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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Apoio XXI - Centro de Apoio Psico-Pedagogico v EUDA (Public service contracts - Tendering procedure - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-1150/23 (11 December 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T115023.html Cite as: [2024] EUECJ T-1150/23, EU:T:2024:889, ECLI:EU:T:2024:889 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
11 décembre 2024 (*)
« Marchés publics de services - Procédure d’appel d’offres - Coordination et prestation de services d’interprétation - Offre économiquement la plus avantageuse - Rejet de l’offre d’un soumissionnaire - Attribution à un autre soumissionnaire - Capacité technique et professionnelle - Niveau minimal de capacité - Critères de sélection - Exigences minimales - Comparabilité des offres - Prix - Qualité - Critères d’attribution »
Dans l’affaire T‑1150/23,
Apoio XXI – Centro de Apoio Psico-Pedagógico Lda, établie à Vila Nova de Gaia (Portugal), représentée par Me R. Rocha, avocat,
partie requérante,
contre
Agence de l’Union européenne sur les drogues (EUDA), représentée par MM. D. Storti et F. Pereyra, en qualité d’agents, assistés de Mes N. Salazar Casanova, T. Faria, G. Neves Lima et A. Choon, avocats,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen (rapporteur), président, J. Laitenberger et Mme M. Stancu, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Apoio XXI – Centro de Apoio Psico-Pedagógico Lda, demande, en substance, l’annulation de la décision de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) du 2 octobre 2023 portant attribution du marché public résultant de la procédure d’appel d’offres FC.23.EXO.0010.2.0 « Coordination et prestation de services d’interprétation en faveur de l’OEDT » (lots nos 1 et 2) à un autre soumissionnaire et, par voie de conséquence, soit l’exclusion de l’offre classée en première position et l’attribution à son profit du marché, soit la constatation de l’obligation de l’OEDT de lui fournir les informations et les éléments qu’elle a sollicités.
Antécédents du litige
2 Par avis de marché du 6 mars 2023, publié au Supplément du Journal officiel de l’Union européenne le 17 mars 2023 (JO 2023/S 55-163511), l’OEDT, devenu Agence de l’Union européenne sur les drogues (EUDA) (ci-après l’« Agence »), a lancé un appel d’offres ouvert portant sur la coordination et la prestation de services d’interprétation en sa faveur.
3 L’avis de marché était accompagné d’un cahier des charges qui, dans sa partie 1, décrit l’objet du marché. Il en ressort que ledit marché comprenait deux lots qui devaient donner lieu à la conclusion de deux contrats-cadres. Le lot no 1 portait sur des services d’interprétation pour les réunions du conseil d’administration de l’Agence. Le lot no 2 portait sur des services d’interprétation pour les projets de coopération technique de cette Agence, à savoir le projet EU4Monitoring Drugs II (ci-après le « projet EU4MD II ») et le projet Copolad III.
4 La partie 3 du cahier des charges est intitulée « Évaluation et attribution » et comporte cinq sections. La section 3.1 est consacrée aux critères d’exclusion. La section 3.2 est relative aux critères de sélection. La section 3.3 porte sur la conformité aux conditions de participation et sur les exigences minimales spécifiées dans les documents de marché. La section 3.4 concerne les critères d’attribution. La section 3.5 est consacrée à l’attribution et au classement des offres.
5 S’agissant des critères de sélection, le point 3.2.3 du cahier des charges porte sur la capacité technique et professionnelle des soumissionnaires. Il prévoit, notamment, un critère T 4.1 pour le lot no 1 et un critère T 4.2 pour le lot no 2.
6 Selon les critères de sélection T 4.1 et T 4.2, le soumissionnaire doit être accrédité conformément à une norme internationale reconnue « [Association Internationale des Interprètes de Conférence] ou équivalent ». Audit point 3.2.3 du cahier des charges, il est indiqué que ces critères s’appliquent au soumissionnaire dans son ensemble et que leur respect est démontré au moyen d’une preuve de l’appartenance du soumissionnaire à l’Association Internationale des Interprètes de Conférence (AIIC) ou à un organisme équivalent (ci-après, ensemble, l’« AIIC ou équivalent »).
7 À la fin du mois de mars 2023, l’Agence a précisé, en réponse à des questions posées par les parties intéressées, que les critères T 4.1 et T 4.2 devaient être compris en ce sens que tous les interprètes travaillant pour le soumissionnaire devaient être accrédités AIIC ou équivalent.
8 S’agissant des critères d’attribution, la section 3.4 du cahier des charges aborde successivement le critère lié au prix dans un point 3.4.1 et le critère lié à la qualité dans un point 3.4.2.
9 Le 29 avril 2023, la requérante a déposé une offre pour les deux lots concernés, à savoir le lot no 1 et le lot no 2.
10 Le 2 octobre 2023, l’Agence a pris la décision d’attribuer le marché au soumissionnaire ayant présenté, selon elle, l’offre économiquement la plus avantageuse. Elle a concomitamment informé la requérante que son offre n’avait pas été retenue.
11 Le 12 octobre 2023, la requérante a demandé à l’Agence, notamment, de lui communiquer la proposition technique et économique de l’offre classée en première position ainsi que le rapport d’évaluation et de suspendre immédiatement la signature du contrat.
12 Le 23 octobre 2023, l’Agence a communiqué à la requérante le nom du soumissionnaire à qui le marché avait été attribué (ci-après le « candidat retenu ») ainsi que les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre de ce dernier. Cette communication a pris la forme de tableaux qui comprenaient, pour chacun des deux lots, premièrement, les notes obtenues par le candidat retenu et par la requérante au sujet du critère et des sous-critères d’attribution liés à la qualité, deuxièmement, le prix de leurs offres, troisièmement, leur score final et, quatrièmement, leur classement.
13 Selon ces tableaux, l’offre de la requérante a été classée en deuxième position, derrière l’offre du candidat retenu, pour chacun des deux lots.
14 S’agissant du lot no 1, l’offre du candidat retenu a obtenu, au titre du critère d’attribution lié à la qualité, une note totale légèrement inférieure à celle attribuée à l’offre de la requérante. Cependant, l’offre du candidat retenu a obtenu un score final très supérieur à celui de l’offre de la requérante en raison de son prix nettement inférieur.
15 S’agissant du lot no 2, l’offre du candidat retenu et l’offre de la requérante ont obtenu, au titre du critère d’attribution lié à la qualité, une note totale quasi identique. Cependant, l’offre du candidat retenu a obtenu un score final très supérieur à celui de l’offre de la requérante en raison de son prix nettement inférieur.
16 Le 3 novembre 2023, la requérante a demandé à l’Agence de lui communiquer la proposition technique de l’offre classée en première position. En effet, elle a expliqué qu’elle souhaitait mieux comprendre comment cette offre respectait les exigences techniques et, en particulier, le critère de sélection T 4.1, relatif à l’accréditation AIIC ou équivalent des membres de l’équipe du candidat retenu. La requérante a mis en doute la capacité de l’offre classée en première position à respecter les exigences techniques au prix proposé. Enfin, elle a de nouveau demandé à l’Agence de suspendre immédiatement la signature du contrat.
17 Le 17 novembre 2023, l’Agence a communiqué à la requérante les appréciations qualitatives que son comité d’évaluation avait portées sur les caractéristiques techniques de son offre et de l’offre classée en première position.
18 Plus précisément, l’Agence a fourni, pour chacun des deux lots, un résumé des commentaires effectués par son comité d’évaluation au sujet de ces deux offres en ce qui concernait chacun des quatre sous-critères du critère d’attribution lié à la qualité mentionnés au point 3.4.2 du cahier des charges.
19 Par lettre datée du 24 novembre 2023 et communiquée le 27 novembre suivant, la requérante a expliqué à l’Agence qu’elle estimait que celle-ci avait manqué à son obligation de lui communiquer les informations qui lui permettaient d’apprécier si l’offre classée en première position respectait le critère de sélection T 4.1, relatif à l’accréditation AIIC ou équivalent des membres de l’équipe du candidat retenu. C’est pourquoi elle a informé l’Agence que, si cette dernière ne lui communiquait pas la proposition technique de l’offre classée en première position dans un délai de deux jours, elle introduirait un recours devant le juge de l’Union européenne.
20 Le 29 novembre 2023, l’Agence a répondu qu’elle avait respecté ses obligations en ce qui concernait les informations transmises à la requérante. Par ailleurs, elle a fourni à cette dernière des informations qualitatives au sujet de la vérification du respect des critères de sélection.
21 Le même jour, la requérante a expliqué que les documents fournis étaient insuffisants. À cet égard, d’une part, elle a demandé à l’Agence de lui communiquer les pièces justificatives démontrant que les interprètes du candidat retenu étaient accrédités AIIC ou équivalent conformément aux critères de sélection T 4.1 et T 4.2. D’autre part, elle a demandé la divulgation des pièces justificatives, qui avaient été fournies par le candidat retenu et qui contenaient les aspects techniques sur la base desquels l’Agence avait noté l’offre classée en première position au regard de chacun des quatre sous-critères du critère d’attribution lié à la qualité.
22 Le 30 novembre 2023, l’Agence a communiqué des documents supplémentaires à la requérante, à savoir des documents attestant de l’accréditation AIIC de quatre interprètes travaillant pour le candidat retenu et un document relatif aux aspects techniques de l’offre présentée par ce dernier.
23 Le 2 décembre 2023, la requérante a répondu que les documents transmis étaient insuffisants et demandé, soit l’annulation de l’attribution du marché, soit la divulgation de toutes les pièces justificatives relatives à l’offre classée en première position sur lesquelles l’Agence avait fondé sa conclusion et de toutes les pièces justificatives qui contenaient les aspects techniques de cette offre.
24 Le 4 décembre 2023, l’Agence a répondu que, le 30 novembre 2023, elle avait transmis à la requérante un échantillon significatif des pièces justificatives qui émanaient du candidat retenu et qui étaient relatives aux critères de sélection. Elle a ajouté qu’elle était déjà allée au-delà des obligations qui lui incombaient au regard du droit applicable.
Conclusions des parties
25 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision contenue dans la lettre de l’OEDT du 2 octobre 2023 portant attribution du marché public résultant de la procédure d’appel d’offres FC.23.EXO.0010.2.0 « Coordination et prestation de services d’interprétation en faveur de l’OEDT » (lots nos 1 et 2) à un autre soumissionnaire et, par voie de conséquence, soit exclure l’offre classée en première position et lui attribuer le marché, soit constater l’obligation de l’Agence de lui fournir les informations et les éléments qu’elle a sollicités ;
– condamner l’Agence aux dépens.
26 L’Agence conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur les demandes associées à la demande d’annulation
27 Par son recours, la requérante demande notamment au Tribunal soit d’exclure l’offre classée en première position et de lui attribuer le marché, soit de constater l’obligation de l’Agence de lui fournir les informations et les éléments qu’elle a sollicités.
28 À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des arrêts déclaratoires (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2005, Infront WM/Commission, T‑33/01, EU:T:2005:461, point 171) ou des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union même si celles-ci ont trait aux modalités d’exécution de ses arrêts (voir, en ce sens, ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C‑199/94 P et C‑200/94 P, EU:C:1995:360, point 24 et jurisprudence citée). Dans le cadre d’un tel contrôle, le Tribunal n’est pas davantage compétent pour exclure une offre soumise dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres et pour attribuer un marché public à la place du pouvoir adjudicateur.
29 En effet, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, il incombe à l’institution, à l’organe ou à l’organisme dont émane l’acte annulé de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt annulant cet acte.
30 Ainsi, les demandes de la requérante visant à ce que le Tribunal soit exclue l’offre classée en première position et lui attribue le marché, soit constate l’obligation de l’Agence de lui fournir les informations et les éléments qu’elle a sollicités doivent être rejetées pour cause d’incompétence manifeste.
Sur la demande en annulation
31 À titre liminaire, il convient de souligner que même si la requérante identifie l’acte attaqué comme étant la lettre l’informant que son offre n’a pas été retenue, il ressort clairement de la requête qu’elle demande l’annulation de la décision d’attribuer le marché en cause (lots nos 1 et 2) à un autre soumissionnaire. C’est d’ailleurs en ce sens que l’Agence a interprété cette demande.
32 Par son premier moyen, la requérante invoque une violation, lors de l’analyse de l’offre classée en première position, de l’article 167, de l’article 170, paragraphe 1, et du point 29.3 de l’annexe I du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier »). La requérante invoque également une erreur manifeste dans l’analyse de l’offre classée en première position.
33 À cet égard, il ressort de l’article 167, paragraphe 1, du règlement financier que les marchés sont attribués sur la base de critères d’attribution, pour autant que le pouvoir adjudicateur ait notamment vérifié que l’offre est conforme aux exigences minimales précisées dans les documents de marché et que le candidat ou le soumissionnaire répond aux critères de sélection précisés dans les documents de marché.
34 L’article 170, paragraphe 1, du règlement financier prévoit que l’ordonnateur compétent désigne l’attributaire, dans le respect des critères de sélection et d’attribution précisés dans les documents de marché.
35 Enfin, il ressort du point 29.3 de l’annexe I du règlement financier, qui renvoie aux points 12.2 et 12.3 de cette même annexe, que ne sont pas admissibles les offres qui ne sont pas conformes aux exigences minimales définies dans les documents de marché et celles qui n’atteignent pas les niveaux de qualité minimaux pour satisfaire aux critères d’attribution.
36 À la lumière des dispositions dont la violation est invoquée par la requérante ainsi que du contenu de la requête, tel que complété par les observations de cette dernière sur les documents produits par l’Agence à la demande du Tribunal, il y a lieu de constater que le premier moyen invoqué par la requérante comporte, en substance, deux branches.
37 Par la première branche, la requérante soutient que l’offre classée en première position ne respectait pas les critères de sélection T 4.1 et T 4.2, qui figurent au point 3.2.3 du cahier des charges et qui ont été clarifiés par l’Agence dans ses réponses à des questions posées par des parties intéressées.
38 Par la seconde branche, la requérante soutient, en substance, que l’offre classée en première position ne respectait pas les exigences minimales et les niveaux de qualité minimaux énoncés dans les critères d’attribution prévus à la section 3.4 du cahier des charges.
Sur la première branche du premier moyen, tirée du non-respect des critères de sélection T 4.1 et T 4.2
39 La requérante fait valoir que les documents, qui lui ont été transmis par l’Agence avant l’introduction de son recours, ne démontrent pas que tous les interprètes affectés à la prestation de services offerte par le candidat retenu étaient accrédités AIIC ou équivalent. Elle en déduit que l’offre classée en première position ne respectait pas les critères de sélection T 4.1 et T 4.2 du cahier des charges, tels que clarifiés par l’Agence.
40 À la suite d’une demande de production de documents décidée par le Tribunal, l’Agence a produit une version non confidentielle des documents qui, selon elle, démontraient que l’ensemble des interprètes affectés à la prestation de services offerte par le candidat retenu étaient accrédités AIIC ou équivalent. Cette production a pris la forme de 17 annexes, qui comportent des données anonymisées liées au profil de 17 interprètes affectés à la prestation de services offerte par le candidat retenu.
41 Dans ses observations sur les documents produits par l’Agence, la requérante ne conteste pas que quatorze des 17 interprètes affectés à la prestation de services offerte par le candidat retenu sont bien accrédités AIIC ou équivalent. En revanche, la requérante soutient que trois de ces interprètes ne sont pas accrédités AIIC ou équivalent.
42 L’Agence conteste ces allégations.
43 Premièrement, la requérante soutient que l’annexe B.3 prouve uniquement, s’agissant de l’interprète concerné par cette annexe, l’existence d’une accréditation équivalente à celle AIIC pour réaliser l’interprétation depuis l’azéri vers l’anglais et inversement. En revanche, une accréditation équivalente à celle AIIC ne serait pas démontrée pour les quatre autres langues mentionnées dans son curriculum vitae, à savoir le russe, le géorgien, le français et le kurde.
44 À cet égard, il importe cependant de souligner que le fait, allégué par la requérante, qu’une accréditation équivalente à celle AIIC ne serait pas démontrée pour les quatre autres langues mentionnées dans le curriculum vitae de l’interprète en cause, à savoir le russe, le géorgien, le français et le kurde, ne permettrait pas de conclure que ledit interprète n’était pas accrédité AIIC ou équivalent au sens des critères de sélection.
45 En effet, étant donné que l’interprète en cause dispose clairement d’une accréditation équivalente à celle AIIC pour procéder à l’interprétation depuis l’azéri vers l’anglais et inversement, ce que la requérante ne conteste pas, ledit interprète pouvait être pris en compte par l’Agence afin d’apprécier si l’ensemble des interprètes affectés à la prestation de services offerte par le candidat retenu étaient accrédités AIIC ou équivalent.
46 Ainsi, les preuves fournies par le candidat retenu étaient suffisantes pour considérer que l’interprète concerné par l’annexe B.3 était accrédité d’une manière équivalente à l’accréditation AIIC au sens des critères de sélection.
47 Deuxièmement, la requérante soutient que l’annexe B.5 ne démontre pas l’existence d’une accréditation équivalente à celle AIIC pour l’interprète concerné par cette annexe. En effet, cette annexe ne démontrerait pas l’existence d’un minimum de 150 jours de travail comme cela serait exigé pour obtenir l’accréditation AIIC. Par ailleurs, l’annexe B.5 ne permettrait pas d’identifier les langues dans lesquelles l’interprète en question est habilité à travailler.
48 À cet égard, il est vrai que l’annexe B.5 contient uniquement la preuve d’un contrat signé avec la Commission européenne en 2009 pour une mission d’interprétation d’une journée. Par ailleurs, les langues dans lesquelles l’interprète en cause a effectivement réalisé des tâches d’interprétation au cours de cette mission ne sont pas précisées.
49 Toutefois, le curriculum vitae de l’interprète concerné précise qu’il est accrédité comme interprète de langue natale allemande par les institutions de l’Union depuis 2006. Par ailleurs, cet interprète dispose d’une seconde langue maternelle en plus de l’allemand, à savoir l’espagnol. Enfin, le curriculum vitae de l’interprète en question fait état d’une longue expérience.
50 Ainsi, les preuves fournies par le candidat retenu étaient suffisantes pour considérer que l’interprète concerné par l’annexe B.5 était accrédité d’une manière équivalente à l’accréditation AIIC au sens des critères de sélection.
51 Troisièmement, la requérante soutient que l’annexe B.9 ne démontre pas que l’interprète concerné par cette annexe dispose d’une accréditation équivalente à celle AIIC pour les langues qui figurent dans son curriculum vitae.
52 Cependant, il importe de souligner que l’annexe B.9 démontre que l’interprète concerné a été admis comme membre de l’AIIC. Par ailleurs, dans son curriculum vitae, cet interprète précise qu’il a deux langues maternelle, à savoir l’anglais et l’espagnol, et qu’il est interprète freelance depuis 1996, ce qui témoigne d’une longue expérience.
53 Ainsi, les preuves fournies par le candidat retenu étaient suffisantes pour considérer que l’interprète concerné par l’annexe B.9 était accrédité AIIC au sens des critères de sélection.
54 Compte tenu de ce qui précède, la requérante n’a pas démontré que l’Agence a violé les critères de sélection T 4.1 et T 4.2 figurant au point 3.2.3 du cahier des charges lorsqu’elle a considéré que tous les interprètes affectés à la prestation de services offerte par le candidat retenu étaient accrédités AIIC ou équivalent au sens desdits critères.
55 S’agissant de la question relative aux langues pour lesquelles les interprètes affectés à la prestation de services offerte par le candidat retenu étaient accrédités AIIC ou équivalent, celle-ci doit être examinée dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, tirée du non-respect des exigences minimales et des niveaux de qualité minimaux énoncés dans les critères d’attribution prévus à la section 3.4 du cahier des charges.
56 La première branche du premier moyen est donc rejetée.
Sur la seconde branche du premier moyen, tirée du non-respect des exigences minimales et des niveaux de qualité minimaux énoncés dans les critères d’attribution prévus à la section 3.4 du cahier des charges
57 Le cahier des charges contient un point 1.3.2 intitulé « Caractéristiques détaillées de l’achat ». Il figure dans la partie 1 de ce cahier des charges, intitulée « Champ et description du marché » et dans une section 1.3 consacrée à la description de ce que l’Agence souhaitait acquérir sur la base de son avis de marché et dudit cahier des charges.
58 S’agissant du lot no 1, l’Agence explique, audit point 1.3.2 du cahier des charges, que les réunions de son conseil d’administration requièrent une interprétation depuis et vers quatre langues « actives », à savoir le français, l’anglais, l’allemand et la langue du président, et dans deux autres langues officielles « passives » de l’Union sur une base de rotation, autant que possible par ordre protocolaire et en principe pour couvrir toutes ces langues.
59 S’agissant du lot no 2, l’Agence explique, au même point 1.3.2 du cahier des charges, que les langues requises pour le projet EU4MD II sont les suivantes : arabe, azéri, arménien, géorgien, français, roumain, russe, ukrainien. L’Agence précise que l’arabe, le français et le russe peuvent être (« may be ») les langues les plus courantes. L’Agence ajoute que la langue requise pour le projet Copolad III est l’espagnol.
60 La section 3.3 du cahier des charges porte sur la conformité aux conditions de participation et sur les exigences minimales spécifiées dans les documents de marché.
61 Dans cette section 3.3, il est notamment expliqué que, en soumettant une offre, le soumissionnaire s’engage à exécuter le contrat en pleine conformité avec les termes et conditions des documents de marché de l’appel d’offres et l’attention est particulièrement appelée sur les exigences minimales spécifiées à la section 1.4 du cahier des charges. Il est précisé que les offres qui ne sont pas conformes aux exigences minimales applicables doivent être rejetées.
62 La section 3.4 du cahier des charges, relative aux critères d’attribution, aborde successivement le critère lié au prix dans un point 3.4.1 et le critère lié à la qualité dans un point 3.4.2.
63 En ce qui concerne le critère d’attribution lié au prix, le point 3.4.1 du cahier des charges prévoit que le prix, dont il sera tenu compte pour l’évaluation, sera le prix total de l’offre, calculé pour chaque lot, sur la base de scénarios exposés dans ledit point 3.4.1. Dans ce point, l’Agence présente ensuite, d’une manière détaillée, un scénario pour le lot no 1 et un scénario pour le lot no 2.
64 Le scénario du lot no 1 concerne une réunion du conseil d’administration de l’Agence qui aura lieu à une date déterminée, pendant une journée et demie. Selon ce scénario, la réunion en question se tiendra dans les langues actives suivantes : anglais, français et allemand. Ce scénario prévoit que les participants pourront aussi s’exprimer dans les langues passives suivantes : espagnol, polonais et danois.
65 Le scénario du lot no 2 concerne une réunion de l’Agence qui se tiendra à une date déterminée, pendant une journée. Selon ce scénario, la réunion en question se tiendra dans les langues actives suivantes : anglais, français, arabe, espagnol et russe. Ce scénario prévoit que les participants pourront aussi s’exprimer dans les langues passives suivantes : azéri, arménien, géorgien, roumain et ukrainien.
66 En ce qui concerne le critère d’attribution lié à la qualité, le point 3.4.2 du cahier des charges prévoit que la qualité de l’offre sera évaluée sur la base de quatre sous-critères qualitatifs.
67 En particulier, le sous-critère qualitatif no 2, qui représente 30 % de la note totale accordée au titre du critère d’attribution lié à la qualité, porte sur la qualité et l’efficacité de l’équipe proposée en termes de nombre d’interprètes par langue et de disponibilité de locuteurs natifs par langue.
68 La section 3.5 du cahier des charges, consacrée à l’attribution et au classement des offres, précise que les offres doivent atteindre une note minimale de 6 sur 10 au titre des critères d’attribution liés à la qualité sous peine d’être exclues de la procédure. Cette section 3.5 présente également la méthode selon laquelle un score final est attribué aux offres.
69 En l’espèce, la requérante soutient, en substance, que l’offre classée en première position ne respectait pas les exigences minimales et les niveaux de qualité minimaux imposés par le scenario du lot no 1 et par le scénario du lot no 2, tels que présentés dans le point 3.4 du cahier des charges.
70 En effet, s’agissant du lot no 1, l’offre classée en première position ne proposerait pas d’affecter au moins dix interprètes capables d’assurer les combinaisons linguistiques requises par ce scénario. À cet égard, la requérante relève en particulier qu’aucun interprète capable de comprendre le danois et d’assurer l’interprétation à partir de cette langue, accrédité AIIC ou équivalent, n’a été présenté.
71 S’agissant du lot no 2, l’offre classée en première position ne proposerait pas d’affecter au moins 18 interprètes capables d’assurer les combinaisons linguistiques requises par ce scénario. À cet égard, la requérante relève en particulier qu’aucun interprète capable de comprendre le géorgien et d’assurer l’interprétation à partir de cette langue, accrédité AIIC ou équivalent, n’a été présenté.
72 L’Agence rétorque que les scénarios décrits à la section 3.4 du cahier des charges permettent d’établir un tableau comparatif aux fins de noter les offres soumises. Elle ajoute que ces scénarios ne correspondent pas à de véritables exigences minimales de capacité.
73 S’agissant du lot no 1, l’Agence soutient que, comme cela ressortirait du point 1.3.2 du cahier des charges, les exigences minimales relatives aux langues concernées par ce lot concernaient uniquement trois langues actives, à savoir le français, l’anglais et l’allemand, et deux autres langues officielles passives de l’Union. Or, l’offre classée en première position remplirait ces exigences.
74 L’Agence ajoute que l’absence d’un interprète danois natif dans l’offre présentée par le candidat retenu a été, à la lumière du scénario pour le lot no 1, constatée par le comité d’évaluation et reflétée dans la note attribuée à cette offre au titre du sous‑critère qualitatif no 2.
75 S’agissant du lot no 2, l’Agence explique que, au regard du point 1.3.2 du cahier des charges, les principales langues à prendre en considération pour ce lot étaient l’arabe, le français, le russe et l’espagnol.
76 L’Agence ajoute que le candidat retenu a présenté un interprète accrédité, qui avait également la capacité d’interpréter le géorgien.
– Observations liminaires sur les exigences prévues par le cahier des charges
77 Il convient de relever, en premier lieu, que la portée du point 1.3.2 du cahier des charges n’est pas dépourvue d’ambiguïté et qu’il ne ressort pas clairement du cahier des charges que ce point 1.3.2 contient des exigences minimales.
78 En effet, ce point 1.3.2 figure dans la partie 1 du cahier des charges, intitulée « Champ et description du marché » et dans la section 1.3 consacrée à la description de ce que l’Agence souhaite acquérir.
79 Par ailleurs, le contenu de la section 1.3.2 n’est pas clairement présenté comme une exigence minimale.
80 Enfin, dans sa partie 3, consacrée à l’évaluation et à l’attribution des offres, le cahier des charges contient une section 3.3 intitulée « Conformité avec les conditions de participation et exigences minimales spécifiées dans les documents de marché ».
81 À cet égard, cette section 3.3 ne fait aucunement référence au point 1.3.2 du cahier des charges. En revanche, cette section fait expressément référence aux exigences minimales spécifiques figurant dans la section 1.4 et relatives au lieu d’accomplissement du contrat.
82 Cependant, il y a lieu de considérer, comme le soutient en substance l’Agence, que le point 1.3.2 du cahier des charges prévoit des exigences minimales pour répondre aux besoins de cette Agence en ce qui concerne les langues devant donner lieu à une interprétation simultanée.
83 Dans ces circonstances, il importe de souligner, en deuxième lieu, que, lorsqu’elle a prévu un scénario pour le lot no 1 et un scénario pour le lot no 2, l’Agence a fixé des conditions spécifiques dans la section 3.4 du cahier des charges consacrée aux critères d’attribution.
84 En effet, l’Agence a indiqué, au point 3.4.1 du cahier des charges, que le prix couvre (« shall cover ») toutes les exigences fixées dans le cahier des charges. Par ailleurs, pour chaque lot, elle a demandé aux soumissionnaires de remplir un formulaire de proposition financière et de présenter une proposition détaillée, conformément au scénario correspondant.
85 Il ressort également de l’énoncé du scénario du lot no 1 et du scénario du lot no 2 que l’interprétation de toutes les langues actives et depuis toutes les langues passives mentionnées dans ces scénarios respectifs était exigée afin de permettre aux participants aux réunions concernées par lesdits scénarios de suivre l’interprétation dans lesdites langues actives et de s’exprimer dans lesdites langues passives.
86 S’agissant du lot no 2, ce constat est également confirmé par les explications fournies par l’Agence dans la défense, selon lesquelles, en application de la section 3.4 du cahier des charges, les langues « requises » (« exigidas ») pour le lot no 2 étaient au nombre de dix.
87 Enfin, il importe de relever que, comme le reconnaît l’Agence, ces scénarios avaient pour objet de permettre la comparabilité des offres.
88 À cet égard, d’une part, les conditions spécifiques prévues par le scénario du lot no 1 et par le scénario du lot no 2 permettaient effectivement de garantir la comparabilité des offres formulées par les soumissionnaires au regard du critère d’attribution lié au prix.
89 D’autre part, il ressort des appréciations effectuées par le comité d’évaluation de l’Agence au sujet du sous-critère qualitatif no 2 que le scénario du lot no 1 et le scénario du lot no 2 ont également été utilisés par ce comité afin de comparer les offres au titre du critère d’attribution lié à la qualité.
90 Or, comme le fait valoir en substance la requérante, la présentation d’une offre, qui ne comprendrait pas des interprètes accrédités AIIC ou équivalent pour l’ensemble des langues exigées par le scénario du lot no 1 et par le scénario du lot no 2, rendrait impossible la comparaison de cette offre avec les autres offres présentées.
91 En effet, si les conditions fixées dans le scénario du lot no 1 et dans le scénario du lot no 2 ne constituaient pas des conditions spécifiques devant être obligatoirement remplies et si les soumissionnaires pouvaient s’en écarter, le principe d’égalité de traitement serait méconnu au stade de l’examen des critères d’attribution.
92 Ainsi, le respect des conditions posées dans le scénario du lot no 1 et dans le scénario du lot no 2 s’imposait à la fois aux soumissionnaires et au comité d’évaluation de l’Agence, en tant que conditions spécifiques, afin de permettre la comparabilité des offres soumises et d’assurer une égalité de traitement entre les soumissionnaires au titre des critères d’attribution liés au prix et à la qualité (voir, par analogie, arrêts du 22 juin 1993, Commission/Danemark, C‑243/89, EU:C:1993:257, point 37, et du 4 juillet 2016, Orange Business Belgium/Commission, T‑349/13, non publié, EU:T:2016:385, point 160).
93 En troisième lieu, il convient de considérer que la section 3.5 du cahier des charges, consacrée à l’attribution et au classement des offres, a mentionné des niveaux de qualité minimaux lorsqu’elle a précisé que les offres devaient atteindre une note minimale de 6 sur 10 au titre des critères d’attribution liés à la qualité sous peine d’être exclues de la procédure.
94 À la lumière, premièrement, des dispositions du règlement financier mentionnées par la requérante (voir points 33 à 35 ci‑dessus), deuxièmement, du contenu non dépourvu d’ambiguïté du cahier des charges (voir points 57 à 68 ci‑dessus) et, troisièmement, des arguments avancés par la requérante (voir points 69 à 71 ci‑dessus), il y a lieu de considérer que, par la seconde branche de son premier moyen, la requérante a entendu invoquer, d’une part, une violation d’éventuelles exigences minimales au sens de l’article 167, paragraphe 1, et du point 12.2 de l’annexe I du règlement financier, liées aux langues nécessaires pour mettre en œuvre le lot no 1 et le lot no 2 et, d’autre part, une violation des conditions spécifiques, qui sont prévues dans le scénario du lot no 1 et dans le scénario du lot no 2 et qui font partie intégrante de la section 3.4 du cahier des charges.
– Sur les exigences minimales prévues au point 1.3.2 du cahier des charges
95 S’agissant du lot no 1, il convient de rappeler que, au point 1.3.2 du cahier des charges, l’Agence explique que les réunions de son conseil d’administration requièrent une interprétation depuis et vers quatre langues « actives », à savoir le français, l’anglais, l’allemand et la langue du président, et vers deux autres langues officielles « passives » de l’Union sur une base de rotation, autant que possible par ordre protocolaire et en principe pour couvrir toutes ces langues.
96 À cet égard, s’agissant du lot no 1, le point 1.3.2 du cahier des charges ne peut pas être interprété, comme le soutient l’Agence, en ce sens que les exigences minimales relatives à ce lot porteraient uniquement sur le français, l’anglais et l’allemand, cette dernière langue étant également la langue du président de son conseil d’administration, élu jusqu’à la fin de l’année 2024.
97 Ce point 1.3.2 du cahier des charges ne peut pas davantage être interprété en ce sens que les exigences minimales relatives à ce lot no 1 porteraient, en plus des trois langues mentionnées au point 96 ci-dessus, uniquement sur deux autres langues officielles de l’Union qui ne seraient pas précisément déterminées et qui pourraient donc être librement choisies par les soumissionnaires.
98 En effet, selon le libellé du point 1.3.2 du cahier des charges, les offres soumises doivent couvrir non seulement le français, l’anglais, l’allemand et la langue du président, en tant que langues actives, mais également, en principe, « toutes » les autres langues officielles de l’Union, en tant que langues passives.
99 En outre, audit point 1.3.2 du cahier des charges, il est précisé que l’Agence prévoit deux réunions de son conseil d’administration par an. À cet égard, l’Agence souligne, devant le Tribunal, que les paires de langues passives nécessaires pour chaque réunion de son conseil d’administration présentent un caractère incertain.
100 De plus, dans ledit point 1.3.2 du cahier des charges, il est expliqué que, au titre du lot no 1, d’autres événements et réunions, qui nécessitent des services d’interprétation simultanée, sont ou peuvent être organisés par l’Agence, notamment à la suite de demandes ad hoc présentées par des États membres, des organes de l’Union ou des tiers.
101 Enfin, selon le critère de sélection T 3.1 mentionné au point 3.2.3 du cahier des charges, le soumissionnaire doit démontrer sa capacité à travailler dans toutes les langues officielles de l’Union, à savoir l’anglais, l’allemand et le français en tant que langues actives obligatoires et les autres langues officielles de l’Union en tant que langues passives.
102 Il s’ensuit qu’une interprétation de l’ensemble des langues officielles de l’Union figurait parmi les exigences minimales prévues au point 1.3.2 du cahier des charges au titre du lot no 1.
103 Or, il importe de relever qu’aucun des documents produits par l’Agence à la demande du Tribunal ne démontre, par exemple, que le candidat retenu a présenté un interprète accrédité AIIC ou équivalent pour la langue danoise.
104 Par conséquent, l’offre présentée par le candidat retenu ne remplissait pas les exigences minimales du lot no 1, telles que fixées au point 1.3.2 du cahier des charges, au motif qu’elle ne comportait pas d’interprètes accrédités AIIC ou équivalent pour l’ensemble des langues officielles de l’Union.
105 S’agissant du lot no 2, le point 1.3.2 du cahier des charges prévoit que les langues requises pour le projet EU4MD II sont les suivantes : arabe, azéri, arménien, géorgien, français, roumain, russe, ukrainien. L’Agence précise que l’arabe, le français et le russe peuvent être (« may be ») les langues les plus courantes. L’Agence ajoute que la langue requise pour le projet Copolad III est l’espagnol.
106 À cet égard, s’agissant du lot no 2, le point 1.3.2 du cahier des charges ne peut pas être interprété, comme le suggère l’Agence, en ce sens que les exigences minimales relatives à ce lot porteraient uniquement ou plus particulièrement sur l’arabe, le français, le russe et l’espagnol.
107 En effet, dans ce point 1.3.2, l’interprétation des langues arabe, française et russe n’est pas présentée comme une exigence minimale spécifique par rapport aux autres langues citées. Ce point 1.3.2 du cahier des charges mentionne simplement une possibilité que les langues arabe, française et russe soient les plus utilisées.
108 En revanche, il ressort clairement du libellé de ce point 1.3.2 que les soumissionnaires doivent être en mesure d’offrir une interprétation de l’azéri, de l’arménien, du géorgien, du roumain et de l’ukrainien au même titre que l’arabe, le français, le russe et l’espagnol.
109 Cette appréciation est confirmée par les explications fournies par l’Agence le 30 mars 2023 dans sa réponse no 16 à une demande clarification formulée par une partie intéressée avant la date limite pour le dépôt des offres.
110 En effet, dans cette réponse, l’Agence a expliqué que, pour son projet EU4MD II, il existait un besoin d’interprétation depuis et vers l’anglais en ce qui concernait l’arabe, l’azéri, l’arménien, le géorgien, le français, le roumain, le russe et l’ukrainien.
111 Il s’ensuit qu’une interprétation depuis la langue géorgienne figurait parmi les exigences minimales prévues au point 1.3.2 du cahier des charges au titre du lot no 2.
112 Or, aucun des documents produits par l’Agence ne démontre que le candidat retenu a présenté un interprète accrédité AIIC ou équivalent pour la langue géorgienne.
113 À cet égard, d’abord, il ressort de l’annexe B.3 que l’interprète concerné par cette annexe n’est pas accrédité AIIC ou équivalent pour la langue géorgienne mais uniquement pour la paire de langues anglais et azéri.
114 Ensuite, dans son curriculum vitae, l’interprète mentionné à l’annexe B.3 ne prétend pas qu’il est un interprète de la langue géorgienne. En effet, l’interprète se présente uniquement et expressément comme un interprète des langues anglaise, azéri et russe.
115 Enfin, le niveau déclaré par l’interprète mentionné à l’annexe B.3 en ce qui concerne la langue géorgienne ne correspond clairement pas au niveau nécessaire pour pouvoir effectuer une interprétation depuis la langue géorgienne.
116 Cette appréciation est corroborée par la lecture de l’ensemble des autres documents produits par l’Agence.
117 En effet, il ressort de ces autres documents qu’aucun des interprètes n’est accrédité pour une langue pour laquelle il a un niveau équivalent à celui déclaré par l’interprète mentionné à l’annexe B.3 en ce qui concerne la langue géorgienne.
118 Par ailleurs, aucun des interprètes concernés par les autres curriculums vitae produits par l’Agence ne déclare être en mesure d’interpréter depuis une langue pour laquelle il dispose d’un niveau équivalent à celui déclaré par l’interprète mentionné à l’annexe B.3 en ce qui concerne la langue géorgienne.
119 Par conséquent, l’offre présentée par le candidat retenu ne remplissait pas les exigences minimales du lot no 2, telles que fixées au point 1.3.2 du cahier des charges, au motif qu’elle ne comportait pas un interprète accrédité AIIC ou équivalent pour la langue géorgienne et que le seul interprète qui mentionnait cette langue dans son curriculum vitae ne disposait pas du niveau nécessaire pour pouvoir effectuer une interprétation depuis ladite langue.
120 Il résulte de ce qui précède que l’offre classée en première position ne respectait pas les exigences minimales du lot no 1 et du lot no 2, telles que fixées au point 1.3.2 du cahier des charges.
121 L’Agence a donc méconnu les exigences minimales fixées au point 1.3.2 du cahier des charges en ce qui concerne le lot no 1 et le lot no 2 en ne rejetant pas l’offre présentée par le candidat retenu en ce qui concerne ces deux lots.
– Sur les conditions spécifiques prévues par le scénario du lot no 1 et par le scénario du lot no 2
122 Il importe, en premier lieu, de constater que les documents produits par l’Agence ne démontrent pas que les interprètes affectés à la prestation de services offerte par le candidat retenu étaient accrédités AIIC ou équivalent pour l’ensemble des langues mentionnées dans le scénario du lot no 1 et dans le scénario du lot no 2.
123 En effet, le scénario pour le lot no 1 mentionnait trois langues actives, à savoir l’anglais, le français et l’allemand, ainsi que trois langues passives, à savoir l’espagnol, le polonais et le danois.
124 Or, il convient de relever qu’aucun des documents produits par l’Agence à la demande du Tribunal ne démontre que le candidat retenu a présenté un interprète accrédité AIIC ou équivalent pour la langue danoise afin d’accomplir le scénario prévu pour le lot no 1.
125 S’agissant du scénario pour le lot no 2, dix langues étaient requises, comme l’indique l’Agence dans son mémoire en défense. En effet, ce scénario mentionnait cinq langues actives, à savoir l’anglais, le français, l’arabe, l’espagnol et le russe, ainsi que cinq langues passives, à savoir l’azéri, l’arménien, le géorgien, le roumain et l’ukrainien.
126 Or, aucun des documents produits par l’Agence ne démontre que le candidat retenu a présenté un interprète accrédité AIIC ou équivalent pour la langue géorgienne afin d’accomplir le scénario prévu pour le lot no 2. Par ailleurs, le seul interprète qui mentionnait le géorgien dans son curriculum vitae ne disposait pas du niveau nécessaire pour pouvoir effectuer une interprétation depuis cette langue (voir points 112 à 118 ci-dessus).
127 Il s’ensuit que l’offre classée en première position ne respectait pas les conditions spécifiques prévues par le scénario du lot no 1 et par le scénario du lot no 2 au motif qu’elle ne comportait pas d’interprète accrédité AIIC ou équivalent respectivement pour les langues danoise et géorgienne.
128 En deuxième lieu, le fait que l’offre classée en première position ne respectait pas les conditions du scénario du lot no 1 et du scénario du lot no 2 a pu être reflétée dans le prix utilisé pour comparer cette offre avec les autres offres reçues et, en particulier, l’offre de la requérante qui a été classée en deuxième position pour ces deux lots.
129 D’ailleurs, en réponse à une question posée par le Tribunal et portant sur les prix de l’offre classée en première position, l’Agence n’a pas expliqué ni a fortiori démontré que l’absence, dans cette offre, d’interprètes accrédités AIIC ou équivalent pour les langues danoise et géorgienne était dépourvue d’incidence sur les prix de cette offre pour le scénario du lot no 1 et pour le scénario du lot no 2.
130 En particulier, l’Agence n’a pas soutenu que les prix de l’offre classée en première position pour le scénario du lot no 1 et pour le scénario du lot no 2 incluaient les coûts liés à la nécessité de faire appel aux services d’interprètes, accrédités AIIC ou équivalent pour les langues danoise et géorgienne, et dont les curriculums vitae n’avaient pas été produits.
131 Il y a donc lieu de considérer que le candidat retenu a été en mesure de fixer un prix pour le scénario du lot no 1 et un prix pour le scénario du lot no 2 sur la base d’une prestation qui ne permettait pas d’accomplir ces scénarios.
132 Par voie de conséquence, les prix proposés dans l’offre classée en première position ont pu être fixés par le candidat retenu à un niveau moins élevé que celui auquel ils auraient dû être fixés pour remplir l’ensemble des conditions spécifiques qui figuraient dans le scenario du lot no 1 et dans le scénario du lot no 2 et qui avaient été présentées par l’Agence elle‑même comme des exigences auxquelles les soumissionnaires devaient se conformer dans la section 3.4 de son propre cahier des charges.
133 À cet égard, il ressort de la section 3.5 du cahier des charges, consacrée à l’attribution et au classement des offres, que le prix de l’offre relatif à chaque lot était pris en compte, avec les points attribués au titre de la qualité, pour calculer le score final des offres des soumissionnaires.
134 En effet, selon ladite section 3.5, le score final de chaque offre était calculé, d’abord, en multipliant le prix de l’offre la moins-disante par les points attribués au titre de la qualité à l’offre évaluée, puis, en divisant le résultat de cette multiplication par le prix de l’offre évaluée.
135 Dans ces conditions, le candidat retenu, qui avait formulé les offres les moins-disantes pour les deux lots en cause, a obtenu un score final qui correspondait aux notes totales qui lui avaient été données au titre du critère d’attribution lié à la qualité.
136 Ainsi, l’absence d’interprète accrédité AIIC ou équivalent pour les langues danoise et géorgienne dans l’offre classée en première position a pu avoir une incidence décisive sur le classement de cette offre et de l’offre de la requérante, au regard des prix proposés pour les deux lots en cause et indépendamment des appréciations portées sur la qualité de ces offres.
137 En troisième lieu, il convient de rappeler que le scénario du lot no 1 et le scénario du lot no 2 ont également été utilisés par le comité d’évaluation afin de comparer les offres au titre du second critère d’attribution, lié à la qualité.
138 À cet égard, d’une part, l’Agence explique, au sujet du lot no 1, que le comité d’évaluation a pris en compte l’absence d’interprète de langue natale danoise lorsqu’il a apprécié l’offre classée en première position au regard du sous-critère qualitatif no 2 et que cette prise en compte s’est reflétée dans la note attribuée à cette offre.
139 Cependant, il ressort de la motivation transmise à la requérante avant l’introduction du recours que l’appréciation qualitative effectuée par le comité d’évaluation de l’offre classée en première position au regard du sous-critère qualitatif no 2 est manifestement incomplète en ce qui concerne ledit lot no 1.
140 En effet, la motivation fournie par le comité d’évaluation de l’Agence à ce sujet, communiquée à la requérante avant l’introduction du recours, est la suivante :
« Les [curriculums vitae] comprennent 13 interprètes, qui couvrent 4 des 5 langues natales requises. Certains interprètes sont bilingues. Il ne manque que des interprètes de langue natale danoise. »
141 Or, il ressort des documents produits par l’Agence que, non seulement le candidat retenu n’a pas présenté d’interprète de langue natale danoise mais, comme le relève la requérante, il n’a présenté aucun interprète capable de comprendre et d’interpréter le danois, que le danois soit sa langue natale ou non.
142 D’autre part, s’agissant du lot no 2, il ne ressort pas des appréciations du comité d’évaluation, transmises à la requérante, que ce comité a tenu compte de l’absence d’interprète accrédité AIIC ou équivalent et ayant un niveau suffisant pour interpréter la langue géorgienne dans le cadre de l’appréciation du sous-critère qualitatif no 2.
143 En effet, à cet égard, le comité d’évaluation a indiqué que toutes les langues requises étaient représentées par au moins un interprète de langue natale tout en ajoutant « à l’exception de l’ukrainien ».
144 Ainsi, sur la base des appréciations qui ont été transmises à la requérante et qui ont été effectuées par le comité d’évaluation au titre du critère d’attribution lié à la qualité, il est manifeste que l’absence d’interprète accrédité AIIC ou équivalent pour la langue danoise n’a pas été reflétée dans les appréciations de ce comité en ce qui concerne le lot no 1. Par ailleurs, il est manifeste que l’absence d’interprète accrédité AIIC ou équivalent pour la langue géorgienne n’a pas été reflétée dans les appréciations du comité d’évaluation en ce qui concerne le lot no 2.
145 Or, si l’absence d’interprète accrédité AIIC ou équivalent pour les langues danoise et géorgienne avait été reflétée dans les appréciations du comité d’évaluation relatives aux critères d’attribution lié à la qualité, une telle absence aurait pu avoir une incidence décisive sur les notes attribuées aux offres proposées par le candidat retenu et donc sur l’appréciation du respect, par ces offres, des niveaux de qualité minimaux prévus à la section 3.5 du cahier des charges.
146 En tout état de cause, une telle absence aurait pu avoir une incidence décisive, au même titre que le prix, sur le classement de l’offre proposée par le candidat retenu et de l’offre de la requérante.
147 Il s’ensuit que l’Agence a méconnu les conditions spécifiques qui figuraient dans le cahier des charges au sujet du scénario du lot no 1 et du scénario du lot no 2 afin d’évaluer et de comparer le prix et la qualité des offres reçues et que cette méconnaissance a pu avoir une incidence décisive sur le classement des offres déposées par le candidat retenu pour le lot no 1 et pour le lot no 2.
148 Compte tenu de l’ensemble ce qui précède, il y a lieu de constater, d’une part, que l’offre proposée par le candidat retenu ne respectait pas, en ce qui concerne le lot no 1 et le lot no 2, les exigences minimales prévues au point 1.3.2 du cahier des charges. L’Agence a donc méconnu lesdites exigences minimales en ce qui concerne ces deux lots.
149 D’autre part, l’offre présentée par le candidat retenu ne respectait pas les conditions spécifiques prévues par le scénario du lot no 1 et par le scénario du lot no 2 mentionnés dans la section 3.4 du cahier des charges. L’Agence a donc méconnu lesdites conditions spécifiques en ce qui concerne ces deux lots.
150 Par voie de conséquence, il y a lieu de considérer que, en classant l’offre du candidat retenu en première position pour le lot no 1 et pour le lot no 2, l’Agence a méconnu l’article 167, paragraphe 1, l’article 170, paragraphe 1, et le point 29.3 de l’annexe I du règlement financier.
151 Il y a donc lieu d’accueillir la seconde branche du premier moyen et d’annuler la décision d’attribuer le marché en cause (lots nos 1 et 2) à un autre soumissionnaire, sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, ou de procéder à l’audition de témoins sollicitée par la requérante.
Sur les dépens
152 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
153 L’Agence ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) du 2 octobre 2023 portant attribution du marché public résultant de la procédure d’appel d’offres FC.23.EXO.0010.2.0 « Coordination et prestation de services d’interprétation en faveur de l’OEDT » (lots nos 1 et 2) à un autre soumissionnaire est annulée.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) L’Agence de l’Union européenne sur les drogues (EUDA) est condamnée aux dépens.
Svenningsen | Laitenberger | Stancu |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2024.
Signatures
* Langue de procédure : le portugais.
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