Konov v Council (Common foreign and security policy - Restrictive measures taken in view of actions undermining or threatening the territorial integrity, sovereignty and independence of Ukraine - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-326/22 (11 December 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T32622.html
Cite as: ECLI:EU:T:2024:888, [2024] EUECJ T-326/22, EU:T:2024:888

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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

11 décembre 2024 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune - Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine - Gel des fonds - Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques - Inscription et maintien du nom du requérant sur la liste - Notion de “femme ou homme d’affaires influent ayant une activité dans un secteur qui fournit une source de revenus substantielle au gouvernement de la Fédération de Russie” - Notion de “femme ou homme d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie” - Article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145/PESC - Article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement (UE) no 269/2014 - Droit à une protection juridictionnelle effective - Obligation de motivation - Erreur d’appréciation - Proportionnalité - Égalité de traitement - Droit de propriété - Liberté d’entreprise - Droit au respect de la vie privée - Sécurité juridique - Exception d’illégalité - Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑326/22,

Dmitry Konov, demeurant à Moscou (Russie), représenté par Me F. Bélot, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes L. Vétillard et S. Van Overmeire, en qualité d’agents, assistées de Mes B. Maingain et S. Remy, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. C. Giolito et Mme L. Puccio, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme M. Brkan, faisant fonction de présidente, MM. T. Tóth et S. L. Kalėda (rapporteur), juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 10 juin 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours, le requérant, M. Dmitry Konov, demande :

–        d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation :

–        premièrement, de la décision (PESC) 2022/397 du Conseil, du 9 mars 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 80, p. 31), et du règlement d’exécution (UE) 2022/396 du Conseil, du 9 mars 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 80, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes initiaux ») ;

–        deuxièmement, de la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), et du règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégralité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « premiers actes de maintien ») ;

–        troisièmement, de la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75I, p. 134), et du règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « deuxièmes actes de maintien ») ;

–        quatrièmement, de la décision (PESC) 2023/1767 du Conseil, du 13 septembre 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 104), et du règlement d’exécution (UE) 2023/1765 du Conseil, du 13 septembre 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 3) (ci-après, pris ensemble, les « troisièmes actes de maintien ») ;

–        cinquièmement, de la décision (PESC) 2024/847 du Conseil, du 12 mars 2024, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO L, 2024/847), et du règlement d’exécution (UE) 2024/849 du Conseil, du 12 mars 2024, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO L, 2024/849) (ci-après, pris ensemble, les « quatrièmes actes de maintien »), dans la mesure où l’ensemble des actes visés dans le présent point (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »), le concernent ;

–        d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, la réparation du préjudice moral qu’il aurait subi du fait de l’adoption des actes attaqués.

I.      Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        Le requérant est un citoyen russe.

3        La présente affaire s’inscrit dans le contexte des mesures restrictives décidées par l’Union européenne eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

4        Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16).

5        Le même jour, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 269/2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

6        Le 25 février 2022, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a, d’une part, adopté la décision (PESC) 2022/329, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330 modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.

7        L’article 2, paragraphe 1, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329 (ci-après la « décision 2014/145 modifiée »), se lit comme suit :

« Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

[…]

g)      à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine

[…] »

8        Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330 (ci-après le « règlement no 269/2014 modifié ») impose l’adoption des mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145 modifiée.

A.      Inscription initiale du nom du requérant sur la liste annexée à la décision 2014/145 modifiée et sur celle figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 modifié (ci-après, prises ensemble, les « listes litigieuses »)

9        Le 9 mars 2022, le Conseil a adopté les actes initiaux, par lesquels le nom du requérant a été ajouté sur les listes litigieuses. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur lesdites listes sont les suivants :

« [Le requérant] est le président du conseil d’administration de PJSC SIBUR Holding et, à ce titre, supervise les activités de la société. SIBUR Holding est la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie et l’une des entreprises qui connaît la croissance la plus rapide dans le secteur pétrochimique mondial. SIBUR est un groupe pétrochimique émergent de premier plan et le plus grand producteur pétrochimique sur le marché russe. Leonid Mikhelson et Gennady Timchenko, oligarques proches de [M.] Poutine, détiennent des participations importantes dans le capital de SIBUR. SIBUR Holding est étroitement liée au gouvernement russe et les recettes qu’elle génère constituent, par conséquent, une source importante de revenus pour le gouvernement russe.

[Le requérant] intervient dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

10      Le 10 mars 2022, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes, entités et organismes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 et le règlement no 269/2014 tels que modifiés par les actes initiaux (JO 2022, CI 114, p. 1).

11      Par un courriel du 7 avril 2022, le requérant a demandé au Conseil de lui communiquer le dossier de preuves sur la base duquel celui-ci avait décidé de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses. Par lettre du 13 avril 2022, le Conseil a transmis au requérant le dossier WK 3063/2022 établi par le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) (ci-après le « premier dossier de preuves ») contenant les éléments de preuves le concernant.

12      Par lettre du 27 mai 2022, le requérant a introduit auprès du Conseil une demande de réexamen des actes initiaux.

B.      Maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses jusqu’au 15 mars 2023

13      Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté les premiers actes de maintien, prolongeant les mesures restrictives prises à l’encontre du requérant jusqu’au 15 mars 2023. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses ont été modifiés comme suit :

« [Le requérant] est l’ancien président du conseil d’administration de PJSC SIBUR Holding et, à ce titre, il a supervisé les activités de la société. SIBUR Holding est la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie et l’une des entreprises qui connaît la croissance la plus rapide dans le secteur pétrochimique mondial. SIBUR est un groupe pétrochimique émergent de premier plan et le plus grand producteur pétrochimique sur le marché russe. Leonid Mikhelson et Gennady Timchenko, oligarques proches de Vladimir Poutine, détiennent des participations importantes dans le capital de SIBUR. SIBUR Holding est étroitement liée au gouvernement russe et les recettes qu’elle génère constituent, par conséquent, une source importante de revenus pour le gouvernement russe.

[Le requérant] est intervenu dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

14      Le 15 septembre 2022, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes et entités et organismes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 et le règlement no 269/2014 tels que modifiés par les premiers actes de maintien (JO 2022, C 353 I, p. 1).

15      Par lettre du 15 septembre 2022, le Conseil a rejeté la demande de réexamen du requérant du 27 mai 2022, au motif que les observations de ce dernier ne remettaient pas en cause son appréciation selon laquelle la décision d’inscription du nom de ce dernier sur les listes litigieuses était justifiée par des motifs suffisants.

16      Par lettre du 16 septembre 2022, le requérant a demandé au Conseil de lui communiquer le dossier de preuves sur la base duquel celui-ci avait décidé du maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses. Par lettre du 27 octobre 2022, le Conseil a répondu au requérant qu’il ne disposait pas de nouveaux éléments de preuve.

C.      Maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses jusqu’au 15 septembre 2023

17      Par lettre du 22 décembre 2022, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son encontre et lui a transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 17617/2022 INIT, daté du 14 décembre 2022 (ci-après le « deuxième dossier de preuves »). Par lettre du 19 janvier 2023, le requérant a présenté ses observations en réponse à la lettre du 22 décembre 2022 et demandé au Conseil de réexaminer sa décision de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

18      Le 13 mars 2023, le Conseil a adopté les deuxièmes actes de maintien, lesquels ont eu pour effet de renouveler les mesures à l’encontre du requérant jusqu’au 15 septembre 2023. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses ont été modifiés comme suit :

« [Le requérant] est l’ancien président du conseil d’administration de PJSC SIBUR Holding et, à ce titre, il a supervisé les activités de la société. SIBUR Holding est la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie et l’une des entreprises qui connaît la croissance la plus rapide dans le secteur pétrochimique mondial. SIBUR est un groupe pétrochimique émergent de premier plan et le plus grand producteur pétrochimique sur le marché russe. Leonid Mikhelson et Guennadi Timtchenko, oligarques proches de Vladimir Poutine, détiennent des participations importantes dans le capital de SIBUR.

SIBUR Holding est étroitement liée au gouvernement russe et les recettes qu’elle génère constituent, par conséquent, une source importante de revenus pour le gouvernement russe.

Le 24 février 2022, il a participé à une réunion d’oligarques au Kremlin avec le président Vladimir Poutine pour discuter de l’incidence des choix à opérer à la suite des sanctions occidentales. Le fait qu’il a été invité à participer à cette réunion montre qu’il appartenait au cercle restreint des oligarques proches du président Poutine.

[Le requérant] a eu une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

19      Le 14 mars 2023, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes et entités faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 et le règlement no 269/2014 tels que modifiés par les deuxièmes actes de maintien (JO 2023, C 95, p. 8).

20      Par lettre du 14 mars 2023, le Conseil a rejeté la demande de réexamen du requérant du 19 janvier 2023, au motif que les observations de ce dernier ne remettaient pas en cause son appréciation selon laquelle la décision d’inscription du nom de ce dernier sur les listes litigieuses était justifiée par des motifs suffisants.

21      Par lettre du 30 mai 2023, le requérant a demandé au Conseil de réexaminer sa décision de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

D.      Modification des critères d’inscription sur les listes litigieuses

22      Le 5 juin 2023, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2023/1094, modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 146, p. 20), et le règlement (UE) 2023/1089, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 146, p. 1).

23      La décision 2023/1094 a modifié, à partir du 7 juin 2023, les critères d’inscription des noms des personnes visées par le gel des fonds. Le texte de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 étant remplacé par le texte suivant :

« g) à des femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie et aux membres de leur famille proche ou à d’autres personnes physiques, qui en tirent avantage, ou à des femmes et hommes d’affaires, des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine […] ».

24      Le règlement 2023/1089 a modifié de façon similaire le règlement no 269/2014.

E.      Maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses jusqu’au 15 mars 2024

25      Par lettre du 19 juin 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses en l’invitant à présenter ses observations avant le 4 juillet 2023 et lui a transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 8177/2023 INIT élaboré le 15 juin 2023 par le SEAE (ci-après le « troisième dossier de preuves »).

26      Par lettre du 3 juillet 2023, le requérant a formulé des observations en réponse à la lettre du Conseil du 19 juin 2023.

27      Par lettre du 10 juillet 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir son nom sur les listes litigieuses en l’invitant à présenter ses observations avant le 25 juillet 2023 et lui a transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 9000/2023 INIT, élaboré le 30 juin 2023 par le SEAE (ci-après le « quatrième dossier de preuves »), le dossier portant la référence WK 9509/2023, élaboré le 7 juillet 2023 par le SEAE (ci-après le « cinquième dossier de preuves ») et le dossier portant la référence 5142/2023 INIT, élaboré le 20 avril 2023 par le SEAE (ci-après le « sixième dossier de preuves »). Par lettre du 24 juillet 2023, le requérant a formulé des observations en réponse à la lettre du Conseil du 10 juillet 2023.

28      Par lettre du 18 août 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir son nom sur les listes litigieuses en l’invitant à présenter ses observations avant le 1er septembre 2023. Cette lettre était accompagnée des informations sur lesquelles il s’est fondé pour adopter les troisièmes actes de maintien et figurant dans le dossier portant la référence WK 5142/2023 INIT ADD 1, élaboré le 16 août 2023 par le SEAE (ci-après le « septième dossier de preuves »). Par lettre du 31 août 2023, le requérant a formulé des observations en réponse à la lettre du Conseil du 18 août 2023.

29      Le 13 septembre 2023, le Conseil a adopté les troisièmes actes de maintien, lesquels ont eu pour effet de renouveler les mesures à l’encontre du requérant jusqu’au 15 mars 2024. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses ont été modifiés comme suit :

« [Le requérant] est l’ancien président du conseil d’administration de PJSC SIBUR Holding et, à ce titre, il a supervisé les activités de la société. SIBUR Holding est la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie et l’une des entreprises qui connaît la croissance la plus rapide dans le secteur pétrochimique mondial. SIBUR est un groupe pétrochimique émergent de premier plan et le plus grand producteur pétrochimique sur le marché russe. Leonid Mikhelson et Guennadi Timtchenko, hommes d’affaires influents proches du président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine, détiennent des participations majoritaires dans le capital de SIBUR.

SIBUR Holding est étroitement liée au gouvernement russe, et les recettes qu’elle génère constituent, par conséquent, une source importante de revenus pour le gouvernement russe.

[Le requérant] entretient des liens avec l’industrie chimique en tant que membre de l’Union russe des entreprises et de l’Organisation du complexe chimique (Ruschemunion), une organisation collaborant avec les autorités russes pour défendre les intérêts de l’industrie chimique russe et la rendre plus efficiente et productive. L’industrie chimique russe est dominée par quelques acteurs étroitement liés au Kremlin.

[Le requérant] est membre du conseil de surveillance et du comité de planification stratégique d’Alrosa. Alrosa est une entreprise publique active dans le secteur du diamant, et ses bénéfices reviennent directement au Kremlin. Par ses fonctions au sein d’Alrosa, [le requérant] contribue au financement des activités du gouvernement russe liées, entre autres, à la déstabilisation de l’Ukraine.

Le 24 février 2022, il a participé à une réunion de femmes et d’hommes d’affaires influents au Kremlin avec le président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine pour discuter de l’incidence des choix à opérer à la suite des sanctions occidentales. Le fait qu’il ait été invité à participer à cette réunion montre qu’il appartenait au cercle restreint des femmes et hommes d’affaires influents proches du président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine.

[Le requérant] est un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie ainsi qu’un homme d’affaires intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

30      Le 14 septembre 2023, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes et entités faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 et le règlement no 269/2014 tels que modifiés par les troisièmes actes de maintien (JO 2023, C 324, p. 8).

31      Par lettre du 15 septembre 2023, le Conseil a rejeté les demandes de réexamen du requérant des 30 mai, 3 juillet, 24 juillet et 31 août 2023, au motif que les observations de ce dernier ne remettaient pas en cause son appréciation selon laquelle le maintien de l’inscription du nom de ce dernier sur les listes litigieuses était justifié par des motifs suffisants.

32      Par lettre du 1er novembre 2023, le requérant a demandé au Conseil de réexaminer sa décision de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

F.      Maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses jusqu’au 15 septembre 2024

33      Par lettre du 8 février 2024, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir son nom sur les listes litigieuses en l’invitant à présenter ses observations avant le 20 février 2024. Cette lettre était accompagnée des informations sur lesquelles il s’est fondé pour adopter les quatrièmes actes de maintien et figurant dans le dossier portant la référence WK 1304/2024 INIT, daté du 29 janvier 2024 (ci-après le « huitième dossier de preuves ») et dans le dossier portant la référence WK 5142/2023 ADD 2, daté du 29 janvier 2024 (ci-après le « neuvième dossier de preuves »).

34      Par lettre du 19 février 2024, le requérant a présenté ses observations sur la lettre du Conseil du 8 février 2024.

35      Le 12 mars 2024, le Conseil a adopté les quatrièmes actes de maintien, lesquels ont eu pour effet de renouveler les mesures à l’encontre du requérant jusqu’au 15 septembre 2024. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses ont été modifiés comme suit :

« [Le requérant] est l’ancien président du conseil d’administration de PJSC SIBUR Holding et, à ce titre, il a supervisé les activités de la société. SIBUR Holding est la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie et l’une des entreprises qui connaît la croissance la plus rapide dans le secteur pétrochimique mondial. SIBUR est un groupe pétrochimique émergent de premier plan et le plus grand producteur pétrochimique sur le marché russe. Leonid Mikhelson et Gennady Timchenko, hommes d’affaires influents proches du président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, détiennent des participations majoritaires dans le capital de SIBUR. Entre 2017 et 2022, [le requérant] a été classé parmi les 200 personnes les plus riches de Russie.

SIBUR Holding est étroitement liée au gouvernement russe, et les recettes qu’elle génère constituent, par conséquent, une source importante de revenus pour le gouvernement russe.

[Le requérant] entretient des liens avec l’industrie chimique en tant qu’ancien membre de l’Union russe des entreprises et de l’Organisation du complexe chimique (Ruschemunion), une organisation collaborant avec les autorités russes pour défendre les intérêts de l’industrie chimique russe et la rendre plus efficiente et productive. L’industrie chimique russe est dominée par quelques acteurs étroitement liés au Kremlin.

[Le requérant] est membre du conseil de surveillance et du comité de planification stratégique d’Alrosa. Alrosa est une entreprise publique active dans le secteur du diamant, et ses bénéfices reviennent directement au Kremlin. Par ses fonctions au sein d’Alrosa, [le requérant] contribue au financement des activités du gouvernement russe liées, entre autres, à la déstabilisation de l’Ukraine.

Le 24 février 2022, il a participé à une réunion de femmes et d’hommes d’affaires influents au Kremlin avec le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, pour discuter de l’incidence des choix à opérer à la suite des sanctions occidentales. Le fait qu’il ait été invité à participer à cette réunion montre qu’il appartenait au cercle restreint des femmes et hommes d’affaires influents proches du président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine.

En janvier 2023, il a été nommé par le président Poutine en tant que membre du conseil de surveillance de la Russian Science Foundation.

[Le requérant] est un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie ainsi qu’un homme d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

36      Le 13 mars 2024, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes et entités faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 et le règlement no 269/2014 tels que modifiés par les quatrièmes actes de maintien (JO C, C/2024/2191).

II.    Conclusions des parties

37      Le requérant, après adaptation de la requête, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués en tant qu’ils le concernent ;

–        condamner le Conseil à lui verser la somme de 500 000 euros à titre provisoire en réparation du préjudice moral qu’il aurait subi du fait de l’adoption des actes attaqués ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

38      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        demander au requérant, par voie de mesure d’organisation de la procédure, de présenter les justificatifs de la cession des parts qu’il détenait dans le capital de SIBUR Holding ;

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, maintenir les effets des décisions 2022/397 et 2022/1530 jusqu’à ce que l’annulation partielle des règlements d’exécution 2022/396 et 2022/1529 prenne effet ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur les conclusions en annulation

39      À l’appui de ses conclusions en annulation des actes initiaux, le requérant invoque quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation, le deuxième, d’erreurs manifestes d’appréciation, le troisième, d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement et, le quatrième, d’une violation de droits fondamentaux.

40      Dans le mémoire en adaptation concernant les premiers actes de maintien, le requérant invoque également une violation de l’obligation de réexamen périodique et du droit d’être entendu, qui est de nature à constituer une seconde branche du premier moyen. Dans les mémoires en adaptation concernant les deuxièmes, troisièmes et quatrièmes actes de maintien, le requérant invoque un cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique et un sixième moyen, tiré d’une exception d’illégalité de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée et de l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014 modifié.

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective, de l’obligation de motivation, de l’obligation de réexamen périodique et du droit d’être entendu

41      Le premier moyen se divise en deux branches.

a)      Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation

42      Le requérant soutient que l’inscription et le maintien de son nom sur les listes litigieuses sont entachés de violations de l’obligation de motivation et du droit à une protection juridictionnelle effective. Premièrement, il soutient que les informations fournies par le Conseil ne lui permettent pas de comprendre les raisons de l’inscription et du maintien de son nom sur les listes litigieuses et de se défendre efficacement. Il avance que les éléments de preuve figurant dans les premier et deuxième dossiers de preuves sont uniquement des articles de presse, des extraits de sites Internet et des captures d’écran qui ne lui ont pas permis d’apprécier la nature ni la portée des liens qu’il aurait supposément entretenus avec le gouvernement russe. De même, ces dossiers de preuves ne contiendraient pas d’informations fiables, crédibles et suffisantes. Pour ces raisons, les actes attaqués ne contiendraient pas de motifs individuels, spécifiques et concrets de nature à lui permettre d’en contester utilement le bien-fondé.

43      Deuxièmement, le motif selon lequel le requérant « interviendrait dans des secteurs qui fournissent une source substantielle de revenus pour la Fédération de Russie » serait vague et générique et obligerait celui-ci à apporter des preuves négatives pour établir l’absence de bien-fondé de ce motif, reversant ainsi la charge de la preuve pesant sur le Conseil.

44      Troisièmement, le premier dossier de preuves mentionnerait trois critères d’inscription sur les listes litigieuses tandis que les actes initiaux ne mentionneraient qu’un seul critère, à savoir le critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée et à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014 modifié [ci-après le « critère g) initial »]. Il en résulterait une confusion quant à la nature exacte des faits qui lui sont reprochés et une contradiction de motifs.

45      Quatrièmement, dans les mémoires en adaptation, le requérant reproche au Conseil de ne lui avoir pas fourni d’éléments de définition ou de clarification concernant les critères ou les motifs de son inscription sur les listes litigieuses. En outre, le requérant reproche au Conseil d’avoir ajouté, dans les motifs des deuxièmes actes de maintien, une référence à sa participation à la réunion du 24 février 2022 organisée par M. Poutine et réunissant plusieurs hommes d’affaires russes alors que, d’une part, des éléments de preuve en ce sens figuraient dans le premier dossier de preuves et, d’autre part, tous les participants à cette réunion ne sont pas visés par les mesures restrictives en cause. Enfin, le requérant aurait été désigné comme étant un « oligarque » faisant partie du « cercle restreint » de M. Poutine, alors que ces notions ne lui permettraient pas de comprendre à quel critère d’inscription elles se rapportent.

46      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

47      Selon une jurisprudence constante, le droit à une protection juridictionnelle effective, affirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite à sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée).

48      En outre, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications des mesures prises aux fins d’en apprécier le bien-fondé et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 50 ; voir, également, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 47 et jurisprudence citée).

49      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de cet acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par ledit acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est notamment pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, ni qu’elle réponde de manière détaillée aux considérations formulées par l’intéressé lors de sa consultation avant l’adoption du même acte, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 53 ; voir, également, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 48 et jurisprudence citée).

50      En outre, la jurisprudence a précisé que la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne devait pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considérait, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé devait faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 105 et jurisprudence citée).

51      Par ailleurs, il convient de relever que l’absence de mention explicite du critère appliqué à l’égard d’une personne n’entraîne pas nécessairement une violation de l’obligation de motivation, pourvu qu’il résulte de manière suffisamment claire de la lecture de la motivation retenue par le Conseil quel est le critère dont celui-ci à fait application s’agissant de cette personne (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 51).

52      En outre, il convient de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67). En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 181).

53      À titre liminaire, force est de constater que les arguments relatifs à la véracité des allégations contenues dans les motifs d’inscription sur les listes litigieuses et au contenu des dossiers de preuves visent en réalité une erreur d’appréciation et non une violation de l’obligation de motivation. Il en va de même s’agissant de l’argument ayant trait à la prétendue inversion de la charge de la preuve, qui porte sur la question du bien-fondé des motifs. Partant, de tels arguments seront examinés dans le cadre du deuxième moyen.

54      En premier lieu, il doit être relevé que le contexte général ayant conduit le Conseil à adopter les mesures restrictives en cause est clairement exposé dans les considérants des actes attaqués, qui font, notamment, référence à l’agression militaire non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. De même, les fondements juridiques sur la base desquels lesdits actes ont été adoptés, à savoir l’article 29 TUE et l’article 215 TFUE, sont clairement indiqués.

55      En deuxième lieu, les motifs des actes attaqués à l’encontre du requérant sont ceux exposés aux points 9, 13, 19, 31 et 38 ci-dessus. Il résulte de manière suffisamment claire de la lecture de cette motivation que le Conseil a, dans les actes initiaux ainsi que dans les premiers et deuxièmes actes de maintien, inscrit et maintenu le nom du requérant sur les listes litigieuses au titre du critère g) initial et, dans les troisièmes et quatrièmes actes de maintien, maintenu le nom du requérant sur lesdites listes au titre du critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, telle que modifiée par la décision 2023/1094 et à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, tel que modifié par le règlement 2023/1089 [ci-après le « critère g) modifié »].

56      À cet égard, il ressort de la motivation des actes initiaux que le nom du requérant a été inscrit sur les listes litigieuses au motif qu’il était le président du conseil d’administration de la société PJSC SIBUR Holding (ci-après « SIBUR Holding »), laquelle serait la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie et appartiendrait au groupe SIBUR Holding, un groupe pétrochimique émergent de premier plan et le plus grand producteur pétrochimique sur le marché russe, dont les recettes générées par ce dernier constitueraient une source importante de revenus pour le gouvernement russe. Le Conseil en a déduit que, pour ces raisons, le requérant intervenait dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie. À cet égard, certes, dans les actes initiaux ainsi que les premiers et deuxièmes actes de maintien, la reproduction du libellé du critère g) initial est imparfaite, dans la mesure où la qualité d’homme d’affaires influent n’est pas mentionnée. Toutefois, il n’a manifestement découlé de cette omission aucune mécompréhension de la part du requérant quant aux motifs de son inscription ni quant au critère au titre duquel son nom a été inscrit et maintenu sur les listes litigieuses.

57      En outre, il ressort de la motivation des premiers actes de maintien que l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses avait été maintenue, en substance, pour les mêmes motifs, exception faite de la mention selon laquelle celui-ci était l’ancien président du conseil d’administration de SIBUR Holding.

58      Quant aux deuxièmes actes de maintien, il en ressort que le maintien de l’inscription du requérant sur les listes litigieuses a été décidé en raison des anciennes fonctions exercées par celui-ci au sein de SIBUR Holding et de la participation de celui-ci à une réunion le 24 février 2022, en présence du président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine et de membres du gouvernement russe, afin de discuter de l’incidence des choix à opérer à la suite des sanctions occidentales.

59      Quant aux troisièmes actes de maintien, il ressort de leur motivation que le nom du requérant a été maintenu sur les listes litigieuses pour les raisons suivantes. Premièrement, le requérant a été maintenu sur lesdites listes en raison de ses responsabilités passées au sein de SIBUR Holding. Deuxièmement, le requérant entretiendrait des liens avec l’industrie chimique en tant que membre de l’Union russe des entreprises et de l’Organisation du complexe chimique (Ruschemunion), une organisation collaborant avec les autorités russes pour défendre les intérêts de l’industrie chimique russe et la rendre plus efficiente et productive. Troisièmement, il serait membre du conseil de surveillance et du comité de planification stratégique d’Alrosa, qui serait une entreprise publique active dans le secteur du diamant, et dont les bénéfices reviendraient directement au Kremlin. Par l’exercice desdites fonctions, il contribuerait au financement des activités du gouvernement russe liées, entre autres, à la déstabilisation de l’Ukraine. Par ces motifs, le requérant serait ainsi un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie ainsi qu’un homme d’affaires intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, au sens du critère g) modifié.

60      Par les quatrièmes actes de maintien, le nom du requérant a été maintenu sur les listes litigieuses pour les mêmes motifs que ceux figurant dans les troisièmes actes de maintien, auxquels le Conseil a ajouté deux motifs, tirés respectivement de ce que le requérant a été, entre 2017 et 2022, classé parmi les 200 personnes les plus riches de Russie et du fait que, en janvier 2023, le requérant a été nommé par le président Poutine en tant que membre du conseil de surveillance de la Russian Science Foundation (Fondation russe pour la science).

61      S’agissant de l’argument du requérant tiré du caractère prétendument vague et générique de la mention selon laquelle il intervient dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, force est de constater que celle-ci permet au requérant de comprendre suffisamment ce qui suit. D’une part, les secteurs dont il est question sont, s’agissant des actes initiaux et des premiers actes de maintien, celui dans lequel SIBUR Holding exerce son activité, à savoir le secteur pétrochimique et, s’agissant des deuxièmes, troisièmes et quatrièmes actes de maintien, ledit secteur ainsi que le secteur du diamant, dans lequel Alrosa exerce son activité. D’autre part, à supposer que le requérant ait ainsi également entendu soutenir que l’expression « source substantielle de revenus » était vague, il suffit de relever que l’emploi de l’adjectif qualificatif « substantielle », qui se rapporte au groupe nominal « source de revenus », implique que cette source de revenus pour le gouvernement russe soit significative et donc non négligeable (arrêt du 6 septembre 2023, Pumpyanskiy/Conseil, T‑291/22, non publié, EU:T:2023:499, point 63).

62      S’agissant de l’argument du requérant tiré du caractère prétendument vague et générique de la mention, dans les deuxièmes actes de maintien, selon laquelle il appartiendrait à un « cercle restreint d’oligarques » proches du président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine, force est de constater que cette expression, qui figure dans la motivation des deuxièmes actes de maintien, vise à inclure le requérant dans la catégorie des hommes d’affaires influents susceptibles d’être maintenus sur les listes litigieuses au titre du critère g) initial ou modifié. Il en va de même de la mention, dans les troisièmes et quatrièmes actes de maintien, selon laquelle il appartiendrait à un « cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents ».

63      Dès lors, il résulte de la motivation des actes attaqués que les raisons spécifiques et concrètes ayant conduit le Conseil à inscrire le nom du requérant sur les listes litigieuses et à l’y maintenir sont indiquées de manière suffisamment claire pour permettre au requérant de les comprendre et au Tribunal d’exercer son contrôle à cet égard.

64      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que les critères d’inscription mentionnés dans les actes attaqués divergent de ceux figurant dans le premier dossier de preuves.

65      En l’espèce, comme il a été relevé au point 59 ci-dessus, dans les actes initiaux ainsi que dans les premiers et deuxièmes actes de maintien, le nom du requérant a été inscrit et maintenu sur les listes litigieuses au titre du critère g) initial. En outre, ainsi qu’il ressort des points 62 et 63 ci-dessus, dans les troisièmes et quatrièmes actes de maintien, le nom du requérant a été maintenu sur les listes litigieuses au titre du critère g) modifié.

66      En revanche, il ne ressort pas du dossier que le nom du requérant ait été inscrit ou maintenu sur les listes litigieuses au titre d’un autre critère que le critère g) initial ou modifié.

67      Il en résulte que la divergence observée entre, d’une part, les critères d’inscription mentionnés dans la proposition de motivation figurant dans le premier dossier de preuves, qui est un acte préparatoire, et, d’autre part, ceux mentionnés dans la motivation des actes initiaux n’est pas de nature à caractériser une violation de l’obligation de motivation incombant au Conseil.

68      Par ailleurs, le fait que la participation du requérant à la réunion du 24 février 2022, visée dans la motivation des deuxièmes, troisièmes et quatrièmes actes de maintien, ressortait déjà de certaines pièces du premier dossier de preuves, sans toutefois que cette circonstance ait figuré dans la motivation des actes initiaux, est sans influence sur le respect de l’obligation de motivation de l’inscription et du premier maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses incombant au Conseil.

69      Partant, il convient d’écarter la première branche du premier moyen.

b)      Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’obligation de réexamen périodique et du droit d’être entendu

70      Le requérant reproche au Conseil de ne pas avoir réexaminé sa situation ni apprécié la nécessité de maintenir les mesures restrictives à son encontre et d’avoir ignoré les changements de circonstances intervenus depuis l’inscription de son nom sur les listes litigieuses. En outre, le requérant fait valoir que son droit d’être entendu avant l’adoption des actes de maintien n’a pas été respecté. Selon le requérant, le Conseil n’a jamais réellement examiné le bien-fondé des motifs allégués à son encontre et n’a pas accueilli sa demande tendant à obtenir un entretien oral. Il soutient que la procédure aurait pu avoir une autre issue si son droit d’être entendu avait été respecté.

71      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

72      À titre liminaire, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense comporte notamment le droit d’être entendu, qui est consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte.

73      Dans le cas d’une décision de gel de fonds par laquelle le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà sur la liste des personnes et des entités dont les fonds sont gelés est maintenu sur cette liste, l’adoption d’une telle décision doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 101).

74      Le droit d’être entendu préalablement à l’adoption d’actes qui maintiennent le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives s’impose lorsque le Conseil a retenu, dans la décision portant maintien de l’inscription de son nom sur cette liste, de nouveaux éléments contre cette personne ou cette entité, à savoir des éléments qui n’étaient pas pris en compte dans la décision initiale d’inscription de son nom sur cette même liste (voir arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 54 et jurisprudence citée).

75      Toutefois, lorsque le maintien du nom de la personne ou de l’entité concernée sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives est fondé sur les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l’adoption de l’acte initial sans que de nouveaux éléments aient été retenus à son égard, le Conseil n’est pas tenu, pour respecter son droit d’être entendu, de lui communiquer à nouveau les éléments retenus à charge (arrêts du 7 avril 2016, Central Bank of Iran/Conseil, C‑266/15 P, EU:C:2016:208, points 32 et 33, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 103).

76      Ainsi, lorsque des observations sont formulées par la personne concernée au sujet de l’exposé des motifs, l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 114).

77      À cet égard, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense et du droit d’être entendu exige que les institutions de l’Union permettent à la personne visée par un acte faisant grief de faire connaître utilement son point de vue, il ne peut leur imposer d’adhérer à celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 2017, Arbuzov/Conseil, T‑221/15, non publié, EU:T:2017:478, point 84, et du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 330).

78      De même, le seul fait que le Conseil n’a pas conclu à l’absence de bien-fondé de la prorogation des mesures restrictives, ni même jugé utile de procéder à des vérifications au vu des observations présentées par le requérant, ne saurait impliquer qu’il n’a pas pris connaissance de telles observations (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 331).

79      Enfin, il y a lieu de rappeler que ni la réglementation en cause ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une audition, la possibilité de présenter ses observations par écrit étant suffisante (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 97 et jurisprudence citée).

80      En l’espèce, s’agissant des premiers actes de maintien, le Conseil a publié un avis, le 10 mars 2022 (voir point 10 ci-dessus), à l’attention des personnes et des entités concernées, par lequel elles ont été informées de la possibilité de présenter une demande de réexamen avant le 1er juin 2022. En outre, il ressort des points 11, 12 et 15 ci-dessus que le Conseil a communiqué au requérant le premier dossier de preuves, que le requérant a présenté ses observations à l’égard de ce dernier et demandé au Conseil de réexaminer sa décision d’inscrire son nom sur les listes litigieuses et que le Conseil a répondu aux observations du requérant et rejeté la demande de réexamen de ce dernier.

81      Dès lors, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 80 et 81 ci-dessus, le Conseil n’a pas violé l’obligation de réexaminer la situation du requérant avant l’adoption des premiers actes de maintien.

82      S’agissant des deuxièmes actes de maintien, le Conseil a publié un avis, le 15 septembre 2022 (voir point 14 ci-dessus), à l’attention des personnes et des entités concernées, par lequel elles ont été informées de la possibilité de présenter une demande de réexamen avant le 2 novembre 2022. En outre, il ressort des points 18 et 21 ci-dessus que le Conseil a avisé le requérant de son intention de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et lui a communiqué le deuxième dossier de preuves, que le requérant a présenté ses observations au regard de ce dernier et demandé au Conseil de réexaminer sa décision de maintenir ladite inscription sur les listes litigieuses et que le Conseil a répondu aux observations du requérant et rejeté la demande de réexamen de ce dernier.

83      Par conséquent, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 80 et 81 ci-dessus, c’est à tort que le requérant reproche au Conseil d’avoir violé l’obligation de réexaminer sa situation avant l’adoption des deuxièmes actes de maintien.

84      S’agissant des troisièmes actes de maintien, le Conseil a publié un avis, le 14 mars 2023 (voir point 20 ci-dessus), à l’attention des personnes et des entités concernées, par lequel elles ont été informées de la possibilité de présenter une demande de réexamen avant le 1er juin 2023. En outre, il ressort des points 27 à 30 et 33 ci-dessus que le Conseil a communiqué au requérant son intention de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses ainsi que les troisième à septième dossiers de preuves, que le requérant a présenté ses observations à l’égard de ces derniers et que le Conseil a répondu aux observations du requérant et rejeté les demandes de réexamen de ce dernier.

85      Eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 80 et 81 ci-dessus, c’est donc à tort que le requérant reproche au Conseil d’avoir violé l’obligation de réexaminer sa situation avant l’adoption des troisièmes actes de maintien.

86      S’agissant des quatrièmes actes de maintien, le Conseil a publié un avis, le 14 septembre 2023 (voir point 32 ci-dessus), à l’attention des personnes et des entités concernées, par lequel elles ont été informées de la possibilité de présenter une demande de réexamen avant le 2 novembre 2023. En outre, il ressort des points 34, 36 et 37 ci-dessus que le Conseil a communiqué au requérant son intention de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses ainsi que les huitième et neuvième dossiers de preuves et que le requérant a présenté ses observations à l’égard de ces derniers.

87      Eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 80 et 81 ci-dessus, c’est également à tort que le requérant reproche au Conseil d’avoir violé l’obligation de réexaminer sa situation avant l’adoption des quatrièmes actes de maintien.

88      À la lumière des considérations qui précèdent, il convient de conclure que le Conseil s’est acquitté de ses obligations en ce qui concernait, d’une part, le réexamen de la situation du requérant en vue de la prorogation des mesures restrictives adoptées à son encontre et, d’autre part, le respect du droit de celui-ci d’être entendu au cours des procédures ayant abouti à l’adoption des actes de maintien. Partant, il convient d’écarter la seconde branche du premier moyen et, partant, ce moyen dans son ensemble.

2.      Sur les cinquième et sixième moyens, tirés respectivement d’une violation du principe de sécurité juridique et d’exceptions d’illégalité

89      Par le sixième moyen, invoqué à l’encontre des deuxièmes, troisièmes et quatrièmes actes de maintien, le requérant soulève, sur le fondement de l’article 277 TFUE, deux exceptions d’illégalité.

90      S’agissant de la demande d’annulation des deuxièmes actes de maintien, cette exception d’illégalité est dirigée contre l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, et contre l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014 modifié, en tant que ces dispositions prévoyaient le critère g) initial. Il demande que ces dispositions, sur le fondement desquelles auraient été adoptés les deuxièmes actes de maintien, soient déclarées inapplicables à son égard.

91      S’agissant de la demande d’annulation des troisièmes et quatrièmes actes de maintien, cette exception d’illégalité est dirigée contre l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, tel que modifié par la décision 2023/1094, et contre l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, tel que modifié par le règlement 2023/1089, en tant que ces dispositions prévoient le critère g) modifié. Il demande que ces dispositions, sur le fondement desquelles auraient été adoptés les troisièmes et quatrièmes actes de maintien, soient déclarées inapplicables à son égard.

92      Par le cinquième moyen, invoqué à l’encontre des deuxièmes actes de maintien, le requérant invoque une violation du principe de sécurité juridique tirée de l’interprétation et l’application du critère g) initial prétendument confuse et incohérente du Conseil, particulièrement en ce qui concerne les notions d’« homme d’affaires », d’ « homme d’affaires influent », de « revenus du gouvernement de la Fédération de Russie » et de « revenus substantiels ».

93      Il y a lieu d’examiner le cinquième moyen conjointement avec l’exception d’illégalité dirigée contre le critère g) initial.

94      Selon l’article 277 TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.

95      L’article 277 TFUE constitue l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’un acte contre lequel elle peut former un recours, la validité des actes institutionnels antérieurs, qui constituent la base juridique de l’acte attaqué, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation. L’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (voir arrêt du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑14/14 et T‑87/14, EU:T:2017:102, point 55 et jurisprudence citée).

96      Selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent assurer, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, ce qui comprend notamment le respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective (arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 326, et du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 97 et 98).

97      Toutefois, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée). Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions des actes prévoyant les critères d’inscription visés par le présent moyen, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint, se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur de droit ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 35 et jurisprudence citée).

a)      Sur le critère g) initial

98      Il résulte du point 7 ci-dessus que le critère g) initial vise les « femmes et hommes d’affaires influents […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie ».

99      Dans le cadre du sixième moyen, le requérant soutient que ce critère, d’une part, méconnaît les principes de sécurité juridique, d’égalité de traitement et d’interdiction de l’arbitraire et, d’autre part, est inadapté pour atteindre les objectifs de la politique étrangère de l’Union. Dans le cadre du cinquième moyen, il reproche au Conseil une interprétation et une application du critère g) initial confuse et incohérente, qui méconnaîtrait le principe de sécurité juridique.

100    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

101    S’agissant du grief tiré de la méconnaissance des principes de sécurité juridique, d’égalité de traitement et d’interdiction de l’arbitraire, le requérant fait valoir que le critère g) est formulé dans des termes vagues et imprécis, de sorte qu’il existerait un risque de le voir appliqué de manière arbitraire. Dans le cadre du cinquième moyen, le requérant invoque une interprétation et une application du critère g) initial confuse et incohérente, particulièrement en ce qui concerne les notions d’« homme d’affaires », d’ « homme d’affaires influent », de « revenus du gouvernement de la Fédération de Russie » et de « revenus substantiels ».

102    Il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique implique que la législation de l’Union soit claire et précise et que son application soit prévisible pour les justiciables (voir arrêts du 5 mars 2015, Europäisch-Iranische Handelsbank/Conseil, C‑585/13 P, EU:C:2015:145, point 93 et jurisprudence citée, et du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑14/14 et T‑87/14, EU:T:2017:102, point 192 et jurisprudence citée).

103    Or, il a été jugé que le pouvoir d’appréciation conféré au Conseil par le critère g) initial ne heurtait pas l’exigence de prévisibilité, dès lors que ledit critère était suffisamment clair et prévisible pour remplir les exigences de sécurité juridique et s’inscrivait dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives en cause, à savoir, en substance, la nécessité, compte tenu de la gravité de la situation, d’exercer une pression sur les autorités russes afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine. Partant, ce critère est conforme au principe de sécurité juridique (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, points 45 à 48 et jurisprudence citée).

104    Quant au principe d’égalité de traitement, ce principe fondamental de droit interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (voir arrêt du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 152 et jurisprudence citée).

105    Or, en l’espèce, dans le mémoire en adaptation concernant les deuxièmes actes de maintien, le requérant n’a pas avancé d’argument à l’appui de son allégation de violation du principe d’égalité de traitement. Lors de l’audience, il a fait valoir que la plupart des personnes et entités dont le nom a été inscrit sur les listes litigieuses étaient établies dans un nombre limité d’États. Or, force est de constater qu’un tel argument concerne la mise en œuvre du critère g) initial et non sa définition. Partant, cet argument est dénué de pertinence pour établir que ledit critère méconnaît le principe d’égalité de traitement.

106    Au demeurant, le critère g) initial ne vise pas la nationalité des personnes désignées, mais toutes les personnes physiques influentes au sens du critère g). Ainsi, les personnes faisant l’objet de mesures restrictives peuvent être de toute nationalité, si elles remplissent ledit critère (arrêt du 6 septembre 2023, Shulgin/Conseil, T‑364/22, non publié, EU:T:2023:503, point 153).

107    Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance des principes de sécurité juridique, d’égalité de traitement et d’interdiction de l’arbitraire et, partant, l’exception d’illégalité dirigée contre les dispositions de la décision 2014/145 et du règlement no 269/2014 prévoyant le critère g) initial, ainsi que le cinquième moyen, doivent être écartés comme non fondés.

108    S’agissant du grief tiré du caractère prétendument inadapté du critère g) initial pour atteindre les objectifs de la politique étrangère de l’Union, le requérant fait valoir que ce critère ne fait pas expressément référence à la guerre en Ukraine ou au lien des individus concernés avec les situations combattues par les mesures restrictives en cause.

109    À cet égard, il suffit de rappeler, pour écarter ce grief, l’existence d’un lien logique entre, d’une part, le fait de cibler les femmes et les hommes d’affaires influents exerçant leurs activités dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement, au vu de l’importance que revêtent ces secteurs pour l’économie russe, et, d’autre part, l’objectif des mesures restrictives poursuivi en l’espèce qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 49 et jurisprudence citée).

110    Dès lors, le grief tiré du caractère prétendument inadapté du critère g) initial et, partant, l’exception d’illégalité dirigée contre les dispositions de la décision 2014/145 modifiée et du règlement no 269/2014 modifié prévoyant le critère g) initial, doivent être écartés comme non fondés.

b)      Sur le critère g) modifié

111    Il résulte du point 25 ci-dessus que ce critère vise plusieurs catégories de personnes, dont les « femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie » [ci-après le « premier volet du critère g) modifié »] et les « femmes et hommes d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » [ci-après le « troisième volet du critère g) modifié »].

112    Ainsi qu’il résulte des mémoires en adaptation concernant respectivement les troisièmes et quatrièmes actes de maintien, le requérant invoque, dans le cadre de l’exception d’illégalité du critère g) modifié, les mêmes griefs que ceux invoqués dans le cadre de l’exception d’illégalité du critère g) initial.

1)      Sur le troisième volet du critère g) modifié

113    Il y a lieu d’observer que le troisième volet du critère g) modifié s’inscrit dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives en cause, à savoir la nécessité, compte tenu de la gravité de la situation, d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays. Dans cette perspective, les mesures restrictives en cause sont conformes à l’objectif visé à l’article 21, paragraphe 2, sous c), TUE de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale, conformément aux buts et aux principes de la charte des Nations unies, signée à San Francisco (États-Unis) le 26 juin 1945 (voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, points 115 et 123 ; du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 163, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 46).

114    En outre, il convient de rappeler qu’il ressort du considérant 2 de la décision 2023/1094 que « [l]’Union continue d’apporter un soutien sans réserve à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine » et du considérant 4 de la même décision que le Conseil a estimé qu’il convenait d’élargir les critères de désignation en incluant les « femmes et hommes d’affaires […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » afin d’accroître la pression exercée sur le gouvernement de la Fédération de Russie pour qu’il mette un terme à sa guerre d’agression contre l’Ukraine.

115    C’est donc en raison de la persistance, voire de l’aggravation, de la situation en Ukraine que le Conseil a estimé devoir élargir le cercle des personnes visées par le troisième volet du critère g) modifié afin d’atteindre les objectifs poursuivis. Or, il résulte d’une telle démarche fondée sur la progressivité de l’atteinte aux droits en fonction de l’effectivité des mesures que leur proportionnalité est établie (voir, par analogie, arrêt du 25 janvier 2017, Almaz-Antey Air and Space Defence/Conseil, T‑255/15, non publié, EU:T:2017:25, point 104).

116    Par ailleurs, la suppression du terme « influent » ne saurait être interprétée comme ayant pour conséquence que ce nouveau critère serait abstrait, imprévisible et dépourvu de tout lien avec les objectifs des mesures restrictives en cause.

117    En effet, par rapport à l’ancienne version de ce critère, qui utilisait le terme « influent », le troisième volet du critère g) modifié présente un champ d’application plus large et ne vise plus seulement des personnes « influentes » et donc « importantes ». Toutefois, la notion de « femmes ou hommes d’affaires » ne saurait viser l’ensemble des personnes physiques exerçant une activité économique, mais seulement ceux qui exercent une activité économique qualitativement ou quantitativement non négligeable dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, et dont l’inscription des noms sur les listes en cause est, ainsi, susceptible d’accroître la pression sur la Fédération de Russie et d’augmenter le coût des actions de cette fédération visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

118    En effet, une telle interprétation dudit volet répond à la volonté du Conseil, telle qu’elle ressort du considérant 4 de la décision 2023/1094, d’exercer une pression maximale sur les autorités russes afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:530, point 107) et d’accroître les coûts des actions du gouvernement de la Fédération de Russie, dès lors que de tels secteurs, en apportant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, alimentent, directement ou indirectement, la capacité de ce gouvernement à mener sa guerre d’agression contre l’Ukraine.

119    Ainsi, le fait de viser des femmes et hommes d’affaires qui, notamment, détiennent des parts ou occupent des fonctions dans des sociétés qui sont actives dans de tels secteurs, est susceptible d’accroître la pression sur la Fédération de Russie et d’augmenter le coût de ses actions visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

120    Par conséquent, le troisième volet du critère g) modifié contient des conditions relatives aux fonctions ou aux intérêts des personnes visées dans certaines structures intervenant dans certains secteurs, ce qui permet d’établir un lien suffisant et subjectif entre ces personnes et le pays tiers visé, en l’occurrence la Fédération de Russie.

121    Partant, il existe toujours un lien logique entre, d’une part, le fait de cibler les femmes et hommes d’affaires exerçant leurs activités dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, au vu de l’importance que revêtent ces secteurs pour l’économie russe, et, d’autre part, l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 49 et jurisprudence citée).

122    Il s’ensuit que le troisième volet du critère g) modifié, d’une part, n’est pas inadapté pour atteindre les objectifs de la politique étrangère de l’Union et, d’autre part, répond au degré de prévisibilité requis par le droit de l’Union, de sorte qu’il ne méconnaît pas le principe de sécurité juridique. En outre, pour des motifs analogues à ceux exposés aux points 108 et 109 ci-dessus, il ne méconnaît pas davantage le principe d’égalité de traitement.

123    Dès lors, l’exception d’illégalité dirigée contre les dispositions de la décision 2014/145 et du règlement no 269/2014 prévoyant le troisième volet du critère g) modifié doit être écartée comme non fondée.

2)      Sur le premier volet du critère g) modifié

124    Il résulte des points 226 et 233 ci-après que le Conseil, dans les troisièmes et quatrièmes actes de maintien, a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles de mettre en évidence que le requérant était un homme d’affaires ayant une activité dans un secteur économique qui constitue une source de revenus substantielle pour le gouvernement de la Fédération de Russie, au sens du troisième volet du critère g) modifié.

125    Ce volet n’étant, comme il a été relevé au point 125 ci-dessus, pas entaché des illégalités invoquées par le requérant à son encontre, l’exception d’illégalité dirigée contre les dispositions de la décision 2014/145 et du règlement no 269/2014 prévoyant le premier volet du critère g) modifié doit être écartée comme inopérante.

126    En conséquence, il y a lieu d’écarter le sixième moyen dans son ensemble.

3.      Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

a)      Considérations liminaires

127    À titre liminaire, il y a lieu de relever que le deuxième moyen doit être considéré comme tiré d’erreurs d’appréciation et non d’erreurs manifestes d’appréciation. En effet, s’il est certes vrai que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer, au cas par cas, si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis, il n’en reste pas moins que les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, points 54 et 55, et du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 61 et jurisprudence citée).

128    Par ailleurs, il convient de souligner que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119, et du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 128).

129    Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée).

130    C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 121 et 122, et du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, point 57).

131    À cet égard, il convient de souligner que le contexte des mesures en cause doit être pris en compte et le degré de preuve pouvant être exigé du Conseil doit être adapté du fait de la difficulté d’accès à des preuves et à des éléments d’information objectifs (voir arrêt du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 102 et jurisprudence citée).

132    De plus, il convient de relever que l’activité du juge de l’Union est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. À cet égard, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue en tenant compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir arrêt du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 107 et jurisprudence citée).

133    En outre, il importe de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste litigieuse ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 58 et 59).

134    Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 112 et jurisprudence citée).

135    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de vérifier si le Conseil a commis des erreurs d’appréciation en décidant d’inscrire puis de maintenir le nom du requérant sur les listes litigieuses.

b)      Sur les actes initiaux

136    À l’appui de ce moyen, le requérant fait, en substance, valoir que le Conseil n’a pas apporté d’éléments concrets, précis et concordants permettant de constituer une base factuelle suffisante afin d’étayer l’inscription de son nom sur les listes litigieuses au titre du critère g) initial.

137    En l’espèce pour justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses, le Conseil a fourni le premier dossier de preuves, contenant notamment les pièces suivantes :

–        un extrait du site Internet de la société Roscongress, consulté le 26 février 2022 (pièce no 2) ;

–        un extrait du site Internet du World Economic Forum (Forum économique mondial), consulté le 26 février 2022 (pièce no 3) ;

–        un article de presse du site Internet Tadviser, consulté le 26 février 2022 (pièce no 4) ;

–        un extrait du site Internet EMIS, consulté le 26 février 2022 (pièce no 5) ;

–        un extrait du site Internet de la société SIBUR Holding, consulté le 26 février 2022 (pièce no 6).

138    En premier lieu, s’agissant de sa situation personnelle, le requérant fait valoir qu’il n’est pas un « homme d’affaires influent ». En particulier, il soutient qu’il n’exerçait pas de contrôle ou d’influence déterminante sur la société SIBUR Holding. À cet égard, il fait valoir que le processus de prise de décision au sein de cette société est collectif et partagé entre les différents organes de celle-ci que sont le conseil d’administration, le conseil des directeurs, l’assemblée générale des actionnaires et la société LLC SIBUR, chargée de la gestion quotidienne de SIBUR Holding, de sorte qu’il n’avait pas de pouvoir de prendre individuellement des décisions. En outre, le requérant précise qu’il s’assurait uniquement du déroulement des opérations quotidiennes de la société et que les questions stratégiques relevaient de la compétence des organes collégiaux. Par ailleurs, il conteste avoir, en vertu de ses prérogatives de président du conseil d’administration de SIBUR Holding, autorisé personnellement la cession de 50 % des actions de cette société.

139    Le requérant ajoute qu’il n’est ni l’un des fondateurs ni l’un des bénéficiaires de SIBUR Holding, qu’il a accédé aux postes du président du conseil d’administration et membre du conseil des directeurs de cette société grâce à ses propres mérites, qu’il ne détenait qu’une part minoritaire de 2,75 % du capital de cette société et que sa démission brutale, laquelle n’aurait pas eu de conséquences sur ladite société ni sur l’économie russe, démontrerait qu’il n’était qu’un employé de ladite société et non un homme d’affaires influent. Enfin, il fait valoir que le fait d’avoir des intérêts dans une seule société est insuffisant pour pouvoir être considéré comme un homme d’affaires influent.

140    En deuxième lieu, s’agissant du secteur économique dans lequel le requérant intervient, ce dernier fait valoir que le secteur de l’industrie chimique ne peut pas être considéré comme fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie. À cet égard, il avance que ce secteur n’a qu’une faible importance dans l’économie russe et que la part de l’industrie chimique dans cette économie n’a représenté qu’environ 1,8 % du produit intérieur brut (PIB) de la Russie en 2019 et 1,4 % en 2021. De même, la contribution du secteur de la pétrochimie au budget fédéral russe aurait représenté 37 milliards de roubles russes (RUB) (environ 370 millions d’euros) en 2019 et 34 milliards de RUB en 2020 (environ 340 millions d’euros), ce qui correspondrait à 0.18 % dudit budget. Il fait également valoir que SIBUR Holding n’est que la 70e entreprise pétrochimique mondiale. Il ajoute que le secteur de la pétrochimie représente seulement la moitié du secteur de la chimie, en termes de production, et que le nombre d’entreprises pétrochimiques représente seulement environ 3 % de l’ensemble des entreprises industrielles russes.

141    En outre, le requérant fait valoir que l’industrie pétrochimique ne revêt pas une importance significative pour l’économie russe dans la mesure où, d’une part, ses produits peuvent être remplacés par d’autres produits et, d’autre part, il ne s’agit pas d’une industrie vitale pour l’économie de ce pays. À cet égard, le requérant souligne que la société SIBUR Holding n’est pas une entreprise d’extraction, de sorte qu’elle n’est pas soumise aux taxes sur l’extraction minière, lesquelles constituent une source majeure de revenus pour le gouvernement russe. Le requérant reproche ainsi au Conseil de confondre le secteur de l’industrie du pétrole et du gaz avec le secteur de l’industrie pétrochimique. Enfin, il soutient que le Conseil n’a pas démontré qu’il contribuait de façon substantielle au budget de la Russie et fait observer que le seul fait de payer des impôts en Russie ne saurait conduire à considérer que, ce faisant, il apporte son soutien au gouvernement.

142    En troisième lieu, le requérant conteste que SIBUR Holding soit étroitement liée au gouvernement russe. À cet égard, il fait valoir, premièrement, que cette société ne constitue pas une source de revenus substantielle pour le gouvernement russe. En effet, d’une part, le fait que cette société ait un poids économique important serait insuffisant pour tirer cette conclusion et, d’autre part, les bénéfices dégagés par cette société ne reviendraient pas à l’État, mais seraient en partie reversés sous forme de dividendes aux actionnaires de ladite société, lesquels seraient principalement des particuliers et des investisseurs étrangers. Deuxièmement, il fait valoir que SIBUR Holding n’a pas de liens étroits avec le gouvernement russe. En effet, outre qu’il s’agirait d’une société privée et non publique, son processus décisionnel serait collectif, de sorte que MM. Mikhelson et Timchenko ne pouvaient prendre ou influencer seuls des décisions au sein de cette société. Troisièmement, les revenus et le financement de SIBUR Holding ne seraient pas liés au gouvernement russe. Ainsi, cette société ne dépendrait pas de la commande publique, mais aurait de nombreux clients dans le monde entier. En outre, elle tirerait plus de 43 % de ses revenus entre 2019 et 2021 de clients étrangers, sa dette serait détenue à plus de 55 % par des banques non russes et les prêts qu’elle aurait contractés auprès de banques russes l’auraient été aux taux du marché. Quatrièmement, le requérant soutient que le paiement des impôts est le seul lien financier existant entre SIBUR Holding et l’État russe. À cet égard, il fait valoir que le Conseil ne saurait en déduire un prétendu soutien de cette société au gouvernement. Il ajoute que la plupart des impôts payés par cette société sont versés aux budgets régionaux et non au budget fédéral.

143    En quatrième lieu, le requérant conteste entretenir des liens avec le gouvernement russe et soutenir ce dernier. En particulier, il soutient ne pas être responsable des actions de ce gouvernement menées dans le cadre de l’intervention militaire en Ukraine. Il ajoute ne pas être un oligarque et ne pas avoir tiré avantage du gouvernement russe, y compris dans le cadre de son ascension au sein de SIBUR Holding.

144    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

145    Il convient de rappeler que les motifs par lesquels le nom du requérant a été inscrit sur les listes litigieuses figurent au point 9 ci-dessus. Il en ressort, en substance, que ladite inscription a été décidée en raison des fonctions exercées par le requérant au sein de SIBUR Holding, qui serait la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie et l’une des entreprises qui connaît la croissance la plus rapide dans le secteur pétrochimique mondial, ainsi qu’un groupe pétrochimique émergent de premier plan et le plus grand producteur pétrochimique sur le marché russe, dans le capital duquel MM. Mikhelson et Timchenko, oligarques proches de M. Poutine, détiendraient des participations importantes. Ainsi, SIBUR Holding serait étroitement liée au gouvernement russe et les recettes qu’elle génère constitueraient, par conséquent, une source importante de revenus pour le gouvernement russe.

146    Il convient, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 132 ci-dessus, de vérifier si le Conseil a présenté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer le motif d’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse au titre du critère g) initial.

147    En l’espèce, s’agissant des fonctions exercées par le requérant au sein de SIBUR Holding, il ressort de la pièce no 2 du premier dossier de preuves, qui est un extrait du site Internet de la société Roscongress, une société organisatrice d’événements commerciaux, publics, pour la jeunesse, sportifs et culturels, consulté le 26 février 2022, présentant une liste des différentes fonctions exercées par le requérant, et de la pièce no 3 du même dossier de preuves, qui est un extrait du site Internet du Forum économique mondial, consulté le 26 février 2022, que, à cette date, le requérant était président du conseil d’administration, membre du conseil de direction et de l’assemblée des actionnaires de SIBUR Holding, ce qu’il admet expressément. Il ressort également desdits éléments de preuve et de la requête que le requérant a intégré cette société en 2004 en tant que vice-président chargé de la stratégie et du développement commercial et qu’il en a été nommé président-directeur général en 2016 et président du conseil d’administration en 2018.

148    S’agissant des arguments du requérant selon lesquels il n’exerçait pas de contrôle ou d’influence déterminante sur SIBUR Holding, au motif que le processus de prise de décision au sein de cette société était collectif et partagé entre les différents organes de cette société, il convient de rappeler que la motivation des actes initiaux ne retient pas l’exercice d’un contrôle ou d’une influence déterminante ni même personnelle du requérant sur les décisions de cette société, mais la supervision des activités de cette dernière. Or, les fonctions de président du conseil d’administration, de membre du conseil de direction et de membre l’assemblée des actionnaires de SIBUR Holding, admises par le requérant lui-même, étaient de nature à permettre au requérant de superviser les activités de cette société.

149    En outre, il ressort de la pièce no 4 du premier dossier de preuves, qui est un article du site Internet Tadviser daté de 2012 et consulté le 26 février 2022, et qui reprenait des informations du magazine Forbes, que le requérant figurait alors au seizième rang des dirigeants d’entreprises les mieux payés de Russie et qu’il avait perçu une rémunération évaluée à six millions de dollars des États-Unis (USD) (environ 5,67 millions d’euros) cette année-là.

150    Enfin, le requérant affirme avoir démissionné de ses fonctions de président du conseil d’administration de SIBUR Holding le 16 mars 2022, avec effet au 22 mars 2022. Ce faisant, il admet qu’il occupait ces fonctions lors de l’adoption des actes initiaux, le 9 mars 2022.

151    Au demeurant, il convient également d’écarter l’argument du requérant par lequel il conteste entretenir des liens avec le gouvernement russe. En effet, il convient de constater que, selon son libellé même, le critère g) initial emploie la notion de « femme ou homme d’affaires influents » en corrélation avec l’exercice d’une « activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe », sans autre condition concernant un lien, direct ou indirect, avec ledit gouvernement. La finalité poursuivie par ce critère est en effet d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 46 et jurisprudence citée).

152    S’agissant de la société SIBUR Holding, il ressort de la pièce no 3 du premier dossier de preuves que cette société est la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie, ce que le requérant confirme expressément. En outre, il ressort de la pièce no 6 du même dossier de preuves, qui est un extrait d’une présentation des résultats financiers de SIBUR Holding, figurant sur le site Internet de la société SIBUR Holding, consulté le 26 février 2022, que les revenus de cette société au cours des neuf premiers mois de l’année 2021 se sont élevés à 8,1 milliards de USD (environ 7,66 milliards d’euros), en hausse de 62 % par rapport à la même période en 2020 et que le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements (EBITDA) au cours des neuf premiers mois de l’année 2021 était de 3,7 milliards de USD (environ 3,5 milliards d’euros), soit 46 % des revenus de cette société sur cette période, en hausse de 127 % par rapport à la même période en 2020.

153    De surcroît, le requérant fait expressément valoir que SIBUR Holding est l’une des entreprises à la croissance la plus rapide de l’industrie pétrochimique mondiale et l’un des plus grands acteurs de l’industrie pétrochimique mondiale.

154    Il résulte de ce qui précède que le Conseil a suffisamment établi que, à la date des actes initiaux, le requérant était le président du conseil d’administration de SIBUR Holding, que, à ce titre, il supervisait les activités de cette société, que cette dernière était la plus grande entreprise pétrochimique intégrée de Russie et l’une des entreprises qui connaissait la croissance la plus rapide dans le secteur pétrochimique mondial et que celle-ci faisait partie d’un groupe pétrochimique émergent de premier plan et le plus grand producteur pétrochimique du marché russe.

155    S’agissant du secteur économique dans lequel SIBUR Holding exerce ses activités, il s’agit du secteur de la pétrochimie, qui est le secteur industriel qui fabrique des dérivés du pétrole et du gaz naturel.

156    À cet égard, il ressort de la pièce no 5 du premier dossier de preuves, qui est un extrait, daté du 15 décembre 2021 et consulté le 26 février 2022, du site Internet de la société de conseil EMIS, spécialisée dans les marchés émergents, que SIBUR Holding est une entreprise verticalement intégrée, qui fournit une capacité de traitement du gaz pour la production pétrochimique avec ses propres matières première, qui opère en amont en lien avec le secteur de l’industrie du pétrole et du gaz et qui, en aval, fabrique des produits dérivés dans de multiples secteurs.

157    Le requérant soutient que l’ensemble du secteur de l’industrie chimique a représenté environ 1,8 % du PIB de la Russie en 2019 et 1,4 % en 2021, de sorte que la part de la pétrochimie serait encore inférieure, de l’ordre de la moitié de ces valeurs.

158    Certes, ni la décision 2014/145 modifiée ni le règlement no 269/2014 modifié ne définissent la notion de « source substantielle de revenus ». Il convient cependant de rappeler que l’emploi de l’adjectif qualificatif « substantielle », qui se rapporte au groupe nominal « source de revenus », implique que cette source de revenus doit être significative et donc pas négligeable (arrêt du 6 septembre 2023, Pumpyanskiy/Conseil, T‑291/22, non publié, EU:T:2023:499, point 63).

159    En outre, il convient de rappeler également que l’expression « qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » figurant au critère g) initial se réfère, au vu du libellé de celui-ci, aux revenus provenant des secteurs économiques importants de la Fédération de Russie et non uniquement aux impôts payés personnellement par les femmes et les hommes d’affaires influents ou par les sociétés ou entités dans lesquels ceux-ci exercent des fonctions ou ont des possessions capitalistiques (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2023, Mordashov/Conseil, T‑248/22, non publié, EU:T:2023:573, points 128 et 138).

160    En outre, l’application du critère g) initial n’oblige pas le Conseil à prendre en compte la totalité des recettes fiscales du budget de l’État russe, mais seulement à vérifier que le secteur économique dans lequel le requérant a ses activités constitue une source de revenus substantielle pour le gouvernement de la Fédération de Russie (arrêt du 6 septembre 2023, Shulgin/Conseil, T‑364/22, non publié, EU:T:2023:503, point 99).

161    À cet égard, bien que le Conseil n’ait pas présenté d’éléments dans le premier dossier de preuves portant sur des données chiffrées des revenus procurés par le secteur de la pétrochimie au gouvernement de la Fédération de Russie, les données issues de la pièce no 6 du premier dossier de preuves, détaillées au point 155 ci-dessus, représentent l’importance et la croissance de l’activité de SIBUR Holding dans ce secteur. Le Conseil pouvait valablement en déduire que les impôts payés par cette entreprise de ce secteur économique sont significatifs et non négligeables. S’il est vrai que ces chiffres concernent uniquement SIBUR Holding, il n’en demeure pas moins que, à partir de ces données, le Conseil pouvait considérer que les revenus provenant de l’ensemble des entreprises actives dans le secteur pétrochimique constituent une source de revenus substantielle au gouvernement de la Fédération de Russie.

162    Par ailleurs, ainsi qu’il ressort d’un extrait du site Internet de Roscongress produit par le Conseil, d’une part, la part des revenus fiscaux du secteur de la pétrochimie est comprise entre 1 % et 2 % du budget de la Russie et, d’autre part, la part de la production pétrochimique russe exportée est supérieure à 60 %.

163    Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptible de mettre en évidence le fait que le requérant était, à la date des actes initiaux, un homme d’affaires influent ayant une activité dans un secteur économique qui fournit une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, au sens du critère g) initial, en raison de l’importance de son statut et de ses fonctions au sein de la société SIBUR Holding, et de l’importance de cette société dans le secteur pétrochimique.

164    Les arguments avancés par le requérant tirés de ce qu’il détiendrait une faible part du capital de SIBUR Holding, que sa démission n’aurait prétendument pas eu d’influence sur cette société, ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion. En outre, s’agissant de l’argument du requérant tiré de ce que l’implication d’une personne dans une seule société serait insuffisante pour considérer qu’il est un homme d’affaires influent, au sens du critère g) initial, force est de constater qu’il s’appuie sur une lecture erronée du point 121 de l’arrêt du 24 novembre 2021, Al Zoubi/Conseil (T‑257/19, EU:T:2021:819). En effet, l’appréciation du Tribunal selon laquelle la seule participation du requérant au capital d’une société était insuffisante pour considérer celui-ci comme étant un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie résulte d’une appréciation des faits propre au cas d’espèce, de sorte qu’il ne saurait en être déduit un quelconque principe général.

165    Selon la jurisprudence, s’agissant du contrôle de la légalité d’une décision adoptant des mesures restrictives, et eu égard à leur nature préventive, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée).

166    Dès lors, le bien-fondé du motif tiré des activités du requérant en lien avec SIBUR Holding justifie à lui seul le rejet du deuxième moyen s’agissant des actes initiaux, sans qu’il soit besoin de vérifier le bien-fondé des autres motifs tirés de la participation de MM. Mikhelson et Timchenko au capital de SIBUR Holding et des liens entre cette société et le gouvernement russe.

c)      Sur les premiers actes de maintien

167    Il importe de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste litigieuse ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (arrêts du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 55, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 168).

168    Pour justifier le maintien du nom d’une personne sur une liste de personnes et d’entités visées par des mesures restrictives, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la personne concernée sur la liste en cause, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes (arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 99).

169    Ledit contexte inclut non seulement la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi, mais également la situation particulière de la personne concernée (voir arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 et jurisprudence citée).

170    De même, le maintien du nom d’une personne ou d’une entité sur une liste reste justifié au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, au regard du fait que les objectifs visés par les mesures restrictives en cause n’auraient pas été atteints (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 83 et 84).

171    Il résulte de l’article 6 de la décision 2014/145 modifiée que les actes initiaux ainsi que les actes de maintien successifs font l’objet d’un suivi constant et sont prorogés, ou modifiés le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. L’article 14, paragraphe 4, du règlement no 269/2014 modifié prévoit quant à lui la révision à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois de la liste figurant en annexe.

172    En l’espèce, il convient de rappeler que les motifs par lesquels le nom du requérant a été maintenu sur les listes litigieuses figurent au point 13 ci-dessus. Il en ressort, en substance, que ledit maintien a été décidé en raison des anciennes fonctions exercées par le requérant au sein de SIBUR Holding.

173    Dans le mémoire en adaptation concernant les premiers actes de maintien, le requérant soutient notamment avoir démissionné de ses fonctions au sein de SIBUR Holding et cédé les parts qu’il détenait dans le capital de cette société. Dès lors, ce serait à tort que le Conseil aurait considéré que, à la date des premiers actes de maintien, il demeurait un homme d’affaires influent ayant une activité dans un secteur économique qui fournit une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, au sens du critère g) initial.

174    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant. Il fait valoir que celui-ci a cédé ses parts dans le capital de SIBUR Holding après l’adoption des premiers actes de maintien et que, en dépit de sa démission des fonctions qu’il occupait au sein de cette société, il est demeuré actif dans le secteur de l’industrie. En particulier, il serait resté membre de l’Union des chimistes russes, qui serait une organisation réunissant les dirigeants ou anciens dirigeants des plus grandes entreprises chimiques russe. Il serait également intervenu en tant que conférencier lors d’un séminaire organisé par le Forum économique international de Saint-Pétersbourg (Russie). Enfin, il serait toujours président et membre des conseils d’administration de plusieurs sociétés.

175    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la circonstance qu’une personne a cessé d’exercer ses fonctions au sein d’une structure n’implique pas, à elle seule, que ces anciennes fonctions sont dénuées de pertinence, dans la mesure où ses activités passées pourraient influencer son comportement. Toutefois, prises isolément, les anciennes fonctions d’une personne ne sauraient justifier l’inscription du nom de cette dernière sur les listes en cause. Si le Conseil entendait se fonder sur les activités passées de ladite personne, il lui incomberait en effet d’avancer des indices sérieux et concordants permettant raisonnablement de considérer que cette dernière maintient des liens avec la structure où elle exerçait ces fonctions à la date d’adoption de l’acte en cause, justifiant l’inscription de son nom sur les listes, après la cessation de ses activités au sein de cette structure (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, Assi/Conseil, T‑256/19, EU:T:2021:818, point 128 et jurisprudence citée).

176    En l’espèce, le requérant a établi, sans que le Conseil le conteste, avoir démissionné de ses fonctions de président du conseil d’administration et de membre du conseil des directeurs de SIBUR Holding le 16 mars 2022, avec effet au 22 mars 2022, soit antérieurement aux premiers actes de maintien.

177    En outre, s’agissant de l’argument du Conseil tiré du fait que le requérant détenait des parts dans le capital de SIBUR Holding, et sans qu’il y ait besoin d’examiner l’argument du requérant tiré de la prétendue cession de ces parts, force est de constater que la qualité d’actionnaire de SIBUR Holding du requérant ne se rattache pas aux motifs des premiers actes de maintien. En effet, les motifs desdits actes se limitent à indiquer le fait que le requérant est l’ancien président du conseil d’administration de SIBUR Holding et ne se réfèrent aucunement à sa qualité d’actionnaire de cette société, ni même, d’une manière plus générale, à d’autres liens unissant le requérant à ladite société ou au secteur concerné. Dès lors, sauf à admettre une substitution de motifs, il ne saurait être admis que le Conseil se prévale d’éléments relatifs à la qualité d’actionnaire du requérant pour justifier le bien-fondé des premiers actes de maintien.

178    Il en va de même des arguments du Conseil tirés du fait que le requérant est demeuré membre de l’Union des chimistes russes, de l’intervention de celui-ci lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, qui s’est tenu du 14 au 17 juin 2022, et du fait qu’il serait toujours président ou membre des conseils d’administration d’autres sociétés.

179    Il résulte de ce qui précède que la motivation des premiers actes de maintien repose uniquement sur les anciennes fonctions du requérant dans SIBUR Holding et que le Conseil n’a pas avancé d’indices sérieux et concordants permettant de considérer raisonnablement que le requérant a maintenu de ce seul fait des liens avec cette société, au sens de la jurisprudence rappelée au point 178 ci-dessus.

180    Dès lors, le Conseil a commis une erreur d’appréciation en estimant que les anciennes fonctions du requérant au sein de SIBUR Holding suffisaient à maintenir l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses au titre du critère g) initial.

181    En outre, il convient d’observer que les autres motifs, tirés de la participation de MM. Mikhelson et Timchenko au capital de SIBUR Holding et des liens entre cette société et le gouvernement russe ne sauraient en eux-mêmes justifier ledit maintien, dès lors qu’ils sont relatifs à SIBUR Holding et non au requérant lui-même.

182    Il s’ensuit que le Conseil a commis une erreur d’appréciation en estimant que les anciennes fonctions du requérant au sein de SIBUR Holding suffisaient à maintenir l’inscription du nom de celui-ci sur les listes litigieuses au titre du critère g) initial.

183    Partant, il convient d’accueillir le deuxième moyen l’égard des premiers actes de maintien et d’annuler ces actes, pour autant qu’ils visent le requérant.

d)      Sur les deuxièmes actes de maintien

184    Il convient de rappeler que les motifs par lesquels le nom du requérant a été maintenu sur les listes litigieuses figurent au point 19 ci-dessus. Il ressort de ces motifs que, en substance, ledit maintien a été décidé en raison des anciennes fonctions exercées par le requérant au sein de SIBUR Holding et de la participation de celui-ci à une réunion le 24 février 2022, en présence du président de la Fédération de Russie et de membres du gouvernement russe, afin de discuter de l’incidence des choix à opérer à la suite des sanctions occidentales.

185    Pour justifier l’adoption des deuxièmes actes de maintien au regard du requérant, le Conseil a fourni le deuxième dossier de preuves, contenant notamment les pièces suivantes :

–        un article publié sur le site Internet de l’Organised Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), une plateforme de journalisme d’investigation, daté du 20 juin 2022 et consulté en novembre 2022 (pièce no 2) ;

–        un article publié sur le site Internet de la ligue professionnelle de basket-ball VTB United League, daté du 10 juin 2022 et consulté en novembre 2022 (pièce no 5).

186    Dans le mémoire en adaptation concernant les deuxièmes actes de maintien, le requérant conteste que les circonstances, énoncées par le Conseil dans sa lettre du 14 mars 2023, visée au point 21 ci-dessus, et que le motif figurant dans les deuxièmes actes de maintien tiré de sa participation à la réunion du 24 février 2022 susvisée soient de nature à justifier le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

187    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant. Il soutient que le requérant figurait encore en juillet 2023 parmi les 200 plus grandes fortunes de Russie et en janvier 2022 parmi les dirigeants économiques majeurs du secteur de l’industrie chimique. Il ajoute que la démission d’hommes d’affaires influents de leurs fonctions au sein des entreprises qu’ils dirigeaient est un phénomène généralisé, relaté dans la presse, qui ne justifierait pas le retrait des noms des intéressés des listes litigieuses, sauf à remettre en cause l’effet utile des mesures restrictives. Il ajoute que le requérant a maintenu des activités dans d’autres entreprises. Il ajoute que certaines de ces entreprises sont actives dans le secteur de la pétrochimie. Il rappelle également l’intervention du requérant lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, qui s’est tenu du 14 au 17 juin 2022, et le fait que celui-ci soit demeuré membre de l’Union des chimistes russes jusqu’en février 2023. Par ailleurs, il soutient que la participation du requérant à la réunion du 24 février 2022 en présence de M. Poutine, de même que le rôle déterminant joué par le requérant dans la location par SIBUR Holding d’une villa au bénéfice de M. Poutine établissent l’existence de liens étroits entre le requérant et le gouvernement russe. Enfin, il demande l’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure visant à demander au requérant de présenter les justificatifs de la cession des parts qu’il détenait dans le capital de SIBUR Holding.

188    Premièrement, s’agissant des anciennes fonctions du requérant au sein de SIBUR Holding, il y a lieu de rappeler que, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 178 ci-dessus, si le Conseil entendait se fonder sur les activités passées du requérant au sein de cette société, il lui incombait d’avancer des indices sérieux et concordants permettant raisonnablement de considérer que, à la date d’adoption des deuxièmes actes de maintien, le 13 mars 2023, le requérant avait maintenu des liens avec cette société après avoir démissionné de ses fonctions au sein de cette société.

189    À cet égard, c’est à tort que le Conseil se prévaut, en se fondant sur la pièce no 5 du deuxième dossier de preuves, de la participation du requérant à un événement visant à promouvoir un programme de basket-ball pour les jeunes nommé Siburcamp, mené conjointement par SIBUR Holding et la ligue professionnelle de basket-ball VTB United League avec le soutien de la fédération russe de basket-ball. En effet, contrairement à ce que le Conseil allègue dans le résumé qu’il fait de ce document, à supposer même que le requérant ait assisté à cet événement promotionnel et sportif en juin 2022, la seule présence du requérant ne suffit pas à établir qu’il entretenait toujours, à la suite de sa démission des liens étroits avec SIBUR Holding qui soient suffisants pour justifier, par eux-mêmes, le maintien de son nom sur les listes litigieuses.

190    Deuxièmement, s’agissant de la participation du requérant à la réunion du 24 février 2022 visée au point 190 ci-dessus, il y a lieu de rappeler qu’à cette date, le requérant exerçait encore les fonctions de président du conseil d’administration de SIBUR Holding, dont, comme indiqué au point 157 ci-dessus, le Conseil a suffisamment établi l’importance dans le secteur de la pétrochimie en Russie et l’importance de ce secteur dans l’économie de ce pays. En outre, il ne ressort pas du dossier que le requérant ait assisté à la réunion en cause pour d’autres raisons qu’au titre de ses fonctions au sein de SIBUR Holding.

191    Troisièmement, les arguments du Conseil tirés des fonctions exercées par le requérant dans d’autres entreprises ou organismes après avoir quitté le poste qu’il occupait au sein de SIBUR Holding, mentionnées au point 190 ci-dessus, et de l’intervention du requérant lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg au mois de juin 2022, visent des circonstances de fait qui ne se rattachent pas aux motifs des deuxièmes actes de maintien, lesquels reposent sur les seules anciennes fonctions du requérant au sein de SIBUR Holding et sa participation à la réunion du 24 février 2022.

192    Quatrièmement, quant au prétendu rôle joué par le requérant dans la location d’une villa par SIBUR Holding au profit de M. Poutine, force est de constater que, selon la pièce no 2 du deuxième dossier de preuves, ces événements se sont déroulés en 2012 et 2013, lorsque le requérant était président du conseil d’administration de SIBUR Holding, si bien qu’ils ne seraient de nature à établir le bien-fondé des motifs des deuxièmes actes de maintien.

193    Cinquièmement, il ressort de l’extrait du site Internet du magazine Forbes produit par le Conseil que le requérant figurait en 2020 et non en 2023 parmi les 200 plus grandes fortunes de Russie. Au demeurant, ce fait n’est pas indiqué dans les motifs des deuxièmes actes de maintien. Quant au fait que, en janvier 2022, le requérant figurait parmi les dirigeants économiques majeurs du secteur de l’industrie chimique, il suffit de rappeler qu’il exerçait alors encore les fonctions de président du conseil d’administration de SIBUR Holding.

194    Sixièmement, pour les motifs exposés au point 180 ci-dessus, lesquels valent également pour les deuxièmes actes de maintien, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande du Conseil tendant à la production des justificatifs de cession des parts que le requérant détenait dans le capital de SIBUR Holding.

195    Il résulte de ce qui précède que le Conseil a commis une erreur d’appréciation en estimant que les anciennes fonctions du requérant au sein de SIBUR Holding et sa participation à la réunion du 24 février 2022 susvisée suffisaient à maintenir l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses au titre du critère g) initial.

196    Il s’ensuit qu’aucun des motifs figurant dans les deuxièmes actes de maintien n’est étayé à suffisance de droit.

197    Partant, il convient d’accueillir le deuxième moyen à l’égard des deuxièmes actes de maintien et d’annuler ces actes, pour autant qu’ils visent le requérant.

e)      Sur les troisièmes actes de maintien

198    Il ressort des troisièmes actes de maintien que, d’une part, le requérant a été maintenu sur lesdites listes au titre du critère g) modifié.

199    Selon ce critère, peuvent être inscrits sur les listes litigieuses des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie […], ou […] des femmes et hommes d’affaires, des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine ».

200    D’autre part, le requérant a été maintenu sur lesdites listes pour les motifs rappelés au point 31 ci-dessus. Premièrement, le requérant entretiendrait des liens avec l’industrie chimique en tant que membre de l’Union russe des entreprises et de l’Organisation du complexe chimique (Ruschemunion), une organisation collaborant avec les autorités russes pour défendre les intérêts de l’industrie chimique russe et la rendre plus efficiente et productive. Deuxièmement, le requérant serait membre du conseil de surveillance et du comité de planification stratégique d’Alrosa, qui serait une entreprise publique active dans le secteur du diamant, et dont les bénéfices reviennent directement au Kremlin. Par l’exercice desdites fonctions, il contribuerait au financement des activités du gouvernement russe liées, entre autres, à la déstabilisation de l’Ukraine. Par ces motifs, le Conseil a conclu que le requérant était un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie ainsi qu’un homme d’affaires intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, au sens des premier et troisième volets du critère g) modifié.

201    Pour justifier l’adoption des troisièmes actes de maintien au regard du requérant, le Conseil a fourni les troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième dossiers de preuves, visés aux points 27, 29 et 30 ci-dessus. Le troisième dossier de preuves contient notamment les éléments suivants :

–        un extrait du site Internet d’informations économiques et boursières RosBusinessConsulting, daté du 14 mars 2023 et consulté le 16 mai 2023 (pièce no 1) ;

–        un article du 25 janvier 2023 publié sur le site Internet de l’agence de presse RIA Novosti, relatif à des nominations au conseil d’administration de la Fondation russe pour la science, consulté le 15 mai 2023 (pièce no 2) ;

–        un extrait du site Internet de l’Organisation du complexe chimique (Ruschemunion) décrivant l’objet, la structure et la composition de cette entité, consulté le 16 mai 2023 (pièce no 3) ;

–        un document issu du site Internet de l’Anti-corruption Foundation (Fondation anti-corruption), établissant une liste des personnalités liées à la guerre en Ukraine faisant l’objet de sanctions, consulté le 16 mai 2023 (pièce no 4) ;

–        un extrait du site Internet d’informations économiques et boursières Zonebourse, comportant une biographie synthétique du requérant, dans la catégorie « barons de la bourse », consulté le 16 mai 2023 (pièce no 5) ;

–        un article daté du 1er avril 2023, publié sur le site Internet d’informations économiques et boursières Wallmine, relatif à la fortune du requérant et comportant une biographie professionnelle synthétique de ce dernier, consulté le 22 mai 2023 (pièce no 6).

202    Le quatrième dossier de preuves contient, notamment, un communiqué de presse du département du Trésor américain, relatif aux sanctions adoptées contre les principales entreprises d’État russes, daté du 7 avril 2022 et consulté le 28 juin 2023 (pièce no 1).

203    Le cinquième dossier de preuves contient, notamment, un extrait du site Internet du média économique Bloomberg identifiant les entreprises dans lesquelles le requérant exerce ou a exercé des fonctions, consulté le 3 juillet 2023 (pièce no 1).

204    Dans le mémoire en adaptation concernant les troisièmes actes de maintien, le requérant soutient, en premier lieu, qu’il n’occupe aucun poste de direction dans une société commerciale. À cet égard, il fait valoir ne plus être membre du conseil de surveillance ni du comité de planification stratégique d’Alrosa depuis le 14 avril 2022, ni membre d’organes de direction des autres entreprises mentionnées dans la lettre du Conseil du 15 septembre 2023, visée au point 32 ci-dessus. En outre, il rappelle n’avoir plus de liens avec SIBUR Holding ni avec d’autres entreprises. En second lieu, il soutient ne plus avoir de liens avec ce secteur de l’industrie. En particulier, il ne serait plus membre, à sa demande, de l’Organisation du complexe chimique depuis le 1er février 2023. Au demeurant, cette dernière serait une organisation scientifique sans but lucratif. Le requérant en déduit que, ayant quitté l’ensemble des postes qu’il occupait et qui figurent dans la motivation des troisièmes actes de maintien, il ne pouvait être considéré comme étant un homme d’affaires, au sens du critère g) modifié.

205    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

206    S’agissant des fonctions de membre du conseil de surveillance et du comité de planification stratégique du requérant au sein d’Alrosa, elles sont mentionnées dans les pièces nos 4, 5 et 6 du troisième dossier de preuves et dans la pièce no 1 du cinquième dossier de preuves.

207    Or, le requérant soutient ne plus être membre des organes de direction ni du conseil d’administration d’Alrosa depuis le 14 avril 2022. Afin de prouver la cessation de ses fonctions au sein d’Alrosa, le requérant a produit une attestation datée du 27 janvier 2023, portant l’en-tête d’Alrosa et signée par le « corporate secretary » (secrétaire général) de cette société, aux termes de laquelle le requérant n’était plus membre des organes de direction ni du conseil d’administration d’Alrosa depuis le 14 avril 2022. Le requérant soutient avoir produit cette attestation à l’appui d’une demande de réexamen adressée au Conseil le 30 mai 2023, ce que ce dernier ne conteste pas. En outre, à l’appui du mémoire en adaptation concernant les troisièmes actes de maintien, il produit une nouvelle attestation, datée du 5 septembre 2023 et également signée du secrétaire général d’Alrosa, aux termes de laquelle il n’est, depuis le 14 avril 2022, membre ni des organes de direction, ni du conseil de surveillance, ni d’aucun comité de ce conseil, tel que le comité de stratégie et de développement durable, anciennement appelé comité de planification stratégique.

208    Il convient d’évaluer la valeur probante de ces attestations à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 135 ci-dessus.

209    S’agissant de l’origine des attestations en cause, il y a lieu de constater qu’il s’agit de déclarations signées du secrétaire général d’Alrosa, établies ex post, respectivement, neuf mois et plus d’un an après la date de la supposée cessation de fonctions du requérant, et qui ne s’appuient sur aucun document contemporain faisant état de la cessation alléguée.

210    S’agissant des circonstances de leur élaboration, au sens de la jurisprudence rappelée au point 135 ci-dessus, il convient de constater que, comme le requérant l’a admis, ces attestations ne sont pas contemporaines de la supposée cessation des fonctions de celui-ci au sein d’Alrosa, mais elles ont été établies, à la demande de ce dernier, pour les besoins de la procédure administrative de réexamen et du présent recours plus de neuf mois plus tard.

211    Or, compte tenu de l’importance des fonctions du requérant, à savoir membre du conseil de surveillance et du comité de planification stratégique d’Alrosa, qui est une société publique, les attestations en cause, qui sont de simples déclarations établies ex post et pour les besoins de la procédure administrative de réexamen et du présent recours, ne peuvent être considérés comme ayant une valeur probante suffisante.

212    Le requérant, interrogé sur ce point lors de l’audience, s’est borné à faire valoir que, d’une part, il avait sollicité lesdites attestations lorsqu’il avait eu connaissance du fait que le maintien de son nom sur les listes litigieuses reposait sur ses fonctions au sein d’Alrosa et, d’autre part, il avait estimé que lesdites attestations suffisaient à établir la cessation de ses fonctions au sein de cette société à la date qui y est indiquée.

213    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que lesdites attestations ne permettent pas, à elles seules, d’établir la cessation des fonctions du requérant au sein d’Alrosa.

214    À cet égard, en arguant du caractère obsolète de la pièce no 5 du cinquième dossier de preuves, à savoir un extrait du site Internet du média économique Bloomberg, consulté le 3 juillet 2023, dont il ressort que, à cette date, le requérant apparaissait comme étant toujours membre du conseil de surveillance d’Alrosa, ce dernier indique que l’information en cause a depuis lors été modifiée à sa demande. À l’appui de cette allégation, il produit un extrait plus récent du site Internet de Bloomberg, consulté le 17 juillet 2023, identifiant les entreprises dans lesquelles le requérant occupe ou a occupé des fonctions, dont il ressort que le requérant était membre du conseil de surveillance d’Alrosa de juin 2017 à avril 2022.

215    Or, étant donné que, comme le fait valoir le requérant lui-même sans apporter davantage de précisions, l’information en cause a été modifiée par le gestionnaire du site Internet de Bloomberg à sa demande, cette modification ne suffit pas pour étayer utilement son argument tiré de la date de sa prétendue cessation de fonctions au sein d’Alrosa.

216    Au demeurant, la qualité du requérant de membre du conseil de surveillance d’Alrosa retenue par le Conseil demeure étayée par les pièces nos 4, 5 et 6 du troisième dossier de preuves et est corroborée par un extrait du site Internet d’informations économiques et boursières Marketscreener, postérieur à la date de cessation de fonctions au sein d’Alrosa alléguée par le requérant.

217    Il s’ensuit que l’extrait du site Internet de Bloomberg et les attestations produites par le requérant ne démontrent pas suffisamment que le requérant avait cessé ses fonctions au sein d’Alrosa à la date d’adoption des troisièmes actes de maintien.

218    Dès lors, en l’absence d’autre élément de preuve, il y a lieu de considérer que le requérant n’a pas établi que le motif tiré de ses fonctions de membre du conseil de surveillance et du comité de planification stratégique d’Alrosa, suffisamment établi par le Conseil, était entaché d’erreur d’appréciation.

219    En outre, le requérant ne conteste pas qu’Alrosa est une entreprise publique active dans le secteur du diamant et que ses bénéfices reviennent directement au gouvernement russe.

220    À cet égard, il ressort notamment de la pièce no 1 du quatrième dossier de preuves qu’Alrosa est une entreprise d’État russe et la plus grande entreprise d’extraction de diamants au monde, qu’elle représente 90 % de la capacité d’extraction de diamants de la Russie et 28 % de l’extraction mondiale de diamants et qu’en 2021, elle a généré plus de 4,2 milliards de USD (environ 3.98 milliards d’euros) de revenus. Il en ressort également que les diamants sont l’une des dix principales exportations non énergétiques de la Russie en termes de valeur, avec des exportations totalisant plus de 4,5 milliards de USD (environ 4.26 milliards d’euros) en 2021. Le requérant ne conteste pas ces éléments.

221    Au demeurant, il a été jugé que le secteur sidérurgique et minier fournissait une source substantielle de revenus au gouvernement russe (arrêts du 20 septembre 2023, Mordashov/Conseil, T‑248/22, non publié, EU:T:2023:573, point 138). Or, le secteur du diamant, du fait du mode d’extraction de ce minéral, relève du secteur minier.

222    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptible de mettre en évidence le fait que le requérant était, à la date des troisièmes actes de maintien, un homme d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, au sens du troisième volet du critère g) modifié, en raison de ses fonctions au sein de la société Alrosa, laquelle est une entreprise publique active dans le secteur du diamant et dont les bénéfices reviennent directement au gouvernement russe.

223    Dès lors, en application de la jurisprudence rappelée au point 168 ci-dessus, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen comme étant non fondé en ce qui concerne les troisièmes actes de maintien, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé des autres arguments avancés par le requérant visant à remettre en cause le bien-fondé du maintien de son nom sur les listes litigieuses par ces actes.

f)      Sur les quatrièmes actes de maintien

224    Il convient de rappeler que les motifs par lesquels le nom du requérant a été maintenu sur les listes litigieuses sont reproduits au point 38 ci-dessus, soit les mêmes motifs que ceux fondant les troisièmes actes de maintien.

225    Il convient, en application de la jurisprudence citée au point 171 ci-dessus, de vérifier si le contexte, les objectifs des mesures restrictives en cause et la situation individuelle du requérant permettaient de maintenir l’inscription de son nom sur le fondement de ces motifs.

226    S’agissant du contexte général lié à la situation de l’Ukraine, force est de constater que, à la date d’adoption des quatrièmes actes de maintien, la gravité de la situation en Ukraine demeurait.

227    De même, les mesures restrictives répondent à l’objectif poursuivi, à savoir de faire pression sur le gouvernement russe afin que celui-ci mette fin à ses actions et à ses politiques déstabilisant l’Ukraine.

228    S’agissant de la situation individuelle du requérant, ce dernier, en ce qui concerne le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses au titre du troisième volet du critère g) modifié, se borne à invoquer à l’égard des quatrièmes actes de maintien les mêmes arguments que ceux qu’il avait invoqués à l’égard des troisièmes actes de maintien.

229    Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a constaté l’absence de changement dans la situation individuelle du requérant et s’est fondé sur les mêmes éléments pour maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

230    Dès lors, en application de la jurisprudence rappelée au point 168 ci-dessus, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen comme étant non fondé en ce qui concerne les quatrièmes actes de maintien, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé des autres arguments avancés par le requérant visant à remettre en cause le bien-fondé du maintien de son nom sur les listes litigieuses par ces actes.

g)      Conclusion sur le deuxième moyen

231    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir le deuxième moyen en ce qu’il est dirigé contre les premiers et les deuxièmes actes de maintien et de le rejeter pour autant qu’il vise les actes initiaux et les troisièmes et quatrièmes actes de maintien.

4.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et du principe de proportionnalité

232    Le troisième moyen est divisé en deux branches.

a)      Sur la première branche du troisième moyen, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement

233    Le requérant soutient que les actes attaqués sont entachés d’une violation du principe d’égalité de traitement pour les raisons suivantes. En premier lieu, le fait de permettre d’inscrire sur les listes litigieuses toutes les personnes intervenant dans des secteurs qui fournissent une source substantielle de revenus pour le gouvernement russe est susceptible de conduire à l’inscription sur ces listes d’une grande partie de la population russe, notamment de toute personne qui exerce une activité professionnelle dans une entreprise qui s’acquitte de ses obligations fiscales et de tous les hommes d’affaires qui exercent une activité économique en Russie, quelle que soit leur origine. Le critère au titre duquel le requérant aurait été inscrit sur les listes litigieuses serait ainsi formulé de façon trop large.

234    En second lieu, l’application de ce critère par le Conseil serait discriminatoire. En effet, d’une part, ce critère viserait les hommes d’affaires et les entreprises de nationalité russe en ignorant les entreprises étrangères, alors que ces dernières opèrent également sur le territoire russe et contribuent au budget de cet État. D’autre part, le Conseil n’aurait inscrit sur les listes litigieuses que les noms de 25 des 37 participants à la réunion du 24 février 2022 organisée par le président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine et réunissant plusieurs hommes d’affaires russes.

235    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

236    Selon la jurisprudence, le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe fondamental de droit, interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (voir arrêt du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 152 et jurisprudence citée).

237    En l’espèce, en premier lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel le critère g) serait formulé de façon trop large, force est de constater qu’il est dénué de pertinence pour venir à l’appui d’une allégation de violation du principe d’égalité de traitement. En effet, le requérant ne précise pas en quoi ou par rapport à quelles personnes cette interprétation prétendument trop large dudit critère serait discriminatoire.

238    Par ailleurs, il convient d’observer que l’argument du requérant selon lequel le critère g), initial ou modifié, permettrait au Conseil d’inscrire sur les listes litigieuses le nom de toute personne qui exerce une activité professionnelle dans une entreprise qui s’acquitte de ses obligations fiscales repose en partie sur une lecture erronée de ce critère.

239    En effet, le critère g) initial prévoit que sont inscrits sur les listes litigieuses les femmes et hommes d’affaires influents, les personnes morales et les entités ou organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.

240    Le critère g) modifié prévoit que sont inscrits sur les listes litigieuses les femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie ou les femmes et hommes d’affaires, les personnes morales, les entités ou les organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.

241    Contrairement à ce que le requérant fait valoir, ces critères ne sont pas susceptibles de viser toutes les personnes physiques exerçant une activité professionnelle dans une entreprise qui s’acquitte de ses obligations fiscales.

242    En effet, d’une part, s’agissant du critère g) initial et du troisième volet du critère g) modifié, seuls les hommes et les femmes d’affaires actifs dans un secteur économique fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement russe sont susceptibles d’être visés par ce critère.

243    D’autre part, s’agissant du premier volet du critère g) modifié, il vise des hommes ou des femmes d’affaires influents exerçant des activités en Russie. À cet égard, la notion de « femme ou homme d’affaires influents » doit être comprise comme visant l’importance de ces derniers au regard, notamment, de leurs statuts professionnels, de l’importance de leurs activités économiques, de l’ampleur de leurs possessions capitalistiques ou de leurs fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles ils exercent ces activités (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 143 et jurisprudence citée).

244    S’agissant de l’argument selon lequel le critère g), initial ou modifié, permettrait au Conseil d’inscrire sur les listes litigieuses le nom de tous les hommes d’affaires qui exercent une activité en Russie, quelles que soient leurs origines, force est de constater que, au contraire, l’indifférence des « origines » des personnes est de nature à établir l’égalité de traitement de ces personnes.

245    En second lieu, s’agissant de l’argument du requérant concernant le fait que le Conseil adopterait des mesures restrictives à l’égard de femmes ou d’hommes d’affaires et d’entreprises de nationalité russe en ignorant les femmes et les hommes d’affaires et les entreprises étrangères, il suffit de constater que le critère g), initial ou modifié, ne vise pas la nationalité des personnes désignées. Ainsi, les personnes faisant l’objet de mesures restrictives peuvent être de toute nationalité, si elles remplissent ledit critère (arrêt du 6 septembre 2023, Shulgin/Conseil, T‑364/22, non publié, EU:T:2023:503, point 153).

246    S’agissant de l’argument tiré de l’inscription sur les listes litigieuses d’une partie seulement des participants à la réunion du 24 février 2022 visée au point 190 ci-dessus, il y a lieu de relever que, à supposer même que le Conseil ait effectivement omis d’adopter des mesures restrictives à l’égard de certaines personnes se trouvant dans la même situation que le requérant, cette circonstance ne saurait être valablement invoquée par ce dernier. En effet, le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le principe de légalité (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 59 et jurisprudence citée).

247    En conséquence, il y a lieu de rejeter la première branche du troisième moyen.

b)      Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée de la violation du principe de proportionnalité

248    Le requérant soutient que les actes attaqués sont entachés d’une violation du principe de proportionnalité. Il soutient que les mesures restrictives qui lui ont été imposées sont disproportionnées, inappropriées, non nécessaires à la réalisation des objectifs qu’elles poursuivent et dépourvues d’effet utile, en raison du fait qu’il ne prend part à aucune action liée à l’annexion de la Crimée ou à la déstabilisation de l’Ukraine, qu’il ne peut influer sur la politique fiscale de la Russie et que le secteur de la pétrochimie contribue faiblement au budget de l’État russe. Il ajoute que lesdites mesures restrictives lui portent préjudice, en ce que la Suisse et Monaco lui appliquent des mesures semblables, qu’elles ont détérioré sa carrière professionnelle et qu’elles l’empêchent de s’acquitter de certaines obligations fiscales en France, ainsi que de ses dettes envers une banque. Enfin, le maintien de son inscription sur les listes litigieuses malgré sa démission des fonctions qu’il occupait le priverait de la possibilité de démontrer qu’il ne remplissait plus les conditions prévues par le critère g) initial, ce qui priverait les mesures restrictives prises à son encontre de leur caractère provisoire et conditionnel.

249    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

250    Le principe de proportionnalité exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient de nature à permettre que soient atteints les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits objectifs (arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 122).

251    S’agissant du contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, il convient de reconnaître un large pouvoir d’appréciation au législateur de l’Union dans des domaines qui impliquent de la part de ce dernier des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lesquels celui-ci est appelé à effectuer des appréciations complexes. Il s’ensuit que seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure adoptée dans ces domaines, au regard de l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 179 et jurisprudence citée).

252    Il a été jugé que les mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 et par le règlement no 269/2014 imposées aux personnes physiques et morales, aux entités et aux organismes figurant sur les listes annexées à ces actes, d’une part, étaient, en tant que telles, appropriées et nécessaires au regard de l’importance primordiale des objectifs qu’elles poursuivent et, d’autre part, ne causaient pas des conséquences négatives manifestement disproportionnées à l’égard de ces personnes, entités et organismes, de sorte qu’elles sont conformes au principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, points 198 à 200 et 202, et du 20 décembre 2023, Moshkovich/Conseil, T‑283/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:849, points 171 à 173).

253    Le requérant n’a pas apporté d’arguments susceptibles de remettre en cause cette appréciation.

254    À cet égard, premièrement, le fait que le requérant ne soit impliqué dans aucune décision relative à l’annexion de la Crimée ou à la déstabilisation de l’Ukraine est sans pertinence, puisqu’il ne s’est pas vu imposer des mesures restrictives pour cette raison, mais en raison du fait, notamment, qu’il remplissait les conditions prévues par le critère g) initial et le critère g) modifié. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’importance des objectifs poursuivis par un acte de l’Union établissant un régime de mesures restrictives est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs, y compris pour ceux qui n’ont aucune responsabilité quant à la situation ayant conduit à l’adoption des mesures concernées (voir, par analogie, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 361, et du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 150).

255    Deuxièmement, force est de constater que l’adoption par la Suisse et Monaco à l’égard du requérant de mesures semblables à celles adoptées par le Conseil dans les actes attaqués est sans pertinence pour apprécier la proportionnalité de ces dernières.

256    Troisièmement, à l’appui de son argument selon lequel les mesures restrictives dont il fait l’objet en vertu des actes attaqués auraient détérioré sa carrière professionnelle, le requérant fait valoir qu’il a été contraint de quitter son emploi et produit une lettre de rejet de candidature à un emploi au sein d’une entreprise. Force est de constater que, compte tenu des considérations visées au point 260 ci-dessus, ces supposées conséquences de l’adoption desdites mesures restrictives ne sont pas de nature à établir une violation du principe de proportionnalité.

257    Quatrièmement, s’agissant de l’argument du requérant tiré de ce que les mesures restrictives adoptées à son égard l’empêchent de s’acquitter de certaines obligations fiscales en France, ainsi que de ses dettes envers une banque, il convient de relever que, d’une part, ces allégations ne sont étayées par aucun élément de preuve. D’autre part, l’article 2, paragraphes 3 et 4, de la décision 2014/145 et l’article 4, paragraphe 1, l’article 5, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 1, du règlement 269/2014 prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou pour satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques.

258    Cinquièmement, le requérant est resté en défaut de démontrer quelles mesures moins contraignantes, mais tout autant appropriées que celles prévues, le Conseil aurait pu adopter.

259    Au demeurant, dans le cadre du deuxième moyen, il a été établi que les mesures restrictives à l’égard du requérant adoptées dans les actes initiaux étaient justifiées au motif que celui-ci remplissait les conditions prévues dans le critère g) initial et celles adoptées dans les troisièmes et quatrièmes actes de maintien l’étaient au motif que le requérant remplissait les conditions prévues dans le troisième volet du critère g) modifié.

260    En conséquence, il y a lieu de rejeter la seconde branche du troisième moyen et, partant, le troisième moyen dans son ensemble.

5.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du droit de propriété, du droit au respect de la vie privée, de la liberté d’entreprise et de la présomption d’innocence

261    Le requérant fait valoir que l’inscription et le maintien de son nom sur les listes litigieuses constituent une limitation injustifiée et disproportionnée de ses droits fondamentaux, en particulier le droit de propriété, le droit au respect de la vie privée et la liberté d’entreprise. Il estime que l’adoption des mesures restrictives en cause a entraîné également une violation de son droit à la présomption d’innocence. Il ajoute que lesdites mesures l’ont empêché de retrouver un emploi correspondant à ses qualifications professionnelles.

262    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

263    Le droit au respect de la vie privée, la liberté d’entreprise et le droit de propriété sont consacrés, respectivement, aux articles 7, 16 et 17 de la Charte.

264    En l’espèce, les mesures restrictives que comportent les actes attaqués, en dépit de leur nature conservatoire, entraînent des limitations dans l’exercice par le requérant de ces droits fondamentaux.

265    Toutefois, les droits fondamentaux dont se prévaut le requérant ne constituent pas des prérogatives absolues et leur exercice peut faire l’objet de limitations, dans les conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, aux termes duquel, d’une part, « [t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par [C]harte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et, d’autre part, « [d]ans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ».

266    Ainsi, pour être conforme au droit de l’Union, une limitation de l’exercice des droits et libertés fondamentaux doit répondre à quatre conditions. Premièrement, elle doit être « prévue par la loi », en ce sens que l’institution de l’Union adoptant des mesures susceptibles de restreindre les droits fondamentaux d’une personne, physique ou morale, doit disposer d’une base légale à cette fin. Deuxièmement, elle doit respecter le contenu essentiel de ces droits. Troisièmement, elle doit viser un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. Quatrièmement, elle doit être proportionnée (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, points 145 et 222 et jurisprudence citée).

267    Il a été jugé que les mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 et par le règlement no 269/2014 imposées aux personnes physiques et morales, aux entités et aux organismes figurant sur les listes annexées à ces actes remplissaient en principe ces quatre conditions (arrêts du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, points 195 à 200, et du 6 décembre 2023, Zubitskiy/Conseil, T‑359/22, non publié, EU:T:2023:779, points 98 à 105).

268    En l’espèce, s’agissant, en particulier, de la quatrième condition visée au point 270 ci-dessus, relative à la proportionnalité de l’atteinte, il convient de relever ce qui suit.

269    Dans le cadre de son grief tiré d’une prétendue violation du droit au respect de la vie privée et familiale, le requérant soutient éprouver des difficultés, du fait du gel de ses avoirs et de ses ressources économiques, pour rembourser certains emprunts et certaines dettes. Il ajoute que sa famille risque d’être expulsée de la résidence qu’elle habite, en raison du blocage du compte bancaire monégasque de la société civile immobilière propriétaire de ladite résidence, qui empêcherait le remboursement de l’emprunt contracté pour l’achat de ladite résidence.

270    À cet égard, il convient de relever que les articles 52 TUE et 355 TFUE n’incluent pas dans le champ d’application territoriale des traités le territoire de la Principauté de Monaco (arrêt du 7 avril 2011, Francesco Guarnieri & Cie, C‑291/09, EU:C:2011:217, point 13) ni de la Confédération suisse.

271    En outre, comme il est rappelé au point 261 ci-dessus, la décision 2014/145 et le règlement 269/2014 prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou pour satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques.

272    Dans ces conditions et à supposer que les arguments du requérant relèvent du champ d’application du droit au respect de la vie privée et familiale, ce dernier n’a pas établi avoir subi, dans les circonstances de l’espèce, une atteinte à sa vie privée et familiale disproportionnée au regard des objectifs légitimes poursuivis par les mesures litigieuses.

273    Quant au grief tiré d’une prétendue violation de la présomption d’innocence, il convient de rappeler que ce principe, énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, constitue un droit fondamental qui confère aux particuliers des droits dont le juge de l’Union garantit le respect. Ce principe, qui exige que toute personne accusée d’une infraction soit présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie, ne s’oppose pas à l’adoption de mesures conservatoires de gel de fonds, dès lors que celles-ci n’ont pas pour objet d’engager une procédure pénale à l’encontre de la personne visée [arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 136 et 137 (non publié)].

274    À cet égard, il y a lieu de relever que les mesures restrictives litigieuses ne constituent pas une sanction et n’impliquent par ailleurs aucune accusation de cette nature. En effet, les actes du Conseil en cause ne constituent pas une constatation du fait qu’une infraction pénale a été effectivement commise, mais sont adoptés dans le cadre et aux fins d’une procédure de nature administrative ayant une fonction conservatoire et ayant pour unique but de permettre au Conseil de garantir la protection des populations civiles [arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 139 (non publié)].

275    Il s’ensuit que la quatrième condition visée au point 270 ci-dessus est remplie. Dès lors, il y a lieu de conclure que les actes attaqués ne violent pas le droit au respect de la vie privée et familiale, la liberté d’entreprise, le droit de propriété et la présomption d’innocence du requérant. Partant, il y a lieu d’écarter le quatrième moyen.

276    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir les conclusions en annulation dirigées contre les premiers et deuxièmes actes de maintien et de rejeter celles dirigées contre les actes initiaux et les troisièmes et quatrièmes actes de maintien.

6.      Sur les effets de l’annulation des premiers et deuxièmes actes de maintien

277    Le Conseil a demandé que, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait la décision 2022/1530 en ce qu’elle concerne le requérant, celui-ci ordonne le maintien des effets de ladite décision jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2022/1529 prenne effet.

278    À cet égard, il convient de rappeler que, par la décision 2022/1530, le Conseil a mis à jour la liste des personnes visées par les mesures restrictives qui figure à l’annexe I de la décision 2014/145, telle que modifiée, en y maintenant le nom du requérant, et ce jusqu’au 15 mars 2023.

279    Or, par les décisions 2023/1767 et 2024/847, le Conseil a mis à jour la liste des personnes visées par les mesures restrictives qui figure à l’annexe I de la décision 2014/145, telle que modifiée, en y maintenant le nom du requérant respectivement jusqu’au 15 mars 2024 et jusqu’au 15 septembre 2024.

280    Partant, si l’annulation de la décision 2022/1530, en ce qu’elle vise le requérant, comporte l’annulation du maintien de son nom sur la liste qui figure à l’annexe I de la décision 2014/145, telle que modifiée, pour la période allant du 15 septembre 2022 au 15 mars 2023, une telle annulation ne s’étend pas, en revanche, aux décisions 2023/1767 et 2024/847, dont la demande d’annulation doit être rejetée, comme il est rappelé au point 280 ci-dessus.

281    Par conséquent, dès lors que le requérant a fait l’objet de nouvelles mesures restrictives, la demande subsidiaire du Conseil relative aux effets dans le temps de l’annulation partielle de la décision 2022/1530 est devenue sans objet.

B.      Sur les conclusions en indemnité

282    Le requérant demande la réparation du préjudice moral qu’il prétend avoir subi du fait de l’inscription et du maintien illégaux de son nom sur les listes litigieuses. À cet égard, il soutient que les actes attaqués portent atteinte à sa réputation, en ce qu’il apparaît publiquement associé à des comportements considérés comme une menace grave pour la paix et la sécurité internationales, ce qui aurait eu pour conséquence de provoquer la honte et la méfiance à son égard. Il ajoute que l’adoption de mesures restrictives à son encontre l’a contraint à démissionner de ses fonctions au sein de SIBUR Holding. Par ailleurs, il fait valoir que l’adoption des mesures restrictives en cause a entraîné également l’adoption des mesures restrictives en France, en Suisse et en Monaco, telles que le blocage des comptes bancaires qu’il possède dans ces États, qui empêcherait le remboursement de l’emprunt contracté pour l’achat de la résidence occupée par sa famille et, dès lors, faisant risquer l’expulsion de cette dernière pour ce motif. À cet effet, le requérant sollicite l’indemnisation du préjudice moral qu’il aurait subi, évalué à titre provisoire à 500 000 euros.

283    Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut au rejet de cette demande, considérant que le requérant n’a pas démontré que les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union étaient réunies.

284    Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

285    Il ressort de la jurisprudence que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses institutions ou de ses organes, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (voir arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 32 et jurisprudence citée).

286    Les conditions pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, que le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner dans un ordre déterminé, sont cumulatives, si bien qu’il suffit que l’une d’entre elles fasse défaut pour rejeter la demande dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Union européenne/Kendrion, C‑150/17 P, EU:C:2018:1014, point 118 et jurisprudence citée).

287    En ce qui concerne la condition relative au comportement illicite reproché à l’institution ou à l’organe de l’Union concerné, seule une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers permet d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 42 et jurisprudence citée).

288    En ce qui concerne la condition de la réalité du dommage, selon la jurisprudence, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée que si le requérant a effectivement subi un préjudice « réel et certain ». Il incombe au requérant d’apporter des éléments de preuve concluants tant de l’existence que de l’étendue du préjudice qu’elle invoque (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, points 61 et 62 et jurisprudence citée).

289    Enfin, il y a lieu de rappeler que l’existence d’un préjudice réel et certain ne saurait être envisagée de manière abstraite par le juge de l’Union, mais doit être appréciée en fonction des circonstances de fait précises qui caractérisent chaque espèce soumise à ce dernier (voir arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 79 et jurisprudence citée).

290    En premier lieu, il convient de rappeler qu’il ressort de l’examen de la demande d’annulation des actes initiaux ainsi que des troisièmes et quatrièmes actes de maintien que le requérant n’a établi aucune illégalité entachant lesdits actes, de sorte que l’une des conditions cumulatives d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est pas remplie. Dès lors, la demande indemnitaire du requérant doit être rejetée pour autant qu’elle concerne les actes initiaux ainsi que les troisièmes et quatrièmes actes de maintien.

291    En second lieu, les premiers et deuxièmes actes de maintien étant, ainsi qu’il résulte de l’examen du deuxième moyen du recours, entachés d’erreurs d’appréciation, il convient de relever ce qui suit.

292    S’agissant de la supposée atteinte à la réputation du requérant causée par ces actes, force est de constater que celui-ci s’est limité à alléguer que ces actes avaient suscité la honte et la méfiance à son égard, sans produire aucune preuve au soutien de cette allégation.

293    S’agissant de l’argument du requérant selon lequel les mesures restrictives adoptées à son égard l’ont contraint à démissionner des fonctions qu’il occupait au sein de SIBUR Holding, il convient de rappeler que ladite démission, intervenue au mois de mars 2022, est antérieure l’adoption des actes de maintien. Dès lors, le requérant ne saurait valablement imputer sa démission à l’adoption de ces actes.

294    S’agissant de l’argument du requérant tiré de l’adoption par la France, la Suisse et la principauté de Monaco de mesures restrictives à son égard et des conséquences qui en auraient découlé, il convient de rappeler les considérations respectivement énoncées aux points 274 et 261 ci-dessus, selon lesquelles, d’une part, le territoire de la Principauté de Monaco et de la Confédération suisse ne sont pas inclus dans le champ d’application territoriale des traités UE et FUE et, d’autre part, la décision 2014/145 le règlement 269/2014 prévoient la possibilité d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour satisfaire à certains engagements et d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques. Or, le requérant n’a pas établi avoir été empêché de faire usage de telles possibilités.

295    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que le constat de l’illégalité des mesures restrictives prises à l’encontre d’une personne ou d’une entité est de nature à constituer une forme de réparation du préjudice moral subi par la personne ou l’entité concernée (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 72).

296    Dans les circonstances de l’espèce, à supposer établi que les premiers et deuxièmes actes de maintien aient eu pour effet d’associer le requérant à des comportements considérés comme une menace grave pour la paix et la sécurité internationales, comme il le prétend, le Tribunal estime que les éventuels effets desdits actes sur sa réputation et sur ses relations sociales et familiales sont susceptibles d’être contrebalancés par le constat, a posteriori, de l’illégalité desdits actes.

297    En effet, le requérant n’a apporté aucun élément susceptible d’établir que le maintien de son nom sur les listes en cause par les premiers et deuxièmes actes de maintien aurait affecté le comportement de personnes ou d’entités tierces à son égard. Il ne semble donc pas que ce maintien aurait attiré davantage d’attention qu’en attirerait le constat subséquent de son illégalité, si bien qu’un tel constat constitue une réparation intégrale du préjudice prétendument subi, de sorte que, en tout état de cause, il n’y a pas lieu d’accorder des dommages et intérêts à ce titre.

298    Il y a lieu d’ajouter que le requérant ne présente aucun élément de preuve qui pourrait justifier le montant de 500 000 euros demandé à titre de réparation de son supposé préjudice moral, alors qu’il lui incombait de le faire conformément à la jurisprudence rappelée aux points 292 et 293 ci-dessus.

299    Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure, s’agissant de la demande indemnitaire relative aux premiers et deuxièmes actes de maintien, que la condition relative à la réalité du dommage n’est, en l’espèce, pas satisfaite et que, en tout état de cause, le préjudice moral subi par le requérant est adéquatement compensé par le constat d’illégalité de ces actes.

300    Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires du requérant comme étant non fondées.

 Sur les dépens

301    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

302    En outre, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

303    En l’espèce, les conclusions du requérant visant l’annulation des actes initiaux ainsi que des troisièmes et quatrièmes actes de maintien, de même que ses conclusions indemnitaires, étant rejetées, seules étant accueillies ses conclusions en annulation des premiers et des deuxièmes actes de maintien, il y a lieu de décider que le requérant et le Conseil supporteront leurs propres dépens.

304    La Commission supportera ses propres dépens en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, le règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégralité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et le règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, sont annulés, dans la mesure où le nom de M. Dmitry Konov a été maintenu sur la liste des personnes, entités et organismes auxquels s’appliquent ces mesures restrictives.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Brkan

Tóth

Kalėda

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude



*      Langue de procédure : le français.

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