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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Aluminios Cortizo and Cortizo Cartera v Commission (State aid – Aid granted by the Spanish authorities to certain economic interest groupings (EIGs) and their investors - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-1/14 (26 June 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T114.html Cite as: EU:T:2024:424, [2024] EUECJ T-1/14, ECLI:EU:T:2024:424 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
26 juin 2024 (*)
« Aides d’État – Aide accordée par les autorités espagnoles en faveur de certains groupements d’intérêt économique (GIE) et de leurs investisseurs – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement pour l’acquisition de navires (régime espagnol de leasing fiscal) – Décision déclarant l’aide pour partie incompatible avec le marché intérieur et ordonnant partiellement sa récupération – Disparition partielle de l’objet du litige – Non-lieu à statuer partiel – Aide nouvelle – Récupération – Clauses contractuelles protégeant les bénéficiaires contre la récupération d’une aide d’État illégale et incompatible avec le marché intérieur – Répartition des compétences entre la Commission et les autorités nationales »
Dans l’affaire T‑1/14,
Aluminios Cortizo, SAU, établie à Padrón (Espagne),
Cortizo Cartera, SL, établie à Padrón,
représentées par Mes E. Abad Valdenebro, R. Calvo Salinero et A. Lamadrid de Pablo, avocats,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par M. J. Carpi Badía et Mme P. Němečková, en qualité d’agents, assistés de Me M. Segura Catalán, avocate,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),
composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík, K. Kecsmár et Mme S. Kingston (rapporteure), juges,
greffier : Mme P. Núñez Ruiz, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– la demande en référé présentée par les requérantes le 10 janvier 2014 et l’ordonnance du 7 mars 2014, Aluminios Cortizo et Cortizo Cartera/Commission (T-1/14 R, non publiée, EU:T:2014:106), par laquelle le président du Tribunal a rejeté la demande en référé,
– l’ordonnance du 17 juillet 2014, Aluminios Cortizo et Cortizo Cartera/Commission (T‑1/14, non publiée, EU:T:2014:711), rejetant la demande d’intervention de Pimolia Marine Company Limited et l’ordonnance du 17 juillet 2014, Aluminios Cortizo et Cortizo Cartera/Commission (T‑1/14, non publiée, EU:T:2014:724), rejetant la demande d’intervention du Comité des associations d’armateurs des communautés européennes,
– la décision du 2 mars 2016 de suspendre la procédure jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591),
– la décision du 21 novembre 2018 de suspendre la procédure jusqu’à ce que les décisions mettant fin à l’instance dans les affaires T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV soient passées en force de chose jugée,
– la mesure d’organisation de la procédure du 22 février 2023 invitant les parties à se prononcer sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), pour le traitement de l’affaire,
– la réponse des requérantes du 16 mars 2023 invitant le Tribunal à constater d’office que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer en application de l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal,
– la réponse de la Commission du 16 mars 2023 selon laquelle, en substance, l’ensemble des questions soulevées dans le cadre du présent recours ont été tranchées dans les recours concernés par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), et le recours doit être rejeté comme étant non fondé, sauf en ce qui concerne la première branche du deuxième moyen, sur laquelle il n’y aura plus lieu de statuer lorsqu’elle aura adopté les mesures que comporte l’exécution dudit arrêt,
– la mesure d’organisation de la procédure du 26 mai 2023 invitant les requérantes, d’une part, à se conformer aux exigences de l’article 130, paragraphe 2, du règlement de procédure si elles entendent demander au Tribunal de déclarer qu’il n’y a plus lieu de statuer dans la présente affaire et, d’autre part, à préciser si, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait qu’il y a lieu de statuer, ladite demande devrait être comprise comme étant une demande de désistement,
– la demande de non-lieu à statuer déposée par les requérantes le 9 juin 2023 ainsi que les observations de la Commission déposées le 27 juin 2023,
– l’ordonnance de jonction de la demande de non-lieu à statuer au fond du 21 septembre 2023,
à la suite de l’audience du 16 novembre 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Aluminios Cortizo, SAU et Cortizo Cartera, SL, demandent l’annulation de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal » (JO 2014, L 114, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
Sur la décision attaquée
2 À la suite de plaintes dénonçant le fait que le régime espagnol de leasing fiscal tel qu’il était appliqué à certains accords de location-financement pour l’acquisition de navires (ci-après le « RELF ») permettait aux compagnies maritimes d’acquérir des navires construits par des chantiers navals espagnols en bénéficiant de prix réduits de 20 à 30 %, la Commission européenne a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, par la décision C(2011) 4494 final, du 29 juin 2011 (JO 2011, C 276, p. 5, ci-après la « décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen »).
3 Au cours de la procédure formelle d’examen, la Commission a constaté que le RELF avait été utilisé, jusqu’à la date d’adoption de sa décision mentionnée au point 2 ci-dessus, pour des transactions consistant dans la construction de navires par les chantiers navals et leur acquisition par des compagnies maritimes ainsi que dans le financement de ces transactions par l’intermédiaire d’une structure juridique et financière ad hoc montée par une banque. Le RELF impliquait, pour chaque commande de navire, une compagnie maritime, un chantier naval, une banque, une société de location-vente et un groupement d’intérêt économique (GIE) constitué par cette banque et des investisseurs acquérant des participations dans ce GIE. Ce dernier prenait à bail le navire d’une société de location-vente dès le début de sa construction, puis louait celui-ci à une compagnie maritime sous couvert d’un contrat d’affrètement coque nue. Ledit GIE s’engageait à acheter ledit navire à la fin du contrat de location-vente, tandis que la compagnie maritime s’engageait à l’acheter à la fin du contrat d’affrètement coque nue. Selon la décision attaquée, il s’agissait d’un montage fiscal destiné à générer des avantages fiscaux en faveur d’investisseurs regroupés au sein d’un GIE « fiscalement transparent » en ce sens que les bénéfices et les pertes enregistrés par le GIE étaient transférés automatiquement aux investisseurs résidant en Espagne au prorata de leur participation dans le GIE, et à transférer une partie de ces avantages à une compagnie maritime sous la forme d’un rabais sur le prix du même navire.
4 La Commission a constaté que les opérations réalisées au titre du RELF combinaient cinq mesures prévues dans plusieurs dispositions du Real Decreto Legislativo 4/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret royal législatif 4/2004, par lequel est approuvé le texte refondu de la loi sur les impôts sur les sociétés), du 5 mars 2004 (BOE no 61, du 11 mars 2004, p. 10951, ci‑après la « loi sur l’impôt des sociétés »), et du Real Decreto 1777/2004, por el que se aprueba el Reglamento del Impuesto sobre Sociedades (décret royal 1777/2004, par lequel est approuvé le règlement de l’impôt sur les sociétés), du 30 juillet 2004 (BOE no 189, du 6 août 2004, p. 28377, ci-après le « règlement sur l’impôt des sociétés »). Ces cinq mesures étaient l’amortissement accéléré des actifs pris à bail prévu à l’article 115, paragraphe 6, de ladite loi, l’application discrétionnaire de l’amortissement anticipé résultant de l’article 48, paragraphe 4, de l’article 115, paragraphe 11, de cette loi ainsi que de l’article 49 dudit règlement, les dispositions relatives aux GIE, le régime de la taxation au tonnage prévu aux articles 124 à 128 de la même loi et les dispositions de l’article 50, paragraphe 3, de ce règlement.
5 Conformément à l’article 115, paragraphe 6, de la loi sur l’impôt des sociétés, l’amortissement accéléré commençait à la date à laquelle l’actif pris à bail était en état de fonctionner, c’est-à-dire pas avant que cet actif ne fût remis au preneur et que celui-ci commençât à l’utiliser. Néanmoins, l’article 115, paragraphe 11, de ladite loi prévoyait que le ministère de l’Économie et des Finances espagnol pouvait, sur demande formelle du preneur, fixer une date antérieure pour le début de l’amortissement concerné. Cet article imposait deux conditions générales pour l’amortissement anticipé. Les conditions spécifiques applicables aux GIE figuraient à l’article 48, paragraphe 4, de la même loi. La procédure d’autorisation prévue à l’article 115, paragraphe 11, de cette loi était détaillée à l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés.
6 Le régime de la taxation au tonnage a été autorisé en tant qu’aide d’État compatible avec le marché intérieur en vertu des orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime du 5 juillet 1997 (JO 1997, C 205, p. 5), telles que modifiées par la communication C(2004) 43 de la Commission (JO 2004, C 13, p. 3) (ci-après les « orientations maritimes »), par la décision C(2002) 582 final de la Commission, du 27 février 2002, concernant l’aide d’État N 736/2001 mise à exécution par l’Espagne – Régime pour la taxation des sociétés de transport maritime en fonction du tonnage (JO 2004, C 38, p. 4), modifiée par la décision C(2004) 1931 final de la Commission, du 2 juin 2004, concernant l’aide d’État N 528/2003 mise à exécution par l’Espagne – Modification du régime pour la taxation des sociétés de transport maritime en fonction du tonnage (JO 2005, C 77, p. 29). Dans le cadre de ce régime, les entreprises inscrites à l’un des registres des compagnies maritimes et qui ont obtenu une autorisation de l’administration fiscale à cette fin sont imposées non pas en fonction de leurs gains et de leurs pertes, mais sur la base de leur tonnage. La législation espagnole permet aux GIE de s’inscrire à l’un de ces registres, bien qu’ils ne soient pas des compagnies maritimes.
7 L’article 125, paragraphe 2, de la loi sur l’impôt des sociétés prévoyait une procédure spéciale pour les navires déjà acquis au moment du passage au régime de la taxation au tonnage et pour les navires usagés acquis lorsque l’entreprise bénéficiait déjà de ce régime. En appliquant normalement ledit régime, les plus‑values éventuelles étaient imposées en passant sous le même régime et il était supposé que la taxation des plus-values, quoique retardée, avait lieu lorsque le navire était vendu ou démoli. Toutefois, par dérogation à cette disposition, l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés disposait que, lorsque les navires étaient achetés par l’intermédiaire d’une option d’achat dans le cadre d’un contrat de location-vente préalablement approuvé par les autorités fiscales, ils étaient considérés comme étant des navires neufs et non usagés, au sens de l’article 125, paragraphe 2, de ladite loi, sans tenir compte du fait qu’ils étaient déjà amortis, de telle sorte que les plus-values éventuelles n’étaient pas taxées. Cette dérogation, qui n’avait pas été notifiée à la Commission, n’a été appliquée qu’aux contrats de location-vente spécifiques approuvés par les autorités fiscales dans le cadre de demandes d’application de l’amortissement anticipé en vertu de l’article 115, paragraphe 11, de cette loi, c’est-à-dire pour des navires récemment construits et donnés à bail, achetés au moyen d’opérations relevant du RELF et, à une seule exception près, sortis de chantiers navals espagnols.
8 Selon la décision attaquée, en appliquant l’ensemble de ces mesures, le GIE recueillait les avantages fiscaux en deux temps. Dans un premier temps, un amortissement anticipé et accéléré du coût du navire pris en location-vente était appliqué au titre du régime normal de l’impôt sur les sociétés, qui se traduisait par des pertes importantes pour ce GIE, lesquelles, en raison de la transparence fiscale des GIE, pouvaient être déduites des recettes propres des investisseurs au prorata de leur participation dans ledit GIE. Alors que cet amortissement anticipé et accéléré était normalement compensé, par la suite, par l’augmentation des impôts à acquitter lorsque ce navire était entièrement amorti ou lorsque ce dernier était vendu en générant une plus-value, l’économie fiscale résultant du transfert des pertes initiales aux investisseurs était conservée, dans un second temps, grâce au fait que le même GIE passait sous le régime de la taxation au tonnage, qui permettait l’exonération totale des bénéfices résultant de la vente dudit navire à la compagnie maritime.
9 Tout en considérant que le RELF devait être décrit comme un « système », la Commission a analysé également chacune des mesures en cause individuellement. Par la décision attaquée, elle a décidé que, parmi ces mesures, celles résultant de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés relatives à l’amortissement anticipé, de l’application du régime de la taxation au tonnage à des entreprises, à des navires ou à des activités non éligibles et de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés constituaient une aide d’État aux GIE et à leurs investisseurs mise illégalement à exécution par le Royaume d’Espagne depuis le 1er janvier 2002, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Elle a déclaré que les mesures fiscales en cause étaient incompatibles avec le marché intérieur, hormis dans la mesure où l’aide correspondait à une rémunération conforme au marché pour l’intervention d’investisseurs financiers et où elle était transférée à des entreprises de transport maritime pouvant bénéficier des dispositions des orientations maritimes. Elle a décidé que le Royaume d’Espagne devait mettre un terme à l’application de ce régime d’aide dans la mesure où il était incompatible avec le marché intérieur et devait récupérer l’aide incompatible auprès des investisseurs des GIE qui en avaient bénéficié, sans que ces bénéficiaires puissent transférer la charge de la récupération de cette aide à d’autres personnes.
10 Néanmoins, la Commission a décidé qu’il ne serait pas procédé à la récupération de l’aide octroyée dans le cadre d’opérations de financement pour lesquelles les autorités nationales compétentes s’étaient engagées à concéder le bénéfice des mesures par un acte juridiquement contraignant adopté avant le 30 avril 2007, date de publication au Journal officiel de l’Union européenne de sa décision 2007/256/CE, du 20 décembre 2006, concernant le régime d’aide mis à exécution par la France au titre de l’article 39 CA du code général des impôts – Aide d’État C 46/04 (ex NN 65/04) (JO 2007, L 112, p. 41).
Sur les autres recours introduits contre la décision attaquée
11 Par l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), le Tribunal a accueilli deux autres recours introduits, contre la décision attaquée, par le Royaume d’Espagne et par Lico Leasing, SA et Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión, SA (ci-après « PYMAR »), sur le fondement du moyen tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et de l’article 296 TFUE, et il a annulé la décision attaquée.
12 Par l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591), la Cour a annulé l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), et renvoyé les affaires T‑515/13 et T‑719/13 devant le Tribunal.
13 Par l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), le Tribunal a rejeté les recours.
14 Par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a partiellement annulé l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), et, statuant de manière définitive dans les deux recours concernés, elle a partiellement annulé la décision attaquée.
15 Dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a, d’abord, rejeté les pourvois s’agissant de l’argumentation des parties requérantes concernant la prétendue absence de sélectivité du RELF. Elle a également rejeté les pourvois s’agissant des moyens portant sur l’application des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, tout en relevant une erreur de droit commise par le Tribunal, mais demeurant sans incidence sur son appréciation. Enfin, elle a accueilli le moyen du Royaume d’Espagne tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), en ce qui concerne la récupération de l’aide en cause. Elle a considéré que, en se limitant à constater que les parties requérantes n’avaient pas contesté la désignation des bénéficiaires effectuée dans la décision attaquée et en se référant à la logique ainsi qu’au contenu de cette décision, alors qu’il se déduisait du moyen soulevé que ces parties faisaient valoir, implicitement, mais nécessairement, qu’elles n’avaient pas été les seules bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes, le Tribunal n’avait pas répondu à ce moyen. Elle a conclu que le Tribunal avait commis une violation de l’obligation de motivation et elle a annulé ledit arrêt du Tribunal à cet égard.
16 Statuant définitivement sur le litige, la Cour a accueilli le moyen soulevé par Lico Leasing et PYMAR par lequel ces parties faisaient valoir que les investisseurs des GIE n’avaient pas été les seuls bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes. Elle a, partant, annulé l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désignait les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la même décision en ce qu’il enjoignait au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui avaient bénéficié de celle-ci.
Conclusions des parties
17 Les requérantes concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– à titre subsidiaire, annuler l’injonction de récupération des aides en cause ;
– à titre encore plus subsidiaire, ordonner que les aides en cause soient quantifiées par rapport au bénéfice effectif et net de l’investisseur ;
– condamner la Commission aux dépens.
18 Par ailleurs, dans la réplique, les requérantes demandent au Tribunal d’adopter plusieurs mesures d’instruction.
19 Dans leur demande de non-lieu à statuer, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours ;
– condamner la Commission aux dépens.
20 En outre, dans leur réponse à une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal du 28 septembre 2023, les requérantes demandent au Tribunal d’adopter une mesure d’organisation de la procédure afin d’inviter la Commission à informer le Tribunal de tous les actes accomplis jusqu’à présent pour exécuter l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).
21 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– à titre principal, condamner les requérantes aux dépens et, à titre subsidiaire, déclarer qu’elles supporteront, outre l’ensemble de leurs propres dépens, les trois quarts des dépens exposés par la Commission.
22 Dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer, la Commission soutient que le recours doit être rejeté comme étant non fondé, sauf en ce qui concerne la première branche du deuxième moyen, sur laquelle il n’y aura plus lieu de statuer lorsqu’elle aura adopté les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 2 février 2023 Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).
En droit
23 Au soutien du recours, les requérantes avancent, en substance, sept moyens :
– le premier, tiré de la violation de l’article 107 TFUE, d’une part, en raison de l’absence de sélectivité du RELF ainsi que de l’absence de distorsion de la concurrence et d’effets sur les échanges entre États membres et, d’autre part, en ce que certaines mesures composant le RELF constituent des aides existantes ;
– le deuxième, tiré, d’une part, d’une erreur et d’un défaut de motivation en ce qui concerne l’identification des bénéficiaires de l’aide et, d’autre part, d’une violation des articles 6 et 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et d’un défaut de motivation, en ce que l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée interdit de « transférer la charge de la récupération à d’autres personnes » ;
– le troisième, tiré de la violation du principe de proportionnalité, d’une part, en ce que le RELF serait comparable au nouveau régime que la Commission a considéré comme ne constituant pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE dans sa décision C(2012) 8252 final, du 20 novembre 2012, concernant l’aide d’État SA.34736 (2012/N) – Espagne – Amortissement anticipé de certains biens acquis en location-financement (JO 2012, C 384, p. 2) et, d’autre part, en raison de la disparition de l’enrichissement qui résulterait du fait qu’une partie de l’aide a été transférée par les investisseurs des GIE, agissant de bonne foi, à des tiers, ce qui s’opposerait à la récupération de la partie de l’aide qui a été transférée auxdits tiers ;
– le quatrième, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime ;
– le cinquième, tiré de la violation du principe de sécurité juridique ;
– le sixième, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement ;
– le septième, soulevé pour la première fois dans la réplique, tiré d’une violation des principes d’égalité des armes, de coopération loyale et de bonne administration ainsi que des fondements de l’État de droit prévu à l’article 2 TUE.
24 Dans leur réponse du 11 octobre 2023 à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal du 28 septembre 2023, les requérantes ont indiqué que, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait qu’il y a lieu de statuer sur le recours, elles renonceraient aux griefs, au sein du premier moyen, tirés de l’absence de sélectivité du RELF et de l’absence de distorsion de la concurrence et d’effets sur les échanges entre États membres, au grief, au sein du troisième moyen, tiré de la disparition de l’enrichissement, au quatrième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, aux griefs, au sein du cinquième moyen, tirés de la violation du principe de sécurité juridique, d’une part, en ce que la Commission a ordonné que les investisseurs des GIE remboursent l’aide alors que celle-ci aurait déjà été transférée à des tiers, et, d’autre part, en raison du prétendu retard avec lequel la décision attaquée a été adoptée ainsi qu’au sixième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement. En outre, lors de l’audience, les requérantes ont indiqué que, à la suite de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), elles renonçaient au grief, au sein du troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité en ce que le RELF serait comparable au nouveau régime que la Commission a considéré comme ne constituant pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE dans sa décision C(2012) 8252 final.
Sur la demande de non-lieu à statuer
25 En vertu de l’article 130, paragraphes 2 et 7, du règlement de procédure, à la suite d’une demande présentée par une partie, le Tribunal peut constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.
26 En l’espèce, les requérantes demandent qu’il soit constaté que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.
27 Selon une jurisprudence constante, l’objet du litige, tel qu’il a été déterminé par la requête introductive d’instance, doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée, et ordonnance du 14 janvier 2014, Miettinen/Conseil, T‑303/13, non publiée, EU:T:2014:48, point 16 et jurisprudence citée).
28 Ainsi, dans le cadre d’un recours introduit en vertu de l’article 263 TFUE, il a été jugé que l’annulation de la décision attaquée en cours d’instance privait de son objet le recours en ce qui concerne les conclusions tendant à l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 37, et du 19 octobre 2005, CDA Datenträger Albrechts/Commission, T‑324/00, EU:T:2005:364, points 116 et 117).
29 En effet, par l’annulation de l’acte attaqué, la partie requérante obtient le seul résultat que son recours peut lui procurer et il n’y a, dès lors, plus matière à décision du juge de l’Union européenne (voir, en ce sens, ordonnance du 8 mars 1993, Lezzi Pietro/Commission, C‑123/92, EU:C:1993:87, point 10).
30 Il en va de même lorsque l’annulation partielle de l’acte attaqué a donné à la partie requérante le résultat qu’elle visait par une partie de son recours, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur cette partie (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, points 37 et 38).
31 Par ailleurs, l’autorité absolue dont jouit un arrêt d’annulation d’une juridiction de l’Union s’attache tant au dispositif de l’arrêt qu’aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 36 et jurisprudence citée).
32 En l’espèce, il convient de constater que, dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour n’a annulé la décision attaquée que partiellement. Comme il a été relevé au point 16 ci-dessus, elle a annulé l’article 1er de la décision attaquée, en ce qu’il désignait les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1, en ce qu’il enjoignait au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui avaient bénéficié de celle‑ci.
33 Aux points 138 et 139 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a précisé que la Commission avait commis une erreur de droit en ce qui concerne l’identification des bénéficiaires de l’aide en cause, dès lors que les GIE étaient tenus, en vertu de contrats juridiquement contraignants conclus avec les compagnies maritimes et soumis à l’administration fiscale, de transférer aux compagnies maritimes une partie de l’avantage fiscal obtenu.
34 Dans le cadre de leur recours, les requérantes, qui sont, pour la première, une entreprise ayant effectué des investissements dans des GIE dans le cadre du RELF et, pour la seconde, une entreprise appartenant au même groupe fiscal que la première requérante et à laquelle incomberait l’obligation de rembourser les aides en cause, soutiennent, dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, que la Commission a commis une erreur en ce qu’elle a qualifié, dans la décision attaquée, les GIE et les investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide et en ce qu’elle a décidé que l’intégralité du montant de l’aide devait être récupérée auprès de ces derniers, bien que d’autres entreprises ayant participé aux opérations au titre du RELF, telles que les chantiers navals et les compagnies maritimes, étaient également des bénéficiaires de ce régime et en ont également tiré avantage. Elles soutiennent également, dans le cadre de cette branche, que la décision attaquée est insuffisamment motivée s’agissant de l’identification des bénéficiaires du RELF. Ensuite, dans le cadre de leur troisième moyen, elles soutiennent, en substance, que la disparition de l’enrichissement, qui résulterait du fait qu’une partie de l’aide a été transférée par les investisseurs des GIE, agissant de bonne foi, à des tiers, tels que les chantiers navals et les compagnies maritimes, s’oppose à la récupération de la partie de l’aide qui a été transférée auxdits tiers. En outre, dans le cadre du cinquième moyen, elles contestent que la Commission ait ordonné le remboursement de l’aide auprès des investisseurs, alors que la plus grande partie de cette aide a été transférée à d’autres opérateurs. Enfin, par le septième moyen, elles soutiennent que, en excluant les compagnies maritimes des bénéficiaires du RELF dans la décision attaquée, la Commission s’est laissée influencer par des intérêts politiques et invoquent à cet égard une violation des principes d’égalité des armes, de coopération loyale et de bonne administration ainsi que des fondements de l’État de droit prévu à l’article 2 TUE.
35 Ainsi, par ce grief de la première branche de leur deuxième moyen, ces griefs des troisième et cinquième moyens et ce septième moyen, les requérantes demandent, en substance, que le Tribunal annule l’article 1er ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, en ce qu’ils désignent les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires du RELF et en ce qu’ils enjoignent au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès desdits investisseurs.
36 Or, comme il a été relevé aux points 16 et 32 ci-dessus, l’article 1er ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée ont été annulés partiellement, dans cette mesure, par la Cour.
37 Il s’ensuit que l’annulation partielle de la décision attaquée prononcée par la Cour a donné aux requérantes le résultat qu’elles recherchaient par une partie de leur recours, à savoir la disparition de cet aspect de la décision de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 16 septembre 2014, Justice & Environment/Commission, T‑405/10, non publiée, EU:T:2014:821, point 20 et jurisprudence citée).
38 En effet, même à supposer que les griefs visés au point 34 ci-dessus soient fondés en droit, ils ne conduiraient pas à une annulation de la décision attaquée allant au-delà de celle prononcée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60). En particulier, l’argument, à le supposer fondé, selon lequel d’autres entreprises ayant participé aux opérations au titre du RELF, tels que notamment les chantiers navals, doivent également être considérés comme faisant partie du cercle des bénéficiaires du RELF et des entreprises visées par l’injonction de récupération, entraînerait l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée, dans la mesure où il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide en cause, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de cette décision, dans la mesure où il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui ont bénéficié de celle-ci. Or, comme il est rappelé aux points 16, 32 et 36 ci-dessus, ces articles ont été partiellement annulés, dans cette mesure, par la Cour, dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).
39 Dès lors, il convient de considérer que le présent recours est devenu sans objet dans cette mesure.
40 En outre, il peut être relevé, en ce qui concerne l’argumentation des requérantes contestant l’exclusion des chantiers navals des bénéficiaires du RELF et des entreprises visées par l’injonction de récupération, que les requérantes n’ont pas démontré qu’une telle argumentation était susceptible, à la supposer fondée, de leur procurer un bénéfice allant au‑delà de celui qu’elles tirent de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).
41 Selon les requérantes, le bénéfice de l’investisseur consisterait uniquement en la différence entre l’avantage fiscal, à savoir la valeur actuelle de l’économie d’impôt qu’il a réalisée, et l’aide transférée aux tiers. Selon elles, l’investisseur ne conserverait ainsi qu’une partie des avantages résultant des opérations effectuées au titre du RELF, la plus grande partie des avantages obtenus grâce à ces opérations étant transférée à des tiers. Elles indiquent que ces tiers sont, notamment, les chantiers navals ainsi que les compagnies maritimes.
42 Or, au point 138 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a constaté que les GIE « étaient obligés, en vertu des règles du droit applicable aux contrats conclus avec les compagnies maritimes, de transférer à ces dernières une partie de l’avantage fiscal obtenu ». Au point 131 de cet arrêt, elle a noté que, au considérant 11 de la décision attaquée, la Commission avait indiqué qu’une opération au titre du RELF permettait à une compagnie maritime d’acquérir un navire nouvellement construit avec un rabais de 20 à 30 % par rapport au prix que le chantier naval percevait et que, au considérant 12 de cette décision, celle-ci avait considéré que le RELF constituait un montage fiscal, généralement mis au point par une banque pour générer des avantages fiscaux en faveur d’investisseurs regroupés au sein d’un GIE « fiscalement transparent » et pour transférer une partie de ces avantages fiscaux à cette compagnie maritime sous la forme d’un rabais sur le prix du navire, les investisseurs conservant le bénéfice des autres avantages. Au point 132 du même arrêt, elle a également relevé que, au considérant 162 de ladite décision, la Commission avait indiqué que, sur le plan économique, une partie substantielle de l’avantage fiscal obtenu par le GIE était transférée à ladite compagnie maritime sous la forme d’un rabais sur le prix.
43 À cet égard, il ressort du considérant 19 de la décision attaquée que l’« avantage fiscal, d’environ 30 % du prix brut initial du navire […] – initialement obtenu par le GIE et ses investisseurs – rest[ait] en partie (de l’ordre de 10 % à 15 %) aux mains des investisseurs et la partie restante (85 % à 90 %) [était] transférée à la compagnie maritime, qui dev[enai]t finalement propriétaire du navire en bénéficiant d’un rabais de 20 % à 30 % sur le prix brut initial de celui-ci ».
44 Dans ces circonstances, et quand bien même la Cour n’a pas été saisie, dans le cadre des affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), de la question de savoir si les chantiers navals devaient, eux aussi, être considérés comme étant des bénéficiaires du RELF, de sorte qu’elle n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur cette question, il y a lieu de constater que rien dans l’argumentation des requérantes n’indique que le montant de l’avantage dont les investisseurs ont bénéficié, à savoir de l’ordre de 10 à 15 % des avantages résultant des opérations effectuées au titre du RELF, et qu’ils doivent rembourser au Royaume d’Espagne, serait différent si les chantiers navals étaient considérés, eux aussi, comme étant des bénéficiaires du RELF. En effet, la partie de l’avantage que les GIE ont conservée au titre du RELF ne varie pas en fonction de la question de savoir si, parmi les autres bénéficiaires du RELF, figurent seules les compagnies maritimes ou bien tant ces dernières que les chantiers navals.
45 Il convient donc de conclure que les requérantes n’ont, en tout état de cause, pas démontré qu’elles avaient un intérêt à soulever le grief concerné de la première branche du deuxième moyen ainsi que les griefs des troisième et cinquième moyens en cause, en ce qu’ils visent à contester l’exclusion des chantiers navals des bénéficiaires du RELF.
46 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de considérer que le présent recours est devenu sans objet dans la mesure où il vise à contester l’exclusion des compagnies maritimes et des chantiers navals des bénéficiaires du RELF et des entreprises visées par l’injonction de récupération ainsi que la motivation de la décision attaquée à cet égard.
47 En revanche, il y a toujours lieu de statuer sur les chefs de conclusions des requérantes en ce qu’ils tendent à l’annulation de parties de la décision attaquée n’ayant pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).
48 En effet, certains chefs de conclusions présentés par les requérantes visent une annulation de la décision attaquée allant au-delà de celle prononcée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60). Ainsi, les requérantes ont demandé au Tribunal, en particulier, dans le cadre du premier chef de conclusions de leur recours, d’annuler ladite décision dans son intégralité et, dans le cadre du deuxième chef de conclusions de leur recours, d’annuler l’injonction de récupération de l’aide.
49 Quant aux moyens soulevés à l’appui des chefs de conclusions mentionnés au point 48 ci-dessus, il convient de rappeler d’emblée, comme cela a été indiqué au point 24 ci-dessus, que les requérantes ont renoncé aux griefs du premier moyen tirés de l’absence de sélectivité du RELF et de l’absence de distorsion de la concurrence et d’effets sur les échanges entre États membres, au grief du troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité en ce que le RELF serait comparable au nouveau régime que la Commission a considéré comme ne constituant pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE dans sa décision C(2012) 8252 final, au quatrième moyen, au grief du cinquième moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique en raison du prétendu retard avec lequel la décision attaquée a été adoptée ainsi qu’au sixième moyen.
50 Il en résulte qu’il y a lieu de statuer sur la partie des recours par laquelle les requérantes invoquent, dans le cadre du premier moyen, une violation de l’article 107 TFUE en ce que certaines mesures composant le RELF constituent des aides existantes, dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, une erreur et un défaut de motivation en ce qui concerne l’identification des GIE et des investisseurs comme bénéficiaires du RELF, dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, une violation des articles 6 et 16 de la Charte en ce que l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée interdit de « transférer la charge de la récupération à d’autres personnes » ainsi qu’un défaut de motivation à cet égard et, dans le cadre du cinquième moyen, une violation du principe de sécurité juridique en ce que, d’une part, le Royaume d’Espagne aurait manqué à ses obligations du droit de l’Union en adoptant le RELF et, d’autre part, la Commission n’aurait pas ordonné, dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la suspension du versement du RELF jusqu’à ce qu’elle statue sur sa compatibilité avec le marché intérieur.
51 En effet, si ces griefs et moyens étaient accueillis, ils seraient susceptibles d’entraîner l’annulation de parties de la décision attaquée qui n’ont pas été annulées par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).
52 À cet égard, contrairement à ce qu’ont fait valoir les requérantes, l’identification des GIE et de leurs investisseurs en tant que bénéficiaires du RELF ainsi que l’ordre de récupération des aides auprès de ces derniers, contenu dans la décision attaquée, n’ont pas été entièrement annulés par la Cour avec pour conséquence que le recours aurait perdu son objet dans son intégralité.
53 En effet, l’affirmation des requérantes procède d’une interprétation erronée de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).
54 Par l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), comme cela a été relevé au point 16 ci-dessus, la Cour n’a annulé que partiellement la décision attaquée, à savoir uniquement son article 1er « en ce qu’il désigne les [GIE] et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision » (point 3 du dispositif de cet arrêt) et son article 4, paragraphe 1, « en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visé dans cette décision auprès des investisseurs des [GIE] qui en ont bénéficié » (point 4 du même dispositif).
55 En revanche, l’identification des GIE et des investisseurs en tant que bénéficiaires du RELF et l’obligation à charge du Royaume d’Espagne de récupérer l’aide, ou une partie de celle-ci, au moins auprès de ces derniers n’ont pas été annulées par la Cour.
56 En effet, la conséquence logique de la constatation de l’illégalité d’une aide est sa suppression par voie de récupération afin de rétablir la situation antérieure (voir arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV, C‑275/10, EU:C:2011:814, point 33 et jurisprudence citée).
57 Or, dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591, point 46), la Cour a jugé que la Commission avait considéré à bon droit que les GIE avaient la qualité de bénéficiaires du RELF. En outre, dans les recours ayant donné lieu à l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), les arguments des parties requérantes dans ces affaires visant à démontrer que le RELF ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE au bénéfice des GIE et de leurs investisseurs ont été rejetés. Par ailleurs, les arguments de ces parties visant à démontrer que la récupération auprès des investisseurs des GIE était contraire aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique n’ont pas non plus été accueillis par la Cour.
58 Ainsi, à la suite de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la décision attaquée demeure valide en ce qu’elle déclare illégale et incompatible avec le marché intérieur l’aide qui bénéficie à tout le moins aux GIE et à leurs investisseurs, et oblige le Royaume d’Espagne à récupérer ladite aide, ou une partie de celle-ci, auprès de ces derniers. À cet égard, il convient de relever que la circonstance que, pour le calcul des montants à récupérer, la méthode décrite aux considérants 263 à 269 de la décision attaquée doive être modifiée à la lumière dudit arrêt ne modifie en rien le fait que cette obligation de récupération persiste en tant que telle.
59 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours pour autant qu’il tend à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision et de l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette décision auprès des investisseurs des GIE qui en ont bénéficié.
Sur le fond
Sur le grief, au sein du premier moyen, tiré d’une violation de l’article 107 TFUE en ce que certaines mesures composant le RELF constituent des aides existantes
60 Les requérantes soutiennent que, contrairement à ce qu’a considéré la Commission dans la décision attaquée, certaines mesures composant le RELF, à savoir le régime d’amortissement anticipé, l’application du régime de la taxation au tonnage aux GIE et l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés, constituent des aides existantes, plutôt que des aides nouvelles.
61 La Commission conteste les arguments des requérantes.
62 À cet égard, il convient de relever que les arguments des requérantes, contestant la qualification de certaines mesures fiscales composant le RELF en tant qu’aides nouvelles sont fondés, en réalité, sur la prémisse selon laquelle lesdites mesures devraient être appréciées séparément, au regard de l’article 107 TFUE, et non en tenant compte du RELF dans son ensemble.
63 Or, cette prémisse est erronée. En effet, comme la Commission l’a indiqué au considérant 116 de la décision attaquée, les différentes mesures fiscales composant le RELF sont liées en droit, en substance, parce que l’amortissement anticipé était soumis à l’obtention d’une autorisation par les autorités fiscales, dont dépendait par ailleurs l’application de l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés établissant une exception au régime de la taxation au tonnage. Elles étaient, en outre, liées en fait, parce que l’autorisation administrative pour l’amortissement anticipé était accordée uniquement dans le contexte de contrats de location-vente de navires éligibles audit régime, qui ont pu dès lors bénéficier de la règle prévue à l’article 50, paragraphe 3, dudit règlement.
64 C’est en raison de l’existence d’un tel lien entre les mesures fiscales composant le RELF que le Tribunal a jugé, au point 101 de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), que, étant donné qu’une des mesures permettant de bénéficier du RELF dans son ensemble était sélective, à savoir l’autorisation de l’amortissement anticipé, c’était sans commettre d’erreur que la Commission avait considéré, dans la décision attaquée, que le système était sélectif dans son ensemble, cette conclusion ayant été confirmée par la Cour aux points 71 et 72 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).
65 En outre, la nécessité d’apprécier le RELF dans son ensemble comme étant un régime d’aide a été implicitement confirmée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60). En effet, au point 137 de cet arrêt, la Cour, pour conclure que la Commission avait commis une erreur de droit quant à la désignation des bénéficiaires de l’aide en cause et, par voie de conséquence, quant à la récupération de celle-ci, s’est notamment appuyée sur le fait que la Commission avait considéré que le RELF constituait, dans son ensemble, un régime d’aide découlant de l’application de la législation fiscale espagnole et des autorisations accordées par l’administration fiscale espagnole, et destiné, peu important les procédés juridiques utilisés, à générer un avantage au profit notamment des GIE et des compagnies maritimes.
66 Il en découle que, en ce que l’ensemble des arguments des requérantes repose sur la prémisse erronée selon laquelle chacune des trois mesures fiscales composant le RELF mentionnées au point 60 ci-dessus doit être analysée individuellement au regard de l’article 107 TFUE, et non en appréciant le RELF dans son ensemble, ils doivent être rejetés comme étant manifestement non fondés.
67 Ainsi, pour répondre plus particulièrement au grief soulevé par les requérantes, il convient de relever que, si la Commission a établi, au considérant 238 de la décision attaquée, que, « prises isolément, les mesures constitu[ai]ent une aide d’État (à l’exception de l’amortissement accéléré d’actifs achetés à bail) », il n’en demeure pas moins que le RELF a été analysé conjointement avec le régime de la taxation au tonnage et que c’est l’opération du RELF dans son ensemble qui a été considérée comme étant une aide d’État illégale et partiellement incompatible avec le marché intérieur, et que cette approche a été validée par la Cour, comme il a été rappelé aux points 63 à 65 ci-dessus.
68 En effet, comme les requérantes l’ont confirmé à l’audience, elles ne contestent pas que le RELF en tant que système n’a pas été notifié à la Commission, ni autorisé par cette institution dans une décision antérieure et que ledit régime, apprécié dans son ensemble, ne saurait, par conséquent, être qualifié d’aide existante. En outre, il est constant qu’au moins une des mesures fiscales composant le RELF, notamment l’amortissement anticipé, prise individuellement, n’a pas été notifiée à la Commission et que cette dernière ne l’a pas approuvée dans une décision antérieure.
69 Il en résulte que la Commission ne devait pas recourir à la procédure applicable aux régimes d’aides existants lorsqu’elle a examiné le RELF dans la décision attaquée.
70 Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter ledit grief du premier moyen comme étant non fondé, sans qu’il soit nécessaire de répondre à l’argumentation des requérantes portant sur la qualification en tant qu’aide nouvelle des mesures fiscales en cause, prises individuellement.
Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit et de défauts de motivation
– Sur la première branche du deuxième moyen, relative à l’identification des GIE et de leurs investisseurs en tant que bénéficiaires de l’aide en cause
71 Les requérantes font valoir que les GIE et leurs investisseurs n’auraient pas dû être identifiés dans la décision attaquée comme étant des bénéficiaires du RELF et que la Commission a également violé l’obligation de motivation à cet égard.
72 La Commission conteste les arguments des requérantes.
73 À cet égard, il suffit de relever que, aux points 137 à 140 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), la Cour a définitivement jugé que les GIE et leurs investisseurs avaient été les bénéficiaires de l’aide en cause.
74 En outre, s’agissant de la motivation de la décision attaquée à cet égard, il convient de relever que la Commission a expliqué, au considérant 19 de la décision attaquée, que l’« avantage fiscal, d’environ 30 % du prix brut initial du navire […] – initialement obtenu par le GIE et ses investisseurs – rest[ait] en partie (de l’ordre de 10 % à 15 %) aux mains des investisseurs et la partie restante (85 % à 90 %) [était] transférée à la compagnie maritime, qui dev[enai]t finalement propriétaire du navire en bénéficiant d’un rabais de 20 % à 30 % sur le prix brut initial de celui-ci ».
75 S’il est vrai que la Commission a ainsi indiqué qu’une partie de l’avantage fiscal obtenu par les GIE était transférée aux compagnies maritimes par le biais d’une ristourne sur le prix et que les avantages fiscaux résultant de l’opération étaient de la sorte répartis entre les GIE ou leurs investisseurs et d’autres entreprises participant aux opérations dans le cadre du RELF, sans en tirer les conséquences de manière adéquate quant à l’inclusion de ces entreprises parmi les bénéficiaires du RELF comme cela a été constaté par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, points 137 et 138), il n’en demeure pas moins que les requérantes sont en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles les GIE et leurs investisseurs ont été, en ce qui les concerne, considérés comme des bénéficiaires du RELF dans la décision attaquée.
76 Compte tenu des considérations qui précèdent, la présente branche doit être écartée.
– Sur la seconde branche du deuxième moyen, relative aux clauses contractuelles protégeant les bénéficiaires contre la récupération d’une aide d’État illégale et incompatible
77 Selon les requérantes, la Commission a invalidé, sans explication, les clauses contractuelles par lesquelles les chantiers navals s’engagent à indemniser les investisseurs des GIE et les compagnies maritimes si ceux-ci ne peuvent finalement pas obtenir les avantages prévus par le RELF (ci-après les « clauses d’indemnisation »). Elles contestent aussi, sur le fond, que la Commission se soit prononcée sur la validité de ces clauses figurant dans la décision attaquée, compte tenu de la liberté contractuelle dont doivent jouir les administrés. Elles font valoir, à cet égard, une violation des articles 6 et 16 de la Charte.
78 La Commission conteste les arguments des requérantes.
79 À cet égard, il convient de relever que, conformément à l’article 5, paragraphe 2, TUE, l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, TUE et de l’article 5, paragraphe 2, TUE, toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres.
80 S’agissant des principes régissant les rôles de la Commission et des autorités nationales en matière d’aides d’État, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 108 TFUE et à l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), applicable ratione temporis aux faits de l’espèce, la Commission est compétente non seulement pour apprécier la compatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur, mais aussi pour ordonner la récupération d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur. En particulier, conformément à l’article 14, paragraphe 1, de ce règlement, la Commission peut, en cas de décision négative concernant une aide illégale, décider que l’État membre concerné « prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire ». Si l’ordre de récupération doit être exécuté par les autorités nationales, conformément aux procédures prévues par le droit national, il convient de rappeler que l’autonomie procédurale des États membres est limitée notamment par le principe d’effectivité du droit de l’Union, ainsi qu’il ressort, en substance, de l’article 14, paragraphe 3, du même règlement.
81 Ainsi, un État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l’article 288 TFUE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de cette décision. Il doit parvenir à un recouvrement effectif des sommes dues aux fins d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale (voir arrêt du 24 janvier 2013, Commission/Espagne, C‑529/09, EU:C:2013:31, point 91 et jurisprudence citée).
82 L’obligation pour l’État membre concerné de supprimer, par voie de récupération, une aide considérée par la Commission comme étant incompatible avec le marché intérieur vise, selon une jurisprudence constante de la Cour, au rétablissement de la situation antérieure à l’octroi de l’aide. Cet objectif est atteint dès que les aides en cause, augmentées le cas échéant des intérêts de retard, ont été restituées par le bénéficiaire ou, en d’autres termes, par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective. Par cette restitution, le bénéficiaire perd, en effet, l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (voir arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 130 et jurisprudence citée).
83 En outre, l’application des règles de l’Union en matière d’aides d’État repose sur une obligation de coopération loyale entre, d’une part, les juridictions nationales et, d’autre part, la Commission et les juridictions de l’Union, dans le cadre de laquelle chacun agit en fonction du rôle qui lui est assigné par le traité FUE. Dans le cadre de cette coopération, les juridictions nationales doivent prendre toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du droit de l’Union et s’abstenir de celles qui sont susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité, ainsi qu’il découle de l’article 4, paragraphe 3, TUE (voir arrêt du 13 février 2014, Mediaset, C‑69/13, EU:C:2014:71, point 29 et jurisprudence citée).
84 Ainsi, dans le cadre du contrôle du respect par les États membres des obligations mises à leur charge par les articles 107 et 108 du traité FUE, les juridictions nationales et la Commission remplissent des rôles complémentaires et distincts. Tandis que l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide avec le marché intérieur relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge de l’Union, les juridictions nationales veillent à la sauvegarde des droits des justiciables en cas de violation de l’obligation de notification préalable des aides d’État à la Commission prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE (voir arrêt du 21 octobre 2003, van Calster e.a., C‑261/01 et C‑262/01, EU:C:2003:571, points 74 et 75 et jurisprudence citée).
85 C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner l’argumentation des requérantes.
86 À titre liminaire, il convient de relever que la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, selon laquelle le Royaume d’Espagne doit récupérer l’aide auprès des bénéficiaires « sans que [ceux-ci] puissent transférer la charge de la récupération à d’autres personnes », est rédigée en termes larges et ne se limite pas expressément, dans son libellé, aux clauses d’indemnisation analysées par la Commission aux considérants 270 à 276 de ladite décision.
87 Toutefois, selon une jurisprudence constante, le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (voir arrêts du 26 mars 2020, Hungeod e.a., C‑496/18 et C‑497/18, EU:C:2020:240, point 69 et jurisprudence citée, et du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 1258 et jurisprudence citée).
88 En outre, selon un principe général d’interprétation, un acte de l’Union doit être interprété, dans la mesure du possible, d’une manière qui ne remet pas en cause sa validité et en conformité avec l’ensemble du droit primaire (voir arrêt du 31 janvier 2013, McDonagh, C‑12/11, EU:C:2013:43, point 44 et jurisprudence citée).
89 Il s’ensuit que, en l’espèce, il convient de lire l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée à la lumière des considérants 270 à 276 de cette décision.
90 À cet égard, il est vrai que, au considérant 270 de la décision attaquée, la Commission fait référence, de façon générale, à « l’existence de certaines clauses dans des contrats conclus entre les investisseurs, les compagnies maritimes et les chantiers navals », selon lesquelles « les chantiers navals seraient dans l’obligation d’indemniser les autres parties si elles ne peuvent pas obtenir les avantages fiscaux prévus ». Or, il convient de relever que, dans ladite décision, la Commission n’a pas concrètement identifié ces clauses et n’a pas cité leur libellé. En outre, comme elle l’a, en substance, admis lors de l’audience, il convient de relever que lesdites clauses ne visent pas spécifiquement l’hypothèse de la récupération d’une aide d’État illégale ou incompatible avec le marché intérieur, mais, de façon plus générale, les conséquences de la possibilité que les autorités compétentes n’approuvent pas les avantages fiscaux découlant du RELF, ou que, à la suite de leur approbation, leur validité soit remise en cause.
91 Cependant, dans les considérants 271 et suivants de la décision attaquée, la Commission procède, de façon plus concrète, à l’identification des aspects spécifiques des clauses d’indemnisation qui s’avèrent, selon elle, problématiques dans le contexte de la récupération des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur. Ainsi, aux considérants 272 à 274 de ladite décision, elle précise que l’objectif de la récupération, qui vise au rétablissement de la situation antérieure, et notamment à l’élimination de la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale et incompatible avec le marché intérieur, serait irrémédiablement compromis si les acteurs du secteur privé pouvaient, grâce à des clauses contractuelles, altérer les effets des décisions de récupération arrêtées par la Commission. Elle considère, au considérant 275 de cette décision, que les clauses contractuelles qui protègent les bénéficiaires des aides contre la récupération d’une aide illégale et incompatible par le biais du transfert à d’autres personnes des risques juridiques et économiques de la récupération sont contraires à l’essence même du système de contrôle des aides d’État, qui constitue un ensemble de règles d’ordre public.
92 Partant, et nonobstant sa formulation large, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être comprise comme ne visant que les clauses d’indemnisation dans la mesure où elles peuvent être interprétées comme protégeant les bénéficiaires d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur contre la récupération de celle-ci.
93 Ensuite, il convient de relever que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée n’implique pas que la Commission ait invalidé les clauses d’indemnisation, une telle compétence revenant, le cas échéant, aux juridictions nationales.
94 En effet, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être comprise comme ne visant qu’à clarifier la portée de l’obligation de récupération incombant, conformément à la jurisprudence précitée aux points 81 et 82 ci-dessus, au Royaume d’Espagne.
95 En particulier, les clauses d’indemnisation, dans la mesure où elles peuvent être interprétées dans le sens indiqué au point 92 ci-dessus, pourraient faire obstacle à ce que l’État membre en cause se conforme à son obligation de récupération des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur auprès des bénéficiaires qui en ont eu la jouissance effective. En effet, du fait de ces clauses, ces derniers éviteraient la charge de la récupération, ce qui ne permettrait pas le rétablissement de la situation antérieure à l’octroi de l’aide. Ainsi que le fait valoir, à juste titre, la Commission, une telle situation serait susceptible de compromettre l’effet utile du système de contrôle des aides d’État instauré par le traité. Il incombe donc au Royaume d’Espagne, y compris aux juridictions nationales, de faire en sorte que l’obligation de récupération de l’aide auprès des bénéficiaires ou, en d’autres termes, des entreprises qui en ont eu la jouissance effective, conformément à la jurisprudence citée au point 82 ci-dessus, soit pleinement respectée.
96 Ainsi, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée n’implique pas que la Commission ait outrepassé la compétence dont elle est investie au titre de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999. En effet, s’il est vrai que la récupération s’effectue conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, conformément à l’article 14, paragraphe 3, du même règlement, il n’en reste pas moins que cette dernière disposition exige que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. Partant, rien ne s’oppose à ce que la Commission précise, dans ladite décision, que le Royaume d’Espagne doit faire en sorte que les bénéficiaires remboursent les montants des aides dont ils ont eu la jouissance effective, sans pouvoir transférer la charge de la récupération de ces montants à une autre partie au contrat.
97 En l’espèce, cette conclusion est d’autant plus justifiée que, ainsi que la Commission l’a confirmé lors de l’audience, les clauses d’indemnisation étaient prévues dans des contrats-cadres conclus entre les divers participants du RELF. Or, ces contrats-cadres faisaient partie de l’ensemble des contrats juridiquement contraignants qui, ainsi que la Cour l’a souligné dans son arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 138), étaient soumis à l’administration fiscale et dont celle-ci tenait compte pour autoriser l’amortissement anticipé. Au point 137 de cet arrêt, la Cour a confirmé qu’il convenait d’apprécier le RELF dans son ensemble comprenant non seulement la législation fiscale espagnole pertinente, mais également les autorisations accordées par l’administration fiscale espagnole et, ainsi, lesdits contrats juridiquement contraignants.
98 Dans de telles circonstances, dès lors que, en appréciant la compatibilité du RELF avec les règles d’aide d’État, l’attention de la Commission a été attirée sur l’existence des clauses d’indemnisation prévues dans les contrats qui étaient soumis à l’administration fiscale et dont celle-ci tenait compte pour autoriser l’amortissement anticipé, elle n’a pas outrepassé ses compétences en rappelant, en substance, que le Royaume d’Espagne devait récupérer l’aide auprès des bénéficiaires de celle-ci, sans que ces derniers puissent, sur le fondement des clauses d’indemnisation, transférer la charge de la récupération à une autre partie au contrat, conformément à la jurisprudence citée au point 82 ci‑dessus.
99 À cet égard, les requérantes font valoir que la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée méconnaîtrait les articles 6 et 16 de la Charte. En particulier, elles soutiennent que, en prononçant l’invalidité des clauses d’indemnisation, la Commission a porté atteinte à la liberté contractuelle découlant de ces dispositions.
100 Or, cet argument ne saurait remettre en cause la légalité de ladite précision.
101 Il convient de relever que l’article 6 de la Charte prévoit que « [t]oute personne a droit à la liberté et à la sûreté ». Cette disposition reprend la garantie octroyée par l’article 5, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »). En outre, il y a lieu de rappeler que l’article 52, paragraphe 3, de la Charte vise à assurer la cohérence nécessaire entre les droits contenus dans cette dernière et les droits correspondants garantis par la CEDH, sans porter atteinte à l’autonomie du droit de l’Union et de la Cour de justice de l’Union européenne. Il convient donc de tenir compte des droits correspondants de la CEDH en vue de l’interprétation de la Charte, en tant que seuil de protection minimale (arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a., C‑511/18, C‑512/18 et C‑520/18, EU:C:2020:791, point 124).
102 S’agissant de l’article 5 de la CEDH, qui consacre le « droit à la liberté » et le « droit à la sûreté », la Cour a indiqué qu’il vise, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, à protéger l’individu contre toute privation de liberté arbitraire ou injustifiée (arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a., C‑511/18, C‑512/18 et C‑520/18, EU:C:2020:791, point 125).
103 Il s’ensuit que, dans la mesure où le droit à la liberté vise à protéger l’individu contre les privations de liberté arbitraires ou injustifiées, seules les personnes physiques peuvent relever de ce droit (Commission EDH, 11 avril 1991, Boucheras et Groupe Information Asiles c. France, CE:ECHR:1991:0411DEC001443888).
104 En outre, le « droit à la liberté » protégé par l’article 5 de la CEDH vise la liberté physique de la personne (arrêt du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, point 182) et ne concerne donc pas les restrictions à la liberté contractuelle, qui relève de la liberté d’entreprise garantie par l’article 16 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 82 et jurisprudence citée).
105 Par conséquent, dès lors que, premièrement, les requérantes ne peuvent revendiquer un droit dont seules des personnes physiques peuvent se prévaloir et, deuxièmement, une atteinte à la liberté contractuelle ne relève pas, en tout état de cause, du champ d’application de l’article 6 de la Charte, leur argumentation doit être rejetée dans la mesure où elle soulève une violation de cette disposition.
106 En ce qui concerne, ensuite, la violation alléguée de l’article 16 de la Charte, il convient de relever que, en vertu de cette disposition, la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales.
107 La protection conférée par cet article comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre (voir arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 82 et jurisprudence citée).
108 Selon une jurisprudence constante, la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue. Elle peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique (voir arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 83 et jurisprudence citée).
109 Par ailleurs, il importe de rappeler également que, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des limitations peuvent être apportées à l’exercice des droits et libertés consacrés par celle-ci, tels que la liberté d’entreprise, pour autant que ces limitations sont prévues par la loi, respectent le contenu essentiel de ces droits et libertés et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui (arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 86).
110 En l’espèce, même à supposer que la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée soit considérée comme limitant la liberté d’entreprise, il y a tout d’abord lieu de relever que cette limitation découle notamment de l’obligation de récupération, prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que par l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, de sorte qu’elle est prévue par la loi.
111 S’agissant de la condition tenant au respect du contenu essentiel de la liberté d’entreprise, les requérantes ne soulèvent pas d’arguments précis permettant au Tribunal de constater que la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée affecte ce contenu essentiel.
112 Ensuite, cette précision poursuit un objectif d’intérêt général. En effet, ainsi qu’il est exposé aux points 95 et 96 ci-dessus, elle vise à assurer que les clauses d’indemnisation ne compromettent pas l’obligation de récupération incombant au Royaume d’Espagne et, plus généralement, à garantir l’effet utile du système de contrôle des aides d’État instauré par le traité.
113 En outre, les requérantes n’ont soumis au Tribunal aucun élément qui permettrait de constater que, eu égard à cet objectif, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée constitue une intervention démesurée ou intolérable portant atteinte à la substance même de la liberté d’entreprise.
114 En ce qui concerne, enfin, le caractère nécessaire de la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, les requérantes n’avancent pas d’élément permettant de considérer que, en apportant cette précision, la Commission a dépassé les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis qui ont été rappelés au point 112 ci-dessus, tels que notamment celui du rétablissement de la situation antérieure à l’octroi de l’aide et la restitution des aides en cause par les bénéficiaires. Au demeurant, ainsi que le Tribunal l’a considéré au point 96 ci-dessus, l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision ne fait que préciser la portée de l’obligation de récupération incombant au Royaume d’Espagne.
115 En ce qui concerne, enfin, l’argument des requérantes par lequel elles reprochent, en substance, une absence de motivation de la décision attaquée concernant l’invalidation des clauses contractuelles par lesquelles les chantiers navals s’engagent à indemniser les investisseurs des GIE et les compagnies maritimes si ceux-ci ne peuvent finalement pas obtenir les avantages prévus par le RELF, il convient de relever que, comme cela a été indiqué aux points 93 et 94 ci-dessus, la précision apportée à l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision ne consistait pas à invalider les clauses d’indemnisation, mais à clarifier la portée de l’obligation de récupération incombant, conformément à la jurisprudence précitée aux points 81 et 82 ci-dessus, au Royaume d’Espagne. Un tel argument doit donc être rejeté.
116 Il convient, par ailleurs, de relever que, aux considérants 272 à 276 de la décision attaquée, apparaissent clairement les raisons pour lesquelles la précision a été apportée à l’article 4, paragraphe 1, de la décision attaquée, à savoir que les clauses d’indemnisation pouvaient faire obstacle à ce que l’État membre concerné se conforme à son obligation de récupération des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur, comme cela a été indiqué au point 95 ci-dessus.
117 Eu égard à ce qui précède, la seconde branche du deuxième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
Sur les griefs, au sein du cinquième moyen, tirés de la violation du principe de sécurité juridique
118 En premier lieu, les requérantes partent de la prémisse selon laquelle le Royaume d’Espagne a manqué à ses obligations découlant du droit de l’Union en adoptant le RELF et selon laquelle il devrait, partant, engager sa responsabilité envers les requérantes pour les préjudices causés par cette violation du droit de l’Union. Cela se traduirait, selon les requérantes, par le droit pour elles d’être en tout état de cause indemnisées par lui du montant de l’aide remboursée. Dans un tel contexte, elles soutiennent, en substance, que la Commission ne devrait pas ordonner le remboursement des aides dans la décision attaquée sous peine de violer le principe de sécurité juridique. Les requérantes font valoir, à travers des références au principe de protection de la confiance légitime dans le cadre du présent moyen, que la Commission aurait également violé ce principe.
119 La Commission conteste les arguments des requérantes.
120 À cet égard, il convient de relever que, comme l’a rappelé la Cour aux points 81 et 82 de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), en ce qui concerne le principe du sécurité juridique, celui-ci constitue un principe général du droit de l’Union, qui vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques résultant du droit de l’Union et exige que tout acte de l’administration qui produit des effets juridiques soit clair et précis afin que les intéressés puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence. Par ailleurs, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que, pour s’opposer à la récupération d’une aide d’État n’ayant pas été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE, une violation du principe de sécurité juridique peut être invoquée.
121 Or, la circonstance que l’État membre concerné ait accordé une aide illégale et incompatible avec le droit de l’Union ne saurait constituer une circonstance exceptionnelle au sens de la jurisprudence citée au point 120 ci-dessus.
122 En effet, telle qu’elle est décrite par les requérantes, cette circonstance est susceptible de concerner tout bénéficiaire d’une aide illégale déclarée incompatible avec le marché de l’Union dont la récupération a été ordonnée par la Commission.
123 En tout état de cause, la question de savoir si le Royaume d’Espagne est responsable pour des préjudices prétendument subis par les requérantes en raison d’une violation alléguée du droit de l’Union commise par cet État membre en adoptant le RELF n’a aucun impact sur la légalité de la décision attaquée.
124 Enfin, dans la mesure où les requérantes font valoir, à travers des références au principe de protection de la confiance légitime dans le cadre du cinquième moyen, que la Commission a également violé ce principe, il convient de relever qu’elles ne présentent aucune argumentation autonome et ciblée à l’appui d’un tel grief qui irait au-delà de celle examinée ci-dessus.
125 Partant, le premier grief doit être rejeté.
126 En second lieu, les requérantes soutiennent que l’absence d’une décision de la Commission ordonnant la suspension de l’exécution du RELF durant la phase formelle d’examen, prise conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, empêchait tout opérateur diligent d’avoir des doutes sur la conformité avec le marché intérieur des aides en cause.
127 La Commission conteste les arguments des requérantes.
128 À cet égard, il convient de relever que, aux termes de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, « [l]a Commission peut, après avoir donné à l’État membre concerné la possibilité de présenter ses observations, arrêter une décision enjoignant à l’État membre de suspendre le versement de toute aide illégale, jusqu’à ce qu’elle statue sur la compatibilité de cette aide avec le marché commun […] ».
129 L’article 11, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 n’impose pas à la Commission, lorsque certaines conditions sont réunies, d’adopter une injonction de suspension, mais prévoit seulement qu’elle peut adopter une telle injonction, lorsqu’elle l’estime nécessaire (arrêt du 22 avril 2016, Irlande et Aughinish Alumina/Commission, T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II, EU:T:2016:227, point 79). Il s’ensuit que les requérantes ne pourraient, en l’espèce, avoir tiré aucune conclusion du fait que la Commission n’a pas jugé devoir adopter une injonction de suspension (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2016, Irlande et Aughinish Alumina/Commission, T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II, EU:T:2016:227, point 259).
130 En outre, comme le fait valoir la Commission, l’absence d’injonction de suspension du RELF n’a pas empêché, en l’espèce, les parties de comprendre que le RELF pouvait être considéré comme incompatible avec le marché intérieur et qu’il pouvait donner lieu à une récupération auprès de ses bénéficiaires, notamment au vu du contenu de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen.
131 Pour ces raisons, il convient de rejeter le second grief et, par conséquent, le cinquième moyen dans son intégralité.
Sur la demande de mesures d’instruction et de mesure d’organisation de la procédure
132 Dans la réplique, les requérantes demandent au Tribunal d’adopter trois mesures d’instruction, que la Commission demande au Tribunal de rejeter.
133 À cet égard, il convient de relever que, s’agissant des demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 26 janvier 2017, Mamoli Robinetteria/Commission, C‑619/13 P, EU:C:2017:50, point 117 et jurisprudence citée ; arrêt du 12 novembre 2020, Fleig/SEAE, C‑446/19 P, non publié, EU:C:2020:918, point 53).
134 En l’espèce, les mesures d’instruction demandées n’apparaissent pas nécessaires afin de statuer sur le présent recours.
135 En effet, d’une part, les deux premières mesures d’instruction demandées consistent, dans l’hypothèse où la Commission nierait l’authenticité des demandes d’autorisation préalables à l’application du RELF produites par les requérantes, à solliciter la direction générale des impôts du Ministerio de Hacienda (ministère des Finances, Espagne) pour qu’elle certifie leur authenticité et, dans l’hypothèse où la Commission nierait également l’authenticité des feuilles de calcul décrivant les flux financiers du RELF, produites par les requérantes, à solliciter l’Oficina Nacional de Inspección de l’Agencia Estatal de Administración Tributaria (service national d’inspection de l’agence d’État de l’administration fiscale, Espagne) pour qu’elle certifie l’authenticité de ces documents.
136 Or, comme la Commission l’a indiqué, elle ne conteste pas l’authenticité des documents en cause, de sorte que les deux premières demandes de mesures d’instruction doivent être rejetées.
137 D’autre part, la troisième mesure d’instruction, qui consisterait à interroger un tiers au sujet d’une déclaration qu’il aurait faite dans un article paru dans le journal El País le 18 janvier 2014, est demandée par les requérantes à l’appui de leur argumentation développée dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, selon laquelle la Commission a commis une erreur dans l’identification des bénéficiaires du RELF.
138 Or, comme il a été relevé aux points 34, 35 et 59 ci-dessus, il n’y a plus lieu de statuer sur cette argumentation en tant qu’elle vise l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision et de l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette décision auprès des investisseurs des GIE qui en ont bénéficié. Par ailleurs, comme il a été relevé au point 73 ci-dessus, la Cour a définitivement jugé que les GIE et leurs investisseurs avaient été les bénéficiaires de l’aide en cause.
139 Dans ces conditions, il convient de rejeter les demandes de mesures d’instruction.
140 En ce qui concerne, enfin, la demande de mesure d’organisation de la procédure visant à ce que le Tribunal invite la Commission à l’informer de tous les actes accomplis jusqu’à présent pour exécuter l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), les requérantes soutiennent qu’une telle mesure d’organisation de la procédure se justifie par le fait que le retard dans l’adoption des mesures annoncées par la Commission pour tirer les conséquences dudit arrêt, en ce qu’il contribuerait à rallonger davantage la présente procédure, pourrait compromettre l’exécution de cet arrêt. En outre, dès lors que ce retard impliquerait la subsistance de l’erreur identifiée par la Cour, il pourrait entraîner une violation du principe de bonne administration.
141 Cependant, en l’espèce, la mesure d’organisation de la procédure demandée n’apparaît pas nécessaire afin de statuer sur le présent recours.
142 En effet, il n’est pas question, dans le cadre du présent recours, de déterminer si la Commission s’est conformée à l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), et si elle lui a donné pleine exécution, mais d’apprécier la légalité des parties de la décision attaquée qui ont été remises en cause dans la requête, dans la mesure où ces parties n’ont pas été déjà annulées par la Cour dans cet arrêt.
143 En outre et en tout état de cause, il convient de relever que la Commission a indiqué dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal du 22 février 2023 invitant les parties à se prononcer sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60), pour le traitement de la présente affaire, qu’elle était en train d’adopter les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt.
144 Partant, la demande de mesure d’organisation de la procédure doit être rejetée.
145 Il convient de conclure que le recours a partiellement perdu son objet et qu’il doit être considéré comme étant, pour le surplus, non fondé.
Sur les dépens
146 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
147 Par ailleurs, aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.
148 En l’espèce, il a été constaté qu’une partie du litige avait perdu son objet. Or, la disparition partielle de l’objet du litige est la conséquence d’une erreur de droit commise par la Commission qui a également été soulevée par les requérantes dans le cadre du présent recours, laquelle a entraîné l’annulation partielle de la décision attaquée prononcée par la Cour dans l’arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission (C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60).
149 En revanche, les requérantes ont succombé pour ce qui concerne la partie du litige pour laquelle il y a toujours lieu de statuer.
150 Dans ces circonstances, le Tribunal décide de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours dans la mesure où il est dirigé contre l’article 1er de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal », en ce qu’il désigne les groupements d’intérêt économique et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision, et l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision, en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette décision auprès des investisseurs des groupements d’intérêt économique qui en ont bénéficié.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) Chaque partie supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.
Kornezov | De Baere | Petrlík |
Kecsmár | Kingston |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2024.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.
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