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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Hypo Vorarlberg Bank v CRU (Economic and monetary union) - Banking union) - Single resolution mechanism for credit institutions and certain investment firms (SRM) - Judgment (extracts) French Text [2024] EUECJ T-347/21 (24 January 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T34721.html Cite as: [2024] EUECJ T-347/21, EU:T:2024:31, ECLI:EU:T:2024:31 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
24 janvier 2024 (*)
« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Principe de sécurité juridique – Droit à une protection juridictionnelle effective – Exception d’illégalité – Limitation des effets de l’arrêt dans le temps »
Dans l’affaire T‑347/21,
Hypo Vorarlberg Bank AG, établie à Brégence (Autriche), représentée par Mes G. Eisenberger, A. Brenneis et J. Holzmann, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de résolution unique (CRU), représenté par MM. J. Kerlin, D. Ceran et C. Flynn, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Meyring, T. Klupsch et S. Ianc, avocats,
partie défenderesse,
soutenu par
Parlement européen, représenté par MM. J. Etienne, M. Menegatti et Mme G. Bartram, en qualité d’agents,
et par
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J. Bauerschmidt, Mmes J. Haunold et A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),
composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík (rapporteur), K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,
greffier : Mme S. Jund, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 2 mars 2023,
rend le présent
Arrêt (1)
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Hypo Vorarlberg Bank AG, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.
[omissis]
III. Conclusions des parties
18 La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée, y compris ses annexes, en tant qu’elle la concerne ;
– condamner le CRU aux dépens.
19 Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens ;
– à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, maintenir les effets de ladite décision jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.
20 Le Parlement européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours en ce qu’il est fondé sur l’exception d’illégalité de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014 ;
– condamner la requérante aux dépens.
21 Le Conseil de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
IV. En droit
[omissis]
B. Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée
1. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des formes substantielles en raison de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée
145 La requérante fait valoir que la décision attaquée ne satisfait pas aux exigences de l’obligation de motivation découlant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte.
146 Le deuxième moyen s’articule, en substance, autour de cinq branches.
a) Observations liminaires
147 L’article 296, deuxième alinéa, TFUE dispose que les actes juridiques sont motivés. De même, le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, prévoit l’obligation, pour les institutions, les organes et les organismes de l’Union, de motiver leurs décisions.
148 La motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une importance toute particulière, en tant qu’elle permet à l’intéressé de décider en pleine connaissance de cause s’il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu’à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, et qu’elle constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 103 et jurisprudence citée).
149 Une telle motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).
150 Afin d’examiner si cette motivation est suffisante en ce qui concerne une décision fixant les contributions ex ante, il convient de rappeler, premièrement, qu’il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que la motivation de toute décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent doit nécessairement comprendre l’intégralité des éléments permettant à son destinataire de vérifier l’exactitude du calcul du montant de cette somme d’argent (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 105 et jurisprudence citée).
151 Deuxièmement, les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l’Union, lequel est, notamment, concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 109 et jurisprudence citée).
152 Troisièmement, considérer que la motivation de la décision du CRU fixant des contributions ex ante doit nécessairement permettre aux établissements de vérifier l’exactitude du calcul de leur contribution ex ante impliquerait, nécessairement, d’interdire au législateur de l’Union d’instituer un mode de calcul de cette contribution intégrant des données dont le caractère confidentiel est protégé par le droit de l’Union et, partant, de réduire de manière excessive le large pouvoir d’appréciation dont doit disposer, à cette fin, ce législateur, en l’empêchant, notamment, d’opter pour une méthode susceptible d’assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier, par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé sur le territoire d’un État membre participant (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).
153 Quatrièmement, s’il résulte de ce qui précède que l’obligation de motivation pesant sur le CRU doit être mise en balance, en raison de la logique du système de financement du FRU et du mode de calcul établi par le législateur de l’Union, avec l’obligation du CRU de respecter le secret des affaires des établissements concernés, il n’en demeure pas moins que cette dernière obligation ne doit pas être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’obligation de motivation de sa substance (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 120).
154 Toutefois, il ne saurait être considéré, dans le cadre de la mise en balance de l’obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, que motiver une décision mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent sans lui fournir l’intégralité des éléments permettant de vérifier avec exactitude le calcul du montant de cette somme d’argent porte nécessairement, dans tous les cas, atteinte à la substance de l’obligation de motivation (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 121).
155 S’agissant de la décision du CRU fixant des contributions ex ante, l’obligation de motivation doit être considérée comme étant respectée lorsque les personnes concernées par cette décision, tout en ne se voyant pas transmettre de données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).
156 Dans un tel cas, ces personnes sont, en effet, en mesure de vérifier si leur contribution ex ante a été fixée de manière arbitraire, en méconnaissant la réalité de leur situation économique ou en utilisant des données relatives au reste du secteur financier dépourvues de plausibilité. Lesdites personnes peuvent, dès lors, comprendre les justifications de la décision fixant leur contribution ex ante et évaluer s’il apparaît utile d’introduire un recours contre cette décision, de sorte qu’il serait excessif d’exiger du CRU qu’il communique chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le calcul de la contribution ex ante de chaque établissement concerné (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 123).
157 Il résulte de ce qui précède que le CRU n’est pas, notamment, tenu de fournir à un établissement les données lui permettant de vérifier, de manière complète, l’exactitude de la valeur du multiplicateur d’ajustement, puisque cette vérification supposerait de disposer de données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 135).
158 En revanche, il incombe au CRU de publier ou de transmettre aux établissements concernés, sous une forme agrégée et anonymisée, les informations relatives à ces établissements, utilisées pour calculer cette contribution, dans la mesure où ces informations peuvent être communiquées sans porter atteinte au secret des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 166).
159 Parmi les informations devant ainsi être mises à la disposition des établissements figurent, notamment, les valeurs limites de chaque bin et celles des indicateurs de risque s’y rapportant, sur la base desquelles la contribution ex ante des établissements a été adaptée au profil de risque de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 167).
160 C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante développés dans le cadre du deuxième moyen.
b) Sur la première branche, relative à la motivation de la détermination du niveau cible annuel
161 Selon la requérante, la décision attaquée n’est pas dûment motivée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel. La raison pour laquelle le CRU n’a pas retenu, au regard des répercussions économiques de la pandémie de COVID‑19 sur le secteur bancaire, un niveau cible annuel moins élevé, à l’instar des années précédentes, ne serait, notamment, pas claire.
162 À cet égard, le CRU se serait limité à des affirmations stéréotypées et générales ainsi qu’à une énumération d’indicateurs à prendre en compte lors de la détermination du niveau cible annuel, sans expliquer comment il avait évalué ces indicateurs. En particulier, il n’aurait pas expliqué de quelle façon il avait apprécié les éventuels effets procycliques des contributions ex ante sur la situation financière des établissements et les conséquences de cette appréciation sur la détermination du niveau cible annuel.
163 Par conséquent, la décision attaquée ne permettrait pas à la requérante d’apprécier si la fixation du niveau cible annuel à un huitième de 1,35 %, au lieu de 1 %, du montant moyen des dépôts couverts en 2020 respecte l’exigence de la réglementation applicable selon laquelle le niveau cible annuel ne devrait pas dépasser un huitième du niveau cible final.
164 Le CRU rétorque qu’il doit nécessairement s’appuyer, compte tenu du caractère à la fois prospectif et exhaustif du calcul du niveau cible final, sur certaines hypothèses et sur son expertise pour effectuer des projections lors de la détermination d’un tel niveau à chaque période de contribution. Par ailleurs, il ressortirait des considérants 43 à 48 de la décision attaquée que le CRU a dûment tenu compte de la pandémie de COVID-19 dans son analyse de la phase du cycle économique et des effets procycliques potentiels que les contributions ex ante pouvaient avoir sur la situation financière des établissements.
165 En outre, la requérante méconnaîtrait le caractère dynamique du niveau cible final, qui découlerait du fait que la somme des dépôts couverts utilisée comme valeur de référence à la fin de la période initiale ne sera, par nature, connue que le 31 décembre 2023 et ne peut être que pronostiquée avant cette date. À cet égard, la décision attaquée serait suffisamment motivée, même sans indication explicite d’un montant précis du niveau cible final. En effet, il ressortirait de cette décision que, à partir d’avril 2021, les dépôts couverts devaient continuer à augmenter jusqu’à la fin de la période initiale. Il devrait donc être clair pour la requérante que la fixation du niveau cible annuel à un huitième de 1 % du montant moyen des dépôts couverts en 2020 n’aurait pas permis de respecter l’exigence prévue à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 d’atteindre, à la fin de la période initiale, un niveau cible final d’au moins 1 % des dépôts couverts.
166 À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, au terme de la période initiale, les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final, qui correspond à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.
167 Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, au cours de la période initiale, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final mentionné au point 166 ci-dessus soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.
168 L’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 précise que, chaque année, les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final.
169 En ce qui concerne le mode de calcul des contributions ex ante, l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 prévoit que le CRU détermine leur montant sur la base du niveau cible annuel, compte tenu du niveau cible final, et sur la base du montant moyen des dépôts couverts de l’année précédente, calculé trimestriellement, pour tous les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.
170 De même, selon l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81, le CRU calcule la contribution ex ante pour chaque établissement sur la base du niveau cible annuel, qui doit être établi au regard du niveau cible final et conformément à la méthode exposée dans le règlement délégué 2015/63.
171 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du considérant 48 de la décision attaquée, le CRU a fixé, pour la période de contribution 2021, le montant du niveau cible annuel à 11 287 677 212,56 euros.
172 Aux considérants 36 et 37 de la décision attaquée, le CRU a expliqué, en substance, que le niveau cible annuel devait être déterminé sur la base d’une analyse portant sur l’évolution des dépôts couverts au cours des années précédentes, sur toute évolution pertinente de la situation économique ainsi que sur une analyse portant sur les indicateurs relatifs à la phase du cycle d’activité et sur les effets que des contributions procycliques auraient sur la situation financière des établissements. Par la suite, le CRU a considéré approprié de fixer un coefficient qui était fondé sur cette analyse et sur les moyens financiers disponibles dans le FRU (ci-après le « coefficient »). Le CRU a appliqué ce coefficient à un huitième du montant moyen des dépôts couverts en 2020, aux fins d’obtenir le niveau cible annuel.
173 Le CRU a exposé la démarche suivie pour fixer le coefficient aux considérants 38 à 47 de la décision attaquée.
174 Au considérant 38 de la décision attaquée, le CRU a constaté une tendance constante à la hausse des dépôts couverts pour tous les établissements des États membres participants. En particulier, le montant moyen de ces dépôts, calculé trimestriellement, s’élevait pour l’année 2020 à 6,689 billions d’euros.
175 Aux considérants 40 et 41 de la décision attaquée, le CRU a présenté l’évolution pronostiquée des dépôts couverts pour les trois années restantes de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Il a estimé que les taux annuels de croissance des dépôts couverts jusqu’à la fin de la période initiale se situeraient entre 4 % et 7 %.
176 Aux considérants 42 à 45 de la décision attaquée, le CRU a présenté une évaluation de la phase du cycle d’activité et de l’effet procyclique potentiel que les contributions ex ante pourraient avoir sur la situation financière des établissements. Pour ce faire, il a indiqué avoir tenu compte de plusieurs indicateurs, tels que la prévision de croissance du produit intérieur brut de la Commission et les projections de la Banque centrale européenne (BCE) à cet égard ou le flux de crédit du secteur privé en pourcentage du produit intérieur brut.
177 Au considérant 46 de la décision attaquée, le CRU a conclu que, s’il était raisonnable de s’attendre à la poursuite de la croissance des dépôts couverts au sein de l’union bancaire, le rythme de cette croissance serait inférieur à celui de l’année 2020. À cet égard, le CRU a indiqué, au considérant 47 de la décision attaquée, avoir adopté une « approche prudente » en ce qui concernait les taux de croissance des dépôts couverts pour les années à venir jusqu’à 2023.
178 Au regard de ces considérations, le CRU a fixé, au considérant 48 de la décision attaquée, la valeur du coefficient à 1,35 %. Il a ensuite calculé le montant du niveau cible annuel, en multipliant le montant moyen des dépôts couverts en 2020 par ce coefficient et en divisant le résultat de ce calcul par huit, conformément à la formule mathématique suivante, figurant au considérant 48 de ladite décision :
« Cible0 [montant du niveau cible annuel] = Total dépôts couverts2020 * 0,0135 * ⅛ = EUR 11 287 677 212,56 ».
179 Lors de l’audience, le CRU a cependant indiqué qu’il avait déterminé le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 comme suit.
180 Premièrement, sur la base d’une analyse prospective, le CRU a fixé le montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, pronostiqué pour la fin de la période initiale, à environ 7,5 billions d’euros. Pour aboutir à ce montant, le CRU a pris en compte le montant moyen des dépôts couverts en 2020, à savoir 6,689 billions d’euros, un taux de croissance annuel des dépôts couverts de 4 % ainsi que le nombre de périodes de contribution restantes jusqu’à la fin de la période initiale, à savoir trois.
181 Deuxièmement, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU a calculé 1 % de ces 7,5 billions d’euros pour obtenir le montant estimé du niveau cible final devant être atteint le 31 décembre 2023, à savoir environ 75 milliards d’euros.
182 Troisièmement, le CRU a déduit de ce dernier montant les ressources financières déjà disponibles dans le FRU en 2021, c’est-à-dire environ 42 milliards d’euros, pour obtenir le montant qu’il restait à percevoir pendant les périodes de contribution restantes avant la fin de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Ce montant s’élevait à environ 33 milliards d’euros.
183 Quatrièmement, le CRU a divisé ce dernier montant par trois pour le répartir uniformément entre lesdites trois périodes de contribution restantes. Le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 a été ainsi fixé au montant mentionné au point 171 ci-dessus, à savoir environ 11,287 milliards d’euros.
184 Le CRU a également affirmé, lors de l’audience, qu’il avait rendu publics des éléments d’information sur lesquels avait été fondée la méthode décrite aux points 180 à 183 ci-dessus et qui auraient permis à la requérante de comprendre la méthode par laquelle le niveau cible annuel avait été déterminé. En particulier, il a précisé qu’il avait publié sur son site Internet, en mai 2021, c’est-à-dire après l’adoption de la décision attaquée, mais avant l’introduction du présent recours, une fiche descriptive dénommée « Fact Sheet 2021 » (ci-après la « fiche descriptive »), qui indiquait le montant estimé du niveau cible final. De même, le CRU a affirmé que le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU était également disponible sur son site Internet ainsi que par le biais d’autres sources publiques, et ce bien avant l’adoption de la décision attaquée.
185 Afin d’examiner si le CRU a respecté son obligation de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, il convient tout d’abord de rappeler qu’un défaut ou une insuffisance de motivation constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée). Par conséquent, le Tribunal peut, voire doit, prendre en compte également d’autres défauts de motivation que ceux invoqués par la requérante, et ce, notamment, lorsque ceux-ci se révèlent au cours de la procédure.
186 À cette fin, les parties ont été entendues, au cours de la phase orale de la procédure, sur tous les éventuels défauts de motivation dont serait entachée la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel. En particulier, interrogé expressément et à plusieurs reprises à cet égard, le CRU a décrit, étape par étape, la méthode qu’il avait réellement suivie pour déterminer le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021, telle qu’elle est exposée aux points 180 à 183 ci-dessus.
187 En ce qui concerne, ensuite, le contenu de l’obligation de motivation, il ressort de la jurisprudence que la motivation d’une décision prise par une institution ou un organe de l’Union doit être, notamment, dépourvue de contradictions pour permettre aux intéressés de connaître les motifs réels de cette décision, en vue de défendre leurs droits devant la juridiction compétente, et à cette dernière d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169 et jurisprudence citée ; du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 20 et 45 à 47, et du 16 décembre 2015, Grèce/Commission, T‑241/13, EU:T:2015:982, point 56).
188 De même, lorsque l’auteur de la décision attaquée fournit certaines explications concernant les motifs de celle-ci au cours de la procédure devant le juge de l’Union, ces explications doivent être cohérentes avec les considérations exposées dans cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 45 à 47, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, points 54 et 55).
189 En effet, si les considérations exposées dans la décision attaquée ne sont pas cohérentes avec de telles explications fournies lors de la procédure juridictionnelle, la motivation de la décision concernée ne remplit pas les fonctions rappelées aux points 148 et 149 ci-dessus. En particulier, une telle incohérence empêche, d’une part, les intéressés de connaître les motifs réels de la décision attaquée, avant l’introduction du recours, et de préparer leur défense à leur égard et, d’autre part, le juge de l’Union d’identifier les motifs ayant servi de véritable support juridique à cette décision et d’examiner leur conformité aux règles applicables.
190 Enfin, il y a lieu de rappeler que, lorsque le CRU adopte une décision fixant les contributions ex ante, il doit porter à la connaissance des établissements concernés la méthode de calcul de ces contributions (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).
191 Il doit en aller de même pour la méthode de détermination du niveau cible annuel, ce montant revêtant une importance essentielle dans l’économie d’une telle décision. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81, le mode de calcul des contributions ex ante consiste en la répartition dudit montant entre tous les établissements concernés, de sorte qu’une augmentation ou une réduction de ce même montant entraîne une augmentation ou une réduction correspondante de la contribution ex ante de chacun de ces établissements.
192 Il ressort de ce qui précède que, si le CRU est tenu de fournir aux établissements, par le biais de la décision attaquée, des explications concernant la méthode de détermination du niveau cible annuel, ces explications doivent être cohérentes avec les explications fournies par le CRU pendant la procédure juridictionnelle et portant sur la méthode réellement appliquée.
193 Or, tel n’est pas le cas dans la présente affaire.
194 En effet, il convient tout d’abord de relever que la décision attaquée a exposé, au considérant 48, une formule mathématique qu’elle a présentée comme étant à la base de la détermination du niveau cible annuel. Or, il s’avère que cette formule n’intègre pas les éléments de la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience. En effet, ainsi qu’il ressort des points 180 à 183 ci-dessus, le CRU a obtenu le montant du niveau cible annuel, dans le cadre de cette méthode, en déduisant du niveau cible final les moyens financiers disponibles dans le FRU, en vue de calculer le montant qu’il restait à percevoir jusqu’à la fin de la période initiale et en divisant ce dernier montant par trois. Or, ces deux étapes du calcul ne trouvent aucune expression dans ladite formule mathématique.
195 Par ailleurs, cette constatation ne saurait être remise en cause par l’affirmation du CRU selon laquelle il a publié, en mai 2021, la fiche descriptive, qui contenait une fourchette indiquant les éventuels montants du niveau cible final et, sur son site Internet, le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU. En effet, indépendamment de la question de savoir si la requérante avait effectivement connaissance de ces montants, ces derniers n’étaient pas, à eux seuls, de nature à lui permettre de comprendre que les deux opérations mentionnées au point 194 ci-dessus avaient été effectivement appliquées par le CRU, étant précisé, au surplus, que la formule mathématique prévue au considérant 48 de la décision attaquée ne les mentionnait même pas.
196 Des incohérences similaires affectent également la manière dont a été fixé le coefficient de 1,35 %, qui joue pourtant un rôle primordial dans la formule mathématique mentionnée au point 178 ci-dessus. En effet, ce coefficient pourrait être compris en ce sens qu’il est fondé, parmi d’autres paramètres, sur la croissance pronostiquée des dépôts couverts pendant les années restantes de la période initiale. Or, comme le CRU l’a reconnu lors de l’audience, ce coefficient a été fixé de manière à pouvoir justifier le résultat du calcul du montant du niveau cible annuel, c’est-à-dire après que le CRU a calculé ce montant en application des quatre étapes exposées aux points 180 à 183 ci-dessus et, notamment, par la division par trois du montant issu de la déduction des moyens financiers disponibles dans le FRU du niveau cible final. Or, cette démarche ne ressort aucunement de la décision attaquée.
197 En outre, il convient de rappeler que, selon la fiche descriptive, le montant du niveau cible final estimé se situait dans une fourchette comprise entre 70 et 75 milliards d’euros. Or, cette fourchette s’avère incohérente avec la fourchette du taux de croissance des dépôts couverts comprise entre 4 % et 7 % figurant au considérant 41 de la décision attaquée. En effet, le CRU a indiqué à l’audience que, aux fins de la détermination du niveau cible annuel, il avait tenu compte du taux de croissance des dépôts couverts de 4 % – qui était le taux le plus bas de la seconde fourchette – et qu’il avait ainsi obtenu le niveau cible final estimé de 75 milliards d’euros – qui constituait la valeur la plus élevée de la première fourchette. Il s’avère ainsi qu’il existe une discordance entre ces deux fourchettes. En effet, d’une part, la fourchette portant sur le taux d’évolution des dépôts couverts comprend également des valeurs supérieures au taux de 4 %, dont l’application aurait pourtant abouti à un montant estimé du niveau cible final supérieur à ceux inclus dans la fourchette relative à ce niveau cible. D’autre part, il est impossible pour la requérante de comprendre la raison pour laquelle le CRU a inclus dans la fourchette afférente audit niveau cible des montants inférieurs à 75 milliards d’euros. En effet, pour y aboutir, il aurait été nécessaire d’appliquer un taux en deçà de 4 %, qui n’est pourtant pas compris dans la fourchette relative au taux de croissance des dépôts couverts. Dans ces conditions, la requérante n’était pas en mesure de déterminer la manière dont le CRU avait utilisé la fourchette portant sur le taux d’évolution de ces dépôts pour aboutir au calcul du niveau cible final estimé.
198 Il s’ensuit que, en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience, ne correspond pas à celle décrite dans la décision attaquée, de sorte que les motifs réels, au regard desquels a été fixé ce niveau cible, ne pouvaient être identifiés sur la base de la décision attaquée ni par les établissements ni par le Tribunal.
199 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision attaquée est entachée de vices de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.
200 Par conséquent, il convient d’accueillir la première branche du deuxième moyen. Compte tenu des enjeux juridiques et économiques de la présente affaire, il est pourtant dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de poursuivre l’examen des autres moyens du recours.
[omissis]
d) Sur la troisième branche, relative à la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne l’absence d’application de certains indicateurs de risque
212 La requérante soutient que la décision attaquée ne fournit pas de motivation suffisante en ce qui concerne l’absence d’application de certains indicateurs de risque aux fins du calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021.
213 En effet, le CRU n’aurait pas appliqué, dans cette décision, quatre indicateurs et sous-indicateurs de risque que le règlement délégué 2015/63 prévoit pourtant aux fins de la fixation des contributions ex ante, à savoir l’indicateur « ratio de financement net stable » (ci-après l’« indicateur RFNS »), l’indicateur « fonds propres et engagements ou passifs éligibles détenus par l’établissement au-delà de l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements ou passifs éligibles » (ci-après l’« indicateur EMEE ») et les sous-indicateurs « complexité » et « résolvabilité ».
214 À défaut d’informations suffisantes, il serait impossible de savoir dans quelle mesure l’absence d’application desdits indicateurs et sous-indicateurs de risque s’est répercutée de manière positive ou négative sur la contribution ex ante de la requérante. En tout état de cause, la raison pour laquelle un établissement, tel que la requérante, devrait être pénalisé du fait qu’un autre établissement n’a pas communiqué certaines données de la manière requise, ce qui a conduit à l’absence d’application des indicateurs et sous-indicateurs de risque concernés, ne serait pas claire.
215 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante.
216 Il convient de relever, tout d’abord, que l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 prévoit que « [l]orsque les informations requises au titre d’un indicateur de risque spécifique visé à l’annexe II [de ce règlement délégué] ne font pas partie des exigences d’information prudentielle, visées à l’article 14 [dudit règlement délégué], applicables pour l’exercice de référence, cet indicateur de risque ne s’applique pas tant que cette exigence d’information prudentielle n’est pas devenue applicable ».
217 En l’espèce, le CRU a indiqué, aux considérants 21 à 29 de la décision attaquée, qu’il n’avait pas appliqué les indicateurs RFNS et EMEE ni les sous-indicateurs « complexité » et « résolvabilité » au motif que, au moment de l’adoption de cette décision, les informations requises au titre de ces indicateurs et sous-indicateurs de risque n’étaient pas disponibles sous une forme harmonisée pour tous les établissements.
218 Plus particulièrement, s’agissant de l’indicateur RFNS, le CRU a relevé qu’« aucune norme contraignante harmonisée en matière de RFNS n’[était] appliquée dans [l’Union] et [qu’il] n’a[vait] donc pas été en mesure d’identifier des indicateurs au niveau national ». Quant à l’indicateur EMEE, le CRU a précisé que, « parce que les exigences relatives à l’EMEE [avaient] dans l’ensemble été mises en œuvre de manière progressive, [il] ne dispos[ait] pas de données lui permettant d’appliquer cet indicateur au niveau de chaque établissement contribuant au [FRU] ». En ce qui concerne les sous-indicateurs « complexité » et « résolvabilité », le CRU a exposé que « les données requises pour [ces sous-indicateurs] n[’étaient] pas disponibles sous une forme harmonisée pour tous les établissements des États membres participants pour l’année de référence 2019 ».
219 Une telle motivation permet à la requérante de comprendre les motifs pour lesquels le CRU n’a pas appliqué les indicateurs et sous-indicateurs de risque concernés et remplit ainsi les exigences énoncées par la jurisprudence citée aux points 148 et 149 ci-dessus.
220 Par ailleurs, il résulte du libellé même de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 que cette disposition ne permet pas au CRU de tenir compte des répercussions de l’absence d’application d’un indicateur de risque sur le montant de la contribution ex ante de chaque établissement. Par conséquent, la requérante ne saurait reprocher au CRU de ne pas avoir fait apparaître de telles considérations dans la décision attaquée.
221 Partant, il y a lieu d’écarter la troisième branche du deuxième moyen.
e) Sur la quatrième branche, relative à la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne certains choix discrétionnaires du CRU dans le cadre de la fixation des paramètres du calcul des contributions ex ante
222 La requérante fait valoir, en substance, que la motivation de la décision attaquée est insuffisante en ce qu’elle ne précise pas la manière dont le CRU a exercé la marge d’appréciation qui lui a été conférée par le règlement délégué 2015/63 et qui porte sur plusieurs aspects du calcul des contributions ex ante.
223 En particulier, le CRU disposerait d’un large pouvoir d’appréciation pour la fixation du montant des EPI et les raisons pour lesquelles il a limité la part des EPI à 15 % du montant des contributions ex ante individuelles des établissements concernés ne seraient pas claires.
224 De plus, il ressortirait de l’article 6, paragraphe 5, du règlement délégué 2015/63 et des considérants 94 à 101, 106, 108 et 112 de la décision attaquée que le CRU dispose d’une marge d’appréciation pour définir des indicateurs de risque supplémentaires et rééchelonner les différents indicateurs de risque en cas d’absence d’application de certains de ces indicateurs. À cet égard, le cadre juridique n’offrirait pas une clarté suffisante sur la méthode de calcul des contributions ex ante et sur les critères déterminants de cette méthode.
225 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante.
226 À cet égard, il convient de relever que, aux considérants 145 à 153 de la décision attaquée, le CRU a exposé, de façon détaillée et circonstanciée, les raisons pour lesquelles il avait limité le recours aux EPI à 15 % du montant des contributions ex ante individuelles des établissements concernés. Or, la requérante n’a pas précisé en quoi ces explications seraient insuffisantes pour comprendre les motifs qui avaient amené le CRU à imposer une telle limite. Par conséquent, l’argumentation de la requérante ne contient aucun élément de nature à démontrer que la décision attaquée serait insuffisamment motivée à cet égard.
227 Il en va de même pour ce qui est des indicateurs de risque supplémentaires, des rééchelonnements des différents indicateurs de risque ainsi que des autres aspects du calcul mentionnés par la requérante. En effet, le CRU a précisé, aux considérants 98 à 101 de la décision attaquée, la manière dont il avait défini les indicateurs et sous-indicateurs de risque appliqués dans le pilier de risque IV. Il a également exposé, aux considérants 20 à 29 et 94 à 96 de la décision attaquée, les motifs pour lesquels il avait estimé nécessaire de ne pas appliquer certains indicateurs de risque (voir points 217 et 218 ci-dessus) et de procéder aux rééchelonnements des différents indicateurs de risque qui en résultaient. Enfin, le CRU a indiqué, aux considérants 108 et 112 de la décision attaquée, la manière dont il avait rééchelonné les indicateurs de risque bruts conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 3 », du règlement délégué 2015/63 et la façon dont il avait appliqué un signe négatif ou positif à chaque indicateur de risque conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 4 », de ce règlement délégué. Or, la requérante n’a pas précisé les raisons pour lesquelles la motivation figurant aux considérants susmentionnés de la décision attaquée ne serait pas suffisante.
228 Enfin, la requérante fait valoir que le règlement délégué 2015/63 n’est pas suffisamment clair en ce qui concerne la méthode de calcul des contributions ex ante et les critères déterminants de cette méthode. À supposer que ce grief puisse être interprété en ce sens que, par celui-ci, la requérante excipe de l’illégalité des articles 4 à 7 et 9 ainsi que de l’annexe I de ce règlement délégué, cette dernière n’explique pas en quoi consisterait l’illégalité de ces dispositions. À cet égard, l’affirmation de la requérante, aucunement étayée, selon laquelle ledit règlement délégué confère au CRU une marge d’appréciation considérable ne suffit pas, à elle seule, pour contester la légalité desdites dispositions.
229 Dans ces conditions, il convient d’écarter la quatrième branche du deuxième moyen.
f) Sur la cinquième branche, relative à la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne d’autres aspects du calcul de la contribution ex ante de la requérante
230 La requérante soutient que la décision attaquée viole l’obligation de motivation au motif que la manière dont le CRU a calculé sa contribution ex ante n’est pas transparente et compréhensible.
231 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante.
1) Sur le caractère prétendument incompréhensible et invérifiable du calcul des contributions ex ante
232 Premièrement, la requérante fait valoir que la décision attaquée se résume à des considérations générales sur la méthode de collecte de données et de calcul des contributions ex ante. Ainsi, le texte de cette décision ne contiendrait aucun élément en rapport avec le calcul concret de la contribution ex ante de la requérante. Plus particulièrement, les annexes de ladite décision ne contiendraient que des résultats finaux, ce qui rendrait le calcul de cette contribution incompréhensible et invérifiable. Les données figurant dans ces annexes seraient d’ailleurs dénuées de pertinence, car non probantes, et n’auraient aucune valeur explicative et justificative en raison des fluctuations inexplicables de certaines valeurs d’une année à l’autre. De ce fait, le Tribunal et les autorités de résolution nationales seraient incapables de contrôler le calcul effectué par le CRU. Ainsi, l’Autorité de surveillance des marchés financiers n’aurait pas motivé, dans l’avis de perception, le calcul de la contribution ex ante, mais aurait simplement renvoyé à la décision attaquée. De même, elle aurait confirmé qu’elle ne comprenait pas elle-même cette décision.
233 À cet égard, ainsi qu’il a été relevé au point 15 ci-dessus, l’annexe I de la décision attaquée contient la fiche individuelle de la requérante, qui expose non seulement les données communes déterminées par le CRU en additionnant ou en combinant les données de tous les établissements, mais aussi toutes les données individuelles de la requérante utilisées dans le calcul de sa contribution ex ante, telles que le montant de sa contribution annuelle de base, les valeurs de ses indicateurs de risque ainsi que son classement dans les bins respectifs en fonction de ces valeurs. En outre, il ressort de l’annexe II de cette décision que la requérante était informée du nombre de bins correspondant à chaque indicateur de risque ainsi que des valeurs limites de ces bins. Conformément à la jurisprudence citée au point 159 ci-dessus, la requérante était donc, notamment, en mesure de vérifier, au regard des données de l’annexe I de ladite décision, lues conjointement avec les données de l’annexe II de cette même décision, si elle avait été placée dans les bins corrects par rapport à l’ensemble des autres établissements.
234 Il en va d’autant plus ainsi que le CRU a transmis à la requérante, avant l’adoption de la décision attaquée, un outil de calcul des contributions ex ante afin qu’elle puisse effectuer à l’avance le calcul de sa contribution ex ante. Cet outil contenait, d’une part, les algorithmes utilisés par le CRU pour effectuer les calculs préliminaires et, d’autre part, les données communes déterminées par le CRU en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous les établissements concernés. Ainsi, la requérante, en insérant ses données individuelles dans les champs appropriés dudit outil, a pu calculer, étape par étape, sa contribution ex ante individuelle, conformément aux calculs préliminaires effectués par le CRU sur les contributions ex ante pour la période de contribution 2021.
235 Il est vrai que, en ce qui concerne les données des autres établissements utilisées par le CRU dans le cadre des étapes de calcul des contributions ex ante, telles qu’elles sont définies à l’annexe I du règlement délégué 2015/63, portant sur la « discrétisation des indicateurs » (étape 2), l’« intégration du signe affecté » (étape 4) et le « calcul des contributions annuelles » (étape 6), les annexes I et II de la décision attaquée ne contiennent que les données communes déterminées par le CRU en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous les établissements concernés. Cependant, il découle de la jurisprudence citée au point 157 ci-dessus que le CRU n’est pas tenu de fournir aux établissements le calcul complet utilisé pour obtenir ces données communes, dès lors que cela supposerait de divulguer des données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés.
236 Enfin, l’affirmation de la requérante selon laquelle les données figurant dans les annexes de la décision attaquée sont dépourvues de toute « valeur explicative et justificative » en raison des fluctuations prétendument incompréhensibles, d’une année à l’autre, de certaines valeurs, ne saurait prospérer. En effet, le seul fait que certaines valeurs, qui sont obtenues en additionnant ou en combinant les données d’un grand nombre d’établissements, puissent varier d’une année à l’autre ne saurait remettre en question la crédibilité, pour les établissements concernés, de toutes les données figurant aux annexes I et II de la décision attaquée.
237 Deuxièmement, la requérante fait valoir que le calcul de sa contribution annuelle de base et de son multiplicateur d’ajustement est incompréhensible. À cet égard, la valeur de ce multiplicateur serait excessivement élevée, malgré les notations internationales excellentes de la requérante, son profil de risque meilleur que la moyenne de celui des établissements concernés et son modèle économique d’une complexité relativement réduite. En particulier, la requérante ne serait pas en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles le niveau de son multiplicateur d’ajustement calculé sur la base nationale est élevé, [confidentiel] (2).
238 À cet égard, il convient de relever que la valeur du multiplicateur d’ajustement découle d’un calcul qui est fondé sur la méthode décrite à l’annexe I du règlement délégué 2015/63 et qui est détaillé aux considérants 93 à 121 de la décision attaquée ainsi que dans la fiche individuelle de la requérante, qui fait partie de l’annexe I de cette décision. Or, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret par lequel elle viserait à démontrer un caractère incompréhensible ou incohérent de cette méthode et des données figurant auxdits considérants de la décision attaquée ou dans la fiche individuelle.
239 En tout état de cause, étant donné que les indicateurs de risque, tels qu’ils sont détaillés aux considérants 93 à 100 de la décision attaquée, sont pondérés au sein de chacun des quatre piliers de risque et que ces quatre piliers de risque sont, eux aussi, pondérés, certains indicateurs de risque ont un poids moins important pour le résultat du calcul du multiplicateur d’ajustement que les autres. [confidentiel] Dans ces conditions, la requérante a tort de soutenir que la valeur de son multiplicateur d’ajustement serait inexplicablement élevée.
240 Troisièmement, la requérante fait valoir que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée en ce qu’elle ne permet pas de comprendre pour quelle raison sa contribution ex ante pour la période de contribution 2021 a augmenté de [confidentiel] par rapport à celle correspondant à la période de contribution 2020, alors que le montant des dépôts couverts en Autriche n’a augmenté que de 5,08 %, que le montant des dépôts couverts de la requérante n’a augmenté que de [confidentiel], que les indices d’ajustement au risque de celle-ci n’ont augmenté que de [confidentiel], que le montant final des contributions ex ante pour l’ensemble de l’union bancaire n’a augmenté que de 13 % et que l’activité commerciale de la requérante est demeurée identique.
241 À cet égard, il ressort de la jurisprudence citée au point 149 ci-dessus que la motivation d’un acte de l’Union ne doit pas spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents. En particulier, l’obligation de motivation qui pèse sur le CRU ne va pas jusqu’à lui imposer une obligation de justifier les raisons pour lesquelles une contribution ex ante a augmenté par rapport à l’année précédente.
242 Par ailleurs, il découle de l’économie de la méthode de calcul des contributions ex ante que le montant de celles-ci dépend, notamment, du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ainsi que du profil de risque de tous ces établissements. Dès lors, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, l’augmentation de sa contribution ex ante d’une année à l’autre ne sera pas nécessairement proportionnelle à l’augmentation des dépôts couverts en Autriche, de ses dépôts couverts ou de son multiplicateur d’ajustement.
243 Dans ces conditions, les raisons exactes qui ont conduit à l’augmentation de la contribution ex ante de la requérante, malgré les circonstances mentionnées par cette dernière, ne peuvent être considérées comme des informations sans lesquelles il ne serait pas possible de comprendre de quelle façon sa situation individuelle a été prise en compte aux fins du calcul de sa contribution ex ante au sens de la jurisprudence citée aux points 150 à 159 ci-dessus.
244 Quatrièmement, la requérante soutient que l’assignation des établissements aux bins est inintelligible et qu’elle produit des distorsions considérables ainsi que des résultats erronés. En particulier, la raison pour laquelle le même nombre d’établissements n’a pas été attribué à chaque bin dans le cadre de l’indicateur de risque « ratio de levier » ne serait pas précisée. La répartition des établissements dans les bins serait également incompréhensible en ce qui concerne l’indicateur de risque « actifs pondérés en fonction du risque du marché, divisés par les fonds propres de base de catégorie l », qui relève du pilier de risque IV, car les établissements ne seraient pas davantage répartis dans ce bin d’une manière égale et justifiable. Il en va de même en ce qui concerne d’autres indicateurs de risque, tels que l’indicateur « actifs pondérés en fonction du risque du marché, divisés par le total de l’actif ». Ainsi, il serait impossible d’apprécier de manière définitive si la définition des bins et la répartition des établissements dans ces bins ont été correctement établies par le CRU et si le classement de la requérante est réaliste.
245 Plus concrètement, le CRU aurait dû divulguer, éventuellement sous une forme anonymisée, les données de chaque établissement utilisées pour le calcul des indicateurs bruts, pour que la requérante puisse vérifier si des établissements ayant fourni des données comparables avaient été assignés à des bins similaires.
246 À cet égard, s’agissant, tout d’abord, de la motivation de la décision attaquée quant au fait que le même nombre d’établissements n’a pas été attribué à chaque bin en ce qui concerne l’indicateur de risque « ratio de levier », il convient de relever que le CRU a suffisamment expliqué, au considérant 106 de la décision attaquée, les motifs d’une telle répartition, en indiquant que celle-ci visait à éviter que des établissements présentant la même valeur pour un indicateur de risque brut soient assignés à des bins différents, de sorte que des établissements présentant la même valeur pour un tel indicateur ont été assignés au même bin, ce qui a pu conduire à ce qu’un nombre différent d’établissements soit attribué à chaque bin.
247 Ensuite, compte tenu de la jurisprudence citée aux points 150 à 159 ci-dessus, la requérante soutient à tort que le CRU aurait dû lui permettre de vérifier, de manière complète, la détermination du nombre de bins et l’assignation des établissements à ces bins, puisqu’une telle approche impliquerait que des données des autres établissements couvertes par le secret des affaires lui aient été communiquées.
248 À cet égard, il y a lieu d’ajouter que, contrairement à ce que soutient la requérante, le CRU n’est pas tenu de divulguer, pour chaque établissement concerné, l’intégralité des données qui lui ont été fournies par ce dernier ni son assignation aux différents bins au sein de chaque indicateur de risque, en se limitant à remplacer le nom de chaque établissement par un pseudonyme. En effet, ainsi que le CRU l’a expliqué, sans être sérieusement contredit sur ce point, un tel procédé ne pourrait pas garantir que les établissements ne puissent pas être identifiés à partir des données ainsi communiquées. Il n’est effectivement pas exclu que certains établissements, même pseudonymisés, puissent néanmoins être identifiés en raison des données individuelles qui ont déjà été rendues publiques, notamment dans le cas des grands établissements et des États membres ne comptant que quelques établissements.
249 Au demeurant, les griefs de la requérante concernant d’autres prétendues distorsions dans la répartition par bins au sein des différents piliers de risque, même à les supposer recevables au regard de la jurisprudence citée aux points 27 à 30 ci-dessus, relèvent d’une question de fond, et non de la motivation de la décision attaquée.
2) Sur l’absence de fourniture des données individuelles des autres établissements
250 La requérante fait valoir que la motivation de la décision attaquée est insuffisante en ce qu’elle ne fournit pas les données individuelles des autres établissements, sans lesquelles il lui serait impossible de contrôler le calcul de sa contribution ex ante. Les données communiquées par les établissements conformément à l’annexe II du règlement délégué 2015/63 ne seraient pas, en réalité, des données confidentielles, car elles seraient accessibles au public ou résulteraient d’informations publiées, telles que des rapports d’activité de ces établissements.
251 Ainsi, le CRU n’aurait pas soigneusement mis en balance l’obligation de motivation et l’exigence de protection du secret des affaires, en prévoyant, par exemple, une procédure de consultation des dossiers adéquate qui aurait permis une communication complète des données utilisées dans le calcul des contributions ex ante. Dès lors, la requérante a invité le Tribunal à demander au CRU de présenter tous les documents pertinents pour ce calcul.
252 Dans sa réplique, la requérante considère que le CRU n’a pas respecté les exigences au titre de l’obligation de motivation définies par la Cour dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), car il ne lui aurait pas fourni tous les éléments du calcul de sa contribution ex ante qu’il aurait pu transmettre sans violer le secret des affaires. À cet égard, la Cour ne se serait pas livrée à une énumération limitative de tous les éléments que le CRU doit divulguer.
253 Selon la requérante, il incomberait tout d’abord au CRU de démontrer le caractère confidentiel de chaque donnée qu’il n’a pas divulguée et qui est nécessaire pour vérifier le calcul des contributions ex ante.
254 Ensuite, en ce qui concerne la protection du secret des affaires, il n’existerait, pour certaines des données non communiquées par le CRU, aucun risque d’atteinte aux intérêts des établissements concernés résultant de leur transmission. Tel serait le cas, par exemple, des multiplicateurs d’ajustement de chaque établissement.
255 Par ailleurs, les données sur lesquelles se fonde le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021 dateraient de l’année 2019, soit près de trois ans avant l’adoption de la décision attaquée, de sorte qu’elles auraient perdu tout caractère confidentiel. En effet, les données déclarées par les établissements fluctueraient fortement d’une année à l’autre et seraient, de ce fait, dépourvues d’intérêt pratique pour l’appréciation de la position économique des établissements.
256 Enfin, les données qui ne permettent pas d’identifier les établissements, y compris toutes les données agrégées utilisées dans les différentes étapes du calcul des contributions ex ante, devraient en tout état de cause être divulguées. Le CRU aurait pu, notamment, communiquer le total du passif de chaque établissement ainsi que son multiplicateur d’ajustement en effaçant le nom de l’établissement concerné, sans divulguer de données confidentielles. Ainsi, les établissements auraient pu effectuer une comparaison avec d’autres établissements de taille similaire, afin d’évaluer si l’ajustement en fonction du profil de risque correspondait à leur situation économique réelle et de vérifier l’affectation des établissements aux bins.
257 Au considérant 88 de la décision attaquée, le CRU a observé que « les secrets d’affaires des établissements – c’est-à-dire toutes les informations concernant l’activité professionnelle des établissements qui, en cas de divulgation à un concurrent et/ou à un public plus large, pourraient porter gravement atteinte aux intérêts des établissements – [étaient] considérés comme des informations confidentielles ». Il a ajouté que, « [d]ans le cadre du calcul des contributions ex ante […], les informations individuelles fournies par les établissements par l’intermédiaire de leurs formulaires de [déclaration] […], sur lesquelles [il] s’appu[yait] pour calculer leur contribution ex ante, [étaient] considérées comme des secrets d’affaires ».
258 En outre, aux considérants 90 à 92 de la décision attaquée, le CRU a relevé qu’il lui était interdit de « divulguer les points de données de chaque établissement, qui constitu[aie]nt la base des calculs dans [ladite décision] », alors qu’il était autorisé à « divulguer les points de données agrégés et communs, dans la mesure où ces données [étaient] cumulées ». Cela étant, les établissements bénéficiaient, selon ladite décision, d’une « transparence totale quant au calcul de leur [contribution annuelle de base] et de leur multiplicateur d’ajustement » pour les étapes de calcul de cette contribution qui portaient sur le « calcul des indicateurs bruts » (étape 1), le « rééchelonnement des indicateurs » (étape 3) et le « calcul de l’indicateur composite » (étape 5). En outre, les établissements étaient en mesure d’obtenir des « points de données communs utilisés indifféremment par le CRU pour tous les établissements ajustés en fonction de leur profil de risque » pour les étapes de calcul portant sur la « discrétisation des indicateurs » (étape 2), l’« intégration du signe affecté » (étape 4) et le « calcul des contributions annuelles » (étape 6).
259 À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu’il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, implique l’utilisation, par le CRU, de données couvertes par le secret des affaires ne pouvant pas être reprises dans la motivation de la décision de fixation des contributions ex ante (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 114).
260 En second lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, l’obligation de motivation n’impose pas au CRU de faire figurer, dans la décision attaquée, des considérations détaillées démontrant, le caractère confidentiel de chaque catégorie de données fournies par les établissements.
261 En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 149 ci-dessus, il n’est pas exigé que la motivation d’un acte spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications.
262 Or, d’une part, il découle des considérations figurant au considérant 88 de la décision attaquée que le CRU a considéré que l’ensemble des données déclarées par chaque établissement était couvert, dans sa globalité, par le secret des affaires, puisque la divulgation de ces données à un concurrent ou à un public plus large pourrait porter gravement atteinte aux intérêts de l’établissement concerné.
263 D’autre part, étant donné que la requérante a fourni ses propres données aux fins du calcul des contributions ex ante, conformément à l’article 14 du règlement délégué 2015/63, elle avait une pleine connaissance de la nature et des caractéristiques générales de chaque catégorie de ces données. Elle était ainsi, notamment, à même d’évaluer dans quelle mesure chacune de ces catégories de données pouvait comporter des informations confidentielles.
264 Dans ces conditions, la requérante disposait d’informations suffisantes pour comprendre et, le cas échéant, contester les raisons pour lesquelles le CRU avait considéré que les données individuelles des autres établissements étaient couvertes par le secret des affaires. Elle pouvait, notamment, contester, au regard de la nature et des caractéristiques générales de chaque catégorie de ces données, l’appréciation du CRU figurant au considérant 88 de la décision attaquée, selon laquelle lesdites données avaient un caractère secret et leur divulgation pouvait porter gravement atteinte aux intérêts de l’établissement concerné. Ainsi, elle disposait de tous les éléments nécessaires pour pouvoir contester le non-respect par le CRU des exigences dégagées par la Cour concernant la mise en balance de l’obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, telles qu’elles sont rappelées aux points 155, 158 et 159 ci-dessus.
265 Troisièmement, les éléments de preuve que la requérante a soumis au Tribunal ne suffisent pas pour démontrer que les données individuelles des établissements ne sont pas, en réalité, des données confidentielles, car elles se trouveraient dans le domaine public.
266 À cet égard, d’une part, la requérante a indiqué, au soutien de son argument, qu’un grand nombre de données communiquées par les établissements seraient divulguées lors des tests de résistance publiés par l’Autorité bancaire européenne (ABE), par exemple « des données sur le capital (capitaux propres, fonds propres, ratio de fonds propres de base, etc.), le taux d’endettement, ainsi que divers montants de position de risque (risque de crédit, titrisation, risque de marché, risque d’exploitation, etc.) ». En outre, l’ABE réaliserait, selon la requérante, des exercices annuels de transparence à l’échelle de l’Union, dans le cadre desquels cette autorité publierait notamment « les données détaillées de chaque établissement quant à leur position de marché, les montants des positions de risque [ou] les ratios de fonds propres ».
267 Il convient cependant de relever que le test de résistance mené par l’ABE en 2018 à l’échelle de l’Union et les exercices annuels de transparence, auxquels se réfère la requérante, ne portent que sur un nombre circonscrit d’établissements ainsi que sur un nombre restreint de données, bien moins nombreuses que celles communiquées dans le cadre du calcul des contributions ex ante, ce que la requérante a d’ailleurs reconnu à l’audience. Ainsi, la requérante n’a pas démontré que les données publiées dans le cadre des activités de l’ABE concernaient tous les établissements soumis à l’obligation de verser des contributions ex ante.
268 D’autre part, la requérante s’est référée au fait que les exercices annuels de transparence évoqués au point 267 ci-dessus visaient à compléter les publications des données par les établissements eux-mêmes sur la base, notamment, des articles 431 à 455 du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1), ainsi que de l’article 106 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338). Or, à cet égard, la requérante s’est contentée d’un simple renvoi à ces dispositions, sans expliquer quelles données individuelles concrètes des établissements utilisées lors du calcul des contributions ex ante se trouvaient obligatoirement, sur la base de ces dispositions, dans le domaine public au moment de l’adoption de la décision attaquée.
269 Par ailleurs, la requérante n’a pas soutenu, et encore moins démontré, que toutes les données utilisées pour la détermination d’au moins un indicateur de risque, dont le calcul requérait la combinaison de plusieurs catégories de données, étaient dans le domaine public au moment de l’adoption de la décision attaquée.
270 Quatrièmement, le fait que les données utilisées pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021 se rapportent à l’année 2019 ne signifie pas que ces données n’étaient plus, au moment de l’adoption de la décision attaquée, couvertes par le secret des affaires. De même, il n’est pas établi que la divulgation, par la décision attaquée, de l’ensemble des données déclarées par chaque établissement n’était pas susceptible, du seul fait de l’écoulement du temps, de porter atteinte au secret des affaires. À cet égard, la seule circonstance selon laquelle ces données subissent des fluctuations d’une année à l’autre ne permet pas d’établir que lesdites données avaient perdu, avant l’adoption de la décision attaquée, leur caractère confidentiel.
271 En outre, il découle, certes, de la jurisprudence de la Cour que, lorsque les informations qui ont pu constituer des secrets d’affaires à une certaine époque datent de cinq ans ou plus, elles sont considérées, en principe, du fait de l’écoulement du temps, comme étant historiques et comme ayant perdu, de ce fait, leur caractère confidentiel, à moins que, exceptionnellement, la partie qui se prévaut de ce caractère ne démontre que, en dépit de leur ancienneté, ces informations constituent encore des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celles de tiers concernés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, point 54 et jurisprudence citée). Néanmoins, les données utilisées pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021 dataient, au moment de l’adoption de la décision attaquée, de moins de trois ans.
272 Cinquièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le CRU aurait dû divulguer, sous une forme anonymisée, les valeurs du multiplicateur d’ajustement et du total du passif de chaque établissement, il ressort de la jurisprudence citée aux points 150 à 159 ci-dessus que, s’agissant des données des autres établissements, le CRU est tenu de mettre à la disposition de l’établissement concerné des informations suffisantes pour que celui-ci puisse comprendre, en substance, de quelle façon sa situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de sa contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements. Plus concrètement, il incombe au CRU de publier ou de transmettre audit établissement, sous une forme agrégée et anonymisée, les informations relatives aux établissements utilisées pour calculer cette contribution, dans la mesure où ces informations peuvent être communiquées sans porter atteinte au secret des affaires.
273 Or, indépendamment de la question de savoir si, au moment de l’adoption de la décision attaquée, les valeurs du total du passif et du multiplicateur d’ajustement de chaque établissement étaient couvertes par le secret des affaires, il est à noter, d’une part, que le total du passif de chaque établissement constitue une donnée nécessaire pour la première phase du calcul des contributions ex ante, à savoir la détermination de la contribution annuelle de base, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, étant entendu que cette contribution doit, par la suite, être ajustée en fonction du profil de risque de chaque établissement sur la base d’autres données individuelles des établissements. D’autre part, le multiplicateur d’ajustement constitue une valeur intermédiaire résultant de plusieurs étapes de calcul des contributions ex ante et intégrant tous les indicateurs de risque utilisés par le CRU lors de ce calcul. Ce multiplicateur représente ainsi le profil de risque global de chaque établissement, qui est basé sur tous les indicateurs de risque et qui n’a, au demeurant, aucun lien direct avec le montant du total du passif de l’établissement.
274 Dans ces conditions, la divulgation des valeurs du total du passif et du multiplicateur d’ajustement de chaque établissement n’aurait pas permis, sans divulguer toutes les autres données individuelles des établissements, d’atteindre l’objectif, recherché par la requérante, d’effectuer une comparaison entre sa situation et celle des autres établissements de taille similaire afin de vérifier le calcul de sa contribution annuelle de base ajustée en fonction de son profil de risque. De même, contrairement à ce que soutient la requérante, la divulgation de ces seules valeurs n’aurait pas permis de vérifier l’assignation des établissements aux bins.
275 Par conséquent, la valeur du multiplicateur d’ajustement et le total du passif de chaque établissement ne peuvent être considérés comme des éléments sans lesquels les établissements ne peuvent pas comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés.
276 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée est insuffisamment motivée en ce qu’elle ne fournit pas de données individuelles des autres établissements permettant de vérifier le calcul de sa contribution ex ante.
3) Sur les disparités entre les États membres participants en ce qui concerne le rapport entre la composante du montant total des contributions ex ante des établissements de l’État membre calculée sur la base nationale et la composante dudit montant calculée sur la base de l’union
277 La requérante soutient que la décision attaquée ne justifie pas, s’agissant du montant total des contributions ex ante de tous les établissements agréés sur le territoire de chaque État membre participant, les disparités entre ces États membres en ce qui concerne le rapport entre, d’une part, la composante de ce montant calculée sur la base nationale et, d’autre part, la composante dudit montant calculée sur la base de l’union. En effet, pour certains desdits États membres, la composante relevant de la base nationale est plus élevée, à des degrés variables, que la composante relevant de la base de l’union, et inversement pour d’autres. En outre, l’analyse des valeurs agrégées permettrait de présumer que certains États membres financent la majeure partie des contributions calculées sur la base de l’union.
278 À cet égard, il y a lieu d’observer que le CRU a expliqué, au considérant 60 de la décision attaquée, que « [p]our le calcul de la partie des contributions annuelles relevant de la base nationale, [...] le niveau cible utilisé pour ce calcul [avait été] défini sur une base nationale en tenant compte uniquement des dépôts couverts des établissements de crédit agréés sur le territoire de l’État membre participant concerné », tandis que les données des établissements agréés sur le territoire des autres États membres participants n’avaient pas été prises en compte.
279 En revanche, selon le considérant 61 de la décision attaquée, « [p]our le calcul de la partie des contributions annuelles [relevant de la base de l’union] [...], le niveau cible annuel est défini sur la base des dépôts couverts de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants ».
280 Il en découle que les disparités et écarts évoqués par la requérante s’expliquent par la circonstance selon laquelle le calcul des contributions ex ante sur la base nationale et le calcul de ces contributions sur la base de l’union se fondent chacun sur des données différentes. Dans ces conditions, l’obligation de motivation pesant sur le CRU ne va pas jusqu’à lui imposer d’expliquer davantage les différences entre le calcul des contributions sur la base nationale et le calcul des contributions sur la base de l’union.
4) Sur la motivation concernant les corrections des données des autres établissements
281 La requérante fait valoir, en substance, que la décision attaquée ne permet pas aux établissements de vérifier l’impact des corrections des données des autres établissements sur le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021, car le CRU ne divulgue pas, notamment, le nombre d’établissements qui ont notifié des données ayant été corrigées par la suite ni les répercussions que les corrections ont eues sur le montant des contributions ex ante. À cet égard, les calculs du CRU seraient propices à l’erreur. En fait, certains établissements auraient même indiqué qu’ils avaient « peut-être » communiqué des données incorrectes, ce qui signifierait que le calcul du CRU est basé sur des données inexactes. Même si les corrections éventuelles peuvent être prises en compte a posteriori dans la période de contribution suivante, les établissements ne seraient pas informés de telles corrections et des motifs de ces dernières, ce qui renforcerait l’opacité et le caractère non vérifiable des calculs des contributions ex ante. Ainsi, la différence entre, d’une part, le montant de ces contributions calculé pour la période de contribution 2021 et ajusté pour les établissements nouvellement surveillés et, d’autre part, le montant final de ces contributions après déduction de celles fixées pour la période de contribution 2015 et des ajustements résultant des retraitements et des révisions de données manquerait de transparence.
282 À cet égard, il découle de la jurisprudence citée aux points 150 à 159 ci-dessus que la décision attaquée ne doit pas nécessairement comprendre l’intégralité des éléments permettant à son destinataire de vérifier l’exactitude du calcul de sa contribution ex ante. Or, la communication des corrections effectuées a posteriori concernant d’autres établissements ou des motifs de ces dernières impliquerait la communication à la requérante de données des autres établissements couvertes par le secret des affaires.
283 S’agissant, ensuite, de l’absence d’information, dans la décision attaquée, sur le nombre d’établissements concernés par lesdites corrections, la requérante n’a pas expliqué en quoi une telle information lui aurait été nécessaire pour comprendre de quelle façon sa situation individuelle avait été prise en compte par le CRU aux fins du calcul de sa contribution ex ante pour la période de contribution 2021.
284 Pour ce qui est de l’argumentation concernant la prétendue propension à l’erreur dans le calcul des contributions ex ante ainsi que l’utilisation par le CRU de données erronées, celle-ci relève d’une question de fond, et non de la motivation de la décision attaquée. Par ailleurs, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui permettrait à ce dernier d’examiner une telle argumentation sur le fond.
285 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la cinquième branche du deuxième moyen.
g) Conclusion sur le deuxième moyen
286 Il ressort de tout ce qui précède qu’il convient d’accueillir la première branche du deuxième moyen et de rejeter les deuxième à cinquième branches de celui-ci.
2. Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la Charte en raison du non-respect du droit d’être entendu
287 La requérante soutient que la procédure de consultation organisée par le CRU préalablement à l’adoption de la décision attaquée n’a pas respecté son droit d’être entendue, consacré à l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la Charte, car elle ne lui aurait pas permis de présenter, de manière effective, d’observations sur le calcul de sa contribution ex ante.
288 En effet, la période de deux semaines au cours de laquelle ladite procédure a eu lieu serait insuffisante pour s’exprimer sur le projet de décision attaquée et les statistiques agrégées ainsi que pour vérifier et analyser ces derniers, d’autant plus que les données communiquées ne seraient pas suffisantes pour vérifier le processus de calcul et le montant de la contribution ex ante de la requérante. À cet égard, les données de chaque établissement servant de base au calcul des données communes, qui sont déterminantes pour la répartition de chaque établissement dans les bins et donc pour le classement des établissements en fonction de chaque indicateur de risque, n’auraient pas été divulguées. Par conséquent, le CRU n’aurait pas permis à la requérante de s’exprimer sur les questions matérielles et juridiques pertinentes pour sa contribution ex ante ni de vérifier l’exactitude de cette contribution. Par ailleurs, même si le CRU a mis à disposition de la requérante, avant l’adoption de la décision attaquée, un outil de calcul interactif des contributions ex ante, cet outil ne permettrait pas non plus aux établissements d’apprécier si leur ajustement en fonction du profil de risque est plausible par rapport à l’ensemble des autres établissements et si leur situation économique a été correctement évaluée.
289 En outre, la procédure de consultation aurait été menée de façon purement formelle, ce qui serait notamment démontré par le fait que le CRU n’aurait tenu compte d’aucune des observations formulées par les établissements. Les doutes exprimés par certains établissements auraient été écartés, à plusieurs reprises, par le CRU au moyen d’une référence au cadre juridique et à la motivation de la décision attaquée.
290 Les vices susmentionnés seraient d’autant plus sérieux que le CRU disposerait d’une marge d’appréciation considérable dans la fixation des contributions ex ante, si bien que le respect du droit d’être entendu revêtirait une importance particulière.
291 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante.
292 Le droit d’être entendu, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 87 et jurisprudence citée).
293 En l’espèce, avant l’adoption de la décision attaquée, le CRU a mené, entre les 5 et 19 mars 2021, une procédure de consultation dans le cadre de laquelle il a communiqué un projet de décision attaquée aux établissements concernés et les a invités, par le biais d’un formulaire en ligne, à saisir leurs commentaires sur le contenu de ce projet.
294 En outre, le CRU a communiqué aux établissements concernés les documents suivants :
– un outil de calcul interactif qui leur permettait de calculer leurs contributions ex ante pour la période de contribution 2021 sur la base des résultats de ses calculs intermédiaires ;
– son avis SRB/ES/2021/13, du 3 mars 2021, concernant son calcul préliminaire des contributions ex ante au FRU pour la période de contribution 2021 et le lancement des consultations avec les établissements ;
– un document intitulé « Statistiques agrégées » comprenant les statistiques des calculs relatifs à tous les établissements sous une forme résumée et collective ;
– des orientations sur la manière de calculer les contributions ex ante pour la période de contribution 2021 à l’aide de l’outil de calcul.
295 Dans ce contexte, d’une part, il ressort de la jurisprudence citée aux points 150 à 159 ci-dessus que, contrairement à ce que soutient la requérante, le CRU n’était pas tenu de lui communiquer l’intégralité des documents et des données relatives à chaque établissement en vue de lui permettre de vérifier, de manière complète, l’exactitude du calcul de sa contribution ex ante. En particulier, le CRU n’était pas obligé de lui communiquer les documents qui contenaient les données individuelles des autres établissements et qui étaient couverts par le secret des affaires.
296 D’autre part, la requérante n’a, notamment, pas contesté qu’elle était informée de la méthodologie suivie pour le calcul de la contribution ex ante pour la période de contribution 2021 ainsi que du résultat provisoire de sa contribution ex ante à payer, de sorte qu’elle était en mesure de remplir le formulaire fourni par le CRU en faisant utilement valoir ses observations concernant chacune des étapes de ce calcul.
297 Dans ces conditions, rien n’indique que la requérante n’a pas eu accès aux éléments qui constituaient le fondement du calcul de sa contribution ex ante et que le CRU était tenu de lui communiquer.
298 Par ailleurs, la requérante avait la possibilité de prendre position sur ces éléments par le biais du formulaire en ligne mentionné au point 293 ci-dessus. Elle pouvait ainsi présenter ses observations sur les choix discrétionnaires du CRU dans le cadre du calcul de sa contribution ex ante, tels que la détermination du niveau cible annuel ou la précision de certains indicateurs de risque du pilier de risque IV, et elle était en mesure de calculer provisoirement sa contribution ex ante en utilisant l’outil de calcul fourni par le CRU.
299 À cet égard, il découle de la jurisprudence de la Cour qu’un formulaire prévu pour que les personnes concernées puissent porter leur point de vue à la connaissance de l’autorité compétente est, en principe, de nature à permettre à celles-ci de s’exprimer de manière circonstanciée sur les éléments devant être pris en compte par l’autorité compétente et d’exposer, si elles le jugent utile, des informations ou des appréciations différentes de celles déjà soumises à l’autorité compétente (voir, par analogie, arrêt du 9 février 2017, M, C‑560/14, EU:C:2017:101, points 39 et 40).
300 Tel est le cas en l’espèce.
301 En effet, dans le cadre de la procédure de consultation, le CRU a invité les établissements à formuler, d’une part, des observations sur treize sujets prédéfinis qui leur donnaient la possibilité de faire des commentaires sur plusieurs aspects du calcul des contributions ex ante, y compris la méthode et les résultats de ce calcul. D’autre part, dans le cadre du thème 14, les établissements pouvaient soulever toute autre question qu’ils jugeaient pertinente pour le calcul de la contribution ex ante pour la période de contribution 2021 et qui n’était pas déjà couverte par les thèmes prédéfinis. En conséquence, la requérante avait la possibilité de soumettre des observations sur chaque élément dudit calcul ou de la procédure d’élaboration de ce même calcul.
302 S’agissant, en outre, du délai imparti pour soumettre des observations dans le cadre de la procédure de consultation, en l’occurrence deux semaines, d’une part, il y a lieu de relever que la requérante n’a pas expliqué dans quelle mesure ce délai aurait violé son droit d’être entendue. À cet égard, elle s’est bornée à affirmer qu’il était « utopique » de supposer que le projet de décision et les statistiques agrégées pouvaient être vérifiés et analysés dans un laps de temps aussi bref, sans faire référence à des aspects concrets de ces documents ni à des difficultés pratiques qui l’auraient empêchée de soumettre ses observations, dans le délai imparti, sur les éléments qui constituaient le fondement du calcul de sa contribution ex ante, tels que ceux mentionnés aux points 296 et 298 ci-dessus. Le seul élément concret que la requérante a mentionné dans ce contexte est le fait que les données communiquées par le CRU n’étaient pas suffisantes pour vérifier le processus de calcul et le montant de sa contribution ex ante. Or, ainsi qu’il a été constaté aux points 295 à 297 ci-dessus, il n’a pas été démontré que le CRU était tenu de communiquer à la requérante d’autres documents que ceux mentionnés au point 294 ci-dessus, si bien que ce fait ne permet pas d’établir que le délai de deux semaines était insuffisant au regard du droit d’être entendu.
303 D’autre part, la requérante est soumise à l’obligation de verser les contributions ex ante depuis 2016, de sorte que la période de contribution 2021 était la sixième à laquelle elle participait. Il en découle que, lors de la procédure de consultation menée par le CRU, elle possédait déjà une bonne connaissance du processus de calcul de ces contributions. Dans ces conditions, en l’absence de circonstances particulières invoquées par la requérante, rien n’indique que le délai imparti pour soumettre des observations était insuffisant.
304 En ce qui concerne, enfin, les réponses du CRU aux observations formulées par les établissements, la requérante n’a identifié aucune observation spécifique à laquelle le CRU n’aurait pas répondu.
305 Par ailleurs, le seul fait que le CRU ait finalement décidé de ne pas modifier la décision attaquée par rapport au projet de décision qu’il avait communiqué aux établissements, pour donner suite à leurs observations, ne permet pas de démontrer que la procédure de consultation a violé le droit d’être entendue de la requérante. En effet, conformément à ce que le Tribunal a déjà jugé (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Slovenská pošta/Commission, T‑556/08, non publié, EU:T:2015:189, point 89), une telle circonstance relève d’un désaccord sur le bien-fondé de l’appréciation du CRU, mais ne saurait constituer une violation du droit d’être entendus de ces établissements.
306 Par conséquent, l’argumentation de la requérante ne permet pas de démontrer que cette dernière n’a pas eu la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur tous les éléments de fait ou de droit qui constituaient le fondement de la décision attaquée.
307 Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter le troisième moyen.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) La décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique est annulée en ce qu’elle concerne Hypo Vorarlberg Bank AG.
2) Les effets de la décision SRB/ES/2021/22, en ce qu’elle concerne Hypo Vorarlberg Bank, sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au Fond de résolution unique de cet établissement pour l’année 2021.
3) Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Hypo Vorarlberg Bank.
4) Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.
Kornezov | De Baere | Petrlík |
Kecsmár | Kingston |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 janvier 2024.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
1 Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.
2 Données confidentielles occultées.
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