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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Santos v EUIPO (Forme de presse-agrumes) (Order) French Text [2022] EUECJ T-51/22_CO (29 July 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T5122_CO.html Cite as: ECLI:EU:T:2022:490, EU:T:2022:490, [2022] EUECJ T-51/22_CO |
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ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
29 juillet 2022 (*)
« Recours en annulation – Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un presse-agrumes – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Décision adoptée à la suite de la révocation d’une décision antérieure – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »
Dans l’affaire T‑51/22,
Santos, établie à Vaulx-en-Velin (France), représentée par Me C. Bey, avocate,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Hanf, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et M. P. Zilgalvis (rapporteur), juges,
greffier : M. E. Coulon,
vu la phase écrite de la procédure,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Santos, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 novembre 2021 (affaire R 281/2020‑1) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 3 janvier 2019, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).
3 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel reproduit ci-après :
4 La requérante a revendiqué les couleurs jaune Pantone 1235 C et vert NCS : S 30 50 G 50 Y.
5 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 7 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, après la limitation intervenue devant l’examinateur, à la description suivante : « Presse-agrumes pour professionnels de l’hôtellerie, des bars et de la restauration ».
6 Le 13 décembre 2019, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
7 Le 5 février 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinateur.
8 Par décision du 9 juillet 2021 (ci-après la « décision antérieure »), la première chambre de recours, composée d’un membre unique, conformément à l’article 165, paragraphes 2 et 5, du règlement 2017/1001, a rejeté le recours et renvoyé l’affaire devant l’examinateur pour l’appréciation du caractère distinctif acquis par la marque demandée.
9 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 septembre 2021, la requérante a introduit devant le Tribunal un recours contre la décision antérieure, enregistré sous la référence T‑574/21.
10 Par décision du 26 novembre 2021, la première chambre de recours a révoqué la décision antérieure en application de l’article 103 du règlement 2017/1001. Ladite chambre a considéré que la décision antérieure violait les conditions d’application de l’article 36, paragraphe 1, sous g), du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1) dans la mesure où elle a été adoptée par un membre unique alors même qu’elle ne comportait pas de considérations selon lesquelles le recours était manifestement infondé. Par conséquent, la chambre de recours entendait corriger cette erreur.
11 Par ordonnance du 21 janvier 2022, Santos/EUIPO (Forme de presse-agrumes) (T‑574/21, non publiée, EU:T:2022:34), le Tribunal a constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours introduit par la requérante.
12 Par la décision attaquée, la chambre de recours, composée de trois membres, a rejeté le recours et a décidé de renvoyer l’affaire à l’examinateur pour poursuivre l’examen de la demande subsidiaire, à savoir apprécier l’existence du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée.
13 En substance, la chambre de recours a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour les produits visés par celle-ci en ce que les consommateurs professionnels pertinents ne percevront pas la forme du produit déposée, dans une combinaison de couleurs, comme une indication d’origine desdits produits. En particulier, ladite chambre a estimé que, appliquée aux produits en cause, la marque demandée ne divergeait pas, de manière significative, des caractéristiques des produits de la même catégorie existant sur le marché et prise dans son ensemble, elle ne sera perçue que comme une simple variante des formes similaires des produits en cause. Puis la chambre de recours a mis en exergue qu’une simple divergence de la norme ou des habitudes du secteur n’était pas suffisante afin d’écarter le motif de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
Conclusions des parties
14 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens, y compris les frais exposés lors de la procédure de recours.
15 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
16 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
17 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure, et ce même si une partie a demandé la tenue d’une audience [voir ordonnance du 15 octobre 2020, Lotto24/EUIPO (LOTTO24), T‑38/20, non publiée, EU:T:2020:496, point 10 et jurisprudence citée].
18 À l’appui du recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 165, paragraphes 2 et 5, du règlement 2017/1001, de l’article 36 du règlement délégué 2018/625 et de l’article 7 de la décision 2020-7 du présidium des chambres de recours du 21 juillet 2020 portant sur l’organisation des chambres et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 165, paragraphes 2 et 5, du règlement 2017/1001, de l’article 36 du règlement délégué 2018/625 et de l’article 7 de la décision 2020-7 du présidium des chambres de recours du 21 juillet 2020 portant sur l’organisation des chambres
19 La requérante soutient que la décision attaquée reproduit exactement la même motivation que la décision antérieure révoquée et a été rendue trois jours après la décision de révocation, de sorte que la chambre de recours n’aurait pas procédé à un réexamen collégial effectif, et ainsi n’aurait pas purgé le vice de la décision antérieure. Selon la requérante, la reprise à l’identique, dans la décision attaquée, de la motivation de la décision révoquée violerait l’article 165, paragraphes 2 et 5, du règlement 2017/1001, l’article 36 du règlement délégué 2018/625 et l’article 7 du « présidium des chambres de recours ».
20 L’EUIPO conteste les allégations de la requérante.
21 À cet égard il y a lieu de relever que, étant donné que la décision attaquée a été adoptée par une chambre de recours composée de trois membres, les dispositions invoquées par la requérante, à savoir l’article 165, paragraphes 2 et 5, du règlement 2017/1001, ainsi que l’article 36 du règlement délégué 2018/625 portant sur les affaires relevant de la compétence d’un seul membre ne sont manifestement pas applicables en l’espèce. Il en va de même de l’article 7 de la décision 2020-7 du présidium des chambres de recours du 21 juillet 2020 portant sur l’organisation des chambres qui précise les critères des affaires pouvant être renvoyées à un membre unique et les conditions d’application des dispositions du règlement 2017/1001 et du règlement délégué 2018/625 portant sur cette question. Il s’ensuit que le présent moyen, pour autant qu’il vise la violation desdites dispositions est manifestement inopérant.
22 En ce qui concerne le reproche que la requérante fait à la chambre de recours d’avoir repris « à l’identique » la motivation de la décision antérieure, il convient de constater que la correction de l’erreur manifeste mentionnée au point 10 ci-dessus n’impliquait pas nécessairement de modifier ni le sens de la décision antérieure ni même sa motivation.
23 De surcroît, ainsi que le fait valoir, à juste titre, l’EUIPO, la reprise de la motivation de la décision antérieure ne permet pas par elle-même d’établir un défaut de réexamen de l’affaire en litige.
24 Au vu des considérations qui précèdent, le présent moyen est manifestement dénué de tout fondement en droit.
Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001
25 La requérante soutient que la chambre de recours n’était pas fondée à considérer que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif. Elle considère que l’association des différentes caractéristiques, à savoir une forme spécifique avec une combinaison de couleurs vert-jaune, crée dans son ensemble un produit à l’apparence distinctive et esthétiquement réussie. Ainsi, la marque demandée divergerait de la norme et des habitudes du secteur concerné.
26 S’agissant du public pertinent, la requérante soutient que, en l’espèce, celui-ci est composé de professionnels utilisant un presse-agrumes comme outils de travail dans le cadre de leur activité commerciale et économique quotidienne. Selon elle, ces professionnels seront particulièrement attentifs et sélectifs quant au choix de leurs produits et seront ainsi sensibles à l’ensemble des caractéristiques des produits en cause. Partant, la chambre de recours aurait, de manière erronée, considéré que le public pertinent percevrait la fonctionnalité avant la forme et ne distinguerait pas les produits du marché du fait de leur apparence.
27 S’agissant de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, dans un premier temps, la requérante reproche, à la chambre de recours, d’avoir fait une appréciation erronée des caractéristiques de la marque demandée. Cette dernière serait caractérisée, d’une part, par une forme spécifique, composée d’une cuve cylindrique à section ronde dont le sommet est cerclé d’une couronne annulaire métallique, d’un socle cylindrique à section pseudo carré et d’une collerette tronconique métallique, interposée entre la cuve et le socle et, d’autre part, par une combinaison spécifique de couleurs vives. En s’appuyant sur l’arrêt du 8 mai 2019, VI.TO./EUIPO – Bottega (Forme d’une bouteille dorée) (T‑324/18, non publié, EU:T:2019:297), dont il ressortirait que l’appréciation du caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle ne doit pas passer par la seule analyse de la forme du produit, mais également par celle des autres éléments et caractéristiques telles que les couleurs, la requérante souligne que la forme du signe ne consiste pas en une simple forme géométrique, mais qu’elle a été stylisée et conçue avec de nombreux éléments distinctifs. Ainsi, la présence de la collerette en saillie par rapport au socle et en retrait par rapport à la cuve serait un élément important de différenciation. De même, les couleurs utilisées seraient également un élément d’identification du signe demandé. Enfin, la requérante renvoie aux différents arrêts et décisions de l’EUIPO dans lesquels un caractère distinctif a été reconnu tant à la couleur qu’à la forme d’un produit.
28 Dans un deuxième temps, la requérante fait valoir que la chambre de recours a procédé à une appréciation erronée des divergences entre le signe demandé et les autres produits du marché concerné. Selon la requérante, l’association des différentes caractéristiques qu’elle a identifiées permettrait au produit constituant la marque demandée de s’écarter fortement des autres modèles disponibles sur le marché concerné. La singularité de la forme et des couleurs du presse-agrumes constituant la marque demandée serait confirmée par l’étude de marché mettant en évidence une pluralité de formes et de combinaisons de couleurs dans le secteur des presse-agrumes. En particulier, les caractéristiques de forme et de couleurs de la marque demandée seraient uniques et non répandues, les opérateurs du secteur privilégieraient une forme alignée qui ne serait pas déstructurée et inclinée et ils utiliseraient systématiquement des couleurs sobres et neutres. Ainsi, les différences de la marque demandée par rapport au secteur de référence ne seraient pas « légères » comme l’a considéré la chambre de recours. Elle ajoute qu’aucun des produits relevés par l’examinateur ne se rapproche du signe demandé par la requérante dans la mesure où ces exemples ne reproduisent pas les éléments distinctifs de la marque demandée. Par ailleurs, les modèles relevés par l’examinateur qui sont fabriqués par les sociétés Sunmile et Bartscher constitueraient des imitations des produits de la requérante et ces sociétés seraient poursuivies pour contrefaçon et concurrence déloyale. En outre, même si la chambre de recours a affirmé que le consommateur est habitué à voir des presse-agrumes aux formes retro modernes et/ou hauts en couleurs, aucun des produits cités ne présenterait un tel aspect.
29 Dans un troisième temps, la requérante ajoute que selon la jurisprudence, le simple fait qu’une forme soit une variante de l’une des formes habituelles de ce type de produits ne suffirait pas à établir que ladite marque est dépourvue de caractère distinctif.
30 L’EUIPO conteste les allégations de la requérante.
31 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.
32 Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).
33 La notion d’intérêt général sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 48).
34 Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).
35 Les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30, et du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, points 45 et 46).
36 Par ailleurs, l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne n’est pas subordonné à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique de la part du titulaire de la marque. Il suffit que la marque permette au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services protégés par celle-ci et de les distinguer de ceux d’autres entreprises (arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, EU:C:2004:532, point 41).
37 Conformément à la jurisprudence, plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition (arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 31).
38 Il s’ensuit que, lorsqu’une marque tridimensionnelle est constituée de la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé, le simple fait que cette forme soit une « variante » de l’une des formes habituelles de ce type de produits ne suffit pas à établir que ladite marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Il convient toujours de vérifier si une telle marque permet au consommateur moyen de ce produit, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, le produit concerné de ceux d’autres entreprises (arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 32).
39 Afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y ait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 82 et jurisprudence citée).
40 C’est à la lumière des principes précités qu’il convient d’examiner le présent moyen.
41 S’agissant, en premier lieu, du public pertinent et de son niveau d’attention, la chambre de recours a relevé, à juste titre, que les produits visés par la marque demandée s’adressaient à des professionnels du secteur de l’hôtellerie, des bars et de la restauration et que ce public fera preuve d’un niveau d’attention élevé. Ces considérations ne sont pas remises en cause par la requérante.
42 Toutefois, ainsi que l’a estimé la chambre de recours, le fait que le public ait une attention élevée ne saurait avoir une influence déterminante sur les critères juridiques utilisés pour l’appréciation du caractère distinctif d’un signe.
43 En effet, le seuil de distinctivité nécessaire à l’enregistrement d’une marque ne saurait dépendre du niveau d’attention du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2019, Bayer Intellectual Property/EUIPO (Représentation d’un cœur), T‑123/18, EU:T:2019:95, point 17 et jurisprudence citée].
44 De même, il ressort d’une jurisprudence constante que les principes d’analyse exposés au point 37 ci-dessus, conservent toute leur pertinence lorsque le public en cause est un public spécialisé [voir arrêt du 25 septembre 2014, Peri/OHMI (Forme d’un tendeur à vis), T‑171/12, EU:T:2014:817, point 42 et jurisprudence citée].
45 Quant aux arguments avancés par la requérante à cet égard, force est de constater qu’ils portent sur la perception de la marque demandée par le public pertinent et ainsi visent à remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le public professionnel visé par les produits en cause ne percevra pas la marque demandée comme une indication d’origine. Partant, ces arguments doivent être abordés dans la partie relative à l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée.
46 S’agissant, en second lieu, du caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours, a notamment considéré que, appliqué aux produits en cause, ladite marque ne divergeait pas de façon significative des caractéristiques des produits de la même catégorie existant sur le marché et que partant, elle ne sera perçue que comme une simple variante des formes similaires des produits en cause. En outre, elle a fait valoir qu’il ne suffisait pas que le public puisse reconnaitre les différences entre les différents presse-agrumes, mais qu’il devait être à même de percevoir la variante du presse-agrumes correspondant à la marque demandée comme étant si grande que ledit public la reconnaîtrait comme une indication de l’origine. Or, les différences présentées par le presse-agrumes en cause, tout en étant identifiables, apparaissaient comme des simples variantes de presse-agrumes disponibles sur le marché. À cet égard, la chambre de recours a ajouté qu’en l’absence de conception unique et marquante du presse-agrumes représenté, ce dernier serait vu comme ne présentant que de « simples différences légères » avec les autres produits de ce type.
47 Il y a lieu de relever que, en se référant aux exemples de presse-agrumes cités tant par l’examinateur que par la requérante, la chambre de recours a constaté, au point 29 de la décision attaquée, que certains de ces exemples présentaient précisément des caractéristiques invoquées par la requérante, de sorte que cette dernière ne saurait utilement reprocher à ladite chambre de n’avoir pas pris en compte lesdites caractéristiques.
48 Cette constatation est exempte d’erreur d’appréciation. En effet, plusieurs des exemples de presse-agrumes sur lesquels s’est appuyée la chambre de recours, comportent une cuve cylindrique à section ronde, un socle cylindrique à section pseudo carré, ainsi qu’une collerette interposée entre la cuve et le socle. Il convient d’ajouter, à l’instar de l’examinateur, aux considérations duquel renvoie la chambre de recours, que quatre des exemples relevés présentent un corps légèrement incliné.
49 Partant, la chambre de recours était fondée à considérer que la forme du presse-agrumes correspondant à la marque demandée ne divergeait pas, de manière significative, des habitudes du secteur. Dès lors, l’argument de la requérante doit être écarté.
50 De même, il ne suffit pas que le public puisse reconnaître les différences entre les différents presse-agrumes, ce qui est, en effet, à la portée d’un public spécialisé comme en l’espèce, mais il faut qu’il soit à même de percevoir la variante de presse-agrumes de la requérante, de telle sorte qu’il la reconnaîtra comme une indication de l’origine du produit.
51 À cet égard, il convient également de rappeler que la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale, mais il faut qu’elle se différencie substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et qu’elle n’apparaisse pas comme une simple variante, voire une variante possible de ces formes. En outre, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve du caractère usuel de la forme dans le commerce pour établir le manque de caractère distinctif de la marque demandée [voir arrêt du 25 novembre 2020, Brasserie St Avold/EUIPO (Forme d’une bouteille foncée), T‑862/19, EU:T:2020:561, point 39 et jurisprudence citée].
52 Quant à l’allégation selon laquelle certains des producteurs des modèles des presse-agrumes sur lesquels s’est appuyée la chambre de recours seraient poursuivis pour contrefaçon, il convient de relever que la requérante n’a aucunement étayé cette allégation, de sorte qu’elle ne saurait, en tout état de cause, prospérer.
53 En effet, il convient de rappeler, à l’instar de l’EUIPO, que, conformément à la jurisprudence constante, la présence sur le marché de formes qui seraient de potentielles contrefaçons est sans incidence sur l’évaluation du caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée au regard de sa perception par le public pertinent [voir arrêt du 19 janvier 2022, Tecnica Group/EUIPO – Zeitneu (Forme d’une botte), T‑483/20, non publié, EU:T:2022:11, point 110 et jurisprudence citée].
54 S’agissant des couleurs utilisées, elles doivent certes être prises en compte en tant que caractéristiques d’une marque tridimensionnelle aux fins d’appréciation du caractère distinctif de cette marque comme le soutient la requérante. Toutefois, en l’espèce la chambre de recours a dûment tenu compte des couleurs utilisées, ainsi qu’il ressort des points 29 et 41 de la décision attaquée.
55 À cet égard, elle a notamment relevé que des couleurs « flashy » étaient apposées de manière similaire sur les parties distinctes des presse-agrumes et que la combinaison de couleurs utilisée ne conférait pas un caractère distinctif à la forme du presse-agrumes visé à la demande. Ces couleurs, selon la chambre de recours pourraient notamment faire référence à « la couleur jaune et verte des citriques ».
56 Or, ces considérations sont, de surcroît, exemptes d’erreur d’appréciation. En effet, les couleurs utilisées pouvant faire la référence aux couleurs des agrumes citriques, cet aspect sera perçu comme un élément décoratif par le public pertinent comme l’a également considéré l’examinateur.
57 S’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle les juridictions européennes considèrent de manière constante qu’une combinaison de couleurs désignés de manière abstraite aurait un caractère distinctif à condition que l’agencement des couleurs en question soit prédéterminé et constant, il y a lieu de relever que par son arrêt du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie (C‑49/02, EU:C:2004:384), auquel se réfère la requérante, la Cour a certes considéré que des combinaisons de couleurs peuvent constituer des marques dans les conditions rappelées par la requérante. Toutefois, la Cour a ajouté que cette combinaison de couleurs doit remplir les autres conditions prévues, notamment celles de l’article 7 du règlement 2017/1001, pour être enregistrée en tant que marque (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie, C‑49/02, EU:C:2004:384, point 41). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, de sorte que l’argument de la requérante ne saurait prospérer.
58 Ainsi, au vu de la jurisprudence rappelée au point 37 ci-dessus, la chambre de recours était fondée à considérer que la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif.
59 Ces considérations ne sauraient être valablement remises en cause par les autres arguments de la requérante.
60 Premièrement, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle aucun des exemples présentés par la chambre de recours ne présente l’aspect « retro-moderne » de la marque demandée, il y a lieu de constater qu’indépendamment de la présence de l’aspect invoqué par la requérante, les exemples sur lesquels se sont appuyés tant l’examinateur que la chambre de recours présentent des presse-agrumes dont l’aspect visuel est très proche de la marque demandée. Par ailleurs, s’agissant de l’affirmation selon laquelle des gammes d’appareils électroménagers modernes de style « vintage », « post-industriel », « post-moderne » ou « retro-futuristes » inspirés des modèles du passé, notamment des modèles hauts en couleur des années 1960, sont réintroduites sur le marché depuis plusieurs années, la chambre de recours s’est appuyé sur des faits notoires sans que la requérante les conteste valablement.
61 Deuxièmement, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle le public professionnel serait attentif non seulement aux fonctionnalités utilitaires du produit, mais également à son aspect visuel étant donné que dans le secteur visé il serait nécessaire de concilier la qualité et la rapidité d’exécution avec un environnement de réception plaisant, elle est dénuée de toute pertinence en l’espèce. En effet, ainsi qu’il ressort notamment de la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus ce qui importe est de savoir si le public percevra le signe comme une indication d’origine des produits ou des services. Or, ainsi qu’il a été constaté au point 58 ci-dessus, tel n’est pas le cas en l’espèce.
62 Troisièmement, pour autant que la requérante se réfère aux autres marques tridimensionnelles enregistrées correspondant à la forme du produit, il y a lieu de rappeler, à l’instar de la chambre de recours, qu’il ressort de la jurisprudence que l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union européenne, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration. Eu égard à ces deux derniers principes, l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens (voir arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 et 74 et jurisprudence citée).
63 Cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 75 à 77 et jurisprudence citée).
64 Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été constaté au point 58 ci-dessus, la chambre de recours était fondée à considérer que la présente demande d’enregistrement se heurtait au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Dans ces circonstances, la requérante ne peut pas utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’EUIPO.
65 Quatrièmement, s’agissant du point 34 de l’arrêt du 3 décembre 2003, Nestlé Waters France/OHMI (Forme d’une bouteille) (T‑305/02, EU:T:2003:328), auquel se réfère la requérante, il a été précisé dans la jurisprudence que la prémisse selon laquelle le consommateur moyen est pleinement apte à percevoir la forme de l’emballage des produits concernés comme une indication de l’origine commerciale de ces derniers, pour autant que cette forme présente des caractéristiques suffisantes pour retenir son attention, doit être comprise en ce sens qu’elle vise une situation où la marque tridimensionnelle demandée, constituée par la forme du produit lui‑même ou de son conditionnement, diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur (arrêt du 25 novembre 2020, Forme d’une bouteille foncée, T‑862/19, EU:T:2020:561, point 46). Or, comme constaté précédemment au point 49 ci-dessus, la forme du produit en cause ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur.
66 Cinquièmement, il doit être relevé, à l’instar de l’EUIPO, que dans ses écritures la requérante a commis une erreur dans la citation du point 32 de l’arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI (C‑136/02 P, EU:C:2004:592), rappelée au point 38 ci-dessus. En effet, il a été jugé dans cet arrêt que, lorsqu’une marque tridimensionnelle est constituée de la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé, le simple fait que cette forme soit une « variante » de l’une des formes habituelles de ce type de produits ne suffit pas à établir, non pas, comme le soutient la requérante, que ladite marque est dépourvue de caractère distinctif, mais, au contraire, que ladite marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Partant, toute argumentation que la requérante tire de cette citation inexacte ne saurait prospérer.
67 Sixièmement, il est vrai, comme le rappelle la requérante, qu’un minimum de caractère distinctif suffit pour justifier l’enregistrement d’une marque tridimensionnelle constituée par la forme du produit lui-même. Cependant, en l’espèce, un tel minimum de caractère distinctif fait défaut, de sorte que cette jurisprudence ne saurait être utilement invoquée en l’espèce.
68 Il résulte manifestement de toutes les appréciations qui précèdent qu’aucun des moyens ou griefs invoqués à l’appui du présent recours n’est fondé, de sorte qu’il y a lieu de rejeter ledit recours, dans son ensemble, comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Sur les dépens
69 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
70 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
2) Santos est condamnée aux dépens.
Fait à Luxembourg, le 29 juillet 2022.
Le greffier | La présidente |
E. Coulon | M. J. Costeira |
* Langue de procédure : le français.
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