Athlet v EUIPO - Heuver Banden Groothandel (ATHLET) (EU trade mark - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-650/22 (17 January 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T65022.html
Cite as: [2024] EUECJ T-650/22, ECLI:EU:T:2024:11, EU:T:2024:11

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

17 janvier 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale ATHLET – Cause de nullité absolue – Mauvaise foi – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑650/22,

Athlet Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Me S. Reinhard, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Hanf, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Heuver Banden Groothandel BV, établie à Den Ham Ov (Pays-Bas), représentée par Mes R. Kunze, F. Tyra et E. Beer, avocats,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, MM. E. Buttigieg (rapporteur) et I. Dimitrakopoulos, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Athlet Ltd, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 8 août 2022 (affaire R 2214/2019-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 5 juillet 2010, Copernicus EOOD, prédécesseur en droit de la requérante (ci-après le « demandeur de la marque contestée »), a présenté une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ATHLET.

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 9 et 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser » ;

–        classe 9 : « Lentilles de contact ; jumelles » ;

–        classe 12 : « Véhicules pour le transport de personnes ainsi que leurs pièces et accessoires, compris dans la classe 12, à l’exception des chariots élévateurs, et leurs accessoires ; appareils pour le transport de personnes, à savoir véhicules automobiles à deux roues, trois roues et quatre roues, véhicules à propulsion musculaire pour la locomotion par terre, par terre et par eau et véhicules à propulsion éolienne et solaire avec et sans autorisation de circuler sur la voie publique, en particulier véhicules solaires pour la course pour la locomotion par terre, à l’exception des chariots élévateurs, ainsi que leurs pièces ».

5        Le demandeur de la marque contestée a revendiqué une priorité pour ladite marque, qui était fondée sur la demande d’enregistrement de la marque autrichienne ATHLET, portant le numéro 34/2010, déposée auprès de l’Office autrichien des brevets le 4 janvier 2010 pour les mêmes produits que ceux visés au point 4 ci-dessus.

6        La demande d’enregistrement de la marque contestée a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2011/130, du 13 juillet 2011.

7        La marque contestée a été enregistrée le 29 avril 2014, sous le no 009224692, pour les produits visés au point 4 ci-dessus. La date de priorité de cette marque, inscrite au registre, est celle du 4 janvier 2010.

8        La demande d’enregistrement de la marque contestée et ensuite la marque elle-même ont fait l’objet, depuis 2012, de plusieurs transferts successifs, à savoir le 10 juillet 2012 à la société Verus EOOD, le 27 août 2012 à la société Copernicus Trademarks Ltd, le 10 juillet 2014 à la société Ivo-Kermartin GmbH, le 18 octobre 2017 à la société Capella EOOD et le 11 mars 2019 à la requérante. Toutes ces sociétés avaient toutefois le même gérant, à savoir M. Erich Auer, que le demandeur de cette marque.

9        Le 2 février 2011, l’intervenante, Heuver Banden Groothandel BV, a demandé un enregistrement de la marque Benelux verbale ATHLETE pour les produits « jantes de roues de véhicules », compris dans la classe 12.

10      Le 17 mai 2011, l’intervenante a présenté une demande d’enregistrement international portant le numéro 1 081 395 de cette marque à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) en revendiquant la priorité de la marque Benelux, avec extension de la protection à l’Union européenne.

11      Par courrier du 6 octobre 2015, une société Ivo-Kermartin Ltd, en tant que licenciée exclusive de la marque contestée, également liée à M. Auer, a contacté l’intervenante pour lui enjoindre de fournir des informations sur l’utilisation de la marque ATHLETE et de présenter une déclaration d’abstention d’utilisation de celle-ci assortie d’une reconnaissance d’une obligation d’indemnisation. Le 23 décembre 2015, l’intervenante a obtenu du Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne, Allemagne) une ordonnance de référé ordonnant à la requérante de s’abstenir d’affirmer devant ses clients professionnels que l’usage de la marque ATHLETE constituait une contrefaçon. La requérante ayant contesté cette ordonnance, la même juridiction a, par un arrêt du 21 avril 2016, confirmé ladite ordonnance en référé en relevant, notamment, que l’invocation de la marque contestée afin d’enjoindre la cessation d’utilisation de la marque ATHLETE dans la vie des affaires, alors que la marque contestée avait été enregistrée sans intention réelle d’usage, mais dans l’objectif de contraindre les tiers à indemniser le titulaire en cas d’utilisation d’un signe similaire ou identique, était contraire aux principes de bonne foi et constituait un abus de droit. Le 5 août 2016, la licenciée exclusive de la marque contestée a également engagé devant l’Oberlandesgericht Hamburg (tribunal régional supérieur de Hambourg, Allemagne) une procédure en contrefaçon et en indemnité contre les distributeurs des produits sous la marque ATHLETE en se fondant sur la marque contestée.

12      Le 19 mai 2019, l’intervenante a introduit, auprès de l’EUIPO, une demande en nullité de la marque contestée sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, point b), du règlement no 207/2009.

13      Par décision du 31 juillet 2019, la division d’annulation de l’EUIPO a fait droit à la demande en nullité au motif que le comportement du demandeur de la marque contestée, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de ladite marque, devait être qualifié de mauvaise foi et, partant, était contraire à l’article 52, paragraphe 1, point b), du règlement no 207/2009.

14      Le 30 septembre 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

15      Le 7 octobre 2019 et le 22 février 2021, la requérante a formé, au titre de l’article 169, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, des demandes en récusation des membres des chambres de recours auxquelles l’affaire avait été attribuée. La première de ces demandes est devenu sans objet à la suite de la réattribution de l’affaire à une autre chambre de recours, et la seconde a été rejetée comme étant partiellement sans objet et partiellement non fondée. La requérante n’a pas formé de recours au titre de l’article 72 dudit règlement contre cette dernière décision.

16      Le 12 août 2020, la requérante a déposé une demande d’examen prioritaire au titre de l’article 31 du règlement 2017/1001. Le 13 novembre 2020, l’EUIPO a rejeté cette demande.

17      Par communication du rapporteur du 18 mars 2022, la requérante a été invitée, notamment, à préciser l’objectif poursuivi par les demandes d’enregistrement répétées du signe verbal ATHLET en Autriche. Le 30 avril 2022 la requérante a présenté sa réponse à cette invitation.

18      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En substance, elle a relevé que la décision de la division d’annulation n’a pas été adoptée en violation du devoir d’impartialité et que celle-ci a conclu, à bon droit, à la mauvaise foi du demandeur de la marque contestée au regard des éléments de preuve étayant l’absence d’intention d’usage de cette marque, ainsi que la stratégie malhonnête de blocage par les dépôts répétitifs et abusifs de demandes d’enregistrement de marques nationales. Elle a relevé, en substance, qu’une telle stratégie contrevenait aux objectifs légitimes résultant du système de protection des marques de l’Union européenne et a rejeté les arguments de la requérante visant à démontrer l’intention légitime de son comportement lequel se rapporterait à une activité de « développeur de marques » poursuivie par son gérant qui était également le gérant du demandeur de la marque contestée au moment du dépôt de celle-ci. À cet égard, elle a fait référence, notamment, aux conclusions résultant de l’arrêt du 7 juillet 2016, Copernicus-Trademarks/EUIPO – Maquet (LUCEO) (T‑82/14, EU:T:2016:396), à la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 16 juillet 2021 dans l’affaire R 1125/2020-4, ayant constaté l’existence de la mauvaise foi du demandeur de la marque MONSOON, également lié à M. Auer, ainsi qu’à plusieurs décisions des juridictions nationales.

 Conclusions des parties

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

20      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens si l’audience est organisée.

21      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens afférents à la présente procédure et à la procédure devant la chambre de recours.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

22      L’intervenante soutient que le recours est irrecevable. Premièrement, elle estime que le délai de deux mois prévu à l’article 72, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 pour former un recours devant le Tribunal avait expiré au moment de son introduction. Deuxièmement, la requérante ne serait pas dûment représentée par un avocat dans le cadre de la présente procédure, en violation de l’article 51, paragraphe 1 du règlement de procédure du Tribunal. Troisièmement, les moyens soulevés ne seraient pas clairement exposés, en violation de l’article 177, paragraphe 1, sous d), dudit règlement de procédure.

23      En premier lieu, il convient de relever que le délai de recours a été respecté en l’espèce. En effet, le 17 octobre 2022, soit six jours ouvrables avant l’expiration du délai recours, la requérante a déposé une demande d’aide juridictionnelle en application de l’article 147 du règlement de procédure. Conformément au paragraphe 7 de cette disposition, le délai prévu pour l’introduction du recours a été suspendu jusqu’à la date de la signification de l’ordonnance statuant sur cette demande d’aide juridictionnelle, en l’occurrence jusqu’au 1er décembre 2022. Il s’ensuit que le recours déposé le 7 décembre 2022 n’est pas tardif. Il y a donc lieu de rejeter la première fin de non-recevoir soulevée par l’intervenante sans qu’il soit besoin de statuer sur sa demande d’accès au dossier de procédure dans l’affaire T‑650/22 AJ, celle-ci ayant été motivée uniquement par les allégations de l’intervenante concernant le non-respect du délai de recours. En tout état de cause, l’intervenante n’ayant pas été une partie à la procédure relative à l’aide juridictionnelle, laquelle est distincte de la présente procédure, les dispositions du point E.2 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure, qu’elle invoque pour fonder sa demande d’accès, ne lui sont pas applicables.

24      En deuxième lieu, concernant la représentation obligatoire de la requérante par un avocat, le Tribunal constate que la requête avait été signé par Me Reinhard qui a déposé, conformément à l’article 51, paragraphe 2, du règlement de procédure, en tant qu’annexe A.7 à la requête, une copie de sa carte professionnelle délivrée par l’ordre des avocats de Stuttgart, certifiant ainsi qu’il est habilité à exercer devant une juridiction allemande. De même, un mandat délivré par la requérante en faveur de Me Reinhard a été déposé, conformément à l’article 51, paragraphe 2, dudit règlement, en tant qu’annexe A.3 à la requête. Il convient d’en conclure que la requérante est dûment représentée par un avocat habilité à exercer devant les juridictions d’un État membre au sens de l’article 19 du statut de la Cour de justice et, par conséquent, de rejeter la deuxième fin de non-recevoir soulevée par l’intervenante.

25      En troisième lieu, contrairement à ce que soutient l’intervenante, la requête contient un exposé suffisamment clair et précis des moyens invoqués pour lui permettre, ainsi qu’à l’EUIPO, de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. En effet, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels le recours est fondé ressortent d’une façon suffisamment cohérente et compréhensible du texte de la requête de sorte que celle-ci est conforme aux exigences visées à l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure. Par conséquent, il convient de rejeter la troisième fin de non-recevoir soulevée par l’intervenante.

 Sur le fond

26      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 5 juillet 2010, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 par la requérante et l’intervenante dans leurs écritures comme visant l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique. De même, il convient d’entendre les références faites par ces mêmes parties à l’article 34 du règlement 2017/1001 comme visant l’article 29 du règlement no 207/2009, dont les paragraphes 1 à 5 ont une teneur identique.

27      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

28      À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, cinq moyens, tirés, le premier, de la dénaturation des faits et des éléments de preuve, le deuxième, d’une violation des dispositions du traité FUE, ainsi que, en substance, d’une violation des droits de l’homme et des droits fondamentaux, le troisième, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, ainsi que, en substance, de la dénaturation des éléments de preuve, des erreurs d’appréciation, de la violation de l’obligation de motivation et de l’absence de l’examen complet du dossier et d’une appréciation globale des circonstances de l’affaire, le quatrième, de la violation de l’article 29 dudit règlement et, le cinquième, de la violation de l’article 94 du règlement 2017/1001.

29      Il convient d’examiner tout d’abord, ensemble, les premier, troisième et quatrième moyens, puis, le deuxième moyen et, enfin, le cinquième moyen.

 Sur les premier, troisième et quatrième moyens, tirés de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et de l’article 29 de ce règlement ainsi que de la dénaturation des faits et des éléments de preuve, de la violation de l’obligation de motivation, et de l’absence de l’examen complet du dossier et d’une appréciation globale des circonstances de l’affaire

30      La requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 en concluant erronément à la mauvaise foi du demandeur de la marque contestée et de son représentant lors du dépôt de la demande d’enregistrement de ladite marque. Elle soutient, en particulier, que son modèle commercial ne s’inscrit pas dans une stratégie de dépôts abusifs de demandes de marque. Elle estime que, partant, ladite chambre a dénaturé les faits et les éléments de preuve présentés au cours de la procédure administrative ou les a appréciés de manière incorrecte ou incomplète, a violé l’article 29 du règlement no 207/2009 et son obligation de motivation, et n’a pas procédé à une appréciation globale des circonstances de l’affaire.

31      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

32      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, le régime de la marque de l’Union européenne repose sur le principe selon lequel un droit exclusif est conféré au premier déposant.

33      En vertu de ce principe, un signe ne peut être enregistré en tant que marque de l’Union européenne que pour autant qu’une marque antérieure n’y fasse pas obstacle, qu’il s’agisse, notamment, d’une marque de l’Union européenne, d’une marque enregistrée dans un État membre ou par l’Office Benelux de la propriété intellectuelle (OBPI), d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre ou encore d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union européenne [voir arrêts du 29 juin 2017, Cipriani/EUIPO – Hotel Cipriani (CIPRIANI), T‑343/14, EU:T:2017:458, point 23 et jurisprudence citée, et du 7 septembre 2022, Segimerus/EUIPO – Karsten Manufacturing (MONSOON), T‑627/21, non publié, EU:T:2022:530, point 21 et jurisprudence citée].

34      L’application du « principe du premier déposant » est nuancée, notamment, par l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, selon lequel la nullité d’une marque de l’Union européenne doit être déclarée, sur demande présentée devant l’EUIPO, ou sur demande reconventionnelle introduite dans le cadre d’une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque (voir arrêt du 7 septembre 2022, MOONSOON, T‑627/21, non publié, EU:T:2022:530, point 23 et jurisprudence citée).

35      À cet égard, il y a lieu de noter que la notion de mauvaise foi n’est ni définie, ni délimitée, ni même décrite d’une quelconque manière dans la législation [voir arrêt du 6 juillet 2022, Zdút/EUIPO – Nehera e.a. (nehera), T‑250/21, EU:T:2022:430, point 21 et jurisprudence citée]. Néanmoins, il convient d’observer que la Cour et le Tribunal ont apporté plusieurs précisions sur la manière dont il convenait d’interpréter la notion de mauvaise foi telle que visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et d’apprécier l’existence de cette dernière.

36      En premier lieu, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de mauvaise foi suppose la présence d’un état d’esprit ou d’une intention malhonnête (arrêts du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45, et du 29 janvier 2020, Sky e.a., C‑371/18, EU:C:2020:45, point 74).

37      La notion de mauvaise foi doit en outre être comprise dans le contexte du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. À cet égard, les règles sur la marque de l’Union européenne visent, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l’Union européenne, dans lequel chaque entreprise doit, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance (arrêts du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45, et du 29 janvier 2020, Sky e.a., C‑371/18, EU:C:2020:45, point 74).

38      Par conséquent, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine rappelée au point 37 ci-dessus (arrêts du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 46, et du 29 janvier 2020, Sky e.a., C‑371/18, EU:C:2020:45, point 75).

39      En deuxième lieu, l’intention du demandeur d’une marque est un élément subjectif qui doit cependant être déterminé de manière objective par les autorités administratives et juridictionnelles compétentes. Par conséquent, toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce. Ce n’est que de cette manière que l’allégation de mauvaise foi peut être appréciée objectivement (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 47 et jurisprudence citée).

40      Dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il peut également être tenu compte de l’origine du signe contesté et de son usage depuis sa création, de la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement du signe en tant que marque de l’Union européenne ainsi que de la chronologie des événements ayant caractérisé la survenance dudit dépôt (voir arrêt du 7 juillet 2016, LUCEO, T‑82/14, EU:T:2016:396, point 32 et jurisprudence citée ; arrêt du 6 juillet 2022, nehera, T‑250/21, EU:T:2022:430, point 30).

41      En troisième lieu, il convient de rappeler qu’il incombe au demandeur qui entend se fonder sur le motif de nullité absolue visé à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 d’établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque de l’Union européenne était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière (voir arrêt du 7 juillet 2016, LUCEO, T‑82/14, EU:T:2016:396, point 33 et jurisprudence citée), la bonne foi du déposant étant présumée jusqu’à preuve du contraire [voir arrêt du 21 avril 2021, Hasbro/EUIPO – Kreativni Dogadaji (MONOPOLY), T‑663/19, EU:T:2021:211, point 42 et jurisprudence citée].

42      Toutefois, lorsque l’EUIPO constate que les circonstances objectives du cas d’espèce invoquées par le demandeur en nullité sont susceptibles de conduire au renversement de la présomption de bonne foi dont bénéficie le titulaire de la marque en cause lors du dépôt de la demande d’enregistrement de celle-ci, il appartient à ce dernier de fournir des explications plausibles concernant les objectifs et la logique commerciale poursuivis par la demande d’enregistrement de ladite marque (arrêt du 21 avril 2021, MONOPOLY, T‑663/19, EU:T:2021:211, point 43).

43      En effet, le titulaire de la marque en cause est le mieux placé pour éclairer l’EUIPO sur les intentions qui l’animaient lors de la demande d’enregistrement de cette marque et pour lui fournir des éléments susceptibles de le convaincre que, en dépit de l’existence de circonstances objectives, ces intentions étaient légitimes (voir arrêt du 21 avril 2021, MONOPOLY, T‑663/19, EU:T:2021:211, point 44 et jurisprudence citée).

44      Enfin, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Cette obligation substantielle a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 8 mars 2018, Cinkciarz.pl/EUIPO (€$), T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125 point 15 et jurisprudence citée ; arrêt du 16 décembre 2020, Cinkciarz.pl/EUIPO (€$), T‑665/19, non publié, EU:T:2020:631, point 27].

45      Toutefois, il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir arrêt du 13 juin 2017, Ball Beverage Packaging Europe/EUIPO – Crown Hellas Can (Canettes), T‑9/15, EU:T:2017:386, point 26 et jurisprudence citée].

46      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante présentés au titre des premier, troisième et quatrième moyens.

47      À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a retenu, dans la décision attaquée, plusieurs circonstances objectives lui permettant de conclure à l’existence de la mauvaise foi du demandeur de la marque contestée au moment du dépôt de la demande de cette marque.

48      En effet, tout d’abord, la chambre de recours a constaté que le demandeur des enregistrements successifs des marques autrichiennes ATHLET, ainsi que le demandeur de la marque contestée et toutes les sociétés auxquelles d’abord cette demande, puis la marque contestée ont été transférées, y compris, la requérante, étaient liées à la même personne, M. Auer, qui était un actionnaire unique et un gérant, et en même temps un représentant de celles-ci auprès de l’EUIPO.

49      Ensuite, en premier lieu, la chambre de recours a relevé l’existence, en l’espèce, d’une stratégie abusive de dépôts successifs par M. Auer ou une société liée à lui, des demandes de marques autrichiennes AHTLET, en vue de revendiquer la priorité pour une marque de l’Union européenne en vertu de l’article 29, paragraphe 1, du règlement no 207/2009.

50      Ainsi que l’a relevé à bon droit la chambre de recours, une telle stratégie, consistant en l’enchaînement successif de demandes d’enregistrement de marques nationales pour le même signe dans l’objectif d’obtenir une position de blocage pour une période excédant la durée du délai de réflexion de six mois prévu à l’article 29, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, en monopolisant le signe demandé, en l’espèce, le signe ATHLET, ne saurait être considérée comme un comportement commercial légitime, mais doit être considérée comme étant contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale et aux objectifs du règlement no 207/2009 et donc, conformément à la jurisprudence rappelée au point 38 ci-dessus, comme étant constitutive de la mauvaise foi (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 2016, LUCEO, T‑82/14, EU:T:2016:396, points 48, 49, 51, 52 et 88, et du 7 septembre 2022, MONSOON, T‑627/21, non publié, EU:T:2022:530, points 35 à 37).

51      En l’espèce, il y a tout d’abord lieu de rappeler que la demande de la marque contestée a été présentée le 5 juillet 2010 auprès de l’EUIPO avec comme date de priorité le 4 janvier 2010, et qu’elle était fondée sur la demande de la marque autrichienne ATHLET portant le numéro 34/2010, déposée auprès de l’Office autrichien des brevets (voir point 5 ci-dessus). En outre, ainsi qu’il ressort, notamment, des points 183 et 184 de la décision attaquée, ce qui n’est au demeurant pas contesté par la requérante, la demande de marque autrichienne, sur laquelle est fondée la date de priorité de la marque contestée, est le dernier maillon d’une chaîne de demandes d’enregistrement de marques nationales, qui ont été déposées tous les six mois depuis 2007 en Autriche par le gérant de la requérante ou par une société liée à ce dernier pour le même signe que la marque contestée, pour des produits et des services relevant au moins partiellement de classes identiques à celles revendiquées par cette dernière marque et qui n’ont aucun lien perceptible entre elles. Par ailleurs, il convient également de relever que ces demandes ont été successivement refusées par l’Office autrichien des brevets en raison du non-paiement des taxes de dépôt.

52      Il en résulte que M. Auer ou une entreprise liée à lui, en déposant avant l’expiration du délai de priorité des demandes successives d’enregistrement de marques nationales, ont prolongé de manière artificielle la période de six mois durant laquelle ils pouvaient prétendre revendiquer la priorité de la marque de l’Union, fondée sur le dernier maillon d’une telle chaîne des demandes. Une telle stratégie, laquelle n’est pas sans rappeler la figure de l’« abus de droit », est caractérisée par les circonstances selon lesquelles, d’une part, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union, l’objectif poursuivi par celle-ci n’est pas atteint et, d’autre part, il existe une volonté d’obtenir un avantage résultant de ladite réglementation en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 2016, LUCEO, T‑82/14, EU:T:2016:396, point 52 et jurisprudence citée, et du 7 septembre 2022, MONSOON, T‑627/21, non publié, EU:T:2022:530, points 36 et 37).

53      Si le demandeur de la marque contestée souhaitait étendre la protection du signe ATHLET en l’enregistrant en tant que marque de l’Union européenne, comme le prétend la requérante, ce qui relèverait d’une stratégie commerciale légitime, ce demandeur ou les titulaires successifs de cette marque auraient eu la possibilité de le faire bien avant, sans déposer plusieurs demandes d’enregistrement successives au niveau national, celles-ci étant en outre devenues non avenues en raison de non-paiement des taxes de dépôt à l’Office autrichien des brevets.

54      En second lieu, la chambre de recours a également tenu compte, dans le cadre de l’appréciation globale de la mauvaise foi du demandeur de la marque contestée, de l’absence, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de cette marque, de l’intention d’usage ou d’exploitation économiquement pertinents des droits sur celle-ci. À cet égard, elle a relevé, en substance, que les demandes de marques purement spéculatives, déposées aux fins autres que leur finalité initiale, s’écartaient des principes reconnus de conduite éthique ou de bonnes pratiques dans l’industrie et le commerce. S’agissant de l’intention d’usage de la marque contestée, laquelle devait être distinguée de l’obligation de l’usage, elle a relevé, notamment, l’absence de l’activité économique réelle avec les tiers, à savoir avec des sociétés non liées à M. Auer, portant sur cette marque. Dans ce contexte, elle a considéré que de nombreuses cessions de marques entre les sociétés dites « dormantes » en vertu du droit britannique, n’exerçant alors actuellement aucune activité commerciale, toutes liées à M. Auer et les unes aux autres, ne seraient pas de nature à démontrer l’« honnêteté » des intentions d’usage de la marque contestée, mais au contraire rendaient le modèle commercial malhonnête moins transparent.

55      Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas fondé ces conclusions sur les considérations « arbitraires » ou juridiquement erronées et non pertinentes portant sur l’absence d’un « concept de marketing » ou d’un « concept d’exploitation », mais sur l’absence d’intention d’usage, circonstance qui est pertinente pour apprécier l’existence de la mauvaise foi du demandeur de marque (voir, en ce sens, arrêts du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 44, et du 7 juillet 2016, LUCEO, T‑82/14, EU:T:2016:396, point 30). Ladite chambre n’a pas non plus enfreint les enseignements à tirer de l’arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a. (C‑371/18, EU:C:2020:45, point 78), dans la mesure où à aucun moment elle n’a présumé la mauvaise foi du demandeur de la marque contestée, mais a déduit celle-ci notamment de l’absence d’intention d’usage de cette marque en raison de l’absence de l’activité économique réelle avec les tiers, à savoir avec des sociétés non liées à M. Auer, portant sur cette marque. Pour les mêmes motifs, il y a également lieu de rejeter comme non-fondé l’argument de la requérante selon lequel, en examinant l’existence de l’intention d’usage, cette chambre a contrôlé la stratégie commerciale du demandeur.

56      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la demande d’enregistrement de la marque contestée ne s’inscrivait pas dans une stratégie de dépôt de demandes d’enregistrement abusive, mais dans le cadre d’une activité légitime de développement, de gestion et d’exploitation de marques, notamment par le biais de l’octroi de licences et de transferts, il convient de relever que, contrairement à ce qu’elle fait valoir, la chambre de recours n’a pas nié la possibilité pour un demandeur de poursuivre une activité consistant en la création et l’exploitation des marques mais a rejeté, comme non étayées ou non suffisantes au regard des circonstances de l’espèce, les allégations de la requérante selon lesquelles la demande de marque contestée poursuivait un but légitime s’inscrivant dans l’activité professionnelle du gérant du demandeur de la marque contestée en tant que développeur de marques.

57      À cet égard, la chambre de recours a notamment relevé que la requérante n’avait apporté aucune preuve d’une activité économique dirigée à l’égard des tiers, les cessions de la demande de la marque contestée et de cette marque n’ayant eu lieu qu’entre les sociétés liées entre elles et à la personne de M. Auer.

58      Dans ce contexte, la chambre de recours a également admis, en substance, au point 168 de la décision attaquée, que l’intention d’usage pouvait également résider dans une intention de concéder des droits sur une marque par le biais des licences ou de la vente à des tiers. Toutefois, en l’espèce, la requérante n’a apporté aucun indice d’une telle activité commerciale légitime de concession de licences ou de la vente de la marque, notamment à l’égard de l’intervenante. Au contraire, ainsi qu’il ressort du dossier de la procédure devant l’EUIPO, soumis au Tribunal, et, en particulier, ainsi qu’il a été relevé, en substance, dans la décision de la division d’annulation, entérinée par la chambre de recours, les sociétés liées au gérant de la requérante ont uniquement cherché à effectuer des pressions sur l’intervenante en vue d’obtenir une cessation de l’usage de sa marque ATHLETE et, le cas échéant, une compensation financière, comme cela ressort des échanges et des procédures judiciaires opposant les sociétés liées au gérant de la requérante à l’intervenante ou ses clients (voir point 11 ci-dessus).

59      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante tiré du fait que des cessions successives des marques sont transparentes dans la mesure où chaque titulaire de marque figure au registre officiel des sociétés, il y a lieu de relever que cette circonstance n’est pas susceptible de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours portant sur l’absence d’intention d’usage de la marque contestée. En effet, d’une part, les acquéreurs successifs étaient tous liés à M. Auer. D’autre part, ainsi que l’a relevé en substance ladite chambre, les transferts successivement opérés tout d’abord de la demande de la marque contestée et, ensuite, de cette marque (voir point 8 ci-dessus) avaient pu avoir comme effet de rendre moins évidente cette absence d’intention d’usage, en créant une impression que la marque contestée a été mise sur le marché avec succès et donc qu’une activité économique liée à celle-ci a eu lieu.

60      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours a pris en compte les circonstances objectives pertinentes et concordantes permettant de considérer que la demande de la marque contestée s’inscrivait dans une stratégie de dépôt abusive contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale, constitutive de mauvaise foi du demandeur au moment du dépôt de la demande. En revanche, la requérante n’a pas apporté d’explications plausibles concernant l’objectif et la logique commerciale poursuivis par la demande d’enregistrement de la marque contestée afin de démontrer que les intentions du demandeur de marque lors du dépôt de cette demande étaient légitimes, comme il lui incombait de faire en application de la jurisprudence rappelée au point 42 ci-dessus.

61      Aucun autre argument de la requérante visant à contester la légalité de la décision attaquée ne saurait prospérer.

62      Premièrement, la requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’obligation de motivation ainsi que le principe de bonne administration en n’ayant pas pris en compte tous les éléments de preuve présentés par la requérante, notamment, l’ouvrage produit en annexe au mémoire exposant les motifs de recours.

63      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort des points 121 à 125 de la décision attaquée, que la chambre de recours a expressément écarté comme irrecevable l’ouvrage en cause produit par la requérante pour la première fois devant elle, en vertu de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1).

64      À cet égard, la chambre de recours a indiqué, en substance, que l’ouvrage en cause répondait à l’exigence visée à l’article 27, paragraphe 4, sous b), du règlement délégué 2018/625.

65      En revanche, la chambre de recours a expliqué que la condition visée à l’article 27, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué 2018/625, n’était pas remplie s’agissant de l’ouvrage en cause. Elle a précisé, à cet égard, que, en l’absence de précision dans le mémoire exposant des motifs du recours et en l’absence de référence à cet élément de preuve, elle ne pouvait tirer aucune conclusion concrète quant aux faits de l’espèce. En outre, elle a rappelé que, quand bien même elle y avait été explicitement invitée dans la communication du rapporteur du 18 décembre 2020, la requérante n’a pas exposé quelles parties spécifiques dudit ouvrage étaient pertinentes pour la procédure devant elle et quelles conclusions la requérante en tirait pour la présente affaire.

66      Les motifs ainsi exposés sont suffisants pour permettre à la requérante de connaître les justifications ayant conduit la chambre de recours à écarter de son examen l’ouvrage en cause et au Tribunal d’exercer son contrôle, au sens de la jurisprudence rappelée au point 44 ci-dessus. Le grief de la requérante tiré de la violation de l’obligation de motivation doit donc être rejeté.

67      S’agissant du bien-fondé de la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’ouvrage en cause produit par la requérante pour la première fois devant elle doit être écarté de son examen, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, il appartient à la partie qui présente des faits et des preuves pour la première fois devant la chambre de recours d’exposer devant elle dans quelle mesure cette présentation satisfait aux conditions qui sont fixées à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 [arrêt du 6 octobre 2021, Kondyterska korporatsiia « Roshen »/EUIPO – Krasnyj Octyabr (Représentation d’un homard), T‑254/20, non publié, EU:T:2021:650, point 57]. La requérante n’ayant pas satisfait à cette obligation, c’est sans commettre d’erreur de droit que la chambre de recours a pu écarter, au point 125 de la décision attaquée, ledit ouvrage comme étant, à première vue, non pertinent pour l’issue de l’affaire, au sens de l’article 27, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué 2018/625.

68      Deuxièmement, la requérante fait valoir que les faits à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 juillet 2016, LUCEO (T‑82/14, EU:T:2016:396), sont différents de ceux à l’origine de la présente affaire de sorte que ce serait à tort que la chambre de recours s’est référée à cet arrêt pour soutenir la conclusion dans la décision attaquée. La requérante soutient qu’elle a exposé ces différences dans le cadre de ses observations du 20 juin 2022 sur le mémoire de l’intervenante.

69      À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que c’est à tort que la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir dénaturé les faits et les éléments de preuve qu’elle avait produits dans le cadre de la procédure administrative. En effet, la requérante procède d’une lecture erronée du point 188 de la décision attaquée, lequel doit être lu ensemble avec les points 185 à 187 de ladite décision. Ainsi, au point 188 de cette décision, la chambre de recours se réfère à la réponse de la requérante à la communication du rapporteur du 18 mars 2022 l’invitant à apporter des précisions, notamment, en ce qui concerne l’objectif poursuivi par les demandes d’enregistrement répétées du signe verbal ATHLET en Autriche (voir point 17 ci-dessus). Elle indique, en substance, que de telles précisions auraient été de nature à démontrer les intentions honnêtes et légitimes de telles démarches et de distinguer les faits de la présente affaire de ceux à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 juillet 2016, LUCEO (T‑82/14, EU:T:2016:396). Il ressort du dossier de la procédure devant l’EUIPO, soumis devant le Tribunal, que, ainsi que l’a relevé, en substance, la chambre de recours aux points 186 à 188 de la décision attaquée, dans sa réponse du 30 avril 2022 à ladite invitation, la requérante s’est bornée à faire valoir qu’il n’y aurait pas lieu de tenir compte des demandes nationales dans l’appréciation de la mauvaise foi du demandeur lors du dépôt de la marque contestée et a soulevé des interrogations sur la suite de la procédure. La requérante n’a toutefois pas répondu sur le fond à la question portant sur l’objectif de la logique commerciale poursuivie par les dépôts successifs des demandes d’enregistrement du signe ATHLET en tant que marque nationale. La chambre de recours n’a donc aucunement dénaturé les faits et les éléments de preuve produits par la requérante.

70      Ensuite, pour autant que la requérante se réfère aux explications qu’elle aurait apportées, à cet égard, dans ses observations du 20 juin 2022 sur le mémoire de l’intervenante déposé devant la chambre de recours, il convient de relever que, contrairement à ce qu’elle allègue, la chambre de recours les a examinées et évoquées, notamment, au point 230 de la décision attaquée. À cet égard, ladite chambre a relevé que le lien entre le fait que M. Auer disposait des licences commerciales en Autriche pour exercer une activité, notamment, de développement de marques, de leur exploitation par vente, de médiation ou de concession de licence et la question de savoir si le demandeur de la marque contestée a agi de mauvaise foi n’était pas apparent. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a examiné son argument tiré de ce que M. Auer, en tant que son gérant, était un créateur et « développeur » de marques. La requérante n’indique pas concrètement d’autres éléments pertinents pour la présente affaire qui ressortiraient de ses observations du 20 juin 2022 et qui n’auraient pas été, à tort, pris en considération par la chambre de recours. Cet argument de la requérante doit donc être rejeté.

71      Dans ce contexte, il convient encore de rejeter les arguments par lesquels la requérante fait valoir le caractère erroné en droit de l’arrêt du 7 juillet 2016, LUCEO (T‑82/14, EU:T:2016:396). À cet égard, il suffit de relever que cet arrêt est devenu définitif, la Cour ayant rejeté comme manifestement irrecevable le pourvoi formé par la requérante dans cette affaire (ordonnance du 14 décembre 2017, Verus/EUIPO, C‑101/17 P, non publiée, EU:C:2017:979).

72      Troisièmement, la requérante estime que la chambre de recours a enfreint les enseignements résultant de l’arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a. (C‑371/18, EU:C:2020:45). Elle fait valoir, en substance, que l’EUIPO a à tort apprécié l’existence de la mauvaise foi non à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, mais aux dates antérieures des dépôts successifs de demandes de marques nationales. À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a tenu compte des dates antérieures de dépôt de demandes de marques nationales en tant que circonstance objective pertinente visant à établir l’existence d’une stratégie commerciale abusive, dans laquelle s’inscrivait la demande de marque contestée. Cette circonstance est pertinente, dans l’appréciation globale de la mauvaise foi, en tant qu’élément démontrant la logique commerciale et la chronologie des événements ayant caractérisé la survenance du dépôt de ladite marque, conformément à la jurisprudence rappelée au point 40 ci-dessus.

73      Il en résulte que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’existence de la mauvaise foi n’a pas été appréciée par la chambre de recours à ces autres dates antérieures, mais bien à la date du dépôt de la marque contestée (voir, également, en ce sens, point 87 de la décision attaquée).

74      Quatrièmement, pour autant que la requérante se réfère au fait qu’il n’existait aucun autre droit antérieur identique ou similaire détenu par des tiers « pouvant prêter à confusion », ni au moment des demandes de marques nationales, ni au moment de la demande de marque de l’Union, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence, et notamment de l’arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a. (C‑371/18, EU:C:2020:45) (voir point 38 ci-dessus), auquel se réfère la requérante, que l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif, à des fins autres que celles relevant de la fonction d’une marque est susceptible de caractériser la mauvaise foi. Ainsi que le fait valoir l’EUIPO, le fait que le demandeur de la marque contestée ne connaissait pas, à la date de la priorité ou au moment du dépôt de la demande de l’enregistrement, l’existence de signes identiques ou similaires n’est pas susceptible de remettre en cause la conclusion de la décision attaquée, dans la mesure où la chambre de recours a suffisamment démontré l’existence d’une stratégie abusive de dépôts successifs visant à monopoliser le signe ATHLET en l’absence d’intention d’usage de celui-ci. En outre, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, la demande d’enregistrement d’une marque est susceptible d’être regardée comme ayant été introduite de mauvaise foi nonobstant l’absence, au moment de cette demande, de l’utilisation par un tiers, sur le marché intérieur, d’un signe identique ou similaire pour des produits identiques ou similaires (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 52).

75      Cinquièmement, il y a également lieu de rejeter les arguments de la requérante selon lesquels la chambre de recours a violé le système autonome de protection de la marque de l’Union européenne, d’une part, en prenant en compte les différentes demandes de marques nationales antérieures et, d’autre part, en « reprenant » des décisions des juridictions nationales. En effet, la chambre de recours devait prendre en considération toutes les circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce, conformément à la jurisprudence rappelée au point 39 ci-dessus. Ainsi, bien que le régime des marques de l’Union européenne soit un système autonome, indépendant de tout système national (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 72), elle pouvait néanmoins tenir compte des décisions des juridictions nationales remettant en cause, comme relevant de la mauvaise foi, le modèle commercial mis en place par M. Auer et visant à enregistrer les marques « de réserve » sans intention réelle d’usage et dans l’objectif principal d’entraver l’autrui, comme celles auxquelles se réfère cette chambre aux points 196 à 198 de la décision attaquée, dès lors que ces décisions étaient susceptibles de révéler les intentions de ce dernier et, par voie de conséquence, celles du demandeur de la marque contestée lors du dépôt de celle-ci.

76      Sixièmement, s’agissant de l’argument de la requérante visant l’absence de prise en compte par la chambre de recours de l’éventuelle mauvaise foi de l’intervenante, il suffit de constater que celui-ci est inopérant en ce qu’une mauvaise foi de l’intervenante, à la supposer établie, n’est pas susceptible de démontrer une erreur affectant la conclusion de la chambre de recours relative à l’annulation de la marque contestée en raison de la mauvaise foi du demandeur de celle-ci. En effet, la cause de nullité pour mauvaise foi est une cause de nullité absolue et ne saurait donc dépendre de la mauvaise foi de la personne qui demande l’annulation de la marque contestée (arrêts du 7 juillet 2016, LUCEO, T‑82/14, EU:T:2016:396, point 159, et du 7 septembre 2022, MONSOON, T‑627/21, non publié, EU:T:2022:530, point 43).

77      Septièmement, en ce qui concerne le fait que la première chambre de recours ne serait pas parvenue à la même conclusion dans la décision attaquée que celle à laquelle était parvenue la quatrième chambre de recours dans une décision antérieure ayant également trait à une société liée à M. Auer, il convient de rappeler que si l’EUIPO doit prendre en considération les décisions déjà adoptées et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, le respect du principe de légalité impose que l’examen de toute demande d’enregistrement soit strict et complet et ait lieu dans chaque cas concret, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépendant de critères spécifiques, applicables dans le cadre de circonstances factuelles de chaque cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 77). Or, s’agissant de l’application du motif de nullité absolue visé à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, conformément à la jurisprudence rappelé au point 41 ci-dessus, il incombe au demandeur qui entend se fonder sur ce motif d’établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque de l’Union européenne était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière. Ainsi, dans la mesure où, lors de l’appréciation de la mauvaise foi du demandeur de marque l’EUIPO tient compte, à titre principal, des circonstances avancées par le demandeur en nullité et des éléments de preuve que celui-ci produit à l’appui de sa demande, la requérante ne saurait utilement reprocher à la chambre de recours d’être parvenue, en l’espèce et en tenant compte de l’ensemble de circonstances factuelles mises en avant par l’intervenante, à une conclusion qui ne corresponde pas à celle à laquelle avait abouti une autre chambre de recours dans une procédure distincte portant sur la mauvaise foi d’un demandeur d’une autre marque lié à M. Auer.

78      Huitièmement, pour autant que la requérante fait valoir que la chambre de recours a contourné la disposition de l’article 29, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, il semble que, comme le fait valoir l’EUIPO, ce grief de la requérante renvoie à un passage d’une autre décision d’une autre chambre de recours. En tout état de cause, il convient de relever que, en l’espèce, la chambre de recours n’a pas remis en cause la validité de la priorité revendiquée en l’espèce, mais s’est fondée sur la stratégie entourant le dépôt de la marque contestée comme constituant une circonstance factuelle pertinente s’agissant de la mauvaise foi du demandeur de cette marque. Toutefois, conformément à la jurisprudence rappelée au point 34 ci-dessus, le droit de priorité n’est pas un droit absolu et ne s’applique pas au bénéfice du déposant de mauvaise foi au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. Ainsi qu’il ressort des points 49 et 50 ci-dessus, c’est la stratégie de dépôts successifs de demandes de marques nationales effectuées par M. Auer et la société liée à lui, visant à contourner les règles relatives à la priorité, qui est abusif de droit et non la décision de la chambre de recours ayant à juste titre constaté l’existence de la mauvaise foi du demandeur de la marque contestée.

79      Pour autant que par cet argument la requérante vise à contester l’existence, en l’espèce, des « dépôts en chaîne » des demandes de marques nationales, il importe de rappeler qu’elle n’apporte aucun argument concret visant à remettre en cause les constats factuels au point 183 de la décision attaquée relatifs aux dépôts successifs des demandes de marques autrichiennes (voir point 51 ci-dessus).

80      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours a respecté son obligation de motivation, n’a pas dénaturé les faits et les éléments de preuve, n’a pas procédé à un examen incomplet du dossier et a conclu à juste titre dans le cadre de l’appréciation globale des éléments objectifs et pertinents que le demandeur de la marque contestée était de mauvaise foi au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de cette marque au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

81      Les premier, troisième et quatrième moyens doivent donc être rejetés comme non-fondés.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des dispositions du traité FUE ainsi que, en substance, d’une violation des droits de l’homme et des droits fondamentaux

82      La requérante fait valoir que, en annulant la marque contestée, la chambre de recours l’a privée de son droit au profit de l’intervenante qui serait en situation illégale de vol de marque, et ce au détriment d’une concurrence non faussée et du bon fonctionnement du marché intérieur, garantis par le traité FUE. De même, elle estime que ladite chambre a violé son droit de propriété qui constitue l’un de ses droits fondamentaux. Elle invoque également une violation de l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, en ce que la procédure devant cette chambre a été excessivement longue, ainsi qu’une violation de sa liberté d’entreprendre, tiré de l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Enfin, elle se plaint de la partialité du rapporteur de la chambre de recours ayant adopté la décision attaquée.

83      L’EUIPO conteste les griefs de la requérante relatifs à la durée excessive de la procédure. L’intervenante ne formule pas d’observations sur le deuxième moyen.

84      En premier lieu, s’agissant des griefs portant sur une violation, par la chambre de recours, du traité FUE, des droits de l’homme et des droits fondamentaux, qui seraient attachés au droit de propriété sur la marque contestée, force est de constater que ceux-ci reposent sur une prémisse selon laquelle la décision attaquée serait illégale en ce que la chambre de recours aurait conclu, à tort, que le demandeur de ladite marque était de mauvaise foi au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de cette marque au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Toutefois, ainsi qu’il ressort de l’examen des premier, troisième et quatrième moyens ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours est arrivée à cette conclusion. Ainsi, la requérante ne saurait valablement faire grief à la chambre de recours de l’avoir privé de la jouissance des prérogatives attachées à la marque contestée, notamment, en tant que bien de propriété, ni de son droit d’entreprendre lequel, en application de la jurisprudence constante, ne constitue pas une prérogative absolue, mais doit être prise en considération par rapport à sa fonction dans la société [voir arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 45 et jurisprudence citée ; arrêt du 21 janvier 2015, Schwerdt/OHMI – Iberamigo (cat&clean), T‑587/13, non publié, EU:T:2015:37, point 54], de sorte qu’aucune violation des droits fondamentaux ou des droits de l’homme, ni une entrave à la concurrence non-faussée et au bon fonctionnement du marché intérieur, soulevées par la requérante, ne peuvent résulter de l’adoption de la décision attaquée.

85      En deuxième lieu, en ce qui concerne le grief de la requérante relatif à la durée excessive de la procédure, il convient de relever que le principe du respect d’un délai raisonnable, repris, en tant que composant du principe de bonne administration, par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte s’impose dans toute procédure administrative de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2005, Sunrider/OHMI (TOP), T‑242/02, EU:T:2005:284, point 51 et jurisprudence citée]. Ledit principe trouve à s’appliquer également aux procédures devant les différentes instances de l’EUIPO, y compris devant les chambres de recours (arrêt du 13 juillet 2005, TOP, T‑242/02, EU:T:2005:284, point 52).

86      Toutefois, la violation du principe de délai raisonnable d’une procédure administrative, à la supposer établie, ne justifie une annulation d’une décision adoptée à la suite d’une telle procédure que dans la mesure où la durée de la procédure aurait eu une quelconque incidence sur la solution du litige, en violation des droits de la défense de la requérante [voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2019, All Star/EUIPO – Carrefour Hypermarchés (Forme d’une semelle de chaussure), T‑611/17, non publié, EU:T:2019:210, point 91 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 avril 2019, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission, T‑371/17, non publié, EU:T:2019:232, point 31 et jurisprudence citée].

87      En l’absence d’incidence sur la solution du litige du non-respect du délai raisonnable de procédure, l’annulation de la décision attaquée ne remédierait pas à la violation du droit à une protection juridictionnelle effective. En effet, une telle annulation ne ferait que retarder ultérieurement l’adoption d’une décision définitive par l’EUIPO (voir arrêt du 29 mars 2019, Forme d’une semelle de chaussure, T‑611/17, non publié, EU:T:2019:210, point 92 et jurisprudence citée).

88      En l’espèce, la requérante n’a fait aucunement valoir que la durée de la procédure a affecté sa capacité à se défendre de sorte que, à supposer que cette durée doive être considérée comme étant déraisonnable, elle ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée. Le fait que la chambre de recours a refusé, sur le fondement de l’article 31 du règlement 2018/625, d’examiner le recours introduit par la requérante en priorité (voir points 143 à 145 de la décision attaquée), ne modifie en rien cette conclusion.

89      En tout état de cause, la durée de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée semble s’expliquer, à tout le moins partiellement, par les demandes de récusation des membres des chambres de recours introduites par la requérante (voir point 15 ci-dessus) et par la réattribution de l’affaire à la première chambre de recours, décidée en réponse à la première de ces demandes.

90      En troisième lieu, en ce qui concerne la partialité alléguée du rapporteur de la chambre de recours, il convient de relever, tout d’abord, que, conformément à l’article 169, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, « [l]es examinateurs et les membres des divisions ou d’une chambre de recours peuvent être récusés par toute partie pour l’une des raisons mentionnées au paragraphe 1 ou s’ils peuvent être suspectés de partialité ». La requérante a introduit deux demandes de récusation des membres de la chambre de recours au titre de cette disposition dont la première est devenue sans objet et la seconde a été rejetée par décision du 14 mars 2022 partiellement comme devenue sans objet et partiellement comme non fondée. La requérante n’a pas formé de recours contre cette décision (voir point 15 ci-dessus). En outre, elle n’a pas introduit de telles demandes en ce qui concerne plus particulièrement le rapporteur de la première chambre de recours dans la composition ayant adoptée la décision attaquée.

91      Ensuite, il convient de relever que l’exigence d’impartialité prévue par l’article 41 de la Charte recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est en charge de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 et jurisprudence citée).

92      En l’espèce, les allégations générales et non étayées de la requérante ne sont pas susceptibles d’établir que la décision attaquée a été adoptée en violation de l’obligation d’impartialité subjective ou objective. En effet, contrairement à ce que fait valoir la requérante, une telle violation ne saurait être déduite du seul fait que le rapporteur de la chambre de recours avait fait partie d’une autre chambre de recours ayant adopté la décision dans une autre affaire et ce quand bien même cette autre affaire impliquait une société dont, comme s’agissant de la requérante, M. Auer était le gérant.

93      Enfin, en ce qui concerne le prétendu conflit d’intérêt dans le chef du rapporteur de la chambre de recours du fait que lui-même et l’avocat de l’intervenante seraient membres de la même association à but scientifique en matière de propriété intellectuelle, il convient de relever que, à défaut d’autres éléments visant à démontrer que ledit rapporteur a manifesté un parti pris ou un préjugé personnel à l’égard de la requérante en faveur de l’intervenante, une telle circonstance, à la supposer établie, n’est pas susceptible d’établir l’existence d’une violation du devoir d’impartialité affectant la légalité de la décision attaquée.

94      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 94 du règlement 2017/1001

95      La requérante soutient que la chambre de recours n’a pas respecté son droit à être entendue en violation de l’article 94, du règlement 2017/1001.

96      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position.

97      Conformément à cette disposition, une chambre de recours ne peut fonder sa décision que sur des éléments de fait ou de droit sur lesquels les parties ont pu présenter leurs observations. Ladite disposition consacre, dans le cadre du droit des marques de l’Union européenne, le principe général de protection des droits de la défense en vertu duquel les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue. Le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel et non à la position finale que l’administration entend adopter [voir arrêt du 29 juin 2022, Hochmann Marketing/EUIPO (bittorrent), T‑337/20, non publié, EU:T:2022:406, point 82 et jurisprudence citée].

98      En l’espèce, la requérante ne présente aucun argument visant à démontrer que la chambre de recours a fondé la décision attaquée sur un élément de fait ou de droit sur lequel elle n’a pas pu prendre position et que, par conséquent, la décision attaquée a été adoptée en violation de son droit d’être entendu consacré à l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001.

99      Dans ces conditions, il convient de rejeter le cinquième moyen.

100    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté dans son intégralité, sans qu’il y ait lieu d’examiner la recevabilité des annexes A.1 et A.9 de la requête, contestée par l’EUIPO et l’intervenante.

 Sur les dépens

101    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombée, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusion de cette dernière.

102    S’agissant de la demande de l’intervenante tendant à la condamnation de la requérante à supporter les dépens afférents à la procédure devant la chambre de recours, il suffit de constater que, dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, ce sont les points 2 et 3 du dispositif de cette dernière qui continuent à régler les dépens exposés dans la procédure d’annulation et dans la procédure de recours devant l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Aldi/EUIPO – Sky (SKYLITe), T‑736/15, non publié, EU:T:2017:729, point 131].

103    Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas d’organisation d’une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Athlet Ltd supportera ses propres dépens ainsi que les dépens de Heuver Banden Groothandel BV.

3)      L’EUIPO supportera ses propres dépens.

Kowalik-Bańczyk

Buttigieg

Dimitrakopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 janvier 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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