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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Thunus and Others v EIB (Excise duty on alcohol and alcoholic beverages - Judgment) French Text [2022] EUECJ C-90/21P (24 November 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C9021P.html Cite as: ECLI:EU:C:2022:927, [2022] EUECJ C-90/21P, EU:C:2022:927 |
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ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
24 novembre 2022 (*)
« Pourvoi – Fonction publique – Personnel de la Banque européenne d’investissement (BEI) – Rémunération – Ajustement annuel des salaires − Recours en annulation et en indemnité »
Dans l’affaire C‑90/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 12 février 2021,
Vincent Thunus, demeurant à Contern (Luxembourg),
Jaime Barragán, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),
Marc D’hooge, demeurant à Luxembourg,
Alexandra Felten, demeurant à Contern,
Christophe Nègre, demeurant à Luxembourg,
Patrick Vanhoudt, demeurant à Gonderange (Luxembourg),
représentés par Me L. Levi, avocate,
parties requérantes,
l’autre partie à la procédure étant :
Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par Mme A. V. García Sanchez, MM. T. Gilliams, J. Klein et Mme E. Manoukian, en qualité d’agents, assistés de Me P.–E. Partsch, avocat,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. D. Gratsias, président de chambre, MM. M. Ilešič (rapporteur) et I. Jarukaitis, juges,
avocat général : M. A. M. Collins,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur pourvoi, MM. Vincent Thunus, Jaime Barragán, Marc D’hooge, Mme Alexandra Felten, MM. Christophe Nègre et Patrick Vanhoudt demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 2 décembre 2020, Thunus e.a./BEI (T‑247/19, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:577), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, d’une part, à l’annulation des décisions contenues dans leurs bulletins de salaire des mois de février 2018 et suivants (ci-après les « décisions litigieuses »), faisant application de la décision du conseil d’administration de la Banque européenne d’investissement (BEI) (ci-après le « conseil d’administration »), du 18 juillet 2017, définissant une nouvelle approche quant à l’augmentation globale des salaires du personnel applicable à l’ensemble des agents de cette institution (ci-après la « décision du 18 juillet 2017 »), et de la décision du comité de direction de la BEI (ci-après le « comité de direction »), du 30 janvier 2018, fixant le taux d’ajustement général des salaires (ci-après l’« AGS ») pour l’année 2018 à 0,7 % (ci-après la « décision du 30 janvier 2018 »), ainsi que, d’autre part, à obtenir réparation du préjudice qu’ils auraient prétendument subi en raison de l’adoption des décisions litigieuses.
Le cadre juridique
2 Le règlement du personnel de la BEI, adopté le 20 avril 1960 par le conseil d’administration, dans sa version révisée (ci-après le « RP I »), prévoit, à son article 20, premier alinéa :
« Le barème des traitements de base relatif aux catégories de fonctions définies à l’article 14 figure en annexe I au présent règlement. »
3 Aux termes de l’article 24, premier alinéa, du RP I :
« Les intérêts généraux du personnel sont représentés auprès de la Banque par des représentants du personnel élus au scrutin secret. »
4 L’article 41, sixième alinéa, du RP I est ainsi libellé :
« En cas d’introduction par les représentants du personnel d’une demande de conciliation – en vertu des dispositions de la convention régissant la représentation du personnel à la Banque relatives aux décisions à prendre au sujet des intérêts généraux du personnel – portant sur le même objet qu’une ou plusieurs procédures individuelles de recours ou de conciliation en cours, ces dernières sont suspendues jusqu’à la conclusion de la procédure de conciliation engagée par les représentants du personnel. »
5 Aux termes de l’annexe I du RP I, intitulée « Barème des traitements de base » :
« Le barème des traitements de base fait l’objet de mises à jour régulières [...] »
6 Une nouvelle version du règlement du personnel de la BEI a été adoptée par la décision du conseil d’administration du 4 juin 2013 (ci-après le « RP II »). Elle est entrée en vigueur le 1er juillet 2013 et est applicable aux agents recrutés à partir de cette date, tandis que le RP I continue à s’appliquer à l’égard des agents qui étaient déjà en service au 30 juin 2013.
Les antécédents du litige
7 Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 16 de l’arrêt attaqué et, pour les besoins de la présente procédure, peuvent être résumés de la manière suivante.
8 Les requérants sont des agents de la BEI qui ont été recrutés avant le 1er juillet 2013 et qui, partant, relèvent du RP I.
9 Conformément au régime établi par le RP I, le barème des traitements de base fait l’objet d’une mise à jour régulière, dénommée l’AGS. L’AGS est appliqué depuis l’année 1958, suivant des méthodes qui ont varié au cours des années.
10 Le RP II ne prévoit plus un ajustement général des salaires tel que l’AGS.
11 Au mois de septembre 2009, le conseil d’administration de la BEI a adopté une méthode d’ajustement, valable pour sept années, qui reposait, notamment, sur le taux d’inflation au Luxembourg. Lors de sa réunion des 22 et 23 septembre 2016, le conseil d’administration a décidé que cette méthode servirait également de base pour calculer l’AGS au titre de l’année 2017.
12 Par la décision du 18 juillet 2017, le conseil d’administration a adopté une nouvelle approche relative à l’AGS pour les agents relevant du RP I et à l’augmentation globale des salaires du personnel, applicable à tous les agents, qu’ils relèvent du RP I ou du RP II.
13 Le 1er août 2017, la BEI a informé son personnel de l’adoption de la décision du 18 juillet 2017.
14 Par une décision du 12 décembre 2017, le conseil d’administration a fixé le montant du budget pour les salaires de l’année 2018 et a arrêté un pourcentage de 1,8 % pour financer les augmentations de salaire, dont 0,9 % provenant des réserves internes.
15 Le 24 janvier 2018, le collège des représentants du personnel de la BEI (ci-après le « collège ») a formulé des observations critiques sur le projet de décision du comité de direction, élaboré à la suite de la décision du conseil d’administration du 12 décembre 2017. Il a émis un avis visant à ce que soient mentionnées au procès-verbal du comité de direction son opposition au budget ainsi arrêté et ses demandes visant à obtenir davantage d’informations relatives à ce dernier, notamment la raison pour laquelle le taux envisagé de l’AGS pour les agents relevant du RP I avait été fixé à 0,7 %.
16 Le 25 janvier 2018, la direction du personnel de la BEI a saisi le comité de direction d’une note proposant l’utilisation du budget affecté aux salaires et approuvé par le conseil d’administration.
17 Dans la décision du 30 janvier 2018, le comité de direction a marqué son accord pour l’utilisation du budget établie par le conseil d’administration dans sa décision du 12 décembre 2017, prévoyant une hausse des salaires de 2 %, d’une part, et un taux d’AGS pour les agents relevant du RP I de 0,7 %, d’autre part.
18 La décision du 30 janvier 2018 a été appliquée à compter du mois de février 2018, avec effet rétroactif au mois de janvier 2018. Les décisions litigieuses ont été notifiées à chacun des requérants dans leur bulletin de salaire du mois de février 2018.
19 Les requérants ont soumis, conformément à l’article 41 du RP I, des demandes de conciliation. Les procédures de conciliation correspondantes ont été suspendues, car le collège avait, par ailleurs, saisi la BEI d’une demande de conciliation au titre de l’article 38 de la convention relative à la représentation du personnel.
20 Par un courrier du 18 septembre 2018, le président de la BEI a pris acte de l’échec de la procédure de conciliation entamée au titre de l’article 38 de cette convention.
21 Par la note du 7 janvier 2019, la BEI a informé les requérants que leur demande de conciliation au titre de l’article 41 du RP I devait être considérée comme n’ayant pas abouti en raison de l’échec de la procédure de conciliation entamée au titre de l’article 38 de ladite convention.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
22 Par la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 avril 2019, les requérants ont introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation des décisions litigieuses ainsi que, d’autre part, à obtenir réparation du préjudice qu’ils estiment avoir subi en raison de l’adoption de ces décisions.
23 À l’appui de leurs conclusions tendant à l’annulation des décisions litigieuses, les requérants ont excipé de l’illégalité des décisions du 18 juillet 2017 et du 30 janvier 2018, soulevant six moyens.
24 Les premier et deuxième moyens, relatifs à la décision du 18 juillet 2017, étaient tirés, le premier, d’une violation du principe de sécurité juridique et, le deuxième, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime ainsi que des droits acquis. Les troisième à sixième moyens concernaient la décision du 30 janvier 2018 et étaient tirés, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation, le quatrième, d’une violation de l’obligation de diligence, le cinquième, d’une violation du droit de consultation du collège et, le sixième, d’une violation du principe de proportionnalité.
25 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours.
26 Le Tribunal a, tout d’abord, examiné les premier et deuxième moyens, relatifs à la décision du 18 juillet 2017, qu’il a écartés comme étant non fondés.
27 Le Tribunal a examiné ensuite le cinquième moyen, tiré d’une violation du droit de consultation du collège. À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 83 de l’arrêt attaqué, que, afin de vérifier si la BEI avait respecté son obligation de consultation, en particulier en s’assurant que cette dernière ne fût pas privée d’effet utile, il lui incombait d’examiner si ce collège avait été mis en mesure de s’exprimer utilement sur la proposition de fixation d’un taux d’AGS à 0,7 % avant l’adoption de la décision du 30 janvier 2018.
28 Aux points 84 et 85 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que, compte tenu des échanges qui avaient eu lieu entre la BEI et ledit collège, ce dernier avait été régulièrement consulté lors de la procédure d’adoption de la décision du 30 janvier 2018.
29 En conséquence, le Tribunal a écarté le cinquième moyen comme étant non fondé.
30 S’agissant du troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation telle que prévue à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), le Tribunal a observé, au point 93 de l’arrêt attaqué, que la décision du 30 janvier 2018 était un acte de portée générale relatif à la rémunération du personnel de la BEI et que le domaine de la rémunération du personnel constituait un « domaine complexe et spécifique ». Plus particulièrement, le Tribunal a rappelé, au point 94 de cet arrêt, que, par cette décision, le comité de direction, d’une part, avait divisé le budget concerné entre les agents relevant du RP I et ceux relevant du RP II et, d’autre part, une fois la part de ce budget allouée aux agents relevant du RP I décidée, avait réparti cette part conformément à l’article 11 de la décision du 18 juillet 2017, à savoir en récompensant en premier lieu la performance individuelle, assurant la grille minimale de mérite, puis en octroyant un taux d’AGS de 0,7 % pour l’année 2018. Au point 95 dudit arrêt, le Tribunal a souligné que la décision du 30 janvier 2018 avait été prise à l’issue d’un « long processus décisionnel », auquel le collège avait été associé. Ayant estimé, au point 97 du même arrêt, que la décision du 30 janvier 2018 était, au vu de ces éléments, suffisamment motivée, le Tribunal a écarté le troisième moyen comme étant non fondé.
31 En ce qui concerne les quatrième et sixième moyens, tirés, respectivement, d’une violation de l’obligation de diligence prévue à l’article 41 de la Charte et du principe de proportionnalité prévu à l’article 5, paragraphe 4, TUE, le Tribunal a relevé, au point 103 de l’arrêt attaqué, que les requérants n’avaient pas développé ces moyens, et ce en dépit du fait qu’ils avaient, ainsi qu’ils l’avaient eux-mêmes indiqué, été associés au processus décisionnel et eu accès aux documents pertinents et qu’ils étaient dès lors en mesure de préciser à quel stade de la procédure et pour quel motif exact la BEI aurait commis les violations reprochées. Il a ajouté, au point 104 de cet arrêt, que, en tout état de cause, il ressortait de l’analyse précédemment effectuée que la procédure établie pour la prise de décision concernant tant l’augmentation globale des salaires que la répartition de celle-ci avait été respectée. Il en a conclu, au point 105 dudit arrêt, que, dans ces circonstances, il n’apparaissait pas que la BEI, en adoptant la décision du 30 janvier 2018, n’avait pas agi « avec soin et prudence », ni qu’elle avait commis une erreur manifeste d’appréciation ou méconnu le principe de proportionnalité.
32 En conséquence, le Tribunal a écarté les quatrième et sixième moyens comme étant non fondés et, partant, le recours en annulation dans son intégralité.
33 Enfin, aux points 109 et 110 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que les requérants demandaient à être indemnisés du prétendu préjudice financier qu’ils auraient subi en raison de l’illégalité des décisions litigieuses et que, partant, il existait un lien étroit entre leurs conclusions en indemnité et leurs conclusions en annulation. Ayant relevé que l’examen des griefs soulevés à l’appui des conclusions en annulation n’avaient révélé aucune illégalité ni, partant, aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’administration, le Tribunal a également rejeté les conclusions en indemnité des requérants.
Les conclusions des parties au pourvoi
34 Par leur pourvoi, les requérants demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de leur accorder le bénéfice de leurs conclusions de première instance, et
– de condamner la BEI à l’ensemble des dépens.
35 La BEI demande à la Cour :
– de « rejeter le recours comme non fondé » ;
– de confirmer l’arrêt attaqué, et
– de condamner les requérants à l’« entièreté des dépens des deux instances ».
Sur le pourvoi
36 Au soutien de leur pourvoi, les requérants soulèvent trois moyens, relatifs à l’appréciation par le Tribunal de l’exception d’illégalité de la décision du 30 janvier 2018 qu’ils ont opposée devant celui-ci. Ils sont tirés, le premier, de la violation du droit de consultation du collège et de la dénaturation du dossier, le deuxième, de la violation de l’obligation de motivation, de la dénaturation du dossier et de la violation par le juge de son obligation de motivation et, le troisième, de la violation du devoir de diligence et du principe de proportionnalité.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
37 Par leur premier moyen de pourvoi, les requérants soutiennent, en substance, que, en jugeant, aux points 84 et 85 de l’arrêt attaqué, que le collège avait été mis en mesure de s’exprimer utilement sur la proposition de fixation du taux de l’AGS à 0,7 % pour l’année 2018, et cela alors même qu’il ne disposait pas des informations pertinentes à cet égard, le Tribunal a dénaturé les éléments de dossier et, par suite, méconnu le droit de consultation de ce collège, droit qui serait consacré aux articles 27 et 28 de la Charte et mis en œuvre à l’article 24 du RP I, à l’article 24 de la convention relative à la représentation du personnel et à l’annexe I de cette convention.
38 Selon les requérants, l’arrêt attaqué fonde son raisonnement sur l’existence de deux avis du collège qui, d’après le Tribunal, auraient suffi à satisfaire à l’obligation de consultation portant sur la fixation de l’AGS pour l’année 2018. Or, dans le cadre du premier de ces avis, datant du 20 octobre 2017 et portant sur le rapport annuel de rémunération de l’année 2017 (ci-après le « RAR »), premièrement, le collège aurait commenté non pas le taux de l’AGS pour l’année 2018 mais le taux de hausse moyenne des salaires, fixé à 2,5 %. Ce chiffre n’aurait pas été ventilé dans le RAR pour indiquer à quel taux les montants correspondants allaient être alloués à la grille de mérite et quelle part serait allouée à l’AGS. À ce stade, aucun taux d’AGS n’aurait été défini ni communiqué au collège. Deuxièmement, les requérants invoquent le manque de détails dans le RAR s’agissant de la fixation du taux d’AGS, tant en ce qui concerne les éléments dont il conviendrait de tenir compte que les autres facteurs pertinents à cette fin. Partant, l’avis du 20 octobre 2017 n’aurait été émis ni sur la fixation d’un taux d’AGS spécifique ni sur les éléments effectivement pris en compte à cette fin.
39 Quant au second avis dont le Tribunal a tenu compte dans l’arrêt attaqué, à savoir celui du 24 janvier 2018, il porterait sur la proposition faite au comité de direction par la direction du personnel le 25 janvier 2018. Certes, cette proposition mentionnerait un taux d’AGS de 0,7 %. Toutefois, celle-ci ne comporterait aucune explication relative au taux retenu. En réaction à ce manque d’information, le collège aurait exprimé son désaccord avec ce taux et demandé des explications au comité de direction.
40 Les requérants en déduisent que le collège n’a pas été informé des données prises en considération au titre de la décision du 18 juillet 2017 ni des motifs de la répartition de l’augmentation des salaires, qui auraient dû lui permettre de comprendre les raisons pour lesquelles ce taux de 0,7 % avait été proposé pour l’AGS au titre de l’année 2018. Sans ces informations, le collège n’aurait pas été à même d’exprimer un avis utile. Le collège n’aurait pas non plus été mis en mesure d’examiner d’autres solutions envisageables.
41 À cet égard, les requérants font valoir que ce n’est qu’à l’occasion de la proposition faite au comité de direction par la direction du personnel au mois de janvier 2018 que la fixation d’un taux d’AGS a été soumise à l’avis du collège, de sorte que la référence à la consultation de celui-ci avant la proposition du mois de janvier 2018 serait sans incidence sur l’examen du respect du droit du collège d’être entendu. Le point 84 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal aurait considéré que les avis du collège du 20 octobre 2017 et du 24 janvier 2018 matérialisaient l’exercice, par le collège, de son droit d’être utilement consulté à propos de la détermination du taux de l’AGS pour l’année 2018, serait dès lors entaché de dénaturations.
42 En particulier, le fait, mentionné au point 84 de l’arrêt attaqué, que le collège a, dans son avis du 24 janvier 2018, comparé le taux d’AGS de 0,7 % au taux adopté par d’autres institutions de l’Union ne signifierait nullement que celui-ci ait effectivement eu la possibilité de s’exprimer sur la proposition de fixer le taux d’AGS à 0,7 %.
43 Ainsi, le fait que, comme le Tribunal l’a relevé au point 84 de l’arrêt attaqué, « [l]e procès-verbal de la réunion du comité de direction du 30 janvier 2018, lors de laquelle le taux d’AGS a définitivement été fixé à 0,7 %, fasse explicitement mention [de l’avis du 24 janvier 2018], en ajoutant que le comité de direction en [avait] bien pris note », ne suffirait pas à donner au droit de consultation un « contenu effectif et utile ».
44 En effet, selon la jurisprudence, l’administration serait tenue de veiller à ce que le collège puisse participer au processus de consultation aussi complètement et effectivement que possible et, partant, de lui fournir toute nouvelle information pertinente jusqu’au dernier stade de ce processus. À cet égard, les requérants reprochent au Tribunal de ne pas avoir tenu compte du fait qu’aucune justification n’avait été fournie s’agissant de l’absence de communication d’« informations importantes », telles que les « données prises en considération au titre de la décision du 18 juillet 2017 et les motifs de la répartition de l’augmentation salariale », ainsi que de ne pas avoir lui-même justifié ce défaut de communication.
45 La BEI soutient que l’argumentation des requérants doit être écartée comme étant non fondée.
Appréciation de la Cour
46 Aux points 78 à 80 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé qu’il découlait de l’article 24, premier alinéa, du RP I ainsi que de l’article 24 et de l’annexe I de la convention relative à la représentation du personnel que le collège doit être consulté sur toute proposition que l’administration a l’intention de soumettre au comité de direction concernant, notamment, la rémunération des agents. Il a souligné, au point 81 de cet arrêt, que cette consultation ne comportait que le droit d’être entendu, ce que les requérants ne contestent pas.
47 Au point 83 dudit arrêt, le Tribunal a dès lors considéré que, afin de vérifier si la BEI avait respecté son obligation de consultation, en s’assurant que l’effet utile de cette dernière fût préservé, il y avait lieu d’examiner si le collège avait été mis en mesure de s’exprimer utilement sur la proposition de fixation d’un taux d’AGS à 0,7 % avant l’adoption de la décision du 30 janvier 2018.
48 À cet égard, le Tribunal a estimé, au point 84 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait des éléments du dossier que le collège avait été consulté « tout au long de la procédure ayant mené à la fixation du taux d’AGS [à] 0,7 % ». En particulier, le Tribunal a observé que le collège avait été consulté à plusieurs reprises par le comité de direction, qu’il avait eu accès au RAR et qu’il avait commenté de manière étayée ce document dans son avis du 20 octobre 2017, joint à la note du 27 octobre 2017 adressée au comité de direction. Le Tribunal a également relevé que le collège avait exprimé son avis sur les différentes propositions d’augmentation des salaires dans une note du 24 janvier 2018, jointe à la note du 25 janvier 2018 adressée au comité de direction. Le Tribunal a indiqué que, dans cette dernière note, le collège avait exposé son avis sur la proposition de fixer le taux d’AGS à 0,7 % en comparant ce taux à celui adopté par d’autres institutions de l’Union et avait demandé une explication quant à la conformité dudit taux aux modalités prévues dans la décision du 18 juillet 2017. Enfin, le Tribunal a relevé que le procès-verbal de la réunion du comité de direction du 30 janvier 2018, lors de laquelle le même taux avait été fixé définitivement à 0,7 %, faisait explicitement mention de l’avis du collège datant du 24 janvier 2018, tout en précisant que le comité de direction en avait bien pris note.
49 Le Tribunal en a déduit, au point 85 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu de ces échanges qui ont eu lieu entre la BEI et le collège, ce dernier avait été régulièrement consulté lors de l’adoption de la décision du 30 janvier 2018.
50 À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, qu’il découle de ces éléments que, contrairement à ce que les requérants soutiennent, le Tribunal a, au point 84 de l’arrêt attaqué, considéré non pas que l’avis du collège du 20 octobre 2017 portait sur la proposition d’AGS en tant que telle, mais seulement qu’il illustrait le fait que le collège avait été consulté « tout au long de la procédure ayant mené à la fixation d’un taux d’AGS [à] 0,7 % ».
51 Par conséquent, en tant que l’argumentation des requérants vise l’avis du collège du 20 octobre 2017, elle repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et doit, partant, être écartée comme étant non fondée.
52 En second lieu, il convient de rappeler que, lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation. Par ailleurs, selon la jurisprudence constante de la Cour, une dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 25 juin 2020, CSUE/KF, C‑14/19 P, EU:C:2020:492, point 105 et jurisprudence citée).
53 À cet égard, il suffit de relever que les requérants restent en défaut de démontrer que, par les considérations émises au point 84 de l’arrêt attaqué et rappelées au point 48 du présent arrêt, le Tribunal a dénaturé le contenu de l’avis du 24 janvier 2018. En effet, leur argumentation relative à cet avis ne répond pas aux exigences de la jurisprudence rappelée au point précédent du présent arrêt, mais vise, en réalité, à établir que le Tribunal a considéré à tort que la circonstance que, dans cet avis, le collège avait comparé le taux de 0,7 % à celui adopté par d’autres institutions de l’Union et demandé une explication sur la conformité de celui-ci aux modalités prévues dans la décision du 18 juillet 2017, attestait de la consultation utile du collège en ce qui concerne la fixation de ce taux. Or, une telle considération constitue une appréciation de nature factuelle, qui, sauf dénaturation, laquelle n’est pas établie en l’espèce, échappe au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.
54 Dans ces conditions, et dès lors que les dénaturations alléguées ne sont pas établies, c’est à bon droit que le Tribunal a pu juger, au point 85 de l’arrêt attaqué, que ce collège avait été régulièrement consulté lors de l’adoption de la décision du 30 janvier 2018.
55 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier moyen de pourvoi doit être écarté comme étant non fondé.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
56 Par leur deuxième moyen de pourvoi, les requérants soutiennent que, en considérant, aux points 93 à 97 de l’arrêt attaqué, que la décision du 30 janvier 2018, prise seule ou en tenant compte du contexte dans le cadre duquel elle avait été adoptée, satisfaisait à l’obligation de motivation ou que, par cette décision, la BEI avait suffisamment justifié les raisons pour lesquelles chaque composante du salaire des agents de la BEI avait été déterminée, le Tribunal a erronément considéré que la BEI avait respecté l’obligation de motivation qui s’imposait à elle.
57 En particulier, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir jugé, au point 94 de l’arrêt attaqué, que les choix opérés par le comité de direction étant de nature technique, celui-ci n’était pas tenu d’exposer un raisonnement détaillé ni une motivation spécifique, alors que, dans la mesure où ce comité dispose d’un pouvoir d’appréciation, il incombait à ce dernier d’expliquer pourquoi, s’agissant de la fixation du taux de l’AGS pour l’année 2018, il avait établi une grille de mérite plus élevée que la grille minimale, prévue à l’article 22 du RP I, et pourquoi ce taux de l’AGS avait été fixé à 0,7 %, soit à un niveau inférieur à celui de l’inflation au Luxembourg.
58 À cet égard, les requérants font valoir que le collège n’a pas été informé du contenu des discussions qui, ainsi qu’il ressortirait d’une note de la direction du personnel, du 25 janvier 2018, adressée au comité de direction et mentionnant une proposition de fixer le taux de l’AGS à 0,7 %, ont eu lieu au sein du comité chargé des rémunérations.
59 Le collège n’aurait pas non plus eu réception du procès-verbal de la réunion concernée ni, a fortiori, été consulté sur les motifs d’une modification apportée à la proposition initiale faite par la direction du personnel au comité de direction le 27 octobre 2017. Le collège n’aurait pas non plus été consulté sur la proposition modifiée, une fois approuvée par le comité de direction, avant sa soumission au conseil d’administration.
60 Contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé aux points 95 et 96 de l’arrêt attaqué, le fait que les représentants du personnel ont été associés à la procédure concernée ne signifierait pas que leur droit d’être consultés a été respecté. En effet, les représentants du personnel n’auraient pas été mis en mesure de comprendre la décision du 30 janvier 2018 et le fait qu’ils ont eu accès aux documents élaborés au cours de cette procédure ne signifierait pas qu’ils aient été informés des motifs des décisions du 18 juillet 2017 et du 30 janvier 2018, puisque ces dernières, ou d’autres documents que l’arrêt attaqué omettrait d’identifier, en méconnaissance de l’obligation de motivation à laquelle le Tribunal est d’ailleurs lui-même soumis, ne contenaient aucun élément quant aux motifs ayant conduit à fixer un taux de l’AGS à 0,7 % au titre de l’année 2018.
61 La BEI soutient que ce deuxième moyen doit être écarté comme étant, en partie, manifestement non fondé et, en partie, inopérant.
Appréciation de la Cour
62 Par leur deuxième moyen de pourvoi, les requérants reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir jugé que le comité de direction n’était pas tenu d’exposer un raisonnement détaillé ni une motivation spécifique s’agissant de la fixation du taux de l’AGS, étant donné que les choix opérés par celui-ci étaient de nature technique. Or, selon les requérants, dans la mesure où le comité de direction dispose d’un pouvoir d’appréciation, celui-ci aurait dû expliquer pourquoi il avait, d’une part, opté en faveur d’une grille de mérite plus élevée que la grille minimale visée à l’article 22 du RP I et, d’autre part, fixé un taux de l’AGS à 0,7 %, soit à un niveau inférieur à celui de l’inflation à Luxembourg. En omettant de motiver sa décision, le comité aurait manqué à son obligation de motivation, ce que le Tribunal aurait à tort omis de sanctionner, et ce dernier, en écartant les arguments des requérants sur ce point sans apporter davantage de précisions, aurait lui-même manqué à son obligation de motivation.
63 En premier lieu, dans la mesure où, par ce moyen, les requérants reprochent au Tribunal une violation de son devoir de sanctionner le prétendu non-respect par la BEI de l’obligation de motivation qui s’imposait à elle, il convient de rappeler que, comme le Tribunal l’a, en substance et à bon droit, relevé aux points 91 et 92 de l’arrêt attaqué, l’obligation de motivation, visée à l’article 296 TFUE et réaffirmée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, constitue un principe essentiel du droit de l’Union qui a pour objectif de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et d’en rendre possible le contrôle juridictionnel, sans qu’il soit toutefois exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 29 et jurisprudence citée).
64 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 89 de l’arrêt attaqué, les requérants ont fait valoir devant le Tribunal que ni les décisions du 18 juillet 2017 et du 30 janvier 2018 ni les décisions litigieuses ne comportaient de motivation et, en particulier, que celles-ci omettaient d’identifier les critères pris en considération pour aboutir au taux de 0,7 %.
65 À cet égard, au point 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’il convenait de prendre en considération le fait que la décision du 30 janvier 2018 est un acte de portée générale relatif à la rémunération du personnel de la BEI, que ce domaine est complexe et spécifique, et est régi par des enjeux non seulement financiers, mais également politiques, ainsi que le fait que, dans celui-ci, la BEI dispose de surcroît d’un pouvoir d’appréciation pour fixer et modifier unilatéralement les éléments de rémunération de son personnel, dans le cadre duquel elle a adopté des règles visant à encadrer la fixation des mises à jour régulières du barème des traitements de base.
66 En particulier, à ce point de cet arrêt, le Tribunal a rappelé que, en vertu du point 7 de la décision du 18 juillet 2017, les décisions du conseil d’administration relatives à l’augmentation globale des salaires sont guidées par les données de marché disponibles dans le RAR, mais que le conseil d’administration peut prendre en considération d’autres facteurs, tels que la performance globale de la BEI, l’inflation ou les conditions générales de travail dans les États membres. Le Tribunal en a déduit que, eu égard à la spécificité de la matière et de la procédure applicable, la BEI avait suffisamment justifié les raisons pour lesquelles, dans la décision du 30 janvier 2018, chaque composante du salaire des agents de la BEI avait été déterminée.
67 Au point 94 dudit arrêt, le Tribunal a ajouté que, compte tenu, en substance, de la nécessité pour le comité de répartir le budget concerné en récompensant en premier lieu la performance individuelle, conformément à l’article 11 de la décision du 18 juillet 2017, et du fait que le comité avait dû décider de l’utilisation des budgets approuvés par le conseil d’administration pour le financement des promotions, des ajustements structurels ainsi que des bonus de l’ensemble des agents, qu’ils relèvent du RP I ou du RP II, il était excessif de prétendre que la fixation du taux de l’AGS par le comité de direction devait faire l’objet d’un raisonnement détaillé et d’une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés.
68 Enfin, au point 95 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a souligné que la décision du 30 janvier 2018 avait été prise à l’issue d’un « long processus décisionnel », auquel le collège avait été associé, processus qu’il a détaillé au point 96 de cet arrêt, dans lequel il constate également que les circonstances invoquées par les requérants ne les ont pas empêchés d’avoir une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de cette décision en vue de prendre position sur l’introduction du recours de première instance.
69 Au vu de ces éléments, il ne saurait être considéré que le Tribunal a violé l’article 296 TFUE en omettant de sanctionner un défaut de motivation de la décision du 30 janvier 2018, le Tribunal ayant à cet égard à juste titre constaté que, compte tenu du contexte entourant l’adoption de cette décision, la BEI avait motivé celle-ci à suffisance de droit, compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 63 du présent arrêt et également rappelée aux points 91 et 92 de l’arrêt attaqué.
70 À cet égard, il y a encore lieu d’ajouter, s’agissant de l’argumentation des requérants selon laquelle il appartenait au comité de direction de motiver sa décision de fixer le taux de l’AGS pour l’année 2018 à un niveau inférieur au taux de l’inflation au Luxembourg, que, à la différence de la méthode d’ajustement applicable antérieurement, qui reposait, notamment, sur le taux de l’inflation au Luxembourg, la décision du 18 juillet 2017 prévoit que la prise en compte de ce taux constitue une simple faculté pour la BEI, de sorte qu’il ne saurait être considéré que cette dernière était tenue de motiver le choix du taux d’AGS pour l’année 2018 par rapport au taux d’inflation constaté au Luxembourg et que le Tribunal aurait dès lors été tenu de sanctionner une absence de motivation spécifique sur ce point.
71 En second lieu, dans la mesure où, par leur deuxième moyen, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir violé l’obligation de motivation qui s’imposait à lui, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation incombant au Tribunal vise à permettre aux intéressés de connaître les raisons qui ont conduit celui-ci à adopter l’arrêt en question et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel (arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE, C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702, point 45 ainsi que jurisprudence citée).
72 En outre, l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation (arrêt du 21 octobre 2021, Parlement/UZ, C‑894/19 P, EU:C:2021:863, point 69 et jurisprudence citée).
73 En l’espèce, d’une part, il ressort des éléments exposés aux points 65 à 70 du présent arrêt que le Tribunal a justifié à suffisance de droit sa décision selon laquelle la BEI n’avait pas enfreint l’obligation de motivation, permettant ainsi aux requérants de connaître les raisons pour lesquelles leur moyen avait été écarté et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel, conformément à la jurisprudence rappelée au point 71 du présent arrêt.
74 D’autre part, en application de la jurisprudence rappelée au point 72 du présent arrêt, ne saurait prospérer le grief par lequel les requérants reprochent au Tribunal d’avoir considéré que le collège avait été associé au processus décisionnel ayant conduit à l’adoption de la décision du 30 janvier 2018, leur permettant ainsi, en leur qualité de représentants du personnel, d’apprécier le bien-fondé de cette décision en vue de l’introduction éventuelle d’un recours contre celle-ci, alors qu’ils n’auraient pas eu accès aux motifs de ladite décision.
75 En effet, ce faisant, les requérants reprochent au Tribunal non pas d’avoir manqué à son obligation de motiver l’arrêt attaqué, mais d’avoir invoqué un motif qu’ils considèrent erroné. Au demeurant, il ressort de l’analyse du premier moyen de pourvoi que c’est à bon droit que le Tribunal a pu considérer que le collège avait eu la possibilité d’exprimer un avis utile sur le taux d’AGS proposé.
76 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le deuxième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
77 Par leur troisième moyen de pourvoi, les requérants soutiennent que le Tribunal a violé le devoir de diligence et le principe de proportionnalité en jugeant, aux points 103 à 105 de l’arrêt attaqué, que la décision du 30 janvier 2018 n’était pas entachée d’une violation de ce devoir et de ce principe.
78 D’une part, les requérants font valoir que, le collège n’ayant pas été régulièrement consulté, c’est à tort que le Tribunal a conclu, au point 104 de l’arrêt attaqué, en se fondant sur ses constatations relatives au respect, en l’espèce, du droit de consultation du collège, que la procédure établie pour la prise de décision concernant tant l’augmentation globale des salaires que la répartition de celle-ci a été respectée. En effet, dans la mesure où les requérants avaient soutenu, en première instance, d’une part, que le collège n’avait pas disposé des informations utiles lui permettant d’exercer son droit de consultation et, d’autre part, que la BEI n’avait pas respecté son obligation de motivation, le fait que le collège a été associé au processus décisionnel, dont le Tribunal a tenu compte dans le cadre de l’examen des quatrième et sixième moyens de première instance, serait dépourvu de pertinence.
79 D’autre part, les requérants font valoir que, contrairement à ce que le Tribunal a indiqué au point 103 de l’arrêt attaqué, ils ont bien étayé leurs griefs, tirés d’une violation de l’obligation de diligence et du principe de proportionnalité, en soulignant le fait que la charge de la preuve avait été renversée, de telle sorte qu’il appartenait à la BEI de démontrer l’exercice effectif de son pouvoir d’appréciation et le respect du principe de proportionnalité.
80 La BEI soutient que le troisième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant manifestement non fondé.
Appréciation de la Cour
81 Il convient, en premier lieu, de relever que l’argumentation des requérants exposée au point 78 du présent arrêt repose sur la prémisse selon laquelle le premier moyen de pourvoi, relatif à l’obligation de consultation du collège, et le deuxième moyen de pourvoi, relatif à l’obligation de motivation qui s’imposait tant à la BEI qu’au Tribunal, sont fondés.
82 Cependant, dès lors qu’il ressort des points 55 et 76 du présent arrêt que ces premier et deuxième moyens ne sont pas fondés, il y a lieu de constater que cette argumentation repose sur une prémisse erronée et doit, par conséquent, être écartée comme étant non fondée.
83 En second lieu, s’agissant de l’argumentation exposée au point 79 du présent arrêt, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 98 de l’arrêt attaqué, les requérants avaient fait valoir, devant le Tribunal, que, dans la mesure où aucun élément d’information concernant la façon dont la BEI avait fixé le taux d’AGS pour l’année 2018 n’avait été communiqué au collège, il n’était pas possible de savoir, d’une part, si celle-ci avait examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents pour prendre la meilleure décision dans le cadre de son pouvoir d’appréciation ni, d’autre part, si elle avait procédé à un exercice effectif de son pouvoir d’appréciation conformément au principe de proportionnalité.
84 À cet égard, il est vrai que, au point 103 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que les requérants ne développaient pas davantage ces moyens, en dépit du fait qu’ils avaient été, ainsi qu’ils l’indiquaient eux-mêmes, associés au processus décisionnel, qu’ils avaient eu accès aux documents élaborés et qu’ils avaient dès lors été en mesure de préciser à quel stade de la procédure et pour quel motif exact la BEI aurait manqué à son obligation de diligence ou pris des décisions en violation du principe de proportionnalité.
85 Toutefois, au point 104 de cet arrêt, le Tribunal a constaté que, en tout état de cause, et ainsi que cela ressortirait notamment du point 84 dudit arrêt, dont, ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier moyen de pourvoi, les requérants ne sont pas parvenus à établir le caractère erroné, la procédure établie pour la prise de décision concernant tant l’augmentation globale du budget des salaires que la répartition de celle-ci a été respectée. Au point 105 du même arrêt, il en a déduit qu’il n’apparaissait dès lors pas que, en adoptant la décision du 30 janvier 2018, la BEI n’avait pas agi avec soin et prudence, ni qu’elle avait méconnu le principe de proportionnalité.
86 Or, au vu des éléments relevés au point 84 de l’arrêt attaqué et rappelés dans le cadre de l’appréciation du premier moyen de pourvoi, ce constat, dont les requérants ne sont pas parvenus à établir le caractère erroné, suffisait en l’espèce pour permettre au Tribunal d’écarter à bon droit les quatrième et sixième moyens qui étaient soulevés devant lui. Il s’ensuit que l’argumentation exposée au point 79 du présent arrêt doit être écartée comme étant inopérante, en application de la jurisprudence constante selon laquelle, dans le cadre d’un pourvoi, des griefs dirigés contre des motifs surabondants d’un arrêt du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cet arrêt et doivent dès lors être écartés comme étant inopérants (arrêt du 21 octobre 2021, Parlement/UZ, C‑894/19 P, EU:C:2021:863, point 80 et jurisprudence citée).
87 Il s’ensuit que le troisième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant en partie non fondé et en partie inopérant.
88 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.
Sur les dépens
89 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
90 La BEI ayant conclu à la condamnation des requérants aux dépens et ces derniers ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la BEI.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) MM. Vincent Thunus, Jaime Barragán, Marc D’hooge, Mme Alexandra Felten, MM. Christophe Nègre et Patrick Vanhoudt sont condamnés aux dépens.
Gratsias | Ilešič | Jarukaitis |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 novembre 2022.
Le greffier | Le président de chambre |
A. Calot Escobar | D. Gratsias |
* Langue de procédure : le français.
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