BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?
No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £5, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!
[Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] | ||
Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
||
You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Esedra v Parliament (Order) French Text [2022] EUECJ T-46/22_CO (03 March 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T4622_CO.html Cite as: [2022] EUECJ T-46/22_CO |
[New search] [Help]
ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
3 mars 2022 (*)
« Référé – Marchés publics de services – Service à la petite enfance – Demande de mesures provisoires – Défaut d’urgence »
Dans l’affaire T‑46/22 R,
Esedra SRL, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me M. Vastmans, avocate,
partie requérante,
contre
Parlement européen, représenté par Mme M. Pencheva et M. M. Kazek, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant, d’une part, au sursis à l’exécution de la décision du Parlement du 26 novembre 2021 d’attribuer le marché public de services pour la « Gestion complète de la structure d’accueil petite enfance du Parlement européen à Bruxelles, sise rue Wayenberg » à un autre soumissionnaire et d’écarter l’offre de la requérante, et, d’autre part, à enjoindre au Parlement de prendre les mesures nécessaires pour suspendre les effets de la décision d’attribution ou du contrat conclu à la suite de cette décision,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
rend la présente
Ordonnance
Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties
1 La requérante, Esedra SRL, est une société de droit belge spécialisée dans le service à la petite enfance.
2 Le 23 juillet 2021, le Parlement européen a lancé l’appel d’offres n° PE PERS 2021 027 relatif à un contrat de prestations de services dont l’objet était la gestion complète (administrative, pédagogique, alimentaire et relative à l’hygiène) d’une structure d’accueil petite enfance située dans les bâtiments du Parlement à Bruxelles (Belgique), rue Wayenberg (ci-après la « crèche du Wayenberg »).
3 Le 6 septembre 2021, la requérante a déposé une offre dans le cadre de cette procédure d’appel d’offres.
4 Par lettre du 26 novembre 2021, le Parlement a informé la requérante que son offre n’avait pas été retenue, au motif que l’offre n’avait pas obtenu le plus grand nombre de points à l’évaluation des critères qualitatifs et financiers et qu’elle n’avait donc pu être déclarée comme étant économiquement la plus avantageuse au sens du point 15 du cahier des charges (ci‑après la « décision attaquée »).
5 Par lettre du 29 novembre 2021, la requérante a demandé au Parlement de lui communiquer les raisons pour lesquelles son offre n’avait pas été retenue et, en particulier, les points obtenus pour l’évaluation des critères qualitatifs et financiers.
6 Par lettre du 3 décembre 2021, le Parlement a transmis à la requérante les informations complémentaires qu’elle lui avait demandées par son courrier du 29 novembre 2021.
7 Par lettre du 6 décembre 2021, la requérante a contesté l’attribution du marché en cause à la société attributaire du marché.
8 Par lettre du 13 décembre 2021, le Parlement a répondu aux griefs soulevés par la requérante dans son courrier du 6 décembre 2021.
9 Le 14 décembre 2021, le Parlement a signé le contrat avec la société attributaire du marché.
10 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 janvier 2022, la requérante a introduit un recours visant notamment à l’annulation de la décision attaquée.
11 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée ;
– enjoindre au Parlement de prendre les mesures nécessaires pour suspendre les effets de la décision d’attribution ou du contrat conclu à la suite de cette décision ;
– condamner le Parlement aux dépens.
12 Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 9 février 2022, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– rejeter la demande en référé comme étant en partie irrecevable et, en tout état de cause, comme étant entièrement non fondée ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
13 Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).
14 L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».
15 Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).
16 Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].
17 Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.
18 Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.
19 Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).
20 S’agissant, toutefois, du contentieux relatif à la passation des marchés publics, il convient de tenir compte des particularités de ce contentieux aux fins de l’appréciation de l’urgence.
21 En effet, il ressort de la jurisprudence que, compte tenu des impératifs découlant de la protection effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, lorsque le soumissionnaire évincé parvient à démontrer l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, il ne saurait être exigé de sa part qu’il établisse que le rejet de sa demande en référé risquerait de lui causer un préjudice irréparable, sous peine qu’il soit porté une atteinte excessive et injustifiée à la protection juridictionnelle effective dont il bénéficie au titre de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 41].
22 Cet assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence en matière de marchés publics résulte du fait que l’exigence de démonstration de la survenance d’un préjudice irréparable rend pratiquement impossible pour un soumissionnaire évincé d’obtenir un sursis à l’exécution d’une décision d’attribution d’un marché, au motif que le préjudice qu’il est susceptible de subir, étant d’ordre financier, n’est pas irréparable [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 30]. Il a donc été jugé nécessaire, afin de respecter les impératifs découlant de la protection provisoire effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, de permettre au soumissionnaire évincé d’établir l’urgence autrement que par la démonstration, en toutes circonstances, d’un risque imminent de survenance d’un préjudice irréparable. Dans un tel cas, et pour autant qu’il existe un fumus boni juris suffisamment sérieux, la seule preuve de la gravité du préjudice qui serait causé par l’absence de sursis à l’exécution de la décision attaquée peut être considérée comme suffisante pour remplir la condition relative à l’urgence (voir ordonnance du 21 avril 2017, Post Telecom/BEI, T‑158/17 R, non publiée, EU:T:2017:281, point 21 et jurisprudence citée).
23 Toutefois, cet assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence, justifié par le droit à un recours juridictionnel effectif, ne s’applique que pendant la phase précontractuelle, pour autant que le délai d’attente résultant de l’article 175 du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) n 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1) soit respecté.
24 En l’espèce, la décision attaquée, qui a été communiquée à la requérante le 26 novembre 2021, indiquait que le Parlement n’envisageait pas de procéder à la signature du contrat avec l’attributaire du marché avant l’expiration d’une période de dix jours calendaires, à compter du jour qui suivait la date d’envoi de ce courrier. Le délai d’attente a donc débuté le 27 novembre 2021 et a pris fin le 6 décembre 2021 à minuit, avant l’introduction de la demande en référé le 27 janvier 2022. Ainsi, cette demande a été introduite après le délai d’attente.
25 Dans ces conditions, conformément à ce qui a été constaté au point 23 ci‑dessus, l’assouplissement de la condition relative à l’urgence ne s’applique pas.
26 Il importe, toutefois, de relever que le délai d’attente ne peut mettre les intéressés en mesure de contester en justice l’attribution d’un marché avant que le contrat ne soit conclu que si ces intéressés disposent d’éléments suffisants pour déterminer l’existence d’une éventuelle illégalité de la décision d’attribution [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risks & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 47].
27 Eu égard aux exigences du principe de sécurité juridique, cette exception à l’application purement mécanique du délai d’attente doit, cependant, être réservée à des cas de figure exceptionnels dans lesquels le soumissionnaire évincé n’avait aucune raison de considérer que la décision d’attribution du marché était entachée d’illégalité avant la conclusion du contrat avec l’adjudicataire [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risks & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 49].
28 Il convient donc d’examiner si la requérante a disposé d’informations suffisantes pour faire usage du délai d’attente aux fins d’introduire une demande de mesures provisoires avant la conclusion du contrat entre le Parlement et la société attributaire du marché le 14 décembre 2021 [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risks & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 50].
29 En l’espèce, il ressort du dossier que, en date du 3 décembre 2021, le Parlement a transmis à la requérante les informations complémentaires qu’elle lui avait demandées. Il lui a notamment communiqué les notes obtenues par l’attributaire du marché et par la requérante, les résultats de l’évaluation réalisée conformément aux critères d’attribution prévus dans le cahier des charges ainsi que les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre du soumissionnaire attributaire par rapport à l’offre de la requérante. En outre, le 13 décembre 2021, le Parlement a répondu aux griefs soulevés par la requérante dans son courrier du 6 décembre 2021.
30 Ainsi, il convient de constater que, après avoir reçu le 3 décembre 2021 les informations complémentaires demandées, la requérante disposait, dès ce jour, d’éléments suffisants pour introduire une demande en référé.
31 Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que la requérante disposait, dès le 3 décembre 2021, d’éléments suffisants pour introduire une demande en référé, de sorte que l’assouplissement de la condition relative à l’urgence en matière de marchés publics ne saurait être appliqué en l’espèce.
32 Partant, il convient d’analyser si la requérante a établi à suffisance de droit que l’exécution de la décision attaquée engendrerait pour elle un préjudice grave et irréparable au sens de la jurisprudence rappelée au point 15 ci‑dessus.
33 En l’espèce, la requérante allègue que l’attribution du marché à la société attributaire entraîne une perte de revenus grave et difficilement réparable, dans la mesure où le marché en cause représente 58,13 % de son chiffre d’affaires global annuel. En outre, la requérante fait valoir que la perte du marché en cause modifie de manière irrémédiable sa position sur le marché dans la mesure où elle lui fait perdre un marché de référence, de par sa complexité, le nombre d’enfants accueillis et les particularités des conditions d’accueil et d’encadrement. En particulier, la requérante allègue que la perte du marché en cause modifie de manière substantielle ses conditions de fonctionnement tant en termes de personnel qu’en termes d’opérations futures. En effet, en raison de cette perte, d’une part, elle serait contrainte de se séparer d’une partie importante de son personnel disposant d’une solide expérience dans le domaine et, d’autre part, elle devrait renoncer à certains investissements et projets, notamment immobiliers, qui étaient de nature à garantir sa pérennité.
34 Enfin, la requérante invoque la longue durée du marché, à savoir cinq ans, en tant qu’élément préjudiciable. Selon elle, à défaut de mesures provisoires, le Parlement ne serait tenu d’organiser une nouvelle procédure de mise en concurrence concernant la crèche du Wayenberg que dans cinq années. En tout état de cause, il serait peu probable que la possibilité pour le Parlement d’organiser une nouvelle procédure d’appel d’offres permette, à elle seule, de préserver la chance qu’elle avait de se voir attribuer et d’exécuter le marché en cause dans la procédure d’appel d’offres et, par voie de conséquence, d’en tirer les divers bénéfices qui, le cas échéant, en auraient résulté. En effet, ayant perdu un marché de référence, elle ne pourrait dès lors plus se prévaloir à l’avenir de cette référence dans le cadre d’une nouvelle procédure de marché public. De même, étant donné que, dans le cadre de ces appels d’offres, tant les critères de sélection que d’attribution portent sur l’expérience du personnel et sur le chiffre d’affaires annuel, la perte d’une partie de son personnel disposant d’une solide expérience et d’une partie substantielle de son chiffre d’affaires la placerait dans une situation qui ne lui permettrait plus de participer aux procédures de mise en concurrence similaires.
35 De l’avis du Parlement, en revanche, la requérante n’est pas parvenue à établir que la condition relative à l’urgence était remplie.
36 À cet égard, en premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’attribution du marché à la société attributaire entraîne une perte de revenus grave et difficilement réparable, dans la mesure où le marché en cause représente 58,13 % de son chiffre d’affaires global annuel, il y a lieu de relever que la nature du préjudice allégué est d’ordre financier.
37 Or, il est de jurisprudence bien établie qu’un préjudice d’ordre purement financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, justifier l’octroi d’une mesure provisoire, dès lors qu’il peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure, de telles circonstances exceptionnelles étant établies s’il apparaît que, en l’absence d’une telle mesure, la partie qui sollicite la mesure provisoire se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au principal. L’imminence de la disparition du marché constituant effectivement un préjudice tant irrémédiable que grave, l’adoption de la mesure provisoire demandée apparaît justifiée dans une telle hypothèse (voir ordonnance du 9 juin 2010, Colt Télécommunications France/Commission, T‑79/10 R, non publiée, EU:T:2010:228, point 37 et jurisprudence citée).
38 À cet égard, s’agissant de la gravité du préjudice financier invoqué, il est de jurisprudence constante que l’analyse de la gravité d’un tel préjudice doit s’effectuer au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de l’entreprise ainsi que des caractéristiques du groupe auquel elle appartient (voir ordonnance du 21 janvier 2019, Agrochem‑Maks/Commission, T‑574/18 R, EU:T:2019:25, point 34 et jurisprudence citée).
39 Il résulte également de la jurisprudence qu’il appartient à la partie qui sollicite la protection provisoire auprès du juge des référés de fournir les éléments de preuve essentiels permettant à ce dernier d’établir une image fidèle et globale de la situation financière de cette partie ainsi que de celle des actionnaires qui la contrôlent. Ces indications doivent être, d’une part, concrètes et précises ainsi que, d’autre part, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées [voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 20 avril 2012, Fapricela/Commission, C‑507/11 P(R), non publiée, EU:C:2012:231, point 35 et jurisprudence citée].
40 En l’espèce, le seul élément avancé par la requérante consiste dans une déclaration émanant d’elle‑même, produite aux pages 43 et 44 de l’annexe de la demande en référé. Cette déclaration porte, en substance, sur la répartition du chiffre d’affaires de l’exercice 2021.
41 Toutefois, la requérante ne fournit aucun élément de preuve à l’appui de sa déclaration.
42 En outre, il convient de reconnaître que la seule circonstance que le marché en cause représenterait environ 58,13 % de son chiffre d’affaires ne suffit pas pour conclure que l’existence économique de la requérante serait mise en péril.
43 Dès lors, le juge des référés n’est pas en mesure d’établir une image fidèle et globale de la situation financière de la requérante, au sens de la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus.
44 Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la condition relative à l’urgence était remplie en raison d’un risque pour sa viabilité financière.
45 En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la perte du marché en cause modifie de manière irrémédiable sa position sur le marché dans la mesure où elle lui fait perdre un marché unique de référence, il y a lieu de constater, à l’instar du Parlement, qu’une grande partie des marchés publics sont des marchés uniques de référence, en ce qu’ils prévoient des conditions, cherchent à obtenir des services ou sont d’une taille qui ne sont pas tout à fait identiques aux marchés similaires.
46 En outre, il y a lieu d’observer qu’une entreprise qui participe à une procédure de passation de marché n’a jamais la garantie absolue que le marché lui sera adjugé, mais doit toujours tenir compte de l’éventualité de son attribution à un autre soumissionnaire. Dans ces conditions, selon la jurisprudence, les conséquences financières négatives, pour le soumissionnaire évincé, qui découleraient du rejet de son offre font, en principe, partie du risque commercial habituel auquel chaque entreprise active sur le marché doit faire face. Ainsi, le seul fait que le rejet d’une offre puisse avoir des conséquences financières négatives, même graves, pour le soumissionnaire évincé ne saurait donc justifier, en soi, les mesures provisoires demandées par ce dernier (voir ordonnance du 3 juillet 2017, Proximus/Conseil, T‑117/17 R, EU:T:2017:600, point 40 et jurisprudence citée).
47 Il s’ensuit que la perte d’une chance de se voir attribuer et d’exécuter un marché public est inhérente à l’exclusion de la procédure d’appel d’offres en cause et ne saurait être regardée comme constitutive, en soi, d’un préjudice irréparable, d’autant que même un soumissionnaire dont l’offre a été retenue doit s’attendre à ce que le pouvoir adjudicateur, en vertu de l’article 171, premier alinéa, du règlement 2018/1046, procède, avant la signature du marché, à l’annulation de la procédure de passation de marché, sans que les candidats ou les soumissionnaires puissent, en principe, prétendre à une quelconque indemnisation. En effet, avant la signature du marché, le pouvoir adjudicateur peut annuler la procédure d’appel d’offres, sans être tenu d’indemniser le soumissionnaire sélectionné, à moins qu’il n’ait fait naître chez ce dernier la conviction d’obtenir le marché et ne l’ait incité à engager par anticipation des investissements irréversibles (voir ordonnance du 26 janvier 2022, ICA Traffic/Commission, T‑717/21 R, non publiée, EU:T:2022:18, point 40 et jurisprudence citée).
48 Il en est ainsi des conséquences avancées par la requérante qui découleraient du rejet de son offre. En effet, le fait qu’elle soit contrainte de se séparer d’une partie importante de son personnel disposant d’une solide expérience dans le domaine et qu’elle doive renoncer à certains investissements et projets, notamment immobiliers, font partie du risque commercial habituel auquel chaque entreprise active sur le marché doit faire face.
49 En outre, il convient d’observer, ainsi que le Parlement l’a souligné dans ses écritures, qu’il incombait à la requérante, consciente que le contrat avec le Parlement était d’une durée déterminée, de diversifier sa clientèle afin de ne pas être trop dépendante d’un seul client et de ne pas prendre des décisions financières concernant des projets immobiliers en sachant que le contrat avec le Parlement arriverait à échéance le 31 janvier 2022 et qu’il n’existait pas de garantie qu’elle pourrait remplacer cette source de revenu.
50 En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le Parlement ne serait tenu d’organiser une nouvelle procédure de mise en concurrence concernant la crèche du Wayenberg que dans cinq années et que la perte du marché en cause la placerait dans une situation qui ne lui permettrait plus de participer aux procédures d’appel d’offres similaires, il y a lieu d’observer que, ainsi que le Parlement le rappelle dans ses écritures, conformément au point 3.1 du cahier des charges et à l’article I.2 du projet de contrat, la durée initiale du contrat est d’un an, renouvelable tacitement, d’année en année, pour une durée maximale de cinq ans. Une telle durée pour un marché comme le marché en cause ne constitue pas une circonstance exceptionnelle et ne peut donc justifier en soi l’existence d’un préjudice grave et irréparable.
51 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que le caractère grave et irréparable du préjudice invoqué par la requérante n’est pas établi.
52 Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée, à défaut, pour la requérante, d’établir l’urgence, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fumus boni juris, ni de procéder à la mise en balance des intérêts.
53 En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.
Par ces motifs,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
ordonne :
1) La demande en référé est rejetée.
2) Les dépens sont réservés.
Fait à Luxembourg, le 3 mars 2022.
Le greffier | Le président |
E. Coulon | M. van der Woude |
* Langue de procédure : le français.
© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.
BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T4622_CO.html