Rechtsanwaltskammer Wien (Judgment) French Text [2022] EUECJ C-58/21 (15 September 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C5821.html
Cite as: EU:C:2022:691, ECLI:EU:C:2022:691, [2022] EUECJ C-58/21

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ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

15 septembre 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Coordination des systèmes de sécurité sociale – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 13 – Détermination de la législation applicable – Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes – Annexe II – Article 1er, paragraphe 2 – Personne exerçant la profession d’avocat dont le centre d’intérêt des activités privées et professionnelles est situé en Suisse et qui exerce également cette profession dans deux autres États membres – Demande d’octroi d’une pension de retraite anticipée – Réglementation nationale imposant la renonciation, par l’intéressé, à l’exercice de ladite profession sur le territoire de l’État membre concerné et à l’étranger »

Dans l’affaire C‑58/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne, Autriche), par décision du 21 janvier 2021, parvenue à la Cour le 1er février 2021, dans la procédure

FK

en présence de :

Rechtsanwaltskammer Wien,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. J. Passer, président de chambre, M. F. Biltgen (rapporteur) et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour FK, par Me W. Polster, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch et Mme E. Samoilova, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann et D. Martin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant FK à la Rechtsanwaltskammer Wien (ordre des avocats du barreau de Vienne, Autriche) au sujet du rejet de la demande d’octroi d’une pension de retraite anticipée introduite par celui-ci.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement no 883/2004

3        L’article 1er du règlement no 883/2004, intitulé « Définitions », est libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement :

[...]

x)      le terme “prestation de préretraiteˮ désigne : toutes les prestations en espèces, autres qu’une prestation de chômage ou une prestation anticipée de vieillesse, servies à partir d’un âge déterminé au travailleur qui a réduit, cessé ou suspendu ses activités professionnelles jusqu’à l’âge auquel il peut être admis à la pension de vieillesse ou à la pension de retraite anticipée et dont le bénéfice n’est pas subordonné à la condition de se mettre à la disposition des services de l’emploi de l’État compétent. Le terme “prestation anticipée de vieillesse” désigne une prestation servie avant que l’intéressé ait atteint l’âge normal pour accéder au droit à la pension et qui, soit continue à être servie une fois que cet âge est atteint, soit est remplacée par une autre prestation de vieillesse ;

[...] »

4        Aux termes de l’article 3 de ce règlement, intitulé « Champ d’application matériel » :

« 1.      Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :

[...]

d)      les prestations de vieillesse ;

[...]

i)      les prestations de préretraite ;

[...] »

5        L’article 11, paragraphe 1 et paragraphe 3, sous a), dudit règlement énonce :

« 1.      Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre.

[...]

3.      Sous réserve des articles 12 à 16 :

a)      la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre. »

6        L’article 13, paragraphe 2, du même règlement dispose :

« La personne qui exerce normalement une activité non salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise :

a)      à la législation de l’État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre,

ou

b)      à la législation de l’État membre dans lequel se situe le centre d’intérêt de ses activités, si la personne ne réside pas dans l’un des États membres où elle exerce une partie substantielle de son activité. »

7        Conformément à l’article 14, paragraphes 1 à 3, du règlement no 883/2004 :

« 1.      Les articles 11 à 13 ne sont pas applicables en matière d’assurance volontaire ou facultative continuée, sauf si, pour l’une des branches visées à l’article 3, paragraphe 1, il n’existe dans un État membre qu’un régime d’assurance volontaire.

2.      Quand, en vertu de la législation d’un État membre, l’intéressé est soumis à l’assurance obligatoire dans cet État membre, il ne peut pas être soumis dans un autre État membre à un régime d’assurance volontaire ou facultative continuée. Dans tous les autres cas, où s’offre pour une branche donnée le choix entre plusieurs régimes d’assurance volontaire ou facultative continuée, la personne concernée n’est admise qu’au régime qu’elle a choisi.

3.      Toutefois, en matière de prestations d’invalidité, de vieillesse et de survivant, l’intéressé peut être admis à l’assurance volontaire ou facultative continuée d’un État membre, même s’il est obligatoirement soumis à la législation d’un autre État membre, dès lors qu’à un moment donné de sa vie active, il a été soumis à la législation du premier État membre pour y avoir exercé une activité salariée ou non salariée et dans la mesure où ce cumul est admis explicitement ou implicitement en vertu de la législation du premier État membre. »

8        Aux termes de l’article 90, paragraphe 1, de ce règlement :

« 1.      Le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil[, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1),] est abrogé à partir de la date d’application du présent règlement.

Toutefois, le règlement (CEE) no 1408/71 reste en vigueur et ses effets juridiques sont préservés aux fins :

[...]

c)      de l’accord sur l’Espace économique européen [(EEE), du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3)], de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes [...] et d’autres accords contenant une référence au règlement (CEE) no 1408/71, aussi longtemps que lesdits accords ne sont pas modifiés en fonction du présent règlement. »

 Le règlement (CE) no 987/2009

9        L’article 14 du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO 2009, L 284, p. 1), intitulé « Précisions relatives aux articles 12 et 13 du règlement [no 883/2004] », prévoit, à ses paragraphes 6, 8 et 9 :

« 6.      Aux fins de l’application de l’article 13, paragraphe 2, du règlement [no 883/2004], une personne qui “exerce normalement une activité non salariée dans deux ou plusieurs États membres” désigne en particulier une personne qui exerce, simultanément ou en alternance, une ou plusieurs activités non salariées différentes, quelle qu’en soit la nature, dans deux États membres ou plus.

[...]

8.      Aux fins de l’application de l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement [no 883/2004], une “partie substantielle d’une activité salariée ou non salariée” exercée dans un État membre signifie qu’une part quantitativement importante de l’ensemble des activités du travailleur salarié ou non salarié y est exercée, sans qu’il s’agisse nécessairement de la majeure partie de ces activités.

Pour déterminer si une partie substantielle des activités est exercée dans un État membre, il est tenu compte des critères indicatifs qui suivent :

a)      dans le cas d’une activité salariée, le temps de travail et/ou la rémunération ; et

b)      dans le cas d’une activité non salariée, le chiffre d’affaires, le temps de travail, le nombre de services prestés et/ou le revenu.

Dans le cadre d’une évaluation globale, la réunion de moins de 25 % des critères précités indiquera qu’une partie substantielle des activités n’est pas exercée dans l’État membre concerné.

9.      Aux fins de l’application de l’article 13, paragraphe 2, [sous] b), du règlement [no 883/2004], le “centre d’intérêt” des activités d’un travailleur non salarié est déterminé en prenant en compte l’ensemble des éléments qui composent ses activités professionnelles, notamment le lieu où se trouve le siège fixe et permanent des activités de l’intéressé, le caractère habituel ou la durée des activités exercées, le nombre de services prestés, ainsi que la volonté de l’intéressé telle qu’elle ressort de toutes les circonstances. »

 L’accord CE-Suisse

10      L’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (JO 2002, L 114, p. 6), signé à Luxembourg le 21 juin 1999 et approuvé au nom de la Communauté par la décision 2002/309/CE, Euratom du Conseil et de la Commission concernant l’accord de coopération scientifique et technologique, du 4 avril 2002, relative à la conclusion de sept accords avec la Confédération suisse (JO 2002, L 114, p. 1, ci-après l’« accord CE-Suisse »), dispose, à son article 8 :

« Les parties contractantes règlent, conformément à l’annexe II, la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le but d’assurer notamment :

a)      l’égalité de traitement ;

b)      la détermination de la législation applicable ;

c)      la totalisation, pour l’ouverture et le maintien du droit aux prestations, ainsi que pour le calcul de celles-ci, de toutes périodes prises en considération par les différentes législations nationales ;

d)      le paiement des prestations aux personnes résidant sur le territoire des parties contractantes ;

e)      l’entraide et la coopération administratives entre les autorités et les institutions. »

11      L’annexe II de l’accord CE-Suisse, relative à la coordination des systèmes de sécurité sociale, prévoit, à son article 1er :

« 1.      Les Parties contractantes conviennent d’appliquer entre elles, dans le domaine de la coordination des systèmes de sécurité sociale, les actes communautaires auxquels il est fait référence tels qu’en vigueur à la date de la signature de l’accord et tels que modifiés par la section A de la présente annexe ou des règles équivalentes à ceux-ci.

2.      Le terme “État(s) membre(s)” figurant dans les actes auxquels il est fait référence à la section A de la présente annexe est considéré renvoyer, en plus des États couverts par les actes communautaires en question, à la [Confédération suisse]. »

12      La section A de cette annexe II faisait notamment référence au règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97 (ci-après le « règlement no 1408/71 »), ainsi qu’au règlement (CEE) no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement no 1408/71 (JO 1972, L 74, p. 1).

13      Ladite annexe II a été mise à jour par la décision no 1/2012 du comité mixte institué par l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, du 31 mars 2012, remplaçant l’annexe II dudit accord sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2012, L 103, p. 51), entrée en vigueur le 1er avril 2012. La même annexe fait désormais référence aux règlements nos 883/2004 et 987/2009.

14      Par ailleurs, ce n’est qu’à compter du 1er janvier 2005, conformément à l’article 3 du règlement (CE) no 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, modifiant le règlement no 1408/71 et le règlement no 574/72 (JO 2005, L 117, p. 1), que le champ d’application du règlement no 1408/71, qui a été remplacé par le règlement no 883/2004, porte également sur les « régimes de pension des organismes d’assurance pension des associations des professions libérales », lesquels comprennent la pension de retraite versée à la suite de l’exercice de la profession d’avocat, telle que celle en cause au principal.

 Le droit autrichien

15      Les dispositions régissant l’inscription au tableau de l’ordre des avocats d’un barreau en Autriche et l’obtention de la pension de retraite correspondante figurent aux articles 49 et 50 de la Rechtsanwaltsordnung (règlement relatif à l’exercice de la profession d’avocat), du 15 juillet 1868 (RGBl., 96/1868), dans sa version du 23 décembre 2020 (BGBl. I, 156/2020) (ci-après la « RAO »).

16      L’article 49, paragraphe 2, de la RAO énonce :

« Sont en principe assujetties à l’obligation de cotiser toutes les personnes inscrites au tableau de l’ordre des avocats d’un barreau autrichien ou sur la liste des avocats ressortissants d’un État membre de l’Union européenne tenue par l’ordre des avocats d’un barreau autrichien, ainsi que les avocats stagiaires inscrits au tableau de l’ordre des avocats d’un barreau autrichien, sauf si ceux-ci relèvent déjà, au titre de leur exercice de la profession d’avocat, d’une affiliation obligatoire, en vertu d’une autre législation, à un régime d’assurance vieillesse d’un État membre de l’Union, d’un autre État partie à l’accord sur l’[EEE] ou de la Confédération suisse. Deux ou plusieurs barreaux peuvent également créer un organisme de prévoyance commun. »

17      L’article 50, paragraphe 1, de la RAO prévoit, en substance, que toute personne exerçant la profession d’avocat a le droit à l’octroi d’une pension de retraite, d’une pension d’invalidité ou d’une pension de survie dès lors que les conditions requises à cet effet sont satisfaites et que l’événement ouvrant droit à la prestation concernée survient.

18      En vertu de l’article 50, paragraphe 2, de la RAO, ce droit doit être défini dans le statut des organismes de prévoyance selon des règles fixes. L’article 50, paragraphe 2, point 2, sous c), aa), de la RAO précise que, afin d’obtenir une pension de retraite anticipée, l’intéressé doit renoncer à l’exercice de la profession d’avocat sur le territoire national et à l’étranger.

19      L’article 26 de la Verordnung der Vertreterversammlung des österreichischen Rechtsanwaltskammertages über die Versorgungseinrichtungen Teil A der österreichischen Rechtsanwaltskammern (Satzung Teil A 2018) (statut de 2018 de l’assemblée des représentants du congrès des barreaux autrichiens relatif aux organismes de prévoyance « partie A » de ces barreaux, ci-après le « statut de 2018 relatif à la partie A ») énonce également, à son paragraphe 1, point 8, comme condition d’obtention d’une pension de retraite anticipée, la renonciation, par l’intéressé, à l’exercice de la profession d’avocat, « en quelque endroit que ce soit ».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      FK, né en 1954, est à la fois ressortissant polonais et ressortissant allemand. Il est inscrit, depuis le 8 mars 1984, au tableau de l’ordre des avocats du barreau de Cologne (Allemagne). Il y exerce une activité professionnelle non seulement en tant que Rechtsanwalt, mais également en tant qu’interprète et traducteur assermenté dans la langue polonaise. Dès le début de l’exercice de la profession d’avocat, il a cotisé au régime de retraite du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Allemagne).

21      En 1996, FK a été inscrit au tableau de l’ordre des avocats du barreau de Vienne en Autriche et y a exercé la profession d’avocat, en complément de l’exercice de son activité en Allemagne. Depuis son inscription à ce tableau, FK a cotisé au régime de prévoyance autrichien.

22      Le centre d’intérêt des activités de FK est resté situé à Cologne jusqu’en 2007, année à partir de laquelle celui-ci a transféré le lieu de son domicile et le centre d’intérêt de ses activités en Suisse, où il exerce désormais la profession d’avocat, inscrit sur la liste des avocats ressortissants d’un État membre de l’Union ou de l’AELE, en vertu de son inscription au tableau de l’ordre des avocats du barreau de Cologne.

23      Depuis lors, le temps consacré par FK à l’exercice de la profession d’avocat en Allemagne a progressivement diminué au profit de celui consacré à l’exercice de cette profession en Suisse, à savoir, dernièrement, FK a ainsi consacré 70 % de son temps de travail à l’exercice de ladite profession au sein de son cabinet suisse, contre 25 % au sein de son cabinet allemand et 5 % au sein de son cabinet autrichien. Au demeurant, le temps de travail passé par FK au sein de son cabinet autrichien n’a jamais excédé 10 % de son temps de travail global dans l’exercice de la même profession.

24      FK perçoit depuis l’année 2018 une pension de retraite anticipée en Allemagne, tout en continuant d’y exercer la profession d’avocat.

25      FK cotise également au régime général de retraite en Suisse.

26      Le 16 octobre 2017, FK a introduit auprès de l’ordre des avocats du barreau de Vienne une demande d’octroi d’une pension de retraite anticipée à compter du 1er novembre 2017, par laquelle il a indiqué renoncer à l’exercice de la profession d’avocat en Autriche, tout en maintenant son inscription au tableau de l’ordre des avocats du barreau de Cologne et sur la liste des avocats ressortissants d’un État membre de l’Union ou de l’AELE, en Suisse.

27      Par la décision de la commission de l’ordre des avocats du barreau de Vienne, du 29 mai 2018, cette demande a été rejetée sur le fondement des dispositions combinées des articles 26 et 29 du statut de 2018 relatif à la partie A, en vertu desquelles l’octroi d’une pension de retraite présuppose une renonciation, par l’intéressé, à l’exercice de la profession d’avocat « en quelque endroit que ce soit ».

28      Le 3 août 2018, FK a introduit un recours contre cette décision devant le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne, Autriche), qui est la juridiction de renvoi, laquelle a confirmé ladite décision.

29      FK a introduit un recours en Revision extraordinaire contre la décision du Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne) devant le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche). Cette dernière a annulé cette décision au motif, en substance, que le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne) avait omis d’établir les faits relevant du droit de l’Union, alors même que FK avait fait valoir que le droit de l’Union s’opposait à une réglementation nationale subordonnant le bénéfice d’une pension de retraite à la renonciation, par l’intéressé, à l’exercice de la profession d’avocat sur le territoire national et à l’étranger.

30      Saisie du litige au principal, la juridiction de renvoi observe que, jusqu’au 1er janvier 2005, en Allemagne comme en Autriche, les régimes spéciaux des travailleurs indépendants, y compris ceux exerçant la profession d’avocat, étaient exclus du champ d’application du règlement no 1408/71 en vertu de l’annexe II de celui-ci. Ce n’est qu’à compter de cette date que ces travailleurs se sont vu appliquer ce règlement, à la suite d’une modification dudit règlement, en vertu de laquelle il n’y avait aucune ouverture de droits pour toute période antérieure, même si les périodes d’activité accomplies antérieurement étaient prises en compte.

31      Cette juridiction estime qu’il convient d’appliquer l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 883/2004 pour déterminer la législation applicable à une personne qui exerce, à l’instar de FK, une activité non salariée dans deux ou trois États membres.

32      Ladite juridiction s’interroge sur l’interprétation à donner à cette disposition dans le cas de figure où le centre d’intérêt des activités de la personne concernée et le lieu de résidence de cette dernière ne sont pas situés dans un État membre, dans la mesure où, selon une interprétation littérale de ladite disposition, aucune législation d’un État membre n’est applicable dans une telle hypothèse.

33      Dans l’hypothèse où la législation autrichienne serait applicable, la même juridiction se demande en outre si la RAO est conforme au droit de l’Union, en particulier aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, au droit de propriété et à la libre circulation des personnes, voire à la liberté d’établissement, et, dans la négative, s’il y a lieu de laisser inappliqué l’article 50, paragraphe 2, point 2, sous c), aa), de la RAO en vertu du principe de primauté du droit de l’Union.

34      Soulignant qu’il existe indéniablement dans le litige au principal une situation transfrontalière relevant du droit de l’Union, en ce que FK est établi dans deux États membres et qu’une disposition autrichienne affecte la situation juridique de l’intéressé en Allemagne, la juridiction de renvoi rappelle que, en vertu de l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le droit de propriété, et dès lors également les intérêts patrimoniaux liés à des prestations sociales prévues par la loi, telles que les pensions de retraite, est inviolable et que des restrictions à un tel droit fondamental doivent être justifiées par des objectifs d’intérêt général, être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et être proportionnées. À cet égard, la juridiction de renvoi nourrit des doutes sur la question de savoir si les intérêts en présence justifient de subordonner le bénéfice d’une pension de retraite à la renonciation, par l’intéressé, à l’exercice de la profession d’avocat sur le territoire autrichien comme à l’étranger. En effet, la réglementation en cause au principal serait susceptible de constituer une entrave à la liberté d’établissement, laquelle est garantie par les dispositions combinées de l’article 15, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux et de l’article 49 TFUE.

35      Par ailleurs, la juridiction de renvoi attire l’attention sur le fait que le droit de l’Union permet par nature de continuer à exercer une activité dans des États membres tout en percevant une pension de retraite dans un autre État membre, dans la mesure, notamment, où, dans le cadre de la coordination des systèmes de sécurité sociale, la question de la différence des âges de départ à la retraite selon les États membres serait expressément abordée.

36      Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Comment convient-il d’interpréter l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement no 883/2004, lorsque, d’un point de vue quantitatif, le centre d’intérêt des activités d’une personne se situe dans un pays tiers dans lequel la personne concernée réside également et que cette personne exerce en outre une activité dans deux États membres ([en] Allemagne et [en] Autriche), activité qui est répartie entre les territoires de ces deux États membres de telle sorte que la part d’activité nettement prépondérante a lieu sur l’un d’entre eux (en l’occurrence, le territoire allemand) ?

Dans l’hypothèse où l’applicabilité de la législation autrichienne résulterait de l’interprétation de cette disposition, la seconde question est posée :

2)      Les dispositions de l’article 50, paragraphe 2, point 2, sous c), aa), [de la RAO] et les dispositions de l’article 26, paragraphe 1, point 8, du statut de 2018 relatif à la partie A, qui sont fondées sur celles-ci, sont-elles conformes au droit de l’Union ou, au contraire, méconnaissent-elles ce droit ainsi que les droits garantis par celui-ci en ce qu’elles subordonnent l’octroi d’une pension de retraite à la renonciation, par l’intéressé, à l’exercice de la profession d’avocat sur le territoire national et à l’étranger [article 50, paragraphe 2, point 2, sous c), aa)] ou en quelque endroit que ce soit (article 26, paragraphe 1, point 8, du statut de 2018 relatif à la partie A) ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Observations liminaires

37      S’agissant de la formulation de la première question, il y a lieu de relever, ainsi qu’il ressort des points 11 à 13 du présent arrêt, que, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe II de l’accord CE-Suisse, le terme « État(s) membre(s) », figurant dans les actes auxquels il est fait référence à la section A de cette annexe, est considéré comme renvoyant, outre aux États membres de l’Union couverts par ces actes, à la Confédération suisse.

38      En mentionnant expressément, à la section A de son annexe II, dans les différentes versions de celle-ci, les règlements nos 1408/71 et 883/2004, l’accord CE-Suisse étend dès lors le champ d’application de ces règlements à la Confédération suisse, de telle sorte que, contrairement à ce qui est sous-entendu par la juridiction de renvoi dans la première question, il y a lieu de considérer la Confédération suisse non pas comme étant un État tiers, mais comme étant un État membre pour les besoins de la présente affaire.

 Sur la première question préjudicielle

39      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, quelle est la législation applicable en vertu de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement no 883/2004, lorsque le lieu de sa résidence et le centre d’intérêts des activités de la personne concernée sont situés en Suisse et que cette personne exerce également une activité, répartie de façon inégale, dans deux autres États membres, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe II de l’accord CE-Suisse, à savoir en Allemagne et en Autriche.

40      Il importe de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée par l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises et, dans ce contexte, d’interpréter toutes les dispositions du droit de l’Union dont les juridictions nationales ont besoin pour statuer sur les litiges qui leur sont soumis, même si ces dispositions ne sont pas indiquées expressément dans les questions qui lui sont adressées par ces juridictions (voir, notamment, arrêts du 19 octobre 2017, Otero Ramos, C‑531/15, EU:C:2017:789, point 39 et jurisprudence citée, ainsi que du 19 septembre 2018, González Castro, C‑41/17, EU:C:2018:736, point 54).

41      En conséquence, si la juridiction de renvoi a limité formellement sa première question à une demande d’interprétation de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement no 883/2004, alors même qu’en raison de la précision apportée au point 38 du présent arrêt, selon laquelle la Confédération suisse doit être considérée comme un « État membre », la question préjudicielle aurait dû porter sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, il appartient à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par cette juridiction, et notamment de la motivation de la demande de décision préjudicielle, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige au principal (voir, notamment, arrêts du 19 octobre 2017, Otero Ramos, C‑531/15, EU:C:2017:789, point 40 et jurisprudence citée, ainsi que du 19 septembre 2018, González Castro, C‑41/17, EU:C:2018:736, point 55).

42      En l’occurrence, les éléments fournis dans la demande de décision préjudicielle font apparaître qu’il y a lieu pour la Cour, afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, d’interpréter d’autres dispositions du droit de l’Union.

43      Il découle de la jurisprudence que les dispositions du règlement no 883/2004, ainsi que celles du règlement no 1408/71, ont mis en place un système de coordination portant notamment sur la détermination de la ou des législations applicables aux travailleurs salariés et non salariés qui font usage, dans différentes circonstances, de leur droit à la libre circulation (voir, en ce sens, arrêts du 3 avril 2008, Derouin, C‑103/06, EU:C:2008:185, point 20 ; du 26 octobre 2016, Hoogstad, C‑269/15, EU:C:2016:802, point 33, ainsi que du 16 juillet 2020, AFMB e.a., C‑610/18, EU:C:2020:565, point 40).

44      En application des règles prévues dans ce système de coordination, les personnes concernées ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre, de manière à éviter les complications qui peuvent résulter de l’application simultanée de plusieurs législations nationales et à supprimer les inégalités de traitement qui, pour les personnes se déplaçant à l’intérieur de l’Union, seraient la conséquence d’un cumul partiel ou total des législations applicables (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2015, de Ruyter, C‑623/13, EU:C:2015:123, points 36 et 37 ; du 26 octobre 2016, Hoogstad, C‑269/15, EU:C:2016:802, points 35 et 36, ainsi que du 16 juillet 2020, AFMB e.a., C‑610/18, EU:C:2020:565, point 40).

45      Ce principe de l’unicité de la législation applicable trouve son expression, en particulier, à l’article 13 du règlement no 883/2004 qui détermine la législation applicable à une personne qui exerce des activités dans deux ou plusieurs États membres et qui dispose, à son paragraphe 2, qu’une personne qui exerce normalement une activité non salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise soit à la législation de l’État membre du lieu de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre [article 13, paragraphe 2, sous a), de ce règlement], soit à la législation de l’État membre dans lequel se situe le centre d’intérêt de ses activités, si cette personne ne réside pas dans l’un des États membres où elle exerce une partie substantielle de ces activités [article 13, paragraphe 2, sous b), dudit règlement].

46      L’article 14, paragraphe 8, du règlement no 987/2009 précise que, aux fins de l’application de l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 883/2004, une « partie substantielle » d’une activité salariée ou non salariée exercée dans un État membre signifie qu’une part quantitativement importante de l’ensemble des activités du travailleur salarié ou non salarié concerné y est exercée, sans qu’il s’agisse nécessairement de la majeure partie de ces activités. Pour déterminer si une partie substantielle d’une activité est exercée dans un État membre, il est tenu compte, dans le cas de figure d’une activité salariée, du temps de travail et/ou de la rémunération. La réunion de moins de 25 % de ces critères indiquera qu’une partie substantielle de cette activité n’est pas exercée dans l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2022, Ryanair, C‑33/21, EU:C:2022:402, point 63).

47      Étant donné que FK a résidé en Allemagne, où était également situé le centre d’intérêt de ses activités avant qu’il n’ait déplacé le lieu de sa résidence en Suisse, où se trouve actuellement le centre d’intérêt de ses activités, il y a lieu de considérer que celui-ci relève, conformément à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, soit de l’application de la législation allemande, soit de celle de la législation suisse.

48      En l’occurrence, dans la mesure où la juridiction de renvoi relève que le temps de travail consacré par FK au sein de son cabinet autrichien n’a jamais excédé 10 % de son temps de travail global dans l’exercice de la profession d’avocat, il y a lieu de considérer que, selon les règles de conflit mises en place par le règlement no 883/2004, la législation autrichienne n’a pas vocation à s’appliquer.

49      Or, si le système complet et uniforme des règles de conflit mis en place par le règlement no 883/2004 a pour effet de soustraire, en principe, au législateur de chaque État membre le pouvoir de déterminer à sa guise l’étendue et les conditions d’application de sa législation nationale quant aux personnes qui y sont soumises et quant au territoire à l’intérieur duquel les dispositions nationales produisent leurs effets (voir, notamment, arrêts du 26 février 2015, de Ruyter, C‑623/13, EU:C:2015:123, points 34 et 35, ainsi que du 19 septembre 2019, van den Berg e.a., C‑95/18 et C‑96/18, EU:C:2019:767, point 50), le principe d’unicité de la législation applicable ne saurait toutefois priver un État membre qui n’est pas compétent en vertu des dispositions du titre II du règlement no 883/2004 de la faculté d’octroyer, sous certaines conditions, des prestations familiales ou une pension de vieillesse à un travailleur migrant en application de son droit national, même si, en application de l’article 13 de ce règlement, celui-ci est soumis à la législation d’un autre État membre (voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 2015, Franzen e.a., C‑382/13, EU:C:2015:261, points 58 à 61, ainsi que du 19 septembre 2019, van den Berg e.a., C‑95/18 et C‑96/18, EU:C:2019:767, point 53).

50      En effet, les règles de conflit édictées par le règlement no 883/2004 ont pour seul objet de déterminer la législation applicable aux personnes qui se trouvent dans l’une des situations visées par les dispositions fixant ces règles (voir, en ce sens, arrêts du 26 octobre 2016, Hoogstad, C‑269/15, EU:C:2016:802, point 37, et du 1er février 2017, Tolley, C‑430/15, EU:C:2017:74, point 60). En tant que telles, elles n’ont pas pour objet de déterminer les conditions de l’existence du droit ou de l’obligation de s’affilier à un régime de sécurité sociale déterminé (voir, en ce sens, arrêts du 11 juin 1998, Kuusijärvi, C‑275/96, EU:C:1998:279, point 29 et jurisprudence citée, ainsi que du 21 février 2013, Dumont de Chassart, C‑619/11, EU:C:2013:92, point 39).

51      Par conséquent, le règlement no 883/2004 laisse subsister des régimes distincts engendrant des créances distinctes à l’égard d’institutions distinctes contre lesquelles le bénéficiaire concerné possède des droits directs en vertu soit du seul droit interne, soit du droit interne complété si nécessaire par le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 2013, Dumont de Chassart, C‑619/11, EU:C:2013:92, point 40 et jurisprudence citée, ainsi que du 1er février 2017, Tolley, C‑430/15, EU:C:2017:74, point 57).

52      Ainsi, les règles de conflit édictées par le règlement no 883/2004 ne sont pas appelées à régir la question de savoir si un travailleur a droit à une prestation qu’il a pu acquérir au titre de cotisations versées au cours d’une période donnée à un régime de sécurité sociale d’un État membre déterminé.

53      En l’occurrence, d’une part, il importe de souligner que la juridiction de renvoi précise que les cotisations versées par le requérant au principal aux régimes spéciaux applicables aux personnes exerçant la profession d’avocat en Autriche avaient été exclues du champ d’application du règlement no 1408/71, remplacé par le règlement no 883/2004, et qu’elles ne relevaient du champ d’application de ces règlements que depuis le 1er janvier 2005. D’autre part, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que le requérant au principal fasse valoir l’application de règles de totalisation ou de prise en compte de périodes effectuées dans d’autres États membres en vue de l’octroi de la pension de retraite anticipée sollicitée, qui est fondé sur l’application du seul droit autrichien.

54      Il s’ensuit que le litige au principal soulève non pas la question de la détermination de la législation applicable conformément aux règles de conflit prévues aux articles 11 à 13 du règlement no 883/2004, mais uniquement celle de l’application à l’intéressé du régime prévu par la législation de l’État membre concerné auquel il a cotisé.

55      Cette conclusion est par ailleurs confortée par l’argumentation invoquée par FK et consistant à qualifier le régime spécial applicable aux personnes exerçant la profession d’avocat de « régime d’assurance volontaire ou facultative continuée ».

56      En effet, sous réserve de la vérification qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer s’agissant de la qualification de ce régime spécial de « régime d’assurance volontaire ou facultative continuée », à tout le moins pour ce qui est des cotisations versées depuis le 1er janvier 2005, un tel régime d’assurance est, conformément aux dispositions combinées de l’article 14, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 883/2004, expressément exclu du champ d’application du mécanisme de détermination de la législation applicable instauré dans ce règlement. Ainsi, FK peut être admis à bénéficier de cette assurance facultative continuée en Autriche, alors même qu’il est obligatoirement soumis à la législation d’un autre État membre, en l’occurrence, la législation suisse, dès lors qu’il a commencé à cotiser au régime spécial de couverture des personnes exerçant la profession d’avocat en Autriche alors que celui-ci n’était pas couvert par le champ d’application du règlement no 1408/71, remplacé par le règlement no 883/2004, et qu’il a continué d’y cotiser par la suite.

57      Dans une telle hypothèse, l’intéressé doit disposer de la faculté de décider de continuer ou de lever l’affiliation à un régime d’assurance obligatoire pour certaines périodes, dans la mesure où ce choix produit des effets sur l’étendue de la future prestation de sécurité sociale (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2015, Bouman, C‑114/13, EU:C:2015:81, point 58).

58      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que les règles de conflit prévues à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 883/2004 ne sont pas applicables à la situation d’une personne qui réside dans l’État membre où se situe également le centre d’intérêt de ses activités, tout en exerçant une activité, répartie de façon inégale, dans deux autres États membres, lorsqu’il s’agit de déterminer si cette personne dispose de droits directs à l’égard des institutions d’un de ces deux autres États membres au titre de cotisations versées au cours d’une période donnée.

 Sur la seconde question préjudicielle

59      Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui subordonne l’octroi d’une pension de préretraite sollicitée à la renonciation, par l’intéressé, à l’exercice de la profession d’avocat non seulement sur le territoire de l’État membre concerné, mais également à l’étranger.

60      À cet égard, il importe de constater que la situation d’une personne exerçant la profession d’avocat, ressortissant d’un État membre, qui se déplace dans un autre État membre afin d’y exercer une activité dans le cadre de la profession réglementée concernée, est susceptible de relever soit de l’article 49 TFUE, relatif à la liberté d’établissement, s’il est normalement rémunéré par le client, soit de l’article 45 TFUE, relatif à la libre circulation des travailleurs, dans l’hypothèse où sa rémunération prend la forme d’un salaire (voir, en ce sens, arrêts du 30 novembre 1995, Gebhard, C‑55/94, EU:C:1995:411, points 22 à 25, et du 17 décembre 2020, Onofrei, C‑218/19, EU:C:2020:1034, point 23).

61      S’agissant de la question de savoir si la réglementation autrichienne en cause au principal constitue une restriction à la liberté d’établissement ou à la libre circulation des travailleurs, il y a lieu de rappeler que le règlement no 883/2004 n’instaure pas un régime commun de sécurité sociale, mais laisse subsister des régimes nationaux distincts. Les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale et, en l’absence d’une harmonisation au niveau de l’Union, il appartient à chaque État membre de déterminer dans sa législation, notamment, les conditions qui donnent droit à des prestations sociales. Dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent néanmoins respecter le droit de l’Union et, en particulier, les dispositions du traité FUE relatives à la liberté reconnue à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres (voir, notamment, arrêts du 21 février 2013, Salgado González, C‑282/11, EU:C:2013:86, points 35 à 37 ; du 5 novembre 2014, Somova, C‑103/13, EU:C:2014:2334, points 33 à 35, et du 21 octobre 2021, Zakład Ubezpieczeń Społecznych I Oddział w Warszawie, C‑866/19, EU:C:2021:865, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

62      En outre, l’ensemble des dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des personnes et à la liberté d’établissement visent à faciliter, pour les ressortissants de l’Union, l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur le territoire de l’Union et s’opposent aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants, lorsqu’ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d’un autre État membre (voir, en ce sens, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, point 94, et du 5 novembre 2014, Somova, C‑103/13, EU:C:2014:2334, point 36).

63      En conséquence, ces dispositions s’opposent à toute mesure nationale qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, des libertés fondamentales garanties par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêts du 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon, C‑212/06, EU:C:2008:178, point 45, et du 5 novembre 2014, Somova, C‑103/13, EU:C:2014:2334, point 38).

64      En l’occurrence, force est de constater que la réglementation en cause au principal est susceptible de s’appliquer indistinctement à toutes les personnes exerçant la profession d’avocat et ne constitue dès lors pas une discrimination en fonction de la nationalité.

65      Toutefois, il convient de relever qu’une condition telle que celle prévue dans la législation autrichienne, qui exige la renonciation, par l’intéressé, à l’exercice de la profession d’avocat sur le territoire national comme à l’étranger afin de pouvoir bénéficier de l’octroi d’une pension de préretraite, est de nature à dissuader les personnes ayant droit à une telle pension de faire usage de leur liberté d’établissement ou de leur liberté de circulation.

66      En outre, si une telle renonciation est susceptible d’être acceptée par une personne ayant exercée toute son activité professionnelle en Autriche, elle peut s’avérer plus difficile à accepter pour une personne ayant fait usage de la liberté d’établissement, voire de la libre circulation, et qui se voit notamment contrainte de continuer à exercer son activité professionnelle dans un autre État membre, faute d’y avoir atteint l’âge légal de la retraite.

67      Il en résulte que la réglementation en cause au principal constitue une entrave aux libertés garanties par les articles 45 et 49 TFUE, qui ne peut être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité FUE et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faut‑il, en pareil cas, que l’application d’une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l’objectif concerné et n’aille pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir, notamment, arrêts du 16 mai 2013, Wencel, C‑589/10, EU:C:2013:303, point 70 et jurisprudence citée ; du 5 novembre 2014, Somova, C‑103/13, EU:C:2014:2334, point 46, ainsi que du 17 décembre 2020, Onofrei, C‑218/19, EU:C:2020:1034, point 32).

68      À cet égard, le gouvernement autrichien affirme que la raison impérieuse d’intérêt général justifiant la mesure concernée se déduit de la finalité du régime en cause au principal, lequel consiste à substituer la pension concernée à un revenu antérieur auquel ne sont pas censés s’ajouter des revenus d’une activité exercée à plein temps. L’objectif consisterait non seulement à protéger les personnes exerçant encore la profession d’avocat de la concurrence de celles qui sont déjà à la retraite, mais également à garantir la viabilité financière du régime de pension de retraite concerné, qui ne relève pas du régime de retraite de droit commun et qui est financé par un système de répartition, par opposition aux systèmes de capitalisation.

69      À cet égard, il convient de relever que la Cour a reconnu le caractère légitime que pouvaient revêtir des objectifs en matière de politique de l’emploi tels que ceux visant, notamment, à instaurer des limites d’âges de cessation obligatoire d’activité en vue de favoriser la mise en place d’une structure d’âge plus équilibrée (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Fuchs et Köhler, C‑159/10 et C‑160/10, EU:C:2011:508, point 50).

70      En effet, la légitimité d’un tel objectif d’intérêt général tenant à la politique de l’emploi ne saurait être raisonnablement mise en doute, dès lors que, conformément à l’article 3, paragraphe 3, premier alinéa, TUE, la promotion d’un niveau d’emploi élevé constitue l’une des finalités poursuivies par l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2020, Comune di Gesturi, C‑670/18, EU:C:2020:272, point 36 et jurisprudence citée).

71      S’il ne saurait être contesté qu’une législation nationale qui réglemente le marché du travail afin de libérer des emplois occupés par des personnes proches de l’âge de la retraite et de garantir une saine mise en concurrence des professionnels est propre à garantir la réalisation de l’objectif visé, il y a lieu, en revanche, de constater que, dès lors qu’elle exige la renonciation, par l’intéressé, à l’exercice de la profession d’avocat sur le territoire de l’État membre concerné comme à l’étranger, il ne peut être exclu qu’elle aille au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

72      En effet, une réglementation nationale qui exige la renonciation, par l’intéressé, à l’exercice de la profession d’avocat sur le territoire de l’État membre concerné comme à l’étranger afin de protéger les personnes exerçant encore cette profession de la concurrence de celles qui ont déjà fait valoir leur droit à la retraite, paraît excéder ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif, dans la mesure où ce dernier peut être atteint en limitant cette renonciation à l’exercice de toute activité professionnelle au seul territoire national, voire à une zone géographique limitée dans un autre État membre. Une telle réglementation fait d’ailleurs abstraction du fait que les conditions d’obtention et de maintien du droit à pension ne sont pas harmonisées entre les États membres, mais uniquement coordonnées par le droit de l’Union, et que les intéressés peuvent être obligés de continuer à exercer dans d’autres États membres en vue de l’acquisition de leur droit à pension en vertu des droits nationaux concernés.

73      En outre, la condition d’une renonciation, par l’intéressé, à l’exercice de la profession d’avocat sur le territoire national comme à l’étranger semble excéder ce qui est nécessaire pour éviter que ne viennent s’ajouter à la pension de préretraite ainsi versée des revenus d’une activité à plein temps.

74      S’agissant de l’objectif tenant à la viabilité financière du régime spécial concerné, s’il est vrai qu’un risque d’atteinte grave à l’équilibre financier d’un système de sécurité sociale peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général (voir, notamment, arrêts du 28 avril 1998, Kohll, C‑158/96, EU:C:1998:171, point 41, et du 11 janvier 2007, ITC, C‑208/05, EU:C:2007:16, point 43), il ne ressort toutefois pas clairement des explications fournies par le gouvernement autrichien en quoi le système de financement de ce régime spécial, qui est tributaire des cotisations des bénéficiaires de ce dernier, serait soumis à un risque d’atteinte grave par le fait que des bénéficiaires de pensions de préretraite dudit régime spécial continuent à exercer dans d’autres États membres.

75      Dès lors, bien qu’il appartienne en dernier ressort à la juridiction de renvoi de déterminer si, et dans quelle mesure, la réglementation nationale concernée satisfait à la condition de proportionnalité en ce qui concerne la mise en œuvre de l’objectif tenant à la viabilité financière du régime spécial concerné, il apparaît, au regard du dossier dont dispose la Cour, que cet objectif peut être atteint par des moyens moins restrictifs.

76      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que les articles 45 et 49 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui subordonne l’octroi d’une pension de préretraite sollicitée à la renonciation, par l’intéressé, à l’exercice de la profession d’avocat, sans tenir notamment compte de l’État membre dans lequel l’activité concernée est exercée.

 Sur les dépens

77      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

1)      Les règles de conflit prévues à l’article 13, paragraphe 2, du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, ne sont pas applicables à la situation d’une personne qui réside dans l’État membre où se situe également le centre d’intérêt de ses activités, tout en exerçant une activité, répartie de façon inégale, dans deux autres États membres, lorsqu’il s’agit de déterminer si cette personne dispose de droits directs à l’égard des institutions d’un de ces deux autres États membres au titre de cotisations versées au cours d’une période donnée.

2)      Les articles 45 et 49 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui subordonne l’octroi d’une pension de préretraite sollicitée à la renonciation, par l’intéressé, à l’exercice de la profession d’avocat, sans tenir notamment compte de l’État membre dans lequel l’activité concernée est exercée.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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