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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> QC and Others v EUIPO - Wyrebski (RED BRAND CHICKEN) (EU trade mark - Judgment) French Text [2023] EUECJ T-312/22 (06 September 2023) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T31222.html Cite as: EU:T:2023:514, ECLI:EU:T:2023:514, [2023] EUECJ T-312/22 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)
6 septembre 2023 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne tridimensionnelle RED BRAND CHICKEN – Forme d’une boîte rectangulaire blanc et rouge – Cause de nullité absolue – Mauvaise foi – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »
Dans l’affaire T‑312/22,
QC,
QD,
QE,
représentés par Mes A. Suskiewicz et J. Gwiazdowska, avocates,
parties requérantes,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes D. Walicka et M. Chylinska, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Grzegorz Wyrębski, demeurant à Wróblew (Pologne), représenté par Mes A. Skup et K. Pyszków, avocates,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, MM. G. Hesse (rapporteur) et I. Dimitrakopoulos, juges,
greffier : Mme M. Zwozdziak-Carbonne, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 5 mai 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérants, QC, QD, et QE, demandent l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 16 mars 2022 (affaire R 1165/2020‑2) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 9 juillet 2014, les requérants ont présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], pour le signe tridimensionnel suivant :
3 Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29 et 40 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 29 : « Volaille ; volaille [viande] ; viande congelée ; viande conservée » ;
– classe 40 : « Congélation d’aliments ; congélation d’aliments ».
4 La marque a été enregistrée le 24 mars 2016.
5 Le 15 février 2018, l’intervenant, Grzegorz Wyrębski, a présenté une demande en nullité de la marque susmentionnée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.
6 Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était celui visé à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].
7 Le 16 avril 2020, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité et a annulé la marque contestée pour l’ensemble des produits et des services visés au point 3 ci-dessus.
8 Le 9 juin 2020, les requérants ont formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.
9 Par la décision attaquée, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, elle a, premièrement, indiqué qu’il n’était pas contesté que les parties avaient coopéré au cours de la période 2012-2014. Plus particulièrement, QD aurait proposé à l’intervenant une idée commerciale concernant la production et la vente de filets de poulet avec injection. QD disposerait d’un certain savoir-faire commercial et l’intervenant disposerait des capacités de fabrication. Deuxièmement, elle a estimé que les parties étaient des partenaires égaux dans une entreprise commune non écrite. Troisièmement, elle a relevé qu’il n’était pas contesté que l’intervenant utilisait un signe identique pour commercialiser des filets de poulet avec injection (congelé), à savoir un produit identique, en Irlande depuis 2013 et que les requérants en avaient connaissance. Quatrièmement, elle a indiqué qu’il était également incontesté que les requérants avaient tenté d’empêcher l’usage de la marque contestée par l’intervenant à compter de septembre 2014. Cinquièmement, elle a estimé que, dans la mesure où les parties étaient des partenaires égaux dans une entreprise commune non écrite, elles avaient un devoir de confiance l’une envers l’autre et une obligation de loyauté, qui incluait le partage équitable du droit d’utilisation de la marque contestée. Sixièmement, au terme de son appréciation globale, elle a conclu que la division d’annulation avait estimé à juste titre que les requérants avaient agi de mauvaise foi au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.
Conclusions des parties
10 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
11 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérants aux dépens « en cas de participation à l’audience ».
12 L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérants aux dépens.
En droit
13 À titre liminaire, il convient de préciser que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 9 juillet 2014, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a., C‑371/18, EU:C:2020:45, point 49). Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures, comme visant l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, qui a une teneur identique. Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.
14 À l’appui du recours, les requérants soulèvent six moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, le deuxième, de l’incompatibilité des conclusions de la chambre de recours avec l’ordre juridique polonais, le troisième, du fait que l’intervenant est considéré comme un « tiers » au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, le quatrième, de la violation de l’article 56, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, le cinquième, de la violation des articles 31 et 32 du même règlement, et, le sixième, du fait que les décisions de l’EUIPO ont été adressées à une partie irrégulièrement désignée.
15 Dans le cadre du premier moyen, les requérants font valoir que la chambre de recours a violé l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 en ce qu’elle a estimé à tort qu’ils avaient agi de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. À cet égard, selon les requérants, la chambre de recours aurait, en substance, mal qualifié les relations existant entre les parties. Plus particulièrement, les requérants soulignent que durant leur coopération avec l’intervenant, ce dernier n’était que le fabricant du produit et se limitait à y apposer le logo et l’étiquette des requérants. En outre, l’intervenant ne se serait pas impliqué dans le processus de création du signe en cause, mais aurait seulement été informé des projets relatifs à celui-ci. Enfin, les requérants mettent en évidence que seuls eux, et non l’intervenant, avaient eu recours aux services payants du concepteur du signe, lors de chacune de ses modifications.
16 Par ailleurs, les requérants font grief à la chambre de recours de ne pas avoir établi que, en introduisant la demande d’enregistrement de la marque contestée, ils avaient l’intention de nuire aux intérêts de l’intervenant. En effet, selon les requérants, la chambre de recours aurait procédé à un examen incomplet des faits pertinents, en omettant notamment de prendre en compte le fait qu’à la date de la demande, l’intervenant n’était ni un concurrent des requérants, ni le titulaire ou le cotitulaire du droit sur la marque en cause.
17 L’EUIPO fait valoir, en substance, que la chambre de recours a pris en considération toutes les circonstances relatives aux relations entre les parties à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée. Ainsi, l’EUIPO soutient que la chambre de recours n’a pas considéré que le seul but des requérants était d’exclure l’usage de la marque par l’intervenant, mais simplement qu’ils auraient dû procéder au dépôt de la demande à la suite d’un accord commun.
18 L’intervenant conteste, d’abord, l’argument des requérants selon lequel il était uniquement leur fabricant sur commande. Ensuite, il affirme qu’il a coopéré avec les requérants depuis 2012 dans le cadre d’une entreprise commune ayant pour objet la production de filets de poulet congelés et injectés. Enfin, il approuve la conclusion de la chambre de recours selon laquelle lui et les requérants détenaient des droits égaux sur l’usage de la marque contestée, laquelle avait été créée dans le cadre de leur entreprise commune.
Observations liminaires
19 Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque est déclarée lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.
20 La notion de « mauvaise foi », visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, n’est ni définie, ni délimitée, ni même décrite d’une quelconque manière dans la législation [voir arrêts du 11 juillet 2013, SA.PAR./OHMI – Salini Costruttori (GRUPPO SALINI), T‑321/10, EU:T:2013:372, point 19 et jurisprudence citée, et du 8 mars 2017, Biernacka-Hoba/EUIPO – Formata Bogusław Hoba (Formata), T‑23/16, non publié, EU:T:2017:149, point 41 et jurisprudence citée]. Selon la jurisprudence, cette notion ne peut pas être cantonnée à une catégorie limitée de faits particuliers. En effet, l’objectif d’intérêt général de cette disposition, qui consiste à faire échec aux enregistrements de marque abusifs ou contraires aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale, serait compromis si la mauvaise foi ne pouvait être démontrée que dans des circonstances limitativement énumérées [voir arrêt du 21 avril 2021, Hasbro/EUIPO – Kreativni Dogadaji (MONOPOLY), T‑663/19, EU:T:2021:211, point 37 et jurisprudence citée].
21 Néanmoins, il convient d’observer que le juge de l’Union européenne a apporté plusieurs précisions sur la manière dont il convient d’interpréter la notion de « mauvaise foi » au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et d’apprécier l’existence de cette dernière.
22 Alors que, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de « mauvaise foi » suppose la présence d’un état d’esprit ou d’une intention malhonnête, elle doit en outre être comprise dans le contexte du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. À cet égard, les règles sur la marque de l’Union européenne visent, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l’Union, dans lequel chaque entreprise doit, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45, et du 29 janvier 2020, Sky e.a., C‑371/18, EU:C:2020:45, point 74).
23 Par conséquent, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine rappelée au point 22 ci-dessus (arrêts du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 46, et du 29 janvier 2020, Sky e.a., C‑371/18, EU:C:2020:45, point 75).
24 L’intention du demandeur d’une marque est un élément subjectif qui doit cependant être déterminé de manière objective par les autorités administratives et juridictionnelles compétentes. Par conséquent, toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce. Ce n’est que de cette manière que l’allégation de mauvaise foi peut être appréciée objectivement (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 47 et jurisprudence citée).
25 En outre, il convient de rappeler qu’il incombe au demandeur en nullité d’établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque de l’Union européenne était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière [voir arrêt du 8 mai 2014, Simca Europe/OHMI – PSA Peugeot Citroën (Simca), T‑327/12, EU:T:2014:240, point 35 et jurisprudence citée], la bonne foi étant présumée jusqu’à preuve du contraire [arrêt du 13 décembre 2012, pelicantravel.com/OHMI – Pelikan (Pelikan), T‑136/11, non publié, EU:T:2012:689, point 57].
Sur l’appréciation de la mauvaise foi
26 En l’espèce, premièrement, la chambre de recours a, tout d’abord, après avoir analysé le rôle des requérants dans leur relation avec l’intervenant, conclu au point 28 de la décision attaquée que ce rôle va au-delà de celui d’un agent. Ensuite, compte tenu du fait que l’intervenant avait investi des ressources financières dans l’achat de l’équipement spécifique nécessaire à la production des produits concernés et de sa participation, au moins dans une certaine mesure, au processus de création de la marque contestée, elle a constaté au point 29 de la décision attaquée que la relation entre les parties allait au-delà d’un contrat de fabrication, contrairement à ce que prétendent les requérants. Enfin, la chambre de recours a conclu au point 30 de la décision attaquée que les parties étaient des partenaires plus ou moins égaux dans une entreprise commune non écrite.
27 Deuxièmement, au point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, en tant que partenaires égaux dans une entreprise commune non écrite, les parties avaient un devoir de confiance l’une envers l’autre et une obligation de partager équitablement le « goodwill » créé par l’entreprise commune, y compris le partage équitable du droit d’utilisation du signe.
28 Troisièmement, au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que la demande d’enregistrement du signe par les requérants et le droit exclusif qui en découlait violaient l’obligation de confiance et de loyauté que les parties se devaient mutuellement. Elle a indiqué que ceci constituait une pratique commerciale malhonnête et, par conséquent, un acte de mauvaise foi.
29 Compte tenu de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus, il incombait à l’intervenant d’établir les circonstances qui permettraient de conclure que les requérants étaient de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement du signe en cause.
30 À cette fin, dans le cadre de son argumentation devant la chambre de recours, l’intervenant se réfère à une coopération entre lui et les requérants, laquelle pourrait être qualifiée d’agence, sans toutefois avoir signé un contrat de cette forme. Dans son mémoire en réponse, il fait valoir qu’il a participé à la création du signe et qu’il a procédé aux investissements financiers pendant sa coopération avec les requérants. Afin d’étayer ses arguments, l’intervenant a présenté des preuves, notamment, des correspondances électroniques et des factures d’achat des machines.
31 Toutefois, premièrement, il est constant qu’aucun contrat d’agence n’a été signé et, ainsi qu’il a été relevé au point 27 de la décision attaquée, aucune des parties ne peut être clairement qualifiée d’agent de l’autre partie.
32 Deuxièmement, il convient d’observer qu’aucun élément de preuve ne permet de conclure à la participation de l’intervenant aux frais de la création du signe, ainsi que le relèvent les requérants. En outre, aux points 24 et 28 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que ce sont les requérants qui avaient acquis les droits d’auteur pertinents. Enfin, il résulte des échanges de courriels que, d’une part, ce sont les requérants qui ont coopéré avec le responsable de la conception du signe et, d’autre part, toute communication de l’intervenant en ce qui concerne la représentation graphique du signe est faite avec les requérants et non pas avec ledit responsable. Dès lors, en l’espèce, il n’est pas établi que l’intervenant a participé à la création du signe en cause.
33 Troisièmement, les factures d’achat des machines présentées par l’intervenant ne sont pas de nature à prouver que lesdites machines ont été achetées dans le seul but de coopérer avec les requérants, étant observé, à cet égard, que l’intervenant fabriquait également d’autres produits pour le compte d’autres sociétés et sous leur propre marque. En tout état de cause, même dans ce cas, l’engagement de dépenses pour mettre en place des machines pour la production des filets de poulet congelés n’implique pas, en lui-même, l’existence d’une relation commerciale dans laquelle les parties étaient des partenaires égaux.
34 Quatrièmement, le simple fait que la relation entre les parties irait au-delà d’un contrat d’agence et d’un contrat de fabrication ordinaire ne suffit pas davantage, par lui-même, pour établir l’existence d’une relation commerciale dans laquelle les parties seraient des partenaires égaux dans une entreprise commune non écrite. Au demeurant, il convient de relever que, devant les instances de l’EUIPO, l’intervenant n’a pas invoqué l’existence d’une telle entreprise commune.
35 Cinquièmement, ni l’intervenant ni l’EUIPO n’invoquent une quelconque base légale du droit de l’Union ou d’un droit national applicable qui permettrait de qualifier juridiquement la relation commerciale de l’intervenant avec les requérants et d’en déduire l’existence de droits et d’obligations entre eux. En particulier, ils ne font état d’aucune disposition du droit de l’Union ou d’un droit national applicable sur le fondement de laquelle pourrait être établie l’existence d’une « entreprise commune non écrite » et, partant, d’un partenariat commercial égalitaire impliquant une obligation de partage équitable du droit d’utilisation de la marque contestée par les parties.
36 Ainsi, lors de l’audience et en réponse aux questions orales du Tribunal, l’EUIPO s’est borné à mentionner un devoir général de loyauté réciproque entre les partenaires en affaires. Selon l’EUIPO, ce devoir, ainsi que les obligations concrètes qu’il impliquerait, résulteraient de l’essence même des rapports de coopération, ainsi que d’un contrat tacite conclu par les parties. Cependant, cette affirmation n’est assortie d’aucune explication supplémentaire quant à la nature et au fondement juridique précis desdites obligations, pas plus que d’un élément de preuve relatif à la portée précise dudit contrat tacite.
37 Dans ces conditions, l’intervenant n’a pas démontré, et, la chambre de recours n’a pas justifié en quoi le partage des tâches entre les parties et leur coopération établiraient en l’espèce l’existence d’un partenariat égal entre elles dans le cadre d’une entreprise commune non écrite, dont découleraient diverses obligations pour les parties, notamment un devoir de confiance l’une envers l’autre et une obligation de partager équitablement le « goodwill » créé par cette entreprise et le droit d’utilisation du signe en cause.
38 Par conséquent, c’est à tort que la chambre de recours a conclu que la mauvaise foi des requérants était établie.
39 Dès lors, il y a lieu d’accueillir le premier moyen sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant, d’une part, les autres moyens des requérants et, d’autre part, l’irrecevabilité des annexes A.11 et A.12 dans la mesure où le motif d’annulation ainsi retenu de la décision attaquée ne se fonde pas sur lesdites annexes.
40 Par suite, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.
Sur les dépens
41 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
42 L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens et ceux des requérants, conformément aux conclusions de ceux-ci.
43 L’intervenant ayant succombé en ses conclusions, celui-ci supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 16 mars 2022 (affaire R 1165/2020‑2) est annulée.
2) L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par QC, par QD et par QE au cours de la procédure devant le Tribunal.
3) M. Grzegorz Wyrębski supportera ses propres dépens.
Kowalik-Bańczyk | Hesse | Dimitrakopoulos |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 septembre 2023.
Signatures
* Langue de procédure : le polonais.
© European Union
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