Al-Assad v Council (Common foreign and security policy - Restrictive measures taken in view of the situation in Syria - Freezing of funds - List of persons, entities and bodies to which the freezing of funds and economic resources applies - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-420/23 (11 December 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T42023.html
Cite as: EU:T:2024:896, [2024] EUECJ T-420/23, ECLI:EU:T:2024:896

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ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

11 décembre 2024 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune - Mesures restrictives prises en raison de la situation en Syrie - Gel des fonds - Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques - Inscription du nom du requérant sur la liste - Critère de l’“appartenance familiale” - Article 15, paragraphe 1 bis, sous b), du règlement (UE) no 36/2012 - Obligation de motivation - Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T‑420/23,

Mudar Al-Assad, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Me B. Grundler, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme T. Haas et M. J. Rurarz, en qualité d’agents, assistés de Me E. Raoult, avocate,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. L. Truchot (rapporteur), président, M. Sampol Pucurull et Mme T. Perišin, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 11 septembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Mudar Al-Assad, demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2023/844 du Conseil, du 24 avril 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2023, L 109I, p. 1), en tant qu’il le concerne.

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        Le requérant est un homme d’affaires de nationalité syrienne.

3        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives adoptées, à compter de l’année 2011, par le Conseil de l’Union européenne à l’encontre de la République arabe syrienne et des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

4        Les noms des personnes responsables de cette répression ainsi que ceux des personnes et des entités bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou soutenant celui-ci et des personnes et entités qui leur sont liées ont été inscrits sur les listes figurant à l’annexe II du règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement (UE) no 442/2011 (JO 2012, L 16, p. 1), et à l’annexe I de la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14).

5        Compte tenu de la gravité persistante de la situation en Syrie, le Conseil a adopté, le 12 octobre 2015, la décision (PESC) 2015/1836, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75), ainsi que le règlement (UE) 2015/1828, modifiant le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 266, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de 2015 »).

6        Aux termes du considérant 5 de la décision 2015/1836, le Conseil a considéré « qu’il [était] nécessaire de maintenir les mesures restrictives en vigueur et d’assurer leur efficacité, en les développant tout en maintenant l’approche ciblée et différenciée qui [était] la sienne et en gardant à l’esprit la situation humanitaire de la population syrienne [et] que certaines catégories de personnes et d’entités [revêtaient] une importance particulière pour l’efficacité de ces mesures restrictives, étant donné la situation spécifique qui [régnait] en Syrie ».

7        Par conséquent, la rédaction des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été modifiée par la décision 2015/1836. Ces articles prévoient désormais des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres ainsi que le gel des fonds et des ressources économiques des personnes relevant des catégories de personnes mentionnées au paragraphe 2, sous a) à g), de ces articles, dont la liste figure à l’annexe I de la décision 2013/255, excepté, conformément à leur paragraphe 3, s’il existe des « informations suffisantes indiquant [que ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, lié[e]s au régime ou qu’[elles] n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’[elles] ne sont pas associé[e]s à un risque réel de contournement ».

8        En particulier, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du considérant 7 de la décision 2015/1836, « le pouvoir en Syrie s’exerce traditionnellement sur une base familiale [et] le pouvoir du régime syrien actuel est essentiellement entre les mains des membres influents des familles Assad et Makhlouf », le Conseil a estimé qu’il était nécessaire de prévoir des mesures restrictives à l’encontre de certains membres de ces familles, « tant pour influencer directement le[dit] régime par le biais de membres de ces familles afin que celui-ci modifie sa politique de répression, que pour éviter le risque de contournement des mesures restrictives par des membres de ces familles ».

9        Ainsi, à la suite de l’adoption des actes de 2015, l’article 27, paragraphe 2, sous b), et l’article 28, paragraphe 2, sous b), de la décision 2013/255 soumettent désormais également aux mesures restrictives les « membres des familles Assad ou Makhlouf » (ci-après le « critère de l’appartenance familiale »). Parallèlement, l’article 15 du règlement no 36/2012 a été complété par un paragraphe 1 bis, sous b), qui prévoit le gel des avoirs des membres de ces familles.

10      Le 24 avril 2023, le Conseil a adopté, d’une part, la décision d’exécution (PESC) 2023/847, mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2023, L 109I, p. 26), et, d’autre part, le règlement d’exécution 2023/844, dont les considérants 3 à 5 ont énoncé ce qui suit :

« (3) Le Conseil constate que le régime syrien poursuit sa politique de répression. Compte tenu de la gravité persistante de la situation, le Conseil considère qu’il est nécessaire de maintenir les mesures restrictives en vigueur et d’en assurer l’efficacité en les développant tout en maintenant l’approche ciblée et différenciée qui les caractérise, et en gardant à l’esprit la situation humanitaire de la population syrienne. Le Conseil estime que certaines catégories de personnes et d’entités revêtent une importance particulière pour l’efficacité de ces mesures restrictives, étant donné la situation spécifique que connaît la Syrie.

(4) Le Conseil a estimé que les milices affiliées au régime soutiennent le régime syrien dans ses politiques répressives, commettent des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international pour le compte de ce régime et que leurs membres présentent un risque grave de continuer à en commettre […] Le Conseil estime donc que de nouvelles mesures restrictives sont nécessaires pour geler tous les fonds et ressources économiques appartenant à des membres de milices affiliées au régime syrien, ainsi qu’à des personnes et entités liées à certaines sociétés de sécurité privées qui soutiennent ces milices affiliées au régime, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent, et pour instituer des restrictions en matière d’admission contre ces personnes telles qu’elles ont été identifiées par le Conseil et dont la liste figure[, en ce qui concerne la décision d’exécution 2023/847, à l’annexe I de la décision 2013/255 et, en ce qui concerne le règlement d’exécution 2023/844, à l’annexe II du règlement no 36/2012].

(5) Le Conseil est profondément préoccupé par l’accroissement du commerce de stupéfiants en provenance de Syrie. En particulier, le Conseil a estimé que le commerce d’amphétamines est devenu un modèle économique dirigé par le régime, enrichissant le cercle interne du régime et lui procurant des recettes qui contribuent à sa capacité à poursuivre ses politiques de répression. Le Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives destinées à geler tous les fonds et ressources économiques appartenant à certaines personnes et entités impliquées dans la production ou le trafic de stupéfiants en provenance de Syrie telles qu’elles ont été identifiées par le Conseil et dont la liste figure[, en ce qui concerne la décision d’exécution 2023/847, à l’annexe I de la décision 2013/255 et, en ce qui concerne le règlement d’exécution 2023/844, à l’annexe II du règlement no 36/2012], de même que tous les fonds et ressources économiques qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent, et à instituer des restrictions en matière d’admission contre ces personnes, afin de les empêcher d’apporter un soutien au régime et d’accroître la pression exercée sur celui-ci afin qu’il modifie ses politiques de répression […] »

11      Par la décision d’exécution 2023/847 et le règlement d’exécution 2023/844, le nom du requérant a été inscrit respectivement à la ligne 329 de la liste figurant à l’annexe I, section A (Personnes), de la décision 2013/255 et à la ligne 329 de la liste figurant à l’annexe II, section A (Personnes), du règlement no 36/2012, pour le motif suivant :

« [Le requérant] est un cousin de Bachar al-Assad et est donc membre de la famille Assad. »

12      Le 25 avril 2023, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255, mise en œuvre par la décision d’exécution 2023/847, et par le règlement no 36/2012, mis en œuvre par le règlement d’exécution 2023/844 (JO 2023, C 142, p. 3). Par cet avis, les personnes concernées ont été informées du fait qu’elles pouvaient adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leur nom avait été inscrit sur les listes des personnes faisant l’objet de mesures restrictives.

13      Par lettre du 12 juillet 2023, le requérant a demandé au Conseil de lui communiquer l’ensemble des documents fondant l’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II, section A (Personnes), du règlement no 36/2012 (ci-après la « liste litigieuse »).

14      Par lettre du 13 juillet 2023, le requérant a adressé au Conseil une demande de réexamen et lui a demandé de procéder au retrait de son nom de la liste litigieuse.

15      Par lettre du 7 août 2023, le Conseil a communiqué au requérant le document portant la référence WK 4453/2023 DCL 1, contenant les éléments de preuve qui avaient fondé l’inscription de son nom sur la liste litigieuse (ci-après le « dossier de preuves »).

 Conclusions des parties

16      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement d’exécution 2023/844 en ce qu’il le concerne ;

–        annuler le règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement d’exécution 2023/844, en ce qu’il le concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

17      Le Conseil conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

18      Par son second chef de conclusions, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler le règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement d’exécution 2023/844, en ce qu’il le concerne.

19      Au stade de la réplique, le requérant précise notamment que le second chef de conclusions ne porte pas sur le règlement no 36/2012 dans sa version initialement adoptée par le Conseil, mais sur ce règlement, tel que modifié par le règlement d’exécution 2023/844, en ce qu’il le concerne.

20      Au regard des éclaircissements ainsi fournis par le requérant, il convient de considérer que le second chef de conclusions est, en substance, identique au premier chef de conclusions, tendant à l’annulation du règlement d’exécution 2023/844, en ce qu’il concerne le requérant.

21      Il s’en déduit que le second chef de conclusions se confond avec le premier chef de conclusions et n’a donc pas de portée autonome [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 juin 2021, Borborudi/Conseil, T‑580/19, EU:T:2021:330, point 33 (non publié)].

22      Il en résulte que le présent recours tend à l’annulation du règlement d’exécution 2023/844 (ci-après le « règlement attaqué »), en ce qu’il concerne le requérant.

23      À cet égard, il y a lieu de préciser qu’une partie requérante peut décider d’introduire un recours tendant uniquement à l’annulation d’un règlement d’exécution inscrivant son nom sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, à l’exclusion de la décision d’exécution correspondante (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Borborudi/Conseil, T‑580/19, EU:T:2021:330, point 28).

24      Tel est le cas en l’espèce, dans la mesure où le requérant n’a pas demandé, dans la requête, l’annulation de la décision d’exécution 2023/847, par laquelle son nom a été inscrit à la ligne 329 de la liste figurant à l’annexe I, section A (Personnes), de la décision 2013/255 (voir point 11 ci-dessus). Au demeurant, le requérant n’a pas indiqué, dans la réplique, que sa demande en annulation aurait concerné également cette décision d’exécution.

25      Ainsi, la circonstance que le présent recours soit limité à une demande en annulation du règlement attaqué ne fait pas obstacle à son examen, sans préjudice des conséquences qu’une éventuelle annulation de ce règlement pourrait avoir sur la décision d’exécution 2023/847 (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Borborudi/Conseil, T‑580/19, EU:T:2021:330, point 29).

26      C’est au regard des constatations qui précèdent qu’il convient de procéder à l’examen du bien-fondé du recours, ainsi délimité, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner la fin de non-recevoir opposée par le Conseil, tirée de la prescription de l’action en annulation visant le règlement no 36/2012.

 Sur le fond

27      À l’appui du présent recours, le requérant invoque formellement deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation et, le second, d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le Conseil en inscrivant son nom sur la liste litigieuse.

28      Il importe de relever que le second moyen doit être considéré comme étant tiré d’une « erreur d’appréciation » et non, comme l’indique le requérant dans ses écritures, d’une « erreur manifeste d’appréciation ».

29      En effet, si le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer, au cas par cas, si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis, il n’en demeure pas moins que les juridictions de l’Union européenne doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union (voir arrêt du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 35 et jurisprudence citée).

30      Il en résulte que le présent recours est fondé sur deux moyens, tirés, respectivement, d’une violation de l’obligation de motivation et d’une erreur d’appréciation.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

31      Le requérant fait valoir que la motivation fournie par le Conseil pour fonder l’inscription de son nom sur la liste litigieuse ne satisfait pas à l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

32      Il soutient, d’une part, que l’obligation de motivation ne se limite pas à ce que le motif fondant l’inscription de son nom sur la liste litigieuse soit compréhensible, mais que celui-ci doit également préciser les éléments concrets de fait et de droit justifiant une telle inscription.

33      D’autre part, le requérant estime que cette inscription ne peut être justifiée, en l’espèce, par le seul motif de son appartenance à la famille Assad et, notamment, par son lien de parenté au quatrième degré avec le président syrien Bachar Al Assad (ci-après le « président syrien »). En particulier, un tel motif ne serait adapté ni à la nature du règlement attaqué ni au contexte dans lequel ce règlement a été adopté, qui impliqueraient de démontrer l’existence de liens avec le régime syrien. Or, le motif de l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse ne ferait aucunement référence à de tels liens. Le requérant serait ainsi l’unique membre de la famille Assad dont le nom aurait été inscrit sur la liste litigieuse au seul motif de son appartenance à cette famille, à défaut de tout élément démontrant son lien avec le régime syrien.

34      Le Conseil conteste cette argumentation.

35      En premier lieu, il convient de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux [voir arrêt du 18 mai 2022, Foz/Conseil, T‑296/20, EU:T:2022:298, point 41 (non publié) et jurisprudence citée].

36      En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cet acte. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond dudit acte, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêts du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37 et jurisprudence citée, et du 12 juin 2024, Shammout/Conseil, T‑649/22, non publié, EU:T:2024:376, point 32 et jurisprudence citée).

37      Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37).

38      En l’occurrence, il y a lieu de relever que les arguments du requérant visant à contester l’inscription de son nom sur la liste litigieuse au seul motif de son appartenance à la famille Assad (voir point 33 ci-dessus) se rattachent, en réalité, à l’analyse du bien-fondé des motifs du règlement attaqué.

39      Partant, il convient d’examiner ces arguments dans le cadre du second moyen, tiré d’une erreur d’appréciation.

40      En second lieu, il découle d’une jurisprudence constante que l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue le corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 60 et jurisprudence citée ; arrêt du 12 juin 2024, Shammout/Conseil, T‑649/22, non publié, EU:T:2024:376, point 26).

41      En outre, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. La motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel de fonds doit ainsi permettre que soient identifiées les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles celui-ci considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 12 juin 2024, Shammout/Conseil, T‑649/22, non publié, EU:T:2024:376, point 27 et jurisprudence citée).

42      Par ailleurs, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 12 juin 2024, Shammout/Conseil, T‑649/22, non publié, EU:T:2024:376, point 28 et jurisprudence citée).

43      En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 12 juin 2024, Shammout/Conseil, T‑649/22, non publié, EU:T:2024:376, point 28 et jurisprudence citée).

44      C’est au regard des principes rappelés aux points 40 à 43 ci-dessus qu’il convient d’examiner le premier moyen.

45      En l’espèce, l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse est fondée sur le motif suivant :

« [Le requérant] est un cousin de Bachar al-Assad et est donc membre de la famille Assad. »

46      Il convient de relever qu’une telle motivation expose de façon claire et non équivoque le raisonnement qui a conduit le Conseil à inscrire le nom du requérant sur la liste litigieuse.

47      En effet, ladite motivation identifie les raisons spécifiques et concrètes, au sens de la jurisprudence visée au point 41 ci-dessus, qui ont justifié une telle inscription, à savoir le lien de parenté du requérant avec le président syrien et, partant, son appartenance à la famille Assad.

48      Le requérant ne saurait ainsi prétendre que la motivation fournie par le Conseil ne précise pas les justifications des mesures restrictives adoptées à son égard. De surcroît, une telle motivation est suffisamment compréhensible pour que le requérant ait pu introduire le présent recours.

49      Il s’ensuit que la motivation du règlement attaqué, en ce qu’elle concerne le requérant, permet au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité conformément à la jurisprudence citée aux points 40 et 41 ci-dessus.

50      Une telle conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par l’argument du requérant selon lequel cette motivation ne serait pas adaptée à la nature du règlement attaqué et au contexte dans lequel ce règlement a été adopté.

51      D’une part, il y a lieu de souligner que, ainsi qu’il ressort de son intitulé, le règlement attaqué met en œuvre le règlement no 36/2012, qui fixe les critères d’inscription sur la liste litigieuse.

52      Or, l’article 15, paragraphe 1 bis, sous b), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, énonce de façon claire et non équivoque, parmi ces critères, celui tiré de l’appartenance aux « familles Assad ou Makhlouf ».

53      D’autre part, s’agissant du contexte dans lequel s’inscrit le règlement attaqué, il convient de rappeler que le Conseil a considéré, au regard de la situation spécifique qui régnait en Syrie, que certaines catégories de personnes et, notamment, les membres des familles Assad et Makhlouf, revêtaient une importance particulière pour l’efficacité des mesures restrictives adoptées à l’encontre de ce pays (voir points 5 à 9 ci-dessus et points 72 à 79 ci-dessous).

54      Un tel contexte est, d’ailleurs, mis en exergue par le considérant 3 du règlement attaqué. En effet, il en ressort que, dans la mesure où le régime syrien poursuit sa politique de répression, le Conseil a considéré qu’il était nécessaire de « maintenir les mesures restrictives en vigueur et d’en assurer l’efficacité en les développant tout en maintenant l’approche ciblée et différenciée qui les caractéris[ait] », en rappelant que « certaines catégories de personnes et d’entités revêt[ai]ent une importance particulière pour l’efficacité de ces mesures restrictives, étant donné la situation spécifique que conna[issai]t la Syrie » (voir point 10 ci-dessus).

55      Partant, la motivation du règlement attaqué est suffisante, au sens de la jurisprudence visée au point 42 ci-dessus, au regard non seulement du libellé de ce règlement, mais également du contexte dans lequel il a été adopté.

56      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être écarté.

 Sur le second moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

57      Le requérant soutient que le Conseil a commis une erreur d’appréciation en inscrivant son nom sur la liste litigieuse au seul motif de son appartenance à la famille Assad et, en particulier, de son lien de parenté au quatrième degré avec le président syrien.

58      Le Conseil conteste cette argumentation.

–       Considérations liminaires

59      Il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119, et du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 36).

60      Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120, et du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 37).

61      C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121, et du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 38).

62      À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122, et du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 39).

63      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées notamment par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124, et du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 40).

64      L’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir arrêt du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 41 et jurisprudence citée).

65      Par ailleurs, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’enjeu, qui fait partie du contrôle de la proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures, du fait qu’il était urgent d’adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin qu’il arrête la répression violente dirigée contre la population et de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46 ; voir, également, arrêt du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 42 et jurisprudence citée).

66      Ainsi, selon la jurisprudence, en l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse ou d’autres sources d’information similaires (voir arrêt du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 43 et jurisprudence citée).

67      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner le second moyen.

–       Sur le bien-fondé de l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse

68      Ainsi qu’il a été indiqué au point 11 ci-dessus, le nom du requérant a été inscrit sur la liste litigieuse au motif suivant :

« [Le requérant] est un cousin de Bachar al-Assad et est donc membre de la famille Assad. »

69      Afin de justifier une telle inscription, le Conseil a produit le dossier de preuves visé au point 15 ci-dessus, comportant divers éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des articles de presse, des captures d’écran provenant de sites Internet, des liens hypertextes ainsi que des publications sur des réseaux sociaux. Ces éléments identifient notamment le requérant comme étant un cousin paternel du président syrien.

70      En l’occurrence, il y a lieu de relever que le requérant ne conteste pas son lien de parenté avec le président syrien et, partant, son appartenance à la famille Assad.

71      Cependant, le requérant soutient que le seul motif de son appartenance à cette famille ne saurait constituer un critère suffisant pour justifier l’inscription de son nom sur la liste litigieuse, à défaut de l’existence de « liens de proximité » avec le régime syrien. En particulier, le Conseil n’aurait pas précisé dans quelle mesure le requérant aurait participé à la répression de la population syrienne, profité des politiques menées par le régime ou soutenu ce dernier et été impliqué dans des milices affiliées au régime ou le soutenant, ou dans la production ou le trafic de stupéfiants en provenance de Syrie.

72      À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que l’article 27, paragraphe 1, et l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient un critère général d’inscription sur les listes découlant, en substance, d’une association avec le régime syrien. C’est ainsi que, aux termes de ces dispositions, les personnes et les entités bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou soutenant celui-ci ainsi que les personnes qui leur sont liées peuvent faire l’objet de mesures restrictives adoptées par le Conseil (ci-après le « critère général d’association avec le régime syrien ») (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 49).

73      Ensuite, ainsi qu’il a été souligné aux points 5 à 9 ci-dessus, le critère général d’association avec le régime syrien a été complété, par les actes de 2015, par l’instauration de critères d’inscription spécifiques qui visent à assurer l’efficacité des mesures restrictives adoptées à l’encontre de la République arabe syrienne, au regard de l’importance particulière que revêtent certaines catégories de personnes. De tels critères figurent désormais à l’article 27, paragraphe 2, et à l’article 28, paragraphe 2, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 15, paragraphe 1 bis, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828. Selon la jurisprudence, ces dispositions instaurent, à l’égard de sept catégories de personnes qui appartiennent à des groupes déterminés, une présomption réfragable de lien avec le régime syrien. Parmi ces catégories figurent, notamment, les « membres des familles Assad ou Makhlouf » (voir arrêt du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 50 et jurisprudence citée).

74      Enfin, il découle de la jurisprudence que les critères d’inscription spécifiques à l’égard des sept catégories de personnes visées au point 73 ci-dessus sont autonomes par rapport au critère général d’association avec le régime syrien, de sorte que le simple fait d’appartenir à l’une de ces catégories suffit pour permettre de prendre les mesures restrictives prévues à ces articles, sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve du soutien que les personnes concernées apporteraient au régime syrien en place ou du bénéfice qu’elles en tireraient (voir arrêt du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 51 et jurisprudence citée).

75      Il s’en déduit que le critère de l’appartenance familiale, introduit par les actes de 2015, constitue un critère objectif, autonome et suffisant pour justifier l’adoption de mesures restrictives à l’encontre des « membres de [la] famille Assad » au seul motif de leur appartenance à cette famille (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 52).

76      Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, le Conseil n’était pas tenu d’étayer l’inscription de son nom sur la liste litigieuse par l’existence de ses liens avec le régime syrien et, en particulier, par son appartenance à des milices affiliées à ce régime ou son implication dans la production ou le trafic de stupéfiants en provenance de Syrie.

77      Dès lors, la circonstance que le requérant soit l’unique personne inscrite sur la liste litigieuse par le règlement attaqué au seul motif de son appartenance à la famille Assad est inopérante.

78      De même, l’argument du requérant fondé sur l’arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138), en vertu duquel l’application de mesures restrictives à des personnes physiques ne peut intervenir au seul motif de leur lien familial avec des personnes associées aux dirigeants du pays tiers concerné et indépendamment de leur comportement personnel, est dénué de pertinence en l’espèce. En effet, il y a lieu de relever que cet arrêt concerne un régime de mesures restrictives qui ne définissait pas, contrairement au régime en cause en l’espèce, des catégories de personnes à l’égard desquelles des mesures restrictives pouvaient être adoptées (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Haikal/Conseil, T‑189/19, non publié, EU:T:2020:607, point 149).

79      Il s’ensuit que le Conseil pouvait, en l’espèce, se fonder sur la seule appartenance du requérant à la famille Assad pour inscrire son nom sur la liste litigieuse.

80      Nonobstant ce qui précède, il convient de rappeler que le critère de l’appartenance familiale instaure une présomption uniquement réfragable de lien avec le régime syrien.

81      En effet, il ressort de l’article 27, paragraphe 3, et de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et de l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, que les noms des personnes relevant de l’une des sept catégories visées au point 73 ci-dessus ne sont pas inscrits ou maintenus sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’elles ne sont pas, ou ne sont plus, liées au régime syrien, qu’elles n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’elles ne sont pas associées à un risque réel de contournement des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 53).

82      Partant, il incombait au requérant, qui conteste le règlement attaqué, d’apporter des preuves permettant de renverser la présomption de lien avec le régime syrien.

83      À cet égard, il découle de la jurisprudence que, dans la mesure où la charge de la preuve du bien-fondé des motifs fondant les mesures restrictives incombe en principe au Conseil (voir point 61 ci-dessus), il ne saurait être imposé à la partie requérante un niveau de preuve excessif aux fins de renverser la présomption de lien avec le régime syrien (voir arrêt du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 56 et jurisprudence citée).

84      Ainsi, une partie requérante doit être considérée comme ayant réussi à renverser la présomption de lien avec ce régime, si elle fait valoir des arguments ou des éléments susceptibles de remettre sérieusement en cause la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil ou leur appréciation, ou si elle produit devant le juge de l’Union un faisceau d’indices concrets, précis et concordants de l’inexistence ou la disparition du lien avec le régime syrien, ou de l’absence d’influence sur ledit régime, ou de l’absence d’association avec un risque réel de contournement des mesures restrictives, conformément à l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (voir arrêt du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 57 et jurisprudence citée).

85      En l’espèce, pour renverser la présomption de lien avec le régime syrien, le requérant invoque trois griefs, qu’il convient d’examiner successivement.

86      En premier lieu, le requérant fait valoir qu’il n’entretient aucun lien avec le président syrien ou le régime syrien, et, en particulier, qu’il n’a jamais soutenu ce régime, bénéficié de ses politiques ou exercé d’activités illicites et qu’il s’est toujours tenu à l’écart de la sphère politique syrienne.

87      Au soutien d’une telle argumentation, le requérant produit les éléments de preuve suivants, qui se rattachent, en substance, à sa vie privée, familiale et professionnelle :

–        une copie de son registre d’état civil, délivrée par le ministère de l’Intérieur syrien le 22 juin 2023, attestant ses liens familiaux et, notamment, son mariage et sa filiation ;

–        une copie des attestations enregistrées auprès du service des agences et des entreprises étrangères du ministère de l’Économie et du Commerce extérieur syrien, déclarant les activités d’agent de voyage exercées par le requérant auprès de différentes compagnies aériennes, et, notamment, des compagnies Qatar Airways, Singapore Airlines et Jazeera Airways ;

–        une copie du certificat provenant du registre de commerce de Damas (Syrie), délivré le 5 avril 2023, qui atteste notamment l’exploitation, par le requérant, du restaurant « Sahara », situé à Damas ;

–        une copie de l’attestation de son appartenance au barreau de Damas, délivrée le 12 juillet 2023, dont il ressort qu’il a prêté serment le 30 septembre 1990 et qu’il exerce la profession d’avocat à Damas ;

–        une copie de l’extrait de son casier judiciaire vierge délivré le 22 juin 2023 par le ministère de l’Intérieur syrien ;

–        une copie, d’une part, de son certificat de résidence à Damas délivré le 22 juin 2023 par le ministère de l’Intérieur syrien et, d’autre part, de sa carte de séjour délivrée par les autorités des Émirats arabes unis le 11 octobre 2022 et expirant le 10 octobre 2024.

88      Le Conseil conteste cette argumentation.

89      Premièrement, le requérant soutient qu’il réside en partie à Damas, en Syrie, et en partie à Dubaï, aux Émirats arabes unis.

90      À cet égard, il suffit de rappeler que le fait de vivre en dehors de la Syrie ne constitue pas, en soi, une circonstance suffisante permettant d’affirmer ne pas être lié au régime syrien (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2024, Makhlouf/Conseil, T‑209/22, EU:T:2024:498, point 63 et jurisprudence citée). Il en va d’autant plus ainsi dans la situation du requérant, dont le domicile se situe en partie en Syrie, pays dans lequel celui-ci exerce, au demeurant, plusieurs activités professionnelles (voir point 87, deuxième, troisième et quatrième tirets ci-dessus).

91      Le premier argument du requérant n’est donc pas de nature à démontrer que celui-ci se serait distancié du régime syrien.

92      Deuxièmement, l’argument du requérant selon lequel il ne serait pas impliqué dans la sphère politique syrienne n’est pas davantage pertinent pour exclure tout lien avec ce régime.

93      D’une part, il convient de rappeler que, aux termes du considérant 7 de la décision 2015/1836, le pouvoir en Syrie s’exerce traditionnellement sur une base familiale et que le pouvoir du régime syrien est actuellement entre les mains, notamment, de la famille Assad (voir point 8 ci-dessus).

94      Ainsi, en raison de la tradition de gestion familiale du pouvoir en Syrie, le seul fait que le requérant n’a jamais occupé de fonction au sein de l’administration ou du gouvernement syrien ne constitue pas, en soi, une circonstance suffisante permettant de conclure à l’absence de lien avec le régime syrien [voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2024, Al-Assad/Conseil, T‑370/23, sous pourvoi, EU:T:2024:588, point 123 (non publié)].

95      D’autre part, les mesures restrictives adoptées sur le fondement du critère de l’appartenance familiale ne se limitent pas à viser les membres de la famille Assad qui sont impliqués dans la vie politique syrienne.

96      En effet, l’objectif de ces mesures est, ainsi qu’il ressort du considérant 7 de la décision 2015/1836, d’« influencer directement le régime par le biais de membres [des familles Assad et Makhlouf] afin que celui-ci modifie sa politique de répression » et d’« éviter le risque de contournement des mesures restrictives par des membres de ces familles ».

97      Il s’en déduit que le Conseil vise, par le biais desdites mesures, à inciter certains membres des familles Assad et Makhlouf à faire pression sur le régime syrien pour qu’il mette un terme à la répression de la population civile et à éviter le risque de contournement des mesures restrictives par des membres de ces familles (arrêt du 4 septembre 2024, Al-Assad/Conseil, T‑370/23, sous pourvoi, EU:T:2024:588, point 65). En effet, si les mesures restrictives adoptées à l’encontre de la Syrie ne visaient que les dirigeants du régime syrien, les objectifs poursuivis par le Conseil pourraient être mis en échec, dans la mesure où ces dirigeants pourraient contourner lesdites mesures par le biais de leurs proches.

98      Partant, le deuxième argument du requérant, au demeurant non étayé, n’est pas susceptible de renverser la présomption de lien avec le régime syrien.

99      Il en va de même, troisièmement, en ce qui concerne l’argument du requérant tiré de l’absence d’exercice d’activités illicites, qui est corroboré par la production d’un extrait de casier judiciaire vierge (voir point 87, cinquième tiret, ci-dessus).

100    En effet, un tel argument n’est pas de nature à démontrer l’absence de lien du requérant avec le régime syrien et doit donc être écarté.

101    Il résulte de ce qui précède qu’aucun des arguments du requérant liés à sa vie privée, familiale et professionnelle ne permet de renverser la présomption de lien avec le régime syrien, au sens de la jurisprudence visée au point 84 ci-dessus.

102    Par conséquent, il convient d’écarter le premier grief.

103    En deuxième lieu, le requérant remet en cause la fiabilité ainsi que la pertinence des éléments figurant, d’une part, au sein du dossier de preuves et, d’autre part, dans le document produit par le Conseil dans l’annexe B.4 du mémoire en défense. Plus particulièrement, de tels éléments ne permettraient pas d’établir qu’il « serait associé au régime [syrien], exercerait une influence sur celui-ci ou serait associé à un risque de contournement ».

104    Le Conseil conteste cette argumentation.

105    À titre liminaire, il importe de souligner que le Conseil ne s’est pas fondé sur le document produit dans l’annexe B.4 du mémoire en défense pour justifier l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse (voir points 15 et 69 ci-dessus), de sorte qu’un tel document n’est pas pertinent en l’espèce.

106    Ensuite, il y a lieu de relever que le deuxième grief repose sur la prémisse selon laquelle il appartenait au Conseil de démontrer l’existence de liens entre le requérant et le régime syrien.

107    Or, il importe de rappeler que l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse est fondée sur le motif unique de son appartenance à la famille Assad, laquelle, d’une part, ressort du dossier de preuves et, d’autre part, n’est pas contestée par le requérant.

108    Certes, ainsi que le souligne le Conseil dans ses écritures, le dossier de preuves contient également différents éléments visant à établir l’existence de liens entre le requérant et le régime syrien et, en particulier, son implication dans le trafic de captagon.

109    Toutefois, ainsi qu’il a été indiqué aux points 72 à 79 ci-dessus, la production de tels éléments n’était pas nécessaire, en l’espèce, pour justifier l’adoption de mesures restrictives à l’encontre du requérant. En particulier, contrairement à ce que ce dernier prétend, il ne saurait être déduit desdits éléments que le motif de l’inscription de son nom sur la liste litigieuse reposerait, en réalité, sur son implication présumée dans le trafic de captagon.

110    Ainsi, le requérant se borne, par son deuxième grief, à contester des éléments de preuve qui n’ont pas fondé l’inscription de son nom sur la liste litigieuse et que le Conseil n’était donc pas tenu de fournir. En revanche, il n’avance aucun indice tendant à démontrer, dans les conditions rappelées aux points 81 à 84 ci-dessus, qu’il se serait distancié du régime syrien.

111    Par conséquent, le deuxième grief invoqué par le requérant doit être écarté comme étant inopérant.

112    En troisième et dernier lieu, le requérant soutient, en substance, que le mécanisme de la présomption réfragable de lien avec le régime syrien constitue une violation de ses droits de la défense protégés par l’article 47 de la Charte. En particulier, une telle présomption serait impossible à renverser en pratique.

113    Le Conseil conteste cette argumentation.

114    À cet égard, il suffit de rappeler que, en vertu de l’article 27, paragraphe 3, et de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et de l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, les noms des personnes appartenant à l’une des sept catégories visées au point 73 ci-dessus ne sont pas inscrits ou maintenus sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives s’il existe des informations suffisantes indiquant que ces personnes ne sont pas, ou ne sont plus, liées au régime ou qu’elles n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’elles ne sont pas associées à un risque réel de contournement des mesures restrictives (voir point 81 ci-dessus).

115    Il en résulte que toute personne, nonobstant la qualité ou le statut en vertu duquel son nom a été inscrit sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, a la possibilité de rapporter des preuves de nature à remettre en cause une telle inscription. Il en va donc également ainsi, en l’espèce, pour le requérant en sa qualité de cousin du président syrien (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2024, Al-Assad/Conseil, T‑370/23, sous pourvoi, EU:T:2024:588, point 93).

116    Dans ces conditions, le requérant pouvait fournir tout indice en sa possession tendant à démontrer qu’il s’était distancié du régime syrien, tel que le fait de s’opposer publiquement aux actions de ce régime, en refusant de donner suite aux instructions qu’il aurait pu recevoir de celui-ci ou en démontrant qu’il n’était pas associé à un risque réel de contournement en produisant, par exemple, des indices de ce qu’il n’entretenait plus aucun contact avec le régime syrien (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2024, Sharif/Conseil, T‑503/23, sous pourvoi, EU:T:2024:582, point 45).

117    Dès lors, contrairement à ce que prétend le requérant, les membres des familles Assad ou Makhlouf ne se trouvent pas dans l’impossibilité pratique de renverser la présomption de lien avec le régime syrien. Le troisième grief doit donc être écarté.

118    Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le requérant n’a pas renversé la présomption de lien avec le régime syrien, de sorte que la décision du Conseil d’inscrire son nom sur la liste litigieuse au seul motif de son appartenance à la famille Assad n’est entachée d’aucune erreur d’appréciation.

119    Il y a donc lieu d’écarter le second moyen et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

120    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

121    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Mudar Al-Assad est condamné aux dépens.

Truchot

Sampol Pucurull

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : le français.

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