CDIL (Free movement of goods - Quantitative restrictions on imports - cigarettes - Judgment) French Text [2023] EUECJ C-96/22 (21 December 2023)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/C9622.html
Cite as: ECLI:EU:C:2023:1025, EU:C:2023:1025, [2023] EUECJ C-96/22

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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

21 décembre 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des marchandises – Article 34 TFUE – Restrictions quantitatives à l’importation – Mesures d’effet équivalent – Réglementation nationale limitant la quantité de cigarettes pouvant être mises à la consommation au cours d’une période donnée à un plafond correspondant à la moyenne mensuelle des quantités mises à la consommation durant les douze mois précédents – Article 36 TFUE – Justification – Lutte contre l’évasion fiscale et les pratiques abusives – Protection de la santé publique – Fiscalité – Droits d’accise – Directive 2008/118/CE – Article 7 – Moment de l’exigibilité des droits d’accise – Mise à la consommation des produits soumis à accise – Article 9 – Conditions d’exigibilité et taux d’accise applicable – Dépassement de la limite quantitative applicable – Excédent – Application du taux d’accise en vigueur à la date de présentation de la déclaration d’apurement »

Dans l’affaire C‑96/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal), par décision du 12 janvier 2022, parvenue à la Cour le 11 février 2022, dans la procédure

CDIL – Companhia de Distribuição Integral Logística Portugal S.A.

contre

Autoridade Tributária e Aduaneira,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. Z. Csehi, M. Ilešič (rapporteur), I. Jarukaitis et D. Gratsias, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : Mme L. Carrasco Marco,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mars 2023,

considérant les observations présentées :

–        pour CDIL – Companhia de Distribuição Integral Logística Portugal S.A., par Mes A. Moura Portugal et I. Teixeira, advogados,

–        pour le gouvernement portugais, par Mmes P. Barros da Costa, A. Rodrigues et M. N. Vitorino, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. M. Björkland, Mme I. Melo Sampaio et M. F. Thiran, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 34 TFUE ainsi que des articles 7 et 9 de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (JO 2009, L 9, p. 12).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant CDIL – Companhia de Distribuição Integral Logística Portugal S.A. (ci-après « CDIL »), à l’Autoridade Tributária e Aduaneira (autorité fiscale et douanière, Portugal), au sujet d’un redressement portant sur les droits d’accise dus par CDIL au titre de la mise à la consommation de cigarettes au Portugal.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2008/118

3        Les considérants 2, 8, 9 et 31 de la directive 2008/118 énonçaient :

« (2)      Les conditions relatives à la perception de l’accise sur les produits relevant de la directive 92/12/CEE [du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO 1992, L 76, p. 1)], ci-après dénommés “produits soumis à accise”, doivent rester harmonisées afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.

[...]

(8)      Étant donné qu’il reste nécessaire, pour le bon fonctionnement du marché intérieur, que la notion d’exigibilité de l’accise et les conditions y afférentes soient identiques dans tous les États membres, il importe de préciser au niveau communautaire à quel moment les produits soumis à accise sont mis à la consommation et qui est le redevable de la taxe.

(9)      L’accise étant une taxe à la consommation, aucun droit ne peut être perçu sur des produits soumis à accise qui ont, dans certaines circonstances, été détruits ou irrémédiablement perdus.

[...]

(31)      Il convient que les États membres puissent prévoir que les produits mis à la consommation soient munis de marques fiscales ou de marques nationales de reconnaissance. L’utilisation de ces marques ne devrait entraîner aucune entrave aux échanges intracommunautaires.

Étant donné que l’utilisation de ces marques ne devrait pas entraîner de double charge fiscale, il convient de préciser que tout montant payé ou garanti en vue de l’obtention de ces marques est remboursé, remis ou libéré par l’État membre qui les a délivrées si les droits d’accise sont devenus exigibles et ont été perçus dans un autre État membre.

Toutefois, afin d’éviter tout abus, les États membres qui ont délivré ces marques devraient pouvoir subordonner le remboursement, la remise ou la libération à la présentation de preuves de leur retrait ou de leur destruction. »

4        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2008/118 :

« La présente directive établit le régime général des droits d’accise frappant directement ou indirectement la consommation des produits suivants, ci-après dénommés “produits soumis à accise” :

[...]

c)      les tabacs manufacturés relevant des directives 95/59/CE [du Conseil, du 27 novembre 1995, concernant les impôts autres que les taxes sur le chiffre d’affaires frappant la consommation des tabacs manufacturés (JO 1995, L 291, p. 40)], 92/79/CEE [du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taxes frappant les cigarettes (JO 1992, L 316, p. 8),] et 92/80/CEE [du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taxes frappant les tabacs manufacturés autres que les cigarettes (JO 1992, L 316, p. 10)]. »

5        L’article 2 de la directive 2008/118 prévoyait :

« Les produits soumis à accise sont soumis aux droits d’accise au moment :

a)      de leur production, y compris, le cas échéant, de leur extraction, sur le territoire de la Communauté [européenne] ;

b)      de leur importation sur le territoire de la Communauté. »

6        L’article 7, paragraphes 1 à 3, de cette directive disposait :

« 1.      Les droits d’accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation et dans l’État membre où celle-ci s’effectue.

2.      Aux fins de la présente directive, on entend par “mise à la consommation” :

a)      la sortie, y compris la sortie irrégulière, de produits soumis à accise, d’un régime de suspension de droits ;

b)      la détention de produits soumis à accise en dehors d’un régime de suspension de droits pour lesquels le droit d’accise n’a pas été prélevé conformément aux dispositions communautaires et à la législation nationale applicables ;

c)      la production, y compris la production irrégulière, de produits soumis à accise en dehors d’un régime de suspension de droits ;

d)      l’importation, y compris l’importation irrégulière, de produits soumis à accise, sauf si les produits soumis à accise sont placés, immédiatement après leur importation, sous un régime de suspension de droits.

3.      Le moment de la mise à la consommation est :

a)      dans les situations visées à l’article 17, paragraphe 1, point a) ii), le moment de la réception des produits soumis à accise par le destinataire enregistré ;

b)      dans les situations visées à l’article 17, paragraphe 1, point a) iv), le moment de la réception des produits soumis à accise par le destinataire ;

c)      dans les situations visées à l’article 17, paragraphe 2, le moment de la réception des produits soumis à accise au lieu où s’effectue la livraison directe. »

7        Aux termes de l’article 9 de ladite directive :

« Les conditions d’exigibilité et le taux d’accise à appliquer sont ceux en vigueur à la date de l’exigibilité dans l’État membre où s’effectue la mise à la consommation.

Les droits d’accise sont prélevés, perçus et, le cas échéant, remboursés ou remis selon les modalités établies par chaque État membre. Les États membres appliquent les mêmes modalités aux produits nationaux et aux produits en provenance des autres États membres. »

8        L’article 11, premier alinéa, de la directive 2008/118 disposait :

« Outre les cas visés à l’article 33, paragraphe 6, à l’article 36, paragraphe 5, et à l’article 38, paragraphe 3, ainsi que ceux prévus par les directives visées à l’article 1er, les droits d’accise applicables aux produits soumis à accise qui ont été mis à la consommation peuvent, à la demande d’un intéressé, faire l’objet d’un remboursement ou d’une remise par les autorités compétentes de l’État membre dans lequel les produits concernés ont été mis à la consommation, dans les situations définies par les États membres et selon les conditions fixées par eux afin de prévenir toute forme éventuelle de fraude ou d’abus. »

9        L’article 39, paragraphe 1, et paragraphe 3, premier alinéa, de cette directive énonçait :

« 1.      Sans préjudice de l’article 7, paragraphe 1, les États membres peuvent exiger que les produits soumis à accise soient munis de marques fiscales ou de marques nationales de reconnaissance utilisées à des fins fiscales lors de leur mise à la consommation sur leur territoire, ou, dans les cas prévus à l’article 33, paragraphe 1, premier alinéa, et à l’article 36, paragraphe 1, lors de leur entrée sur leur territoire.

[...]

3.      Sans préjudice des dispositions qu’ils peuvent fixer en vue d’assurer l’application correcte du présent article et d’éviter toute forme de fraude, évasion ou abus, les États membres veillent à ce que les marques fiscales ou marques nationales de reconnaissance visées au paragraphe 1 ne créent pas d’entrave à la libre circulation des produits soumis à accise.

[...] »

10      La directive 2008/118 a été abrogée, avec effet au 13 février 2023, par la directive (UE) 2020/262 du Conseil, du 19 décembre 2019, établissant le régime général d’accise (JO 2020, L 58, p. 4).

11      Aux termes de l’article 8 de cette directive, intitulé « Conditions d’exigibilité et taux d’accise à appliquer » :

« Les conditions d’exigibilité et le taux d’accise à appliquer sont ceux en vigueur à la date de l’exigibilité dans l’État membre où s’effectue la mise à la consommation.

Les droits d’accise sont prélevés, perçus et, le cas échéant, remboursés ou remis selon les modalités établies par chaque État membre. Les États membres appliquent les mêmes modalités aux produits nationaux et aux produits en provenance des autres États membres.

Par dérogation au premier alinéa, en cas de modification des taux des droits d’accise, les stocks de produits soumis à accise déjà mis à la consommation peuvent faire l’objet, le cas échéant, d’une augmentation ou d’une réduction du droit d’accise. »

 Le droit portugais

12      Aux termes de l’article 8 du Código dos Impostos Especiais de Consumo (code des droits d’accise) (ci-après le « CIEC »), intitulé « Exigibilité » :

« 1.      Les droits sont exigibles sur le territoire national au moment de la mise à la consommation des produits visés à l’article 5 ou de la constatation de pertes devant être taxées conformément au présent code.

2.      Le taux de droits à appliquer sur le territoire national est celui qui est en vigueur à la date de l’exigibilité. »

13      L’article 9 du CIEC, intitulé « Mise à la consommation », dispose :

« 1.      Aux fins du présent code, est considérée comme “mise à la consommation” de produits soumis à des droits :

a)      la sortie, y compris la sortie irrégulière, de ces produits, du régime de suspension de droits ;

b)      la détention de ces produits en dehors du régime de suspension de droits sans que les droits dus aient été prélevés ;

c)      la production de ces produits en dehors du régime de suspension de droits sans que les droits dus aient été prélevés ;

d)      l’importation de ces produits, sauf s’ils sont soumis, immédiatement après leur importation, au régime de suspension de droits ;

e)      l’entrée, y compris l’entrée irrégulière, de ces produits sur le territoire national en dehors du régime de suspension de droits ;

f)      la cessation ou la violation des conditions d’un avantage fiscal ;

[...]

2.      Le moment de la mise à la consommation est :

a)      dans le cas de produits circulant, sous un régime de suspension de droits, d’un entrepôt fiscal à destination d’un destinataire enregistré, le moment de la réception de ces produits par ledit destinataire ;

b)      dans le cas de produits circulant, sous un régime de suspension de droits, vers l’un des destinataires visés à l’article 6, paragraphe 1, sous a) à d), le moment de la réception de ces produits par lesdits destinataires ;

c)      dans la situation visée au point f) du paragraphe précédent, le moment de la cessation ou de la violation des conditions de l’avantage fiscal ;

d)      dans la situation visée à l’article 35, paragraphe 4, le moment de la réception des produits au lieu où s’effectue la livraison directe ;

[...] »

14      L’article 106 du CIEC, intitulé « Règles spéciales pour la mise à la consommation », prévoit :

« 1.      La mise à la consommation de cigarettes est soumise à des conditions applicables au cours de la période comprise entre le 1er septembre et le 31 décembre de chaque année civile.

2.      Au cours de la période visée au paragraphe précédent, les mises à la consommation de cigarettes, effectuées mensuellement par chaque opérateur économique, ne peuvent excéder les limites quantitatives, découlant de l’application d’un facteur de majoration de 10 % à la quantité moyenne mensuelle de cigarettes mises à la consommation au cours des [douze] mois immédiatement antérieurs.

3.      Aux fins du paragraphe précédent, le calcul de la moyenne mensuelle est basé sur la quantité totale des mises à la consommation de cigarettes, non exemptées, effectuées entre le 1er septembre de l’année précédente et le 31 août de l’année suivante.

4.      Chaque opérateur économique fournit au bureau de douane compétent, au plus tard le 15 septembre de chaque année, une déclaration initiale indiquant sa moyenne mensuelle et établissant la limite quantitative applicable dans son cas au cours de la période soumise à conditions.

5.      Dans des situations exceptionnelles, dûment justifiées par la modification brusque et limitée dans le temps du volume des ventes, le non-respect desdites limites quantitatives peut être autorisé, bien que celles-ci ne soient pas prises en compte aux fins du calcul de la moyenne mensuelle pour l’année suivante.

6.      Après l’expiration de la période soumise à conditions et au plus tard à la fin du mois de janvier de chaque année, l’opérateur économique fournit au bureau de douane compétent une déclaration d’apurement indiquant la quantité totale de cigarettes effectivement mises à la consommation au cours de la période soumise à conditions.

7.      Les quantités de cigarettes dépassant la limite quantitative visée au paragraphe 4 sont soumises au paiement de la taxe au taux en vigueur à la date du dépôt de la déclaration d’apurement lorsque le dépassement est constaté par la confrontation entre les éléments figurant dans ce document et ceux traités par l’administration, sans préjudice, le cas échéant, de la procédure d’infraction qui s’impose.

8.      Les règles prévues au présent article sont individuellement applicables au Portugal continental, à la région autonome des Açores et à la région autonome de Madère, les obligations prévues aux paragraphes précédents devant être accomplies auprès du bureau de douane où sont traitées les mises à la consommation. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      CDIL, société de droit portugais, est une entreprise active dans le commerce de détail de produits du tabac qui opère en tant qu’entrepositaire agréé par l’autorité fiscale et douanière portugaise dans la région autonome de Madère.

16      Le 15 septembre 2010, CDIL a, conformément à l’article 106, paragraphe 4, du CIEC, déposé auprès du bureau de douane de Funchal (Portugal) une déclaration initiale indiquant la quantité moyenne mensuelle de cigarettes mises à la consommation au cours des douze mois précédents, c’est-à-dire entre le 1er septembre 2009 et le 31 août 2010.

17      Le 22 septembre 2010, le bureau de douane de Funchal a informé CDIL que, sur la base des informations fournies, une limite quantitative mensuelle de 1 644 005 cigarettes avait été fixée pour la période soumise à conditions allant du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2010, calculée conformément à l’article 106, paragraphes 1 et 2, du CIEC.

18      Le 18 novembre 2010, CDIL a demandé, en application de l’article 106, paragraphe 5, du CIEC, l’autorisation de ne pas respecter cette limite quantitative.

19      Le 7 janvier 2011, le bureau de douane de Funchal a rejeté cette demande au motif que le non-respect de la limite quantitative en question n’était pas justifié par une modification brusque et limitée dans le temps du volume des ventes, ainsi que l’exige cette disposition. CDIL a introduit un recours hiérarchique contre cette décision, lequel a également été rejeté.

20      Le 18 janvier 2011, CDIL a, conformément à l’article 106, paragraphe 6, du CIEC, déposé au bureau de douane de Funchal une déclaration d’apurement qui, pour la période allant du 1er septembre au 31 décembre 2010, attestait la mise à la consommation d’une quantité de cigarettes plus de trois fois supérieure à la limite quantitative fixée pour la même période.

21      En application de l’article 106, paragraphe 7, du CIEC, CDIL a fait l’objet d’un redressement des droits d’accise dus d’un montant de 4 607,69 euros, majoré de 1,80 euro, au titre du nombre de cigarettes qu’elle avait mises à la consommation au cours de la période allant du 1er septembre au 31 décembre 2010 et qui dépassait la limite quantitative prévue à l’article 106, paragraphe 2 du CIEC. Conformément à l’article 106, paragraphe 7, du CIEC, le bureau de douane a calculé les droits d’accise dus en appliquant le taux en vigueur à la date de présentation de la déclaration d’apurement.

22      CDIL a contesté ce redressement devant le Tribunal Administrativo e Fiscal do Funchal (tribunal administratif et fiscal de Funchal, Portugal), qui a rejeté ce recours par un jugement du 24 juin 2016.

23      CDIL a interjeté appel de ce jugement devant le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal), qui est la juridiction de renvoi.

24      Devant celle-ci, CDIL, qui ne conteste pas avoir dépassé les limites quantitatives applicables au cours de la période soumise à conditions en cause, soutient que l’article 106 du CIEC n’est pas conforme au droit de l’Union.

25      En effet, d’une part, l’imposition d’une limite légale à la quantité de cigarettes pouvant être mise à la consommation, dans la mesure où elle affecterait surtout, en pratique, les cigarettes originaires d’autres États membres, constituerait une restriction quantitative à l’importation interdite par l’article 34 TFUE, qui ne pourrait être justifiée au titre de l’article 36 TFUE.

26      D’autre part, CDIL soutient que l’application du taux d’accise en vigueur à la date du dépôt de la déclaration d’apurement méconnaît les articles 7 et 9 de la directive 2008/118, desquels il résulterait que les conditions d’exigibilité et le taux applicable sont ceux en vigueur à la date à laquelle le tabac est mis à la consommation.

27      L’autorité fiscale et douanière soutient, pour sa part, que la réglementation en cause au principal n’impose aucune restriction quantitative ni mesure d’effet équivalent susceptible d’entraver la libre circulation des marchandises entre les États membres étant donné qu’elle s’applique indistinctement à tous les opérateurs économiques.

28      Elle fait, en outre, valoir que cette réglementation est conforme à la directive 2008/118 dans la mesure où, en vertu de ladite réglementation, les droits d’accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation, comme l’exigent les articles 7 et 9 de la directive 2008/118.

29      C’est dans ces conditions que le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les limites quantitatives à la mise à la consommation imposées par l’article 106 du CIEC, dans la mesure où elles ont pour effet d’obliger les opérateurs, au cours des quatre derniers mois de chaque année, à mettre sur le marché des quantités n’excédant pas celles équivalentes à la quantité mensuelle moyenne de cigarettes mises à la consommation au cours des douze mois immédiatement antérieurs, peuvent-elles constituer des restrictions quantitatives à l’importation ou des mesures d’effet équivalent au sens de l’article 34 TFUE ?

2)       Le fait de soumettre les quantités de cigarettes excédant la limite quantitative de mise à la consommation visée à l’article 106, paragraphe 2, du CIEC au taux en vigueur à la date de présentation de la déclaration d’apurement, conformément au paragraphe 7 du même article, est-il contraire aux règles d’exigibilité de l’accise introduites par les articles 7 et 9 de la directive [2008/118] ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

30      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 34 et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui prévoit que la quantité de cigarettes mises à la consommation mensuellement par un opérateur économique au cours de la période allant du 1er septembre au 31 décembre de chaque année civile ne doit pas excéder la quantité moyenne mensuelle de cigarettes que cet opérateur a mises à la consommation au cours des douze mois précédents, majorée de 10 %.

31      À titre liminaire, il convient de rappeler que la libre circulation des marchandises entre les États membres est un principe fondamental du traité FUE qui trouve son expression dans l’interdiction, énoncée à l’article 34 TFUE, des restrictions quantitatives à l’importation entre les États membres ainsi que de toutes mesures d’effet équivalent (arrêt du 23 mars 2023, Booky.fi, C‑662/21, EU:C:2023:239, point 32 et jurisprudence citée).

32      Or, d’une part, une mesure telle que celle en cause au principal, qui consiste à imposer des limites quantitatives à la mise à la consommation de cigarettes sur le territoire d’un État membre, ne constitue pas une « restriction quantitative à l’importation », au sens de l’article 34 TFUE, puisqu’elle ne restreint pas les quantités de cigarettes pouvant être importées dans cet État membre.

33      D’autre part, selon une jurisprudence constante, l’interdiction des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation édictée à l’article 34 TFUE vise toute mesure des États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, l’accès au marché d’un État membre de produits originaires d’autres États membres, quand bien même une telle mesure n’aurait ni pour objet ni pour effet de traiter moins favorablement les produits en provenance d’autres États membres (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2023, Booky.fi, C‑662/21, EU:C:2023:239, point 33 et 34 ainsi que jurisprudence citée).

34      En l’occurrence, il convient de relever qu’une mesure telle que celle en cause au principal, consistant à imposer aux opérateurs concernés des limitations à la quantité de cigarettes que ceux-ci peuvent mettre à la consommation, est de nature à les dissuader, ou à rendre moins attrayante à leurs yeux, l’importation, dans l’État membre ayant instauré cette mesure, de cigarettes en quantités supérieures aux limites établies.

35      Dès lors, une telle mesure est, potentiellement, de nature à entraver l’accès, au marché de l’État membre concerné, de cigarettes susceptibles d’être importées d’autres États membres et, partant, elle constitue une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives au sens de l’article 34 TFUE, en principe incompatible avec les obligations résultant de cet article.

36      En vertu d’une jurisprudence constante, une réglementation nationale qui constitue une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives peut néanmoins être justifiée par l’une des raisons d’intérêt général énumérées à l’article 36 TFUE ou par des exigences impératives d’intérêt général. Dans l’un ou l’autre cas, la mesure nationale doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (voir, notamment, arrêt du 23 mars 2023, Booky.fi, C‑662/21, EU:C:2023:239, point 37 et jurisprudence citée).

37      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la mesure en cause au principal vise à éviter que les opérateurs ne procèdent, à un moment où le taux d’accise applicable aux cigarettes l’année suivante est déjà connu, à leur mise à la consommation, au sens de la réglementation nationale en cause au principal, en vue de constituer des stocks importants de cigarettes soumises à un taux d’accise inférieur à celui qui sera applicable cette année, au cours de laquelle elles seront effectivement commercialisées. Ainsi, il apparaît, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que cette mesure tend à lutter contre l’évasion fiscale et à préserver les recettes fiscales de l’État portugais. Selon le gouvernement de cet État membre, cette mesure, en ce qu’elle vise à garantir l’efficacité de la prise d’effet de l’augmentation du taux de taxation des produits du tabac, poursuit également un objectif de santé publique.

38      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier l’institution d’une restriction aux libertés de circulation [arrêt du 27 janvier 2022, Commission/Espagne (Obligation d’information en matière fiscale), C‑788/19, EU:C:2022:55, point 22 et jurisprudence citée].

39      Comme il ressort de l’article 11, premier alinéa, et de l’article 39, paragraphe 3, premier alinéa, ainsi que du considérant 31 de la directive 2008/118, cet objectif, ensemble avec celui de lutte contre les abus éventuels, est d’ailleurs au nombre des objectifs poursuivis par cette directive. Or, la Cour a jugé que la mise à la consommation de paquets de cigarettes en quantités excessives en fin d’année, en prévision d’une hausse du droit d’accise, est susceptible de constituer une forme d’abus que les États membres ont le droit de prévenir par des mesures appropriées (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2017, Commission/Portugal, C‑126/15, EU:C:2017:504, points 59 et 60).

40      En outre, selon une jurisprudence également constante, la protection de la santé des personnes figure parmi les raisons d’intérêt général énumérées à l’article 36 TFUE, la Cour ayant considéré à maintes reprises que la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les biens et les intérêts protégés par le traité (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2016, Deutsche Parkinson Vereinigung, C‑148/15, EU:C:2016:776, point 30).

41      Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il ressort ainsi des éléments portés à la connaissance de la Cour que la réglementation en cause au principal est susceptible de répondre à des raisons impérieuses d’intérêt général de nature à justifier, en principe, une restriction à la libre circulation des marchandises.

42      Ainsi qu’il ressort du point 36 du présent arrêt, il convient encore d’apprécier si une mesure telle que celle en cause au principal est propre à garantir la réalisation de ces objectifs légitimes et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre.

43      À cet égard, il appartient en dernier ressort à la juridiction de renvoi, qui est seule compétente pour apprécier les faits du litige au principal et pour interpréter la réglementation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure cette réglementation satisfait à ces exigences. À cette fin, cette juridiction est tenue d’examiner de manière objective, à l’aide de données statistiques, ponctuelles ou par d’autres moyens, si les éléments de preuve fournis par les autorités de l’État membre concerné permettent raisonnablement d’estimer que les moyens choisis sont aptes à réaliser les objectifs poursuivis ainsi que s’il est possible d’atteindre ces derniers par des mesures moins restrictives de la libre circulation des marchandises (arrêt du 23 mars 2023, Booky.fi, C‑662/21, EU:C:2023:239, point 43 et jurisprudence citée).

44      Toutefois, la Cour, appelée à fournir à cette juridiction une réponse utile, est compétente pour lui donner des indications tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites qui lui ont été soumises, de nature à permettre à ladite juridiction de statuer (arrêt du 23 mars 2023, Booky.fi, C‑662/21, EU:C:2023:239, point 44 et jurisprudence citée).

45      En ce qui concerne, en premier lieu, l’aptitude de la réglementation nationale en cause au principal à atteindre les objectifs invoqués, il convient de relever que celle-ci est de nature à dissuader les opérateurs économiques d’accumuler en fin d’année, dans le but de neutraliser les effets d’une augmentation future du taux d’accise, des cigarettes en réalité destinées à être commercialisées l’année suivante. Inversement, l’absence de limites quantitatives applicables aux cigarettes mises sur le marché au cours de la période soumise à conditions rendrait inefficace la prise d’effet de l’augmentation future du taux de droit d’accise, laquelle entraîne généralement une augmentation du prix de vente au détail des paquets de cigarettes (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2010, Commission/Irlande, C‑221/08, EU:C:2010:113, point 54 et jurisprudence citée) et neutraliserait ainsi, à tout le moins dans une certaine mesure, l’effet dissuasif potentiel d’une telle augmentation pour les consommateurs. Partant, il y a lieu de constater qu’une telle réglementation apparaît appropriée pour atteindre les objectifs de protection de la santé publique et de lutte contre l’évasion fiscale ou les pratiques abusives.

46      En second lieu, s’agissant de l’appréciation de la nécessité d’une mesure telle que celle en cause au principal, il convient de souligner que la santé publique occupe, ainsi qu’il a été rappelé au point 40 du présent arrêt, le premier rang parmi les biens et les intérêts protégés par le traité FUE et qu’il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer cette protection ainsi que de la manière dont ce niveau doit être atteint, de sorte que ceux-ci disposent d’une marge d’appréciation à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2018, CMVRO, C‑297/16, EU:C:2018:141, point 64 et jurisprudence citée).

47      En outre, il y a lieu de relever que l’atteinte portée à la libre circulation des cigarettes par une mesure telle que celle en cause au principal ne paraît pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour que les objectifs poursuivis par cette mesure soient atteints.

48      À cet égard, il convient de relever, d’une part, que la limite quantitative imposée par la réglementation nationale en cause au principal à chaque opérateur économique est déterminée en fonction de la quantité moyenne mensuelle de cigarettes qu’il a mises à la consommation au cours des douze mois précédents, majorée de 10 %, et que cette réglementation ne revêt pas un caractère absolu en ce qu’elle prévoit la possibilité, à l’article 106, paragraphe 5, du CIEC, de déroger à cette limite quantitative, en cas de modification brusque et limitée dans le temps du volume des ventes.

49      D’autre part, si, certes, ladite réglementation prévoit, à l’article 106, paragraphe 7, du CIEC, la possibilité d’engager une procédure d’infraction contre l’opérateur économique qui aurait dépassé la limite quantitative qui lui a été fixée, une telle possibilité n’affecte pas, en elle-même, le caractère proportionné de cette réglementation, pour autant que les sanctions susceptibles d’être infligées à l’issue de cette procédure soient elles-mêmes proportionnées.

50      Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance, invoquée par la requérante au principal, que la réglementation en cause au principal prévoit, par ailleurs, que les paquets de cigarettes, une fois mis sur le marché, ne peuvent plus être commercialisés ni vendus au-delà du troisième mois de l’année suivant celle durant laquelle ils ont été mis à la consommation. En effet, une telle interdiction renforce, tout au contraire, l’efficacité et la cohérence de cette réglementation, en incitant les opérateurs économiques à ne pas procéder, au cours d’une année civile donnée, à la mise à la consommation de quantités excessives de cigarettes en prévision d’une augmentation des droits d’accise au cours de l’année civile suivante (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2017, Commission/Portugal, C‑126/15, EU:C:2017:504, points 66, 72, 78 et 79).

51      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question préjudicielle que les articles 34 et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre qui, afin de lutter contre l’évasion fiscale et les pratiques abusives ainsi que de protéger la santé publique, prévoit que la quantité de cigarettes mises à la consommation mensuellement par un opérateur économique au cours de la période allant du 1er septembre au 31 décembre de chaque année civile ne doit pas excéder la quantité moyenne mensuelle de cigarettes que cet opérateur a mises à la consommation au cours des douze mois précédents, majorée de 10 %.

 Sur la seconde question

52      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 7 et 9 de la directive 2008/118 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle la quantité de cigarettes excédant la limite quantitative de mise à la consommation prévue par cette réglementation est soumise au taux d’accise en vigueur à une date ultérieure à celle de sa mise à la consommation.

53      À titre liminaire, il importe de rappeler que, conformément à son article 1er, paragraphe 1, la directive 2008/118 vise à établir le régime général des droits d’accise frappant directement ou indirectement la consommation des produits soumis à accise, au nombre desquels figurent les tabacs manufacturés et ce, notamment, ainsi qu’il ressort du considérant 8 de cette directive, afin d’assurer que la notion d’exigibilité des droits d’accise et les conditions y afférentes soient identiques dans tous les États membres (arrêt du 9 juin 2022, IMPERIAL TOBACCO BULGARIA, C‑55/21, EU:C:2022:459, point 38 et jurisprudence citée) et, ainsi, de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur par la libre circulation, dans l’Union européenne, des produits concernés (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2022, MONO, C‑326/20, EU:C:2022:7, point 28).

54      En particulier, l’article 2 de la directive 2008/118 dispose que le fait générateur, au sens de cette directive, est constitué par la production, sur le territoire de l’Union, des produits soumis à accise ou par leur importation sur ce territoire (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2022, IMPERIAL TOBACCO BULGARIA, C‑55/21, EU:C:2022:459, point 39 et jurisprudence citée).

55      Toutefois, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de ladite directive, l’exigibilité des droits d’accise survient au moment de la mise à la consommation des produits soumis à accise et dans l’État membre où celle-ci s’effectue.

56      Conformément à l’objectif, énoncé au considérant 8 de la directive 2008/118, d’harmoniser le moment de l’exigibilité des droits d’accise et, ainsi, de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, l’article 7, paragraphe 2, de cette directive énumère les situations donnant lieu à une « mise à la consommation », au sens de ladite directive.

57      Selon l’article 7, paragraphe 2, sous a), de la même directive, cette notion de « mise à la consommation » englobe, notamment, toute sortie, y compris irrégulière, de produits soumis à accise, d’un régime de suspension de droits, défini à l’article 4, point 7, de celle-ci (arrêt du 9 juin 2022, IMPERIAL TOBACCO BULGARIA, C‑55/21, EU:C:2022:459, point 40 et jurisprudence citée).

58      Un tel régime est caractérisé par le fait que les droits d’accise afférents aux produits qui en relèvent ne sont pas encore exigibles, bien que le fait générateur de l’imposition se soit déjà réalisé. Partant, en ce qui concerne les produits soumis à accise, ce régime opère le report de l’exigibilité de celle-ci jusqu’à ce qu’une condition d’exigibilité soit remplie (arrêt du 9 juin 2022, IMPERIAL TOBACCO BULGARIA, C‑55/21, EU:C:2022:459, point 42 et jurisprudence citée).

59      En effet, l’accise étant, comme il est rappelé au considérant 9 de la directive 2008/118, une taxe à la consommation, le moment de survenance de l’exigibilité doit, en principe, se situer au plus près de la date de la consommation du produit soumis à accise (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2022, IMPERIAL TOBACCO BULGARIA, C‑55/21, EU:C:2022:459, point 57 et jurisprudence citée).

60      Dans ce contexte, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 9, premier alinéa, de la directive 2008/118, les conditions d’exigibilité et le taux d’accise à appliquer sont ceux en vigueur à la date de l’exigibilité dans l’État membre où s’effectue la mise à la consommation. L’article 9, second alinéa, de cette directive dispose, en outre, que les droits d’accise sont prélevés, perçus et, le cas échéant, remboursés ou remis selon les modalités établies par chaque État membre.

61      Ainsi, dans la mesure où l’article 9, premier alinéa, de ladite directive renvoie au droit national en vigueur à la date de l’exigibilité des droits d’accise s’agissant, notamment, de la détermination des conditions d’exigibilité de l’accise, cela implique nécessairement que les États membres disposent d’un certain pouvoir réglementaire en la matière (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2017, Commission/Portugal, C‑126/15, EU:C:2017:504, point 61).

62      Cela étant, conformément à l’objectif, poursuivi par la directive 2008/118, d’harmoniser le moment de l’exigibilité des droits d’accise afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, tel que rappelé aux points 53, 55 et 56 du présent arrêt, les « conditions d’exigibilité » mentionnées à l’article 9, premier alinéa, de cette directive doivent nécessairement être distinguées des conditions afférentes à la notion même d’exigibilité, lesquelles, comme l’énonce le considérant 8 de ladite directive, doivent rester identiques dans tous les États membres.

63      Ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 9, premier alinéa, de la même directive, ces dernières conditions tiennent au moment auquel les droits d’accise deviennent exigibles, à l’État membre dans lequel ils doivent être perçus ainsi qu’à la date pertinente pour la détermination du taux d’accise applicable.

64      Il s’ensuit que l’article 9, premier alinéa, de la directive 2008/118 ne saurait être interprété en ce sens qu’il permettrait aux États membres de déroger auxdites conditions, en particulier à celle relative à la date pertinente pour la détermination du taux d’accise applicable.

65      Partant, dès lors que cette disposition prévoit que cette date doit correspondre à la celle de l’exigibilité des droits d’accise et que, ainsi qu’il a été constaté au point 55 du présent arrêt, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2008/118 impose de manière claire et inconditionnelle de rattacher cette exigibilité au moment de la mise à la consommation du produit soumis à ces droits, le taux d’accise applicable doit nécessairement être celui en vigueur au moment de cette mise à la consommation.

66      Ainsi que l’a fait observer M. l’avocat général aux points 52 et 53 de ses conclusions, cette interprétation est confortée par les dispositions du chapitre V de la directive 2008/118, intitulé « Mouvements et imposition des produits soumis à accise après la mise à la consommation », lesquelles prévoient de manière expresse les cas dans lesquels les droits d’accise relatifs à un produit déjà mis à la consommation deviennent exigibles à un moment ultérieur à celui de la mise à la consommation. Ces dispositions régissent les situations dans lesquelles un produit soumis aux droits d’accise ayant fait l’objet d’une mise à la consommation dans un État membre est ensuite déplacé dans un autre État membre. Or, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 53 de ses conclusions, il est constant que la mesure en cause au principal ne relève d’aucune de ces situations.

67      Dès lors, les États membres ne peuvent pas, dans le cadre du régime découlant de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 9, premier alinéa, de la directive 2008/118, telle qu’elle était en vigueur avant qu’elle soit abrogée et remplacée par la directive 2020/262, dont l’article 8, troisième alinéa, modifie, sur ce point, l’article 9 de la directive 2008/118, prévoir que le taux d’accise applicable aux cigarettes mises à la consommation en méconnaissance de la limite quantitative fixée par la réglementation nationale est celui en vigueur à une date ultérieure à celle de leur mise à la consommation.

68      Si, certes, ainsi qu’il a été relevé aux points 38 et 39 du présent arrêt, la directive 2008/118 n’empêche pas les États membres d’adopter des mesures visant à lutter contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels, il n’en demeure pas moins que leur pouvoir réglementaire pour adopter de telles mesures ne saurait être exercé en méconnaissance des dispositions de cette directive et, en particulier, de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 9, premier alinéa, de celle-ci, sous peine de porter atteinte à l’objectif d’harmonisation poursuivi par le législateur de l’Union et exposé, notamment, au considérant 8 de ladite directive.

69      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question préjudicielle que les articles 7 et 9 de la directive 2008/118 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle la quantité de cigarettes excédant la limite quantitative de mise à la consommation prévue par cette réglementation est soumise au taux d’accise en vigueur à une date ultérieure à celle de sa mise à la consommation.

 Sur les dépens

70      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

1)      Les articles 34 et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre qui, afin de lutter contre l’évasion fiscale et les pratiques abusives ainsi que de protéger la santé publique, prévoit que la quantité de cigarettes mises à la consommation mensuellement par un opérateur économique au cours de la période allant du 1er septembre au 31 décembre de chaque année civile ne doit pas excéder la quantité moyenne mensuelle de cigarettes que cet opérateur a mises à la consommation au cours des douze mois précédents, majorée de 10 %.

2)      Les articles 7 et 9 de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle la quantité de cigarettes excédant la limite quantitative de mise à la consommation prévue par cette réglementation est soumise au taux d’accise en vigueur à une date ultérieure à celle de sa mise à la consommation.

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.

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