BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?
No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!
[Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] | ||
Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
||
You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Zaytsev v Council (Common foreign and security policy - Restrictive measures taken in view of the situation in Belarus - Freezing of funds - Judgment) French Text [2023] EUECJ T-563/21 (08 November 2023) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T56321.html Cite as: [2023] EUECJ T-563/21 |
[New search] [Contents list] [Help]
DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
8 novembre 2023 (*)
« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises en raison de la situation en Biélorussie – Gel des fonds – Restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Inscription des noms des requérants sur les listes des personnes, des entités et des organismes concernés – Obligation de motivation – Droits de la défense – Erreur d’appréciation – Proportionnalité »
Dans les affaires jointes T‑563/21 et T‑564/21,
Alexander Zaytsev, demeurant à Minsk (Biélorussie), représenté par Me A. Shmagin, avocat,
partie requérante dans l’affaire T‑563/21,
Bremino-Grupp TAA, établie à Minsk, représentée par Me A. Shmagin, avocat,
partie requérante dans l’affaire T‑564/21,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme J. Haunold et M. B. Driessen, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen, président, J. Laitenberger et Mme M. Stancu (rapporteure), juges,
greffier : M. L. Ramette, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure, notamment la décision du 23 novembre 2022 portant jonction des affaires T‑563/21 et T‑564/21 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance,
à la suite de l’audience du 14 février 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par leurs recours fondés sur l’article 263 TFUE, les requérants, M. Alexander Zaytsev et Bremino-Grupp TAA, demandent l’annulation de la décision d’exécution (PESC) 2021/1002 du Conseil, du 21 juin 2021, mettant en œuvre la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie (JO 2021, L 219 I, p. 70), et du règlement d’exécution (UE) 2021/997 du Conseil, du 21 juin 2021, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2021, L 219 I, p. 3), en tant que ces actes (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») les concernent.
Antécédents du litige
2 Bremino-Grupp TAA est une société à responsabilité limitée de droit biélorusse.
3 M. Alexander Zaytsev est un homme d’affaires en Biélorussie qui détient un tiers des parts de Bremino-Grupp.
4 La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives adoptées par l’Union européenne depuis 2004, en raison de la situation en Biélorussie en ce qui concerne la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme. Ainsi qu’il ressort des considérants des actes attaqués, elle est plus spécifiquement liée, premièrement, aux élections présidentielles du 9 août 2020 qui ont été jugées incompatibles avec les normes internationales et ternies par l’oppression visant les candidats indépendants et la répression exercée de manière brutale contre des manifestants pacifiques à la suite de ce scrutin ; deuxièmement, à l’escalade des violations graves des droits de l’homme en Biélorussie et de la violente répression qui s’abat sur la société civile, l’opposition démocratique et les journalistes ainsi que sur les personnes appartenant à des minorités nationales ; troisièmement, à l’atterrissage forcé du vol Ryanair à Minsk (Biélorussie), le 23 mai 2021, au préjudice de la sécurité aérienne, ainsi qu’à la détention par les autorités biélorusses de M. Raman Pratassevitch et de Mme Sofia Sapega.
5 Le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 18 mai 2006, sur le fondement des articles [75 et 215 TFUE], le règlement (CE) no 765/2006, concernant des mesures restrictives à l’encontre du président Lukashenko et de certains fonctionnaires de Biélorussie (JO 2006, L 134, p. 1), et, le 15 octobre 2012, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2012/642/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2012, L 285, p. 1).
6 Le critère sur le fondement duquel ont été adoptées les mesures restrictives individuelles à l’égard des requérants est prévu, d’une part, à l’article 3, paragraphe 1, sous b), et, d’autre part, à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642, de même qu’à l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006, dans leurs versions en vigueur au moment de l’adoption des actes attaqués.
7 L’article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 prévoit l’interdiction d’entrée et de passage en transit sur le territoire de l’Union européenne aux personnes qui profitent du régime du président Lukashenko ou le soutiennent.
8 L’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 et l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006, lequel renvoie à la première disposition, prévoient le gel de tous les fonds et ressources économiques des personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui profitent du régime du président Lukashenko ou le soutiennent, ainsi que des personnes morales, entités ou organismes qu’ils détiennent ou contrôlent.
9 Par les actes attaqués, les noms des requérants ont été inscrits sur les listes des personnes, entités et organismes visés par les mesures restrictives qui figurent à l’annexe de la décision 2012/642 et à l’annexe I du règlement no 765/2006 (ci-après, prises ensemble, les « listes en cause »).
10 Le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives visant M. Zaytsev en l’identifiant comme « [h]omme d’affaires, copropriétaire de [Bremino‑Grupp] et de Sohra Group » et par les motifs suivants :
« [Alexander Zaytsev] est l’ancien assistant de [Viktor Lukashenko], fils et ancien conseiller en matière de sécurité nationale [du président Lukashenko]. Grâce à son accès à la famille [Lukashenko], [M. Zaytsev] obtient des contrats lucratifs pour ses entreprises. Il est le propriétaire de Sohra Group qui s’est vu octroyer une licence d’exportation pour les productions des entreprises d’État (tracteurs, camions) vers les pays du Golfe et l’Afrique. Il est également copropriétaire de [Bremino‑ Grupp]. Cette entreprise a reçu des aides de l’État pour développer la zone “Bremino‑Orsha”, ainsi qu’un certain nombre d’avantages financiers, fiscaux et autres. [M. Zaytsev] et les autres copropriétaires [de Bremino‑Grupp] ont reçu le soutien de [Viktor Lukashenko].
Il tire donc profit du régime [du président Lukashenko] et le soutient. ».
11 En ce qui concerne Bremino-Grupp, le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives visant celle-ci par les motifs suivants :
« [Bremino‑Grupp] est à l’initiative du projet de zone économique spéciale “Bremino‑Orsha” dont [elle] est [co-administratrice], et qui a été créé par décret présidentiel signé par [le président Lukashenko]. Cette entreprise a reçu des aides de l’État pour développer la zone “Bremino‑Orsha”, ainsi qu’un certain nombre d’avantages financiers, fiscaux et autres. Les propriétaires de “Bremino‑Orsha” – [Alexander Zaytsev], [Mikalai Varabei] et [Aliaksey Aleksin] – appartiennent au cercle restreint des hommes d’affaires liés [au président Lukashenko] et entretiennent des relations étroites avec [le président Lukashenko] et sa famille.
[Bremino‑Grupp] tire donc profit du régime [du président Lukashenko]. ».
12 Par lettre du 22 juin 2021, le Conseil a informé Bremino-Grupp de l’adoption des actes attaqués et de la possibilité de présenter, avant le 30 novembre 2021, une demande de réexamen de l’inscription de son nom sur les listes en cause.
13 Le 22 juin 2021, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes et entités auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives prévues dans les actes attaqués (JO 2021, C 244, p. 15). Par cet avis, les personnes et entités concernées ont notamment été informées du fait qu’elles pouvaient envoyer au Conseil une demande de réexamen de l’inscription de leurs noms sur les listes en cause.
14 Il ne ressort pas du dossier que les requérants aient présenté de demande de réexamen.
Conclusions des parties
15 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les actes attaqués en tant qu’ils les concernent ;
– condamner le Conseil aux dépens.
16 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter les recours ;
– condamner les requérants aux dépens ;
– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les mesures restrictives adoptées à l’encontre des requérants, ordonner le maintien des effets de la décision d’exécution 2021/1002 en ce qui concerne les requérants jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2021/997 prenne effet.
En droit
17 Au soutien de leurs recours, les requérants invoquent quatre moyens tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’erreurs de faits et d’appréciation, le troisième, d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective et, le quatrième, du caractère disproportionné des actes attaqués.
18 Il convient d’examiner d’abord les premier et troisième moyens, qui sont inhérents à la légalité externe des actes attaqués, et ensuite les deuxième et quatrième moyens.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
19 Les requérants soutiennent, en substance, que la motivation de l’inscription de leurs noms sur les listes en cause est vague et insuffisamment précise, de sorte qu’elle n’est pas conforme aux exigences prévues à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Les requérants ne seraient pas en mesure de comprendre les raisons de cette inscription, ni sur lequel des critères généraux d’inscription celle-ci repose et il ne serait pas possible pour le Tribunal d’exercer son contrôle sur le bien-fondé de la motivation des actes attaqués en ce qui les concernent.
20 En outre, dans l’affaire T‑563/21, M. Zaytsev fait valoir que le Conseil s’est fondé plutôt sur une suspicion générale due à sa participation en tant qu’entrepreneur dans Bremino-Grupp et que les autres motifs sont trop généraux et reposent de toute évidence sur des sources non fiables, car ils ne correspondent pas à la réalité.
21 Dans l’affaire T‑564/21, Bremino-Grupp fait valoir que le Conseil mentionne seulement de façon très vague des avantages financiers, fiscaux et d’obscurs autres avantages qu’elle aurait obtenus de la part des autorités biélorusses. En outre, un lien supposé entre l’entreprise et le président Lukashenko et sa famille est allégué, sans référence à la façon dont ces liens supposés auraient favorisé Bremino-Grupp et conduit à ce qu’elle tire profit du régime du président Lukashenko.
22 Le Conseil conteste l’argumentation des requérants.
23 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une forme substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cet acte. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond dudit acte, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 96 et jurisprudence citée).
24 Il s’ensuit que les arguments des requérants se rapportant à la légalité au fond des actes attaqués, à savoir d’une part, que le Conseil n’aurait pas démontré, dans le cas de Bremino-Grupp, la façon dont le lien supposé entre l’entreprise et le président Lukashenko et sa famille aurait favorisé Bremino-Grupp et conduit à ce qu’elle tire profit du régime du président Lukashenko (voir point 21 ci-dessus) et, d’autre part, qu’une partie des motifs d’inscription sur les listes en cause repose sur des sources non fiables, car ils ne correspondent pas à la réalité dans le cas de M. Zaytsev (voir point 20 ci-dessus), ne peuvent être pris en considération dans l’examen du premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, mais doivent l’être dans celui du deuxième moyen, tiré d’erreurs de fait et d’appréciation.
25 Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE et par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications des mesures prises aux fins d’en apprécier le bien-fondé et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 50, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 47 et jurisprudence citée).
26 La motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne doit pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Sberbank of Russia/Conseil, T‑732/14, EU:T:2018:541, point 97 et jurisprudence citée).
27 Toutefois, la motivation exigée par l’article 296 TFUE et par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2020, Rosneft e.a./Conseil, C‑732/18 P, non publié, EU:C:2020:727, point 77 et jurisprudence citée).
28 Ainsi, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Sberbank of Russia/Conseil, T‑732/14, EU:T:2018:541, point 93 et jurisprudence citée).
29 Il s’ensuit que, afin de déterminer si les actes attaqués satisfont à l’obligation de motivation, il y a lieu de vérifier si le Conseil a exposé de manière compréhensible et suffisamment précise, dans les motifs énoncés dans ces actes, les raisons l’ayant conduit à considérer que l’inscription des noms des requérants sur les listes en cause était justifiée au regard des critères juridiques applicables (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Chyzh e.a./Conseil, T‑276/12, non publié, EU:T:2015:748, point 119).
30 D’abord, il y a lieu de considérer que le contexte dans lequel se sont inscrites les mesures restrictives prises à l’encontre des requérants était connu de ceux-ci. Il suffit de relever à cet égard que, dans leurs requêtes, les requérants exposent eux-mêmes avec précision l’évolution législative qui a conduit, dans un premier temps, à sanctionner les dirigeants politiques de Biélorussie ainsi que les fonctionnaires responsables des répressions et des violations des droits de l’homme puis, dans un second temps, à étendre les mesures restrictives à d’autres catégories de personnes et d’entités, dont celles qui soutenaient le régime du président Lukashenko ou en profitaient.
31 Ensuite, quant aux raisons pour lesquelles des mesures restrictives frappent concrètement les requérants, il convient de rappeler qu’il ressort du point 10 ci-dessus que le nom de M. Zaytsev a été inscrit sur les listes en cause pour plusieurs raisons, à savoir, premièrement, il serait l’ancien assistant de Viktor Lukashenko, deuxièmement, il aurait obtenu des contrats lucratifs pour ses entreprises grâce à son accès à la famille du président Lukashenko, troisièmement, il serait le propriétaire de Sohra Group, laquelle se serait vu octroyer une licence d’exportation pour les productions d’entreprises d’État (tracteurs, camions) vers les pays du Golfe et de l’Afrique, et, quatrièmement, il serait également copropriétaire de Bremino-Grupp, laquelle aurait reçu des aides de l’État pour développer la zone économique spéciale « Bremino-Orsha » (ci-après la « ZES Bremino-Orsha »), ainsi qu’un certain nombre d’avantages financiers, fiscaux et autres, et M. Zaytsev et les autres copropriétaires de Bremino-Grupp auraient reçu le soutien de Viktor Lukashenko, le fils du président Lukashenko. Les actes attaqués indiquent enfin explicitement que le Conseil déduit de l’ensemble de ces motifs que M. Zaytsev tirerait profit du régime du président Lukashenko et le soutiendrait.
32 Quant à Bremino-Grupp, ainsi qu’il ressort du point 11 ci-dessus, son nom a été inscrit sur les listes en cause au motif que, premièrement, elle serait à l’initiative du projet de la ZES Bremino-Orsha qui a été créée par un décret du président Lukashenko et dont elle serait gérante, deuxièmement, elle aurait reçu des aides de l’État pour développer cette zone, ainsi qu’un certain nombre d’avantages financiers, fiscaux et autres et, troisièmement, ses propriétaires, MM. Zaytsev, Varabei et Aleksin, appartiendraient au cercle restreint des hommes d’affaires liés au président Lukashenko et entretiendraient des relations étroites avec ce dernier et sa famille. Le Conseil en déduit, de manière explicite dans les actes attaqués, que Bremino-Grupp tirerait profit du régime du président Lukashenko.
33 En l’espèce, en premier lieu, il importe de souligner qu’il ressort de façon claire et non équivoque de l’exposé des motifs des actes attaqués que le critère général d’inscription applicable était celui mentionné aux points 6 à 8 ci-dessus. En effet, les actes attaqués précisent explicitement que les noms des requérants ont été inscrits sur les listes en cause en raison du fait qu’ils ont été considérés comme des personnes et des entités qui tirent profit du régime du président Lukashenko ou le soutiennent.
34 En second lieu, il convient de noter que, contrairement à ce que prétendent les requérants, la motivation des actes attaqués fournit des raisons précises et concrètes de l’inscription de leurs noms sur les listes en cause.
35 En effet, en ce qui concerne Bremino-Grupp, ces raisons se rapportent à la position particulière de cette entreprise dans le cadre de la ZES Bremino-Orsha dont elle est co-administratrice, compte tenu du fait que, premièrement, elle a été à l’initiative du projet de ladite zone, laquelle a été créée par décret du président Lukashenko, deuxièmement, elle a reçu des aides de l’État ainsi qu’un certain nombre d’avantages de nature financière, fiscale et autres pour développer la ZES Bremino-Orsha et, troisièmement, ses propriétaires appartiennent au cercle restreint des hommes d’affaires liés au président Lukashenko et entretiennent des relations étroites avec ce dernier et sa famille.
36 En ce qui concerne M. Zaytsev, les motifs d’inscription se rapportent, d’une part, à sa relation avec la famille du président Lukashenko, notamment le fils de ce dernier, Viktor, et, d’autre part, aux avantages que ses entreprises, notamment Sohra Group et Bremino-Grupp, ont reçus de la part du régime.
37 Dès lors que la lecture de la motivation des mesures restrictives prises à leur égard par les actes attaqués a permis aux requérants de comprendre les raisons pour lesquelles leurs noms avaient été inscrits sur les listes en cause et que le Tribunal est en mesure d’exercer son contrôle sur le bien-fondé de cette motivation, il doit être conclu que le Conseil s’est acquitté de l’obligation prévue par l’article 296 TFUE et par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte.
38 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments des requérants selon lesquels la motivation des actes attaqués ne serait pas claire en raison de l’utilisation des concepts prétendument indéfinis tels que « cercle restreint des hommes d’affaires liés [au président] Lukashenko », dans le cas de Bremino-Grupp, ou « accès à la famille Lukashenko » et « obtention de contrats lucratifs pour ses entreprises », dans le cas de M. Zaytsev. À cet égard, il y a lieu de constater que les requérants ont compris ce qui leur est reproché, dès lors qu’ils ont formulé des arguments contestant le bien-fondé des affirmations comprises dans les motifs d’inscription les concernant selon lesquelles, d’une part, les propriétaires de Bremino-Grupp appartiendraient au cercle restreint des hommes d’affaires liés au président Lukashenko et entretiendraient des relations étroites avec celui-ci et sa famille et, d’autre part, M. Zaytsev aurait obtenu des contrats lucratifs pour ses entreprises grâce à son accès à la famille du président Lukashenko.
39 Il découle de ce qui précède que les actes attaqués sont motivés à suffisance de droit.
40 Partant, le premier moyen doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense des requérants et de leur droit à une protection juridictionnelle effective
41 Les requérants font valoir, en substance, que le Conseil n’a pas respecté leurs droits de la défense et leur droit à une protection juridictionnelle effective ainsi les principes consacrés à l’article 41, paragraphe 2, sous a), et à l’article 47 de la Charte. Ils allèguent ne pas avoir reçu de notification préalable du Conseil pour les informer de la décision de les inclure dans le champ d’application des mesures restrictives adoptées par les actes attaqués, et encore moins des motifs et preuves étayant ceux-ci.
42 Les requérants n’ayant eu connaissance des mesures infligées qu’après leur entrée en vigueur, ils n’auraient donc jamais eu la possibilité de se défendre. À cet égard, ils soutiennent que la publication des actes attaqués au Journal officiel de l’Union européenne ne constitue pas une alternative comparable et ne suffit pas pour garantir les droits susmentionnés.
43 Le Conseil conteste les arguments des requérants.
44 Il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense comporte notamment le droit d’être entendu, qui est consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée).
45 Dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur une liste figurant à l’annexe d’un acte imposant des mesures restrictives, le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les éléments dont dispose cette autorité à l’encontre de ladite personne pour fonder sa décision, afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union. Lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l’égard des motifs retenus à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111 et 112).
46 À cet égard, le juge de l’Union distingue, d’une part, l’inscription initiale du nom d’une personne sur les listes imposant des mesures restrictives et, d’autre part, le maintien du nom de cette personne sur lesdites listes (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2015, Al-Chihabi/Conseil, T‑593/11, EU:T:2015:249, point 40).
47 S’agissant d’un premier acte par lequel les fonds d’une personne ou d’une entité sont gelés, le Conseil n’est pas tenu de communiquer au préalable à la personne ou à l’entité concernée les motifs sur lesquels cette institution entend fonder l’inclusion initiale de son nom dans la liste des personnes et entités dont les fonds sont gelés. En effet, une telle mesure, afin de ne pas compromettre son efficacité, doit, par sa nature même, pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer immédiatement. Dans un tel cas, il suffit, en principe, que l’institution procède à la communication des motifs à la personne ou à l’entité concernée et ouvre le droit à l’audition de celle-ci concomitamment avec ou immédiatement après l’adoption de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61).
48 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 12 ci-dessus, le Conseil a informé Bremino-Grupp de l’adoption des actes attaqués par lettre du 22 juin 2021, qui indiquait que cette dernière pouvait soumettre au Conseil une demande de réexamen de la décision de l’inclure dans les listes en cause, en y joignant des pièces justificatives, avant le 30 novembre 2021. En outre, il résulte de l’annexe B.1 du mémoire en défense dans l’affaire T‑564/21 que la notification régulière de ladite lettre a été confirmée.
49 En ce qui concerne M. Zaytsev, il y a lieu de relever, certes, que les actes attaqués ne lui ont pas été notifiés individuellement par le Conseil par une communication à son adresse personnelle.
50 Toutefois, il ressort de la jurisprudence que le Conseil peut être considéré comme étant dans l’impossibilité de communiquer individuellement à une personne physique ou morale ou à une entité un acte comportant des mesures restrictives la concernant soit lorsque l’adresse de cette personne ou entité n’est pas publique et ne lui a pas été fournie, soit lorsque la communication envoyée à l’adresse dont le Conseil dispose échoue, en dépit des démarches qu’il a entreprises, avec toute la diligence requise, afin d’effectuer une telle communication (arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 61).
51 En l’espèce, d’une part, il convient de constater que le Conseil a fait valoir qu’il ne disposait pas, au moment de l’adoption des actes attaqués, de l’adresse de M. Zaytsev, ce qui n’est pas contesté par ce dernier. Dès lors, celui-ci ne saurait reprocher au Conseil d’avoir violé ses droits de la défense ou son droit à une protection juridictionnelle effective par un défaut de notification individuelle des actes attaqués.
52 D’autre part, il y a lieu de noter que, malgré l’absence de notification individuelle des actes attaqués, leur publication au Journal officiel de l’Union européenne a permis à M. Zaytsev d’introduire un recours en annulation devant le Tribunal. En outre, il n’a invoqué aucun argument concret tendant à démontrer que l’absence de notification individuelle aurait rendu sa défense plus difficile dans le cadre de la présente procédure.
53 Par ailleurs, à la suite de l’analyse du premier moyen, il a été conclu que les actes attaqués étaient motivés à suffisance de droit (voir point 39 ci‑dessus).
54 Or, il a été jugé que, lorsque des informations suffisamment précises, permettant à l’intéressé de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour ce dernier de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause. La communication spontanée des éléments du dossier constituerait effectivement une exigence excessive, étant donné qu’il n’est pas certain, au moment de l’adoption d’une mesure restrictive, de gel des fonds ou autre, que la personne visée entende vérifier, par le biais de l’accès au dossier, les éléments de fait sous‑tendant les allégations retenues à sa charge par le Conseil (arrêt du 22 avril 2015, Tomana e.a./Conseil et Commission, T‑190/12, EU:T:2015:222, point 192).
55 Il convient donc de considérer que les requérants ont disposé d’informations suffisamment précises, comme l’exige la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus, et que, dès lors, il leur incombait de demander eux-mêmes, s’ils le souhaitaient, la communication des éléments de preuve les concernant sur lesquels le Conseil s’était fondé. Ainsi qu’il ressort du point 14 ci-dessus, les requérants n’ont pas contesté auprès du Conseil leur inscription initiale sur les listes en cause, laquelle a été communiquée par lettre s’agissant de Bremino-Grupp et par l’avis publié au Journal officiel de l’Union européenne du 22 juin 2021 s’agissant de M. Zaytsev, ni n’ont demandé la communication des éléments de preuve les concernant sur lesquels le Conseil s’était fondé.
56 En conclusion, rien dans les arguments des requérants exposés dans leurs requêtes à l’appui du troisième moyen ne démontre que le Conseil a violé leurs droits de la défense ou leur droit à une protection juridictionnelle effective en ce qui concerne les actes attaqués par lesquels les mesures restrictives qui les visent ont été adoptées.
57 Partant, le troisième moyen doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de fait et d’appréciation
58 Dans le cadre de leur deuxième moyen, les requérants soutiennent, en substance, que l’ensemble des motifs retenus par le Conseil pour justifier leur inscription sur les listes en cause reposent sur des suppositions et non sur une base factuelle suffisamment solide.
59 Le Conseil conteste l’argumentation des requérants.
60 À titre liminaire, il convient de rappeler, en premier lieu, que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne ou d’une entité sur les listes des personnes visées par des mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne ou cette entité, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).
61 Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).
62 C’est, en effet, à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).
63 Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).
64 Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 12 février 2020, Kanyama/Conseil, T‑167/18, non publié, EU:T:2020:49, point 93 et jurisprudence citée).
65 En outre, le juge de l’Union peut aussi se fonder, tant à charge qu’à décharge, sur un élément produit par le requérant au cours de la procédure judiciaire. En effet, le fait qu’un élément ait été communiqué en tant qu’élément à décharge par la personne visée par les mesures restrictives n’empêche pas que cet élément lui soit éventuellement opposé pour constater le bien-fondé des motifs sous-tendant les mesures restrictives prises à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑166/18, non publié, EU:T:2020:50, point 124 et jurisprudence citée).
66 Enfin, quant à la fiabilité et à la force probante des éléments de preuve, y compris ceux provenant de sources numériques, il convient de rappeler que l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et que le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 224, et du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 107 (non publié)].
67 En second lieu, eu égard à la nature préventive des mesures restrictives en cause, si, dans le cadre de son contrôle de la légalité de la décision attaquée, le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs d’inscription est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi un fondement suffisant pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 130).
68 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, les motifs d’inscription des noms des requérants sur les listes en cause reposent sur un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir qu’ils tirent profit du régime du président Lukashenko ou le soutiennent.
69 À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort des points 10 et 11 ci-dessus que plusieurs motifs justifiant l’inscription des noms des requérants sur les listes en cause sont, en substance, communs. En effet, en premier lieu, les allégations qui sous-tendent les motifs d’inscription du nom de Bremino-Grupp selon lesquelles cette entreprise, d’une part, aurait été à l’initiative du projet de la ZES Bremino-Orsha, dont elle est co-administratrice et qui a été créée par décret présidentiel signé par le président Lukashenko et, d’autre part, aurait reçu des aides de l’État pour développer cette ZES, ainsi qu’un certain nombre d’avantages financiers, fiscaux et autres sont, en substance, identiques aux allégations qui sous-tendent les motifs d’inscription du nom de M. Zaytsev selon lesquelles ce dernier serait copropriétaire de Bremino‑Grupp, laquelle aurait reçu des aides de l’État pour développer la ZES Bremino-Orsha, ainsi qu’un certain nombre d’avantages financiers, fiscaux et autres.
70 En second lieu, les allégations qui sous-tendent les motifs d’inscription du nom de Bremino-Grupp sur les listes en cause et selon lesquelles ses propriétaires – MM. Zaytsev, Varabei et Aleksin – appartiendraient au cercle restreint des hommes d’affaires liés au président Lukashenko et entretiendraient des relations étroites avec ce dernier et sa famille sont, en ce qui concerne M. Zaytsev, en substance, semblables aux allégations selon lesquelles ce dernier serait l’ancien assistant de Viktor Lukashenko, fils et ancien conseiller en matière de sécurité nationale du président Lukashenko, et M. Zaytsev et les autres copropriétaires de Bremino‑Grupp auraient reçu le soutien de Viktor Lukashenko. En effet, ces allégations sont, en substance, relatives à la proximité des propriétaires de Bremino-Grupp, dont M. Zaytsev, avec le président Lukashenko et des membres de sa famille.
71 Il y a lieu d’examiner, d’abord et ensemble pour les deux requérants, les allégations susmentionnées qui sous-tendent les motifs d’inscription communs aux deux requérants.
Sur les allégations relatives à l’implication de Bremino-Grupp, dont M. Zaytsev serait l’un des copropriétaires, dans la ZES Bremino-Orsha
72 En premier lieu, il convient de constater que les requérants ne contestent pas que Bremino-Grupp, dont les propriétaires, MM. Zaytsev, Varabei et Aleksin, détiennent chacun un tiers des actions, gère la ZES Bremino-Orsha sur le territoire de laquelle elle a construit un complexe industriel et logistique multimodal, conformément au décret no 334 du 21 juillet 2015 du président de la Biélorussie « [s]ur la création d’un complexe industriel et logistique multimodal ». Il est également constant entre les parties que, en vertu du décret no 106 du 21 mars 2019 du président de la Biélorussie « [s]ur la création de la [ZES] “Bremino‑Orsha” » (ci-après le « décret no 106 de 2019 »), cette zone est soumise à un régime juridique spécial, notamment en ce qui concerne les taxes, les règlements douaniers, le régime foncier ainsi que d’autres particularités relatives à la réglementation par l’État de l’activité économique sur son territoire.
73 En outre, s’agissant de la création de la ZES Bremino‑Orsha, il convient de noter que les requérants confirment dans leurs écritures que cette zone a été créée à l’initiative de Bremino-Grupp et indiquent que cette dernière a participé aux consultations avec les autorités biélorusses en vue de la création de la ZES Bremino‑Orsha.
74 Interrogés à ces égards lors de l’audience par le Tribunal, les requérants ont indiqué que Bremino-Grupp avait conçu le projet d’investissement visant la construction du complexe industriel et logistique multimodal dans la région de Vitebsk qui est devenu ultérieurement la ZES Bremino-Orsha.
75 Il s’ensuit que le Conseil n’a pas commis d’erreur de fait ou d’appréciation en considérant que Bremino-Grupp a été à l’initiative du projet de la ZES Bremino-Orsha et que cette dernière avait été créée par décret du président Lukashenko.
76 En second lieu, s’agissant de l’allégation selon laquelle Bremino-Grupp aurait reçu des aides de l’État pour développer la ZES Bremino-Orsha ainsi qu’un certain nombre d’avantages financiers, fiscaux et autres, les requérants soutiennent, en substance, que le régime spécial qui s’applique sur le territoire de cette zone ne révèle aucune faveur accordée à Bremino-Grupp par le régime du président Lukashenko.
77 En effet, selon la législation biélorusse, un décret du président de la Biélorussie en vue de la création d’une zone économique spéciale serait adopté sur la base d’une proposition soumise par le gouvernement. En outre, des avantages fiscaux et douaniers correspondant à ces zones pourraient être créés. Enfin, aucun avantage financier, notamment sous la forme de versements effectifs financés par le budget de l’État biélorusse, de subventions ou encore de prêts, n’aurait été accordé à Bremino-Grupp.
78 En ce qui concerne les avantages que Bremino-Grupp aurait reçus dans le cadre du développement de la ZES Bremino-Orsha, il y a lieu de rappeler que les requérants ne contestent pas que cette zone est soumise à un régime juridique spécial, notamment en ce qui concerne les taxes, les règlements douaniers, le régime foncier ainsi que d’autres particularités relatives à la réglementation par l’État de l’activité économique sur son territoire et que donc Bremino-Grupp bénéficie de tous ces avantages accordés au moyen de ressources de l’État.
79 En outre, il importe de noter que les éléments de preuve produits par le Conseil dans le document WK 6190/2021 INIT attestent que Bremino-Grupp est la principale bénéficiaire du régime juridique spécial de la ZES Bremino-Orsha. Ainsi, l’article publié le 16 janvier 2019 sur le site Internet « naviny.by » cite les conclusions en ce sens de l’économiste biélorusse Yaroslav Romanchuk et la publication intitulée « Playing the enemies : Belarus finds in between EU and Russian sanctions regimes » (Jouer avec les ennemis : La Biélorussie se retrouve entre les régimes de sanctions de l’UE et de la Russie) et publiée en septembre 2020 par l’Institut finnois des affaires internationales, selon lesquelles le décret no 106 de 2019 a accordé plusieurs avantages financiers et fiscaux additionnels à Bremino-Grupp dans la ZES Bremino-Orsha.
80 Pour ce qui est de l’argument des requérants selon lequel la ZES Bremino‑Orsha n’est pas une faveur spéciale accordée uniquement à Bremino-Grupp dès lors que les avantages prévus par le décret no 106 de 2019 seraient accordés à tout investisseur dans la ZES Bremino‑Orsha, il convient de constater ce qui suit. Premièrement, le rôle de Bremino-Grupp dans la ZES Bremino-Orsha ne se limite pas à celui d’un simple investisseur. Ainsi qu’il a déjà été constaté au point 73 ci-dessus, la ZES Bremino-Orsha a été développée à l’initiative de Bremino-Grupp, qui en est également la société gérante, et cette dernière a participé aux consultations en vue de sa création. Deuxièmement, ainsi qu’il a été constaté au point 79 ci-dessus, il ressort du dossier que Bremino-Grupp est la principale bénéficiaire du régime juridique spécial de la ZES Bremino-Orsha. La circonstance que d’autres investisseurs puissent également bénéficier des avantages prévus par ce régime pour tous les résidents de la ZES Bremino-Orsha ne remet pas en cause ce constat. Tel est d’autant plus le cas que le nombre de résidents de cette zone est limité. En effet, si la requérante indique que deux résidents s’y trouvent actuellement, le site Internet de la ZES Bremino-Orsha, géré par Bremino-Grupp et produit en tant qu’élément de preuve no 6 du document WK 6190/2021 INIT, mentionne seulement un résident, à savoir Bremino-Grupp. Troisièmement, contrairement à ce qu’invoque la requérante, ces constats ne sont pas contredits par le décret no 106 de 2019. Ledit décret prévoit plusieurs avantages spécifiques pour Bremino-Grupp en tant que société gérante de la ZES Bremino‑Orsha. Un exemple en est le financement des salaires et d’autres paiements à ses employés par un fonds établi en vertu du décret no 106 de 2019.
81 Il s’ensuit que le Conseil n’a pas commis d’erreur de fait ou d’appréciation en retenant que Bremino-Grupp, dont M. Zaytsev est l’un des copropriétaires, a reçu des aides de l’État pour développer la ZES Bremino-Orsha, ainsi qu’un certain nombre d’avantages financiers, fiscaux et autres.
82 Compte tenu de ce qui précède, il convient de conclure que les allégations selon lesquelles Bremino-Grupp, dont M. Zaytsev est l’un des copropriétaires, a été à l’initiative du projet de la ZES Bremino-Orsha qui a été créée par décret du président Lukashenko et a reçu des aides de l’État pour développer la ZES Bremino-Orsha ainsi qu’un certain nombre d’avantages financiers, fiscaux et autres, ne sont pas entachées d’erreur d’appréciation de la part du Conseil.
Sur les allégations relatives à la proximité des propriétaires de Bremino-Grupp, dont M. Zaytsev, avec le président Lukashenko et des membres de sa famille
83 Il convient d’examiner ensemble l’allégation selon laquelle les propriétaires de Bremino-Grupp, dont M. Zaytsev, appartiendraient au cercle restreint des hommes d’affaires liés au président Lukashenko et entretiendraient des relations étroites avec ce dernier et sa famille et celle selon laquelle M. Zaytsev serait l’ancien assistant de Viktor Lukashenko.
84 En ce qui concerne les liens des propriétaires de Bremino-Grupp, à savoir les hommes d’affaires MM. Zaytsev, Varabei et Aleksin, avec le président Lukashenko et sa famille, notamment le fils de ce dernier, Viktor, il convient de relever que la publication intitulée « Playing the enemies : Belarus finds in between EU and Russian sanctions regimes » citée au point 79 ci‑dessus mentionne ces trois hommes d’affaires comme étant d’anciens collègues du fils du président Lukashenko, Viktor.
85 En outre, l’article publié le 27 juin 2019 sur le site Internet « udf.by » et produit en tant qu’élément de preuve no 3 dans le document WK 6190/2021 INIT décrit les copropriétaires de Bremino-Grupp comme étant proches du régime du président Lukashenko.
86 Pour ce qui concerne plus particulièrement M. Zaytsev, il convient de constater qu’il ne nie pas avoir travaillé dans une administration dont Viktor Lukashenko était le directeur.
87 Certes, il avance que cette circonstance ne fait pas automatiquement de lui l’ancien assistant de Viktor Lukashenko, ce dernier n’ayant jamais été son supérieur hiérarchique direct. Par ailleurs, M. Zaytsev souligne que cette collaboration remonte à plus de dix ans.
88 Toutefois, il convient de relever que plusieurs éléments de preuve produits par le Conseil attestent que, contrairement à ce qu’il soutient, M. Zaytsev a été l’assistant de Viktor Lukashenko, fils aîné et conseiller du président Lukashenko pour la sécurité nationale, dans une administration dont Viktor Lukashenko était le directeur.
89 En effet, M. Zaytsev est décrit comme tel dans les articles de presse contenus dans les éléments de preuve nos 3, 5, 6, 7, 11 et 12 du document WK 7411/2021 REV 1 et dans les éléments de preuve nos 1 et 2 du document WK 6189/2021 INIT.
90 Certes, M. Zaytsev conteste la fiabilité, de manière générale, des éléments de preuve présentés par le Conseil et, en particulier, de l’article publié sur le site Internet « by.tribuna.com », le 3 novembre 2020, produit en tant qu’élément de preuve no 2 du document WK 6189/2021 INIT, dans la mesure où il ne se fonderait que sur des sources indirectes provenant d’autres médias pour affirmer qu’il serait un ancien assistant de Viktor Lukashenko.
91 Toutefois, il y a lieu de relever, d’une part, que l’article publié sur le site Internet « occrp.org » le 10 mars 2021, produit par le Conseil en tant qu’élément de preuve no 5 du document WK 7411/2021 REV 1, révèle que la source de cette information provient d’un ancien fonctionnaire de l’administration du président Lukashenko dont l’anonymat a été conservé pour des raisons de sécurité.
92 D’autre part, afin de contredire cette allégation, M. Zaytsev se borne à contester avoir été l’assistant ou le conseiller personnel de Viktor Lukashenko et que ce dernier ait été son supérieur hiérarchique direct, sans toutefois étayer cette allégation par des éléments de preuve permettant de remettre en cause ceux produits par le Conseil, par exemple, afin de vérifier l’identité de son supérieur hiérarchique direct pendant la période pertinente.
93 Par ailleurs, il convient également de souligner que, pour vérifier l’exactitude matérielle du fait que M. Zaytsev a été un ancien assistant de Viktor Lukashenko, il n’est pas nécessaire que le Conseil démontre qu’il a occupé un poste ayant pour intitulé « assistant » ou « conseiller personnel » de celui-ci, mais, ainsi qu’il découle de la jurisprudence rappelée aux points 63 et 66 ci-dessus, cette vérification doit être faite au regard des informations et éléments de preuve pertinents dont la force probante doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des observations présentées par la personne concernée à leur sujet.
94 À cet égard, il convient de rappeler que M. Zaytsev confirme dans ses écritures avoir travaillé dans une administration dirigée par Viktor Lukashenko, ce qui est par ailleurs étayé par les extraits de son livret de travail annexés à la requête dans l’affaire T‑563/21, lesquels indiquent qu’il a travaillé en tant que chef de la « division visant à assurer l’activité de conseiller du président pour la sécurité nationale » à compter de 2009 jusqu’à ce qu’il quitte la fonction publique en 2012. En outre, M. Zaytsev ne conteste pas que, pendant cette période, le conseiller du président pour la sécurité nationale était Viktor Lukashenko.
95 S’agissant de l’argument de M. Zaytsev selon lequel sa collaboration avec Viktor Lukashenko dans l’administration publique, dont ce dernier était le dirigeant, remonterait à plus de dix ans, il convient de constater que, certes, la jurisprudence a précisé que, prises isolément, les anciennes fonctions d’une personne visée par des mesures restrictives ne sauraient justifier l’inscription du nom de cette dernière sur des listes de personnes et d’entités visées par des mesures restrictives. Toutefois, la circonstance qu’une personne visée par les mesures restrictives ait cessé ses anciennes fonctions n’implique pas, à elle seule, que ces fonctions sont dénuées de pertinence, dans la mesure où ses activités passées pourraient influencer son comportement. À cet égard, si le Conseil entendait se fonder sur les activités passées de ladite personne, il lui incomberait en effet d’avancer des indices sérieux et concordants permettant raisonnablement de considérer que cette dernière maintient des liens avec le dirigeant de la structure qui l’employait à la date d’adoption de l’acte attaqué, justifiant l’inscription de son nom sur les listes, après la cessation de ses activités au sein de cette structure (voir, par analogie, arrêt du 24 novembre 2021, Assi/Conseil, T‑256/19, EU:T:2021:818, point 128 et jurisprudence citée).
96 Or, en l’espèce, il convient de constater qu’il ressort des éléments de preuve indiqués aux points 84 et 85 ci-dessus que le Conseil a présenté des indices sérieux et concordants, au sens de la jurisprudence rappelée au point 95 ci-dessus, permettant raisonnablement de considérer que la proximité de M. Zaytsev avec le fils du président Lukashenko, Viktor, ne s’est pas limitée à la période durant laquelle les deux hommes ont travaillé dans la même structure gouvernementale dont Viktor Lukashenko était le dirigeant, mais qu’elle a continué à exister jusqu’à la date de l’adoption des actes attaqués.
97 En ce qui concerne l’allégation selon laquelle M. Zaytsev et les autres copropriétaires de Bremino‑Grupp auraient reçu le soutien de Viktor Lukashenko, il convient de constater que l’élément de preuve cité au point 85 ci-dessus atteste que, en 2018, MM. Zaytsev, Varabei et Aleksin ont personnellement présenté le projet de la ZES Bremino-Orsha au président Lukashenko en présence du fils de ce dernier, Viktor, qui les avait soutenus. Cet élément est également confirmé par les informations contenues dans l’élément de preuve no 1 du document WK 6190/2021 INIT.
98 Certes, les requérants contestent la proximité des copropriétaires de Bremino-Grupp avec le régime du président Lukashenko. Toutefois, les requérants confirment la présentation du projet de la ZES Bremino-Orsha au président Lukashenko et Bremino-Grupp indique qu’il est fréquent que, lorsqu’ils espèrent un soutien de l’État, les promoteurs de grands projets les présentent aux personnes qui peuvent prendre l’initiative de l’adoption de texte de loi en ce sens.
99 Partant, le Conseil n’a pas commis d’erreur de fait ou d’appréciation en considérant, d’une part, que les trois propriétaires de Bremino-Grupp, dont fait partie M. Zaytsev, appartiennent au cercle restreint des hommes d’affaires liés au président Lukashenko, entretiennent des relations étroites avec lui et sa famille et qu’ils ont reçu le soutien de Viktor Lukashenko et, d’autre part, que M. Zaytsev est l’ancien assistant de ce dernier.
Sur le point de savoir si les allégations qui sous-tendent les motifs d’inscription communs des requérants démontrent qu’ils tirent profit du régime du président Lukashenko ou soutiennent celui-ci
100 Il ressort des points 82 et 99 ci-dessus que c’est sans commettre d’erreur de fait ou d’appréciation que le Conseil a pu considérer, premièrement, que Bremino-Grupp, dont M. Zaytsev est l’un des copropriétaires, a été à l’initiative du projet de la ZES Bremino-Orsha qui a été créée par décret du président Lukashenko et a reçu des aides de l’État pour développer cette ZES ainsi qu’un certain nombre d’avantages financiers, fiscaux et autres, deuxièmement, que ses propriétaires appartiennent au cercle restreint des hommes d’affaires liés au président Lukashenko, entretiennent des relations étroites avec lui et sa famille et ont reçu le soutien de Viktor Lukashenko, et, troisièmement, que M. Zaytsev est l’ancien assistant de ce dernier.
101 Pour établir que ces éléments justifient l’adoption de mesures restrictives à l’égard des requérants dans les actes attaqués, le Conseil se réfère au document WK 8225/2021 INIT. Il fait valoir en substance que, dans un pays comme la Biélorussie, la position des requérants dans l’économie de ce pays et l’ampleur de leurs activités laquelle, en outre, a considérablement augmenté au cours des dernières années, compte tenu, également, des contacts des requérants avec le régime du président Lukashenko, ne sont pas possibles sans l’aval du régime.
102 À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de noter que Bremino‑Grupp est l’un des plus grands prestataires de services dans le domaine de la logistique en Biélorussie, ce qui est confirmé par la description faite de cette dernière dans les éléments de preuve présentés par le Conseil, notamment l’élément de preuve no 5 du document WK 8225/2021 INIT selon lequel cette société est devenue le plus grand opérateur logistique en Biélorussie.
103 Quant à M. Zaytsev, il conteste, certes, la description dans les éléments de preuve du Conseil selon laquelle il est l’un des hommes d’affaires les plus influents et les plus riches en Biélorussie. Toutefois, force est de constater que plusieurs éléments de preuve provenant de différentes sources dans le dossier du Conseil concordent sur le fait que M. Zaytsev est un homme d’affaires non seulement prospère, mais également influent, qui a connu une ascension rapide dans le monde des affaires en Biélorussie.
104 En deuxième lieu, il convient de souligner qu’il ressort des éléments de preuve présentés par le Conseil, notamment l’élément de preuve no 1 du document WK 6190/2021 INIT, que la ZES Bremino-Orsha est un très vaste complexe industriel et logistique multimodal qui est désigné comme le « nouveau centre de croissance économique » dans le district d’Orsha. La ZES Bremino-Orsha intègre, comme le confirment les requérants eux-mêmes, la construction d’installations pour des entreprises industrielles d’une surface totale d’au moins 2 000 hectares, d’usines d’une surface minimale totale d’au moins 2 000 mètres carrés, d’au moins deux bâtiments administratifs d’une surface minimale totale de 5 000 mètres carrés, d’un hôtel d’au moins 50 chambres, d’un complexe de stockage d’une surface totale d’au moins 50 000 mètres carrés et comprenant au moins 500 places de stationnement pour poids lourds, ainsi que d’autres infrastructures techniques et de transport nécessaires, et des équipements assurant le fonctionnement du complexe logistique et industriel multimodal. Situé dans une zone géographique dans laquelle se croisent les deux plus grandes routes nationales biélorusses, qui est traversée par une ligne ferroviaire internationale et à proximité d’un aéroport, le projet inclut, outre un terminal de transport routier, également la construction d’un terminal ferroviaire, ainsi qu’aérien.
105 En outre, il ressort des éléments de preuve présentés par le Conseil que, lors de sa création, la ZES Bremino‑Orsha était la deuxième zone économique spéciale du pays après celle dénommée « Great Stone ».
106 En troisième lieu, force est de constater que, pour la mise en œuvre du projet de complexe industriel et logistique multimodal qui est ultérieurement devenu la ZES Bremino-Orsha et, en particulier, afin d’octroyer le statut de zone économique spéciale au territoire de cette zone, les requérants avaient besoin de l’accord des autorités. Or, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’indiqué au point 72 ci-dessus, la création du complexe industriel et logistique multimodal qui est ultérieurement devenu la ZES Bremino-Orsha et, ensuite, l’octroi du statut de zone économique spéciale à ce complexe ont été approuvés par décret du président Lukashenko. En outre, interrogés à cet égard par le Tribunal lors de l’audience, les requérants ont confirmé que si, certes, selon la législation biélorusse, plusieurs organes étatiques, tant au niveau local que gouvernemental, peuvent intervenir dans le processus décisionnel menant à l’adoption d’un décret présidentiel, toutefois, la décision relative à la création d’une zone économique spéciale et à la détermination des avantages octroyés dans ce cadre relève de la compétence exclusive du président Lukashenko par le biais de l’adoption d’un décret.
107 En quatrième lieu, il importe de souligner que les circonstances de la création de la ZES Bremino‑Orsha telles qu’exposées aux points 73 et 74 ci-dessus sont révélatrices de la proximité de Bremino-Grupp avec le régime du président Lukashenko et de ses bons contacts avec les autorités et entreprises publiques.
108 En dernier lieu, il convient de rappeler la proximité des propriétaires de Bremino‑Grupp avec le président Lukashenko et sa famille, en particulier son fils Viktor, telle qu’elle a été constatée aux points 83 à 99 ci-dessus.
109 L’ensemble de ces éléments doit être pris en considération à la lumière des conditions dans lesquelles des activités économiques sont exercées en Biélorussie.
110 En effet, les pièces produites par le Conseil au sujet des conditions dans lesquelles des activités économiques sont exercées en Biélorussie peuvent être prises en compte dans le cadre de l’examen des éléments de preuve non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent, conformément à la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus.
111 En l’espèce, les éléments de preuve présentés par le Conseil relatifs à la situation économique en Biélorussie démontrent que, sous le régime du président Lukashenko, l’économie biélorusse se caractérise par le contrôle exercé par le régime tant sur le secteur public que sur le secteur privé et par un système qui récompense la loyauté envers le régime.
112 À cet égard, plusieurs éléments de preuve contenus dans les documents WK 8225/2021 INIT et WK 6190/2021 INIT, à savoir la publication du centre d’analyse des politiques européennes du site Internet « cepa.org » le 30 juillet 2020, l’article publié sur le site Internet « naviny.belsat.eu » le 15 octobre 2015, l’article publié sur le site Internet « news.tut.by » le 13 décembre 2016, l’article publié sur le site Internet « en.belapan.by » le 9 juillet 2020, l’article publié sur le site Internet « russian.rt.com » le 22 mars 2016, ainsi que le rapport de l’Institut finnois des affaires internationales publié en septembre 2020, concordent sur le fait que l’exercice d’activités économiques significatives n’est possible qu’avec l’aval du régime du président Lukashenko. Parmi ces articles, le rapport de l’Institut finnois des affaires internationales mentionne M. Zaytsev comme l’un des hommes d’affaires dont les activités bénéficient d’un tel aval, et désigne Bremino‑Grupp comme une entreprise clé dans l’économie biélorusse ayant reçu de multiples avantages de la part de l’État en 2018 et 2019, notamment par le biais du décret no 106 de 2019.
113 En outre, dans l’affaire T‑563/21, d’autres extraits pertinents de l’article du site Internet « cepa.org », produit par le Conseil en tant qu’élément de preuve no 2 du document WK 7411/2021 REV 1, détaillent le rôle de M. Zaytsev comme l’un des oligarques les plus influents en Biélorussie.
114 Il ressort également de ces éléments de preuve que les activités des hommes d’affaires biélorusses les plus influents dépendent fortement du régime du président Lukashenko et que, pour acquérir une telle position, il est nécessaire d’appartenir à un groupe restreint de personnes de confiance proches de celui-ci. Par ailleurs, la perte du soutien du président Lukashenko entraîne non seulement une perte d’influence, mais également des répressions pouvant viser les individus considérés par ce dernier comme ne faisant plus partie de ces personnes de confiance.
115 Il s’ensuit que, à la lumière du contexte décrit aux points 110 à 114 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a estimé que les circonstances selon lesquelles, premièrement, Bremino-Grupp a été à l’initiative du projet de la ZES Bremino-Orsha, dont elle est co-administratrice et qui a été créée par décret présidentiel signé par le président Lukashenko, deuxièmement, elle a reçu des aides de l’État pour développer la ZES Bremino-Orsha, ainsi qu’un certain nombre d’avantages financiers, fiscaux et autres et troisièmement, les propriétaires de Bremino-Grupp – MM. Zaytsev, Varabei et Aleksin – appartiennent au cercle restreint des hommes d’affaires liés au président Lukashenko et entretiennent des relations étroites avec ce dernier et sa famille, constituaient un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir que Bremino-Grupp tire profit du régime du président Lukashenko.
116 C’est également sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a considéré que, à la lumière du contexte décrit aux points 110 à 114 ci-dessus, les circonstances selon lesquelles M. Zaytsev est un homme d’affaires qui, premièrement, a été assistant du fils du président Lukashenko, Viktor, deuxièmement, est copropriétaire de Bremino-Grupp, laquelle a reçu des aides de l’État pour développer la ZES Bremino-Orsha, ainsi qu’un certain nombre d’avantages financiers, fiscaux et autres et, troisièmement, il a reçu, tout comme les autres copropriétaires de Bremino-Grupp, le soutien de Viktor Lukashenko, le fils du président Lukashenko, constituaient un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir que M. Zaytsev tire profit du régime du président Lukashenko.
117 Partant, les motifs d’inscription communs des requérants indiqués au point 69 ci-dessus sont étayés à suffisance de droit. En vertu de la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, le constat du fait que ces motifs sont étayés à suffisance de droit suffit à rejeter le moyen tiré d’une erreur de fait ou d’appréciation invoqué par les requérants sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments invoqués par M. Zaytsev et qui sont dirigés contre les autres motifs d’inscription qui lui sont propres relatifs à son entreprise Sohra Group et aux contrats lucratifs que ses entreprises auraient reçus en raison de son accès à la famille du président Lukashenko, puisque la circonstance que ceux-ci ne seraient pas étayés ne saurait emporter l’annulation des actes attaqués en ce qui le concerne.
Sur le quatrième moyen, tiré du caractère disproportionné des mesures restrictives adoptées à l’encontre des requérants
118 Les requérants font valoir, en substance, que les mesures restrictives adoptées par les actes attaqués constituent une violation injustifiée et disproportionnée de leurs droits fondamentaux, en particulier de leur droit de propriété, de leur droit à exercer une activité économique et de leur droit au respect de leur réputation, qui découlent des articles 16 et 17 de la Charte ainsi que de l’article 1er du protocole no 1 annexé à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Les mesures restrictives résultant des actes attaqués constitueraient une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux des requérants dès lors qu’elles les empêchent d’exercer librement une activité économique. Une telle limitation ne serait ni nécessaire ni appropriée à la réalisation des objectifs poursuivis par le Conseil, étant donné que les requérants n’auraient aucune influence sur les événements politiques dans leur pays.
119 Les requérants prétendent que les trois conditions de limitation des droits fondamentaux ne sont pas remplies en l’espèce. En effet, premièrement, les mesures restrictives résultant des actes attaqués seraient, certes, « prévues par la loi », mais ces actes ne seraient pas valides en ce qu’ils sont insuffisamment motivés et reposent sur des erreurs de fait et d’appréciation.
120 Deuxièmement, les objectifs prévus par les considérants 1 à 3 de la décision d’exécution 2021/1002 et les considérants 2 à 4 du règlement d’exécution 2021/997, à savoir de prendre des mesures contre les responsables, d’une part, de la violence exercée contre les manifestants pacifiques, des arrestations injustifiées et de la falsification des résultats des élections présidentielles et, d’autre part, de l’atterrissage forcé du vol Ryanair à Minsk, ne pourraient être atteints par les actes attaqués étant donné que les requérants n’auraient rien à voir avec ces événements.
121 Troisièmement, dans la mesure où les mesures restrictives adoptées par les actes attaqués à leur égard porteraient préjudice aux requérants alors qu’ils ne sont pas responsables de la situation ayant conduit à l’adoption des sanctions, il n’y aurait pas de rapport raisonnable entre ces actes et les objectifs qu’ils poursuivent. Ces objectifs ne sauraient justifier des préjudices causés arbitrairement à certains opérateurs économiques tels que les requérants en portant atteinte à leur réputation, en causant une perte de confiance à l’égard de la ZES Bremino‑Orsha créée et administrée par Bremino-Grupp et en ayant, en définitive des effets négatifs sur les employés des requérants et leurs partenaires commerciaux.
122 Le Conseil conteste les arguments des requérants.
123 À cet égard, il convient de rappeler que, si le respect des droits fondamentaux constitue une condition de la légalité des actes de l’Union, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux invoqués par les requérants, à savoir le droit de propriété, le droit au respect de la réputation et le droit d’exercer une activité, ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits, à condition qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 132 et jurisprudence citée).
124 De plus, le principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 178 et jurisprudence citée).
125 En l’espèce, il convient, certes, de relever que les droits de propriété et la liberté d’exercer une activité économique des requérants sont restreints et leurs droits au respect de leur réputation sont affectés dans une certaine mesure du fait des mesures restrictives prises à leur égard.
126 Cependant, en l’occurrence, l’adoption de mesures restrictives à l’encontre des requérants revêt un caractère approprié, dans la mesure où elle dispose d’une base juridique claire et précise en droit de l’Union et où elle s’inscrit dans un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit en Biélorussie (voir, par analogie, arrêt du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 135).
127 En outre, il convient de constater que des mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas aussi efficacement d’atteindre l’objectif poursuivi, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 136). Par ailleurs, force est de constater que les requérants n’ont pas indiqué quelles mesures moins contraignantes le Conseil aurait pu adopter.
128 Enfin, comme le relève à juste titre le Conseil et sans être contredit par les requérants sur ce point, les mesures restrictives imposées sont limitées dans le temps et réversibles.
129 En premier lieu, conformément à l’article 8 de la décision 2012/642, le maintien des noms des requérants sur l’annexe de cette décision est soumis à un suivi constant visant à vérifier qu’un tel maintien est compatible avec les critères d’inscription.
130 En second lieu, l’article 5 de la décision 2012/642 et l’article 3 du règlement no 765/2006 prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques.
131 Il s’ensuit que les mesures restrictives adoptées par les actes attaqués à l’encontre des requérants ne sont pas disproportionnées.
132 Par conséquent, il convient de rejeter le quatrième moyen et partant, les recours dans leur ensemble.
Sur les dépens
133 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux du Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
1) Les recours dans les affaires T‑563/21 et T‑564/21 sont rejetés.
2) M. Alexander Zaytsev et Bremino-Grupp TAA sont condamnés aux dépens.
Svenningsen | Laitenberger | Stancu |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 novembre 2023.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.
BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T56321.html