Gmina Miasto Gdynia and Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo v Commission (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-263/15RENV (21 December 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T26315RENV.html
Cite as: [2021] EUECJ T-263/15RENV, EU:T:2021:927, ECLI:EU:T:2021:927

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

21 décembre 2021 (*)

« Aides d’État – Infrastructures aéroportuaires – Financement public accordé par les communes de Gdynia et de Kosakowo en faveur de la reconversion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Avantage – Principe de l’opérateur privé en économie de marché – Affectation des échanges entre États membres – Atteinte à la concurrence – Récupération – Retrait d’une décision – Absence de réouverture de la procédure formelle d’examen – Droits procéduraux des parties intéressées – Droits de la défense – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑263/15 RENV,

Gmina Miasto Gdynia (Pologne),

Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo sp. z o.o., établie à Gdynia (Pologne),

représentées par Mes T. Koncewicz, M. Le Berre, K. Gruszecka-Spychała et P. Rosiak, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

République de Pologne, représentée par MM. B. Majczyna, M. Rzotkiewicz et Mme S. Żyrek, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes K. Herrmann, D. Recchia et M. S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des articles 2 à 5 de la décision (UE) 2015/1586 de la Commission, du 26 février 2015, concernant la mesure SA.35388 (13/C) (ex 13/NN et ex 12/N) – Pologne – Reconversion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (JO 2015, L 250, p. 165),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et J. Schwarcz, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 mai 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Au mois de juillet 2007, la première requérante, la Gmina Miasto Gdynia (ci-après la « commune de Gdynia »), et la Gmina Kosakowo (ci-après la « commune de Kosakowo ») ont créé la société Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo sp. z o.o. (ci-après la « société PLGK »), seconde requérante, qui appartient à 100 % à ces deux communes polonaises, dans le but de reconvertir à des fins civiles l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie, situé sur le territoire de la commune de Kosakowo en Poméranie, dans le nord de la Pologne. Ce nouvel aéroport civil, dont la gestion était confiée à la société PLGK, devait devenir le deuxième aéroport le plus important de Poméranie et servir principalement au trafic aérien général, aux lignes à bas coûts et aux compagnies charters.

2        Le 7 septembre 2012, la République de Pologne a notifié à la Commission européenne la mesure de financement du projet de reconversion de l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie (ci-après la « mesure en cause »).

3        Le 7 novembre 2012 et le 6 février 2013, la Commission a demandé aux autorités polonaises des informations complémentaires concernant la mesure en cause. Ces informations ont été transmises à la Commission le 7 décembre 2012 et le 15 mars 2013.

4        Le 15 mai 2013, la Commission a informé les autorités polonaises qu’elle entendait transférer le dossier relatif à la mesure en cause vers le registre des aides non notifiées, dans la mesure où la majeure partie du financement notifié avait déjà été octroyée de manière irrévocable.

5        Par sa décision C(2013) 4045 final, du 2 juillet 2013, relative à la mesure SA.35388 (2013/C) (ex 2013/NN et ex 2012/N) – Pologne – Reconversion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (JO 2013, C 243, p. 25, ci-après la « décision d’ouverture »), la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen concernant la mesure en cause, aux termes de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, et a invité les parties intéressées à présenter leurs observations. La Commission n’a reçu aucune observation de la part de ces parties.

6        Le 30 octobre 2013, la Commission a demandé des renseignements complémentaires aux autorités polonaises. Ces renseignements ont été fournis les 4 et 15 novembre 2013. Les autorités polonaises ont transmis d’autres informations le 3 décembre 2013 et le 2 janvier 2014.

7        Par ailleurs, au cours de la procédure, les autorités polonaises ont transmis à la Commission une étude concernant le respect du critère de l’investisseur privé en économie de marché (ci-après le « critère de l’investisseur privé ») réalisée par une société de conseil, datée du 16 juillet 2010 (ci-après l’« étude de 2010 »). Cette étude de 2010 a été actualisée le 13 mai 2011 (ci-après l’« étude de 2011 ») et le 13 juillet 2012 (ci-après l’« étude de 2012 »).

8        Le 11 février 2014, la Commission a adopté la décision 2014/883/UE, concernant la mesure SA.35388 (13/C) (ex 13/NN et ex 12/N) – Pologne – Création de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (JO 2014, L 357, p. 51), dans laquelle elle a constaté que la mesure en cause constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, notamment en raison du fait que, grâce à cette mesure, la société PLGK avait obtenu un avantage économique dont elle n’aurait pas bénéficié dans des conditions normales de marché. Par cette décision, la Commission a ordonné aux autorités polonaises de récupérer l’aide d’État versée à la société PLGK.

9        Le 8 et le 9 avril 2014, respectivement, la commune de Gdynia, conjointement avec la société PLGK, et la commune de Kosakowo ont déposé devant le Tribunal des recours tendant à l’annulation de la décision 2014/883 (affaires T‑215/14 et T‑217/14). Par actes séparés déposés le même jour, elles ont également demandé le sursis à l’exécution de ladite décision (affaires T‑215/14 R et T‑217/14 R).

10      Le 20 août 2014, le président du Tribunal a rejeté les demandes en référé (ordonnances du 20 août 2014, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo/Commission, T‑215/14 R, non publiée, EU:T:2014:733, et du 20 août 2014, Gmina Kosakowo/Commission, T‑217/14 R, non publiée, EU:T:2014:734).

11      Le 26 février 2015, la Commission a procédé, dans le même acte, au retrait de la décision 2014/883 et à son remplacement par la décision (UE) 2015/1586, concernant la mesure SA.35388 (13/C) (ex 13/NN et ex 12/N) – Pologne – Reconversion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (JO 2015, L 250, p. 165, ci-après la « décision attaquée »).

12      S’agissant du retrait de la décision 2014/883, la Commission a indiqué que, au cours de la procédure devant le Tribunal, il était apparu que l’aide d’État déclarée incompatible avec le marché intérieur par la décision 2014/883 comprenait certains investissements qui, selon la décision d’ouverture, ne constituaient pas des aides d’État dans la mesure où ils relevaient d’une tâche d’intérêt public. Sur cette base, la Commission a décidé qu’il convenait d’abroger la décision 2014/883 et de la remplacer par la décision attaquée.

13      Le dispositif de la décision attaquée est ainsi libellé :

« Article premier

La [décision 2014/883] est retirée.

Article 2

1.      Les apports en capital réalisés en faveur de [la société PLGK] entre le 28 août 2007 et le 17 juin 2013 constituent une aide d’État illégalement mise à exécution par la [République de] Pologne en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE] qui est incompatible avec le marché intérieur, à l’exception de la part des apports en capital affectée aux investissements nécessaires à la réalisation des activités qui, conformément à la décision [d’ouverture], doivent être considérées comme relevant d’une tâche d’intérêt public.

2.      Les apports en capital en faveur de [la société PLGK] que la [République de] Pologne envisage de mettre à exécution après le 17 juin 2013 en vue de la reconversion de l’aéroport militaire de Gdynia-Kosakowo en aéroport civil constituent une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. En conséquence, elle ne peut être mise à exécution.

Article 3

1.      La [République de] Pologne récupère l’aide visée à l’article 2, paragraphe 1, auprès du bénéficiaire.

2.      Les montants à récupérer sont majorés d’un intérêt courant sur toute la période comprise entre le jour auquel l’aide a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à la date du remboursement effectif. Le taux d’intérêt est calculé sur une base composée, conformément aux dispositions du chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission.

3.      La [République de] Pologne annule tous les versements en suspens de l’aide visée à l’article 2, paragraphe 2, à compter de la date de la notification de la présente décision.

Article 4

1.      La récupération de l’aide visée à l’article 2, paragraphe 1, et des intérêts visés à l’article 3, paragraphe 2, est immédiate et effective.

2.      La [République de] Pologne veille à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans un délai de quatre mois à compter de la date de sa notification.

Article 5

1.      Dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, la [République de] Pologne communique à la Commission les informations suivantes :

a)      le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès du bénéficiaire ;

b)      une description détaillée des mesures déjà prises et des mesures prévues pour se conformer à la présente décision ;

c)      les documents confirmant qu’il a été ordonné au bénéficiaire de rembourser l’aide.

2.      La [République de] Pologne tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales adoptées afin de mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide visée à l’article 2, paragraphe 1, et des intérêts visés à l’article 3, paragraphe 2. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et sur celles prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit aussi des informations détaillées concernant les montants d’aide et d’intérêts déjà récupérés auprès du bénéficiaire.

Article 6

La République de Pologne est destinataire de la présente décision. »

14      Le 30 novembre 2015, le Tribunal a constaté, par voie d’ordonnance, qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les recours déposés dans les affaires T‑215/14 et T‑217/14 (ordonnances du 30 novembre 2015, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo/Commission, T‑215/14, non publiée, EU:T:2015:965, et du 30 novembre 2015, Gmina Kosakowo/Commission, T‑217/14, non publiée, EU:T:2015:968).

 Procédures antérieures devant le Tribunal et la Cour

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mai 2015, enregistrée sous le numéro T‑263/15, complétée notamment par une réplique déposée par la commune de Gdynia et une réplique déposée par la société PLGK, ces dernières ont demandé, dans le dernier état de leurs conclusions, l’annulation des articles 2 à 5 de la décision attaquée.

16      La République de Pologne a soutenu les conclusions des requérantes.

17      Par arrêt du 17 novembre 2017, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo/Commission (T‑263/15, ci-après l’« arrêt initial », EU:T:2017:820), le Tribunal a fait droit aux conclusions des requérantes en accueillant le troisième grief du sixième moyen, en tant qu’il était tiré de ce que la Commission avait violé le droit dont disposaient les parties intéressées, en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, de soumettre des observations. Le Tribunal a fondé sa conclusion sur le fait que, entre le moment de la publication de sa communication intitulée « Lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes » (JO 2014, C 99, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 2014 ») et l’adoption de la décision attaquée, les parties intéressées n’avaient pas été mises en mesure de présenter utilement leurs observations sur l’applicabilité et l’incidence éventuelle de ces lignes directrices, alors même qu’elles constituaient un changement de régime juridique que la Commission avait décidé d’appliquer au cas d’espèce.

18      Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 janvier 2018, la Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt initial.

19      Les requérantes, soutenues par la République de Pologne, ont demandé le rejet du pourvoi.

20      Par arrêt du 11 mars 2020, Commission/Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo (C‑56/18 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2020:192), la Cour a annulé l’arrêt initial, rejeté le troisième grief du sixième moyen du recours en annulation dans la mesure où ce grief était tiré d’une violation des droits procéduraux des parties intéressées du fait que ces dernières n’avaient pas été mises en mesure de se prononcer, avant l’adoption de la décision attaquée, sur la pertinence des lignes directrices de 2014, renvoyé l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue, d’une part, sur les aspects du troisième grief du sixième moyen du recours en annulation sur lesquels il ne s’était pas prononcé dans l’arrêt initial et, d’autre part, sur les premier à cinquième moyens de ce recours, et a réservé les dépens.

 Procédure et conclusions des parties après renvoi

21      Conformément à l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, l’affaire a été attribuée à la sixième chambre du Tribunal.

22      Sur le fondement de l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission, les requérantes et la République de Pologne ont déposé des observations écrites sur les conclusions à tirer de l’arrêt sur pourvoi pour la solution du litige, respectivement le 19, le 21 et le 25 mai 2020.

23      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les articles 2 à 5 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

25      La République de Pologne soutient les conclusions des requérantes.

 En droit

 Sur l’objet du litige

26      En vertu de l’article 61, paragraphes 1 et 2, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé et que l’affaire est renvoyée devant le Tribunal pour qu’il statue sur le litige, celui-ci est lié par les points de droit tranchés par la décision de la Cour. Ainsi, à la suite de l’annulation par la Cour et du renvoi de l’affaire devant le Tribunal, celui-ci est saisi par l’arrêt de la Cour, en application de l’article 215 du règlement de procédure, et doit se prononcer sur l’ensemble des moyens d’annulation soulevés par la partie requérante, à l’exclusion des éléments du dispositif non annulés par la Cour ainsi que des considérations qui constituent le fondement nécessaire desdits éléments, ceux-ci étant passés en force de chose jugée (voir arrêt du 3 juillet 2018, Keramag Keramische Werke e.a./Commission, T‑379/10 RENV et T‑381/10 RENV, non publié, EU:T:2018:400, point 26 et jurisprudence citée).

27      En l’espèce, par le point 1 du dispositif de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a annulé l’arrêt initial dans son intégralité. Au point 2 de ce dispositif, elle s’est prononcée au fond sur le sort du troisième grief du sixième moyen du recours en annulation en tant qu’il était tiré d’une violation des droits procéduraux des parties intéressées du fait que ces dernières n’avaient pas été mises en mesure de se prononcer, avant l’adoption de la décision attaquée, sur la pertinence des lignes directrices de 2014.

28      Dans leurs observations sur les conclusions à tirer de l’arrêt sur pourvoi pour la solution du litige (ci-après les « observations sur l’arrêt sur pourvoi »), les requérantes ont indiqué qu’elles maintenaient l’ensemble des moyens et arguments du recours sur lesquels la Cour ne s’était pas prononcée de façon définitive. En substance, la République de Pologne en a fait de même. Il incombe ainsi au Tribunal de statuer, dans le cadre de la présente procédure de renvoi, sur l’ensemble des moyens et arguments présentés au soutien des conclusions en annulation de la décision attaquée, à l’exception du troisième grief du sixième moyen du recours en tant qu’il est tiré d’une violation des droits procéduraux des parties intéressées du fait que ces dernières n’ont pas été mises en mesure de se prononcer, avant l’adoption de la décision attaquée, sur la pertinence des lignes directrices de 2014, sur lequel la Cour a statué de manière définitive dans l’arrêt sur pourvoi. Ces moyens sont, en substance, au nombre de six.

29      Le premier moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 296 TFUE ainsi que du principe de sécurité juridique, en ce que la Commission a qualifié la mesure en cause d’aide d’État.

30      Le deuxième moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, de l’article 296 TFUE et du principe d’égalité de traitement en ce que la Commission a considéré que la mesure en cause n’était pas compatible avec le marché intérieur.

31      Le troisième moyen est pris de la violation de l’article 5, paragraphe 4, TUE et du principe de proportionnalité.

32      Le quatrième moyen est tiré de la violation du principe impossibilium nulla obligatio est et du principe de proportionnalité.

33      Le cinquième moyen est pris de la violation des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité, de coopération loyale et d’égalité de traitement.

34      Le sixième moyen, en tant qu’il porte sur des points non tranchés par l’arrêt sur pourvoi, est tiré, en substance, de la violation des droits de la défense de la République de Pologne, de la violation des droits des requérantes à être entendues à l’égard des nouvelles données factuelles figurant dans la décision attaquée ainsi que de la violation des principes de bonne administration, de coopération loyale et de protection de la confiance légitime.

35      Dans la mesure où il se rapporte à de prétendus vices de procédure, le sixième moyen du recours sera examiné préalablement aux autres. Par ailleurs, le cinquième moyen, qui tend à contester les lignes directrices appliquées, sera traité à la suite du deuxième moyen, concernant l’appréciation de la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation des règles de procédure ainsi que des principes de bonne administration, de coopération loyale et de protection de la confiance légitime

36      Le sixième moyen repose, en substance, sur trois griefs. Premièrement, les requérantes contestent l’absence de publication de la décision attaquée à la date d’introduction du présent recours. Deuxièmement, les requérantes considèrent que la Commission n’aurait pas pu procéder au retrait de la décision 2014/883 sur la base de l’article 9 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 1999, L 83, p. 1). Troisièmement, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen avant d’adopter la décision attaquée et assurer le respect de leurs droits procéduraux et de ceux de la République de Pologne.

37      À titre liminaire, il y a lieu de relever que les requérantes renvoient, au début de leur moyen, aux écritures déposées devant le Tribunal, dans le cadre de l’affaire T‑215/14, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo/Commission, qu’elles joignent en annexe. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu de la disposition rappelée ci-dessus, doivent figurer dans la requête (arrêt du 13 juin 2013, Versalis/Commission, C‑511/11 P, EU:C:2013:386, point 115). Il s’ensuit que le renvoi global opéré par les requérantes à leurs écritures déposées dans le cadre de l’affaire T‑215/14, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo/Commission, est irrecevable.

 Sur le premier grief, tiré de l’absence de publication de la décision attaquée à la date d’introduction du présent recours

38      Les requérantes contestent l’absence de publication de la décision attaquée à la date d’introduction du présent recours, laquelle méconnaîtrait l’article 297 TFUE.

39      La Commission soutient que le premier grief du sixième moyen n’est pas fondé.

40      Selon l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, seules les décisions qui n’indiquent pas de destinataire sont publiées au Journal officiel de l’Union européenne. En vertu de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, les décisions qui désignent un destinataire sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification. En l’espèce, il y a lieu de relever que la République de Pologne était la seule destinataire de la décision attaquée et que, partant, la publication de celle-ci n’était pas une condition de sa prise d’effet (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2009, ISD Polska e.a./Commission, T‑273/06 et T‑297/06, EU:T:2009:233, points 57 et 58). Dès lors, l’absence de publication de la décision attaquée à la date d’introduction du présent recours ne saurait être considérée comme contraire à l’article 297 TFUE. Au demeurant, il résulte des éléments du dossier que la décision attaquée a été portée à la connaissance des requérantes et que celles-ci ont pu utilement former un recours à l’encontre de celle-là.

41      Il s’ensuit que le premier grief du sixième moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième grief, tiré de l’illégalité du retrait de la décision 2014/883 et de son remplacement par la décision attaquée

42      Les requérantes contestent la procédure ayant conduit à retirer la décision 2014/883 et à la remplacer par la décision attaquée. Selon elles, la Commission n’était pas fondée à adopter la décision attaquée sur la base de l’article 9 du règlement no 659/1999, qui concernerait le cas de la révocation d’une décision. Par ailleurs, à supposer que la Commission ait agi sur le fondement d’un principe général l’autorisant à révoquer des actes administratifs illégaux, elle aurait été tenue de se conformer à une série d’obligations procédurales et de protéger la confiance légitime des parties intéressées.

43      Dans la réplique, la commune de Gdynia ajoute que les informations fournies par la Commission sur son site Internet seraient contradictoires quant au fondement juridique du retrait de la décision 2014/883.

44      La République de Pologne soutient les arguments des requérantes et considère que la Commission ne disposait pas de la base juridique nécessaire pour adopter la décision attaquée. Elle souligne que l’article 9 du règlement no 659/1999 ne prévoirait que le retrait d’une décision constatant qu’une mesure ne constitue pas une aide d’État ou qu’il s’agit d’une aide conforme au marché intérieur. Tel ne serait pas le cas en l’espèce. En outre, le principe général du droit permettant de retirer un acte administratif illégal n’autoriserait pas pour autant son retrait arbitraire. Le retrait d’une décision devrait respecter la protection de la confiance légitime.

45      La Commission soutient que ce grief est dénué de fondement.

46      S’agissant du fait avancé par les requérantes selon lequel la Commission aurait procédé au retrait de la décision 2014/883 sur la base de l’article 9 du règlement no 659/1999, alors que cette disposition ne permet à la Commission que de révoquer une décision constatant l’absence d’aide d’État ou déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur lorsque cette décision est fondée sur des informations inexactes et d’une importance déterminante transmises au cours de la procédure, il repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, ainsi qu’il résulte des considérants 15 à 18 de ladite décision, et indépendamment des informations publiées sur le site Internet de la direction générale de la concurrence de la Commission, celle-ci a considéré que l’aide d’État déclarée incompatible avec le marché intérieur par la décision 2014/883 comprenait certains investissements qui, selon la décision d’ouverture, ne constituaient pas des aides d’État dans la mesure où ils relevaient d’une tâche d’intérêt public. Le retrait de la décision 2014/883 reposait donc non sur le fondement de l’article 9 du règlement no 659/1999, mais sur la constatation d’une erreur quant à la qualification d’aide d’État de certains investissements entraînant, de ce fait, comme la Commission l’a indiqué dans ses écritures, une violation du principe de sécurité juridique et des droits de la défense.

47      Il convient de rappeler, à cet égard, que la possibilité pour la Commission de retirer une décision statuant sur des aides d’État n’est pas limitée à la seule situation visée à l’article 9 du règlement no 659/1999. En effet, cette disposition n’est qu’une expression spécifique du principe général du droit selon lequel le retrait rétroactif d’un acte administratif illégal ayant créé des droits subjectifs est admis, sous réserve de l’observation par l’institution dont émane l’acte des conditions relatives au respect d’un délai raisonnable et de la confiance légitime du bénéficiaire de l’acte qui a pu se fier à la légalité de celui-ci (arrêts du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission, T‑25/04, EU:T:2007:257, point 97, et du 18 septembre 2015, Deutsche Post/Commission, T‑421/07 RENV, EU:T:2015:654, point 47). Ce droit de retirer une décision illégale doit être a fortiori reconnu aux institutions de l’Union européenne s’agissant d’un acte non créateur de droit entaché d’une illégalité (arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 190).

48      En l’espèce, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que la décision attaquée, après avoir opéré le retrait de la décision 2014/883 par laquelle la Commission avait considéré que la mesure notifiée était une aide d’État incompatible avec le marché intérieur, a exclu du champ de l’aide incompatible les investissements relevant d’une tâche d’intérêt public. Partant, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 41 de l’ordonnance du 30 novembre 2015, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo/Commission (T‑215/14, non publiée, EU:T:2015:965), la décision attaquée est plus favorable aux requérantes et à la République de Pologne que la décision 2014/883. Dans ce contexte, les considérations relatives à la protection de la confiance légitime invoquées par les requérantes et par la République de Pologne ne sauraient s’opposer au retrait de la décision 2014/883 et à son remplacement par la décision attaquée.

49      Partant, il y a lieu d’écarter le deuxième grief du sixième moyen comme étant non fondé, sous réserve de la question liée aux obligations procédurales de la Commission préalables à l’adoption de la décision attaquée, laquelle sera traitée dans le cadre du troisième grief ci-après.

 Sur le troisième grief, tiré de l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen, de la violation des droits procéduraux des parties intéressées et de la République de Pologne ainsi que des principes de bonne administration, de coopération loyale et de protection de la confiance légitime

50      Les requérantes font valoir que, avant d’adopter la décision attaquée, la Commission aurait dû ouvrir une nouvelle procédure formelle d’examen et inviter les parties intéressées à présenter leur point de vue et leurs observations, compte tenu des éléments dans son argumentation et des nouvelles données factuelles mentionnées. L’absence d’ouverture d’une procédure formelle d’examen constituerait une violation de l’article 6 et de l’article 26, paragraphe 2, du règlement no 659/1999 ainsi que du principe de coopération loyale, du principe de protection de la confiance légitime et des droits de la défense des requérantes. Elle constituerait, en tant que telle, une violation des formes substantielles au sens de l’article 263 TFUE.

51      Dans la réplique, la société PLGK reproche également à la Commission d’avoir apprécié la compatibilité de la mesure notifiée sur la base des lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’État au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux (JO 2005, C 312, p. 1, ci-après les « lignes directrices de 2005 ») et de 2014 alors que la décision d’ouverture n’aurait visé que les lignes directrices de 2005. En vertu du principe de bonne administration, qui inclut le droit d’être entendu, la société PLGK soutient que tant le destinataire de la décision attaquée, la République de Pologne, que la personne directement et individuellement concernée par la décision, la société PLGK, auraient dû avoir la possibilité de faire valoir leurs observations avant l’adoption par la Commission de la décision attaquée.

52      Dans les observations sur l’arrêt sur pourvoi, les requérantes ajoutent que le moyen tiré de ce que la Commission les a empêchées de présenter des observations avant l’adoption de la décision attaquée et le moyen soulevé par la République de Pologne tiré de la violation des droits de la défense se rapportent en substance à un seul et même manquement de la Commission. Elles reprochent également à la Commission d’avoir fait référence, dans le cadre de son analyse de la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide à l’investissement, aux lignes directrices de 2014.

53      La République de Pologne reproche à la Commission de ne pas avoir ouvert une nouvelle procédure formelle d’examen en violation des principes de bonne administration, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. Elle fait valoir qu’elle n’a pu consulter aucune information, ni formuler de propositions, ni s’exprimer sur les constatations sur la base desquelles la Commission a adopté la décision attaquée.

54      Dans ses observations sur l’arrêt sur pourvoi, la République de Pologne ajoute que, en dépit de ses engagements à examiner la compatibilité de l’aide à l’investissement avec le marché intérieur sur la base des lignes directrices de 2005, la Commission a en fait appliqué les lignes directrices de 2014. Elle soutient également que l’argument tiré de ce qu’elle ne serait pas recevable, en sa qualité d’intervenante, à faire valoir la violation de ses droits de la défense a été opposé par la Commission pour la première fois dans la réplique déposée lors de la procédure de pourvoi. Il serait donc irrecevable et, en tout état de cause, non fondé, dès lors qu’il est étroitement lié au sixième moyen de la requête.

55      La Commission soutient que le troisième grief n’est pas fondé. Dans ses observations sur l’arrêt sur pourvoi, elle fait valoir que le grief tiré de la violation des droits de la défense de la République de Pologne est irrecevable, en tant qu’il est invoqué par les requérantes, mais également par la République de Pologne, en sa qualité d’intervenante, et que, en tout état de cause, il n’est pas fondé et ne pourrait entraîner l’annulation automatique de la décision attaquée.

56      Le troisième grief repose, en substance, premièrement, sur la prétendue violation du droit des requérantes à soumettre leurs observations en tant qu’elle est fondée sur des points non tranchés par l’arrêt sur pourvoi et sur les prétendues violations des principes de bonne administration, de coopération loyale et de protection de la confiance légitime et, deuxièmement, sur la prétendue violation des droits de la défense de la République de Pologne, laquelle est invoquée tant par les requérantes que par la République de Pologne, en qualité de partie intervenante.

–       Sur la prétendue violation des droits procéduraux des requérantes ainsi que des principes de bonne administration, de coopération loyale et de protection de la confiance légitime

57      Il convient de rappeler que, dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a définitivement écarté comme inopérant l’argument, présenté au soutien du troisième grief, tiré de ce que la Commission n’avait pas invité les requérantes à présenter des observations sur les lignes directrices de 2014 pour l’appréciation de la compatibilité de l’aide au fonctionnement avec le marché intérieur (arrêt sur pourvoi, point 162). Ainsi, seul reste à juger le grief tiré d’une violation des droits procéduraux des requérantes en tant que la Commission n’a pas rouvert une procédure formelle d’examen et, partant, ne les a pas invitées à présenter leurs observations sur les modifications factuelles opérées dans la décision attaquée. Il y a lieu également de relever que les requérantes ainsi que la République de Pologne ont introduit, dans leurs observations sur l’arrêt sur pourvoi, un argument nouveau à l’appui dudit grief, consistant à soutenir que la Commission aurait analysé la compatibilité de l’aide à l’investissement au regard des critères fixés par les lignes directrices de 2014.

58      À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’allégation selon laquelle la Commission aurait fondé son examen de la compatibilité de l’aide à l’investissement sur les lignes directrices de 2014 repose sur le fait que, dans la version polonaise faisant foi de la décision attaquée, notamment à la section i) précédant le considérant 206 et au considérant 226 de la décision attaquée, la Commission emploie les termes d’« objectif d’intérêt commun bien défini » figurant au paragraphe 79, sous a), des lignes directrices de 2014, alors que les lignes directrices de 2005 font référence, en leur paragraphe 61, premier tiret, aux termes d’« objectif d’intérêt général clairement défini ». À cet égard, il y a lieu de relever que, tant le considérant 203 de la décision attaquée, qui reproduit exactement l’ensemble des critères d’appréciation définis au paragraphe 61 des lignes directrices de 2005, que les critères effectivement examinés aux considérants 206 à 242 de la décision attaquée ne laissent aucun doute quant au fait que c’est au regard des lignes directrices de 2005 que la Commission a apprécié la compatibilité de l’aide à l’investissement, ainsi qu’elle l’avait annoncé au considérant 195 de ladite décision. L’erreur terminologique affectant la version polonaise faisant foi de la décision attaquée, laquelle a été reconnue par la Commission lors de l’audience, est sans incidence à cet égard.

59      De même, la circonstance que le critère défini au paragraphe 61, premier tiret, des lignes directrices de 2005, à savoir la satisfaction d’un « objectif d’intérêt général clairement défini », mentionne, à titre illustratif, le développement régional ne saurait être interprétée comme excluant que la Commission puisse considérer, comme en l’espèce, qu’un tel critère n’est pas satisfait lorsque la mesure en cause aboutit à une duplication des infrastructures aéroportuaires dans la région. Partant, contrairement à ce que prétend la République de Pologne, l’examen de la compatibilité de l’aide à l’investissement opéré aux considérants 206 à 226 de la décision attaquée ne saurait révéler que la Commission a fait application des lignes directrices de 2014, en leur paragraphe 85, lequel prévoit que la création de capacités inutilisées supplémentaires ne contribue pas à la réalisation d’un objectif d’intérêt commun général.

60      Au surplus, il n’apparaît pas que, entre la décision 2014/883 et la décision attaquée, la Commission ait appliqué des critères ou une logique différents pour apprécier la compatibilité au marché intérieur de l’aide à l’investissement.

61      Il s’ensuit que l’argument présenté dans les observations sur l’arrêt sur pourvoi doit être écarté, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

62      Ensuite, en premier lieu, selon la jurisprudence, la procédure visant à remplacer un acte illégal peut être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue, sans que la Commission soit tenue de recommencer la procédure en remontant au-delà de ce point précis. Cette jurisprudence relative au remplacement d’un acte annulé par le juge de l’Union s’applique également, en l’absence de toute annulation de l’acte en cause par le juge, lors du retrait et du remplacement d’un acte illégal par son auteur (voir arrêt du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, point 61 et jurisprudence citée).

63      En l’espèce, ainsi que cela a été indiqué au point 46 ci-dessus, la décision 2014/883 a été retirée au motif qu’elle avait irrégulièrement élargi le champ de la procédure formelle d’examen résultant de la décision d’ouverture. L’illégalité est ainsi intervenue au stade de la décision clôturant la procédure formelle d’examen et n’a pas affecté la décision d’ouverture. Partant, le retrait de la décision 2014/883 n’impliquait pas que la Commission reprenne la procédure en remontant au-delà de ce point précis.

64      En deuxième lieu, il convient de rappeler que les entreprises potentiellement bénéficiaires des aides d’État sont considérées comme étant des parties intéressées et que la Commission a le devoir, lors de la phase d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, d’inviter celles-ci à présenter leurs observations (voir arrêt sur pourvoi, point 70 et jurisprudence citée).

65      Si ces parties intéressées ne peuvent se prévaloir des droits de la défense, elles disposent, en revanche, du droit d’être associées à la procédure administrative suivie par la Commission dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (voir arrêt sur pourvoi, point 71 et jurisprudence citée).

66      Selon la jurisprudence, la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne constitue un moyen adéquat en vue de faire connaître à toutes les parties intéressées l’ouverture d’une procédure. Cette communication vise à obtenir, de la part de ces dernières, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (voir arrêt sur pourvoi, point 72 et jurisprudence citée).

67      Il y a également lieu de rappeler que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, cette décision, publiée au Journal officiel en application de l’article 26, paragraphe 2, dudit règlement, récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur. La procédure formelle d’examen ayant pour objet de permettre à la Commission d’approfondir et d’éclaircir les questions soulevées dans la décision d’ouvrir cette procédure, notamment en recueillant les observations de l’État membre concerné et des autres parties intéressées, il peut arriver que, au cours de ladite procédure, la Commission soit mise en possession d’éléments nouveaux ou que son analyse évolue. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la décision finale de la Commission peut présenter certaines divergences avec sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, sans que celles‑ci vicient pour autant cette décision finale (arrêt du 2 juillet 2015, France et Orange/Commission, T‑425/04 RENV et T‑444/04 RENV, EU:T:2015:450, point 134).

68      Ce n’est que dans l’hypothèse où la Commission s’apercevrait, après l’adoption d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, que cette dernière est fondée soit sur des faits incomplets soit sur une qualification juridique erronée de ces faits qu’elle devrait avoir la possibilité voire l’obligation d’adapter sa position, en adoptant une décision de rectification ou une nouvelle décision d’ouverture, afin de permettre à l’État membre concerné et aux autres parties intéressées de présenter utilement leurs observations (voir arrêt du 30 avril 2019, UPF/Commission, T‑747/17, EU:T:2019:271, point 76 et jurisprudence citée).

69      En effet, ce n’est que lorsque la Commission modifie son raisonnement, à la suite de la décision d’ouverture d’une enquête, sur des faits ou une qualification juridique de ces faits qui s’avèrent déterminants dans son appréciation quant à l’existence d’une aide ou de sa compatibilité avec le marché intérieur qu’elle se doit de rectifier la décision d’ouverture ou d’étendre celle-ci, afin de permettre à l’État membre concerné et aux autres parties intéressées de présenter utilement leurs observations (arrêt du 30 avril 2019, UPF/Commission, T‑747/17, EU:T:2019:271, point 77).

70      En l’espèce, premièrement, par lettre du 2 juillet 2013, la Commission a informé la République de Pologne de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant la mesure en cause et, par la publication de ladite décision au Journal officiel de l’Union européenne, elle a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur cette mesure. Il y a lieu de relever que les requérantes ne soutiennent pas que la décision d’ouverture aurait insuffisamment défini le cadre de l’examen de ladite mesure.

71      Deuxièmement, si les requérantes font valoir que, dans la décision attaquée, la Commission a procédé à une nouvelle analyse et développé de nouveaux éclaircissements et éléments d’appréciation qui ne figuraient pas dans la décision 2014/883, elles n’établissent pas que, ce faisant, la Commission se serait fondée sur des éléments déterminants pour son analyse juridique au sens de la jurisprudence rappelée au point 69 ci-dessus, qui n’auraient pas été mentionnés dans la décision d’ouverture. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission s’est précisément inscrite dans le cadre de l’analyse préliminaire figurant dans la décision d’ouverture du 2 juillet 2013, laquelle avait exclu certains investissements au motif qu’ils ne constituaient pas des aides d’État.

72      Par ailleurs, la circonstance relevée par la société PLGK que la Commission aurait saisi l’occasion du retrait de la décision 2014/883 pour procéder, outre à la rectification de l’erreur quant à la qualification d’aide d’État de certains investissements, à un renforcement de son argumentation concernant le critère de l’investisseur privé et à une correction de certaines erreurs de fait ou de droit n’est pas de nature, en elle-même, à établir une violation des droits procéduraux des requérantes.

73      À cet égard, la Commission pouvait compléter la motivation de la décision attaquée en vue de répondre aux arguments développés par la République de Pologne ou par les requérantes dans le cadre du recours déposé par ces dernières contre la décision 2014/883, sans porter atteinte aux droits procéduraux des requérantes (voir, par analogie, arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 85). En effet, les requérantes n’établissent pas que les modifications ainsi opérées dans la décision attaquée portaient sur des éléments déterminants sur lesquels les requérantes auraient dû être invitées à présenter leurs observations.

74      Troisièmement, en tant que les requérantes font valoir que la décision attaquée repose notamment sur des données factuelles différentes de celles exposées dans la décision 2014/883, il y a lieu de relever que, dans la procédure de contrôle des aides d’État, les parties intéressées autres que l’État membre concerné n’ont que le rôle rappelé au point 66 ci-dessus. Partant, elles ne sauraient prétendre elles-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit dudit État membre (voir arrêt sur pourvoi, point 74 et jurisprudence citée).

75      Il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances de l’espèce, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que, en n’ouvrant pas une nouvelle procédure formelle d’examen et en n’invitant pas les parties intéressées à présenter leurs observations sur la nouvelle analyse de la Commission dans la décision attaquée, celle-ci aurait méconnu les obligations qui pèsent sur elle en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, de l’articles 6 et de l’article 26, paragraphe 2, du règlement no 659/1999.

76      En troisième lieu, les requérantes, en tant que parties intéressées, ne peuvent se prévaloir de véritables droits de la défense (voir point 65 ci-dessus). Il s’ensuit qu’elles ne sont pas fondées à se prévaloir de la violation du droit d’être entendu prévu à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, étant rappelé, à cet égard, que l’entrée en vigueur de ladite charte n’a pas modifié la nature des droits conférés à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et n’a pas non plus pour objet de modifier la nature du contrôle des aides d’État mis en place par le traité (arrêt sur pourvoi, point 90 ; voir, également, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Transavia Airlines/Commission, T‑591/15, EU:T:2018:946, points 47 à 54).

77      En quatrième lieu, en tant que les requérantes font valoir que l’absence d’invitation des parties intéressées à présenter leurs observations constituerait une violation du principe de coopération loyale, il y a lieu de rappeler que ce principe, consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, oblige les États membres à prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union et impose aux institutions de cette dernière des devoirs réciproques de respect et d’assistance à l’égard des États membres dans l’accomplissement des missions découlant des traités (voir, en ce sens, arrêts du 26 novembre 2002, First et Franex, C‑275/00, EU:C:2002:711, point 49, et du 16 octobre 2003, Irlande/Commission, C‑339/00, EU:C:2003:545, point 71). Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient utilement se prévaloir d’un tel principe, qui régit les rapports entre les institutions de l’Union et les États membres, pour établir une violation de leurs droits procéduraux dans la procédure de contrôle des aides d’État.

78      Enfin, en cinquième lieu, il convient de rappeler que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime appartient à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître des espérances fondées (voir arrêt du 4 mars 2020, Buonotourist/Commission, C‑586/18 P, EU:C:2020:152, point 99 et jurisprudence citée). Or, force est de constater que les requérantes se bornent à affirmer que l’absence d’ouverture d’une nouvelle procédure formelle d’examen aurait méconnu ce principe sans établir en quoi la Commission aurait fait naître des espérances fondées à leur égard.

79      Il s’ensuit que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la décision attaquée aurait méconnu leurs droits procéduraux et les principes de bonne administration, de coopération loyale et de protection de la confiance légitime.

–       Sur la prétendue violation des droits de la défense de la République de Pologne

80      La violation des droits de la défense de la République de Pologne est invoquée tant par les requérantes que par la République de Pologne.

81      Premièrement, la Commission oppose une fin de non-recevoir tirée de ce que les droits de la défense ne pourraient, compte tenu de leur nature subjective, qu’être invoqués par l’État membre concerné et non par les requérantes.

82      Selon la jurisprudence, la violation des droits de la défense constitue une illégalité subjective par nature, laquelle doit donc être invoquée par l’État membre concerné lui‑même [voir arrêt du 13 décembre 2018, Comune di Milano/Commission, T‑167/13, EU:T:2018:940, point 184 (non publié) et jurisprudence citée ; voir, également, en ce sens, arrêt du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, points 81 et 82 et jurisprudence citée].

83      Il s’ensuit que les requérantes ne sont pas recevables à se prévaloir d’une violation des droits de la défense dont aurait été victime la République de Pologne.

84      Deuxièmement, dans ses observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt sur pourvoi, la Commission fait valoir que la République de Pologne n’est pas recevable, en sa qualité d’intervenante, à invoquer une violation de ses droits de la défense.

85      Si, selon la République de Pologne, cette fin de non-recevoir est tardive et, partant, irrecevable, le caractère d’ordre public de la question de la recevabilité d’un grief soulevé par une partie intervenante implique qu’elle soit examinée d’office par le juge (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 1997, British Steel/Commission, T‑243/94, EU:T:1997:159, point 68).

86      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties. Aux termes de l’article 142, paragraphe 3, du règlement de procédure, la partie intervenante accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention. Selon la jurisprudence, une partie qui est admise à intervenir à un litige soumis au Tribunal ne peut pas modifier l’objet du litige tel que circonscrit par les conclusions et les moyens des parties principales. Il s’ensuit que seuls les arguments d’une partie intervenante qui s’inscrivent dans le cadre défini par ces conclusions et ces moyens sont recevables (voir arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 50 et jurisprudence citée).

87      En l’espèce, la République de Pologne soutient les conclusions des requérantes. Toutefois, en faisant valoir la violation de ses droits de la défense, la République de Pologne introduit dans le débat un grief que les requérantes ne sont pas recevables à invoquer pour le motif figurant au point 82 ci-dessus. Partant, et alors même que ce grief repose, comme le grief tiré de la violation des droits procéduraux des requérantes, sur un même reproche consistant en l’absence de consultation sur les modifications juridiques et les nouvelles appréciations de la Commission figurant dans la décision attaquée, il modifie le cadre du litige tel qu’il a été défini entre les requérantes et la Commission.

88      Partant, la République de Pologne n’est pas recevable, en sa qualité de partie intervenante à la procédure, à faire valoir à l’instance la violation de ses droits de la défense.

89      Il s’ensuit que le grief tiré de la violation des droits de la défense de la République de Pologne est irrecevable et doit être écarté pour ce motif.

90      En tout état de cause, une irrégularité de procédure n’entraîne l’annulation en tout ou en partie d’une décision que s’il est établi que, en son absence, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 179 et jurisprudence citée, et sur pourvoi, point 80 et jurisprudence citée). Or, la République de Pologne n’a produit aucun élément en vue d’établir en quoi la possibilité de se prononcer sur les nouveaux éclaircissements et éléments d’appréciation figurant dans la décision attaquée aurait pu influer sur la conclusion à laquelle la Commission est parvenue. À cet égard, la République de Pologne ne saurait se borner à identifier, ainsi qu’elle l’a fait notamment au cours de l’audience, les documents sur lesquels elle n’aurait pas pu utilement débattre avec la Commission, sans développer une argumentation visant à établir qu’il n’était pas entièrement exclu que la décision attaquée ait eu un contenu différent si elle avait pu faire valoir des arguments à l’égard desdits documents. Quant à l’application des lignes directrices de 2014, d’une part, il résulte des points 58 à 60 ci-dessus que la compatibilité de l’aide à l’investissement a été examinée au regard des lignes directrices de 2005. D’autre part, à supposer que la République de Pologne ait dû être entendue sur l’application des lignes directrices de 2014 s’agissant de la compatibilité de l’aide au fonctionnement, il ressort de la décision attaquée, lue à la lumière de l’arrêt sur pourvoi, qu’une telle circonstance n’aurait pu influer sur le sens de la décision attaquée. En effet, ainsi que la Cour l’a relevé, la Commission s’est appuyée sur deux fondements juridiques pour constater l’incompatibilité de l’aide au fonctionnement avec le marché intérieur, à savoir, premièrement, l’incompatibilité de l’aide à l’investissement avec celui-ci et, deuxièmement, le fait que l’aide au fonctionnement ne remplissait pas la première condition posée par le paragraphe 79 des lignes directrices de 2014. Le premier fondement, inhérent à la logique des dispositions du traité relatives aux aides d’État, était autonome et indépendant de l’application des lignes directrices de 2014, figurait déjà dans la décision 2014/883 et était suffisant aux fins de conclure à la non-compatibilité de l’aide au fonctionnement (arrêt sur pourvoi, points 140 à 142 et 148).

91      Il résulte des motifs exposés ci-dessus que le sixième moyen doit être rejeté, en partie comme étant irrecevable et en partie comme étant non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré, en substance, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 296 TFUE ainsi que du principe de sécurité juridique

92      Le premier moyen repose, en substance, sur trois branches. Par la première branche, les requérantes font valoir l’application erronée du critère de l’investisseur privé. La deuxième branche est tirée d’un défaut de motivation et d’une insuffisance de preuve de la distorsion de concurrence et de l’affectation des échanges. La troisième branche est tirée d’une violation de l’article 107 TFUE et du principe de sécurité juridique.

93      À titre liminaire, il convient de rappeler, que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’une mesure d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 43 et jurisprudence citée).

94      Il convient également de relever que la notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité FUE, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge de l’Union doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il a néanmoins été jugé que le contrôle juridictionnel était limité, en ce qui concernait la question de savoir si une mesure entrait dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lorsque les appréciations portées par la Commission présentent un caractère technique ou complexe (voir arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, points 87 et 88 et jurisprudence citée).

 Sur la première branche, tirée, en substance, d’une application erronée du critère de l’investisseur privé

95      Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur dans son analyse du critère de l’investisseur privé. À cet égard, elles indiquent que la Commission aurait dû tenir compte également des études de 2011 et de 2012, au lieu de se fonder uniquement sur l’étude de 2010. La décision d’investissement résulterait d’un processus constitué de certaines hypothèses de départ et de leur adaptation. Même si la stratégie aurait été arrêtée avant 2010, les détails, l’ampleur et l’intensité de l’investissement n’auraient pas été connus à ce moment-là. Les requérantes mettent en avant le fait que le contrat d’actionnaires et la « conclusion de l’accord » soient intervenus après l’élaboration de l’étude de 2011. Les études de 2011 et de 2012 auraient ainsi visé à adapter le plan d’investissement aux changements de circonstances. Ces trois études, ainsi que les différents apports en capital, auraient dû être envisagés par la Commission de manière globale.

96      Par ailleurs, selon les requérantes, l’évaluation de la Commission aurait dû tenir compte de la spécificité de l’investisseur en cause et porter sur le long terme. Eu égard à la nature de droit public de l’État agissant en qualité d’associé, un investisseur privé ne pourrait pas se comporter de façon identique à celle d’un État agissant comme un investisseur privé. Or, la Commission n’aurait pas procédé à une analyse globale de l’investissement. Elle se serait concentrée sur l’aspect « profits et pertes » et aurait omis de prendre en compte plusieurs éléments pertinents, dont le rôle complémentaire que devrait jouer l’aéroport de Gdynia-Kosakowo dans le cadre de la plate-forme aéroportuaire régionale (incluant l’aéroport de Gdańsk). La Commission aurait abordé de manière sommaire la question du potentiel de développement de l’aéroport de Gdańsk. Les requérantes reprochent également à la Commission d’avoir considéré que le taux de rendement et de rentabilité projeté n’était pas satisfaisant pour un investisseur privé et d’avoir fondé cette conclusion sur les seuls paramètres de la proximité de Gdańsk (Pologne), des redevances aéroportuaires passagers plus élevées à l’aéroport de Gdynia-Kosakowo et de la prémisse que celui-ci concurrencerait l’aéroport de Gdańsk sans créer ses propres sources de revenus. Par ailleurs, la critique de la Commission portant sur le caractère trop élevé du taux de croissance retenu à long terme serait arbitraire et non motivée. Les constatations de la Commission procéderaient d’une conception réductrice de l’investissement et de la rentabilité qu’il conviendrait d’en attendre.

97      Les requérantes contestent également un certain nombre d’éléments figurant dans la décision attaquée dont, notamment, la prise en compte comme facteur déterminant de l’existence d’un aéroport situé à proximité (l’aéroport de Gdańsk). L’aéroport de Gdynia-Kosakowo disposerait d’un certain nombre d’avantages qui lui permettraient d’attirer de nouveaux flux aériens. La thèse développée par la Commission serait arbitraire et anticoncurrentielle. Les requérantes soutiennent également que la Commission aurait dû modifier sa décision du 4 juin 2008 concernant l’aide d’État N 153/08 relative à l’extension de l’aéroport de Gdańsk-Rębiechowo (JO 2009, C 46, p. 7).

98      Dans la réplique, la société PLGK soutient, en outre, que la Commission aurait dû distinguer le contexte de la création de l’infrastructure aéroportuaire de celui de son exploitation aux fins de l’analyse de l’existence d’un avantage. En particulier, la société PLGK ne serait pas propriétaire de l’infrastructure. L’avantage qui lui a été accordé ne découlerait donc que du droit d’exercer l’activité d’exploitant d’aéroport dans le cadre de l’infrastructure et non de la création de celle-ci. Dans leurs observations sur l’arrêt sur pourvoi, les requérantes se prévalent également de la communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] (JO 2016, C 262, p. 1). L’argument de la société PLGK est également repris dans le cadre de la deuxième branche ci-après. Par ailleurs, la Commission n’aurait pas analysé si la conversion de créances par la commune de Kosakowo en parts sociales dans la société PLGK constituait un avantage lié à la réalisation du projet d’investissement. Les requérantes relèvent à cet égard que la Commission fonde son analyse du critère de l’investisseur privé sur l’étude de 2010, laquelle ne concerne pas les opérations effectuées par la commune de Kosakowo.

99      La Commission estime que les arguments développés par la société PLGK au stade de la réplique sont nouveaux et, partant, irrecevables. Elle estime, pour le surplus, que les arguments présentés au soutien de la première branche du premier moyen ne sont pas fondés.

100    À titre liminaire, il convient de relever que, lorsqu’il y a lieu, pour la Commission, afin de vérifier si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’appliquer le critère de l’investisseur privé, l’usage de ce critère implique, en général, de la part de la Commission une appréciation économique complexe (voir arrêts du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 89 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 62 et jurisprudence citée). Dans le cadre du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission dans le domaine des aides d’État, il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 100 et jurisprudence citée).

101    La première branche du premier moyen concernant la troisième des conditions mentionnées au point 93 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pu obtenir dans des conditions normales de marché (arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 44).

102    Ainsi, compte tenu de l’objectif de l’article 107, paragraphe 1, TFUE d’assurer une concurrence non faussée, y compris entre les entreprises publiques et les entreprises privées, la notion d’« aide », au sens de cette disposition, ne saurait recouvrir une mesure accordée en faveur d’une entreprise au moyen de ressources d’État lorsque celle-ci aurait pu obtenir le même avantage dans des circonstances correspondant aux conditions normales du marché, l’appréciation des conditions dans lesquelles un tel avantage a été accordé s’effectuant, en principe, par application du principe de l’opérateur privé (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 103 et jurisprudence citée). C’est sur la Commission que pèse la charge de la preuve que les conditions d’application dudit principe sont ou non remplies (voir arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C‑244/18 P, EU:C:2020:238, point 65 et jurisprudence citée).

103    Dans ce contexte, il convient de rappeler que la Commission ne saurait supposer qu’une entreprise a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État en s’appuyant simplement sur une présomption négative, fondée sur l’absence d’informations permettant d’aboutir à la conclusion contraire, en l’absence d’autres éléments de nature à établir positivement l’existence d’un tel avantage. Ainsi, lorsque la Commission applique le principe de l’opérateur privé, elle est, à tout le moins, tenue de s’assurer que les renseignements dont elle dispose, bien qu’ils puissent, le cas échéant, être fragmentaires et incomplets, constituent une base suffisante pour conclure qu’une entreprise a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État (arrêt du 7 mai 2020, BTB Holding Investments et Duferco Participations Holding/Commission, C‑148/19 P, EU:C:2020:354, points 48 et 49).

104    À cet égard, lorsqu’il apparaît que le critère de l’investisseur privé pourrait être applicable, il incombe à la Commission de demander à l’État membre concerné de lui fournir toutes les informations pertinentes lui permettant de vérifier si les conditions d’applicabilité et d’application de ce principe sont remplies (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 104 et jurisprudence citée).

105    L’application du critère de l’investisseur privé vise à déterminer si l’avantage économique accordé, sous quelque forme que ce soit, au moyen de ressources de l’État à une entreprise est, en raison de ses effets, de nature à fausser ou à menacer de fausser la concurrence et à affecter les échanges entre États membres. En conséquence, il convient de vérifier non si un investisseur privé aurait agi exactement de la même manière que l’investisseur public, mais s’il aurait apporté, à des conditions similaires, un montant égal à celui apporté par l’investisseur public (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 105 et jurisprudence citée).

106    Aux fins de l’appréciation de la question de savoir si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un investisseur privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État, seuls les bénéfices et les obligations liés à la situation de ce dernier en qualité d’actionnaire, à l’exclusion de ceux qui sont liés à sa qualité de puissance publique, sont à prendre en compte. Si un État membre invoque, au cours de la procédure administrative, le critère de l’investisseur privé, il lui incombe, en cas de doute, d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables que la mesure mise en œuvre ressortit à sa qualité d’actionnaire (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 106 et jurisprudence citée).

107    Ces éléments doivent faire apparaître clairement que l’État membre concerné a pris, préalablement ou simultanément à l’octroi de l’avantage économique, la décision de procéder, par la mesure effectivement mise en œuvre, à un investissement dans l’entreprise publique contrôlée. Peuvent notamment être requis, à cet égard, des éléments faisant apparaître que cette décision est fondée sur des évaluations économiques comparables à celles que, dans les circonstances de l’espèce, un investisseur privé rationnel se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle dudit État membre aurait fait établir, avant de procéder audit investissement, aux fins de déterminer la rentabilité future d’un tel investissement (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 107 et jurisprudence citée).

108    C’est au vu de ces principes qu’il y a lieu d’examiner les trois griefs sur lesquels repose la première branche du premier moyen, étant précisé que, si les requérantes contestent l’analyse effectuée par la Commission quant au critère de l’investisseur privé, elles ne remettent pas en cause l’applicabilité d’un tel principe à la mesure en cause.

–       Sur le premier grief, tiré de l’étude prise en compte

109    Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir retenu l’étude de 2010 pour analyser le critère de l’investisseur privé, alors qu’elle aurait également dû tenir compte des études de 2011 et de 2012.

110    En l’espèce, il ressort des considérants 121 et 129 de la décision attaquée que la Commission a considéré que l’étude « la plus pertinente » ou « la plus appropriée » pour établir si les communes de Gdynia et de Kosakowo avaient agi comme un investisseur privé était l’étude de 2010.

111    La Commission a fondé sa conclusion sur le fait que plusieurs décisions essentielles liées à la mesure en cause avaient été adoptées par les communes de Gdynia et de Kosakowo à la suite de l’étude de 2010 (16 juillet 2010), mais avant les études de 2011 (13 mai 2011) et de 2012 (13 juillet 2012). Il en était ainsi de la première décision significative concernant l’augmentation de capital de la société PLGK adoptée le 29 juillet 2010. Tel était également le cas, premièrement, de la conclusion, le 9 septembre 2010, entre la commune de Kosakowo et le voïvode de Poméranie représentant le Trésor public polonais, d’un contrat de prêt à usage conclu pour une période de 30 ans (donc jusqu’au 9 septembre 2040) du terrain sur lequel se situe l’aéroport militaire, lequel ne pouvait être utilisé que pour y créer le nouvel aéroport civil, deuxièmement, de la conclusion, le 7 mars 2011, du contrat opérationnel avec l’utilisateur militaire de l’aéroport, troisièmement, de la signature, le 11 mars 2011, d’une part, du contrat d’actionnaires prévoyant les nouveaux apports en capital jusqu’en 2040 et, d’autre part, du contrat de location, par la commune de Kosakowo, du terrain en cause à la société PLGK, jusqu’au 9 septembre 2040. S’agissant du contrat d’actionnaires, la Commission a relevé que la commune de Gdynia s’était engagée à apporter, sur la période 2011-2013, un montant total de 59 048 000 zlotys polonais (PLN) (soit environ 14 800 000 euros) et que la commune de Kosakowo s’était engagée à fournir un apport en nature, sur la période 2011-2040, prenant la forme d’une conversion d’une partie de sa créance locative annuelle en parts dans la société PLGK. Le contrat stipulait l’application de pénalités contractuelles en cas de non-respect des engagements souscrits.

112    Au considérant 124 de la décision attaquée, la Commission a également relevé que les autorités polonaises avaient elles-mêmes confirmé que les apports en capital réalisés en vertu de la décision prise le 29 juillet 2010 s’appuyaient sur l’évaluation économique du projet formulée dans l’étude de 2010.

113    La Commission a, en outre, constaté que c’était en 2012 que les dépenses annuelles en capital avaient été les plus élevées et que plus de la moitié de ces dépenses avait été exposée avant la remise de l’étude de 2012.

114    Enfin, la Commission a relevé que les études de 2011 et de 2012 montraient que les actionnaires avaient suivi l’évolution du marché et adapté le projet en conséquence, mais que l’ampleur des modifications était relative, les estimations d’investissement établies par l’étude de 2010 et par celle de 2012 étant très similaires.

115    Néanmoins, aux considérants 160 à 183 de la décision attaquée, figurant dans une partie intitulée « Application du critère de l’investisseur privé en économie de marché sur la base des études de 2011 et de 2012 », la Commission a également tenu compte des études de 2011 et de 2012.

116    Ainsi, la Commission a examiné si la prise en compte de l’étude de 2011 pouvait avoir une incidence sur l’analyse du critère de l’investisseur privé qu’elle avait effectuée sur la base de l’étude de 2010. Elle a conclu, au considérant 169 de la décision attaquée, que le critère de l’investisseur privé n’était pas satisfait même sur la base de l’étude de 2011, laquelle se fondait également sur des prévisions irréalistes de trafic et de taxes d’aéroport.

117    En outre, tout en concluant, au considérant 183 de la décision attaquée, que l’étude de 2012 n’était pas appropriée pour apprécier si la mesure en cause satisfaisait au critère de l’investisseur privé, la Commission a examiné les données figurant dans cette étude. En particulier, au considérant 178 de la décision attaquée, elle a indiqué que l’analyse relative au trafic de passagers et aux recettes liées, opérée dans le cadre des études de 2010 et de 2011, demeurait valable dans le cadre de l’étude de 2012.

118    Il s’ensuit que le grief tiré de ce que la Commission aurait également dû tenir compte des études de 2011 et de 2012 est, en lui-même, inopérant. En effet, selon la Commission, sa conclusion relative au critère de l’investisseur privé n’aurait pas été différente sur la base des études de 2011 et de 2012.

119    En tout état de cause, le grief soulevé par les requérantes n’est pas fondé.

120    En effet, selon la jurisprudence, aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, seuls sont pertinents les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à l’investissement a été prise (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 112 et jurisprudence citée).

121    En l’espèce, il ressort des pièces du dossier et il a été confirmé lors de l’audience que, dès avant l’établissement des études de 2011 et de 2012, les communes de Gdynia et de Kosakowo ont souscrit des engagements concernant la reconversion à des fins civiles de l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie. Ces engagements ont été pris dans le cadre des contrats mentionnés au point 111 ci-dessus, et en particulier du contrat d’actionnaires signé le 11 mars 2011. La circonstance évoquée lors de l’audience selon laquelle les augmentations du capital de la société PLGK prévues dans ce dernier contrat ont eu lieu après l’étude de 2011 est sans incidence, dès lors que les requérantes ne contestent pas que les engagements souscrits dans le contrat d’actionnaires étaient fermes. Par ailleurs, des apports en capital ont été réalisés dès avant les études de 2011 et de 2012. Il apparaît ainsi que la décision d’investir dans la reconversion de l’aéroport susvisé a été prise avant l’établissement de ces études. Au demeurant, les requérantes reconnaissent, au point 56 de la requête, que les associés avaient arrêté leur stratégie avant 2010 s’agissant de ladite reconversion.

122    Certes, ainsi que le font valoir les requérantes, les hypothèses retenues dans le cadre de l’étude de 2010 ont été adaptées afin de tenir compte de l’évolution de la situation économique et de ses incidences en termes de prévisions de flux de passagers, ce qui a eu des répercussions sur l’ampleur de l’investissement. Toutefois, d’une part, une telle circonstance n’est pas de nature à remettre en cause le fait que la décision d’investir dans une opération de reconversion de l’aéroport militaire en aéroport civil a été prise et que des engagements fermes ont été souscrits à cet égard dès avant les études de 2011 et de 2012. D’autre part, il est constant que le projet initial n’a évolué que marginalement à la suite de l’étude de 2012.

123    Il s’ensuit que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que la Commission a considéré que, aux fins de se replacer dans le contexte de l’époque au cours de laquelle la décision de procéder à la mesure en cause a été prise, elle devait se fonder sur l’étude de 2010.

124    Partant, le premier grief doit être écarté.

–       Sur le deuxième grief, tiré de l’absence de prise en compte des spécificités de l’investisseur

125    Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir réalisé une appréciation globale de la mesure en cause, en ne tenant pas compte des spécificités de l’investisseur, à savoir des organes publics, et du fait que celui-ci se situait dans une perspective de rentabilité à long terme. Selon les requérantes, la Commission aurait dû examiner si la décision adoptée était comparable, et non identique, à celle qui aurait été adoptée par un investisseur privé.

126    À cet égard, la question de savoir si la même mesure que celle en cause aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un opérateur privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État-membre doit être examinée par la Commission dans le cadre d’une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C‑244/18 P, EU:C:2020:238, point 29 et jurisprudence citée). Seuls les bénéfices et les obligations liés à la situation de l’État membre en qualité d’opérateur privé, à l’exclusion de ceux qui sont liés à sa qualité de puissance publique, sont à prendre en compte (voir arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 55 et jurisprudence citée).

127    Partant, dans son analyse de l’investisseur privé, la Commission ne devait pas prendre en compte les spécificités liées à la nature publique des investisseurs.

128    Le point 92 de l’arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF (C‑124/10 P, EU:C:2012:318), invoqué par les requérantes n’est aucunement de nature à remettre en cause cette conclusion. En effet, audit point, la Cour a précisé, en substance, que la Commission devait procéder à une appréciation globale des éléments de l’espèce pour déterminer si l’État concerné avait agi en sa qualité d’actionnaire, hypothèse dans laquelle le test de l’investisseur privé trouvait à s’appliquer, ou en sa qualité d’autorité de puissance publique, hypothèse dans laquelle le test de l’investisseur privé ne pouvait s’appliquer. Cette jurisprudence est ainsi pertinente en ce qui concerne l’applicabilité du principe de l’opérateur privé, mais non l’application de ce principe dans un cas donné (voir arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 72 et jurisprudence citée).

129    Il s’ensuit que le deuxième grief doit être écarté comme étant non fondé.

–       Sur le troisième grief, tiré des erreurs commises par la Commission dans son examen du critère de l’investisseur privé

130    Les requérantes reprochent, en substance, à la Commission d’avoir retenu que l’investissement en cause ne répondait pas au critère de l’investisseur privé.

131    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée. Les éléments d’information dont la Commission « pouvait disposer » incluent ceux qui apparaissaient pertinents pour l’appréciation à effectuer conformément à la jurisprudence rappelée aux points 107 et 120 ci-dessus et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, points 70 et 71).

132    En l’espèce, la conclusion de la Commission concernant le critère de l’investisseur privé repose, en substance, sur trois constats essentiels figurant aux considérants 131 à 159 de la décision attaquée. Premièrement, l’aéroport de Gdynia-Kosakowo se situe à 25 kilomètres environ de l’aéroport de Gdańsk, qui dispose de capacités non utilisées et dont l’extension est déjà programmée. Leurs activités ne sont pas complémentaires dès lors que ces aéroports visent chacun principalement les compagnies charters et à bas coût. Deuxièmement, les redevances prévues dans le projet d’investissement ne sont pas concurrentielles dès lors qu’elles sont supérieures à celles applicables à l’aéroport de Gdańsk ainsi qu’à celles de deux autres aéroports distants de 196 et 296 kilomètres. Compte tenu de la concurrence à laquelle l’aéroport de Gdynia-Kosakowo devra faire face, les prévisions concernant le trafic formulées dans l’étude de 2010 sont fondées sur des hypothèses irréalistes, ce qui est confirmé par la réduction significative des prévisions de trafic figurant dans l’étude de 2012. Troisièmement, pendant toute la période du projet (c’est-à-dire jusqu’en 2040), les flux de trésorerie actualisés cumulés seront négatifs. Le projet ne deviendra rentable qu’à la fin de l’investissement envisagé (c’est-à-dire en 2040), compte tenu notamment de la valeur terminale du projet. Or, cette valeur n’est pas fiable ; elle est très probablement surévaluée, dans la mesure où les infrastructures devront revenir, à la fin du projet, à l’État, compte tenu du contrat conclu entre le Trésor public polonais et la commune de Kosakowo. Les infrastructures construites sur le terrain loué n’appartiennent ni à la commune de Kosakowo ni à la société PLGK. La Commission note également que l’étude de 2010 n’a pas procédé à des tests de sensibilité. Or, en retenant une certaine baisse des revenus annuels liés aux redevances (qui pourrait résulter de la baisse du trafic ou de la baisse du niveau des redevances), le projet à terme deviendrait non rentable, malgré la valeur terminale importante, laquelle est par ailleurs un élément incertain compte tenu du contrat conclu avec le Trésor public polonais. Enfin, la valeur terminale du projet a été calculée en supposant que, après 2040, le taux de croissance annuel des flux de trésorerie se situerait toujours au même niveau et serait constant. Or, le taux de croissance retenu supposerait que l’aéroport soit toujours en croissance après 2040. En outre, aucun test de sensibilité n’aurait non plus été réalisé à cet égard. Dans ce contexte, selon la Commission, un investisseur privé n’aurait pas décidé de procéder aux investissements en cause.

133    En substance, les arguments des requérantes s’articulent autour de quatre points.

134    En premier lieu, s’agissant du caractère prétendument complémentaire des aéroports de Gdynia-Kosakowo et de Gdańsk, d’une part, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir omis de tenir compte du rôle que devrait jouer le premier aéroport dans le cadre de la plate-forme aéroportuaire de Poméranie. Elles expliquent qu’il s’agit d’une plateforme intégrée de correspondance aéroportuaire unique en Pologne impliquant trois aéroports, à savoir Gdańsk-Rębiechowo, Gdynia-Kosakowo et Pruszcz Gdański, et visant à desservir la métropole de Gdańsk (Pologne). La création de cette plateforme aurait été actée depuis de nombreuses années en tant que stratégie régionale de développement.

135    À cet égard, il résulte de la décision attaquée que la nécessité de construire une telle plateforme, également dénommée « nœud aérien », a été invoquée par les autorités polonaises uniquement aux fins d’établir la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur. La Commission fait d’ailleurs valoir dans ses écritures, sans être contredite par les requérantes, que ni les autorités polonaises ni les requérantes n’ont, à aucun moment de la procédure, mis en avant les documents relatifs à cette plateforme régionale en tant que fondement du critère de l’investisseur privé.

136    Par ailleurs, selon la jurisprudence mentionnée au point 126 ci-dessus, aux fins de l’appréciation de la question de savoir si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un opérateur privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État, seuls les bénéfices et les obligations liés à la situation de ce dernier en qualité d’opérateur privé, à l’exclusion de ceux qui sont liés à sa qualité de puissance publique, sont à prendre en compte. Partant, la circonstance, à la supposer établie, selon laquelle la construction d’une plateforme aéroportuaire de Poméranie contribuerait au développement économique de la région est sans incidence sur l’application du critère de l’investisseur privé.

137    En outre, s’agissant du caractère complémentaire et non concurrentiel des aéroports composant la plateforme, il y a lieu de relever que la Commission a bien pris en compte l’argument avancé par les autorités polonaises selon lequel les activités des deux aéroports, distants de 25 kilomètres environ, seraient complémentaires. Elle a toutefois décidé de le rejeter compte tenu des éléments disponibles.

138    À cet égard, il résulte des considérants 85 et 89 de la décision attaquée que l’argument des autorités polonaises reposait sur le fait que l’activité de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo se soit concentrée sur l’aviation générale et sur la coopération avec le port maritime de Gdynia. Toutefois, aux considérants 136 et 140 de la décision attaquée, la Commission a relevé que l’étude de 2010 indiquait que les revenus assurés par les compagnies à bas coûts et les vols charters représenteraient la part principale des revenus de cet aéroport sur l’ensemble de la période 2010-2040 et que, par ailleurs, l’essentiel des revenus de l’aéroport de Gdańsk provenait aussi des vols assurés par des compagnies à bas coûts et des vols charters. Elle a ainsi considéré que les deux aéroports seraient en situation de concurrence et que cette conclusion demeurait valable sur la base des études de 2011 et de 2012.

139    Les requérantes reconnaissent au point 83 de la requête que, selon les études de 2010, de 2011 et de 2012, la principale source de recettes de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo serait constituée par les taxes et les redevances sur les vols charter et les vols assurés par les compagnies à bas coût et précisent, au point 96 de la requête, que l’aviation générale serait le domaine essentiel d’activité de cet aéroport uniquement au cours de la première période de son exploitation. Elles indiquent également, au point 88 de la requête, d’une part, que « [a]u lieu d’effectuer une analyse économique, la Commission se limite à considérer, que, en raison du potentiel de développement de l’aéroport de Gdańsk, il faudrait alors attendre que ce potentiel se matérialise plutôt que de laisser à un autre opérateur l’occasion de constituer son propre potentiel ou que Gdańsk perde des passagers [au profit] de Gdynia et, ainsi, n’exploite pas son potentiel » et, d’autre part, que « [l]es pertes subies par Gdańsk peuvent constituer un bénéfice pour Gdynia ».

140    C’est donc à juste titre que la Commission a considéré que les aéroports de Gdynia-Kosakowo et de Gdańsk auraient été en concurrence sur le même secteur.

141    D’autre part, en tant que les requérantes reprochent à la Commission d’avoir abordé de façon sommaire la question du potentiel de développement de l’aéroport de Gdańsk, force est de constater qu’elles se bornent à affirmer que les capacités d’expansion de cet aéroport sont limitées en surface, ce qui ne serait pas le cas de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo. Elles ne produisent toutefois aucun élément de nature à remettre en cause les éléments sur lesquels la Commission s’est fondée aux considérants 137 à 139 de la décision attaquée. D’après ces éléments, l’aéroport de Gdańsk accueillait 2,2 millions de passagers en 2010 alors que sa capacité s’établissait à 5 millions de passagers, qu’il avait été décidé en 2010, de porter celle-ci à 7 millions de passagers en 2015 et qu’une extension de la piste de décollage était également envisagée afin de porter la capacité de l’aéroport à 10 millions de passagers.

142    Par ailleurs, en tant que la commune de Gdynia reproche à la Commission de ne pas s’être interrogée, à l’occasion de l’examen de la mesure en cause, sur la nécessité de corriger la décision adoptée le 4 juin 2008 par laquelle celle-ci avait décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard d’une aide d’État accordée en faveur de la société exploitant l’aéroport de Gdańsk, il suffit de constater que la commune de Gdynia ne précise pas sur quel fondement la Commission aurait pu remettre en cause cette décision.

143    En deuxième lieu, les requérantes reprochent, en substance, à la Commission d’avoir apprécié les prévisions de trafic au sein de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo uniquement à l’aune du niveau des taxes pratiquées au sein de cet aéroport et des aéroports voisins, en particulier de l’aéroport de Gdańsk, sans avoir pris en compte l’ensemble des facteurs pertinents.

144    Il ressort de la décision attaquée que, après avoir constaté la proximité immédiate de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo avec celui de Gdańsk, non encombré et fonctionnant selon le même modèle commercial, la Commission a considéré que la capacité de l’exploitant de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo à attirer le trafic aérien dépendrait, dans une large mesure, du niveau des taxes d’aéroport proposées aux compagnies aériennes (considérant 141). La Commission a alors comparé le niveau des taxes des deux aéroports et relevé que, compte tenu des différents rabais et remises consentis par l’aéroport de Gdańsk notamment pour les vols assurés par des compagnies à bas coût, les taxes proposées par l’aéroport de Gdynia-Kosakowo étaient largement supérieures. Elles étaient également supérieures à celles de deux aéroports voisins. La Commission en a conclu que les prévisions concernant le trafic aérien au sein de l’aéroport n’étaient pas réalistes (considérant 147).

145    À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas que le niveau des taxes d’aéroport envisagées par l’aéroport de Gdynia-Kosakowo est supérieur à celui de l’aéroport voisin de Gdańsk si les remises et rabais consentis par ce dernier sont incluses. Elles se prévalent toutefois du caractère temporaire de ces remises et rabais et font valoir que ceux-ci auraient nécessairement été suspendus au vu des charges liées aux investissements et aux frais de fonctionnement supportées par l’aéroport de Gdańsk.

146    Or, il est constant que ces remises et rabais sont accordés par l’aéroport de Gdańsk jusqu’à l’horizon 2028. Par ailleurs, ainsi que le fait valoir la Commission, les requérantes n’ont pas apporté d’éléments de preuve en vue d’établir leur probable suspension.

147    Deuxièmement, les requérantes font valoir que l’attrait de l’offre commerciale d’un aéroport pour les transporteurs s’exprime également par le biais des autres coûts leur incombant et que, à cet égard, l’aéroport de Gdynia-Kosakowo disposait d’une offre attractive résultant, d’une part, de la vente directe de carburant, sans intermédiaire extérieur, et, d’autre part, du recours envisagé à ses propres services de navigation aérienne.

148    Selon le considérant 184 de la décision attaquée, les projets relatifs à la vente directe de carburant et à l’offre de services de navigation par l’aéroport de Gdynia-Kosakowo n’ont pas été pris en compte dans l’étude de 2010, ni dans celles de 2011 et de 2012. Il ressort notamment du considérant 115 de la décision attaquée que ces projets auraient été présentés à la Commission pour la première fois oralement, lors d’une réunion, tenue le 26 novembre 2013. S’agissant de la vente directe de carburant, selon le considérant 70 de la décision attaquée, les autorités polonaises ont admis, durant la procédure administrative, que toutes les études de l’investisseur privé étaient fondées sur un approvisionnement en carburant par un opérateur extérieur. Au point 80 du mémoire en défense, la Commission reproduit un extrait de la lettre du 3 décembre 2013 dans laquelle les autorités polonaises expliquaient, à la suite de la réunion susvisée du 26 novembre 2013, que, dans l’étude de 2012, il avait été admis qu’un dépôt de carburant serait construit, mais que, pour des raisons de prudence, les calculs avaient été faits sur la base d’un approvisionnement en carburant par des tiers avec une marge par litre de combustible vendu pour la société PLGK. S’agissant des services de navigation aérienne, il ressort des observations produites par les autorités polonaises durant la procédure administrative (considérant 74 de la décision attaquée) que la société PLGK avait l’intention de proposer elle-même de tels services.

149    Les éléments relevés au point 148 ci-dessus ne sont pas contestés par les requérantes. Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence citée aux points 107 et 120 ci-dessus, c’est à juste titre que la Commission a considéré qu’elle ne pouvait pas tenir compte, dans le cadre de son analyse du critère de l’investisseur privé, de sources de revenus supplémentaires pour la société PLGK, ni de tarifs attractifs de redevances pour services terminaux ou de carburants, puisque ces éléments n’avaient pas pu fonder la décision des communes de Gdynia et de Kosakowo d’investir dans la mesure en cause.

150    Troisièmement, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte des différents atouts de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo justifiant sa capacité à attirer de nouveaux flux aériens significatifs. Ces atouts consisteraient notamment en la possibilité de proposer des créneaux horaires attractifs aux compagnies aériennes à très courte échéance, en une localisation attrayante en raison de la proximité d’un port maritime et d’une future zone industrielle et du bénéfice d’un microclimat, en un niveau des redevances aéroportuaires appliqué dans le domaine de l’aviation générale attractif, en la disponibilité d’une infrastructure déjà existante, et notamment de deux pistes de décollage alors que l’aéroport de Gdańsk n’en possède qu’une, et en la possibilité d’une utilisation partagée avec les autorités militaires.

151    S’agissant de la disponibilité de l’infrastructure de l’aéroport militaire et de la possibilité d’une prise en charge par l’État des coûts d’exploitation à hauteur de l’activité militaire, il ressort du considérant 66 de la décision attaquée que, selon les autorités polonaises, l’étude de 2012 ne tient pas compte de la participation de l’armée aux coûts d’exploitation de l’aéroport et que les conditions d’utilisation conjointe de cet aéroport n’avaient pas encore été établies avec l’armée. Dans ce contexte, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a considéré, aux considérants 180 et 181 de la décision attaquée, que, en l’absence de clé de répartition convenue et de quantification de réduction des coûts, un investisseur privé n’en aurait pas tenu compte dans son évaluation de la rentabilité du projet.

152    S’agissant des autres éléments dont les requérantes se prévalent en soutenant que la Commission n’aurait pas apprécié globalement la situation, celle-ci fait valoir qu’ils n’ont pas été invoqués lors de la procédure administrative. À supposer même qu’ils aient été pris en compte dans la décision d’investir dans la mesure en cause et que la Commission ait dû en tenir compte dans la décision attaquée, ils ne suffisent pas à remettre en cause la conclusion de la Commission. En effet, l’avantage concernant les créneaux horaires est lié au démarrage de l’activité de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo. L’incidence de l’atout consistant en un faible niveau des redevances dans le domaine de l’aviation générale, à le supposer établi, est relatif compte tenu de la faible part de cette activité dans les ressources globales de cet aéroport. Il en va de même de la proximité avec le port maritime, dans la mesure où les deux aéroports de Gdynia-Kosakowo et de Gdańsk sont distants de 25 kilomètres environ. En tout état de cause, l’ensemble des éléments mentionnés au point 150 ci-dessus n’est pas de nature à remettre en cause le fait que, premièrement, pendant toute la période du projet (c’est-à-dire jusqu’en 2040), les flux de trésorerie actualisés seront négatifs, deuxièmement, aucun test de sensibilité n’a été réalisé par les autorités polonaises, troisièmement, les redevances pratiquées par l’aéroport de Gdynia-Kosakowo se situent à un niveau plus élevé que celles de l’aéroport de Gdańsk avec lequel il se trouve en situation de concurrence, quatrièmement, le projet ne devient rentable à la fin de l’investissement envisagé que grâce à la valeur terminale du projet, laquelle n’est pas fiable notamment en raison du fait que le terrain et les infrastructures restent la propriété du Trésor public et doivent être restitués à la fin du projet.

153    En troisième lieu, les requérantes font valoir que la conclusion de la Commission sur le caractère trop élevé du taux de croissance retenu à long terme est arbitraire et non motivée ou, à tout le moins, insuffisamment motivée.

154    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte incriminé de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a., C‑128/16 P, EU:C:2018:591, point 82 et jurisprudence citée).

155    En l’espèce, il ressort de la décision attaquée, en particulier des considérants 153 à 155 concernant le critère de l’investisseur privé sur la base de l’étude de 2010, que la Commission a considéré que le taux de croissance retenu à long terme (c’est-à-dire après 2040) signifiait que l’aéroport serait toujours en croissance alors que, dans le même temps, la valeur terminale était calculée au moment où l’entreprise était censée atteindre sa maturité. Dans ce contexte, la Commission a précisé que le taux de croissance des entreprises matures devrait être inférieur au taux moyen de croissance de l’ensemble de l’économie. Par ailleurs, la Commission a relevé que les autorités polonaises n’avaient pas indiqué sur quel fondement elles avaient retenu le taux de croissance en cause sur une très longue période. En outre, la Commission a indiqué que, compte tenu de l’étendue de la période couverte par les prévisions et de la date lointaine de la valeur terminale calculée, un investisseur avisé aurait procédé à des tests de sensibilité, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce. Enfin, la Commission a souligné les différences qui existaient, s’agissant de la période retenue pour calculer la valeur terminale du projet (et donc le stade de maturité de l’activité économique), entre les études de 2010 (la date prévue étant 2040) et de 2012 (la date prévue étant 2030).

156    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’appréciation de la Commission quant au niveau du taux de croissance à long terme est suffisamment motivée.

157    Par la teneur de leur argumentation, les requérantes peuvent également être regardées comme remettant en cause le bien-fondé de l’appréciation de la Commission quant au taux de croissance retenu à long terme. Les requérantes soutiennent que le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) de la Pologne est la référence la plus objective et qu’un développement dynamique était prévu dans le secteur des aéroports régionaux, particulièrement en voïvodie de Poméranie et notamment dans la région de la Tricité (Pologne) formée par les trois villes principales de Gdańsk, de Sopot (Pologne) et de Gdynia. Elles se réfèrent également au taux de croissance à long terme retenu dans l’étude de 2012, plus faible que celui retenu dans l’étude de 2010, et font valoir que, en tout état de cause, le projet demeurait rentable à partir d’un taux de croissance annuel stabilisé à 2,3 %.

158    À cet égard, ainsi qu’il a été conclu au point 123 ci-dessus, c’est à juste titre que la Commission a fondé son analyse sur l’étude de 2010. Par ailleurs, aucun des éléments mis en avant par les requérantes n’est de nature à établir une erreur manifeste d’appréciation de la Commission alors que, d’une part, le taux de croissance retenu à long terme n’a pas été justifié et, d’autre part, il impliquait une croissance continue de l’aéroport après que celui-ci avait atteint sa maturité. D’ailleurs, au point 81 de la requête, les requérantes admettent elles-mêmes que l’adoption sur une aussi longue échéance d’un taux de croissance à long terme d’un niveau supérieur à celui de l’inflation ne peut effectivement être tenue pour une démarche prudente, même si ce taux ne dépasse pas la moyenne projetée du taux de croissance de l’ensemble de l’économie. Au demeurant, il y a lieu de relever que les données fournies à l’instance par la commune de Gdynia indiquent que la croissance moyenne du PIB pour la Pologne entre 2010 et 2020, ainsi qu’entre 2020 et 2030, devrait être sensiblement inférieure au taux de croissance retenu pour la société PLGK.

159    Par ailleurs, il est constant que, pendant toute la période du projet (c’est-à-dire jusqu’en 2040), les flux de trésorerie actualisés resteront négatifs, le projet n’étant rentable que grâce à la valeur terminale actualisée du projet. Or, même en admettant que la Commission ait dû tenir compte du taux de croissance à long terme retenu dans l’étude de 2012, elle n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la valeur terminale du projet manquait de fiabilité. En effet, elle explique, au considérant 135 de la décision attaquée, que le terrain sur lequel se situe l’aéroport militaire a été loué par le Trésor public à la commune de Kosakowo pour une période de 30 ans, expirant au mois de septembre 2040, et que la commune de Kosakowo l’a elle-même loué à la société PLGK. En application du droit polonais, les infrastructures construites par celle-ci demeurent la propriété du Trésor public. Le contrat de location conclu avec ce dernier ne prévoit ni remboursement des investissements ainsi réalisés ni clause de reconduction automatique. Partant, la Commission était fondée à considérer que la valeur terminale de l’aéroport, déterminée sur la base d’une poursuite de l’exploitation pour une durée indéterminée, était « très probablement sensiblement surévaluée ».

160    En quatrième lieu, dans la réplique, la société PLGK fait valoir que, aux fins de l’analyse de l’existence d’un avantage, il y aurait lieu de distinguer l’activité de construction d’infrastructures aéroportuaires de celle de leur exploitation et de tenir compte de leur contexte respectif. Elle reproche ainsi à la Commission de ne pas avoir pris en compte le fait qu’elle n’était propriétaire ni du terrain ni des infrastructures. Elle reproche également à la Commission de ne pas avoir analysé l’existence d’un avantage concernant les opérations réalisées par la commune de Kosakowo, notamment la conversion de créances en parts sociales dans la société PLGK.

161    À cet égard, d’une part, l’argument de la société PLGK concernant la nécessaire distinction entre la création de l’infrastructure aéroportuaire et son exploitation aux fins de l’analyse de l’existence d’un avantage procède d’une confusion concernant la nature de l’avantage qui lui a été accordé. Cet avantage consiste en un financement, par le biais d’apports au capital de cette société, et non en un droit d’exploitation de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo.

162    Il y a également lieu de relever que la construction d’infrastructures aéroportuaires par le gestionnaire d’un aéroport en vue de leur exploitation commerciale constitue une activité économique qui ne peut être dissociée de l’exploitation, par ce gestionnaire, desdites infrastructures (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Mitteldeutsche Flughafen et Flughafen Leipzig-Halle/Commission, C‑288/11 P, EU:C:2012:821, points 43 et 44). En l’espèce, la société PLGK était chargée tant de la construction des infrastructures nécessaires à la reconversion de l’aéroport militaire en aéroport civil que de l’exploitation de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo. Cela résulte clairement du contrat d’actionnaires daté du 11 mars 2011 et de la lettre du 7 septembre 2012 de notification de la mesure en cause à la Commission. Pour la réalisation de son objet social, la société PLGK a bénéficié de la mesure en cause consistant en un financement, d’une part, des investissements nécessaires à cette reconversion et, d’autre part, d’une partie des coûts d’exploitation du futur aéroport civil.

163    Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission a analysé l’avantage accordé à la société PLGK au vu des apports réalisés par ses deux actionnaires publics en vue de la réalisation du projet de reconversion de l’aéroport, sans qu’il y ait lieu de tenir compte du fait que cette société n’était propriétaire ni du terrain ni des infrastructures.

164    Par ailleurs, dès lors que l’avantage accordé à la société PLGK ne consistait pas en l’octroi d’un droit d’exploitation de l’aéroport, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la Commission aurait dû examiner si le droit d’exploitation avait été consenti à un prix inférieur à celui du marché. Partant, l’argument figurant dans les observations des requérantes sur l’arrêt sur pourvoi et tiré de la communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, inapplicable ratione temporis, en particulier de son paragraphe 223, relatif à l’octroi d’un droit d’exploitation d’une infrastructure à un prix inférieur à celui du marché, doit être écarté sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

165    D’autre part, s’agissant de la conversion d’une partie de la créance locative de la commune de Kosakowo à l’égard de la société PLGK en parts sociales, il y a lieu de relever que cette conversion a été analysée par la Commission comme faisant partie des ressources d’État mises à la disposition de la société PLGK (considérants 109 à 111 de la décision attaquée) et comme lui conférant un avantage économique dès lors que le critère de l’investisseur privé n’était pas satisfait.

166    Il convient de relever que le Tribunal a déjà considéré qu’une augmentation de capital réalisée par le biais d’un abandon de créance pouvait faire l’objet d’une analyse au regard du critère de l’investisseur privé aux fins de déterminer si ladite augmentation de capital constituait une aide d’État (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T‑156/04, EU:T:2009:505, points 246 à 251).

167    La société PLGK n’explique pas pour quels motifs la Commission aurait dû envisager distinctement les apports en capital réalisés par la commune de Gdynia, d’une part, et la conversion d’une partie de la créance locative de la commune de Kosakowo en parts sociales dans cette société, d’autre part, alors que la mesure en cause porte sur un unique projet de reconversion d’un aéroport militaire en aéroport civil, financé par des ressources d’État, et qu’elle a fait l’objet d’une unique notification à la Commission.

168    Par ailleurs, en tant que la société PLGK soutient, en substance, que la Commission n’a pas examiné si l’opération de conversion de créance en parts sociales constituait un avantage par application du critère de l’investisseur privé à cette seule opération, dès lors que celle-ci n’était pas mentionnée dans l’étude de 2010, il y a lieu de relever que, si cette étude concernait le financement de ce projet par la commune de Gdynia et avait ainsi pour but d’analyser si les apports en capital de celle-ci s’effectuaient aux conditions normales du marché, ladite étude a examiné le potentiel de développement de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo notamment au regard de l’évolution du trafic aérien en Pologne et du rôle de l’aviation générale au sein de cet aéroport. Elle a identifié le taux de rentabilité du projet en cause au vu de projections de recettes et de coûts d’investissement et d’exploitation sur la période 2010-2040. L’étude a ainsi porté sur la rentabilité des investissements nécessaires à la mise en service de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo et au démarrage de son exploitation. Partant, la circonstance selon laquelle l’étude de 2010 n’envisageait pas les apports de la commune de Kosakowo issus de la conversion de créance en parts sociales au sein de la société PLGK n’est pas de nature à la priver de pertinence aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé à l’ensemble du financement de la mesure en cause. Au demeurant, il y a lieu de rappeler que cette étude était la seule disponible avant le début du financement du projet en cause.

169    Partant, il y a lieu d’écarter le troisième grief en son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité des arguments de la société PLGK présentés dans la réplique.

170    Pour l’ensemble de ces motifs, il y a lieu d’écarter la première branche du premier moyen.

 Sur la deuxième branche, tirée, en substance, d’un défaut de motivation et d’une insuffisance de preuve de la distorsion de concurrence et de l’affectation des échanges

171    Les requérantes contestent la conclusion de la Commission s’agissant de la distorsion de concurrence et de l’affectation des échanges qui résulteraient de la mesure en cause. En particulier, cette conclusion ne serait pas étayée par une motivation suffisante ni par des éléments de preuve. La Commission ne saurait se fonder exclusivement sur le montant de l’aide, en se référant à des seuils, mais devrait mener une analyse économique de l’incidence de l’aide. Dans ce cadre, la Commission devrait démontrer, en se fondant sur les circonstances concrètes de l’affaire, que la distorsion de concurrence et l’affectation des échanges sont sensibles. Tel ne serait pas le cas en l’espèce, et les juridictions de l’Union auraient déjà rejeté la thèse développée par la Commission dans la décision attaquée. Par ailleurs, la Commission devrait concentrer ses efforts sur les grands aéroports, et le soutien aux petits aéroports régionaux devrait rester exclu du champ d’application des aides d’État. Toute autre interprétation signifierait que les lignes directrices vont au-delà du traité. Enfin, l’offre commerciale de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo serait différente de celle de l’aéroport de Gdańsk, ce que ce dernier aurait lui-même confirmé.

172    La Commission soutient que les arguments développés au soutien de la deuxième branche sont, pour partie, inopérants et, pour partie, non fondés.

173    À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’obligation de motivation, telle que rappelée au point 154 ci-dessus, la Commission doit indiquer les raisons pour lesquelles elle considère que la mesure en cause entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. À cet égard, même dans les cas où il ressort des circonstances dans lesquelles l’aide a été accordée qu’elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe tout au moins à la Commission d’évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision (voir arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a., C‑128/16 P, EU:C:2018:591, point 83 et jurisprudence citée).

174    Selon une jurisprudence constante, aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État, il y a lieu non d’établir une incidence réelle de l’aide sur les échanges entre États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si l’aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt du 26 octobre 2016, Orange/Commission, C‑211/15 P, EU:C:2016:798, point 64 et jurisprudence citée).

175    En ce qui concerne plus précisément la condition de l’affectation des échanges entre États membres, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans lesdits échanges, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, EU:C:2006:8, point 141 et jurisprudence citée). À cet égard, il n’est pas nécessaire que l’entreprise bénéficiaire participe elle-même aux échanges entre États membres. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à une entreprise, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec pour conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées (voir arrêts du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, EU:C:2006:8, point 143 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2016, Vervloet e.a., C‑76/15, EU:C:2016:975, point 104 et jurisprudence citée).

176    Quant à la condition de la distorsion de concurrence, il convient de rappeler que les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent en principe les conditions de concurrence (voir arrêt du 26 octobre 2016, Orange/Commission, C‑211/15 P, EU:C:2016:798, point 66 et jurisprudence citée).

177    En l’espèce, tout d’abord, la Commission a rappelé la jurisprudence selon laquelle, lorsqu’une aide financière accordée par un État ou au moyen de ressources d’État renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges entre États membres, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide. Ensuite, la Commission a indiqué que les mesures en cause renforçaient la position économique de la société PLGK, puisque l’exploitant de l’aéroport pourrait lancer son activité sans devoir supporter les coûts d’investissement et les coûts d’exploitation inhérents à cette activité. Par ailleurs, la Commission a indiqué que la concurrence existait, d’une part, entre les aéroports qui souhaitaient attirer les compagnies aériennes, et donc le trafic aérien (passagers, marchandises), et, d’autre part, entre les exploitants d’aéroports qui pouvaient rivaliser pour se voir confier la gestion d’un aéroport particulier. Enfin, la Commission a retenu que, notamment dans le cas des compagnies aériennes à bas coûts, des aéroports qui ne se trouvaient pas dans la même zone de chalandise et qui se situaient dans différents États membres pouvaient aussi entrer en concurrence pour attirer ces compagnies. La Commission a également observé que l’aéroport de Gdynia-Kosakowo prévoyait d’accueillir jusqu’à un million de passagers en 2030. Elle a ajouté que, selon le paragraphe 40 des lignes directrices de 2005, il n’était pas possible d’exclure les petits aéroports du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et a relevé que ces derniers pouvaient entrer en concurrence avec d’autres petits aéroports pour attirer surtout les compagnies charters et les compagnies aériennes à bas coût. La Commission a conclu que les mesures en cause fausseraient ou menaceraient de fausser la concurrence et affecteraient les échanges entre États membres (considérants 187 à 190 de la décision attaquée).

178    Certes, la motivation de la Commission exposée au point 177 ci-dessus est succincte. Toutefois, envisagée globalement avec les éléments relatifs à la situation des aéroports susceptibles d’être en situation de concurrence avec l’aéroport de Gdynia-Kosakowo, cette motivation fait apparaître de façon suffisamment claire le raisonnement de la Commission. Celui-ci repose sur le fait que des aides sont accordées à la société PLGK, en allégeant les coûts d’investissement et les coûts d’exploitation inhérents à son activité économique, alors que cette société sera la concurrente d’autres sociétés qui peuvent participer aux échanges entre États membres ou qui se situent dans d’autres États membres. La Commission a également mis en avant le nombre de passagers qui seront accueillis à terme à l’aéroport de Gdynia-Kosakowo.

179    Il s’ensuit que le grief tiré de l’insuffisance de motivation doit être écarté comme étant non fondé.

180    Quant au bien-fondé de l’appréciation de la Commission, il convient de relever que les mesures en cause renforcent la position économique de la société PLGK, puisque l’exploitant de l’aéroport pourra lancer son activité sans devoir supporter les coûts d’investissement et les coûts d’exploitation inhérents à cette activité, ainsi que la Commission l’a indiqué.

181    Par ailleurs, c’est à juste titre que la Commission a retenu que les aéroports de Gdynia-Kosakowo et de Gdańsk, distants de 25 kilomètres environ, seraient actifs sur le même secteur d’activités (compagnies aériennes à bas coûts et charters), auraient la « même zone d’attraction » et qu’il existerait entre eux une « concurrence par les prix » (considérants 136, 137 et 145 de la décision attaquée). La circonstance selon laquelle il s’agirait d’aéroports de catégories distinctes au sens des lignes directrices de 2005, à savoir un aéroport de catégorie D (volume annuel inférieur à un million de passagers), s’agissant de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo, et un aéroport de catégorie C (volume annuel de passagers compris entre 1 et 5 millions), s’agissant de l’aéroport de Gdańsk, est sans conséquence à cet égard. La Commission a également relevé la présence de deux autres aéroports régionaux se situant à 196 et 296 kilomètres de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo, pour lesquels elle a effectué une comparaison des prix des redevances (considérant 146 de la décision attaquée).

182    Dès lors, il résulte des éléments repris dans la décision attaquée que la mesure en cause vise à libérer la société PLGK des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales et qu’elle est donc susceptible de fausser les conditions de concurrence.

183    Pour ce qui est de l’affectation des échanges, l’aéroport de Gdynia-Kosakowo est en concurrence directe notamment avec l’aéroport de Gdańsk, qui opère dans les échanges entre États membres. En effet, il ressort de la note en bas de page no 8, figurant au considérant 19 de la décision attaquée, que huit compagnies aériennes offrent des services aériens réguliers à partir de l’aéroport de Gdańsk, dont plusieurs compagnies qui ne sont pas localisées en Pologne (Wizz Air, Ryanair, Lufthansa, SAS, Air Berlin et Norwegian). La Commission indique également au considérant 215 de la décision attaquée que l’aéroport de Gdańsk offre plus de 40 liaisons intérieures et internationales. En outre, comme le relève la Commission, l’aéroport de Gdynia-Kosakowo prévoyait d’accueillir jusqu’à un million de passagers en 2030. Loin d’être négligeable, un tel chiffre permet de supposer qu’une partie de ces passagers sera originaire d’aéroports situés dans d’autres États membres ou se rendra dans ces aéroports compte tenu notamment du projet de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo d’attirer des compagnies à bas coûts ou des charters. Les requérantes ont d’ailleurs indiqué elles-mêmes, dans le cadre de leurs écritures portant sur la compatibilité de l’aide, que l’aéroport de Gdynia-Kosakowo avait notamment pour objectif d’accroître l’attrait exercé par la Poméranie sur les touristes étrangers.

184    Enfin, le secteur du transport aérien dans l’Union est un secteur libéralisé. Or, le fait qu’un secteur économique a fait l’objet d’une libéralisation au niveau de l’Union est de nature à caractériser une incidence réelle ou potentielle des aides sur la concurrence ainsi que leur effet sur les échanges entre États membres (voir arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, EU:C:2006:8, point 142 et jurisprudence citée).

185    Il s’ensuit que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la position de la Commission repose sur des présomptions et que celle-ci n’a pas établi que les conditions posées par l’article 107, paragraphe 1, TFUE concernant la distorsion de concurrence et l’affectation des échanges étaient réunies dans les circonstances de l’espèce.

186    Les autres arguments avancés par les requérantes ne suffisent pas à remettre en cause cette conclusion.

187    En tant que l’aéroport de Gdynia-Kosakowo serait de petite taille, il y a lieu de rappeler que l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’exclut pas a priori l’éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (voir arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9, point 68 et jurisprudence citée). Certes, comme les requérantes le relèvent, les lignes directrices de 2005, en leur paragraphe 39, indiquent que « les financements accordés aux petits aéroports régionaux (catégorie D) sont peu susceptibles de fausser la concurrence ou d’affecter les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ». Toutefois, il est immédiatement ajouté au paragraphe 40 de ces lignes directrices que, « [a]u-delà de ces indications générales, il n’est cependant pas possible d’établir un diagnostic adapté à la diversité des situations possibles, notamment pour les aéroports des catégories C et D » et que, dans ce contexte, « toute mesure susceptible de constituer une aide d’État à un aéroport devra être notifiée afin, notamment, d’examiner son effet sur la concurrence et les échanges entre les États membres et, le cas échéant, sa compatibilité ». Ainsi, les lignes directrices de 2005 prévoient un examen au cas par cas des aides accordées aux petits aéroports et il ne saurait donc être exclu, sur cette base, qu’une telle aide puisse avoir un effet sur la concurrence ou sur les échanges entre États membres.

188    Par ailleurs, ainsi que le fait valoir la Commission dans la duplique, et compte tenu des constats effectués au point 182 ci-dessus, le fait que l’aéroport de Gdynia-Kosakowo ne soit pas en concurrence avec de petits aéroports situés dans d’autres États membres n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission concernant l’affectation des échanges.

189    En outre, en tant que les requérantes font valoir que la décision attaquée révèle une ingérence disproportionnée de la Commission dans l’exercice des pouvoirs des administrations locales et que celle-ci devrait concentrer ses efforts sur les grands aéroports, un tel argument, qui se rapporte à l’opportunité du contrôle opéré par la Commission et non à la légalité de la décision attaquée, est en tout état de cause inopérant et doit être écarté pour ce motif.

190    Enfin, en tant que les requérantes se prévalent du fait que, dans la lettre du 6 août 2013 aux autorités polonaises, même l’aéroport de Gdańsk, par la voix des membres de son conseil d’administration, aurait considéré que l’aéroport de Gdynia-Kosakowo ne lui ferait pas concurrence, il y a lieu de relever que cette lettre a été rédigée dans le contexte d’un financement européen d’une extension des infrastructures de l’aéroport de Gdańsk. Par ailleurs, ainsi que la Commission le relève dans la duplique, la réponse de l’aéroport de Gdańsk, qui n’est pas actionnaire de la société PLGK, est fondée sur des éléments qui sont contredits par les données des études de 2010 et de 2011. Dans ce contexte, la lettre susmentionnée n’est pas de nature à remettre en cause le constat selon lequel les deux aéroports seront en situation de concurrence sur le secteur des vols charters et des vols à bas coût et, partant, la conclusion de la Commission quant à l’affectation de la concurrence et des échanges.

191    Pour ces motifs, la deuxième branche du premier moyen doit être écartée en tant qu’elle repose, pour partie, sur un argument inopérant et, pour partie, sur des arguments non fondés.

 Sur la troisième branche, tirée, en substance, d’une violation de l’article 107 TFUE et du principe de sécurité juridique

192    Les requérantes soutiennent qu’un investissement consistant à développer et à agrandir l’infrastructure d’un aéroport qui ne fonctionne pas ne relève pas du domaine des aides d’État, mais de la politique économique régionale. À cet égard, les lignes directrices de 2005, qui prévoient que la fourniture d’infrastructures aéroportuaires au gestionnaire relève des aides d’État, auraient opéré un changement de philosophie par rapport aux lignes directrices de la Commission relatives à l’application des articles 92 et 93 du traité CE et de l’article 61 de l’accord EEE aux aides d’État dans le secteur de l’aviation (JO 1994, C 350, p. 5, ci-après les « lignes directrices de 1994 »), qu’elles venaient pourtant compléter. Or, selon les requérantes, cette nouvelle philosophie ne trouvait pas d’ancrage dans la jurisprudence avant l’arrêt du 19 décembre 2012, Mitteldeutsche Flughafen et Flughafen Leipzig-Halle/Commission (C‑288/11 P, EU:C:2012:821). Dans la mesure où, à la date du prononcé de cet arrêt, les investissements litigieux étaient déjà engagés, la Commission aurait dû retenir l’interprétation des lignes directrices de 1994. À défaut, il s’ensuivrait une méconnaissance du principe de sécurité juridique.

193    La Commission réfute l’argumentation des requérantes au motif qu’elle va à l’encontre de la jurisprudence.

194    À cet égard, au considérant 101 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que la notion d’entreprise comprenait toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement, et que constituait une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné. La Commission a également rappelé, aux considérants 102 et 103 de la décision attaquée, que l’exploitation commerciale et la construction d’infrastructures portuaires ou aéroportuaires en vue d’une telle exploitation commerciale constituaient des activités économiques. Elle en a déduit que, dans la mesure où la société PLGK exploiterait les infrastructures en cause sur une base commerciale, en percevant des taxes au titre de leur utilisation, il y avait lieu de lui reconnaître la qualité d’entreprise au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

195    En premier lieu, si les requérantes font valoir que l’investissement dans l’infrastructure de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo constitue une mesure de politique économique régionale, elles reconnaissent elles-mêmes que l’exploitation commerciale et la construction d’infrastructures aéroportuaires en vue d’une telle exploitation commerciale constituent des activités économiques (voir arrêt du 20 septembre 2019, Havenbedrijf Antwerpen et Maatschappij van de Brugse Zeehaven/Commission, T‑696/17, EU:T:2019:652, point 47 et jurisprudence citée ; voir, également, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Mitteldeutsche Flughafen et Flughafen Leipzig-Halle/Commission, C‑288/11 P, EU:C:2012:821, points 40 à 43). En l’espèce, les requérantes ne contestent pas que les infrastructures aéroportuaires en cause devaient faire l’objet d’une exploitation commerciale par la société PLGK. Partant, le fait que leur construction ait été prise en compte dans la qualification d’aide d’État n’apparaît entaché d’aucune erreur.

196    En second lieu, s’agissant du grief pris de la violation du principe de sécurité juridique, il convient de rappeler que ce principe, qui est un principe général du droit de l’Union, exige que les règles de droit soient claires et précises et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (arrêt du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, EU:C:1996:51, point 20).

197    À cet égard, les requérantes ne contestent pas que les lignes directrices de 2005 étaient applicables ratione temporis. Elles soutiennent que ces lignes directrices n’étaient pas compatibles, s’agissant de la position retenue en matière d’investissement d’infrastructures, avec les lignes directrices de 1994 qu’elles venaient pourtant compléter. Selon elles, en présence d’une telle contradiction et alors que ladite position de la Commission n’aurait été validée par la jurisprudence de l’Union qu’en 2012, par l’arrêt du 19 décembre 2012, Mitteldeutsche Flughafen et Flughafen Leipzig-Halle/Commission (C‑288/11 P, EU:C:2012:821), à un moment où les investissements litigieux avaient déjà été engagés, la Commission aurait dû faire application des lignes directrices de 1994.

198    Or, il ressort de la décision attaquée que, en prenant en compte la construction des infrastructures aéroportuaires dans la qualification d’aide d’État, la Commission a appliqué l’article 107, paragraphe 1, TFUE, tel qu’interprété par la jurisprudence de l’Union, et non les lignes directrices de 2005 (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Mitteldeutsche Flughafen et Flughafen Leipzig-Halle/Commission, C‑288/11 P, EU:C:2012:821, points 63 et 64). Il s’ensuit que le grief tiré de l’application illégale des lignes directrices de 2005 est inopérant et doit être écarté pour ce motif.

199    En tout état de cause, ce grief n’est pas fondé. En effet, comme le font valoir les requérantes, les lignes directrices de 2005, qui visaient précisément à fournir l’interprétation de la Commission s’agissant de l’application de l’article 107 TFUE au secteur concerné, complétaient les lignes directrices de 1994, sans les remplacer. Celles-ci contenaient, pour l’essentiel, des dispositions concernant les conditions d’octroi d’aides d’État aux compagnies aériennes et excluaient du champ de contrôle de la Commission, au titre des règles du traité relatives aux aides d’État, notamment la réalisation de projets d’infrastructures aéroportuaires, au motif qu’elle constituait une mesure de politique économique (voir paragraphe 12 des lignes directrices de 1994). Ainsi que cela ressort du paragraphe 19 des lignes directrices de 2005, celles-ci ont complété celles de 1994, notamment en précisant comment les règles de concurrence devaient être appliquées aux modes de financement des aéroports, dont le financement de la construction d’infrastructures et d’équipements aéroportuaires, auparavant exclus de la notion d’aide d’État. Partant, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que ces lignes directrices comportaient des contradictions internes. En outre, elles ont été adoptées et publiées avant que les autorités polonaises ne décident de procéder aux investissements en cause.

200    Il s’ensuit que le grief tiré de la violation du principe de sécurité juridique doit être écarté comme inopérant et, en tout état de cause, comme non fondé.

201    Par voie de conséquence, il y a lieu d’écarter la troisième branche du premier moyen et, partant, de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, de la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et de l’article 296 TFUE ainsi que du principe d’égalité de traitement

202    Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce ni fourni une motivation suffisante concernant l’appréciation de la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur. Selon elles, la décision attaquée serait un exemple d’excès de régulation de la Commission et révélerait, au vu de la position retenue par la Commission dans d’autres affaires, une atteinte au principe d’égalité de traitement.

203    En particulier, s’agissant de l’existence d’un objectif d’intérêt général, les requérantes mettent en avant la contribution de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo en termes d’emplois créés et de recettes générées ainsi que sa capacité à développer le tourisme régional. De plus, la Commission aurait omis de tenir compte de certains éléments pertinents démontrant que l’investissement en cause obéissait à un objectif d’intérêt économique général. Les requérantes évoquent, à cet égard, le développement de l’aire métropolitaine de la Tricité, la complémentarité entre l’aéroport de Gdynia-Kosakowo et celui de Gdańsk, la stratégie de développement des infrastructures aéroportuaires par la voie de l’utilisation à des fins civiles des aéroports militaires considérée comme essentielle par les autorités polonaises et les raisons de sécurité liées au microclimat différent de Gdynia par rapport à celui de Gdańsk. Sur ce dernier point, les requérantes produisent dans la réplique différents documents qui confirmeraient l’attrait de l’emplacement de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo d’un point de vue météorologique.

204    Par ailleurs, les requérantes contestent que l’investissement en cause soit disproportionné par rapport à l’objectif poursuivi. Il répondrait à la croissance du trafic aérien en Pologne et en Poméranie en particulier, et les dépenses d’investissement seraient nettement inférieures à celles de la construction d’un nouvel aéroport. La Commission aurait omis de tenir compte de ce dernier élément. D’autres éléments auraient également été négligés par la Commission, comme les prévisions de trafic aérien en Poméranie, le réseau modeste des aéroports polonais, la croissance rapide du marché du transport aérien, les données économiques de la région concernée ainsi que la localisation de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo, et notamment sa proximité inégalée avec un grand port maritime, la dynamique de croissance de l’aire métropolitaine de la Tricité et le bénéfice global induit par la présence de deux aéroports complémentaires et interconnectés. Les requérantes remettent également en cause l’argument utilisé par la Commission relatif aux capacités inutilisées de l’aéroport de Gdańsk. Des absences de disponibilités momentanées pourraient survenir et il y aurait un avantage à avoir un aéroport supplétif. Par ailleurs, les requérantes mettent en avant l’orientation de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo vers le segment de l’aviation générale. En outre, l’impossibilité de garantir la nature provisoire de l’aide ne permettrait pas de conclure à sa disproportion. Enfin, les requérantes invoquent les preuves de collaboration, voire de fusion potentielle, entre les aéroports de Gdynia-Kosakowo et de Gdańsk. L’action de la Commission aurait conduit à l’interruption des opérations concrètes à cet égard.

205    La Commission soutient que le deuxième moyen n’est pas fondé.

206    Il y a lieu de relever que l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE dispose que les aides destinées à favoriser le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur. S’agissant d’une dérogation au principe général d’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État, cette disposition est d’interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, EU:C:2010:607, point 74 et jurisprudence citée).

207    L’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide avec le marché intérieur, au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union (voir arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 79 et jurisprudence citée).

208    À cet égard, la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordres économique et social (voir arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 80 et jurisprudence citée).

209    Dans l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, la Commission peut adopter des lignes directrices afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, de mesures d’aide envisagées par les États membres (voir arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 81 et jurisprudence citée).

210    En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement (voir arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 82 et jurisprudence citée).

211    En l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que la compatibilité de l’aide en cause pouvait être appréciée sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Elle a également précisé qu’elle appliquerait les lignes directrices de 2005 pour l’aide à l’investissement et les lignes directrices de 2014 pour l’aide au fonctionnement (considérants 193 à 202 de la décision attaquée).

212    En outre, s’agissant de l’aide à l’investissement, la Commission a examiné si elle remplissait les conditions posées par le paragraphe 61 des lignes directrices de 2005. Elle a considéré que l’investissement en cause ne répondait pas à un objectif d’intérêt général clairement défini en tant qu’il ne contribuerait pas au développement de la région et entraînerait une simple duplication des infrastructures dans cette région, qu’il n’était pas nécessaire et proportionné à l’objectif fixé, que l’aéroport de Gdynia-Kosakowo n’offrait pas de perspectives satisfaisantes d’utilisation à moyen terme et que l’aide en question affecterait les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union (considérants 206 à 239 de la décision attaquée). En outre, la Commission a indiqué que, en l’absence d’un tel objectif d’intérêt général clairement défini, l’aide ne pouvait pas être considérée comme nécessaire et proportionnée à cet objectif (considérants 240 à 242 de la décision attaquée). La Commission en a conclu que l’aide à l’investissement ne satisfaisait pas aux exigences visées dans les lignes directrices de 2005 et ne pouvait pas être considérée comme compatible avec le marché intérieur (considérant 243 de la décision attaquée).

213    Par ailleurs, s’agissant de l’aide au fonctionnement, la Commission a rappelé qu’elle avait considéré, dans la décision 2014/883, que l’octroi d’une aide au fonctionnement dans le but d’assurer la réalisation d’un projet d’investissement bénéficiant d’une aide à l’investissement incompatible avec le marché intérieur était, en tant que tel, incompatible avec le marché intérieur et qu’une telle conclusion, tirée conformément aux lignes directrices de 2005, était tout aussi pertinente dans le contexte des lignes directrices de 2014 et suffisait pour constater l’incompatibilité avec le marché intérieur de l’aide au fonctionnement. La Commission a, en outre, considéré que l’aide en cause ne respectait pas la première condition prévue par les lignes directrices de 2014, à savoir la contribution à un objectif d’intérêt commun bien défini, dans la mesure où l’aide au fonctionnement en question avait pour but d’assurer le fonctionnement d’un aéroport construit grâce à une aide à l’investissement incompatible avec le marché intérieur. Enfin, la Commission a indiqué qu’elle serait parvenue à la même conclusion si l’aide au fonctionnement avait été appréciée à la lumière des règles relatives aux aides d’État à finalité régionale, invoquées par les autorités polonaises (considérants 244 à 254 de la décision attaquée).

214    Les requérantes contestent globalement la conclusion de la Commission sur la compatibilité de l’aide, sans distinguer l’aide à l’investissement de l’aide au fonctionnement.

215    En premier lieu, elles soutiennent que la mesure en cause répondrait à un objectif d’intérêt général clairement défini et satisferait ainsi à la première condition posée au paragraphe 61 des lignes directrices de 2005. Par leur argumentation, les requérantes contestent la conclusion de la Commission selon laquelle la mesure en cause ne contribuerait pas au développement de la région et entraînerait une simple duplication des infrastructures.

216    À cet égard, premièrement, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas tenu compte du potentiel de développement régional notamment en termes d’emplois et de recettes induit par la création d’un nouvel aéroport.

217    Au considérant 217 de la décision attaquée, la Commission a conclu que la création d’un nouvel aéroport en Poméranie ne contribuerait pas au développement de la région, après avoir relevé que l’aéroport de Gdynia-Kosakowo ne se situait qu’à environ 25 kilomètres de l’aéroport de Gdańsk, lequel était d’accès aisé pour les habitants de la Tricité, au vu du réseau routier. L’accès en serait encore amélioré en raison du métro de conurbation de Gdańsk, en construction au jour de la décision attaquée. La Commission a également relevé que l’aéroport de Gdańsk disposait d’une capacité de cinq millions de passagers par an alors que le trafic réel, en 2013, était inférieur à trois millions de passagers. Par ailleurs, sa capacité serait portée à sept millions de passagers d’ici à 2015 et, selon les informations communiquées par les autorités polonaises, le schéma directeur de l’aéroport prévoyait la réalisation d’investissements en vue de porter cette capacité à plus de dix millions de passagers si l’évolution du trafic le requérait. La Commission a constaté que l’aéroport de Gdańsk pourrait ainsi, même sans ces investissements supplémentaires, absorber l’ensemble du trafic prévu dans la région au moins jusqu’en 2025. Elle a également relevé que la capacité actuelle de la piste de décollage de l’aéroport de Gdańsk était loin d’être saturée dès lors qu’elle était utilisée, en moyenne, à environ 10 %.

218    Les requérantes font valoir les perspectives de croissance de la demande de services aériens en Pologne, notamment au vu du coefficient de mobilité aérienne du pays parmi les plus bas d’Europe. Elles se prévalent également de la croissance de la demande en Poméranie ainsi que du dynamisme, de la richesse et de la localisation stratégique de cette région. Toutefois, elles ne contestent pas la prévision actualisée, mentionnée dans la décision attaquée, de neuf millions d’usagers des transports aériens en Poméranie d’ici à 2030. Or, la région dispose déjà, à une courte distance du projet de nouvel aéroport civil, d’un aéroport existant pouvant absorber ce trafic supplémentaire au moins jusqu’en 2025, voire jusqu’en 2030 si les investissements envisagés au sein de l’aéroport de Gdańsk sont réalisés. Quant à l’utilisation de la piste de décollage de cet aéroport, les requérantes se bornent à faire valoir que la moyenne mentionnée par la Commission au considérant 213 de la décision attaquée, soit 4,7 opérations par heure en 2013, dissimule de fortes variations dans la journée, le nombre d’opérations pouvant être porté à 10. Toutefois, ainsi que le relève la Commission, ce chiffre demeure bien en deçà de la capacité non contestée de 40 à 44 opérations par heure dont dispose l’aéroport de Gdańsk.

219    Les requérantes se prévalent également du développement touristique qui résulterait de la mise en service de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo compte tenu notamment de sa localisation dans une région prisée et de sa proximité avec un port maritime. Elles n’établissent toutefois pas en quoi un tel développement ne pourrait être assuré par la présence, à 25 kilomètres environ de distance, d’un aéroport non saturé, facilement accessible et correctement desservi. Sur ce point, il peut être relevé que, selon la Commission, non contredite par les requérantes, le centre-ville de Gdynia se situe à la même distance en voiture des deux aéroports.

220    Deuxièmement, les requérantes font valoir que la Commission a exclu à tort la complémentarité et la collaboration entre les aéroports de Gdynia-Kosakowo et de Gdańsk.

221    Au considérant 218 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, au vu de son modèle d’entreprise, l’aéroport de Gdynia-Kosakowo et l’aéroport de Gdańsk seraient en situation de concurrence et que la création du premier en vue de jouer le rôle d’aéroport de soutien ou de secours ne saurait justifier l’ampleur des investissements en cause. Elle a également estimé, au considérant 226 de ladite décision, que la mesure en cause aboutirait à une simple duplication des infrastructures.

222    À cet égard, l’affirmation des requérantes selon laquelle l’aéroport de Gdynia-Kosakowo devait être orienté avant tout vers le trafic d’aviation générale est contredite par le fait que la principale source de revenus de l’aéroport sur l’ensemble de la période 2010-2040 devait provenir des taxes payées par les compagnies à bas coûts et les charters, et non du secteur de l’aviation générale. Au surplus, les requérantes n’étayent nullement leurs affirmations selon lesquelles les prestations offertes par l’aéroport de Gdańsk seraient insuffisantes au regard de la progression du secteur de l’aviation générale.

223    Les requérantes font également valoir que l’aéroport de Gdynia-Kosakowo, qui bénéficierait de conditions climatiques favorables, servirait d’aéroport de soutien lorsque les atterrissages ne pourraient s’effectuer en toute sécurité à l’aéroport de Gdańsk. Selon elles, l’aéroport de Gdynia-Kosakowo pourrait également se substituer à l’aéroport de Gdańsk pendant les travaux de réfection de la piste de décollage.

224    À supposer établie l’existence de paramètres météorologiques favorables à l’aéroport de Gdynia-Kosakowo, laquelle est fondée sur des documents dont la fiabilité est contestée par la Commission, la conclusion de la Commission sur l’insuffisance de l’intérêt sécuritaire n’apparaît pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation. En effet, les requérantes n’ont produit aucun élément de preuve concernant l’ampleur du problème de sécurité allégué ou des déroutements des vols originaires de Gdańsk. La commune de Gdynia a d’ailleurs indiqué, dans la réplique, que les conditions météorologiques favorables à l’aéroport de Gdynia-Kosakowo caractérisaient un avantage supplémentaire ne préjugeant pas un investissement. De même, la fonction d’aéroport d’appoint en cas de travaux à l’aéroport de Gdańsk ne saurait, en elle-même, suffire à remettre en cause la conclusion de la Commission quant à l’existence d’une duplication des infrastructures dans la région.

225    Par ailleurs, s’agissant des exemples qui attesteraient que deux aéroports situés à une distance relativement faible l’un de l’autre pourraient fonctionner de manière parallèle en offrant des services distincts, en termes de destinations desservies ou de segments de service, tels les aéroports de Bruxelles Zaventem et de Charleroi, de Düsseldorf et de Weeze, de Bonn, de Dortmund et de Maastricht, force est de constater qu’ils ne sont pas, à eux-seuls, de nature à remettre en cause le bien-fondé des appréciations de la Commission quant à l’absence de complémentarité établie des aéroports de Gdynia-Kosakowo et de Gdańsk, lesquelles ont été portées au vu des circonstances particulières de l’espèce.

226    En outre, s’agissant des arguments fondés sur la nécessité de construire un nœud aérien visant à satisfaire aux besoins de la population de Poméranie, ils ont été réfutés par la Commission aux considérants 220 à 225 de la décision attaquée. La Commission a ainsi estimé que la « stratégie régionale de développement des transports dans la voïvodie de Poméranie pour la période 2007-2020 » invoquée par les autorités polonaises ne comportait que des conclusions très générales concernant l’aéroport de Gdynia-Kosakowo. De même, selon la Commission, la lettre d’intention signée le 29 avril 2005 par différentes autorités nationales et régionales ainsi que par des représentants de l’aéroport de Gdańsk revêtait un caractère général et ne mentionnait que l’intention d’utiliser l’aéroport militaire pour les besoins de l’aviation civile. Elle avait été interprétée par certains de leurs auteurs comme visant non à lancer la construction du nouvel aéroport de Gdynia-Kosakowo, mais à préserver les infrastructures de l’aéroport militaire existant afin que ce dernier puisse être affecté à l’aviation générale uniquement, l’investissement projeté n’ayant, selon ces auteurs, pas de fondement économique.

227    En l’espèce, force est de constater que, si les requérantes évoquent, à de multiples reprises, l’existence d’une « collaboration étroite des aéroports au sein d’une plateforme de correspondance aéroportuaire poméranienne », elles ne produisent pas d’élément de nature à établir l’existence d’une demande justifiée de la part de l’aéroport de Gdańsk, de services à fournir par l’aéroport de Gdynia-Kosakowo ou d’un accord de coopération.

228    S’agissant de la « stratégie régionale de développement des transports dans la voïvodie de Poméranie pour la période 2007-2020 », qui a été établie le 29 septembre 2008, il y a lieu de relever qu’elle indique, dans sa partie 2.1 concernant le diagnostic de l’état du système de transport que « [l]a forte dynamique de croissance du trafic aérien de la voïvodie de Poméranie fait apparaître un besoin rapide de modernisation et d’extension de l’aéroport de Gdańsk ainsi que, à l’avenir, de l’utilisation d’aéroports militaires et d’autres aéroports ». Il est également précisé, s’agissant des prévisions de transport aérien de passagers et de fret, que « [l]a grande dynamique de la croissance du trafic aérien révélerait également la nécessité d’analyser l’exploitation des capacités des aéroports militaires (Gdynia-Kosakowo, Pruszcz Gdański, Malbork, Słupsk-Redzikowo) et autres pour l’aviation civile ». S’agissant de la création d’une plateforme aérienne en Poméranie, la partie 7.2 concernant les orientations indique que « [l]e développement des infrastructures aéroportuaires pourrait être poursuivi par la construction d’une plateforme de correspondance poméranienne dans cette zone, des aéroports étroitement coopérants et desservant des besoins de transport aérien d’une région comptant plus d’un million d’habitants ». Enfin, la « stratégie régionale de développement des transports dans la voïvodie de Poméranie pour la période 2007-2020 » identifie trois groupes d’aéroports, dont le premier groupe (aéroports puissants) est composé des aéroports de Gdańsk et de Gdynia-Kosakowo.

229    Au vu de la nature prospective du document évoqué au point 227 ci-dessus et du caractère très général des orientations envisagées, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a considéré qu’il n’était pas de nature à remettre en cause le constat selon lequel la mesure en cause entraînerait une simple duplication des infrastructures dans la région.

230    Il en est de même de la lettre d’intention du 29 avril 2005, mentionnée au point 225 ci-dessus, concernant la création d’un nouvel aéroport en Poméranie sur la base des infrastructures de l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie. En effet, il est constant que cette lettre n’exprime que la volonté des autorités nationales et régionales et de l’aéroport de Gdańsk d’introduire l’aviation civile sur le terrain de cet aéroport militaire.

231    Enfin, s’agissant d’une possible « fusion » entre les deux aéroports, la Commission a indiqué, aux considérants 224 et 225 de la décision attaquée, qu’elle avait été informée de la constitution d’un groupe de travail après l’ouverture de la procédure formelle d’examen, en vue d’envisager les scénarios possibles pour une collaboration entre les deux aéroports, et que, selon le président de la commune de Gdynia, des travaux d’analyse de la possibilité d’une fusion avaient été envisagés. La Commission a toutefois relevé qu’elle n’avait été informée d’aucune suite qui y aurait été donnée. Il ressort également des éléments versés aux débats que la Commission a reçu, durant la procédure administrative, une lettre du maire de Gdańsk précisant que « [l]a ville de Gdańsk, en tant qu’actionnaire majoritaire de l’aéroport de Gdańsk, n’a[vait] jamais manifesté l’intention de fusionner les [deux aéroports concernés] ».

232    Les requérantes, qui reprochent à la Commission d’avoir autoritairement interrompu, par l’adoption de la décision 2014/883, un processus complexe de rapprochement entre les deux partenaires, ne contestent pas que les discussions en cours n’avaient pas encore produit de résultats.

233    En tout état de cause, quel que soit le rapprochement envisagé entre les deux aéroports, les requérantes n’expliquent pas en quoi il serait de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle la mesure en cause entraînerait une simple duplication des infrastructures dans la région.

234    Partant, au vu des motifs exposés ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur de fait ou d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a conclu, à l’issue d’un examen global des éléments pertinents, que la mesure en cause ne contribuerait pas au développement de la région et entraînerait une simple duplication des infrastructures.

235    En deuxième lieu, en tant que les requérantes font valoir que la conclusion de la Commission concernant l’absence de contribution de la mesure en cause au développement régional serait arbitraire et insuffisamment motivée, il ressort des éléments figurant aux points 210 à 233 ci-dessus que la Commission a exposé de façon claire et non équivoque son raisonnement, sans passer sous silence certains faits et éléments de preuve. Partant, le grief tiré de l’insuffisante motivation de la décision attaquée sur ce point doit être écarté comme étant non fondé.

236    En troisième lieu, les requérantes font valoir que la Commission aurait adopté une approche différente dans d’autres affaires, ce qui caractériserait une atteinte au principe d’égalité de traitement.

237    Le principe général d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts du 26 octobre 2006, Koninklijke Coöperatie Cosun, C‑248/04, EU:C:2006:666, point 72 et jurisprudence citée, et du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T‑319/11, EU:T:2014:186, point 110 et jurisprudence citée). De plus, la charge de la preuve du caractère comparable des situations incombe à celui qui l’invoque (voir, en ce sens, arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T‑319/11, EU:T:2014:186, point 114).

238    L’application de ce principe doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Il s’ensuit qu’une partie requérante ne saurait s’appuyer sur une pratique décisionnelle antérieure de la Commission, même à supposer que celle-ci soit établie, qui serait contraire à la correcte interprétation des dispositions du traité (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C‑57/00 P et C‑61/00 P, EU:C:2003:510, points 52 et 53, et du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission, T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418, point 51).

239    En l’espèce, premièrement, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir suivi sa pratique accordant une attention particulière au développement régional, et en particulier à l’amélioration de l’accessibilité de la région, à la création d’emplois et au développement touristique. Elles se réfèrent aux décisions de la Commission du 5 juin 2013 dans l’affaire relative au financement de l’infrastructure de Memmingen [affaire SA. 36377 (13/N)] et du 19 décembre 2012 dans l’affaire relative à la modernisation de l’aéroport de Macédoine [affaire SA. 35220 (12/N)]. Concernant l’aéroport de Memmingen, la commune de Gdynia soutient que la Commission a appliqué un double standard dans l’appréciation de la compatibilité de l’aide, en procédant à un examen très superficiel de la compatibilité des aides accordées à l’aéroport militaire de Memmingen, reconverti en aéroport civil.

240    À cet égard, d’une part, force est de constater que, ainsi que cela ressort des considérants 206 à 217 de la décision attaquée, la Commission a conclu à l’incompatibilité de l’aide non car elle n’a pas suffisamment pris en compte les intérêts liés au développement régional, à la création d’emploi et à l’accessibilité des infrastructures, mais car elle a estimé que ces objectifs ne seraient pas atteints en raison de la proximité de l’aéroport de Gdańsk, lequel était non saturé, facilement accessible et correctement desservi. D’autre part, les requérantes se bornent à citer des décisions adoptées par la Commission sans mettre le Tribunal en mesure d’apprécier si les circonstances particulières de chacune de ces affaires étaient suffisamment similaires pour que soit appliquée une solution identique. En particulier, elles omettent de relever que, ainsi que la Commission le souligne à juste titre, l’aéroport de Memmingen est situé respectivement à 90 kilomètres, à 140 kilomètres et à 145 kilomètres des aéroports de Friedrichshafen, de Stuttgart et de Munich et qu’il contribuait au désengorgement de ces deux derniers aéroports, dont l’extension n’était pas prévue.

241    Deuxièmement, les requérantes invoquent l’exemple de l’aéroport d’Anvers, en tant que petit aéroport régional en situation de concurrence avec d’autres aéroports, qui aurait bénéficié d’aides jugées compatibles avec le marché intérieur par la Commission.

242    Toutefois, les requérantes procèdent par affirmation sans établir en quoi la situation de l’aéroport d’Anvers serait comparable à celle de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo. À cet égard, la Commission dénie toute analogie entre les deux paires d’aéroports de Bruxelles et d’Anvers, d’une part, et de Gdańsk et de Gdynia-Kosakowo, d’autre part, en faisant valoir des raisons concrètes pour lesquelles l’aéroport d’Anvers ne pourrait concurrencer celui de Bruxelles. Les requérantes n’ont produit aucun élément de nature à remettre en cause les arguments de la Commission à cet égard.

243    Il s’ensuit que le grief tiré de l’atteinte au principe d’égalité de traitement doit être écarté comme non fondé.

244    Partant, au vu des motifs exposés ci-dessus, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la Commission aurait illégalement conclu que la mesure en cause, en tant qu’elle ne contribuerait pas au développement de la région, ne répondait pas à un objectif d’intérêt général clairement défini. En outre, les critères définis au paragraphe 61 des lignes directrices de 2005 étant cumulatifs, la Commission n’était pas tenue d’apprécier les autres critères, ainsi qu’elle l’a fait aux considérants 227 à 239 de la décision attaquée, ni la nécessité de la mesure en cause et son effet incitatif. Partant, les arguments présentés à cet égard par les requérantes sont inopérants et doivent être écartés pour ce motif.

245    Il s’ensuit que les requérantes ne sont pas fondées à contester la conclusion de la Commission quant à l’incompatibilité de l’aide à l’investissement avec le marché intérieur, ni celle concernant l’incompatibilité de l’aide au fonctionnement, dès lors que l’incompatibilité de l’aide à l’investissement suffit à la fonder. Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré, en substance, de la violation des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité, de coopération loyale et d’égalité de traitement

246    Les requérantes relèvent que la Commission a appliqué, dans la décision attaquée, tant les lignes directrices de 2005 que celles de 2014. Or, ces dernières opéreraient un changement dans le contrôle des aides accordées, notamment, aux petits aéroports régionaux, lequel serait plus strict. Selon les requérantes, la Commission aurait illégalement « fusionné » sa conception figurant dans les lignes directrices de 2005 avec une nouvelle doctrine, non encore en vigueur lorsqu’elle a adopté la décision 2014/883. Or, l’aide en cause ne pouvait être examinée que sur la base des lignes directrices de 2005, notamment son paragraphe 61, concernant la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur. Les requérantes ajoutent que, en se fondant sur les lignes directrices de 2014, notamment aux fins de distinguer l’aide à l’investissement de l’aide au fonctionnement alors que l’intégralité de l’investissement se rapporterait à une période antérieure à l’adoption de ces lignes directrices, la Commission en aurait fait une application rétroactive illégale. Cette application serait, en outre, sélective dès lors que des duopoles aéroportuaires existeraient dans d’autres régions d’Europe.

247    La Commission conteste ces arguments.

248    D’emblée, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission s’est référée aux lignes directrices de 2005 lorsqu’elle a examiné si la mesure en cause pouvait affecter la concurrence et les échanges entre États membres (considérant 189 de la décision attaquée ; voir également point 176 ci-dessus). S’agissant de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, la Commission a opéré une distinction de la mesure en cause selon qu’elle consistait en une aide à l’investissement ou en une aide au fonctionnement à la lumière des définitions données par les lignes directrices de 2014 (considérants 198 à 202). Elle a appliqué les lignes directrices de 2005 pour l’examen de l’aide à l’investissement et les lignes directrices de 2014 pour l’examen de l’aide au fonctionnement (voir points 210 à 212 ci-dessus). Toutefois, ainsi que cela a été exposé au point 90 ci-dessus, la conclusion de la Commission quant à l’incompatibilité de l’aide au fonctionnement avec le marché intérieur est également fondée sur un motif autonome, inhérent à la logique des dispositions du traité relatives aux aides d’État et, partant, indépendant de l’application des lignes directrices de 2014, à savoir l’incompatibilité de l’aide à l’investissement.

249    Premièrement, il s’ensuit que les griefs tirés de la violation des principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de coopération loyale sont inopérants en tant qu’ils sont fondés sur l’examen de la compatibilité de l’aide au fonctionnement sur la base des lignes directrices de 2014. En effet, à les supposer établis, de tels griefs n’affecteraient pas la légalité de la conclusion de la Commission concernant l’incompatibilité avec le marché intérieur de l’aide au fonctionnement fondée, par ailleurs, sur l’incompatibilité de l’aide à l’investissement.

250    Il en va de même en tant que ces griefs sont fondés sur l’application des lignes directrices de 2014 aux fins de distinguer selon que la mesure en cause constitue une aide à l’investissement ou une aide au fonctionnement. À cet égard, il convient de constater que la Commission a qualifié la partie de la mesure en cause visant à financer les immobilisations ainsi que les coûts afférents d’aide à l’investissement, et la partie de la mesure en cause visant à couvrir les pertes d’exploitation d’aide au fonctionnement après avoir rappelé les définitions de ces deux types d’aides figurant dans les lignes directrices de 2014, qui ne figuraient pas dans celles de 2005. Or, à supposer même que l’issue d’une telle distinction soit susceptible de varier en fonction des lignes directrices applicables, les requérantes n’expliquent pas en quoi l’application des lignes directrices de 2014 à cet égard aurait eu une incidence sur la conclusion de la Commission quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, alors que l’absence d’objectif d’intérêt général clairement défini, en tant que la mesure en cause ne contribuerait pas au développement de la région, était suffisant pour fonder l’incompatibilité de l’aide à l’investissement sur le fondement des lignes directrices de 2005 et que cette incompatibilité suffisait à fonder celle de l’aide au fonctionnement.

251    En tout état de cause, ces griefs ne sont pas fondés.

252    À cet égard, il convient de rappeler que la mesure en cause, y compris l’aide au fonctionnement, n’a pas fait l’objet d’une notification de la part de la République de Pologne avant sa mise en exécution. Or, un État membre n’ayant pas notifié une aide à la Commission ne saurait raisonnablement s’attendre à ce que cette aide soit appréciée au regard des règles applicables au moment de son adoption (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑465/09 P à C‑470/09 P, non publié, EU:C:2011:372, point 127).

253    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, une règle nouvelle s’applique en principe immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne (voir arrêt du 6 juillet 2010, Monsanto Technology, C‑428/08, EU:C:2010:402, point 66 et jurisprudence citée). Le principe de protection de la confiance légitime ne saurait être étendu au point d’empêcher, de façon générale, une règle nouvelle de s’appliquer aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la règle ancienne (voir arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647, point 49 et jurisprudence citée).

254    En revanche, les règles de l’Union du droit matériel doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué (voir arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647, point 50 et jurisprudence citée).

255    En l’espèce, il y a lieu de relever que l’application des lignes directrices de 2014 aux aides au fonctionnement, y compris celles octroyées avant le 4 avril 2014, était expressément prévue par les dispositions transitoires reprises aux paragraphes 170 et 171 desdites lignes directrices. Par ailleurs, l’aide au fonctionnement devait être versée au cours des premières années d’activité de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo, jusqu’en 2019. Il en résulte qu’elle ne pouvait être qualifiée de situation acquise antérieurement à l’entrée en vigueur des lignes directrices de 2014. Il s’agissait ainsi d’une situation née sous l’empire des lignes directrices de 2005 et produisant des effets futurs.

256    Deuxièmement, les requérantes soutiennent que la Commission aurait apprécié l’incidence sur le marché intérieur de la mesure en cause dans le cadre d’une approche fusionnant les conceptions reflétées dans les lignes directrices de 2005 et de 2014, ces dernières impliquant un contrôle plus étroit des petits aéroports régionaux, tel que celui de Gdynia-Kosakowo.

257    À cet égard, il convient de rappeler que la compatibilité de l’aide à l’investissement a été examinée sur la base des critères définis au paragraphe 61 des lignes directrices de 2005. Or, ainsi que cela a été relevé au point 186 ci-dessus, les lignes directrices de 2005 prévoient un examen au cas par cas des aides accordées aux petits aéroports. Il ne saurait donc être exclu, sur la base de ces lignes directrices, qu’une mesure d’aide accordée à un aéroport de catégorie D (petits aéroports régionaux) puisse avoir un effet sur la concurrence ou sur les échanges entre États membres. Partant, la conclusion de la Commission à cet égard ne saurait révéler une application rétroactive, même implicite, des lignes directrices de 2014.

258    Troisièmement, en tant que les requérantes reprochent à la Commission d’avoir procédé à une application sélective des lignes directrices d’un point de vue géographique, elles se bornent à citer des exemples d’aéroports « duopoles » existant en Europe sans établir en quoi ces exemples révéleraient une différence de traitement injustifiée, alors que, en vertu de la jurisprudence mentionnée au point 236 ci-dessus, elles supportent la charge de la preuve du caractère comparable des situations invoquées.

259    Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être écarté comme étant en partie inopérant et en partie non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 4, TUE et du principe de proportionnalité

260    Les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas établi que la création du nouvel aéroport civil était intervenue en méconnaissance manifeste des prévisions économiques. Son immixtion dans les décisions adoptées aux niveaux national et local serait disproportionnée. Selon les requérantes, lorsque la Commission n’est pas en mesure d’établir de manière certaine et évidente que l’État membre outrepasse manifestement sa marge de manœuvre, le principe constitutionnel de proportionnalité (article 5, paragraphe 4, TUE) devrait constituer un contrepoids essentiel à la réglementation excessive du marché intérieur par la Commission et à une ingérence trop intensive dans la gestion des affaires publiques nationales.

261    La Commission soutient que ces arguments ne sont pas fondés.

262    Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêts du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25, et du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55]. Ce principe est rappelé à l’article 5, paragraphe 4, TUE, ainsi qu’à l’article 1er du protocole (no 2) sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au traité UE et au traité FUE. En tant que principe général du droit de l’Union, le principe de proportionnalité est un critère de la légalité de tout acte des institutions de l’Union, y compris des décisions que la Commission adopte en sa qualité d’autorité de la concurrence (voir arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T‑319/11, EU:T:2014:186, point 75 et jurisprudence citée).

263    En l’espèce, il convient, d’emblée, de rappeler que la Commission a été saisie par la République de Pologne qui lui a notifié le projet de reconversion de l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie, en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Au demeurant, il peut être relevé que cette notification, par lettre du 7 septembre 2012, est intervenue après que le président de l’Office de protection de la concurrence et des consommateurs polonais a rendu, le 17 avril 2012, un avis selon lequel le projet de financement par la commune de Gdynia et la commune de Kosakowo constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

264    La procédure menée par la Commission afin d’examiner si la mesure en cause constituait une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et si celle-ci était compatible avec le marché intérieur ne saurait ainsi être regardée comme une immixtion autoritaire de celle-ci dans les décisions adoptées au niveau local.

265    Par ailleurs, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que, dans le cadre de l’application des articles 107 et 108 TFUE, la Commission ne pourrait remettre en cause les appréciations économiques des autorités nationales ou locales que si celles-ci sont manifestement erronées. En effet, il y a lieu de rappeler que la notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité FUE, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Il incombe ainsi à la Commission d’examiner si les conditions d’existence d’une aide d’État, posées par l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sont réunies. Or, il ressort des développements exposés dans le cadre de l’analyse des premiers et deuxième moyens du recours que c’est à juste titre que la Commission a considéré que la mesure en cause constituait une aide d’État non compatible avec le marché intérieur.

266    Dès lors, au vu de ces éléments, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe impossibilium nulla obligatio est et du principe de proportionnalité

267    Les requérantes relèvent que l’adoption de la décision attaquée aura pour conséquence la fin de l’activité de la société PLGK et, partant, la restitution aux autorités nationales des immeubles situés sur le terrain donné en location à la société PLGK, sans possibilité pour cette dernière d’obtenir un remboursement des sommes investies. En conséquence, la commune de Gdynia se trouverait dans l’impossibilité de récupérer le montant de l’aide, augmenté des intérêts, auprès de son destinataire initial, la société PLGK, le bénéfice de l’aide ayant été transféré à l’État. En réalité, l’exécution de la décision attaquée aboutirait à une absurdité économique dans laquelle l’État devrait engager une procédure pour demander le remboursement du montant de l’aide à lui-même. En outre, la restitution des apports en capital effectués par la commune de Gdynia, avant le désintéressement des autres créanciers de la société PLGK, pourrait susciter des controverses. L’obligation de récupération contenue dans la décision attaquée serait dès lors inappropriée.

268    Dans la réplique, en outre, d’une part, la société PLGK indique que l’avantage n’ayant pas été correctement apprécié, l’obligation de récupération serait erronée. D’autre part, elle fait valoir que la Commission aurait dû, à tout le moins, donner des indications permettant de calculer le montant de l’aide à récupérer. Elle soutient, en particulier, que si la Commission considérait que l’aide à récupérer incluait les apports en capital réalisés lors de la première phase (2007-2009), lesquels avaient un caractère de minimis, elle aurait dû le justifier dans la décision attaquée.

269    La Commission soutient que les arguments développés au stade de la réplique par la société PLGK sont nouveaux et, partant, irrecevables et que les autres arguments ne sont pas fondés.

270    Il y a lieu de rappeler que l’État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l’article 288 TFUE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de ladite décision. Il doit parvenir à un recouvrement effectif des sommes dues (voir arrêt du 17 octobre 2013, Commission/Grèce, C‑263/12, non publié, EU:C:2013:673, point 24 et jurisprudence citée).

271    Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que la récupération d’une aide illégale vise au rétablissement de la situation antérieure et que cet objectif est atteint dès que les aides en cause, augmentées le cas échéant des intérêts de retard, ont été restituées par le bénéficiaire ou, en d’autres termes, par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective. Par cette restitution, le bénéficiaire perd, en effet, l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie. Par conséquent, le principal objectif visé par le remboursement d’une aide d’État versée illégalement est d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale (voir arrêt du 1er octobre 2015, Electrabel et Dunamenti Erőmű/Commission, C‑357/14 P, EU:C:2015:642, points 110 et 111 et jurisprudence citée).

272    En l’espèce, tout d’abord, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que les requérantes indiquent dans leurs écritures, c’est à la République de Pologne, destinataire de la décision attaquée, qu’il appartient de procéder à la récupération de l’aide en cause. Dès lors, les arguments selon lesquels la commune de Gdynia serait dans l’impossibilité de récupérer cette aide sont inopérants.

273    Ensuite, il y a lieu de souligner que la société PLGK dispose de la personnalité juridique et peut donc, à ce titre, faire l’objet d’une demande de récupération de l’aide en cause, y compris dans le cadre d’une procédure de liquidation. L’argument avancé par les requérantes selon lequel l’État demanderait la récupération de l’aide à lui-même est donc infondé.

274    Par ailleurs, le fait que, dans le cadre de la procédure de récupération, les infrastructures financées par la mesure en cause reviennent in fine à l’État et que, en conséquence, la société PLGK ne dispose plus de leur jouissance effective s’inscrit dans l’objectif poursuivi par le remboursement qui est d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale. De plus, à supposer que la société PLGK soit dans l’impossibilité matérielle de faire droit à la demande de remboursement et que l’adoption de la décision attaquée conduise, en fait, à la liquidation de cette société, il convient de rappeler que, l’objectif poursuivi par la Commission étant la suppression de l’aide, il est susceptible d’être atteint par la liquidation de l’entreprise concernée (voir arrêt du 2 juillet 2002, Commission/Espagne, C‑499/99, EU:C:2002:408, point 38 et jurisprudence citée).

275    En outre, s’agissant du fait que la restitution des apports en capital effectués par la commune de Gdynia, avant le désintéressement des autres créanciers de la société PLGK, pourrait susciter des controverses, il suffit de rappeler que la crainte de difficultés internes, même insurmontables, ne saurait justifier qu’un État membre ne respecte pas les obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union (voir arrêt du 13 septembre 2017, Commission/Belgique, C‑591/14, EU:C:2017:670, point 44 et jurisprudence citée). Au demeurant, les éléments avancés par la Commission devant le Tribunal tendent à démontrer que la République de Pologne n’a pas fait état de difficultés quant à la procédure de récupération de l’aide en cause. Ces éléments n’ont été contestés à l’instance ni par les requérantes ni par la République de Pologne.

276    S’agissant des arguments développés par la société PLGK concernant le fait que l’aide octroyée au début du projet, c’est-à-dire entre 2007 et 2009, ait eu le caractère d’une aide de minimis, il y a lieu de relever que, compte tenu de l’unicité de la mesure en cause, c’est à juste titre que la Commission a procédé à un examen global de cette mesure, sans mener une analyse distincte de chaque phase du projet. Dès lors, aucun élément ne permet de considérer que la décision attaquée serait entachée d’une erreur à cet égard.

277    Pour ce qui est du fait, avancé par la société PLGK, que la Commission n’ait pas précisé le montant de l’aide à rembourser ou, à tout le moins, qu’elle n’ait pas donné d’indications permettant de calculer le montant de l’aide, il y a lieu de rappeler qu’aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit, à cet égard, que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (voir arrêt du 6 mai 2015, Commission/Allemagne, C‑674/13, non publié, EU:C:2015:302, point 40 et jurisprudence citée). En l’espèce, outre le fait que les autorités polonaises n’ont pas fait état de difficultés à cet égard, la décision attaquée précise que l’aide à récupérer recouvre les apports en capital réalisés entre le 28 août 2007 et le 17 juin 2013 (article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée) et contient un tableau (tableau 3, considérant 57 de la décision attaquée) qui permet de déterminer les montants qui ont été apportés au capital de la société PLGK par chaque associé ainsi que les dates de ces apports sur la période concernée. La décision attaquée contient par ailleurs une évaluation, sur la base des données fournies par les autorités polonaises, des investissements relevant d’une tâche d’intérêt public et qui ne font pas l’objet de la demande de récupération (considérants 107 et 108 de la décision attaquée). Dès lors, l’argument avancé par la société PLGK au stade de la réplique doit être écarté comme étant non fondé, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

278    Enfin, pour ce qui est de l’invocation, d’une façon générale, du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler que la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité, de sorte que la récupération de cette aide, en vue du rétablissement de la situation antérieure, ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 116 et jurisprudence citée). Compte tenu des éléments qui précèdent, rien ne permet de considérer que la demande de récupération de l’aide en cause serait disproportionnée.

279    Au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

280    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

281    En application de l’article 219 du règlement de procédure, le Tribunal statue, dans les décisions rendues après annulation et renvoi, sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant le Tribunal et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour.

282    Dans la mesure où, dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a annulé l’arrêt initial et réservé les dépens, il appartient au Tribunal de statuer, dans le présent arrêt, sur l’ensemble des dépens afférents aux procédures engagées devant lui ainsi que sur les dépens afférents à la procédure de pourvoi dans l’affaire C‑56/18 P.

283    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé dans l’affaire T‑263/15 RENV, il y a lieu de les condamner aux dépens, y compris ceux exposés dans la procédure initiale devant le Tribunal et dans la procédure devant la Cour, conformément aux conclusions de la Commission.

284    En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la République de Pologne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo sp. z o.o. supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne devant la Cour dans le cadre de l’affaire C56/18 P et devant le Tribunal dans le cadre des affaires T263/15 et T263/15 RENV.

3)      La République de Pologne supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 décembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.

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