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 42 et 43 ci-dessus, le Conseil n’est pas tenu de spécifier tous les éléments de fait pertinents et que le requérant a été mis en mesure de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Par conséquent, le Conseil ne s’est pas limité à reproduire, dans la motivation de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, les critères d’inscription en une formule générale et stéréotypée.

51      De surcroît, les moyens et les arguments soulevés par le requérant dans ses écritures indiquent, d’une part, qu’il a été mis en mesure de connaître les justifications des mesures prises à son égard afin de pouvoir les contester utilement devant le juge de l’Union, et, d’autre part, que le contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures était connu de lui. Il résulte des points 49 et 50 ci-dessus que, contrairement à ce que soutient le requérant, la connaissance, par lui, du contexte de la prise de décision ne rend pas à elle seule la motivation suffisante, mais est un des éléments lui permettant de comprendre la portée de la mesure prise à son égard, au sens de la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus.

52      Dès lors, la motivation des actes attaqués est compréhensible et suffisamment précise pour permettre au requérant de connaître les raisons ayant conduit le Conseil à considérer que l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause étaient justifiés et d’en contester la légalité devant le juge de l’Union ainsi que pour permettre à ce dernier d’exercer son contrôle.

53      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le deuxième moyen.

2.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable

54      Le requérant soutient, en substance, que les actes attaqués violent ses droits de la défense et son droit à un procès équitable, tels que prévus à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et aux articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, dans la mesure où le Conseil ne l’a pas entendu avant l’adoption desdits actes. Le requérant fait valoir qu’il a été privé de la possibilité de faire valoir ses arguments pour se défendre avant son inscription sur les listes en cause, alors que, désormais, lui et sa famille subissent des conséquences fortement préjudiciables. Au regard de la gravité des sanctions imposées, le contentieux des mesures restrictives aurait, selon le requérant, un caractère pénal. Il conteste, en substance, la jurisprudence constante issue du point 61 de l’arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran (C‑27/09 P, EU:C:2011:853). Au même titre que pour l’examen de la proportionnalité de la mesure restrictive, le Conseil aurait dû effectuer une appréciation in concreto, puisqu’il s’agit d’une mesure attentatoire aux droits fondamentaux. Le requérant confirme qu’il ne possède aucun fonds sur des comptes ouverts dans des banques situées sur le territoire de l’Union, de sorte que son audition préalable n’aurait pas pu avoir pour résultat de le conduire à transférer lesdits fonds vers la Syrie ou d’user de méthodes de contournement. Il en conclut qu’il n’aurait pas été nécessaire d’adopter des mesures restrictives à son égard sans audition préalable. Par conséquent, ses droits de la défense auraient été violés, en particulier celui d’être entendu préalablement à l’adoption des actes attaqués. Une telle irrégularité n’étant pas susceptible d’être régularisée au stade de la procédure devant le Tribunal, le requérant demande l’annulation des actes attaqués pour autant qu’ils le concernent. Enfin, selon le requérant, le Conseil ne l’aurait pas invité, directement ou par l’intermédiaire de son représentant, à soumettre de nouvelles explications avant le renouvellement des sanctions intervenues le 27 mai 2021.

55      Lors de l’audience, le requérant a soutenu que le Conseil, bénéficiant d’un « droit de communication » auprès des banques et entités situées sur le territoire de l’Union, peut s’assurer qu’une personne ou une entité ne dispose pas de comptes bancaires et, le cas échéant, trouver un mécanisme visant à s’assurer qu’il ne puisse pas les utiliser. Le requérant a, en outre, contesté l’argument du Conseil selon lequel le gel d’avoirs concerne également le futur, en raison du fait que le risque de contournement de la mesure projetée est immédiat ou imminent lors de l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause.

56      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

57      Il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense comporte notamment le droit d’être entendu, qui est consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée).

58      L’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet toutefois des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, pour autant que la limitation concernée respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 101 et jurisprudence citée).

59      Enfin, l’existence d’une violation des droits de la défense doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

60      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’analyser le premier moyen.

61      Il importe de rappeler que le juge de l’Union distingue, d’une part, l’inscription initiale du nom d’une personne sur les listes imposant des mesures restrictives et, d’autre part, le maintien du nom de cette personne sur lesdites listes (arrêt du 30 avril 2015, Al-Chihabi/Conseil, T‑593/11, EU:T:2015:249, point 40).

62      Au préalable, il convient de rejeter, comme étant irrecevable, le grief du requérant tiré de la violation du droit à un procès équitable, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, au motif que le requérant omet de préciser en quoi le Conseil aurait violé ce droit.

63      En premier lieu, s’agissant de l’argument du requérant tiré de ce que le contentieux des mesures restrictives aurait un caractère pénal au regard de la gravité des sanctions imposées, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les mesures restrictives de gel de fonds ne sont pas de nature pénale. En effet, les avoirs des intéressés n’étant pas confisqués en tant que produits d’un crime, mais gelés à titre conservatoire, ces mesures ne constituent pas une sanction pénale et elles n’impliquent, par ailleurs, aucune accusation de cette nature (voir arrêt du 9 décembre 2014, Sport-pari/Conseil, T‑439/11, non publié, EU:T:2014:1043, point 89 et jurisprudence citée).

64      En deuxième lieu, il importe de rappeler que ni la réglementation en cause ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une audition, la possibilité de présenter ses observations par écrit étant suffisante (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 93, et du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 105).

65      En troisième lieu, en ce qui concerne les actes initiaux, inscrivant le nom du requérant sur les listes en cause, il ne saurait être requis des autorités de l’Union qu’elles communiquent les motifs desdites mesures préalablement à l’inscription initiale du nom d’une personne ou d’une entité sur les listes imposant des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2015, Makhlouf/Conseil, T‑509/11, non publié, EU:T:2015:33, point 34 et jurisprudence citée).

66      En effet, une telle mesure, afin de ne pas compromettre son efficacité, doit, par sa nature même, pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer immédiatement. Dans un tel cas, il suffit, en principe, que l’institution procède à la communication des motifs à la personne ou à l’entité concernée et ouvre le droit à l’audition de celle-ci concomitamment avec ou immédiatement après l’adoption de la décision (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61).

67      En l’espèce, la communication des motifs de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause a fait l’objet d’un avis publié au Journal officiel de l’Union européenne du 18 février 2020 ainsi qu’il ressort du point 13 ci-dessus.

68      En outre, les personnes et entités concernées par cet avis pouvaient, conformément à ce dernier, adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leur nom avait été inscrit sur les listes en cause. Cette possibilité garantit le maintien d’un équilibre entre le respect des droits fondamentaux des personnes inscrites et la nécessité pour le Conseil de prendre des mesures à caractère préventif. Comme le requérant l’a confirmé lors de l’audience, il n’a pas exercé la faculté de soumettre des observations ou d’introduire une demande de réexamen après l’adoption des actes initiaux.

69      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que, en l’espèce, le fait que le requérant n’ait pas été entendu préalablement à l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause constitue une limitation justifiée de ses droits de la défense au sens de la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus.

70      Contrairement à ce que prétend le requérant, le Conseil n’était pas tenu d’effectuer une appréciation in concreto des risques qu’il puisse compromettre l’efficacité de la mesure restrictive au moment de son adoption. En particulier, pour se dispenser de respecter certains de ses droits de la défense avant l’adoption des actes initiaux, le Conseil n’avait pas à vérifier si le requérant possédait des fonds sur des comptes ouverts dans des banques situées sur le territoire de l’Union.

71      En particulier, il importe de constater, à l’instar du Conseil, que le fait, même à le supposer établi, que le requérant ne possède pas de fonds auprès de banques situées sur le territoire de l’Union ne signifie aucunement qu’il ne dispose pas d’autres ressources économiques au sens de l’article 1er, sous f), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828. Plus précisément, ces ressources économiques comprennent les avoirs de toute nature, corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers, qui ne sont pas des fonds, mais qui peuvent être utilisés pour obtenir des fonds, des biens ou des services sur le territoire de l’Union. Les ressources économiques sont également assujetties au gel de fonds, conformément à l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 14 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828. Dès lors, il n’était pas exclu que le requérant pût opérer des transferts, en dehors du territoire de l’Union, concernant d’autres ressources économiques que des fonds détenus sur des comptes bancaires s’il avait été averti à l’avance de l’intention du Conseil de lui imposer des mesures restrictives, ce qui aurait affecté l’efficacité de ces mesures.

72      En outre, lors de l’audience, en réponse à l’argument du requérant selon lequel, par un « droit de communication » auprès des banques et des entités européennes, le Conseil pourrait s’assurer qu’une personne ou une entité ne dispose pas de fonds, le Conseil a exposé, sans être utilement contredit, qu’il ne disposait pas d’un tel droit, ni de moyens de consulter les banques à cet effet. En effet, le requérant n’a pas étayé son propos visant à identifier la disposition juridique qui consacrerait un tel « droit de communication ». Par ailleurs, l’argument du requérant visant à ce que le Conseil trouve un mécanisme, notamment par l’intermédiaire de la Banque centrale européenne (BCE), afin de s’assurer que les personnes ou entités disposant de fonds ne puissent pas les utiliser préalablement à l’inscription initiale de leur nom sur les listes en cause, est de nature prospective. En effet, un tel mécanisme n’a pas été mis en place à la date d’adoption des actes initiaux. Enfin, il importe de souligner que, d’une part, l’argument du requérant tiré de la mise en place du mécanisme susmentionné n’est pas pertinent pour démontrer que ses droits de la défense ont été violés et, d’autre part, que, en tout état de cause, le mécanisme qu’il décrit est, en substance, déjà celui des mesures restrictives, puisque la personne est invitée, après leur adoption, à soumettre ses observations afin que le Conseil revoie sa position.

73      En quatrième lieu, s’agissant des actes de maintien de 2020 et de 2021, il convient de rappeler que, dans le cas des actes par lesquels le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà dans les listes imposant des mesures restrictives est maintenu, un effet de surprise n’est plus nécessaire afin d’assurer l’efficacité desdites mesures, de sorte que l’adoption de tels actes doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendues (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62).

74      À cet égard, la Cour a souligné que l’élément de protection qu’offraient l’exigence de communication des éléments à charge et le droit de présenter des observations avant l’adoption d’actes qui maintiennent le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives était fondamental et essentiel aux droits de la défense. Cela est d’autant plus vrai que les mesures restrictives en question ont une incidence importante sur les droits et les libertés des personnes et des groupes visés (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 64).

75      Toutefois, le Conseil n’est pas tenu de fournir d’office à la personne visée par les mesures restrictives un accès aux éléments de son dossier. En effet, lorsque des informations suffisamment précises, permettant à la personne intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour ce dernier de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause. La communication spontanée des éléments de dossier constituerait une exigence excessive, étant donné qu’il n’est pas certain au moment de l’adoption d’une mesure de gel des fonds que la personne visée entende vérifier, par le biais de l’accès au dossier, les éléments de fait sous‑tendant les allégations retenues à sa charge par le Conseil (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 97). Enfin, lorsque le maintien du nom de la personne ou de l’entité concernée sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives est fondé sur les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l’adoption de l’acte initial sans que de nouveaux éléments aient été retenus à son égard, le Conseil n’est pas tenu, pour respecter son droit d’être entendu, de lui communiquer les éléments retenus à charge (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Central Bank of Iran/Conseil, C‑266/15 P, EU:C:2016:208, points 32 et 33 et jurisprudence citée).

76      En l’espèce, à la suite de l’analyse du deuxième moyen, il a été conclu que les actes attaqués étaient motivés à suffisance de droit (voir point 52 ci‑dessus). En d’autres termes, il convient de considérer que le requérant a disposé d’informations suffisamment précises, comme l’exige la jurisprudence en question, et que, dès lors, il lui incombait de demander lui-même, s’il le souhaitait, la communication des éléments de preuve le concernant sur lesquels le Conseil s’était fondé. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait présenté une telle demande auprès du Conseil. Dès lors, le requérant ne saurait valablement reprocher au Conseil de ne pas lui avoir, d’office, communiqué le dossier le concernant.

77      Enfin, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été signalé aux points 13 et 16 ci-dessus, que les actes de maintien de 2020 et de 2021 n’ont pas modifié les motifs d’inscription du nom du requérant figurant dans les annexes des actes initiaux. À cet égard, lors de l’audience, le Conseil a confirmé qu’il ne s’était pas appuyé sur de nouveaux éléments de preuve tant relatifs au requérant qu’à la situation politique et sécuritaire en Syrie pour maintenir son nom sur les listes en cause.

78      Dès lors, il ressort de ce qui précède que le Conseil n’a pas porté aux droits de la défense du requérant une atteinte qui justifierait l’annulation des actes de maintien de 2020 et de 2021 pour autant qu’ils le concernent.

79      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

a)      Considérations liminaires

80      Il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

81      Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

82      C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

83      À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étaient les motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122).

84      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

85      Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015 Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 51, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50).

86      Enfin, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’enjeu, qui fait partie du contrôle de la proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures, du fait qu’il était urgent d’adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin qu’il arrête la répression violente dirigée contre la population et de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46).

87      C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.

88      Premièrement, le requérant soutient que le Conseil se serait fondé sur des sources d’informations partiales, partisanes et tendancieuses.

89      Deuxièmement, le requérant conteste avoir connu une ascension rapide, ainsi que cela est mentionné dans les motifs d’inscription, et considère qu’il s’agit d’une affirmation arbitraire et subjective. Il soutient que le Conseil n’a pas réuni d’informations suffisantes sur son passé. En outre, il fait valoir qu’il possède des activités de taille ordinaire et une surface financière modérée au regard des hommes d’affaires d’envergure en Syrie et qui recouvrent des secteurs majeurs, essentiels et vitaux.

90      Troisièmement, il conteste avoir des liens avec le régime syrien en raison du fait qu’il aurait été élu président de la chambre de commerce de la province de Damas (Syrie) ainsi que trésorier de la fédération des chambres de commerce syriennes, alors qu’il aurait été élu par ses pairs conformément à une pratique courante. En outre, il produit des preuves visant à démontrer qu’il n’aurait pas été réélu lors des dernières élections, ce qui n’aurait pas pu se produire si le résultat de celles-ci avait été dû à sa proximité avec le régime syrien. En sus, de nombreuses personnalités possédant le statut de président de chambres du commerce, d’industrie et du tourisme et ayant des affaires qui prospèrent ne seraient pas, au regard de ce critère, sanctionnées. Par ailleurs, le seul fait que le requérant ait représenté la fédération des chambres de commerce syriennes sur invitation des autorités italiennes, lors des rencontres de la chambre de commerce italo-arabe et du forum italo-arabe, dont il est membre et, de surcroît, président, ne suffirait pas à présumer de ses liens avec le régime syrien. Enfin, l’invitation par la République italienne, État membre de l’Union, qui elle-même lutte contre les personnes impliquées dans les conflits syriens, démontrerait qu’il n’y avait rien à lui reprocher.

91      Quatrièmement, le requérant conteste avoir imposé des taxes sur les marchandises introduites clandestinement dans la Ghouta orientale assiégée. Tout d’abord, cette allégation serait tardive. En outre, il fait valoir que le prélèvement de taxes relèverait des prérogatives des autorités publiques. De surcroît, le Conseil se contredirait en affirmant, d’une part, que le requérant serait proche du régime syrien et, d’autre part, qu’il agirait clandestinement, c’est-à-dire en dissimulant un acte répréhensible aux autorités légales. Dans l’hypothèse où le requérant agirait clandestinement, il appartiendrait au Conseil de démontrer quelle était la partie ou l’autorité visée par les manœuvres de dissimulation qui caractériseraient la clandestinité.

92      Cinquièmement, le requérant conteste pratiquer des formes agressives de clientélisme, et aucun élément avancé par le Conseil n’expliciterait en quoi elles consisteraient. En effet, son activité commerciale demeurerait de portée limitée au regard de celle des hommes d’affaires d’envergure en Syrie et ne serait pas caractérisée par une forme de clientélisme agressive au profit du régime syrien.

93      Sixièmement, le requérant conteste retirer un avantage financier du régime syrien du fait qu’il disposerait d’un accès privilégié aux marchés publics, aux licences et aux contrats attribués par le gouvernement syrien. En effet, depuis 2010, Murouj Al-Cham Investment and Tourism Company, détenue par le requérant, aurait conclu la plupart des contrats contribuant à son développement avec le secteur privé.

94      Septièmement, les faits relatifs aux « coentreprises d’État » et aux « terres expropriées » mentionnés aux considérants 2 des actes initiaux seraient étrangers au requérant et à sa société. En effet, le requérant et Murouj Al-Cham Investment and Tourism n’auraient aucun lien direct ou indirect avec une « coentreprise publique » ou bénéficiant du soutien de l’État syrien. De même, ni le requérant ni la société susmentionnée n’auraient bénéficié de « terres expropriées » pour réaliser des projets.

95      Huitièmement, le requérant fait valoir que le Conseil ne peut pas persister à traiter la Syrie comme ce fut le cas pendant les années de guerre, précisément lorsqu’il s’agit de citoyens syriens cherchant à poursuivre leurs activités commerciales normalement. Afin de démontrer que le contexte syrien aurait évolué, il apporte une capture d’écran du site du gouvernement grec démontrant que la République hellénique aurait réactivé sa représentation diplomatique à Damas en vue de relancer les échanges.

96      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

b)      Sur les motifs d’inscription et la détermination des critères d’inscription

97      En l’absence de mention explicite, dans les actes attaqués, des dispositions juridiques ayant servi de fondement à l’inscription du nom du requérant, il y a lieu de déduire le ou les critères d’inscription retenus par le Conseil du contenu des motifs, tels que rappelés aux points 12 et 47 ci-dessus.

98      À cet égard, il convient de constater que le requérant et le Conseil indiquent, dans leurs écritures, que le nom du requérant est inscrit sur les listes en cause sur le fondement du seul critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, conformément à l’article 27, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, dont la teneur est reprise, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828.

99      Toutefois, il convient de rappeler qu’il ne saurait être exclu que, pour une personne déterminée, plusieurs critères d’inscription se recoupent dans une certaine mesure, en ce sens qu’une personne peut être qualifiée de femme ou d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et être considérée comme bénéficiant, dans le cadre de ses activités, du régime syrien ou comme soutenant celui-ci au travers de ces mêmes activités. Cela ressort précisément de ce que, ainsi qu’il est établi au considérant 6 de la décision 2015/1836, les liens étroits avec le régime syrien et le soutien de celui-ci apporté par cette catégorie de personnes sont l’une des raisons pour lesquelles le Conseil a décidé de créer cette catégorie. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit, même dans cette hypothèse, de critères différents (arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 77).

100    En outre, il y a lieu de rappeler qu’il est reconnu par la jurisprudence que l’article 27, paragraphe 2, sous a), et l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ont introduit comme critère d’inscription objectif, autonome et suffisant, celui des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », de sorte que le Conseil n’est plus tenu de démontrer l’existence d’un lien entre cette catégorie de personnes et le régime syrien, ni non plus entre cette catégorie de personnes et le soutien apporté à ce régime ou le bénéfice tiré de ce dernier, étant donné qu’être une femme ou un homme d’affaires influents exerçant ses activités en Syrie suffit pour l’application des mesures restrictives en cause à une personne [voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2019, HX/Conseil, C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, point 38 ; du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, point 66, et du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, points 55 et 56 (non publiés)]. Si le paragraphe 1 de chacun des articles 27 et 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, permet toujours d’inscrire une personne en application du critère général tiré de ce qu’elle bénéficie des politiques menées par le régime syrien ou qu’elle soutient celui-ci, il ressort toutefois du libellé du paragraphe 2 de chacun de ces articles que les nouveaux critères viennent s’ajouter au critère initial (arrêt du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, point 65).

101    Il en découle que, lorsque le Conseil décide d’inscrire le nom d’une personne en raison de sa qualité de femme ou d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, il n’est pas tenu de préciser, dans les motifs d’inscription de cette personne, qu’elle bénéficie ou soutient le régime syrien. S’il le fait, c’est qu’il entend aussi lui appliquer le critère prévu à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. Cette interprétation est la plus à même de garantir l’effet utile de chacun des paragraphes 1 et 2 de l’article 27, et de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et de permettre aux personnes inscrites de déterminer avec précision sur la base de quels critères leur nom a été inscrit ou maintenu sur les listes en cause (arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 79).

102    En l’espèce, premièrement, les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause font référence à la fois à son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, mais également, de manière explicite, au soutien qu’il apporte au régime syrien et au bénéfice qu’il en retire. Interrogé à cet égard lors de l’audience, le Conseil a confirmé cette interprétation. Dès lors, conformément à la jurisprudence rappelée au point 101 ci-dessus et à la formulation des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, il convient de retenir que son nom a été inscrit et maintenu sur lesdites listes à l’aune de deux critères, à savoir celui de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et celui de l’association avec le régime syrien.

103    Deuxièmement, le Tribunal estime utile de clarifier quels éléments des motifs d’inscription relèvent de chaque critère avant d’en examiner le bien-fondé.

104    À cet égard, tout d’abord, s’agissant de la deuxième phrase des motifs d’inscription, elle est rédigée comme suit : « Propriétaire de multiples entreprises et sociétés holding ayant des intérêts et exerçant des activités dans divers secteurs économiques tels que l’immobilier, l’hôtellerie de luxe et les centres commerciaux ». Conformément à la jurisprudence rappelée au point 101 ci-dessus, cette deuxième phrase est relative au critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

105    En revanche, la seconde partie de la troisième phrase, selon laquelle le requérant « participe maintenant à des formes de clientélisme agressives au bénéfice du régime », et la quatrième phrase des motifs d’inscription, mentionnant que le requérant « bénéficie financièrement d’un accès privilégié aux marchés publics [...] attribués par les agences du gouvernement, grâce aux liens étroits qu’il entretient avec le régime [syrien] », correspondent au critère de l’association avec le régime syrien. En effet, le Conseil y a visé, explicitement, le soutien que le requérant apporte au régime syrien ainsi que le bénéfice qu’il retire de son association avec ledit régime en application de la jurisprudence rappelée au point 101 ci-dessus.

106    Enfin, la première partie de la troisième phrase des motifs d’inscription indique que le requérant « a connu une ascension rapide en tant qu’homme d’affaires influent en imposant des taxes sur les marchandises introduites clandestinement dans la Ghouta orientale assiégée ». Il importe de relever que, dans ses écritures, le Conseil a indiqué que la première partie de la troisième phrase des motifs d’inscription se rattache au critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, alors qu’il a déclaré, lors de l’audience, que celle-ci se rattachait au critère de l’association avec le régime syrien. Le Tribunal relève que cet élément des motifs d’inscription peut se rattacher tant au critère de l’association avec le régime syrien qu’à celui de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

107    À cet égard, d’une part, cette partie des motifs d’inscription indique que la progression du requérant et sa capacité à investir dans l’économie syrienne s’expliquent par ses liens privilégiés avec le régime syrien. En effet, ainsi qu’il découle du document portant la référence WK 1739/2020 INIT, du 12 février 2020, comprenant les éléments de preuve étayant les motifs d’inscription, c’est le régime syrien qui a désigné le requérant afin de prélever des taxes sur des marchandises (voir point 134 ci-après). Or, l’association avec la seconde partie de la troisième phrase selon laquelle « maintenant » le requérant participe à des formes de clientélisme agressives au bénéfice du régime syrien, suggère un lien de causalité entre l’activité passée du requérant, à savoir l’imposition de taxes, qui lui a été bénéfique, et le soutien qu’il apporte dorénavant au régime syrien par le biais de sa participation à des formes de clientélisme agressives. Par conséquent, cette partie des motifs d’inscription suggère que le requérant est clairement associé au régime syrien et a tiré un bénéfice de cette association.

108    D’autre part, il est possible d’interpréter cet élément des motifs d’inscription comme faisant référence à l’origine de la fortune du requérant, au moyen de laquelle il a pu opérer d’autres investissements dans l’économie syrienne, faisant de lui un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

109    Le constat dressé au point 106 ci-dessus est confirmé par le fait que la première partie de la troisième phrase des motifs d’inscription est rédigée de manière quelque peu différente selon les versions linguistiques des actes attaqués. Ainsi, les versions espagnole, allemande et portugaise indiquent que le requérant est devenu rapidement un homme d’affaires influent alors que les versions française, italienne et anglaise font état de ce que le requérant, en tant qu’homme d’affaires influent, a connu une ascension rapide. En d’autres termes, les versions française, italienne et anglaise des motifs d’inscription suggèrent que le requérant était déjà un homme d’affaires influent lorsqu’il a imposé les taxes et a progressé de manière rapide au sein de l’économie syrienne, alors que les versions espagnole, allemande et portugaise indiquent que, grâce au prélèvement de taxes, le requérant est entré dans la catégorie des hommes d’affaires influents.

110    Dans la mesure où il y a lieu d’examiner les motifs d’inscription comme indiquant qu’il convient de comprendre cette partie des motifs en ce sens que l’ascension rapide du requérant résulte également de ses activités et intérêts économiques et financiers, il convient d’analyser la première partie de la troisième phrase des motifs d’inscription dans le cadre de l’examen du critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

111    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, tout d’abord, les arguments du requérant qui visent à remettre en cause la fiabilité des éléments de preuve présentés par le Conseil, puis, l’examen du critère d’inscription relatif au statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et, enfin, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, à titre surabondant, le critère relatif à l’association au régime syrien.

c)      Sur la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil

112    Pour justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes figurant aux annexes des actes attaqués, le Conseil a fourni le document WK 1739/2020 INIT. Ledit document comporte des éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran provenant :

–        du site Internet « The Syria Report », lequel, dans un premier article, du 20 mars 2018, intitulé « New Investor Emerges in Syrian Business Community » (Un nouvel investisseur émerge dans la communauté syrienne des affaires), mentionne que, le 18 mars 2018, le ministre du Tourisme syrien a adjugé le contrat du complexe immobilier de Al-Jalaa à Murouj Al-Cham Investment and Tourism, société dont le requérant est propriétaire, qu’il se serait aussi vu adjuger les plus importants investissements immobiliers de ces dernières années, tels que le centre commercial Quassioun Mall, et que le requérant, en tant qu’investisseur, était inconnu encore quelques mois auparavant ;

–        un deuxième article, publié le 22 janvier 2019, intitulé « Business Event Boosts Syrian Regime Ties with UAE » (Un forum économique consolide les liens du régime syrien avec les Émirats arabes unis), évoque le fait que le requérant a participé à un forum constituant l’événement le plus important pour le monde des affaires syrien à l’extérieur de la Syrie depuis 2011 ;

–        un troisième article, publié le 15 mai 2018, intitulé « Warlords Increasingly Integrating into Syria’s Formal Economy » (Les Seigneurs de guerre s’intègrent de plus en plus dans l’économie officielle syrienne), mentionne que le requérant, un an auparavant, était inconnu du grand public, que son ascension rapide, à partir de rien, indique qu’il a accumulé une fortune en dehors des réseaux officiels, que son nom est publiquement cité, pour la première fois, en tant qu’investisseur dans un centre commercial dans le quartier Barzeh à Damas, que, récemment, un contrat de licence lui a été attribué afin de développer un hôtel situé sur l’autoroute du quartier de Mazzeh et que, depuis 2018, le requérant a participé à la création de quatre sociétés (Murooj Al Yasmeen, Universal Market, Adam Trading and Investment et Intersection) ;

–        un quatrième article, publié le 21 août 2018, intitulé « Contract Awarded to Regime Crony Highlights Insecure Legal Environment for Investors in Syria » (Un contrat attribué à un protégé du régime souligne l’insécurité juridique des investisseurs en Syrie), selon lequel le requérant a obtenu, par l’intermédiaire d’Adam Trading and Investment, les droits d’exploitation de la concession Massa Plaza Mall, après que le ministre du Tourisme syrien a annulé le contrat avec le cocontractant précédent, selon lequel, en outre, la manière dont le requérant a pris le contrôle du Massa Plaza Mall est identique à celle du centre commercial Quassioun Mall et selon lequel aucun individu n’a la possibilité de se développer aussi rapidement à moins d’être étroitement lié à une figure influente du régime syrien et agir pour le compte de celle-ci ;

–        un cinquième article, daté du 25 juillet 2017, intitulé « Closure of Hamidiyeh Shop Raises Pressure on Business Community » (La fermeture du magasin Hamidiyeh augmente la pression sur le monde des affaires), indique que le ministre du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien a ordonné la fermeture du centre commercial Quassioun Mall et l’a réattribué à de nouveaux investisseurs, que le ministre a réattribué la concession du centre commercial à de nouveaux investisseurs à un taux révisé en organisant un appel d’offres public et a adjugé l’offre à des investisseurs privés inconnus pour un montant de 1,2 milliard de livres syriennes (SYP) (environ 345 134,45 euros) par an, mais qui en valait bien moins que sa valeur en 2011 et que celle payée par le précédent investisseur ;

–        un sixième article, daté du 8 janvier 2019, intitulé « Prime Damascus Plot Attracts New Business Figure » (Une parcelle de premier choix située à Damas attire de nouveaux investisseurs), indique que le requérant, qui a vu son influence croître rapidement ces dernières années, est sur le point de se voir attribuer le complexe immobilier de Yalbugha, proche du centre de Damas, qui, en raison de cette localisation, attire de nombreux investisseurs ;

–        un septième article, publié le 14 janvier 2019 et intitulé « Yalbugha Deal Confirms Grip of Influential Investor on Prime Commercial Properties in Damascus » (L’accord de Yalbugha confirme l’emprise d’un investisseur influent sur les propriétés commerciales de premier plan à Damas), mentionne que, comme pressenti, le contrat pour le développement du complexe immobilier de Yalbugha a été attribué à la société du requérant, Intersection LLC, après le début des travaux sur le projet, et que, en échange, Intersection va payer au ministère des Donations syrien (Ministry of Endowments), qui en est propriétaire, environ 1,7 milliard de SYP [environ 3,4 millions de dollars des États-Unis (USD) et 3,08  millions d’euros] par an, et ce pendant la durée du contrat ;

–        du site Internet « The Syria Report », avec des captures d’écran, dont la première porte sur une page, qui a été mise à jour le 15 juillet 2019, indiquant la composition de la fédération des chambres de commerce syriennes dans laquelle le requérant est identifié comme en étant le trésorier, tandis que les cinq autres pages, consultées le 13 août 2019, fournissent des informations respectivement sur cinq sociétés détenues par le requérant : premièrement, Avenue Trading and Contracting LLC, deuxièmement, Murooj Al-Yasmeen LLC, troisièmement, Universal Market Company, quatrièmement, Intersection et, cinquièmement, Adam Trading and Investment ;

–        du site Internet de l’institution « European University Institute » (Institut universitaire européen), qui, dans un article publié en avril 2019, analysant les efforts de reconstruction du régime syrien, indique que le requérant est un homme d’affaires qui, au cours des deux dernières années, est devenu un des plus importants investisseurs, relie l’origine de la richesse du requérant à des activités commerciales illégales et résume de manière détaillée un accord entre le requérant et les forces du régime afin d’approvisionner en nourriture la Ghouta orientale assiégée ;

–        du site Internet « Aliqtisadi », consulté le 9 août 2019, qui fournit des détails sur le profil professionnel du requérant ainsi que ses entreprises (Murroj Al-Yasmeen, Avenue Trading and Contracting, LaRosa, Hot Bakery Ovens, Murouj Al-Cham Investment and Tourism, Adam Investment and Trading et Intersection), incluant la mention de son poste de président de la chambre de commerce de la province de Damas ;

–        du site Internet « enabbaladi.net », qui, dans un premier article, publié le 14 mars 2018 et intitulé « Wasseem Kattan is a fine art to an “economic whale” in Syria » (Wasseem Kattan diplômé des beaux-arts devient un poids lourd de l’économie syrienne), détaille les différents projets commerciaux et sociétés du requérant (le centre commercial Quassioun Mall, Murooj Al-Yasmeen, le complexe immobilier Al-Jalaa), indique, en outre, que l’établissement de sociétés et les méthodes d’investissement seraient une « mise en scène » du ministre du Commerce et de la Protection des consommateurs syrien alors que l’investisseur-bénéficiaire est préalablement déterminé et soutenu par le cercle restreint de M. Al-Assad et évoque la désignation du requérant comme président de la chambre de commerce de la province de Damas après la dissolution de l’ancienne composition de cette chambre par le gouvernement syrien et qui, dans un second article, publié le 1er septembre 2018 et intitulé « Mall’s Investment Lights Up Damascus Economic Activity » (L’investissement dans les centres commerciaux met en lumière l’activité économique de Damas), mentionne le centre commercial Quassioun Mall, qui, après avoir été fermé à la suite de la décision du ministre du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien, sous prétexte que les investissements y étaient faibles, a été réouvert à la suite d’un nouvel investissement par le requérant et rappelle que ce dernier, récemment apparu dans l’arène économique, a investi dans le centre commercial Massa Plaza Mall deux mois après son investissement dans le centre commercial Quassioun Mall en plus d’autres investissements dans des structures gouvernementales ;

–        un article de recherche, publié sur le site de la fondation Friedrich Ebert Stiftung en décembre 2018 et intitulé « The reconstruction of Syria : Socially Just Re-integration and Peace Building or regime Re-consolidation ? » (La reconstruction de la Syrie : une réintégration socialement juste et une consolidation de la paix ou la reconsolidation d’un régime ?), dont les auteurs désignent le requérant comme faisant partie d’une nouvelle élite dont la richesse est liée au régime syrien et dépend de celui-ci, indiquent que ce dernier a investi des millions de SYP dans des immeubles situés dans des quartiers très chers de Damas et qu’il jouit d’un accès favorisé aux appels d’offres publics (le centre commercial Quassioun Mall), précisent qu’il a été désigné président de la chambre de commerce de la province de Damas et le décrivent comme ayant profité de la guerre, indiquant qu’il était responsable d’un point de contrôle et d’une voie de contrebande pendant la guerre ;

–        un article de recherche, publié sur le site de l’université de Lausanne (Suisse) en 2018 et intitulé « Revolution and Counter-Revolution in Syria, origins and developments » (Révolution et contre-révolution en Syrie, les origines et les développements), dont l’auteur mentionne que le requérant s’est vu attribuer le contrat de gestion du Quassioun Mall et que, quelques mois plus tard, le ministre du Tourisme syrien a attribué à Murouj Al-Cham Investment and Tourism, dont le requérant détient 47 % des parts, un contrat pour développer un emplacement immobilier (Al-Jalaa) incluant la construction d’un grand hôtel cinq étoiles et d’un centre commercial ;

–        du site Internet de l’agence de presse syrienne « Syrian Arab News Agency (SANA) », qui indique, dans un premier article publié le 20 janvier 2019 et intitulé « UAE-Syrian Private Sector Forum in Abu Dhabi kicks off » (Coup d’envoi du Forum du secteur privé entre les Émirats arabes unis et la Syrie à Abu Dhabi), qu’une délégation d’hommes d’affaires syriens y a participé, dans un deuxième article, publié le 19 octobre 2018, intitulé « Syria participates in meeting of Joint Italian Arab Chamber » (Participation de la Syrie à une réunion de la chambre de commerce italo-arabe), que le requérant, en tant que président de la chambre de commerce de la province de Damas et représentant de la fédération des chambres de commerce syriennes y a participé et, dans un troisième article, publié le 13 août 2019 et intitulé « About 400 Arab and foreign businessmen invited to visit Damascus International Fair » (Environ 400 hommes d’affaires arabes et étrangers ont été invités à la foire internationale de Damas), qu’il est le responsable du « Delegations and Public Relations Committee » (comité des délégations et des relations publiques) de cette foire ;

–        du site Internet de la chambre de commerce de la province de Damas, dont la page, consultée le 13 août 2019, mentionne que le requérant est président de cette chambre et qu’il est lié à Murouj Al-Cham Investment and Tourism ;

–        du site Internet « Orient News », dont un article publié le 16 octobre 2017 et intitulé « Eastern Ghouta, between the siege of Assad and royalties and imaginary prices » (Entre le blocus d’Assad, les redevances et l’envolée des prix… Une ghouta orientale en plein cauchemar) indique qu’un accord entre le requérant et les forces du régime syrien a été conclu afin de fournir de la nourriture à la zone de la Ghouta orientale assiégée et que, en outre, sur chaque kilogramme de nourriture, une redevance est prélevée.

113    Le requérant conteste la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil dans le document WK 1739/2020 INIT en faisant valoir que le Conseil se serait fondé sur des sources d’informations partiales, partisanes et tendancieuses. Dans son second mémoire en adaptation, le requérant souligne que le Conseil se contente de soutenir qu’il ne dispose pas d’autres informations concernant les sources sur lesquelles il s’est fondé que ce qui peut être déduit dudit document et que certaines informations générales peuvent être consultées publiquement sur l’internet. Il en conclut que les sources sur lesquelles se fonde le Conseil ne seraient pas fiables et que les médias dont sont tirées les informations ne seraient pas neutres et objectifs. En outre, le contenu de la source issue du site Internet « Orient News » jetterait un doute sérieux sur sa fiabilité en ce que son contenu indique que « les habitants vivent au rythme d’informations anonymes peu fiables répandues dans les villes et localités de la Ghouta via les réseaux sociaux ». Il soutient que « The Syria Report », qui représente la grande majorité des sources utilisées, ainsi que l’agence « Syrian Arab News Agency (SANA) » sont des outils de communication de l’opposition.

114    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

115    Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue, en tenant compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 224, et du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 107 (non publié)].

116    Au préalable, il importe de noter que le grief du requérant tiré de la réunion insuffisante, par le Conseil, d’éléments relatifs à son passé vise plutôt à contester le bien-fondé de l’élément des motifs relatif à son ascension rapide et non la fiabilité des preuves visant à étayer les motifs d’inscription de son nom sur les listes en cause. Par conséquent, il sera examiné dans le cadre de l’analyse du critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

117    En l’espèce, il convient de relever que les éléments de preuve figurant dans le document WK 1739/2020 INIT émanent de sources d’information numériques d’origines variées, non seulement locales, mais également étrangères. Ainsi, parmi les sources d’information locales, il peut être mentionné le site « Aliqtisadi », un des dix principaux sites Internet consacrés à la vie des affaires du Moyen-Orient disponible en plusieurs éditions nationales, dont une portant sur la Syrie ; le site « Orient News », qui est celui d’un journal qui se veut indépendant et appartient à un groupe de presse syrien s’intéressant aux affaires syriennes à tous les niveaux, qu’ils soient politiques, économiques et sociaux, et le site « Enabbaladi.net », qui est celui d’un journal d’information hebdomadaire produisant plusieurs formats qui fournit des reportages qualifiés de fiables par le site Internet « Wikipédia », notamment sur le régime et l’opposition syriens, et qui a réussi à attirer l’attention de nombreux médias locaux et internationaux. Selon le journal Courrier International, le site « Enabbaladi.net » publie des articles et des reportages de bonne qualité. Parmi les sources d’information d’origine étrangère, peut être cité l’Institut universitaire européen, qui est une institution académique et de recherche réputée, située en Italie et travaillant selon des critères scientifiques. Elle possède le statut d’organisation internationale. En outre, une autre source étrangère est la fondation Friedrich Ebert Stiftung, une fondation politique allemande non lucrative, financée par les budgets fédéraux et étatiques, et qui se réclame des valeurs de la social-démocratie. Elle a pour fonction principale la formation et le conseil politiques sous forme notamment de notes et d’études. En outre, le Conseil a produit une page provenant du site Internet « Syrian Arab News Agency (SANA) », une agence de presse de l’État syrien liée au ministère de l’Information syrien. Or, comme le souligne également le Conseil, ces différentes sources relayent des éléments d’information qui se corroborent, de sorte que le requérant ne saurait uniquement soutenir, sans étayer son affirmation, que le Conseil se serait fondé sur des sources d’informations partiales et tendancieuses pour en contester le caractère sensé et fiable.

118    De même, l’argument du requérant selon lequel la grande majorité des preuves utilisées par le Conseil est issue du site Internet « The Syria Report » ne saurait prospérer. Certes, ainsi que le reconnaît le Conseil, 13 pièces sur 24 proviennent de ce site Internet. Toutefois, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 117 ci-dessus, le Conseil a présenté des captures d’écran et des articles issus de huit autres sources. D’autre part, le requérant n’explique pas en quoi ce fait serait suffisant pour nier tout caractère sensé et fiable aux éléments de preuve produits par le Conseil.

119    S’agissant du site Internet « The Syria Report » et de l’agence de presse « Syrian Arab News Agency (SANA) », le requérant soutient que ce sont des outils de communication de l’opposition, sans toutefois étayer son propos. En revanche, dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure adoptées par le Tribunal, le Conseil souligne que « The Syria Report » est la première source d’informations économiques, d’affaires et financières sur la Syrie et qu’il s’agit d’une source indépendante et ne se rattachant à aucune organisation religieuse, sociale ou politique. En outre, selon la description du Conseil, l’agence de presse de l’État syrien est liée au ministère de l’Information syrien et, par conséquent, ne peut pas être qualifiée de source utilisée comme outil de communication de l’opposition. L’argument du requérant doit donc être rejeté.

120     En ce qui concerne plus précisément l’élément de preuve issu du site Internet « Orient News », il est vrai que son contenu indique que « les habitants vivent au rythme d’informations anonymes peu fiables répandues dans les villes et localités de la Ghouta via les réseaux sociaux ». Néanmoins, cette citation doit être replacée dans le contexte de l’article dont elle est issue, au sens de la jurisprudence rappelée au point 115 ci-dessus. D’une part, tout d’abord, cette citation vise à démontrer que c’est le montant des taxes qui est peu fiable, car il possède un caractère non officiel et fluctuant au gré des rumeurs. En particulier, cette conclusion est précédée d’un témoignage issu d’un entretien avec un habitant de la ville de Douma (Syrie) qui est précisément identifié dans le contenu de l’article et rapporte ces faits. En outre, le fait que l’article avertisse le lecteur que ses sources sont issues des réseaux sociaux témoigne de sa rigueur dans le traitement des sources qu’il utilise et informe ledit lecteur qu’il est nécessaire de croiser les informations. En sus, comme l’a soutenu le Conseil lors de l’audience, l’article contient un autre paragraphe nommant le requérant ainsi que sa fonction et précisant les détails de son accord avec le régime syrien. D’autre part, il importe de constater, à l’instar du Conseil, que les faits issus du site Internet « Orient News » sont corroborés par d’autres preuves, telles qu’un article de recherche publié sur le site de la fondation Friedrich Ebert Stiftung et un autre article du site Internet du « European University Institute » (Institut universitaire européen). En tout état de cause, conformément à la jurisprudence rappelée au point 86 ci-dessus, il convient de tenir compte de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État ayant connu des années de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire. Dès lors, l’argument du requérant doit être rejeté.

121    Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime, en l’absence d’élément dans le dossier susceptible de remettre en cause la fiabilité des sources utilisées par le Conseil, qu’il convient de leur reconnaître un caractère sensé et fiable, au sens de la jurisprudence rappelée au point 115 ci-dessus.

d)      Sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

122    Il convient de vérifier si l’ensemble des éléments de preuve soumis par le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 84 ci-dessus, et constitue ainsi un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer le motif d’inscription selon lequel le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

123    À cet égard, ainsi qu’il ressort des points 104 et 110 ci-dessus, il convient de relever que les éléments des motifs d’inscription relevant plus spécifiquement de ce critère sont, premièrement, le fait que le requérant est le propriétaire de multiples entreprises et sociétés holding ayant des intérêts et exerçant des activités dans les secteurs économiques tels que l’immobilier, l’hôtellerie de luxe et les centres commerciaux et, deuxièmement, le fait qu’il a connu une ascension rapide, en tant qu’homme d’affaires influent, en imposant des taxes sur les marchandises introduites clandestinement dans la Ghouta orientale assiégée.

1)      Sur les intérêts économiques et financiers du requérant

124    Au préalable, il convient de relever que les motifs d’inscription indiquent, d’une part, que le requérant est « [p]ropriétaire de multiples entreprises et sociétés holding ayant des intérêts et exerçant des activités dans divers secteurs économiques tels que l’immobilier, l’hôtellerie de luxe et les centres commerciaux ». Il ne ressort pas des écritures que le requérant ait contesté le bien-fondé de cette partie des motifs d’inscription. D’autre part, les motifs d’inscription indiquent qu’« [il] a connu une ascension rapide en tant qu’homme d’affaires influent ». À l’instar de l’interprétation qu’en a faite, en substance, le Conseil, dans ses écritures, il convient de comprendre cette partie des motifs en ce sens que l’ascension rapide du requérant résulte également de ses activités et intérêts économiques et financiers.

125    En premier lieu, ainsi qu’il ressort de plusieurs articles des sites Internet « The Syria Report » et « enabbaladi.net », le requérant a connu une ascension professionnelle, puisqu’il était inconnu du grand public avant divers investissements d’ampleur non négligeable. En effet, initialement, selon les sites Internet « Aliqtisadi » et « The Syria Report », il était, notamment, propriétaire d’une usine d’ameublement et actionnaire de Murouj Al-Cham Investment and Tourism. Or, pour reprocher au Conseil de ne pas avoir réuni assez d’éléments relatifs à son passé, d’une part, le requérant soutient avoir développé, dès 1994, une activité de textile sous le nom de Harika. D’autre part, il produit un certificat d’immatriculation d’un commerçant délivré par le ministre du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien, attestant qu’il détient également une société, dénommée « ALKATTAN », dont les activités ont débuté le 2 novembre 2004. Néanmoins, ce faisant, le requérant ne démontre, de manière étayée, que la détention de cette seule autre société. Ainsi, le requérant ne saurait valablement reprocher au Conseil de ne pas avoir apporté suffisamment de preuves concernant son activité passée, puisqu’elle était limitée.

126    Par ailleurs, l’ascension du requérant doit être considérée comme ayant été rapide, car, entre janvier 2018 et janvier 2019, il est devenu fondateur, actionnaire ou directeur de cinq sociétés dans le secteur de la gestion hôtelière, du commerce et du bâtiment qui disposent, toutes d’un capital d’envergure, ainsi que le relatent plusieurs pages des sites Internet « The Syria Report » et « Alqtisadi ». En effet, tout d’abord, le 25 janvier 2018, le requérant a fondé Murooj Al-Yasmeen, dotée d’un capital de 15 millions de SYP (environ 19 693 euros), dont il détient 47 % des parts. Ensuite, moins d’un mois plus tard, le requérant a fondé Universal Market Company et Adam Trading and Investment à quelques jours d’intervalle, qui disposent, chacune, d’un capital de 25 millions de SYP (environ 32 822 euros). Le requérant détient respectivement 50 % et 60 % des parts du capital de ces deux sociétés. Peu de temps après, le 11 mars 2018, Intersection a été fondée, avec un capital de 5 millions de SYP (environ 6 564 euros), par le requérant, qui en détient la moitié des parts. Enfin, dix mois plus tard, le 13 janvier 2019, le requérant a fondé Avenue Trading and Contracting, dont le capital s’élève à 25 millions de SYP (environ 32 822 euros) et dont il possède 34 % des parts. Le requérant n’a contesté aucun de ces éléments factuels. Par conséquent, le requérant détient, dirige ou est le fondateur de cinq nouvelles sociétés créées en une année, ce qui constitue un laps de temps très court, qui témoigne de la rapidité de son ascension.

127    En deuxième lieu, le requérant est un homme d’affaires qui, au cours des dernières années, est devenu l’un des plus importants investisseurs de Syrie, comme l’indiquent le site Internet de l’Institut universitaire européen et celui de « The Syria Report ». Tout d’abord, selon le site Internet « enabbaladi.net », de l’université de Lausanne, celui de l’Institut universitaire européen et celui de « The Syria Report », le requérant a investi, pour une valeur de 1,2 milliard de SYP (environ 1,58 million d’euros), dans la concession du centre commercial Quassioun Mall, dans le quartier de Barzeh, à Damas. L’investissement du requérant est décrit par « The Syria Report » comme l’un des plus importants investissements immobiliers de ces dernières années. Ensuite, selon le site Internet « enabbaladi.net », celui de « The Syria Report » et celui de l’Institut universitaire européen, deux mois après son investissement dans le centre commercial Quassioun Mall, le requérant a également investi un montant de 1,29 milliard de SYP (environ 2,97 millions d’USD et 2,49 millions d’euros) dans un autre centre commercial, dénommé Massa Plaza Mall, situé dans le quartier de Malky, à Damas. Enfin, ainsi qu’il ressort du point 157 ci-dessous, le requérant a investi dans le complexe immobilier d’Al-Jalaa. Par ailleurs, outre les trois investissements ci-dessus, un autre investissement conséquent est évoqué dans le document WK 1739/2020 INIT. En effet, le site Internet « The Syria Report » indique, dans deux articles, que le requérant a effectué un investissement dans le complexe immobilier Yalbugha pour un montant de 1,7 milliard de SYP par an (environ 3,4 millions d’USD et 3,08 millions d’euros). Le requérant ne conteste ni les faits en eux-mêmes ni le calendrier de ces événements.

128    Par conséquent, contrairement à ce que soutient le requérant, ses activités commerciales ne sont ni aussi ordinaires que celles de la plupart des commerçants prospères de Damas ni de portée limitée.

129    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, indépendamment du fait que le requérant était actif avant le début de la guerre en Syrie, ainsi qu’il ressort, en substance, du point 128 ci-dessus, son ascension ne peut pas être qualifiée de normale, c’est-à-dire comme ayant suivi un rythme constant et progressif, contrairement à ce qu’il soutient, et ce d’autant plus compte tenu de la situation économique en Syrie de ces dernières années. En effet, il ressort de plusieurs articles, tels que ceux de la fondation Friedrich Ebert Stiftung et du site « enabbaladi.net », que le requérant est soudainement apparu sur la scène commerciale syrienne et a créé la surprise du fait qu’il était inconnu du public, sans qu’il ait démontré de manière suffisante que cette émergence fût justifiée par ses activités passées.

2)      Sur le fait que le requérant ait connu une ascension rapide en tant qu’homme d’affaires influent en imposant des taxes sur les marchandises introduites clandestinement dans la Ghouta orientale assiégée

130    Le requérant conteste l’élément des motifs d’inscription relatif à l’imposition de taxes sur les marchandises introduites clandestinement dans la Ghouta orientale assiégée, en faisant valoir qu’il a été « tardivement » invoqué par le Conseil.

131    Il y a lieu de comprendre que par l’emploi du terme « tardivement » le requérant soutient que cet élément de fait est trop ancien pour être utilement invoqué par le Conseil aux fins de justifier l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause.

132    Néanmoins, il convient de noter que cet élément des motifs d’inscription se rapporte à l’origine de l’ascension du requérant. Or, afin d’évaluer l’ascension d’une personne, il convient de prendre en compte un point de départ et, ce faisant, d’examiner des faits passés afin de les comparer à une situation présente. Cette interprétation est corroborée par l’utilisation du terme « maintenant » dans la suite des motifs d’inscription, qui distingue bien la situation d’origine de la situation plus contemporaine du requérant.

133    En outre, le requérant conteste avoir imposé des taxes sur les marchandises introduites clandestinement dans la Ghouta orientale assiégée. À cet égard, il convient de préciser, tout d’abord, la signification du terme « taxe ». Comme le souligne à juste titre le Conseil, il convient de relever que les sources dont sont issus les articles de presse qu’il a produits n’utilisent pas forcément un langage juridique. Certes, le terme « taxe », utilisé dans ces articles, a été repris tel quel dans les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, constituant la motivation de son inscription et de son maintien sur celles-ci. Toutefois, il y a lieu de remarquer qu’aucun élément du dossier ne permet de lier le terme « taxe » au droit syrien et donc à la faculté dont disposent les autorités syriennes d’imposer des taxes dans le cadre de leurs prérogatives. Dès lors, il convient plutôt de comprendre cette expression journalistique, ainsi que le soutient le Conseil, comme faisant référence au prélèvement d’une redevance visant à punir la population de la Ghouta orientale en lui faisant payer un prix plus élevé que celui correspondant aux biens en question. En substance, le site Internet « Orient News » le confirme en ce qu’il indique que cette redevance n’est pas déterminée par une autorité publique, mais fluctue au gré des rumeurs relatives au montant desdites redevances ou à l’acheminement de marchandises à l’intérieur de la Ghouta orientale.

134    Ensuite, il ressort d’une page du site Internet « The Syria Report » intitulée « Les Seigneurs de guerre s’intègrent de plus en plus dans l’économie officielle syrienne » que si, pendant la guerre, les activités du requérant étaient inconnues, son ascension rapide indique qu’il a accumulé une fortune en dehors des réseaux officiels. Les articles publiés sur le site de l’Institut universitaire européen et sur le site Internet « Orient news » relient l’origine de la richesse du requérant à des activités commerciales illégales et font référence à un accord entre celui-ci et les forces du régime syrien pour un montant de 10 milliards de SYP (environ 22,2 millions d’USD et 20,14 millions d’euros) afin d’approvisionner en nourriture la zone de la Ghouta orientale assiégée. Le site Internet « Orient News » précise que, sur chaque kilogramme de nourriture, une redevance d’environ 2 000 SYP (environ 2,63 euros) était prélevée. Enfin, l’article publié sur le site Internet de la fondation Friedrich Ebert Stiftung présente le requérant comme ayant profité de la guerre, pendant laquelle il était responsable d’un point de contrôle et d’une voie de contrebande. À cet égard, selon l’article « The Syria Report », le requérant a vu son influence croître rapidement ces dernières années.

135    Ainsi, la perception d’une redevance sur les livraisons de marchandises a contribué à l’ascension du requérant et sa mention permet d’indiquer, en substance, l’origine de sa fortune. En outre, le fait que le requérant, un commerçant, ait été désigné pour prélever des taxes sur les marchandises entrant dans la zone de la Ghouta orientale assiégée témoigne de l’influence que ce dernier possède au sein du cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie. Par conséquent, il ressort du document WK 1739/2020 INIT que le requérant a connu une ascension rapide en tant qu’homme d’affaires influent en imposant des taxes sur les marchandises introduites clandestinement dans la Ghouta orientale assiégée.

136    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments du requérant.

137    Premièrement, le requérant conteste que l’imposition de taxes puisse être assumée par un commerçant et fait valoir que le prélèvement de taxes relèverait des prérogatives des autorités publiques nonobstant le terme utilisé (redevances ou taxes). Le Conseil n’aurait pas produit de preuve quant à la qualité de fonctionnaire du requérant lui permettant d’exercer lesdites prérogatives ou d’en tirer un avantage. Néanmoins, ainsi qu’il ressort du point 133 ci-dessus, la qualité de commerçant du requérant ne constitue pas un obstacle à ce que ce dernier perçoive une redevance sur les marchandises entrant dans la Ghouta orientale.

138    Deuxièmement, selon le requérant, le Conseil se contredirait en affirmant, d’une part, qu’il serait proche du régime syrien et, d’autre part, qu’il agirait clandestinement, c’est-à-dire en dissimulant un acte répréhensible aux autorités légales. En outre, il appartiendrait au Conseil de démontrer quelle était la partie ou l’autorité visée par les manœuvres de dissimulation qui caractérisent la clandestinité alléguée. Par ailleurs, le Conseil ne prétendrait pas que le requérant disposerait de moyens coercitifs ou d’une milice afin de collecter de telles redevances.

139    À cet égard, il convient de relever que le terme « clandestinement » ne doit pas être examiné de manière isolée, mais lu dans son contexte. Il ressort des éléments de preuve issus du site Internet « Orient News » et de celui de la fondation Friedrich Ebert Stiftung que, à l’instar de ce que soutient le Conseil, le terme « clandestinement » renvoie au fait que, pendant la guerre, le requérant contrôlait un point de passage ainsi qu’une voie pour le commerce clandestin. Ce terme fait donc référence à l’entrée de marchandises qui ne saurait être officielle, dès lors que la zone de la Ghouta orientale est assiégée. En outre, le terme « clandestinement », tel qu’il est utilisé dans les motifs d’inscription, doit être distingué de la phase relative à l’imposition d’une redevance ou d’une taxe, eu égard au fait que l’introduction clandestine de marchandises n’empêche pas, ultérieurement, le prélèvement de taxes ou de redevances, lors de la vente desdites marchandises. Au contraire, l’imposition de redevances ou de taxes par une personne physique qui ne possède normalement pas de prérogative de puissance publique pour le faire est, dans une certaine mesure, facilitée par le fait que les marchandises ont été introduites de manière non officielle, sans détermination d’un prix fixe.

3)      Conclusions sur le critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

140    Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que le Conseil, en démontrant que le requérant a connu une ascension rapide en tant qu’homme d’affaires influent en imposant des taxes sur les marchandises introduites clandestinement dans la Ghouta orientale assiégée et en possédant des intérêts économiques et financiers dans des secteurs tels que l’immobilier, l’hôtellerie de luxe et les centres commerciaux, a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir qu’il est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

141    Cette conclusion n’est pas infirmée, en premier lieu, par le fait que le requérant relève qu’il ne comprendrait pas le lien entre ses activités et la répression exercée contre les populations civiles et, en particulier, par le fait qu’il conteste avoir, à titre personnel ou par l’intermédiaire de ses entreprises, des liens avec une coentreprise publique ou bénéficiant du soutien de l’État syrien, ou avoir bénéficié de terres expropriées pour réaliser ses projets, tels que ces éléments sont décrits aux considérants 2 des actes initiaux. Selon lui, aucune preuve ne serait produite en ce sens par le Conseil dans le document WK 1739/2020 INIT.

142    Les considérants 2 des actes initiaux se lisent comme suit :

« Étant donné que des hommes ou femmes d’affaires éminents réalisent des bénéfices importants du fait de leurs liens avec le régime d’Assad et aident à financer ce régime en retour, notamment au travers des coentreprises formées par certains hommes ou femmes d’affaires et entités éminents avec des sociétés bénéficiant du soutien de l’État afin d’exploiter des terres expropriées, ces hommes ou femmes d’affaires et entités soutiennent le régime d’Assad et en tirent avantage, y compris par l’utilisation de biens expropriés. »

143    À cet égard, il convient de relever, comme le souligne à juste titre le Conseil, que l’exploitation de terres expropriées et l’utilisation de biens expropriés sont évoquées à titre illustratif dans les considérants 2 des actes initiaux, ainsi que les termes « notamment » et « y compris » le démontrent, comme étant des comportements adoptés par les hommes ou femmes d’affaires éminents qui réalisent des bénéfices importants en raison de leurs liens avec le régime d’Assad et qui aident à financer ce régime en retour. Ainsi, ces circonstances ne sauraient être comprises comme une condition pour l’inscription du nom des personnes, entités ou organismes sur les listes en cause en vertu des actes initiaux. Pour le surplus, il importe d’ajouter que les critères sous lesquels le requérant a été inscrit, ainsi qu’il ressort du point 49 ci-dessus, se distinguent de celui qui vise les « personnes et les entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne », conformément au paragraphe 1 des articles 27 et 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et au paragraphe 1 de l’article 15 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828. Par conséquent, il convient de rejeter l’argument du requérant selon lequel il prétend ne pas remplir les conditions décrites aux considérants 2 des actes initiaux comme étant inopérant.

144    En second lieu, la conclusion retenue au point 140 ci-dessus n’est pas infirmée par l’argument du requérant selon lequel, le contexte syrien ayant évolué, le Conseil ne pourrait pas persister à traiter la Syrie comme ce fut le cas pendant les années de guerre, précisément lorsque sont concernés des citoyens syriens cherchant à poursuivre leurs activités commerciales normalement. Afin de démontrer que, en substance, le contexte syrien aurait évolué, il apporte une capture d’écran, datée du 17 juin 2021, du site du ministère des Affaires étrangères du gouvernement hellénique démontrant que la République hellénique aurait réactivé sa représentation diplomatique à Damas en vue de relancer les échanges.

145    Pour autant que, par son argument, le requérant entend contester la pertinence des règles générales sur le fondement desquelles a été décidée l’inscription de son nom sur les listes en cause, il y a lieu de rappeler que le Conseil dispose d’une large marge d’appréciation quant aux critères généraux à prendre en considération en vue de l’adoption de mesures restrictives (voir arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée). En revanche, ainsi que la jurisprudence citée au point 80 ci-dessus le rappelle, le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision.

146    Or, ainsi qu’il ressort du point 49 ci-dessus, le nom du requérant a été inscrit et maintenu sur les listes en cause en raison, notamment, de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Force est de constater que le requérant n’a pas contesté la légalité du critère d’inscription prévu à l’article 27, paragraphe 2, sous a), et à l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, dans le cadre de son second mémoire en adaptation. En effet, il n’a pas soulevé d’exception d’illégalité, conformément à l’article 277 TFUE, à l’encontre de l’article 27, paragraphe 2, sous a), et de l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836.

147    En tout état de cause, certes, la capture d’écran produite par le requérant souligne que les conditions de sécurité se sont améliorées à Damas, permettant l’envoi d’un chargé d’affaires et le fonctionnement des bureaux grecs depuis janvier 2021. Toutefois, d’une part, il ne ressort pas du contenu de la capture d’écran qu’elle relaierait une position officielle de l’Union à l’égard d’une évolution de la situation en Syrie. Au contraire, il en ressort que « les sanctions infligées par l’Union [...] à l’encontre du gouvernement syrien » contraignent les relations commerciales. D’autre part, la capture d’écran ne mentionne pas expressément que le contexte syrien a évolué de manière générale. À cet égard, la capture d’écran comporte une partie consacrée aux relations politiques entre la République hellénique et une partie de la population syrienne indiquant que « la situation des Syriens de croyance orthodoxe est d’un intérêt spécial pour la Grèce [en ce] qu’ils composent la plus grande communauté chrétienne de Syrie ». En revanche, s’agissant des relations économiques, il y est indiqué que « le conflit armé en Syrie, les conditions de vie insuffisantes et les sanctions infligées par l’Union [...] à l’encontre du gouvernement syrien, ainsi qu’à l’encontre de certains individus et [entreprises] n’ont pas permis l’entretien ou le développement des relations [...] commerciales ». Il en ressort que non seulement les relations de la République hellénique avec la République arabe syrienne sont fortement limitées, mais que, en outre, celles-ci s’expliquent par des circonstances particulières, tenant aux liens qu’entretient la République hellénique avec une frange de la population syrienne. Ainsi, le fait que la République hellénique ait rétabli certaines relations avec la République arabe syrienne ne saurait, à lui seul, démontrer que la position de l’Union à l’égard cet État ait évolué.

148    Enfin, selon la jurisprudence, eu égard à la nature préventive des décisions adoptant des mesures restrictives, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée). Toutefois, le Tribunal considère que, dans les circonstances particulières de la présente espèce, il y a lieu d’examiner, en second lieu et à titre subsidiaire, les arguments du requérant visant à contester l’autre motif de son inscription, selon lequel il est associé au régime syrien.

e)      Sur l’association avec le régime syrien

149    Il convient de vérifier si l’ensemble des éléments de preuve soumis par le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 84 ci-dessus, et constitue ainsi un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer le motif d’inscription selon lequel le requérant est associé au régime syrien.

150    Ainsi qu’il résulte du point 105 ci-dessus, il convient donc d’examiner, premièrement, la participation du requérant à des formes de clientélisme agressives au bénéfice du régime syrien et, deuxièmement, le bénéfice financier que le requérant retire d’un accès privilégié aux marchés publics.

1)      Sur le fait que le requérant participe maintenant à des formes de clientélisme agressives au bénéfice du régime syrien

151    S’agissant de la partie des motifs relative à la « [participation du requérant] à des formes de clientélisme agressives au bénéfice du régime » syrien, il convient d’interpréter le terme « clientélisme » comme le fait, pour un homme ou une femme politique, de chercher à élargir son influence en attribuant à d’autres des avantages ou des privilèges. Ainsi, les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause doivent être compris en ce sens que c’est le requérant, afin de chercher à élargir son influence, qui attribue des avantages et des privilèges au bénéfice du régime syrien.

152    À cet égard, il ressort du document WK 1739/2020 INIT que, premièrement, les formes de clientélisme agressif se caractérisent, selon les sites Internet « The Syria Report » et, en substance, « enabbaladi.net », par la manière dont les investissements dans les centres commerciaux Massa Plaza Mall et Quassioun Mall ont été réalisés. En effet, c’est à la suite de la réévaluation opérée par le gouvernement syrien des coûts de gestion de ces centres commerciaux que leurs contrats de concession ont été attribués au requérant au détriment des contrats de concession négociés avec le cocontractant précédent, mais également sans considération du fait qu’ils avaient été récemment renégociés. Deuxièmement, le site Internet « enabbaladi.net » mentionne l’adjudication d’importants contrats publics à des sociétés possédées par le requérant seulement quelques jours avant, ou même un seul jour avant, le lancement des appels d’offres par le gouvernement syrien. Troisièmement, le requérant a investi des montants de 1,2 milliard et de 1,29    milliard de SYP dans les contrats de concessions des centres commerciaux, respectivement, de Quassioun Mall et de Massa Plaza Mall, ainsi que mentionné au point 127 ci-dessus. Quatrièmement, selon le site Internet « enabbaladi.net », les investissements du requérant permettent de satisfaire à la nouvelle tendance du gouvernement syrien consistant à rouvrir les centres commerciaux avec de nouveaux investisseurs dont les ambitions seraient plus compatibles avec son plan de développement de ses biens et de réorientation de ses investissements. À cet égard, le site Internet « The Syria Report » indique que les paiements annuels des centres commerciaux seraient supérieurs à leur valeur précédente.

153    Or, il convient de relever qu’il ne ressort pas du document WK 1739/2020 INIT que le requérant pratiquerait lui-même des formes de clientélisme agressif, mais plutôt qu’elles sont le fait du régime syrien. En outre, il ressort dudit document que ces formes de clientélisme agressives bénéficient, notamment, au requérant, qui est impliqué en tant que destinataire de l’attribution de contrats de concession importants. De ce fait, le régime syrien cherche à élargir son influence en lui attribuant des avantages ou des privilèges.

154    Pour le surplus, l’article publié sur le site Internet « enabbaladi.net » mentionne la désignation du requérant en tant que président de la chambre de commerce de la province de Damas après que le gouvernement syrien a dissout l’ancienne composition de cette chambre. Toutefois, contrairement à ce que soutient le Conseil, il ne ressort pas de cet article que le requérant ait participé à des formes de clientélisme au bénéfice du régime syrien dans le sens indiqué au point 151 ci-dessus.

155    Dès lors et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’argument du requérant relatif au caractère ordinaire de ses activités commerciales par comparaison à la plupart des commerçants prospères de Damas et à la portée limitée de celles-ci, le Conseil n’a pas démontré de manière étayée, conformément au point 151 ci-dessus, que le requérant aurait participé à des formes de clientélisme agressif en attribuant des avantages ou des privilèges au régime syrien.

156    Il s’ensuit que l’élément des motifs d’inscription des actes attaqués relatif à la participation du requérant à des formes de clientélisme agressif au bénéfice du régime syrien n’est pas fondé.

2)      Sur le bénéfice financier tiré d’un accès privilégié aux marchés publics et aux licences et contrats attribués par les agences du gouvernement, grâce aux liens étroits que le requérant entretient avec le régime

157    En premier lieu, le requérant a bénéficié, par l’intermédiaire des sociétés qu’il a fondées ou dans lesquelles il détient une participation, de différents contrats attribués par le gouvernement syrien. Plus particulièrement, le site Internet de l’université de Lausanne et deux articles du site Internet « The Syria Report » indiquent que la société Murouj Al-Cham Investment and Tourism, dont le requérant détient 47 % des parts, a bénéficié de l’attribution du contrat du complexe Al-Jalaa par le ministre du Tourisme syrien. Le montant de l’investissement s’élève à 2,25 milliards de SYP par an (environ 5 millions d’USD et 4,53 millions d’euros), tel que le mentionnent deux articles du site Internet « The Syria Report ». Il importe de relever que la valeur du contrat est significative. En outre, selon « The Syria Report » et l’université de Lausanne, il s’agit d’un contrat pour développer un emplacement immobilier de premier choix à Damas, qui inclut la construction d’un grand hôtel cinq étoiles et d’un centre commercial.

158    En deuxième lieu, il appert du site Internet de la fondation Friedrich Ebert Stiftung que le requérant a investi des millions de livres syriennes dans des immeubles situés dans des quartiers très chers de Damas. Le site Internet « The Syria Report » qualifie les propriétés commerciales de biens de premier plan à Damas. En d’autres termes, il s’agit d’emplacements immobiliers de premier choix, c’est-à-dire qui se situent dans des zones parmi les plus convoitées de Damas et qui sont donc intéressantes pour les investisseurs en vue de leur exploitation. En sus, il ressort des deux sources susmentionnées que les contrats prévoient une exploitation sur plusieurs décennies.

159    En troisième lieu, ainsi qu’il ressort de l’article « The Syria Report », intitulé en français « L’accord de Yalbugha confirme l’emprise d’un investisseur influent sur les propriétés commerciales de premier plan à Damas », le contrat pour le développement du complexe immobilier de Yalbugha a été attribué au requérant après que les travaux sur le projet ont débuté, comme pressenti. De surcroît, le site Internet « enabbaladi.net » mentionne que l’établissement de sociétés et les méthodes d’investissement conduisent certains à penser que les enchères menées, par exemple pour l’attribution des contrats portant sur le centre commercial Quassioun Mall ou le complexe Al-Jalaa, sont une « mise en scène » du ministre du Commerce et de la Protection des consommateurs syrien. En effet, l’investisseur-bénéficiaire est préalablement déterminé et soutenu par le cercle restreint de M. Al-Assad. Enfin, le site Internet de la fondation Friedrich Ebert Stiftung indique que le requérant jouit d’un accès favorisé aux appels d’offres publics, dont celui relatif au centre commercial Quassioun Mall.

160    En quatrième lieu, le requérant conteste retirer un avantage financier du fait qu’il dispose d’un accès privilégié aux marchés publics, aux licences et aux contrats attribués par le gouvernement syrien. Premièrement, il soutient que, en 2010, avant le début de la guerre en Syrie, Murouj Al-Cham Investment and Tourism bénéficiait déjà de plusieurs contrats d’exploitation de sites touristiques à la suite de l’attribution de marchés publics conformément à la législation relative aux marchés publics applicables à cette date. Il produit, à cet égard, quatre lettres du ministère du Tourisme syrien en date du 13 juillet 2010 indiquant les exigences applicables dans le cadre de la passation de marchés publics et faisant état de la présence de nombreux investisseurs. Toutefois, ces lettres n’indiquent pas que l’attribution des marchés publics qui y sont mentionnés a été faite définitivement au bénéfice du requérant. En effet, elles mentionnent que le ministère du Tourisme syrien fournit son « acceptation de principe [à la demande du requérant], à condition [qu’il soumette] dans les vingt jours […] le cautionnement provisoire nécessaire pour réserver le site, […] afin [qu’il obtienne] l’approbation de la réservation du site et [en soit informé,] [s]achant [qu’]existent d’autres demandes similaires soumises à l’examen par le [m]inistère[,] et afin que les étapes suivantes soient réalisées conformément à l’annonce ».

161    Deuxièmement, le requérant ajoute que le retour de la stabilité en 2017 a permis à Murouj Al-Cham Investment and Tourism de poursuivre ses activités. Les contrats résultant d’une passation de marché public auraient été attribués à sa société en présence de plusieurs concurrents dans un cadre officiel. Aucun contrat de gré à gré n’aurait été passé avec lui, ce qui démontrerait qu’il n’a pas bénéficié d’un lien privilégié avec le régime. Depuis 2010, c’est avec le secteur privé qu’il aurait conclu la plupart des contrats ayant contribué au développement de son activité. À cet égard, il importe de relever que le requérant n’apporte aucune preuve à l’appui de ses allégations. Comme il a été indiqué au point 157 ci-dessus, le Conseil a démontré que le requérant retirait un bénéfice financier du contrat du complexe Al-Jalaa du fait de sa valeur non négligeable de 2,25 milliards de SYP (environ 5 millions d’USD et 4,53 millions d’euros) par an et de son emplacement.

3)      Conclusions sur le critère de l’association avec le régime syrien

162    Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que le Conseil n’est pas parvenu à démontrer que le requérant avait participé à des formes de clientélisme agressif au bénéfice du régime syrien. En revanche, ce dernier est parvenu à démontrer que le requérant tirait un bénéfice financier d’un accès privilégié aux marchés publics grâce aux liens étroits qu’il entretenait avec le régime syrien, en apportant un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir que le requérant était associé au régime syrien.

163    La conclusion retenue au point 162 ci-dessus n’est pas infirmée, en premier lieu, par le fait que, selon le requérant, il n’aurait pas été réélu à ses fonctions de président de la chambre de commerce de la province de Damas à partir du mois d’octobre 2020, ce qui n’aurait pas pu se produire si le fait d’occuper ces fonctions avait résulté de sa proximité avec le régime syrien. Il produit, en ce sens, une première décision portant le numéro 2905, datée du 24 octobre 2020, du ministre du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien portant approbation par ledit ministre de l’élection des membres du conseil d’administration de la chambre de commerce de la province de Damas et où le nom du requérant ne figure pas.

164    S’agissant des actes initiaux et des actes de maintien de 2020, il importe de relever que la décision portant le numéro 2905 est postérieure à la date d’adoption desdits actes, soit, respectivement, le 17 février 2020 et le 28 mai 2020. Or, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 112 et jurisprudence citée). Par conséquent, l’absence de réélection du requérant à la fonction de président de la chambre de commerce de la province de Damas étant postérieure à la date d’adoption des actes initiaux et des actes de maintien de 2020, elle ne saurait être un élément pertinent permettant de contester la légalité desdits actes.

165    S’agissant des actes de maintien de 2021, ainsi que l’a relevé le Conseil lors de l’audience, il convient de considérer que le requérant a valablement apporté la preuve qu’il n’était plus, à la date d’adoption des actes de maintien de 2021, président de la chambre de commerce de la province de Damas. À cet égard, il convient de relever que le fait de détenir des charges au sein des chambres de commerce syriennes ne représente pas un motif d’inscription à part entière du nom du requérant sur les listes en cause, mais constitue plutôt un des éléments illustrant la partie desdits motifs relative à ses liens avec le régime syrien. Nonobstant la cessation de ses fonctions en tant que président, le requérant entretenait suffisamment d’autres liens avec le régime syrien pour que le motif d’inscription retenu dans les actes de maintien de 2021 ait été toujours fondé.

166    En deuxième lieu, le requérant soutient que de nombreuses personnalités sont présidentes de chambre de commerce, d’industrie et du tourisme et ont des affaires qui prospèrent sans pour autant être inscrites sur les listes en cause. Or, force est de constater que seule la situation du requérant compte aux fins de l’appréciation du bien-fondé de son inscription sur les listes en cause.

167    En troisième lieu, le requérant fait valoir que son invitation à des forums économiques par la République italienne, qui, en tant que membre de l’Union, lutte contre les personnes impliquées dans les conflits syriens, démontre que rien ne pourrait lui être reproché. Il ressort du document WK 1739/2020 INIT que le requérant joue un rôle en tant que représentant du régime syrien dans les relations commerciales avec l’étranger comme l’attestent les pièces tirées du site Internet de l’agence de presse syrienne (SANA). En particulier, le requérant a représenté la fédération des chambres de commerce syriennes, lors des rencontres de la chambre de commerce italo-arabe en octobre 2019 et du forum italo-arabe en octobre 2018 ayant eu lieu à Rome (Italie). Selon le requérant, sa présence à ces rencontres aurait été permise grâce à l’invitation des autorités italiennes. Le Conseil soutient que le requérant n’aurait pas été invité par les autorités italiennes, mais par le président de la chambre de commerce italo-arabe, qui est une organisation privée. À cet égard, il convient de relever que, tout d’abord, tant les invitations que les événements datent de 2018 et de 2019, et sont donc antérieures à l’adoption des actes attaqués, de sorte que la chambre de commerce italo-arabe n’aurait eu aucun motif, à ces dates, pour ne pas inviter le requérant ou refuser qu’il assiste aux événements en raison de l’existence de restrictions, adoptées par les autorités italiennes, en matière d’admission sur le territoire de l’Union au sens de l’article 27, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. En outre, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’implication contestée des autorités italiennes au sein de la chambre de commerce italo-arabe, il importe de relever que le requérant a été choisi pour participer à plusieurs événements, à titre personnel en octobre 2019, et en qualité de représentant de sa société en octobre 2018, réunissant tant l’Italie que les pays arabes, ce qui atteste de l’envergure qu’il possède, dans les relations commerciales en Syrie, voire au niveau international, et ne démontre pas l’absence de liens avec le régime syrien. Pour le surplus, lors de l’audience, le Conseil a souligné, en substance, sans être contredit, que les invitations ne comportaient pas le sceau de la République italienne ou une référence à celle-ci. Par conséquent, l’invitation de la chambre de commerce italo-arabe ne saurait être considérée comme une preuve émanant des autorités italiennes permettant de conclure qu’aucun reproche n’aurait pu être fait au requérant.

168    Au vu de l’ensemble de ce qui précède, nonobstant le fait que le requérant ait valablement démontré qu’il n’était plus président de chambre de commerce de la province de Damas s’agissant des actes de maintien de 2021 (voir point 165 ci-dessus), il convient de conclure que le motif d’inscription relatif à l’association du requérant au régime syrien est bien fondé.

169    Dès lors, il y a lieu de rejeter le troisième moyen et, partant, les conclusions en annulation comme étant non fondées.

C.      Sur les conclusions en indemnité

170    Le requérant demande le versement de la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice subi, tant matériel que moral. En premier lieu, il fait valoir que la violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit découle de l’illégalité consistant en ce que le Conseil ne disposerait pas d’éléments de preuve établissant, à suffisance de droit, le bien-fondé des actes attaqués. En deuxième lieu, lui et sa famille seraient exposés à des représailles mettant en péril leur sécurité. En outre, l’inscription de son nom sur les listes en cause, d’une part, nuirait à ses relations d’affaires en ce que ses nombreux concurrents profiteraient de la situation pour l’isoler et, d’autre part, elle porterait atteinte à la réputation du requérant, ce qui serait aggravé par le fait qu’il s’agit d’une position officielle d’une institution de l’Union, publiée et ayant force contraignante. En troisième lieu, le lien de causalité résulterait du fait que l’image du requérant aurait été ternie par l’inscription de son nom sur les listes en cause et les répercussions néfastes sur le plan personnel, familial et professionnel proviendraient du caractère public des actes attaqués.

171    Le Conseil conclut au rejet de la demande.

172    Il ressort de la jurisprudence que le principe de protection juridictionnelle effective des personnes ou entités visées par des mesures restrictives exige, afin que cette protection soit complète, que la Cour de justice de l’Union européenne puisse statuer sur un recours en indemnité introduit par ces personnes ou entités et visant à obtenir réparation des dommages causés par des mesures restrictives prévues par des décisions adoptées dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Partant, il convient de constater que la Cour et le Tribunal sont compétents pour statuer sur un recours en indemnité en tant que celui-ci vise à obtenir la réparation du préjudice prétendument subi en raison de mesures restrictives prises à l’encontre de personnes physiques ou morales et prévues par des décisions adoptées dans le cadre de la PESC (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2020, Bank Refah Kargaran/Conseil, C‑134/19 P, EU:C:2020:793, points 43, 44 et 49).

173    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union du fait d’un comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dans la mesure où ces trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire, sans qu’il soit dès lors nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, EU:T:2010:499, points 92 et 93).

174    En l’espèce, il ressort des constatations exposées en ce qui concerne les conclusions en annulation que l’inscription et le maintien du nom du requérant sur les listes en cause ne sont pas entachés d’illégalité. Partant, l’une des conditions mentionnées au point 173 ci-dessus faisant défaut, les conclusions en indemnité doivent être rejetées.

175    Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

176    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

177    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Waseem Alkattan est condamné aux dépens.

Gervasoni

Frendo

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 novembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Gervasoni


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité de la preuve déposée par le Conseil lors de l’audience

B. Sur les conclusions en annulation

1. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

2. Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable

3. Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

a) Considérations liminaires

b) Sur les motifs d’inscription et la détermination des critères d’inscription

c) Sur la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil

d) Sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

1) Sur les intérêts économiques et financiers du requérant

2) Sur le fait que le requérant ait connu une ascension rapide en tant qu’homme d’affaires influent en imposant des taxes sur les marchandises introduites clandestinement dans la Ghouta orientale assiégée

3) Conclusions sur le critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

e) Sur l’association avec le régime syrien

1) Sur le fait que le requérant participe maintenant à des formes de clientélisme agressives au bénéfice du régime syrien

2) Sur le bénéfice financier tiré d’un accès privilégié aux marchés publics et aux licences et contrats attribués par les agences du gouvernement, grâce aux liens étroits que le requérant entretient avec le régime

3) Conclusions sur le critère de l’association avec le régime syrien

C. Sur les conclusions en indemnité

Sur les dépens



*      Langue de procédure : le français.

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T21820.html